HomeCameroun : une histoire coloniale

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Published on Tuesday, August 06, 2024

Abstract

Le groupe d'étude et de recherche sur la colonisation et les formes de domination en Afrique (GERCO) lance un appel à contribution pour la rédaction d’un ouvrage collectif sur le thème « Cameroun : une histoire coloniale ». C’est un projet qui vise à questionner, au-delà du statut juridique figé du territoire, la colonisation comme un phénomène historique. Au-delà des diverses approches et propositions, a-t-on véritablement interrogé les permanences et les influences du phénomène colonial ? Les héritiers de l’administration coloniale eurent-ils la volonté et les moyens d’organiser le procès de la colonisation ? Ne paraît-il pas nécessaire de s’interroger sur les goulots d’étranglement que constituent, à l’expérience, les pouvoirs politiques ?

Announcement

Sous la direction de Noumbissie M. Tchouaké

Argumentaire

Au début du XIXe siècle, alors que l’abolition de l’esclavage est à la mode dans les puissances européennes, une autre forme inédite de domination émerge progressivement. Ce qui n’est pas encore, « la colonisation », a comme terrain de prédilection, le continent africain. Sous le couvert de la mission de civilisation des peuples non européens, le projet hégémonique se construit en empruntant le discours de l’humanitaire[1]. Ce temps de l’histoire européenne, que de nombreux travaux présentent comme la phase de l’affirmation de la civilisation européenne[2], est la résultante de la métamorphose de la société européenne qui entre dans « la modernité ». Elle se manifeste à partir du moment où elle a pu, comme l’affirme Enrique Dussel, se confronter à un « Autre » qu’elle-même, c’est-à-dire, contrôler, vaincre et violenter. Quand elle a pu se définir comme un « ego » découvreur, conquérant, colonisateur, de l’altérité constitutive de la propre modernité »[3]. Pour les puissances occidentales, colonisatrices, la colonisation est un projet de l’humain qui vise à soulager des abus de l’esclavage. Car, dans la logique coloniale, il faut opérer sur les Africains un processus de dressage dont la finalité est de l’ouvrir à la civilisation. La traite négrière, vaste entreprise de transformation de l’homme en instrument, dans toutes ses variantes, balise la voie pour une forme spécifique de colonisation en Afrique. Elle installe dans la certitude des Européens que le corps de l’Africain n’a pas d’âme, qu’il est un outil nécessaire à l’économie européenne et à la colonisation. Pris sous la figure de l’animal, l’Africain subit un processus de domestication dans le but de le discipliner[4]. Ce processus aboutit à la mise en place d’une société inauthentique, qui revendique autant les traits grossiers de la société d’origine, que les travers de la société d’accueil, et que Georges Balandier nomme à partir de 1951 « la situation coloniale ».

La colonisation apparaît comme un processus de déstructuration et de total mise en dépendance des Africains. Pour Marie-Claire Smouts, dans la suite d’Aimé Césaire, la situation coloniale est un système complexe de relations de pouvoir où la société coloniale et la société colonisée sont imbriquées, où toutes les composantes du social interagissent « dans un continuel réajustement de leurs relations[5] ». Or, ce qui nourrit cette relation, c’est à la fois la violence physique et surtout symbolique, qui dans la logique bourdieusienne, nécessite et requiert la participation des dominés à leur propre domination. Ainsi, la colonisation, cette évolution historique spécifique, qui marque un moment déterminant dans les trajectoires des sociétés africaines, notamment la société camerounaise, est « une histoire de la brutalité ou plus précisément de brutalisation[6] ».

