Salle 6 – Tracer le territoire; Occuper le territoire

Tracer le territoire
Occuper le territoire

Dès la conquête, les partisans d’une colonisation de peuplement européen travaillent au développement de centres de colonisation. Les premiers Européens sont installés dans des camps précaires. Il faut attendre 1842 pour voir s’instaurer une colonisation planifiée des terres « pacifiées » sous le gouvernement de Louis-Philippe : un peuplement à grande échelle d’Européens, des citoyens français en majorité. Après les révoltes ouvrières de la Révolution de 1848 et l’avènement de la Seconde République, le déplacement de populations s’accélère. La colonisation suppose un transfert de propriété des biens fonciers, ce que le gouverneur général militaire entreprend selon trois modalités: la vente des terres incorporées au domaine public ; la mise sous séquestre des biens des individus et des familles qui se sont soulevés contre l’occupation; l’achat par expropriation des autochtones détenteurs des biens.

Adrien Dauzats, Le passage des Portes de fer, 1841, série de six aquarelles et gouaches sur papier, 64,5 x 88 cm. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Attaché à l’expédition conduite par le duc d’Orléans, qui établit en octobre 1839 la liaison terrestre entre Alger et Constantine avec l’aide d’informateurs locaux, Dauzats a réalisé six aquarelles du défilé dit « des Portes de Fer ». Il rend compte par l’entassement de murailles et de pentes abruptes, de la prouesse des soldats du 17e régiment d’infanterie représentés tels des fourmis. L’expédition mets fin au traité de la Tafna de 1837 avec Abd el-Kader et ravive la guerre jusqu’à sa reddition en 1847.

Carte des environs de Philippeville, terrain proposé pour réserve aux indigènes, vers 1840-1842, carte manuscrite sur calque, 42 x 58 cm, Bibliothèque nationale de France © BnF

Après une décennie de présence, la France organise la colonisation des territoires et décide du déplacement de populations locales dans des réserves. Sur cette carte, les terres fertiles sont proposées aux Européens. Ce processus de « mise en réserve » des Algériens, qui plus est sur des terres ingrates, déstructure profondément les sociétés et appauvrit leurs pratiques agricoles.

Jean Antoine Siméon Fort, Vue générale de l’itinéraire suivi par la colonne expéditionnaire depuis Constantine jusqu’à Alger, octobre, 1839, 1841, huile sur toile, 206 x 251 cm. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles

Ce « tableau-plan » de Siméon Fort est magistral par l’étendue qu’il représente, la liaison d’Alger à Constantine par le défilé dit « des Portes de Fer ». Le génie pictural de Fort réside dans son traitement surréaliste de l’espace, proposant des vues illimitées d’étendues désertiques et profondes, dénuées de présence humaine. Son art est à l’opposé des représentations plus martiales d’Horace Vernet, autre grand peintre de l’Algérie.

Raphaëlle Paupert-Borne, Peintures de voyage : Constantine 2010, Constantine, 2010, Série de 20 tableaux, acrylique sur toile, Collection de l’artiste

Cinéaste, dessinatrice et peintre, Raphaëlle Paupert-Borne, pratique sans relâche la peinture et le carnet de voyage. C’est une empreinte de l’artiste. En 2010, à l’invitation de l’Institut Français, elle se rend à Alger et Constantine. Dans la rue et les cafés elle peint sur le motif et vite. Les édifices, les lieux et les passants qui se prêtent au jeu du portrait, sont traités au pinceau large, par un geste rapide et sans repentir. Installée au centre de l’espace urbain, l’artiste réalise une série d’images vivantes et instantanées qui par cette séquence de proximité artistique témoigne de sa capacité à rendre visible le vivant proche d’une communauté.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *