AccueilLes dynamiques dérivées du phénomène Boko Haram au Cameroun

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Publié le jeudi 17 septembre 2015 par Céline Guilleux

Résumé

Ce projet d’ouvrage se veut un décryptage des dynamiques dérivées du phénomène Boko Haram au Cameroun selon une perspective transdisciplinaire. Il s’agit d’une tentative de travail en « sous-sol» ayant but de comprendre comment se sont  formés les opinions, les attitudes culturelles face à cette nébuleuse et de prendre acte de la nouvelle économie de la violence et ses implications qui affecte considérablement la société camerounaise. Il est question d'oser penser la nature des fondements de l'action éthique, esthétique de Boko Haram ; de  comprendre et d'anticiper l'avenir des états de violence nés du phénomène en s’ouvrant à une exigence de la pensée qui inspire de nouvelles vigilances et invente de nouvelles espérances. L’ambition de ce projet de publication est de susciter des réflexions susceptibles d’interroger l’intelligibilité de ce phénomène, afin de rendre compte des différentes dynamiques dérivées des assauts répétés de cette nébuleuse en territoire camerounais.

Annonce

Argumentaire

En revisitant l’histoire du Cameroun, on se rend compte qu’à un moment donné, il a existé  des moments difficiles, qui ont sérieusement bouleversé la dynamique de ce pays, au point de donner du fil à retordre aux autorités en charge de la gestion des affaires publiques, qu’il s’agisse des autorités coloniales ou celles de la période d’après indépendance. La rébellion de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), la tentative du putsch manqué du 06 avril 1984, les mouvements sécessionnistes à l’instar de la Southern Cameroons National Council (SCNC) dans la partie anglophone, « les villes mortes » qui ont accompagné l’avènement l’ouverture démocratique à l’aube des années 1990, le phénomène des coupeurs de route dans la partie septentrionales, la montée de la criminalité urbaine, la piraterie maritime, les prises d’otageset très récemment les assauts de la secte terroriste Boko Haram. L’Etat, [parfois de concert avec ses partenaires multilatéraux et bilatéraux], s’est déployé avec toute son énergie pour juguler ces contextes rudes qui ont perturbé à plus d’un titre le cours de son histoire, avec des conséquences importantes. Si toutes ces situations difficiles ont été maîtrisées, celle relative aux assauts répétés de Boko Haram qui est récente, constitue encore un véritable caillou dans la chaussure de ce pays et de ses voisins tels que le Nigeria d’où il a pris naissance et continue d’y sévir avec force, le Tchad et le Niger. 

Boko Haramjustement est un phénomène dont beaucoup de Camerounais et d’Africains n’entendaient parler que dans les médias, où étaient régulièrement évoquées ses ravages au Nigeria voisin, au même titre qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) récemment, devenu Organisation de l’Etat Islamique et les défis lancés aux pays comme le Mali. Il en est de même des Chebabs en Somalie et au Kenya qui ne cessent de faire parler d’eux à travers les attentats réguliers. Jusque tout récemment, très peu de Camerounais  savaient ce qu’était véritablement Boko Haram et la plupart n’avaient pas imaginé que cette nébuleuse franchirait les frontières de leur pays, au point de perturber sérieusement toute la vie socioéconomique. Limités à quelques zones frontalières du Cameroun à l’exemple d’Amchidé et à quelques prises d’otages ciblés, les assauts de la secte ont pris de l’envergure entre 2014 et 2015 avec des conséquences graves et une panique qui a finalement gagné toute la République. Incendies des villages, tueries aveugles avec démonstration d'une esthétique du trépas; assassinats spectaculaires par poignards, décapitation et éventrements,  opérations kamikazes. Cette macabre et odieuse mise en scène va forcer des milliers d’individus à se déplacer de leurs zones de résidence habituelle pour des zones plus ou moins sécures. Ceci ayant de conséquences socioéconomiques pour le Cameroun en général et celle de la région de l’Extrême-Nord en particulier. Et les localités comme Maroua, centre du commandement militaire mis en place pour organiser la lutte contre cette nébuleuse ont fini par être touchées en plein cœur, démonstration de la puissance de cette secte et créant au sein de toute l’étendue du territoire camerounais une peur sans précédent. Depuis plus d’une année, et davantage depuis les opérations kamikazes du mois de juillet 2015 à Maroua, le phénomène Boko Haram est devenue la préoccupation majeure de l’Etat camerounais. Des dynamiques multiples et multisectorielles se sont développées par la même occasion, tant au niveau de l’Etat et de ses ramifications qu’aux confins des villages. Tout le pays vit au rythme des menaces de Boko Haram qui a convaincu l’ensemble des citoyens camerounais des dangers qu’il représente désormais pour tout le monde.