Au Cameroun, le statut juridique du territoire, c’est-à-dire le protectorat allemand (1884-1916), le condominium franco-britannique (1916-1922), le mandat (1922-1946) et la tutelle française et britannique (1946-1960), complexifie la définition et la compréhension du phénomène colonial dans cet espace stratégique de l’Afrique centrale. Si cette réalité plurielle alimente le débat historique depuis des années[7], il reste à déterminer l’historicité de la situation coloniale au Cameroun. Car, à travers les méandres entretenus par la mémoire collective, l’histoire buissonnière des nationalismes, la célébration de l’irrationnel pragmatisme, et les pratiques des acteurs, les nombreuses strates de l’histoire de cette rencontre furent enfouies dans des considérations politiques. Comment écrire l’histoire de la colonisation ou des colonisations au Cameroun ? En faisant l’expérience de la postcolonie, « celle de la trajectoire historique des sociétés récemment sorties de l’expérience que fut la colonisation », la seconde colonisation, notamment celle de l’esprit, met en relief la spécificité camerounaise. Richard Joseph, en relevant, dans une introspection aux fondements du mouvement nationaliste camerounais, que les élites politiques qui accèdent au pouvoir après l’indépendance au Cameroun sont celles qui ne défendirent pas son principe[8], ouvre un vaste champ de questionnement. Il nous invite à reconstituer le processus qui mène à la proclamation de l’indépendance, et surtout à éclairer cette transition de la colonisation à la décolonisation. Il s’agit aussi d’interroger les héritages, dans l’optique d’appréhender l’historicité de la situation coloniale dans un temps long, de faire lire les testaments par les processus d’enchevêtrement propre au temps colonial.

Cameroun : une histoire coloniale induit une problématique plurielle. C’est un projet qui vise à questionner, au-delà du statut juridique figé du territoire, la colonisation comme un phénomène historique. Le temps de la mise sur pied, qui laisse des traces, révèle des acteurs. Le temps de la transition, censé conduire vers des États-nations, dure et épuise les ambitions autant qu’il alimente les nostalgies. Dans ses effluves, la colonisation perdure au Cameroun[9]. Au-delà des diverses approches et propositions, a-t-on véritablement interrogé les permanences et les influences du phénomène colonial ? Les héritiers de l’administration coloniale eurent-ils la volonté et les moyens d’organiser le procès de la colonisation ? Ne paraît-il pas nécessaire de s’interroger sur les goulots d’étranglement que constituent, à l’expérience, les pouvoirs politiques ? Le pouvoir colonial, dénoncé à coups de slogans et de symboles, est-il rangé dans le débarras de l’histoire et loin des habitus des Camerounais ? Sous les traits sans fards du « commandement colonial » évoqué par Achille Mbembé, il réglemente le quotidien des Camerounais. La notion de postcolonie[10], vulgarisée par ce dernier, ne pose pas une frontière entre deux situations, ou deux périodes. Elle souligne cette rupture illusoire et la faiblesse des discontinuités qui divulguent « la falsification » et les logiques de « l’inachèvement » et de « l’enchevêtrement »[11].

Cet ouvrage collectif souhaite aborder plusieurs thématiques selon les axes suivants :

  • Les temps de la colonisation : de la domination à la décolonisation
  • Les hommes et les femmes de la colonisation
  • Les stratégies d’adaptation à la situation coloniale
  • Le conservatisme dans la situation coloniale
  • L’idée de progrès dans la vie politique coloniale
  • Les instruments de diffusion des idéologies politiques
  • Du processus de décolonisation à la Postcolonie : les héritages
  • Les comportements politiques dans l’État en construction
  • La colonisation et les cultures politiques au Cameroun

Éditeur

L'équipe de coordination de l'ouvrage est actuellement en discussion avec un éditeur local et recherche un éditeur étranger.

Modalités de soumission

L’évaluation se fera sur la base de l’article complet, en français ou en anglais, il contiendra une page précisant les noms et prénoms, les titres, les fonctions et l’institution de rattachement de l’auteur.

Les contributions seront adressées au mail suivant : gercohistoirepolitique@gmail.com

Calendrier

  • Réception des manuscrits : 2 décembre 2024

  • Réponse après évaluation par le comité scientifique : 2 février 2025 :
  • Publication : mai 2025.

