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juin 2020

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Archives de la catégorie ‘Livres’

Livre-débat: «Sur la formation d’un premier système planétaire dont les différentes parties sont interdépendantes»

Publié par Alencontre Le 10 - janvier - 2020

Alain Bihr, Le premier âge du capitalisme (1415-1763). Tome 3 «Un premier monde capitaliste», 2 volumes, 1762 p., Editions Page 2 et Syllepse, 2019

Par Fabienne Bock

Alain Bihr parachève la grande œuvre qu’il a consacrée (15 ans de recherches et d’écriture!) au Premier âge du capitalisme (1415-1763) avec ce double volume où il effectue la synthèse des analyses qu’il a menées dans les deux premiers tomes: le premier décrivait l’expansion commerciale et coloniale de l’Europe occidentale, le second abordait les effets en retour de cette expansion sur les métropoles (cf. les recensions parues dans Raison Présente n° 208 et 210). Le résultat de ce double mouvement, c’est la formation d’un « premier système planétaire dont les différentes parties sont interdépendantes » (p. 15). L’ouvrage se divise en quatre parties.

La première partie (Partie IX dans la numérotation suivie depuis le tome 1) précise le cadre spatio-temporel du premier monde capitaliste en partant d’une lecture critique des ouvrages de Fernand Braudel (Civilisation matérielle, économie et capitalisme, 3 vol., A. Colin, 1979) et d’Immanuel Wallerstein (Capitalisme et économie-monde, Flammarion 1980). Reconnaissant à Braudel le mérite d’avoir avancé la notion d’économie monde, il s’en démarque en insistant sur la faiblesse conceptuelle des notions avancées – en particulier celle de civilisation matérielle – et lui reproche de réduire le capital au seul capital marchand et ainsi de ne pas comprendre la spécificité du passage de la prédominance du capital marchand à celle du capital industriel. Plus proche de Marx, l’œuvre d’Immanuel Wallerstein n’en suscite pas moins les réserves d’Alain Bihr Lire le reste de cet article »

Livre-débat: «A la prochaine: De Mai 68 aux Gilets jaunes»

Publié par Alencontre Le 24 - décembre - 2019

Par Alain Bihr

L’année 2018 allait s’achever sans que le cinquantenaire des événements de mai-juin 1968 n’ait particulièrement retenu l’attention, au-delà de quelques cercles limités d’historiens du temps présent et des rangs (déjà bien clairsemés) des désormais vieux soixante-huitards, sans surtout que son écho n’ait retenti dans l’actualité des luttes sociales. Et puis vinrent les «gilets jaunes» (GJ) qui allaient reposer à nouveaux frais quelques-unes des questions soulevées cinquante ans auparavant et restées pour certaines en suspens depuis, tout en en formulant quelques nouvelles. C’est de cet improbable télescopage dont traite le dernier ouvrage de Pierre Cours-Salies, dont il s’agit ici de discuter les thèses au fil des pages qui les exposent: A la prochaine… De Mai 68 aux Gilets jaunes (Ed. Syllepse, décembre 2019)

Un riche héritage

Dans son retour sur Mai 68, Pierre Cours-Salies prend bien soin de considérer que ce dernier ne se réduit ni aux événements parisiens ni à mai-juin 1968 stricto sensu [1]. Il rappelle la dimension véritablement mondiale des mobilisations étudiantes qui ont marqué Lire le reste de cet article »

Le « socialisme participatif » de Thomas Piketty: un socialisme utopique aux allures scientifiques

Publié par Alencontre Le 19 - novembre - 2019

Par Alain Bihr

Cette contribution forme le troisième volet d’une analyse critique du récent ouvrage de Thomas Piketty. Les lectrices et lecteurs trouveront les deux premières contributions d’Alain Bihr sur ce site en date du 29 octobre et du 5 novembre. (Réd.)