L’envergure du phénomène a donné lieu à une mobilisation à plusieurs niveaux, tant au niveau des pays comme la France qu’à l’échelon africain, surtout entre les Chefs d’Etats des pays du bassin du Lac Tchad fortement touchés. De même, il est devenu un sujet récurrent au centre des conversations entre les individus, dans les sermons des ministres de culte, dans les débats des plateaux de télévision, dans les colonnes des organes de presse. A travers le Cameroun, la société civile en a fait une préoccupation à travers des rencontrestandis que des marches de soutien à l’armée et de condamnation des actes barbares ont été organisées. Dans le cadre des politiques publiques, l’Etat lui-même a initié des mesures particulières dans ce contexte, à l’instar du fameux Plan d’Urgence en faveur des régions septentrionales du Cameroun (Extrême-Nord, Nord et Adamaoua, surtout l’Extrême-Nord qui a subi des dégâts importants. 

Les milieux académiques, lieux de production du savoir, ne sont pas restés en dehors de cette effervescence autour de ce contexte difficile dû à la nébuleuse Boko Haram. Au Nigeria et ailleurs, Boko Haram a fait l’objet d’une abondante publication, étant donné que ce pays est le berceau de la secte terroriste.  L’Université camerounaise n’est pas restée simple observatrice de ce phénomène et c’est ainsi que celle de Maroua par exemple, a organisé une grande conférence à proposle 4 février 2015 en collaboration avec Groupe de Recherche sur les Dynamiques Sociales et Politiques (GREDYSOP) et la Commission Nationale des Droit l’Homme et des Libertés sur lethème : «  Insécurité, patriotisme et défense populaire ».L’Ecole Normale Supérieure de Maroua (ENS) de la même université a consacré un numéro spécial de la revue Kaliao à propos avec pour titre ‟Effets économiques et sociaux des attaques de Boko Haram dans l’Extrême-Nord du Cameroun”. Nombreux sont les auteurs et autres milieux qui s’intéressent depuis peu à cette menace sécuritaire, tant au niveau du Cameroun, de la région du bassin du Lac Tchad, de l’Afrique et des autres parties du monde. En témoignent les publications et projets de publication, des travaux de recherches des étudiants, des projets conduits par d’universitaires, des appels à consultation d’organisations internationales à l’instar du PNUD, l’UNICEF dont le but est de scruter et de comprendre divers aspects de l’histoire ou de la sociologie récente du Nord-Cameroun sous le prisme du phénomène Boko Haram.

Si les différentes initiatives (publications et projets de publications, appels à consultation, enquêtes d’opinion, investigations journalistiques, etc) sont d’une grande richesse et pertinence et permettent/permettront de rendre compte de quelques effets observés, il n’en demeure pas moins vrai que la complexité du phénomène, la récurrence de ses attaques, les mutations de ses modes opératoires, les stratégies déployées par l’Etat, la société civile, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, les acteurs locaux, montrent à suffisance que beaucoup reste à dire à propos. Et tout ce qui été mentionné comme politiques publiques d’urgence, stratégies militaires et civiles, actions des organisations internationales, de la société civile, des populations locales,  projets de publication, de consultation, enquêtes d’évaluation ou journalistiques, témoignent d’une multiplicité des dynamiques qui ont vu le jour dans le cadre du phénomène Boko Haram. Ces dynamiques tous azimuts tant au niveau de l’Extrême-Nord qu’à l’échelle du Cameroun tout entier, constituent matières à investigations pour les chercheurs, les observateurs du phénomène et l’intelligentsia toute entière, d’où la justification de ce projet de publication initié par le Groupe de Recherche sur les Dynamiques Sociales et Politiques (GREDYSOP) en collaboration avec le Collectif des enseignants chercheurs de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Maroua. 

Ce projet d’ouvrage se veut un décryptage des dynamiques dérivées du phénomène Boko Haram au Cameroun selon une perspective transdisciplinaire. Il s’agit d’une tentativede travail en « sous-sol » ayant but de comprendre comment se sont  formés les opinions, les attitudes culturelles face à cette nébuleuse et de prendre acte de la nouvelle économie de la violence et ses implications qui affecte considérablement la société camerounaise. Il est question d'oser penser la nature des fondements de l'action éthique, esthétique de Boko Haram ; de  comprendre et d'anticiper l'avenir des états de violence nés du phénomène en s’ouvrant à une exigence de la pensée qui inspire de nouvelles vigilances et invente de nouvelles espérances. L’ambition de ce projet de publication est de susciter des réflexions susceptibles d’interroger l’intelligibilité de ce phénomène, afin de rendre compte des différentes dynamiques dérivées des assauts répétés de cette nébuleuse en territoire camerounais. Ainsi, quelles sont les dynamiques locales, nationales et internationales développées autour du phénomène Boko Haram au Cameroun ? Autrement dit, quels sont les changements qui ont vu le jour dans la vie des Camerounais du fait du phénomène Boko Haram et quelles sont les mesures prises tant au niveau local, régional, national qu’international ? Quelles lectures et analyses peut-on faire de ce phénomène et des changements opérés ? Telles sont quelques questions autour desquelles devront répondre la multitude de réflexions attendues. Et sans être exhaustif, les pistes suivantes peuvent être explorées :