Comité scientifique

  • Pr Noumbissie M. Tchouaké (Université de Dschang),
  • Pr Kouosseu Jules (Université de Dschang),
  • Pr Fouellefak Kana Célestine Colette (Université de Dschang),
  • Pr Mokam David (Université de Ngaoundéré),
  • Pr Tchumtchoua Emmanuel (Université de Douala),
  • Pr Dong Mougnol Gabriel (Université de Yaoundé I),
  • Pr Saha Zacharie (Université de Dschang),
  • Pr Ngoufo Sogang Théodore (Université de Dschang),
  • Pr Messanga Adolphe Gustave (Université de Dschang),
  • Pr Fouelefack Tsamo Christian (Université de Dschang),
  • Pr Fofack Éric Wilson (Université de Dschang),
  • Pr Keutcheu Joseph (Université de Dschang),
  • Pr Djimeli T. Alexandre (Université de Dschang),
  • Pr Ngouyamsa Valentin (Université de Dschang),
  • Pr Cyrille Bekono (Université de Yaoundé I),
  • Pr Bokalli Émile Sédar (Université d’Ebolowa).

Comité de rédaction

  • Noumbissie M. Tchouaké,
  • Pokam Kamdem Williams,
  • Assoua Elat Nicéphore,
  • Mbang Bang Kingué Jean,
  • Tedongmo Nadège épse Kaman,
  • Pountougnigni Njuh Ludovic,
  • Pessetve André Calvin,
  • Ngouné Patrick Junior,
  • Chessi Emmanuel,
  • Nguefack Gabin.

Consignes aux auteurs

Texte (Article)

Les articles doivent être originaux, et contenir 45 000 à 50 000 signes (espaces, notes, bibliographie, résumés et mots-clés compris), en format Word.

  • Un titre général composé en minuscules, puis un seul niveau de titre dans le texte (aligné à gauche, en gras et composé en minuscules) ;
  • Nom de l’auteur, institution/université/laboratoire de rattachement et coordonnées personnelles :
  • Le texte principal composé en maigre (ne pas utiliser de gras) ;
  • Les titres sont présentés en chiffres grecs (I. II…) en gras (12 points Garamond) et les sous-titres en italiques ;
  • Des références bibliographiques insérées entre crochets dans le texte sous la forme (Mveng, 1993 : 36) ; la mention de la page d’extraction est obligatoirement présente pour les citations, chiffres et statistiques ;
  • Des notes de bas de page s’il ne s’agit pas de références livresques (propos extraits d’entretiens, archives publiques, articles de journaux non signés, etc.).

Police et Style

  • La police recommandée est le Garamond (12 points pour le texte, et le Calibri 10 points pour les notes) ;
  • N’employez aucune feuille de style. Les longues citations de plus de trois lignes (un retrait 11 point)
  • L’interligne est simple et sans alinéa en début de paragraphe. Les paragraphes sont jointifs.

Si l’auteur-e de l’article soumis est l’auteur-e des photos, etc., celles-ci sont fournies dans les fichiers originels modifiables (.jpg, .eps, .xls, .ai, etc.), en noir et blanc, hors du texte.

  • Les photos sont fournies en haute définition (300 DPI) ;
  • Les crédits et sources sont indiqués ;
  • Les cartes et tableaux doivent être justes, clairs et pertinents.

- L’emplacement des illustrations, cartes, figures, etc., est indiqué dans l’article. Elles sont numérotées de manière séparée, en chiffres arabes. Les titres sont placés au-dessus et alignés à gauche ; les explications, légendes et sources sont placées au-dessous.

Sources et références bibliographiques

Placées en fin d’article, présentées en quatre blocs :

  • Archives
  • Ouvrages
  • Articles et travaux universitaires
  • Sources numériques

Classées par ordre alphabétique et limitées aux auteurs cités dans l’article. Elles reprennent les références bibliographiques insérées dans l’article sous la forme [Mveng, 1993 : 36]. On adoptera la présentation suivante :  

Pour un ouvrage

  • Mveng Engelbert, Histoire du Cameroun, Yaoundé, CEPER, 1985.

