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«Masculinité» et «féminité» comme piliers de la modernité

Le côté obscur du capital

Il est souvent admis par beaucoup de critiques du capitalisme que celui-ci tend à abolir toutes les différences, qu’elles soient culturelles, générationnelles ou sexuelles. Le rapport social médiatisé par la marchandise ne saurait que faire des archaïsmes que représentent pour lui les coutumes, les rapports hiérarchiques et les institutions étrangères à la production et à la circulation marchandes.

Le patriarcat serait, pour ces critiques, un résidu pré-capitaliste (comme le racisme et l’antisémitisme) voué à disparaître, parce qu’inadapté au capitalisme pleinement développé. La preuve en serait l’émergence de la business-woman, de la femme politique, etc. De plus il semble – avec la désag régation de la famille et la redistribution des tâches sexuées, la progressive mise à égalité des hommes et des femmes et la tolérance plus grande envers d’autres formes de rapports que l’hétérosexualité forcée – que la question du rapport entre les genres s’annulerait d’elle-même. Le capitalisme pourrait donc exister sans la suprématie du mâle blanc, occidental et hétérosexuel; celle-ci ne constituerait pas son centre.

Le marxisme traditionnel ainsi que le mouvement ouvrier et la gauche en général n’ont jamais considéré – en tout cas jusqu’aux années 1970 – que le rapport entre les genres était fondamental. Quand ils le prenaient en considération, l’oppression des femmes était pour eux un dérivé – une «contradiction secondaire» selon les termes du marxisme traditionnel – de l’oppression en général, qui était voué à disparaître avec elle.

D’autres, comme certains courants féministes, voient le patriarcat comme un système quasi ontologique de l’exploitation, dont le capitalisme ne serait que la dernière adaptation.

En Allemagne, Roswitha Scholz a développé à partir des années 1990 – d’abord dans la revue Krisis et aujourd’hui dans la revue Exit! – une conception du capitalisme comme système fondamentalement basé sur le rapport social asymétrique entre les genres. Sans vouloir prétendre que les sociétés pré- ou non capitalistes ont connu (ou connaissent) des rapports égalitaires entre hommes et femmes, elle définit le capitalisme comme une forme sociale déterminée par la scission sexuelle entre le «masculin» et le «féminin», ce qu’elle appelle la «dissociation-valeur».

«D’un point de vue théorique, le rapport hiérarchique entre les genres doit être examiné dans les limites de la modernité. On ne peut faire de projections sur des sociétés non modernes. Cela ne veut pas dire que le rapport moderne entre les genres n’ait pas eu de genèse, laquelle d’ailleurs peut être retracée jusqu’à l’Antiquité grecque. Mais dans la modernité, avec la généralisation de la production marchande, il prend tout de même une tout autre qualité. Sur fond du “travail abstrait devenant un but en soi tautologique”, la “banalité de la monnaie se répand” (Robert Kurz) et les domaines de production et de reproduction se séparent. L’homme devient responsable du secteur de production et de la sphère publique en général et la femme surtout du secteur de reproduction sous-valorisé»1.

Dans l’article qui suit, je vais essayer de présenter un aperçu de cette théorie critique qui ne se comprend pas comme une construction accomplie mais comme un processus. En dehors des approximations de cet article, pour lesquelles je suis seul responsable, cette élaboration a surtout été celle de Roswitha Scholz, de Robert Kurz et de quelques autres se retrouvant aujourd’hui autour de la revue Exit!2 en Allemagne.

Modernité: la naissance douloureuse du sujet masculin, blanc et occidenta

La modernité revendique d’avoir libéré l’individu des carcans familiaux, claniques, religieux et de dépendance directe, en l’ayant placé sur le terrain de la liberté et de l’égalité. En quelque sorte elle se vante même de l’avoir créé à partir d’un être soumis à une existence bornée et superstitieuse, perdu dans l’anonymat du troupeau humain.

Cette affirmation est bien sûr de nature idéologique et apologétique, toutes les sociétés humaines ayant connu des formes d’individualité, même très diverses; en effet la tension entre individu et société est à ce jour une constante de toute l’humanisation. Par contre, la société marchande s’est effectivement créée un individu qui lui correspond, l’individu abstrait, atomisé, pressé dans une forme a priori.

Pour détourner la célèbre affirmation de Karl Marx qui disait que toute l’histoire de l’humanité aurait été celle de la «lutte des classes», on pourrait dire qu’elle a été une «histoire de rapports fétichistes », où les humains ont objectivé, sur des plans toujours nouveaux, leur propre puissance, pour s’y soumettre. À la place d’une «première nature» faite d’instincts immédiats, se serait instaurée une «seconde nature» remplaçant les instincts hérités de la nature par des réflexes sociaux. Les sociétés, cultures, religions n’ont jamais été vécues comme des choix, mais toujours comme des contraintes quasi naturelles.

La modernité, loin d’abolir ce rapport fétichiste, l’a intensifié d’une façon inouïe. Sans vouloir faire ici une histoire du capitalisme, rappelons que pour la «critique de la valeur», c’est ce rapport fétichiste qui est au cœur de la société capitaliste et non la «domination de classe». Dans le capitalisme, tous les membres de la société sont dominés par un mécanisme autonomisé: la valorisation de la valeur. Il s’agit de l’augmentation ininterrompue du capital à travers le processus de production, c’est-à-dire le travail. Celui-ci est une invention purement moderne et capitaliste. Loin de représenter l’activité (productive) en général, le travail est l’activité aliénée des hommes produisant des marchandises. Il se distingue par son indifférence absolue au contenu sensible de sa production.

«En effet, tout le travail dans la société capitaliste est ce qu’on peut appeler un travail abstrait, au sens de Karl Marx. Il ne s’agit pas de travail immatériel, informatique. Dans le premier chapitre du Capital, qui ne débute pas du tout avec les classes, ni avec la lutte des classes, ni avec la propriété des moyens de production, ni avec le prolétariat, Karl Marx commence en analysant les catégories qui sont, selon lui, les plus fondamentales de la société capitaliste et qui n’appartiennent qu’à elle: ce sont la marchandise, la valeur, l’argent et le travail abstrait. Pour Karl Marx, tout travail, dans un régime capitaliste, a deux côtés, il est en même temps travail abstrait et travail concret. Ce ne sont pas deux types de travail différents, mais les deux faces de la même activité. Pour donner des exemples très simples: le travail du menuisier et du tailleur, sont, du côté concret, des activités très différentes, qu’on ne peut pas du tout comparer entre elles car l’une utilise le tissu, l’autre le bois. Mais elles sont toutes deux “une dépense de muscles, de nerfs ou de cerveau”. […] Si naturellement toute activité peut être réduite à une simple dépense d’énergie, c’est une simple dépense qui se déroule dans le temps. Dans cette perspective le travail du tailleur et celui du menuisier sont complètement différents du côté concret, mais du côté abstrait – du côté de l’énergie dépensée – ils sont absolument égaux et la seule différence réside dans leur durée et donc dans leur quantité. […] Ce qui définit la valeur des marchandises sur le marché capitaliste, c’est le travail dépensé. C’est parce que le travail est égal pour toutes marchandises qu’il permet leur comparaison. De manière simplifiée, la logique de base de Karl Marx est celle-ci: la valeur d’une marchandise est déterminée par le temps de travail nécessaire pour créer cette marchandise, cela permet l’abstraction du côté concret de la marchandise: une table vaut deux heures, une chemise vaut une heure…»3.

La valeur se représente dans l’argent, qui est sa forme d’apparition. Elle n’est pas une mesure s’appliquant dans un deuxième temps à des biens déjà produits pour pouvoir les échanger; elle constitue plutôt le véritable moteur de la production marchande. Elle est le capital qui, par le truchement du travail, se transforme dans une somme supérieure de capital. Ce mouvement autonome de la valeur constitue le «sujet automate»4, ce souverain absolu auquel tous les sujets de la société moderne sont assujettis. «Il ne le savent pas, mais ils le font…», disait Karl Marx des hommes qui vivent dans une société fétichiste.

Il faut ici rapidement éclaircir un malentendu qui consiste à penser le capitalisme comme un simple système économique pour souligner qu’il s’agit d’un rapport social. La politique (l’État), ainsi que les autres institutions modernes (science, Droit, etc.), ne lui sont pas étrangères mais font partie de son univers. «L’unité dans la séparation» divise des fonctions apparemment contraires dans des sphères qui se présentent séparées, mais qui ne représentent jamais rien d’autre que les deux côtés de la même chose. Politique et économie, État et marché, pouvoir et argent, planification et concurrence, travail et capital, théorie et pratique constituent un système de polarités dynamiques: «Il ne s’agit pas là de polarités stables et complémentaires comme il en existe par exemple dans les formes mythiques des cultures prémodernes, mais de polarités ennemies jusqu’au sang, menant une lutte permanente de destruction alors qu’ils ne for ment que les deux côtés de la même identité»5.

Ce système fétichiste a produit une forme d’individualité qui n’est plus basée sur la soumission directe qui caractérisait les systèmes de domination personnelle, mais sur l’intériorisation des contraintes par les individus. Liberté et égalité sont des principes abstraits et avant d’y accéder, le sujet doit passer par un système de sélection et de reconnaissance. Les procédures de reconnaissance auxquelles doivent se soumettre les immigrés eles demandeurs d’asile n’en constituent qu’un exemple évident. « L’allusion à la Selektionsrampe d’Auschwitz n’est pas non plus de mauvaise foi, mais touche le fond du problème. Auschwitz a été le summum extrême des “procédures de reconnaissance” des Droits de l’homme occidentaux»6. L’universalisme occidental (sic) est un universalisme exclusif qui demande premièrement la solvabilité et deuxièmement l’intériorisation des impératifs modernes. Ces impératifs sont surtout ceux de l’affrontement permanent dans la guerre économique et de la double identité comme homo œconomicus et homo politicus.

La forme-valeur, en tant qu’«abstraction réelle»7, est indifférente à son contenu, et de même la forme de l’individu moderne, le sujet, est séparée du monde des objets, dont fait partie l’individu réel. Il se trouve face à ce monde d’objets inertes qu’il étudie et transforme à sa guise, équipé par sa raison et son «libre-arbitre». La conscience, la raison et ce fameux libre-arbitre ne peuvent pas prendre le sujet lui-même dans leur champ de vision. La forme elle-même de la conscience reste inconsciente. Cette séparation entre sujet et objet qui constitue le fétichisme, la modernité marchande l’a poussée à son paroxysme et jusque dans les corps-mêmes des individus: d’un côté il y a le sujet en tant que forme abstraite de celui qui agit et qui pense et de l’autre l’objet, inerte, offert à l’étude et à la valorisation. Ce dualisme doit être compris comme constitutif du «patriarcat producteur de marchandises » (Roswitha Scholz) et son abolition n’est pas une des «promesses non tenues» de la modernité, mais doit être attaqué comme le fondement même de cette forme sociale qui a densifié et systématisé la soumission humaine et le fétichisme. Ce qui a été oppression personnelle est devenu «servitude volontaire» des hommes, et le pire dressage de l’histoire humaine a réussi l’exploit de s’appeler liberté.

«L’humanité dut se soumettre à des épreuves terribles avant que le moi, le caractère viril, enace, identique de l’homme fût élaboré et chaque enfance est encore un peu la répétition de ces épreuves»8.

Mais les individus réels que nous rencontrons tous les jours et dont nous sommes ne correspondent jamais vraiment à cette définition de la forme-sujet, et ils s’y soumettent au cours d’un long et douloureux processus de socialisation et d’intériorisation.

Il y a une tension, entre le modèle et l’exemplaire particulier, l’essence et le phénomène, qu’il s’agit aujourd’hui de comprendre sans vouloir trouver des solutions simples du côté d’un monisme ou déterminisme absolu ou de celui d’un relativisme absolu. Car si une théorie totalisante ne peut qu’écarter ce qui est différent, non-identique, c’est-à-dire ce qui lui échappe et qui n’est pas saisissable par ses catégories, la pensée postmoderne qui ne connaît que particularités renonce d’avance à toute possibilité réelle de critique et crée finalement une «ontologie de la différence».