Dans le dernier chapitre de Capital et idéologie (Le Seuil, 2019), Thomas Piketty expose un projet et, pour partie, un programme de « socialisme participatif ». Ce dernier entend répondre aux principaux défis politiques de notre temps : la montée des inégalités sociales en liaison avec la « mondialisation » néolibérale, le discrédit du projet socialiste consécutif au désastre de l’expérience de l’ex-URSS et des régimes apparentés, l’incapacité dans laquelle s’est trouvée jusqu’à présent la gauche nord-américaine et ouest-européenne (démocrate, travailliste, social-démocrate) de relever ce double défi, la montée des mouvements nationalistes et « populistes » un peu partout dans le monde sur la base des éléments précédents [1]. Bien plus, il a l’ambition de refonder le projet socialiste dans sa volonté de dépasser le capitalisme, tout en reprenant des acquis et des avancées appartenant à l’héritage du mouvement socialiste. Lire le reste de cet article »

Des «sociétés ternaires» aux «sociétés de propriétaires»: comment Thomas Piketty analyse la transition du féodalisme au capitalisme

Publié par Alencontre Le 5 - novembre - 2019

Par Alain Bihr

Les deux premières parties du dernier ouvrage de Thomas Piketty, Capital et idéologie (Le Seuil, 2019) consacrent de longs développements aux sociétés précapitalistes. Il considère que ces dernières se partagent entre des sociétés esclavagistes et des « sociétés ternaires » ou « sociétés trifonctionnelles » (page 248), un concept pour le moins discutable comme nous allons le voir. [Cet article fait suite à une première contribution intitulée «Capital et idéologie»: un titre en trompe-l’œil]

Sociétés ternaires ou sociétés à idéologie ternaire ?

Une société ternaire (ou société trifonctionnelle) est, selon Thomas Piketty, une société dont l’ensemble des membres se subdivise en trois groupements : le clergé, la noblesse et le tiers état, caractérisés chacun par l’exercice d’une fonction sociale déterminée. Lire le reste de cet article »

Livre. Plongée dans la genèse du capitalisme 

Publié par Alencontre Le 30 - octobre - 2019

Par Michel Husson 

Dans le troisième tome de son ouvrage, Le premier âge du capitalisme, le sociologue Alain Bihr poursuit son travail d’analyse des processus à l’œuvre dans la naissance du capitalisme.

Le sociologue Alain Bihr publie le dernier tome de son ouvrage, Le premier âge du capitalisme 1415-1763, coédité par les éditions Page 2 (Lausanne) et Syllepse. Il s’agit d’une œuvre monumentale qui propose une nouvelle lecture de la genèse du capitalisme.

Une somme !

L’ensemble des trois tomes (le dernier est publié en deux volumes) est impressionnant : plus de 3000 pages, dont 40 de bibliographie (en petits caractères). Le premier tome décrit l’expansion commerciale et coloniale de l’Europe occidentale à partir du XVe siècle ; le second montre comment, sur la base de cette expansion, l’Europe a pu parachever la transition entre le féodalisme et le capitalisme.

D’abord, parce que les Anglais se sont tournés vers le commerce international pour se procurer certaines ressources ou matières premières, comme le coton. Ainsi, ils n’avaient plus besoin de les produire sur leur sol, libérant autant de terres pour d’autres cultures et de main-d’œuvre pour d’autres secteurs. Cette stratégie, plus que le progrès technique, serait à l’origine de la croissance de la productivité en Angleterre. La deuxième explication tient aux sources d’énergie : le charbon était facilement exploitable sur l’île britannique, alors que le Jiangnan en était dépourvu.

Un autre mécanisme est également à l’œuvre : les mines anglaises avaient tendance à se remplir facilement d’eau et nécessitaient de continuelles opérations de pompage. Or, pour actionner ces pompes, on recourait à des machines à vapeur, elles-mêmes alimentées au charbon. C’est ainsi que l’exploitation de ce dernier conduisit au perfectionnement des machines à vapeur et à l’augmentation de leur rendement. Pour la petite histoire, les pompes étaient auparavant actionnées par des chevaux, et c’est de là que vient le choix du cheval-vapeur comme unité de mesure de puissance.

Une critique de Kenneth Pomeranz

Cette analyse de Kenneth Pomeranz est intéressante en ceci qu’elle montre que la révolution industrielle naît d’une combinaison (assez aléatoire) de contraintes géologiques, de ressources extérieures, de mise à disponibilité d’une force de travail et de progrès technologiques. Pourtant, selon Alain Bihr, la question reste « mal posée » par l’Américain, à tel point que son raisonnement « présuppose en définitive ce qu’il se proposait d’expliquer : le parachèvement des rapports capitalistes de production. Ce qui en fait un raisonnement circulaire ».