Pour une contribution à un ouvrage collectif :

  • Wassouni François, « Deux grandes figures de l’artisanat du cuir au Nord-Cameroun : Lawan Yougouda et Halilou », in Jules Kouosseu et Noumbissie M. Tchouaké (dir.), Figures de l’histoire du Cameroun XIXe XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2012.

Pour un article dans une revue :

  • Saha Zacharie, « Arts plastiques et sources de l’histoire », Grassfields, n° 1, 2021, p. 189-225.

Pour une thèse ou un mémoire :

  • Pokam Kamdem Williams, « Les mutations du secteur de l’énergie au Cameroun : dynamique entrepreneuriale et agencements public/privé (1904-2001) », Thèse de Doctorat Ph.D. en Histoire, Dschang, Université de Dschang, 2015.

Pour une publication numérique :

  • Commission de la vérité et de la réconciliation, informe final, [en ligne], Lima, CVR 2003, mis à jour le 15 février 2015 [consulté le 8 mai 2015]. Disponible sur http://www.cverdad.org.pe/ifinal/index.php

Notes

[1] Matasci Damiano & Marie-Luce Desgrandchamps (2020), « "Civiliser, développer, aider". Croiser l’histoire du colonialisme, du développement et de l’humanitaire », Histoire@Politique [En ligne], n° 41 www.histoire-politique.fr, consulté le 20/04/2024.

[2] Voir David Cosandrey (1997), Le secret de l’Occident, Paris, Arlea ; Jack Goody (2010), Le vol de l’histoire, Paris, Gallimard ; Jean Baechler (1995), Le capitalisme, Paris, Gallimard.

[3] Enrique Dussel (1992), 1492. L’occultation de l’autre, Paris, Éditions Ouvrières, p.6.

[4] Achille Mbembé (2000), De la postcolonie : essai sur l’imagination politique en Afrique, Paris, Karthala.

[5] Marie-Claire Smouts (2007) (Ed.), La situation postcoloniale, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, p.29.

[6] Achille Mbembé (2016), « Surmoi colonial et État sous tutelle », Préface à l’ouvrage de Thomas Deltombe et al (2016), La guerre du Kamerun : l’invention de la Françafrique, Paris, La découverte.

[7] Adamou Ndam Njoya (1976), Le Cameroun dans les relations internationales, Paris, Librairie Générale de Droit et Jurisprudence ; Dieudonné Oyono (1992), Colonie ou mandat international ? La politique française au Cameroun de 1919 à 1946, Paris, L’Harmattan.

[8] Richard Joseph (1986), Le mouvement nationaliste au Cameroun, les origines sociales de l’UPC, Paris, Karthala, p.19.

[9] Pierre Kipré (2007), « L’historiographie de l’Afrique des XIXe-XXe siècles : la contribution des historiens africains », Culture du Sud, n° 165, Retour sur la question coloniale, p.57.

[10] La postcolonie apparaît ainsi, comme des mécanismes de pouvoir qui constituent par leur combinaison une structure politique originale. Ces pays qui ont fait semblant de sortir de la nuit coloniale pour mieux s’engouffrer dans l’interminable cycle de la tyrannie autochtone. Achille Mbembé « étrange époque », AOC, sept, 2019. Voir aussi Tshikala Kayembe Biaya (1995), « Dérive épistémologique et écriture de l’histoire de l’Afrique contemporaine », Politique africaine, n° 60, pp. 110-116, précise que « la postcolonie est un concept riche, car il dresse le cadre général de l’État africain contemporain, son évolution, ses structures, son fonctionnement et ses idéologies ».

[11] Achille Mbembe (2000), De la Postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, p.18.


Date(s)

  • Monday, December 02, 2024

Attached files

Keywords

  • cameroun, colonisation, décolonisation, postcolonie, idéologie politique, acteur, actrice, héritage

Information source

  • Patrick Junior Ngouné
    courriel : patrickjuniorngoune [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Cameroun : une histoire coloniale », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, August 06, 2024, https://doi.org/10.58079/1252s

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