Dissociation-valeur, une totalité brisée

Le processus de formation du capitalisme9 est intrinsèquement celui de la dissociation sexuelle. Tandis que se forment la machine de valorisation du capital et ses catégories, les activités de reproduction domestique ainsi que les sentiments, les traits de caractères et les attitudes qui s’y rapportent (par exemple la sensualité, l’émotivité, la sollicitude) sont dissociés structurellement de la valeur, du travail abstrait, du sujet et sont projetés dans la «féminité». «Les activités de reproduction dévolues aux femmes ont, aussi bien par leur contenu qualitatif que par leur forme, un caractère différent du travail abstrait. C’est pourquoi elles ne peuvent pas être subsumées simplement au concept de travail»10.

Pour adopter la forme-sujet, l’individu masculin devait (et doit toujours, à chaque génération) passer par le lit de Procruste de la dissociation et du refoulement. Le sujet de la rationalité instrumentale, des «liberté, égalité, fraternité» abstraites, doit être amputé de tout ce qui ne correspond pas à ces impératifs. Le garçon en voie d’assujettissement doit, à travers le processus de l’Œdipe freudien, arriver à se désidentifier de sa mère pour devenir homme, alors que la fille, pour pouvoir développer une identité féminine et pour être prête à occuper sa place – subordonnée – passe par le processus inverse d’identification à la mère.

Le sujet, structurellement masculin, blanc et occidental, doit, pour répondre aux nécessités de la concurrence et de la guerre de tous contre tous, dissocier les traits de caractère et les sentiments qui ne correspondent pas à la rationalité abstraite et qui sont catégorisés comme faibles, irrationnels, etc. Ils sont alors relégués dans la « féminité», la sphère privée de la famille, dans «la femme».

Il est important de souligner que ces traits de caractère et ces sentiments dissociés ne représentent pas une «vraie» ou «bonne» nature qui serait à opposer au monstre froid, mais sont des constructions culturelles: ils constituent la «féminité» moderne, l’autre côté de la «masculinité». Ils sont constitutifs de la totalité nég ative du patriarcat marchand et ne représentent pas ce qui lui échappe ou un point d’appui archimédien par lequel il serait possible de soulever le monde de la marchandise. Ce n’est pas parce qu’elle est oppressée et déclassée que la «féminité» peut être le support ou le principe positif d’une révolution sociale, celle-ci n’est imaginable que comme la suppression simultanée de ces deux carcans que sont la «masculinité» et la «féminité».

Historiquement, l’instauration de cette scission allait de pair avec la haine de l’aspect «irrationnel» des connaissances populaires pré-capitalistes. L’inquisition et la chasse aux sorcières constituent certainement le premier grand acte violent contre la «nature» pour éradiquer ce qui était désigné comme irrationnel. Elles ont atteint leur paroxysme dans une haine (et une peur) de la femme qui fut désignée comme sa version démoniaque, et dont «la femme moderne» devait devenir la version domestiquée. L’amour et l’admiration du féminin, comme par exemple de la mère idéalisée, n’en sont que l’expression inversée, de la même manière que l’adoration du «bon sauvage » n’est qu’un racisme à l’envers.

Dans la modernité, l’être humain se trouve partagé entre une sphère publique, caractérisée par l’affrontement permanent entre concurrents, et une sphère privée, domestique et bornée qui «reproduit», soigne, répare, et fournit le repos du «guerrier». Le mâle est appelé à s’occuper de la communauté, de l’universel, de l’abstrait, et la femme du particulier et du sensible. Dans les domaines structurellement masculins de la science, de l’économie et de la politique prévaut une pensée de classification qui ne peut prendre en considération la qualité particulière, dont la préoccupation est reléguée dans le «privé», voire dans la «nature», et qui n’accède pas aux honneurs de la Raison.

«Dans l’ordre symbolique du patriarcat producteur de marchandises, politique et économie sont attribuées au mâle; la sexualité masculine, par exemple, est définie comme subjective, agressive, violente; les femmes par contre sont définies en tant qu’objets ou même comme simples corps. L’homme est ainsi vu comme l’Humain, homme d’esprit, triomphant du corps et le dépassant, la femme par contre comme non-humaine, comme un corps. La guerre est de connotation masculine, les femmes par contre passent pour pacifiques, passives, dépourvues de volonté et d’esprit. Les hommes doivent aspirer à la gloire, à la bravoure et à des “œuvres immortelles”. La question centrale est toujours celle du triomphe sur la mort. Aux femmes incombe le souci de l’individu particulier et de la reproduction de l’espèce. Leurs actes sont toujours socialement sous-valorisés et évacués de la formation théorique, car la soumission de la femme à l’homme est fondée par sa sexualisation et sa marginalisation sociale. L’homme est pensé comme héros, comme actif, comme celui qui œuvre. Cela implique l’exploitation et la domination productives de la nature. L’homme est constamment en compétition avec d’autres»11.

Là où dans la sphère publique règne une «économie du temps», dans le privé prévaut une « logique de la dépense du temps». Affection, amour, éducation des enfants, etc., ne peuvent jamais être rationalisés à l’instar du processus de production et de valorisation, car il y subsiste toujours une priorité au sensible, lequel au contraire est dans l’économie réduit au minimum.

Certains courants féministes ont longtemps revendiqué la reconnaissance du travail des ménagères comme du « véritable travail». Mais par leur nature, ces activités sont en contradiction avec celle du travail de la production de marchandises. Cette revendication ne peut qu’échouer face à la différence fondamentale entre ces activités qui pourtant se conditionnent et sont mutuellement nécessaires. En outre, il faut souligner qu’il lui manque une notion critique du travail. Celui-ci (comme travail concret et abstrait) ne peut pas se laisser aller à la «logique de dépense du temps». Sous menace de son déclassement immédiat, il exige une certaine force (physique ou de caractère) – «pas de sensiblerie!» – adaptée au processus productif et au calcul rationnel. L’activité domestique n’est jamais possible dans la logique de « l’économie de temps», elle demande de la douceur, de la compréhension et ne peut pas s’organiser exclusivement d’après des impératifs rationnels ou économiques – ni d’ailleurs d’après les principes abstraits de la politique.

L’autre côté de la valeur et de son monde, ce qui est dissocié et projeté dans la féminité, ne peut plus être considéré comme un dérivé – un sous-produit – du rapport de la valeur et de ses catégories. Il s’impose donc un nouveau concept de la société moderne pour pouvoir en rendre compte dans sa «totalité brisée». L’homme, coincé dans sa forme-sujet, n’est pas imaginable sans cette partie dissociée qui se crée avec lui, le produit, le reproduit et est produite par lui et qui est incarnée par la femme. La «féminité» n’est pas un sous-produit de la «masculinité», mais les deux se conditionnent et se déterminent réciproquement. Le règne absolu de la valeur, en tant qu’abstraction, n’est pas possible et il a toujours besoin de son contraire, méprisé mais nécessaire, qui constitue sa face cachée, son côté obscur.

«Au lieu de cela, sur un niveau beaucoup plus fondamental, il s’agit de regarder la dissociation-valeur comme principe formel, en tant qu’essence sociale, structurant fondamentalement la société dans son ensemble et qui doit être critiquée et mise en question dans ses principes mêmes»12.

Mais ce principe formel indique donc l’unité fondamentale de la forme et de son contraire, de ce qui n’est pas dans une forme mais qui lui est tout de même indispensable. Roswitha Scholz parle du paradoxe de la forme de la non-forme. Cette «nécessité honteuse» peut être comprise comme la raison de la haine et du mépris que peut mobiliser la «raison instrumentale» contre le féminin et contre tout ce que lui est associé, et bien sûr concrètement contre celle qui en est la porteuse. L’univers masculin, économique, politique, scientifique tend bien sûr à la domination absolue, il ne sait que faire de ce qui est en dehors de lui. Cependant, sa réalisation complète serait immédiatement identique au néant. Si l’«abstraction réelle» devenait l’unique réalité, il adviendrait une «réalité abstraite». Cette dépendance de son contraire et de la honte qu’elle inspire, qui se transforme aisément en mépris et en haine, s’articule dans des actes violents contre des femmes réelles, sous forme de harcèlement, de violence domestique, de viol, etc., et conditionne aussi l’identité féminine dans la soumission, la passivité, la sensibilité, etc.

«Ce rapport entre sphère privée et sphère publique explique aussi l’existence de “bandes de mâles” se fondant sur le ressentiment contre le “féminin”. De ce fait, l’État et toute la politique sont, depuis le XVIIIe siècle, constitués comme “bandes de mâles” à travers les principes de “liberté, égalité, fraternité”»13.

Ainsi compris, le sexisme, loin d’être un réflexe archaïque contraire à la civilisation, peut être défini, dans ses multiples formes d’apparences, comme consubstantiel du mode de vie et du psychisme modernes.

C’est la double constitution de ce modèle de civilisation, avec d’un côté le règne de la rationalité marchande et de ses catégories en tant que «masculinité» et de l’autre le côté obscur et «honteux» de la féminité, que Roswitha Scholz a désignée comme la «dissociation-valeur». Ce qui est important pour comprendre ce concept, c’est qu’il est analysé justement comme principe formel, comme essence du rapport social moderne qui n’existe pas «en soi» mais doit apparaître sous des aspects historiques toujours nouveaux et qui à leur tour transforment ce principe continuellement. Il n’existe pas comme vérité a priori, mais déjà en tant que construction sociale.

La critique de la dissociation-valeur se réfère à la conception de la dialectique de l’individu et de la société proposée par Adorno. «Chez Theodor W. Adorno, la société est déterminée comme un rapport de coercition s’établissant derrière le dos mais aussi à travers les têtes et les corps des individus. Cela signifie que la société n’est ni un conglomérat de tous les humains vivant en son sein ni quelque chose leur étant simplement extérieur. Ainsi la société traverse toutes les sphères de vie de l’individu. Chaque individu est déter miné par les lois objectives du mouvement de la société dans lesquelles malheureusement il se retrouve. Les individus reproduisent et, par là, modifient ces lois. Puisqu’ils engendrent quelque chose dont euxmêmes ne savent rien, le contexte global doit rester voilé pour eux. Mais ils ne l’accomplissent que par petits segments, alors que le procès global s’autonomise à leur égard pour ensuite s’exécuter sur eux»14. Roswitha Scholz définit trois niveaux d’analyse:

  1. Le niveau « méta », qui désigne la dissociation-valeur comme essence de la société moderne, c’est-à-dire du patriarcat marchand.
  2. Le niveau «méso» (moyen) est constitué par les différentes cultures, les groupes sociaux, les genres, etc., traversées par la dissociation-valeur, sans jamais la reproduire de façon égale. Il est important de rendre compte de ces différences pour éviter un déterminisme qui fait découler tout phénomène et toute différence d’un principe unique, lequel, en dernière conséquence, ne pourrait plus être saisi comme autre chose qu’une donnée ontologique, métaphysique ou divine.
  3. Enfin le niveau «micro» est celui de l’individu, avec sa constitution particulière, qui ne se conforme jamais complètement aux exigences et aux impératifs ni au principe formel de la dissociation-valeur, ni à ceux de ses appartenances sociale, culturelle ou sexuelle.

Ces trois niveaux doivent être pensés chacun dans sa différence et dans sa relation de dépendance. Ils se produisent et reproduisent continuellement les uns les autres sur des plans historiques nouveaux. La dissociation-valeur est conçue d’avance comme le produit d’un certain rapport social – en effet, elle n’a rien de «naturel». Les groupes sociaux et culturels, ainsi que les genres sont traversés par cette «totalité brisée» en lui donnant corps de façons diverses, mais aussi contradictoires. Les individus, nés dans cette constellation, adoptent la forme prévue à leur existence et reproduisent le principe sans jamais s’y conformer totalement. C’est aussi pourquoi la dissociation-valeur n’est pas identique à la division entre la sphère publique et la sphère privée, comme nous le verrons plus loin, mais participe historiquement à leur création et à leur dissolution.