Cette critique sévère permet de bien illustrer la méthodologie d’Alain Bihr, quand il examine en détail les obstacles à l’émergence du capitalisme industriel en Chine. Le premier se situe « du côté des rapports entre la propriété foncière et l’Etat », qui ont pour conséquence que les propriétaires « n’ont nul intérêt à se préoccuper d’améliorer le rendement de “leurs” terres ». Le second obstacle découle des entraves institutionnelles au développement du capital marchand et à l’aversion des dirigeants chinois à l’encontre du commerce extérieur. Pour le sociologue, « c’est en se fermant au commerce extérieur maritime dans la première moitié du XVe siècle, que la Chine a laissé passer sa chance historique de voir se parachever en elle les rapports capitalistes de production qui avaient commencé à s’y former ». Mais, ajoute-t-il, ce facteur renvoie lui-même aux rapports de production internes et, en définitive, au « régime spécifique de propriété qui a continué à y prévaloir ».

Le scalpel et la théorie

Un moyen de cerner les spécificités de l’approche d’Alain Bihr est d’examiner les critiques qu’il adresse aux travaux de Fernand Braudel et Immanuel Wallerstein, ces grands théoriciens de l’économie-monde. Il pointe par exemple la conception du capital chez Braudel, qui est réduit « soit à un ensemble de choses (par réification), soit à une série de dispositions subjectives (par personnification) » et, par conséquent, ignore le rapport social qui lui confère la capacité de se valoriser. Une autre critique porte sur la réduction du capital à l’argent, dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe siècle, l’historien français décrivait « l’argent qui va de main en main, qui stimule l’échange, règle les loyers, les rentes, les revenus, les profits, les salaires – cet argent qui s’engage dans les circuits, en force les portes, en anime les vitesses, cet argent est un bien capital ».

Ces assimilations fautives (que l’on retrouve aujourd’hui chez Thomas Piketty) conduisent Braudel à réduire le capital au seul capital marchand, repérant ainsi des formes de capitalisme dans des villes marchandes médiévales. « Les conditions préalables à tout capitalisme dépendent de la circulation, on pourrait presque dire, à première vue, d’elle seule », écrit-il. Enfin, il néglige les rapports inégaux instaurés par l’expansion commerciale et coloniale.

C’est dans sa conclusion finale qu’Alain Bihr résume l’essentiel de sa thèse autour du concept de « protocapitalisme mercantile ». Il s’agit pour lui du processus qui, « en dépit de la persistance de multiples traits précapitalistes » conduit « pour la première fois dans l’histoire, à la prédominance de la valeur comme forme autonomisée et fétichiste du travail social ». En d’autres termes, la loi de la valeur devient « le mécanisme général englobant l’ensemble des activités socio-économiques ainsi que leur déterminant régulateur ».

Une lecture marxiste

On retrouve ici la lecture marxiste que propose le sociologue, et qui peut sembler très abstraite. Mais c’est l’occasion de souligner à nouveau la force essentielle de l’ouvrage, à savoir sa capacité à utiliser cette grille de lecture marxiste en la nourrissant d’analyses concrètes et en se gardant de vouloir l’imposer de force aux réalités observées.

Ainsi, l’institution progressive de la loi de la valeur comme mécanisme régulateur est analysée à partir du processus de la « fixation progressive de prix de marché comme normes objectives, indépendantes des déterminations des acteurs économiques (de leur volonté, de leur caprice, de leur mérite, de leur histoire personnelle, etc.) ». Se crée alors « une norme à laquelle chacun peut certes se référer (notamment comme pivot d’un calcul économique, d’une prévision, etc.), mais qui s’impose aussi désormais à lui avec la force d’une détermination objective (d’une sorte de loi naturelle) à laquelle il doit se soumettre ».

On pourrait ici inverser la formule de Marx (« L’anatomie de l’homme est la clef de l’anatomie du singe »). C’est en effet une expérience de pensée à laquelle nous invite Alain Bihr. En examinant minutieusement la genèse du capitalisme, il dévoile les éléments fondamentaux de son fonctionnement en tant que système aujourd’hui installé.

La loi de la valeur s’impose

L’auteur va d’ailleurs plus loin, en montrant que la prédominance de la loi de la valeur a des effets sur l’organisation sociale : « Les rapports entre les producteurs revêtent normalement une forme contractuelle [et] les personnes prennent la forme de sujets juridiques ». Enfin, « l’Etat tend à revêtir la forme de pouvoir public impersonnel, d’Etat de droit, en devenant lui aussi en définitive un sujet juridique, fétichisé à ce titre également ». Telle est la « conséquence lointaine de la prédominance de la valeur comme forme et médiation sociales ».

Alain Bihr avance enfin cette formule puissante selon laquelle, la prédominance progressive de la loi de la valeur conduit à une inversion fondamentale : la richesse devient la condition de la puissance politique, alors qu’elle était « le fruit de la puissance politique » dans les modes de production précapitalistes. C’est pourquoi le protocapitalisme est mercantiliste en ce sens qu’il vise à rendre l’Etat et son prince plus puissants ; mais c’est l’expansion commerciale et coloniale de l’Europe occidentale, au détriment du reste du monde, qui lui a permis de devenir « le berceau du capitalisme » au cours des temps modernes.

Lire l’ouvrage d’Alain Bihr, et réfléchir avec lui sur la naissance du capitalisme, est en même temps une clef pour comprendre ce qu’il est aujourd’hui. (Publié dans Alternatives économiques, le 29 octobre 2019)

Livres. «Sémantique de la migration»

Publié par Alencontre Le 22 - octobre - 2019

Par Angèle Minguet

Depuis 2015, l’idée d’une «crise migratoire» a envahi les débats publics et les discours politiques, évoquant une menace pour la culture et l’économie de l’Europe. Un ouvrage collectif conteste cette lecture et montre que, s’il y a bien crise, elle résulte de la défaillance des modalités d’accueil.

Cette recension publiée en partenariat avec De facto, revue de l’Institut Convergences Migrations.

• L’ouvrage s’ouvre sur le nombre de migrants ayant péri en mer en 2015 (3771) et le souvenir d’Alan Kurdi, cet enfant dont le corps fut retrouvé sur les côtes turques la même année. Le ton est donné. La réflexion générale se base sur un constat: les premières victimes de ladite «crise des migrants» sont les migrants eux-mêmes, et non les Européens ? comme l’expression le laisse entendre.

• Les politiques déployées au XXIe siècle en Europe pour contenir l’arrivée en Europe des primo-arrivants sont inefficaces, et contraires aux principes fondamentaux envers lesquels les États européens se sont formellement engagés. Lire le reste de cet article »

Débat. L’économie-monde moderne selon Braudel. Considérations critiques

Publié par Alencontre Le 9 - octobre - 2019

Par Alain Bihr

Le tome 3 (en deux volumes) de l’ouvrage d’Alain Bihr Le premier âge du capitalisme, intitulé Un premier monde capitaliste, sera disponible en librairie début novembre. A cette occasion, nous avons demandé à son auteur un exposé et une analyse critique du concept d’économie-monde de Fernand Braudel. Ce qui permet, a contrario, d’éclairer un des aspects majeurs de cette somme que constitue Le premier âge du capitalisme. (Réd.)

***

Entre 1450 et 1750, on a assisté à la formation d’un premier monde capitaliste, que je nomme le monde protocapitaliste, à partir de l’Europe occidentale, son berceau historique [1]. Pour en analyser la structure originale, faite à la fois d’homogénéisation, de fragmentation et de hiérarchisation, Fernand Braudel et Immanuel Wallerstein se sont appuyés sur le concept d’économie-monde. Cependant ce concept ne permet ni de véritablement dégager cette structure ni surtout de comprendre en quoi elle se trouve générée par le procès global de reproduction du capital. Lire le reste de cet article »

Coronavirus. «On doit s’attendre à l’ouragan»

L’émission «Arrêt sur images» de Daniel Schneidermann – une émission à laquelle le site alencontre.org pense qu’il est opportun de s’abonner – a été mise gratuitement, ce 14 mars 2020, sur Youtube «en raison de son utilité sociale». Deux médecins «qui parlent vrai» interviennent. François Salachas, le neurologue qui avait interpellé Emmanuel Macron lors d'une visite à la Pitié-Salpêtrière (Paris). Il souligna alors l’urgence liée à la pandémie et un fait d’évidence: la mise à niveau de l'hôpital nécessitera de gros moyens humains et financiers. Et Philippe Devos, intensiviste au CHC de Liège, président de l'Association belge de syndicats de médecins (Abysm). A voir, à partager: utile pour comprendre et réfléchir. (Rédaction A l’Encontre)

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