  • La secte Boko Haram : tentatives de cernement à travers ses origines et son évolution ;
  • Organisation, moyens d’action, discours et modes de recrutement de Boko Haram ;
  • Boko Haram au Cameroun : processus de pénétration et stratégies de déploiement
  • Les facteurs de progression de la secte et l’évolution de ses modes opératoires ;
  • Les ramifications camerounaises de Boko Haram ;
  • La cartographie des zones victimes des assauts de la secte et esquisse de bilan provisoire ;
  • Les effets de Boko Haram sur l’économie de la région de l’Extrême-Nord (activités économiques, recettes douanières, fiscales, tourisme et loisirs, circulation des biens et services,  etc) et la question de la « mort économique »;
  • Mesures sécuritaires dans la ville de Maroua et l’avenir du commerce du charme et de la vie de nuit en questions ;
  • les témoignages sur les opérations de la secte dans les zones touchées ;
  • Les déplacés et leurs modes de vie et les mécanismes d’encadrement dans les zones d’accueil : le Camp de Minawao ;
  • Les Monts Mandara, un sanctuaire du djihadisme international ? ;
  • Enjeux de la crise sur la politique au Cameroun : risques et perspectives ;
  • La vie à l’Extrême-Nord et dans les autres villes du Cameroun à l’ère de BokoHaram ;
  • Les dynamiques endogènes et exogènes développées dans le contexte du phénomène (stratégies militaires, administratives, traditionnelles, etc) ;
  • Les procès des terroristes Boko Haram ;
  • La vie des jihadistes dans les prisons ;
  • Les acteurs sociaux face à la menace terroriste (ONG, églises, leaders d’opinion, les élites, les dignitaires traditionnels, etc) ;
  • Les témoignages de la vie des militaires au front ;
  • Les établissements sanitaires dans le contexte de la menace sécuritaire Boko Haram ;
  • Les établissements scolaires de l’Extrême-Nord dans le contexte d’insécurité ;
  • Les établissements de transport et les contrôles policiers ;
  • Les services de délivrance des documents officiels ;
  • La jeunesse du Nord-Cameroun et le phénomène : la question des enrôlements ;
  • Les politiques publiques face à la menace : le Fameux Plan d’Urgence ;
  • Les partenaires bilatéraux et multilatéraux du Cameroun et leurs contributions ;
  • La perception du métier des armes et du maintien de l’ordre dans le contexte de la guerre contre le terrorisme ;
  • Le dialogue interreligieux dans le contexte Boko Haram ;
  • Les opportunités dérivées du contexte Boko Haram ;
  • L’instrumentalisation de la question Boko Haram ;
  • Les droits de l’homme face aux prisonniers de Boko Haram ;
  • Les dérives développées dans le contexte : les discours stigmatisant sur l’Islam et certains groupes ethniques, à l’instar des Kanouri ;
  • Les médias (télévision, presse, radio) locaux, nationaux et internationaux et le traitement du phénomène ;
  • Boko Haram dans la musique, la peinture, la sculpture, la caricature, les sketches et dans le vocabulaire local ;
  • Les réseaux sociaux face à la menace terroriste au Cameroun ;
  • L’unité nationale à l’épreuve de la menace terroriste : la résurgence des débats sur les clivages Nord-Sud ;
  • La diaspora camerounaise et la menace terroriste Boko Haram ;
  • Les marches de soutien à l’armée : acteurs, enjeux ;
  • Les mobilisations de soutien  l’armée : les marches de soutien, campagnes de sensibilisation et l’initiative dénommée Effort de  guerre.

Modalités de soumission

Universitaires, journalistes d’investigation, leaders d’opinion, autorités administratives, judiciaires, militaires, acteurs de la société civile, cadres d’Organisations Internationales et Non Gouvernementales ; bref, toutes les personnes intéressées par l’analyse des dynamiques en cours au Cameroun en rapport avec le phénomène Boko Haram sont vivement invitées à soumettre un résumé d’une page maximum en précisant les éléments suivants : titre du projet d’article, nom, prénom et coordonnées du/des auteurs

au plus tard le 30 octobre 2015

aux adresses suivantes : gadder_a@yahoo.fr; wassounifrancois@gmail.com

Les auteurs des propositions retenues seront informés au plus tard le  15 novembre  2015. Les textes définitifs devront être envoyés aux mêmes adresses au plus tard 1er février 2016. La période  envisagée pour la parution de l’ouvrage collectif est mai 2016. 

N/B : Une fois les propositions retenues, le guidelines (instructions aux auteurs) sera aussitôt envoyé pour la production de l’article final.

Coordination scientifique

  • Dr Adder Abel GWODA (Université de Maroua/Cameroun, département de Philosophie-Psychologie)
  • Dr François WASSOUNI (Université de Maroua/Cameroun, département d’histoire).

Lieux

  • Maroua, Cameroun

Dates

  • vendredi 30 octobre 2015

Mots-clés

  • Boka Haram, Cameroun, violence

Contacts

  • François Wassouni
    courriel : wassounifrancois [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • François Wassouni
    courriel : wassounifrancois [at] gmail [dot] com

Pour citer cette annonce

« Les dynamiques dérivées du phénomène Boko Haram au Cameroun », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 17 septembre 2015, http://calenda.org/338936