La dissociation sexuelle traverse donc la société dans son ensemble et à tous les niveaux, même si ce n’est pas de façon figée. Elle constitue bien plus qu’une organisation sociale, mais touche autant les niveaux sociopsychiques, symboliques et culturels, jusque dans la constitution psychique des individus.

Le concept de dissociation-valeur ne représente pas, dans ces transformations, la totalité conceptuelle dont les phénomènes ne seraient qu’une incarnation, mais bien plutôt une conceptualisation de la totalité – une conceptualisation qui accepte d’avance ses limites. En intégrant le fait que le concept fait par nature abstraction, la critique de la dissociation-valeur veut penser ces différences en sachant que la seule approche conceptuelle ne suffit pas.

Aujourd’hui, au moment où le modèle de civilisation moderne est en crise et se disloque sur ses différents plans, aussi bien individuel, d’appartenance identitaire, économique, politique et idéologique, le méta-niveau de la dissociation-valeur traverse à nouveau des transformations importantes.

Postmodernité: décomposition sans abolition

Le patriarcat moderne est une forme sociale instable. Il ne cesse de se transformer, de transformer le monde. Il est impossible de le saisir avec des concepts figés, qui ne rendent jamais compte justement de cette «nature» mouvante du «progrès» capitaliste.

«Une innovation fondamentale au sens de la critique de la dissociation-valeur se trouverait à cet égard dans la tradition de l’école de Francfort, qui, en tant que théorie dialectique, part per se du point de vue que la théorie aussi doit changer quand les rapports sociaux sont transformés; la “théorie critique” a donc toujours un “noyau temporel” (même à l’intérieur de l’histoire capitaliste-patriarcale), comme il est par exemple dit dans la Dialectique de la raison15»16.

Aujourd’hui, au temps de la postmodernité, on peut non seulement observer le déclin de la famille traditionnelle et des rôles attribués aux genres, mais voir aussi se diluer la séparation entre «sphère publique» et «sphère privée».

Ici, il n’est pas question seulement des sociétés occidentales: dans le processus de la mondialisation, des déstabilisations qu’elle provoque et de la flexibilité qu’elle exige, elle crée partout dans le monde des scénarios de crise qui évidemment se présentent de façon multiple. Les mouvements accrus de migration, par exemple, vont, dans les pays d’émigration, de pair avec des transformations importantes des structures familiales et des rôles attribués aux sexes.

On peut observer aussi bien en Afrique, qu’en Asie, en Amérique latine ou en Europe la mise en place progressive d’une «double socialisation» des femmes, de plus en plus responsables aussi bien de la (sur)vie au foyer que des ressources financières. Il va de soi que cette «double socialisation» se présente, selon les pays et régions, très différemment et même de façon opposée. Dans les pays industrialisés et démocratisés, par exemple, on peut observer des «doubles socialisations» de luxe, et d’autres de misère. Et c’est aussi ici qu’il faut tenir compte des différences culturelles et historiques et ne pas les classifier trop schématiquement dans des métacatégories. L’histoire de la colonisation, par exemple en Afrique, a certainement eu des conséquences particulières au niveau social, communautaire et individuel qui ne sont pas la simple répétition de l’histoire européenne. La rapidité de l’intégration dans le monde patriarcal-capitaliste dépend certainement de la profondeur de l’assimilation et de l’hybridation avec des formes de socialisation antérieures. Et si l’on retient que la forme-sujet moderne est substantiellement masculine, blanche et occidentale, l’intégraon de cette forme par des Africains doit produire des formes de refoulement particulières, déjà remarquées par Frantz Fanon dans son livre Peau noire, masques blancs. Dès lors, la femme africaine subit certainement à son tour une «double-dissociation». Les conséquences du racisme, de l’esclavage et de la colonisation ne peuvent pas être forcées dans des grilles d’interprétation générales, mais doivent être considérées dans leur particularité et leur dynamique propre – sans pour autant les «dissocier» d’une théorisation générale. Une théorie critique eurocentriste prolonge tout simplement les erreurs et les horreurs qui sont celles de la cible de sa critique, tout autant qu’une vision qui ne connaît que différences et relativisations.

Il en va de même avec une explication matérialiste et utilitariste de l’antisémitisme qui ne peut saisir l’irrationalisme consubstantiel du rationalisme occidental et de ces conséquences. L’histoire de l’Holocauste, on le sait, ne peut pas être analysée avec les seuls outils de la critique de l’économie politique, bien qu’il appartienne fondamentalement à l’histoire du capitalisme.

À comprendre l’histoire capitaliste comme un déploiement logique, presque planifié, on passe forcément à côté de l’essentiel. J’avancerai ici l’idée que cette histoire est celle de l’accélération de situations d’urgence et d’un «progrès» incessant qui se poursuit comme une course infernale, une fuite en avant éternelle. En tant que «deuxième seconde nature», la forme sociale fétichiste et patriarcale représente un cadre à l’intérieur duquel les individus font leurs choix, mais qui en tant que cadre leur reste inaccessible. Ils subissent leur propre forme – sociale ou individuelle – comme une loi naturelle.

Le capitalisme patriarcal postmoderne aggrave énormément cette inconscience et ses conséquences. Bien qu’il soit en train de détruire le monde, et qu’on connaisse les conséquences sociales désastreuses de son développement, jamais le capitalisme comme forme-sociale n’est apparu à ses sujets aussi indépassable. À une vitesse exponentielle, il continue d’atomiser les individus et de les abrutir au point qu’ils deviennent inutilisables même pour ses propres buts. Il suffit d’une observation un tant soit peu lucide pour savoir que les politiciens n’ont dans leurs agissements plus aucune option autre que spectaculaire. Les décideurs économiques sont tellement pris par des mécanismes que leurs choix n’ont plus grand chose de stratégique. Ainsi, avec la dissolution de la politique et l’autodestruction de l’économie (la concurrence oblige à réduire de plus en plus la substance même de la valorisation: le travail), sans aucune perspective de sortir de ses impératifs, le sujet moderne se «barbarise»17 dans sa forme au lieu de la briser. Et dans cette tendance, toutes les catégories et sphères sociales (public-privé, travail-loisir, jeune-vieux, homme-femme) se décomposent tout en restant dans des contraintes indépassables.

Bien sûr, la relégation des femmes dans la sphère privée n’a jamais correspondu complètement à la réalité. Les femmes ont toujours travaillé, il a existé des politiciennes, des femmes révolutionnaires, scientifiques, militaires, écrivains, etc.18. Dans l’actuelle désintégration de ces sphères, quand le privé devient une affaire publique et que le public se privatise, la dissociation-valeur n’est pas abolie mais se déplace, et elle apparaît sous des formes de plus en plus complexes: à l’intérieur des institutions, des groupes sociaux, des individus. Aussi voit-on émerger de plus en plus d’«identités multiples et flexibles» qui pourraient faire croire que le rapport asymétrique entre les sexes serait aujourd’hui devenu une problématique dépassée. Certains y voient déjà l’émancipation s’accomplir ou du moins des «chances» ou des «possibles» pointer leur nez.

Mais un coup d’œil sur les réalités sociales permet, derrière cette apparente libération à l’égard des carcans identitaires, de déceler la nouvelle flexibilité forcée et de déchiffrer les «possibles» de la mondialisation comme la décomposition anomique des catégories capitalistes. La crise du capitalisme est loin de représenter son abolition et ne promet rien d’autre que de la destruction. Ce n’est pas la «réduction du rôle de l’État» face à la concurrence mondialisée qui nous fait croire à son dépassement; et le sujet comme forme-camisole de l’individu ne disparaît pas mais s’accomplit dans sa barbarisation en tant que masculin, blanc et occidental.

Il est d’ores et déjà visible que ce sont – au niveau mondial – prioritairement les femmes qui sont les victimes du développement actuel, autant comme cible de la haine et de la violence déclenchées par la barbarisation avancée que comme gestionnaires de la crise dans leur «double socialisation».

Qui voudrait affirmer sérieusement que sous la bannière du néocapitalisme postmoderne disparaîtront la soumission des femmes, l’infériorisation de la «féminité» et l’opposition entre une sexualité masculine agressive (viols, mais aussi sous les formes plus soft quotidiennes telles qu’images médiatiques, publicité, pornographie) et une sexualité féminine passive? Fini le rôle sous-valorisé des femmes dans l’économie et dans la politique grâce à Ségolène Royal et quelques business-women? Croira-t-on arrivée la fin du modèle de l’hétérosexualité forcée à cause d’un certain assouplissement envers d’autres catégories sexuelles ou à cause du jeu spectaculaire avec des identités troublées? Ce n’est d’ailleurs pas la flexibilité postmoderne des identités qui empêche le «réarmement moral et répressif» d’émerger, en dépit des amusants jeux de société où il s’agit d’endosser des rôles. Elle n’empêche pas non plus que le soin aux malades et des enfants soit à nouveau «privatisé» et laissé à la tendre sollicitude des femmes et que ce soit aujourd’hui les métiers «féminins» du social qui, dans les sociétés «les plus avancées», sont les premiers à être touchés par les «réformes». De plus, on peut observer au niveau mondial un regain de la haine des femmes, d’une violente et singulière virulence, qu’il s’agisse des nombreux foyers de la «guerre civile mondiale» qui partout se présentent comme une sorte de guerre de bandes pour l’appropriation des bribes et ruines de la société marchande, ou des explosions du désespoir hyper-violent dans les vieux centres de la modernité.

La confiance dans un dépassement quasi automatique du patriarcat capitaliste et de ses catégories n’est finalement rien d’autre que l’ancien «matérialisme historique» révisé. Ce qui aujourd’hui est applaudi par les progressistes comme émancipation et regretté par les conservateurs comme révolution anthropologique par le bas (contre les bienfaits de la modernité) n’a en vérité rien d’un changement radical (c’est-à-dire catégoriel). Il ne représente que la barbarisation des catégories capitalistes elles-mêmes. Cette transformation ne se déroule pas dans un sens unique; aujourd’hui, quand les caisses sont vides et les soucis sont à nouveau de plus en plus matériels, on voit réapparaître les anciens carcans autoritaires sous des formes peut-être encore plus coercitives.

Cela ne veut pas dire, justement, qu’une critique radicale peut ressasser les anciens schémas, tout en disant que «au fond, rien n’a changé». Les transformations du capital-patriarcat ne sont à considérer, ni comme l’éternel retour du même, ni comme son abolition.

1 Roswitha Scholz, Das Geschlecht des Kapitalismus, Bad Honnef, Horlemann, 2000, p. 108.

2 Les thèses de ce courant de la théorie critique allemande, connu sous l’appellation de la «critique de la valeur» commencent à être partiellement accessibles en français. Voir entre autres sur ce sujet Anselm Jappe, Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur, Paris, Denoël, 2003.

3 Anselm Jappe, «Conférence 2005 au Forum Social Basque», consulté le 1er mai 2007 sur le site: www.forumsocialpaysbasque.org.

4 Voir sur ce sujet Karl Marx, Le Capital, Livre 1, tome 1, Paris, Les Éditions Sociales, p. 157: «Dans la circulation A-M-A’, marchandise et argent ne fonctionnent que comme des formes différentes de la valeur elle-même, de manière que l’un est la for me générale, l’autre la forme particulière et, pour ainsi dire, dissimulée. La valeur passe constamment d’une forme à l’autre sans se perdre dans ce mouvement.» C’est ce que Marx appelle la transformation de la valeur en «sujet automate» (le terme lui-même n’est pas dans la traduction de Joseph Roy qui a coupé la fin de la phrase).

5 Robert Kurz, Blutige Vernunft, Bad Honnef, Horlemann, 2004, p. 70.

6 Ibidem, p.64.

7 La notion d’«abstraction réelle» a été introduite par Alfred Sohn-Rethel, un philosophe allemand scandaleusement méconnu en France, dans un essai de 1961 intitulé «Forme marchandise et forme de pensée».

8 Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, La Dialectique de la raison. Fragments philosophiques, Paris, Gallimard, 1974, p. 49.

9 Vu son caractère dynamique, il est difficile de distinguer le processus de formation du capitalisme de son instauration définitive. On pourrait même être tenté de décrire celui-ci comme un processus permanent de sa propre mise en place, jusque dans la période actuelle de dissolution. La mise en place définitive du capitalisme correspondrait alors à sa crise finale. Ajoutons que cette crise finale du capitalisme n’est pas synonyme d’émancipation et risque fortement de correspondre à la crise finale et à la disparition de l’humanité et de son monde. L’émancipation demande un effort autrement plus important que l’exécution d’un mécanisme capitaliste.

10 Roswitha Scholz, Das Geschlecht des Kapitalismus, op. cit., p. 109.

11 Ibidem, p. 110.

12 Ibid., p. 108.

13 Ibid., p. 114.

14 Micha Böhme, «Le concept de société chez Adorno», conférence non publiée.

15 «Nous ne maintiendrons pas nécessairement tel quel tout ce qui est dit dans ce livre; une telle attitude serait inconciliable avec une théorie qui affirme que le cœur de la vérité est lié au cours du temps au lieu de l’opposer telle une constante immuable au mouvement de l’histoire». Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, La Dialectique de la raison. Fragments philosophiques, op. cit., p. 9.

16 Roswitha Scholz, Das Geschlecht des Kapitalismus, op. cit., p. 181.

17 Les termes barbarie, barbarisation, barbare sont bien sûr issus d’une vision eurocentrique. Il sont utilisés ici en connaissance de leur ambiguïté. Il est tout de même intéressant de dire que le refus, la peur et la haine vers «l’autre» qui sont contenus dans ce concept, ne sont finalement rien d’autre que ceux que couve l’occident envers lui-même, inclus le pressentiment et la peur de sa propre destructivité, projetée sur quelqu’un désigné comme extérieur.

18 Mais faut-il rappeler ici que ce ne fut jamais qu’en tant qu’hommes de second ordre et que généralement elles gardaient en même temps leur rôle de femme?

Johannes Vogele

Source: http://www.exit-online.org/textanz1.php?tabelle=transnationales&index=3&posnr=153&backtext1=text1.php

  1. Patlotch
    07/01/2011 à 19:01 | #1

    Signalons que parmi les textes du groupe EXIT (critique de la valeur) traduits en français, d’autres abordent aussi la question du genre dans le capitalisme.

    – La femme comme chienne de l’homme, Robert Kurz

    http://www.exit-online.org/textanz1.php?tabelle=transnationales&index=3&posnr=152&backtext1=text1.php

    – Remarques sur les notions de «valeur» et de «dissociation-valeur», Roswitha Scholz

    http://www.exit-online.org/textanz1.php?tabelle=transnationales&index=3&posnr=151&backtext1=text1.php

  2. Norman
    09/01/2011 à 18:58 | #2

    j’ai lu ce texte ,au début, avec un grand intérêt
    c’est toujours bon de relire le B.A BA de l’ Aufhebung et du fétichisme dans un langage clair et directement compréhensible.
    Puis les références à Adorno et l’école de Francfort m’ont fait craindre le pire.
    enfin je ne vois vraiment pas ce qui permet de conclure que « Il est d’ores et déjà visible que ce sont – au niveau mondial – prioritairement les femmes qui sont les victimes du développement actuel ».
    Il y a là une espèce de pirouette finale qui pourrait s’intituler « féminisme ou barbarie ».

  3. A.D.
    09/01/2011 à 22:20 | #3

    @Norman
    C’est à dire – qu’avec ou sans restructuration-, »women are the niggers of the world, they’re the slaves of the slaves »
    je ne vois pas ce qui t’étonne, ou détonne. la pirouette( cacahouète) est dans ta tête, finalement.
    A;-D

  4. Patlotch
    10/01/2011 à 10:32 | #4

    @Norman

    Ce sont des textes plus qu’intéressants, importants. Positivement parce qu’ils articulent théoriquement critique du capital et du genre, et comme matière à critique parce qu’ils le font en relation avec la critique de la valeur, d’une manière qui tend à effacer la lutte de classe comme exploitation, et la domination masculine comme intriquée avec elle et la déterminant. Textes importants parce que cette critique commence à prendre une certaine place en France
    (cf le site ici référencé http://palim-psao.over-blog.fr/ qui vient au demeurant de présenter http://palim-psao.over-blog.fr/article-presentation-et-introduction-de-ouvriers-contre-le-travail-paris-et-barcelone-pendant-les-fronts-populaires-de-michael-seidman-64565406.html ).

    Textes importants parce que Robert Kurz n’est pas Postone, et que celui-ci, dont l’ouvrage majeur a été traduit l’an dernier, précisément par son origine universitaire, n’est pas sans impact sur le « marxisme » français (ce dont témoigne sa présentation par Denis Colin). Dans quelle mesure cela pourrait-il avoir des retombées idéologico-politique, il est un peu tôt pour le dire…

    Il faudra attendre la traduction de « Roswitha Scholz, Das Geschlecht des Kapitalismus [Le sexe du capitalisme], Bad Honnef, Horlemann, 2000, p. 108. » pour y voir plus clair, mais quelque chose me dit que par ce bien de « la dissociation-valeur », on peut engager une critique plus générale de la « critique de la valeur ».

    Toujours est-il que je ne vois pas de « pirouette finale qui pourrait s’intituler “féminisme ou barbarie” », mais plutôt « Pas de révolution sans abolition du genre »

  5. norman
    10/01/2011 à 12:09 | #5

    @Patlotch

    “Pas de révolution sans abolition du genre”
    en tant que lecteur de Muray, je suis sensible au fait que dans sa version spectaculaire,l’abolition du genre,c’est avant tout l’infantilisation du sujet.
    pour le dire à la façon de Holderlin (les metiers) ou Cravan (les artistes): »aujourd’hui on ne voit plus que des enfants et on a toutes les peines du monde à distinguer un homme ».
    le terme pirouette (que singe AD) designe une theorie qui brusquement est présentée la tete en bas (voir Marx vs Hegel).
    Je ne vois aucun interet à designer qui ,entre les hommes et les femmes, seraient les victimes prioritaires.Il n’y a pas d’esclaves d’esclaves (ni d’Autre de l’Autre).Il n’y a pas de priorité à la misère.

  6. Patlotch
    10/01/2011 à 12:46 | #6

    @norman

    Norman « Je ne vois aucun interet à designer qui ,entre les hommes et les femmes, seraient les victimes prioritaires.Il n’y a pas d’esclaves d’esclaves (ni d’Autre de l’Autre). Il n’y a pas de priorité à la misère. »

    Il y a des degrés dans « l’accouplement » de deux « misères » de natures différentes, qui s’accroissent réciproquement, la question étant bien de voir comment pour en finir avec les deux.

    Angela Davis, dans « Femmes, races, classes », montrait très concrètement la double domination-exploitation de la femme esclave.

    Flora Tristan :  » L’affranchissement des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. L’homme le plus opprimé peut opprimer un être qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même ».

    Sûrement nombre de témoignages dans la littérature féministe prolétarienne… Mais la question est celle d’aujourd’hui, et la ya pas photo, par la place des femmes dans le salariat, le précariat, et « naturellement », à la maison.

  7. Norman
    10/01/2011 à 13:18 | #7

    comment expliqueriez vous à un jeune beur mâle,qui se voit interdire l’accès a certains lieux ou certaines fonctions ,alors que ses « soeurs » y entrent sans problèmes.
    ou encore à un père divorcé qui n’arrive pas a obtenir la garde de ses enfants,que sa condition masculine est plus enviable?
    pour la misère du feminisme,se reporter aux bombeuses:
    http://www.teleologie.org/OT/textes/other/bombeuses1.html

    pour l’abolition des genre comme idéologie suspecte,voir le débat zizek vs Ronell

  8. AD
    10/01/2011 à 13:32 | #8

    .Il n’y a pas d’esclaves d’esclaves (ni d’Autre de l’Autre).Il n’y a pas de priorité à la misère. Norman

    Il y avait des esclaves qui, tout en étant esclaves, dirigeaient et exploitaient d’autres esclaves de rang subalterne, à Rome. Ces esclaves chefs de chantiers, contre-maître, mandataires dans les affaires commerciales, bien que ne possédant pas (impossible en Droit romain) cette main-d’oeuvre, en usaient de la même façon que les maître légaux et possesseurs. Alors, l’autre de l’autre ?
    En ce qui concerne les femmes, renseigne toi, ou prend l’avion direction Ciudad Juarez, peut-être que tu verras la lumière – avec L majuscule, c’est mieux ?
    Mais , si , toi aussi, tu pratiques l’art médiumnique, convoquant Karl – et Amadeus, et Socrate ?-, je m’incline, bien sûr sous ses doctes propos, inspirés par de si savants et incontestables prophètes…
    (Les paroles en anglais : Plastic Ono Band, J Lennon ; Woman is the nigger of the word)

  9. Patlotch
    10/01/2011 à 14:28 | #9

    Je précise que mes remarques concernant ‘domination sexuelle et exploitation capitaliste’, ‘abolition des genres et des classes’ font allusion au texte DISTINCTION DE GENRES, PROGRAMMATISME ET COMMUNISATION, publié dans « Théorie communiste 23, mai 2010″, et qu’on trouve ici > http://meeting.communisation.net/archives/summer-meeting-2008/ateliers/article/distinction-de-genres

    Cette question a déjà été débattue sur DNDF, notamment https://dndf.org/?p=6862

  10. Norman
    10/01/2011 à 15:15 | #10

    @AD
    pour répondre avec la même ironie:
    le prisonnier qui commande les autres prisonniers:on peut donc être prisonnier d’un prisonnier?
    le truffion qui donne des ordres aux autres : il y a donc un truffion du truffion ?
    un Lennon du lennon ?
    une Lumière de la Lumière ?
    l’impératif catégorique d’un impératif catégorique ?
    le communisme du communisme ?
    mince alors!

  11. Patlotch
    10/01/2011 à 17:42 | #11

    @Norman

    Norman « comment expliqueriez vous à un jeune beur mâle, qui se voit interdire l’accès a certains lieux ou certaines fonctions ,alors que ses “soeurs” y entrent sans problèmes. »

    Le droit d’entrer ici ou là en fonction de son sexe ne définit pas nécessairement une domination, ni même un privilège de l’un sur l’autre (pris comme ça, la majorité des hommes sont effectivement « interdits » de cuisine…). Mais devant les toilettes publiques H/F, quelle est la queue la plus longue ?

    (je précise, sait-on jamais, que c’est un gag et pas une « explication », parce qu’au jeune beur mâle etc. je n’ai rien à dire. Il comprends tout seul, comme mon gamin depuis qu’il ne peut plus entrer avec sa mère du côté F des bains publics – Sentô. S’il ne comprend pas, tant mieux, c’est qu’il est prêt abolir les toilettes)

    Le père divorcé qui ne peut obtenir la garde de ses enfants est »victime » de la même assignation de genre, qui se retourne (Nougaro « Tu seras l’homme, et moi la femme… »).

    Je pense que tenter d’aborder la question sous l’angle de situations créées par l’effondrement de la famille, depuis quelques décennies, renvoyer à des « progrès dans l’égalité » ou « l’équité » (sic), à la « libération de la femme », etc. d’une part permet surtout de se dispenser d’y regarder de plus près, en particulier sous l’angle du niveau de revenus respectifs des hommes seuls et des femmes seules, d’autre part rabat la réflexion théorique sur un empirisme au mieux sociologique, au pire psychologisant dont les fondements ne sont pas interrogés, ni en terme d’exploitaion au travail, ni de domination sexuelle, et plus rarement encore les deux ensemble (le sommet, c’est « le harcèlement », qui pour être bien réel, fonde davantage une juridiction destinée à punir pour protéger l’entreprise, qu’une tentative de compréhension dans ces rapports contradictoires – de classes et genres).

  12. Patlotch
  13. AD
    17/01/2011 à 23:10 | #13

    « le prisonnier qui commande les autres prisonniers:on peut donc être prisonnier d’un prisonnier? » Sans ironie, mais quand même : oui et c’est souvent le cas.
    « Un trouffion qui donne des ordres » : c’est un gradé que ça se dit. Officier, quoi.
    Les Autres phrases sont trop difficiles pour moi, peut-être même d’un sens si profond que mes pauvres lumières ( c’était fait exprès)…
    A : –D.

  14. Jayce
    19/01/2011 à 11:04 | #14

    Je dois dire que je suis extrêmement déçu par la théorisation faite par TC sur la question du genre. Il s’agit à mon sens d’un fantasme de désexualisation des rapports interindividuels qui ferait de l’immédiateté visée des rapports sociaux des relations entre de purs anges.
    RS cède aux sirènes du post-structuralisme à l’américaine (ce qui est certainement la suite logique de son attirance toujours plus affichée pour le structuralisme althussérien. Comme disait en substance Camatte à propos de TC dans les 70’s, qu’avons nous à faire d’un structuralisme prolétarien?

    Fallait-il vraiment, cher Roland Simon, pondre un article qui ne fait que reprendre les revendications les plus plates d’un mouvement bourgeois démocratique ultra-idéaliste, le féminisme post-moderne le plus délirant, l’abolition des genres, voire des sexes dont la réalité, y compris comme base légitime de structurations psychiques et érotiques différenciées, est toujours mise de côté????
    Oserais-je (allez, j’ose) au risque de passer pour réactionnaire dans cette ambiance de Political Corectness antisexuelle, citer La Guerre Sociale, dont « Misère du Féminisme » ne risque pas, contrairement au texte de Roland Simon, de passer sans problèmes dans la sphère des Gender Studies universitaires, summum de l’idéologie démocratique et avant-poste de l’aliénation satisfaite ( J’attends d’ailleurs son prochain article sur « Genre et réchauffement climatique »)?  » Le rouleau compresseur économique nivelle. Mais la diférence des sexes demeur. Et le communisme, lui, n’a pas à passer dessus, mais au contraire à la reconnaître pleinement, car il est, au-delà de l’économie, l’expression sociale des besoins humains. Et les hommes et les femmes ont des besoins différents et le besoin de cette différence. » « Imbécile volonté de nivellement, incapacité à jouer et à jouir de cette différence qui rapproche les sexes. » « Ce qu’il faut cultiver, ce sont ces rapports subtils qui font, à partir de sa particularité biologique, découvrir à chacun son identité sociale, son désir et celui du sexe opposé » »Il n’aura pas à enfermer les gens dans quoi que ce soit, et nul doute qu’hommes et femmes accompliront de semblables focntions. Mais il ne les réduira pas à cette fonction, et de ce simple fait, chacun opérera à sa manière, et cette manière ne pourra pas échapper à sa nature sexuelle. »

    Relisez aussi Annie Le Brun, qui sut dénoncer depuis les années 70 le féminisme, cette idéologie policière de staliniennes en jupon, comme elle le dit?

    Et oui, il existe une réalité biologique de l’humain dont la théorie devrait tenir compte. Je suis un affreux essentialiste, humaniste, ce que vous voulez! Mais le nominalisme, comme le rappelle Adorno, n’a pas de manière unilatérale et éternelle un rôle libérateur, mais sa fonction actuelle ajouterai-je est de déblayer le champ (en détruisant les dernières enclosures, en « libérant » comme il a « libéré » la force du travail qu’il lui fallait) pour les opérations du Capital. Que vous vouliez participer à ce « travail du positif » que n’importe quelle professeure de socio, bien vite montée en grade en récompense de cette tâche, peut accomplir, me paraît tout de même hallucinant.

    A bas l’angélisme antisexuel de TC!

  15. Jayce
    19/01/2011 à 11:13 | #15

    « C’est le genre qui donne un sexe » dit RS…Ben voyons, et comme dit Judith Butler si profondément, on ne pas pas chez le gynéco parce qu’on est une femme, mais on est une femme parce qu’on va chez le gynéco???

    Le concept de genre est hautement suspect, et proprement idéaliste…Le genre de phrase sus-citée suffit à le montrer à celui qui n’a pas les oeillères de l’idéolâtrie.

    Moi qui m’attendait dans le dernier TC à trouver une critique serrée de l’idéologie du genre, à la manière de la critique du démocratisme radical, ou des subtilités théologiques consacrées au démontage de l’humanisme radical!!!

  16. Jayce
    19/01/2011 à 11:24 | #16

    « La perception de l’humanité comme partagée entre porteurs potentiels d’enfants et non-porteurs n’est pas une « perception spontanée », c’est une construction sociale » dit RS…
    C’est vrai que c’est triste que RS ne parvienne à voir les femmes que comme une catégorie de « porteur potentiel d’enfant »!! Cette belle définition technique doit effectivement illuminer ses rêves érotiques…Mais justement le coeur du problème, ou son ventre, est bien que la différence de sexes se pose d’abord (de moins en moins à notre époque où l’imagination est détruite par la saturation d’images, notamment pornographiques, qui laisse le champ libre à des relations de froid calcul, sans fantasme, désérotisées) en terme de polarisation et de dynamique érotique et amoureuse…Un texte sur les femmes où n’apparaissent pas ces mots, pour ne pas parler des concepts, d’érotisme, de sexualité, d’amour, de sensualité, de sensibilité, de don (et pas de partage ou d’équité, ces affreuses notions petites-bourgeoises qui définiraient l’amour comme un contrat avec parts égales d’obligations et de droits!!!!), c’est un texte PURITAIN, et qui rejoint en cela le pire et le plus prévalent des puritanismes actuels: le féminisme.

  17. Jayce
    19/01/2011 à 12:57 | #17

    …et pardonnez les quelques fautes de frappe dûes à mon ardeur à toucher au plus vite la cible…

  18. pepe
    19/01/2011 à 13:00 | #18

    Ces derniers commentaires sur la distinction de genre chez TC (dans TC 23) susciteront, à n’en pas douter, quelques réponses sur le fond.
    En première réaction,on peut être surpris de l’attaque ad hominem d’un texte qui est signé par un collectif, celui de la revue Théorie communiste (c’est à dire non signé).
    Mais en fait, ça n’est peut etre pas si surprenant que cela: il s’agit là de ramener le débat à un affrontement d’homme à homme (oserions nous dire: « entre mâles dominants »). Cela serait assez cohérent avec une critique si virulente de la volonté théorique d’en finir avec la distinction de genre, chez TC….

  19. Jayce
    19/01/2011 à 13:57 | #19

    Pour ce qui est de l’attaque « ad hominem », l’article « Distinction de genres, programmatisme et communisation » d’où je tire les quelques citations, référencé ici par Patlotch, est bien signé RS. J’ai donc eu le réflexe compréhensible et légitime, puisqu’il est signé, de m’adresser d’abord à son auteur. D’autant que mes intentions, certes polémiques, n’impliquent, que ce soit clair, aucune agressivité à l’égard de Roland Simon pour qui j’ai le plus profond respect et pas la moindre volonté de dénigrement. Que mes critiques à travers lui engagent TC en tant que groupe, à eux/vous d’en décider, peu me chaut.

    Le passage concernant ses rêves érotiques pouvant paraître peu courtois (et je présente mes excuses à RS s’il l’a pris pour autre chose qu’une boutade cherchant effectivement à faire réagir), je reformule ce que je signifiais par là: l’insuffisance qui m’apparaît flagrante d’une théorisation de la « question féminine » qui parte uniquement, avec un matérialisme, si ce n’est grossier, du moins assez peu subtil, de la question de la femme comme force de reproduction, fonction sans quoi leur différence, dans le texte signé RS, est négligeable et ramené à un attribut physique en soi indifférent « Si le genre n’existait pas, ce qu’on appelle le sexe serait dénué de signification, et ne serait pas perçu comme important : ce ne serait qu’une différence physique comme les autres. »(RS, dans le texte cité) C’est cette indifférence (ce « sexe dénué de signification ») qui me semble-t’il peut être contestée, et ce dès lors que la question commence à être interrogée, non plus comme problème « économique » de la domination masculine, mais sous l’angle de l’érotique, chemin en partie défriché par la mythologie, l’art et la poésie, notamment du romantisme au surréalisme (sans compter son hérésie rationaliste dit « situationniste » qui s’y est peu penché).

    L’affrontement d’homme à homme, en soi, m’intéresse assez peu. Mais ma poussée combative présente (je n’ai participé à aucun forum jusqu’ici) vient du désarroi de retrouver presque mot pour mot, chez quelqu’un comme Roland Simon (qui, au moins par la présence quantitative de ses textes, est bien le porte-parole le plus individualisé et individualisable du groupe TC) dont j’apprécie grandement la capacité critique, des analyses calquées des courants post-structuralistes du féminisme américain, exemplaire pseudo-critique et réelle apologétique de mouvements dominants et adverses; voir contre ceux-ci l’analyse de Séverine Deneuil (même si à certains égards trop peu percutante )dans la revue « l’autre côté ».

    Par pure coquetterie, et par ailleurs sans rapport autre que formel,
    « La théorie est capable de pénétrer les masses dès qu’elle procède par des démonstrations ad hominem, et elle fait des démonstrations ad hominem dès qu’elle devient radicale. « 

  20. Patlotch
    19/01/2011 à 14:36 | #20

    J’avoue avoir un peu de mal avec cette compréhension du texte de TC sur le genre. Dommage que Jayce n’en dise pas plus sur (voire contre) la construction même de l’assignation de genre par le capitalisme, dans le surtravail. Car c’est là que réside  » une critique serrée de l’idéologie du genre ». C’est là le plus important pour articuler capital et patiarcat. J’ai des questions avec ce texte, certaines formulations, mais davantage son absence de clarté sur la persistance de la différence sexuelle biologique que sur le démontage de la base transhistorique à la construction historique et sociale de la domination masculine.

    Jayce « c’est triste que RS ne parvienne à voir les femmes que comme une catégorie de “porteur potentiel d’enfant”!  » Mais ce n’est pas RS/TC qui ne parvient qu’à ça, le texte montre que c’est le capital même, avec le genre féminin comme principale force productive dans l’augmentation de la population, donc de la plus-value absolue (c’est pas técéiste, mais basiquement marxien).

    Dans les citations de « La guerre sociale », font question des passages tels que « à partir de sa particularité biologique, découvrir à chacun son identité sociale ». C’est quoi, « l’identité sociale », dans le communisme ? Pour moi, le désir du sexe opposé ne pose aucun problème pour le communisme. Si c’est le cas pour TC, il faudrait le montrer à partir de son texte, ce que Jayce ne fait pas, ne s’appuyant que sur l’absence de la question (si c’est un pb, ce n’est pas au sens que dit Jayce). Je n’ai aucun problème avec « Il n’aura pas à enfermer les gens dans quoi que ce soit, et nul doute qu’hommes et femmes accompliront de semblables fonctions. Mais il ne les réduira pas à cette fonction, et de ce simple fait, chacun opérera à sa manière, et cette manière ne pourra pas échapper à sa nature sexuelle.” J’ajouterais volontiers homme et femmes, ET autres sexuellement.

    TC dit que « c’est le genre qui donne un sexe » un sexe social, pas un sexe biologique, ça n’aurait pas de sens.

    Jayce « Le concept de genre est hautement suspect, et proprement idéaliste… » Oui, et même idéologique. Mais TC ne l’affirme pas positivement, il pose précisément la nécessité de l’abolir.

    Je ne prétends pas que le texte ne pose pas de problème -j’espère qu’on y reviendra, et l’intervention de Jayce promet des débats indispensables – mais il ne faut tout de même pas le lire à l’envers.

    PS : sur le post-structuralisme et Althusser, je pense qu’il y a maldonne, ou alors autant reprocher à Marx d’être le premier structuraliste. Il n’empêche que le capital fonctionne comme mouvement sur la base de ce qui structure ses contradictions, on trouve ça aussi, de façon différente, mais pasionnante théoriquement chez Postone. Je ne parle évidemment pas de la supposée contradiction entre infrastructure et superstructures, introuvable chez Marx et TC, et proprement contraire à leurs élaborations dialectiques.

  21. Patlotch
    20/01/2011 à 12:28 | #21

    Patchwork d’extraits de « Distinction de genre, programmatisme et communisation », TC 23, dont certains répondent à Jayce, et d’autres peuvent alimenter partie de sa critique.

    Le texte est bien signé RS et non du collectif TC (Pepe). Je n’ai pas vérifié dans la revue papier, mais c’est le cas en ligne, http://meeting.communisation.net/archives/summer-meeting-2008/ateliers/article/distinction-de-genres et http://pt.indymedia.org/conteudo/newswire/1614 (merci aux camarades portugais-e-s)

    « Il faut parvenir à penser par quel processus social on parvient à la situation où la différence des sexes n’a plus de pertinence sociale »

    « Pour comprendre comment ce rapport est construit, il ne faut ps partir de la reproduction (biologique) et de la place spécifique des femmes dans cette reproduction (Françoise Héritier) ‘mais de ce qui rend cette place spécifique et lui donne un sens spécifique : les modes de production jusqu’à aujourd’hui »

    « Les femmes font des enfants, mais il n’y a rien là de naturel à ce que ce fait définisse une « entité sociale » plus que tout autre caractéristique ou détermination. Si « faire des enfants » devient la définition d’un groupe de personnes, les femmes, cela est une pure construction sociale. L’augmentation de la population comme principale force productive permet de considérer les différences biologiques dans la reproduction comme seulement quelque chose à laquelle un rapport social donne un sens, ce n’est pas quelque chose en attente d’avoir un sens, mais totalement construit, comme différence, socialement. Construction qui implique l’appropriation des femmes et leur soumission à cette fonction. »

    « C’est cette appropriation qu’on appelle « genre ». Si le genre n’existait pas, ce qu’on appelle le sexe serait dénué de signification, et ne serait pas perçu comme important : ce ne serait qu’une différence physique comme les autres. »
    [ici, « différence physique comme les autres » est un peu rapide, en ce que cette différence a précisément sa spécificité dans la sexualité humaine]

    « On ne peut laisser de côté, comme dénué d’importance, que la définition sociale des genres définisse un sexe. »
    [je verrais plutôt : « définisse socialement un sexe social », ou dire « que le genre définisse socialement la différence de sexe »]

    « Quand la distinction sociale met en scène une distinction anatomique, c’est-à-dire quand la distinction anatomique est construite comme distinction sociale, quand elle fait sens, il faut en rendre compte en tant que telle : une distinction anatomique qui fait sens. La perception de l’humanité comme partagée entre porteurs potentiels d’enfants et non-porteurs n’est pas une « perception spontanée », c’est une construction sociale ».
    [La distinction anatomique a certes construit la différence de genre par la potentialité « avoir des enfants » mais elle est aussi construite comme différence sexuelle, ou différences d’attirances sexuelles pas seulement hétéro, au sens du désir humain; cette question est laissée de côté, ou platement rapportée à « un problème de cul », l’amour n’étant plus qu’un moyen de domination et d’aliénation, ce qui est un peu court : « Cela signifie des hommes et des femmes qui, en tant que telles, existants comme femmes, sont à contrôler par les sentiments, l’amour, la conjugalité, elles sont à conserver, en tant que femmes, au service du travail libéré. »
    [Mieux que « la famille », abolissons l’amour et les sentiments ! Il existe chez TC une sorte de surenchère nihiliste, dans le genre « Tout ce qui existe mérite de périr », liée au refus de toute définition positive du communisme, jugée idéaliste. Bref une sorte d’utopie anti-utopiste où tout ce qu’on pourrait dire tiendrait dans les formules de l’immédiateté des individus (et pourquoi pas de collectifs ?), et de l’activité humaine infinie.

    «Le salaire féminin fonctionne comme « second salaire »».
    [Il existe un nombre important de couples ou de familles où ce n’est plus vrai, ce qui renvoie par ailleurs à la définition stricte du « travail domestique » comme travail féminin :

    « C’est le travail domestique, travail des femmes, et en tant que tel exclu de l’économie. Ce travail peut parfois être aussi effectué par des hommes, il demeure travail féminin, une société, simplement parce qu’elle est reproduction d’elle-même et donc « survit » aux individus qui la composent, est une structure de positions et de fonctions avant d’être un ensemble d’individus concrets. »
    [C’est passer un peu vite sur le fait que le travail domestique peut être partagé, selon le nature des tâches qui le composent. Ce n’est pas partout « Papa lit, maman coud ». Il existe au Japon, en Chine, des villes où les femmes travaillent pendant que les hommes font la cuisine. Si la question n’est pas statistique (le faible poids des exceptions), c’est très rapide d’en faire un problème de « structure de positions et de fonctions avant d’être un ensemble d’individus concrets ». Il y a une division du travail domestique, et tout le texte montre bien comment se pose la nécessité de son abolition du travail domestique, mais la construction comme stricte opposition hommes/femmes est faible, car elle n’arrive pas à donner au hommes un rôle positif dans l’abolition du genre.

    Le texte manque pour le moins d’un peu de chair, sans jeu de mot, et demeure, comme dit Jayce, très féministe.

    Rédigé, comme mon commentaire #20, sans avoir lu le message de Jayce du 19, commentaire #19

  22. Jayce
    20/01/2011 à 14:12 | #22

    Un forum tel que celui-ci n’est peut-être pas le lieu idéal d’une exposition théorique satisfaisante. Je pense que le mieux sera peut-être que je reprenne tout cela sous forme d’un texte plus long…Que je ne pense pas que mes obligations actuelles particulièrement prenantes (la saloperie du travail) pourra me permettre d’envisager de suite.

    Néanmoins pour répondre très brièvement à Patlotch

    -Je me situe très clairement, sans jouer à le dénier ou à détourner les choses, dans une conception naturaliste de l’Homme, et de ses spécifications nécessaires homme et femme par exemple. Cette conception (existence d’une nature humaine en grande partie non historique, même si elle comprend une certaine malléabilité) doit en partie à Camatte, en tout cas peut effectivement remonter à travers Marx jusqu’à Feuerbach, que je n’accepte pas de voir traiter en chien crevé, comme dit l’autre. Que les féministes me stigmatisent comme essentialiste m’importe peu, et ne serait de toute façon pas strictement faux…

    Autrement dit, pour poser clairement les choses, je revendique cet humanisme radical et révolutionnaire dont TC cherche à tout prix à se libérer, au prix notamment d’une adhésion à la lecture althusserienne du marxisme.

    -Je n’ai pas le temps ici de faire la critique du structuralisme (qui ne peut pas se résumer à la reconnaissance de « structures » mais plus avec le contenu donnée à ce concept), qui de toute façon a peu à voir, sinon comme précurseur « has been », avec le post-structuralisme anglosaxon (ou postmodernisme, ou French Theory) que je visais plus haut, et qui, voyant toute réalité humaine comme un effet de langage, est persuadée de pouvoir changer les choses en jouant sur les mots.

    -Du fait de la conception naturaliste que je défends, je n’ai pas de problèmes de « différence » formelle entre membres d’une même série, qui pourrait être remplacée par des différences sur d’autres points que le sexe. Je tiens la bipolarité sexuelle comme fondamentale dans l’essence humaine, comme détermination nécessaire des individus et élément de dynamique et de polarisation dans leurs rapports.

    Les sociétés passées ont, plus ou moins heureusement, permis à cette bipolarité (qui n’est pas justement une simple différence contingente) de s’exprimer, le Capital tend à la détruire comme le reste de ce qui résiste comme essence humaine (même si son utopie ne peut justement avoir lieu en bonne utopie) et à la réduire justement à la simple juxtaposition de différences (largement quantitatives, « plus » ou « moins » de pénis ou de vagin, de capacité de procréation, de salaire ou de temps de vaisselle, d’avantages et d’inconvénients dans le couple). Ce qui est le terreau sur lequel naît l’idéologie réductrice porteuse de l’idée bourgeoise d’égalité, qu’on a appelé féminisme, et qui voit les individus, hommes et femmes indifférenciés, comme participant à des échanges dans lesquels il y a lieu de calculer ce que chacun donne et ce que chacun reçoit, et de réclamer un équilibre de la balance des paiements. Négation du don, de la soumission ou de la domination, psychiques et charnels, alternes et/ou concomitantes, qui interviennent manifestement dans ce que, jusqu’à ce que le Capital en vienne à effacer le concept, on a pu appeler l’amour.

    -Je n’ai donc pas d’inclination particulière à « articuler » Capital et patriarcat, car je pense que le patriarcat est un faux concept totalement idéologique, un ennemi fantoche créé de toutes pièce par les féministes -pour réclamer une aliénation identique!- lorsque le Capital a fini par faire des hommes des pantins de plus en plus démunis de tout contrôle sur l’emploi de leur vie…

    Sinon j’avais bien évidemment compris que RS ne faisait pas de la capacité procréative l’essence de la femme, puisqu’il considère cela comme contingent. Le problème pour moi est que justement RS ne propose pas d’autre essence, puisqu’il ne veut pas en entendre parler; sa seule alternative à l’essence féminine étant l’abolition genres, de toute essence, et des stations services.

    Bon, voilà quelques éclaircissements sommaires…Le reste viendra en son heure, je ne resterai pas suspendu à ce forum, encore une fois ça ne me semble pas le lieu idéal.
    J’espère avoir néanmoins un peu alimenté, si ce n’est le débat, au moins la curiosité…Et si l’on me reproche de faire du communisme « religieux » ou « théologique », je n’ai rien contre la canonisation.

  23. pepe
    20/01/2011 à 16:25 | #23

    Don’t acte. je n’ai pas compris qu’il s’agissait de ce texte ancien de RS mais de la version « aboutie » et collective parue dans TC 23! Désolé. J’ai du être aveuglé par le ton ironico-méprisant que je croyais y déceler, à tort vue la tenue de la suite des échanges. Je voulais répondre un peu plus sur le fond mais, comme souvent, Patloch l’a fait mieux que je n’aurais pu faire!! Il y a des fois ou il faut savoir fermer sa gueule!!

  24. Norman
    20/01/2011 à 17:30 | #24

    @Jayce
    merci d’avoir exprimé mieux que moi ce que je voulais dire.

  25. Patlotch
    20/01/2011 à 17:44 | #25

    @Jayce

    Bon, ce n’est sans doute pas très fairplay de relancer, Jayce n’ayant pas le temps de poursuivre dans ce forum. Tout le monde sait que celui-ci n’est certes pas le lieu idéal; mais il se trouve qu’il est devenu un lieu possible, le seul à ma connaissance sur la base des théories de la communisation, et que dans cette fonction non voulue par ses initiateurs, il remplace peut-être mal le défunt Meeting, explicitement dédié aux débats pour la communisation. Profitons-en, c’est toujours ça que les profiteurs n’auront pas. Quelques remarques donc, pour la poursuite du débat que Jayce a sérieusement alimenté, sur un versant inattendu – dans la mesure où Jayce ne peut pas davantage soutenir les positions du texte ouvrant ce fil.

    Je prends acte que Jayce se « situe très clairement, sans jouer à le dénier ou à détourner les choses, dans une conception naturaliste de l’Homme, etc. », ceci suffisant à expliquer une grande partie des désaccords fondamentaux avec TC qui en découlent, non seulement sur la question du genre, mais d’une façon générale avec le fond même de la théorie técéienne. Jayce est resté feuerbachien… Cet amour de l’humanité n’est pas un crime contre le prolétariat, mais pas davantage contre le capital…

    Par contre, quand Jayce écrit « Autrement dit, pour poser clairement les choses, je revendique cet humanisme radical et révolutionnaire dont TC cherche à tout prix à se libérer, au prix notamment d’une adhésion à la lecture althusserienne du marxisme »; si l’influence de la lecture de Marx par Althusser a marqué la genèse de TC, je pense que la construction dialectique de TC s’en échappe, ne serait-ce que parce qu’Althusser demeure un théoricien du programmatisme ouvrier, pour ne pas dire du programmatisme de parti ouvrier. Plus d’identité ouvrière… Pfft… Althusser est monté au ciel à la recherche de l’atome perdu, comme la vierge Marie un jour férié. De la subsomption à l’assomption… Qui sait, Ô clinamen, s’ils ne vont pas se rencontrer là-haut, et se matérialiser aléatoirement ? Mais qui s’occupera du gosse, nom de dieu ?

    Concernant le structuralisme, le vrai, le français, Althusser n’est pas loin. « Post-structuralisme » je ne suis pas très au fait de son équivalence avec la French Theory, quand je pense à Foucault, Lacan, Derrida, Deleuze, Guattari… j’ai du mal à voir chez TC leur influence, mais peut-être que sa critique du genre retient quelque chose de leur influence aux Etats-Unis (sur le genre et le reste, c’est patent chez Moulier-Boutang et Multitudes, mais là aussi je ne vois avec TC qu’un rapport d’incompatibilité radicale).

    Concernant le patriarcat, le texte de TC (collectif donc, mais je n’ai pas en main la dernière version) précise : « Le « patriarcat » n’a jamais été ni un rapport de production, ni un mode de production. L’histoire du patriarcat est une illusion d’optique historique, tout comme, à un autre niveau, l’histoire de l’Etat, de la religion, de l’art… S’il n’existe ni histoire du patriarcat, ni même d’histoire des rapports hommes / femmes, c’est qu’il s’agit d’un rapport chaque fois spécifiquement reproduit par chaque mode de production qui en est la condition. », et plus loin « Ce rapport de domination, on peut le nommer « patriarcat » à condition de ne pas tomber dans l’illusion anthropologique d’une histoire du patriarcat », et donc, si la critique de patriarcat par TC ne peut correspondre à celle de Jayce, dans sa vision transhistorique de la nature humaine, on ne peut pas reprocher à TC d' »articuler » Capital et patriarcat sur la base de ce « faux concept totalement idéologique ». Je comprends cette reprise de ce concept (un vrai concept au demeurant, même s’il construit une idéologie) par le souci d’être compris des abolitionnistes du genre, « à condition de ne pas tomber dans l’illusion anthropologique… ».

    Jayce « Et si l’on me reproche de faire du communisme “religieux” ou “théologique”, je n’ai rien contre la canonisation. » Je lui souhaite de rencontrer là-haut la très vierge Marie, mais d’éviter l’étrangleur aléatoire.

  26. Patlotch
    20/01/2011 à 17:48 | #26

    @pepe

    Pepe « Je voulais répondre un peu plus sur le fond mais, comme souvent, Patloch l’a fait mieux que je n’aurais pu faire!! Il y a des fois ou il faut savoir fermer sa gueule!! »

    Euh, je ne crois pas, et de toutes façons, j’admire l’Art de la prudence dont je n’ai rien retenu, je ne sais pas fermer ma gueule, comme d’autres ont trop de mal à l’ouvrir. En moyenne corrigée du bla bla, ça donne la tendance à la baisse du taux d’intérêt des débats.

  27. Jayce
    20/01/2011 à 19:04 | #27

    …Pour ce qui est du texte, Pepe, ton erreur est de ma faute, je ne l’avais effectivement pas précisé, j’ai envoyé mes premiers jets en salve juste après avoir lu le texte de RS sur le lien de Patlotch…Je n’ai pas le dernier TC.
    Pour le ton, de même, ironique, oui, polémique certes, je ne l’ai pas voulu méprisant (encore une fois, au risque cette fois de paraître à l’inverse flagorneur, TC en général, RS en particulier font partie de mon univers théorique, même s’ils n’en sont qu’une part), mais je n’ai pas l’habitude des forums et j’ai envoyé trop « à chaud » mes réactions, avec une urgence qui ne s’imposait pas, d’où une certaine rudesse bien inutile. « Il y a des fois où il faut savoir fermer sa gueule ». J’y réfléchirai également.
    D’autre part, je pense que Patlotch souligne très bien un danger de la théorisation técéiste: le nihilisme total, le rejet de tout ce qui pourrait déborder une définition du communisme comme immédiateté sociale des individus, et qui, refusant toute désignation concrète à la manière d’une théologie négative, risque de perdre toute signification pour les individus, comme but ou comme tendance: l’Etre totalement non déterminé étant identique au Néant, comme on l’a entendu dire ça et là…

  28. Jayce
    20/01/2011 à 19:13 | #28

    Et merde, je sens que je deviens accroc au forum…

  29. pepe
    20/01/2011 à 19:23 | #29

    Allons allons, c’est une addiction bien sympathique….! Au passage, je veux bien qu’un forum ne soit pas le lieu d’une grande élaboration théorique mais ca reste un outil très souple et très accessible par un max de gens (voir les stats de visite des articles sur « masculinité… » et « autour des événements de Tunisie », un peu plus bas à droite de la page d’entrée). De plus, personne ne vous empêche (patloch, toi et d’autres) d’envoyer des articles à publier, qui seront alors eux mêmes soumis à commentaires et ainsi de suite…. Au passage, c’est peut être également l’occasion d’échanger autrement que de théoricien à théoricien, de se forcer à un style plus fluide , plus… accessible (le mot tabou des théoriciens!!), avec éventuellement moins d’obligation à aligner tous les grands ancêtres qui nous fondent et nous confondent….
    Bref, c’est complémentaitre de la « théorie retreinte », de la « grande » théorie, non?

  30. Patlotch
    20/01/2011 à 20:03 | #30

    @pepe

    Je reçois entre 4 et 6/5 cette appréciation/invitation

    On constate que les longs textes théoriques importés ici ne déclenchent pas véritablement de débats sur leur contenu, ce qui est assez compréhensible.

    Par contre, ce questionnement de RS sur mesure, et qui plus est, à chaud, « l’histoire en direct », a un double intérêt :

    – de relier les événements aux analyses qu’on peut en faire du point de vue de ces théories;
    – de comprendre mieux la méthode d’élaboration de TC à partir du matériau qu’il nomme « luttes théoriciennes », et par conséquent aussi, d’une part cette notion même de « luttes théoriciennes », d’autre part « la théorie restreinte » comme n’étant pas ce que les militants appellent « LA théorie » de « LA (leur) pratique ».

    Les événements ne sont pas pris comme des exemples d’une théorie interprétative définitive, mais ils remettent en jeu sa pertinence, sa cohérence en rapport avec les luttes dans leur plus récente actualité.

    Quand on a le texte théorique définitif après coup, et qu’on a l’illusion d’une « construction à priori »*, on ne saisit pas aussi facilement ce caractère de l’activité théoricienne.

    * « Certes, le procédé d’exposition doit se distinguer formellement du procédé d’investigation. A l’investigation de faire la matière sienne dans tous ses détails, d’en analyser les diverses formes de développement, et de découvrir leur lien intime. Une fois cette tâche accomplie, mais seulement alors, le mouvement réel peut être exposé dans son ensemble. Si l’on y réussit, de sorte que la vie de la matière se réfléchisse dans sa reproduction idéale, ce mirage peut faire croire à une construction a priori. » Marx, postface de la seconde édition allemande, http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-post.htm

  31. Jayce
    20/01/2011 à 21:05 | #31

    Gnnn…Non, je n’écrirai plus…Gnnn…Allez, tant pis, juste une dernière, allez, une seule ça peut pas faire de mal, hein?

    @pepe:

    le forum ne me semble pas le lieu idéal d’exposition théorique, non en soi, mais par la tentation (à laquelle je réponds pour l’instant compulsivement, alors que j’ai autre chose à faire, et c’est certainement l’indice d’une certaine insatisfaction dans ma vie actuelle…) de répliquer le plus rapidement possible, et d’égrener des « produits semi-finis », comme disait Bordiga qui du coup n’a jamais été le modèle de la concision théorique.

    Au moins un texte, tu prends le temps d’en faire trois brouillon, tu revois le style, l’ordre…Là, bof.

    @patlotch:

    -Je ne suis pas « resté » feuerbachien (terme pour le coup gentiment méprisant, clin d’oeil aux copains qui eux en sont bien revenus, blink blink). Je pense que Feuerbach doit effectivement être redécouvert, et que Marx et Engels ont un peu trop vite tiré le trait sur ce penseur qui les a heureusement marqué; Feuerbach n’a jusqu’ici pas suffisamment été considéré pour lui-même, c’est-à-dire autrement que comme un « pont » entre Hegel et Marx, une simple étape mineure, qu’on regarde avec déférence mais également un peu de condescendance…Un peu comme Astarian paraît parfois valorisé par TC, mais simplement comme étape à dépasser, sur le chemin de la Théorie Communiste enfin trouvée.

    Si j’ai un jour du temps (pas avant plusieurs mois j’en ai peur) je tenterai la réhabilitation de
    Ludwig…

    (Ce sera le seizième volume de ma « Théorie ». J’ai toujours trouvé Roland Simon petit bras avec ses quatre volumes prévus, si je ne m’abuse, à sa « Théorie de la révolution ». Et moi ça sera « Théorie ». La simplicité avant tout.)

    -L’abolition des genres était autrefois également mon mot d’ordre. Mais à l’époque je n’étais pas resté feuerbachien, ça m’a pris plus tard.

    -L’amour pour l’humanité n’est pas un crime contre le Capital…pas plus que le questionnement circulaire et presque « zen » puisqu’il semble refuser toute réponse comme étant une limite « Comment une classe peut-elle en tant que classe… »etc. (Et Técéra).
    Vous me dites si depuis ma dernière lecture d’un texte de TC j’ai raté l’épisode où le suspense tombe enfin, et où le héros tombe le masque (« Mais bien sûr! C’était donc lui! C’est donc comme ça qu’une classe peut abolir les classes en agissant strictement en tant que classe! C’est vrai qu’il a trop la classe! »).

    D’ailleurs en général le Capital s’accommode plutôt bien de tous les concepts et théories, tant que ceux-ci ne se constituent pas en force matérielle (par une pénétration de masse, comme dit Marx…). Le Capital s’accommode même de la vérité, malheureusement. Avec une balle en plein coeur, elle fait moins la fière, la vérité.

    -Je sais bien qu’il serait absurde de poser « TC =Althusser », ce serait assez grave si ça arrivait, et des plus décevant pour un courant (dont je pense faire partie avec eux, même si ce n’est pas, on l’aura remarqué, de manière « fusionnelle ») qu’il est déjà assez fragile de préserver de manière « indépendante » et autonome, vu sa restriction numérique, sans qu’il doive s’inféoder aux débats universitaires stalinomaoisants des années soixante.

    Mais TC reprend notamment toute la vision althusserienne de la coupure franche chez Marx entre « humanisme radical » de jeunesse (à rejeter) et la théorie au sens propre, de la maturité (à continuer); vision qui lui permet de présenter tous ses contemporains navigant dans des eaux proches (Dauvé, Astarian, Nico, Temps critiques…) comme empêtrés dans les égarements humanistes de la jeunesse, mais bientôt sans doute touchés (ils n’en sont qu’à l’humanisme près, un effort quoi!) par la révélation de la théorie arrivée à maturité.

    -TC n’est certes pas influencé par la French Theory et le post-féminisme (queer et autre). Mais, s’il arrive par ses propres voies à des conclusions identiques (abolition des genres) et même simplement à parler de « genre » qui est bien le genre justement de trucs hérités de ces courants universitaires pseudo-contestataires (Gender studies et autres), c’est qu’il y a à mon avis une convergence (con/verge/anse dirait un de ces pauvres lacaniens, qui s’y connaissent au moins en lacan-bourres) assez troublante, et qui devrait faire réfléchir encore un peu avant de s’y engager définitivement. Justement en ce que tout à coup TC ne semble plus « radicalement incompatible », par ses conclusions, avec ces tendances idéologiques fort peu radicales, il y a lieu de réexaminer les choses.

    -Je n’ajoute pas grand-chose à la tentative de TC de réutiliser le mot « patriarcat », même si je ne peut qu’approuver ses réserves et limitations, le fait de devoir le réutiliser me paraît déjà une concession aux courants féministes bourgeois, même si c’est en en spécifiant l’utilisation. Je ne pense pas que le concept de patriarcat ait un intérêt théorique, aujourd’hui peut-être moins que jamais.

    Ouf!

    Allez, en désintox!

  32. Norman
    21/01/2011 à 00:19 | #32

    @Jayce
    Je ne pense pas que le concept de patriarcat ait un intérêt théorique, aujourd’hui peut-être moins que jamais.

    dans ce cas,que répondre à ça ?:

    « Plus de soixante-dix ans plus tard, on ne peut qu’être admiratif de la clairvoyance de Lacan. De nos jours, à défaut d’être incarné par un père, la tiercéité est déléguée au social : juridicarisation des relations sociales, contractualisation de l’offre d’aide et de soins, délégation de l’autorité aux éducateurs et enseignants, etc. Soit, très exactement, la mutation de la fonction patriarcale au « nommer à » dans le social annoncé par Lacan.
    A se passer du père, se multiplient d’innombrables petits pères qui contrôlent nos moindres déplacements automobiles, enregistrent nos déambulations urbaines, surveillent nos navigations sur le net, etc. Le biopouvoir dénoncé par Michel Foucault, repris par Deleuze, puis par des philosophes contemporains comme Tony Negri et Giorgio Agamben installe une société de surveillance pour suppléer au vide de l’autoritarisme patriarcal : « retour sur l’individu d’effets extrêmes du progrès social » (Lacan), soit très exactement « un mécontentement profond, renouvelé à chacune des étapes » de la civilisation (Freud). »

  33. Patlotch
    21/01/2011 à 01:24 | #33

    @Jayce

    Enfin ma carrière s’ouvre de pourvoyeur en intox, dépassant ma propre addiction, qui ne me rapportait rien – c’est jamais le travail qui m’en a empêché, mais plutôt l’intérêt de vivre, aimer et créer encore très concrètement (tenir un produit, c’est resté pour moi très matériel, un truc de paysan ou d’artisan plus que d’ouvrier, la musique même, à faire ou écouter, est si fortement liée à l’instant présent qu’elle transforme, aussitôt envolée sans trace que la jouissance à jamais perdue, telle un blocage en supplétif de la CGT…)

    « Certains sont restés feuerbachiens » est d’un texte de TC ? 20 « Karl Marx et la fin de la philosophie allemande », dont des extraits sont là, sauf erreur que corrigera le comité révolutionnaire de rédaction http://www.anglemort.net/article.php3?id_article=88

    Quand le désaccord est cerné, le mépris perd sa place. Ou devrait.

    J « trouvé Roland Simon petit bras avec ses quatre volumes  » C’est au deuxième, annoncé par TC23, qu’on trouve ce titre, « Tout ce qui existe mérite de périr », on suppose un détournement, et que cela se rapporte « strictement » à la critique de l’économie politique, comme un mot d’ordre commerciste. Sinon, pitié pour ces tristes sires !

    « L’amour pour l’humanité… » étant tombé dans Marx par Lucien Sève, avec/contre Althusser, et jusqu’à son dernier « L’homme » où il réfute encore l’humanisme théorique, la question est moins tranchante qu’elle n’apparaît chez les théoriciens du troisième âge. De toutes façons, je suis grillé, tout ce que nous pourrions avoir en commun ne ferait que prouver (l’extrême)idéalisme de toute définition positive du communisme comme « but ». Il est assuré que les prolétaires n’auront que des pulsions destructrices, et que la révolution sera faite par des sauvageons sous le drapeau « Tout ce qui existe mérite de périr ». Les pasionarias communisatrices auront à coeur (ce n’est qu’un mot) de liquider (que le sang coule) les prolétaires mal genrés (rangés trop bien du travail domestique… Ayant vécu 10 ans célibataire, ou accouplé faisant la vaisselle, je n’ai jamais ressenti faire un travail féminin par « non-essence », ni « aider » ma compagne dans ses devoirs familiaux; mais il faut croire que je l’aliène assez pour qu’elle non plus, et qu’elle soit consentante à ce que je fasse domestiquement ce qu’elle ne sait pas faire, et réciproquement. Mais, si on part d’une situation individuelle concrète, on ne comprends rien, à c’qui paraît. Etrange toutefois que les signataires collectifs du texte puissent s’imaginer ne pas partir de leurs propres situations concrètes (de purs esprits sans doute) – l’auto-réflexivité marxiste chez TC s’accommode parfois d’une certaine légèreté auto-complaisante, que ce soit individuellement, ou franco-centristement -, alors qu’elle transparaît à l’évidence dans nombre de propositions, qu’il s’est plutôt agit de transformer en autant de généralités de « structure ». Comme quoi un petit groupe trop petit peut aussi s’aveugler de sa grandeur, c’est la rançon du succès international; et oublier qu’en tant que groupe il n’est qu’un groupe, impuissant, c’est « définitoire » du groupe, à se dépasser sur ses propres bases – c’est pas comme le prolétariat).

    Jayce « le fait de devoir réutiliser [patriarcat] me paraît déjà une concession aux courants féministes bourgeois, même si c’est en en spécifiant l’utilisation »
    Comme c’est bizarre, cà me rappelle le mode de raisonnement d’AD concernant le vote ‘non’ des ouvriers de Mirafiori à la question « Voulez-vous rester ouvriers aux conditions de merde que nous vous imposons ? »
    Critiquer l’idéologie dans ses termes, dès lors qu’on en reconstruit la genèse comme nécessaire pour le système à abolir, je ne vois pas où est le problème. Si. Je le vois. C’est le refus de considérer ce qu’implique l’implication réciproque, que nous ne sommes tous, quoique nous en crèvions, qu’êtres du capital. Ce qui renvoie au demeurant à l’émergence historiquement située, de cet individu, le « théoricien » : contingence ou nécessité ? conjoncture ou aventure ? Bref, Roland Simon est-il l’enfant du dépassement produit par le clinamen entre Althusser et la Sainte Vierge du prolétariat ?

    Réponse à la tome IV.

  34. Patlotch
    21/01/2011 à 14:24 | #34

    En fait, il me semble que le texte de TC, dès son introduction…

    « La révolution, telle que ce cycle de luttes en produit les caractéristiques et la porte comme communisation est suspendue à l’abolition de la distinction de genres. Pas d’abolition de la division du travail, pas d’abolition de l’échange et de la valeur, pas d’abolition du travail (non coïncidence de l’activité individuelle et de l’activité sociale), pas d’abolition de la famille, pas d’immmédiateté des rapports entre individus les définissant dans leur singularité, sans abolition des femmes et des hommes. Il ne peut y avoir d’autotransformation des prolétaires en individus vivant comme individus singuliers, sans abolition des identités sexuelles. Toutes les mesures de communisation ne pourront aboutir si elles ne résolvent pas (en s’y attaquant spécifiquement) cette question en en abolissant les termes. »

    … est incompatible avec le « strictement » de

    « la seule question à laquelle tout se résume : comment une classe, agissant strictement en tant que classe de ce mode de production peut-elle l’abolir et abolir toutes les classes ? »

    (je ne retrouve pas, de discussions anciennes, des passages où BL notamment construit des identités où finalement, tout étant dans tout, on ne sait plus par quels bouts les prendre, puisque si l’on tient un bout on perd l’autre, et inversement)

    La définition stricte du prolétariat rend impossible une construction dialectique satisfaisante entre deux contradictions binaires, de pôle à pôle, au sein de deux totalités qui ne sont pas identiques. Elle suppose de reconstruire, par exemple, le texte de RS « Marx, la logique hégélienne et la contradiction » http://www.anglemort.net/article.php3?id_article=85

    Cela exige une complexification de ce modèle dialectique, telle que je la sentais nécessaire dans mon texte Communisation 3ème courant http://patlotch.free.fr/text/1e9b5431-1161.html qui serait à reprendre, ce qui n’oblige en rien à faire des concessions (« idéalites ») à l’humanisme théorique, ou à la transhistoricité du concept de précariat ou du travail. Un problème serait de confronter à celle de TC la thèse ouvrant le fil de discusssion sur la base de la « critique de la valeur » (j’y vois quelques glissements qui ne figurent pas chez Postone concernant l’exploitation comme fondement du capitalisme).

    La question du genre pose plus encore que l’abolition stricte du prolétariat la nécessité d’une perspective communiste positive.

    Toute la difficulté me semble, pour ‘Théorie communiste’, de savoir jusqu’où, ouvrant à coups de sexes la boîte de Pandore de sa théorie, cela remet en cause son édifice conceptuel, ce qui ne me semble pas à priori en découler, mais pour autant, la construction actuelle n’est pas satisfaisante (le problème n’est pas dû à la validité du croisment des questions par le surtravail). L’issue réside dans une construction théorique de la production du communisme comme non strictement équivalente à l’abolition du capital, autrement dit d’envisager la communisation comme produisant le communisme au-delà du capital, avec, naturellement, comme « résultat », le communisme qui continue à être mouvement, mais sur la base de ses propres contradictions qui, par définition ne sont plus son affrontement au capital (l’enjeu de l’histoire n’est jamais qu’elle tourne à l’envers). Et l’abolition du genre, avec les femmes prolétaires comme fer de lance remuant la plaie dans la blessure, me semble une piste de cette positivité. Finalement, quelque chose de « la femme est l’avenir de l’homme », étant entendu que LA femme n’existe pas, et l’Homme non plus.

    « Théorie communiste » : Trajectoire d’une balle dans le C… ?

  35. Jayce
    22/01/2011 à 23:29 | #35

    @Norman

    Tu demandes comment répondre à ce que tu cites. Je ne suis pas certain d’en être capable! Encore moins sûr que ça vaille le coup de beaucoup s’y attarder (mais je vais quand même le faire!…); les références qui y sont faites (Lacan, Deleuze, Foucault, Agamben, etc.) sont tout d’abord trop éloignées de mes intérêts, de mes préoccupations voire de ce que je peux respecter intellectuellement pour ça. Néanmoins, je reconnais Lacan pour mon maître dans un domaine précis: le calembour. Pour le reste, il s’agit d’un charlatan et d’un imposteur. Mais de premier ordre, qui savait se faire Maître avec élégance.
    Je pense que la phraséologie bidon, pseudo-scientifique, extrêmement peu rigoureuse de Lacan et des lacaniens ne peut que brouiller l’écoute et le débat.
    Tout cela est déjà suffisamment complexe sans s’encombrer de notions à La can comme la tierceité etc. ( la pseudo-distinction paraconceptuelle protovaseuse réel/symbolique/imaginaire je suppose), ou le Nom-du-Père, j’en passe et des meilleures…
    D’autant plus pour dire des choses triviales qui pourraient s’exprimer autrement, plus simplement: l’autorité et la fonction d’éducation, voire même une relative indépendance de mode de vie, etc. qui étaient autrefois partiellement laissées aux parents, sont à présent pris en charge intégralement, ou au minimum placés sous un strict contrôle, par le Capital et son Etat. Les fantasmes de toute-puissance du Père (et également de la Mère d’ailleurs, voir le rôle de celle-ci (son rapport au fils, à la belle-fille, etc.) dans les sociétés souvent dites « patriarcales » méditérranéennes) ont donc progressivement décliné, car de moins en moins crédibles, dans l’imagination des rejetons, qui n’ont plus qu’au cinéma les modèles de personnalités fortes et autonomes qui font face à leur destin…
    Que ce soit  » très exactement (!!), la mutation de la fonction patriarcale au « nommer à » dans le social annoncé par Lacan » que ses élèves veulent y trouver, peut-être…En tout cas ce genre de prophétie ex post facto voire post mortem et de profundis me laisse assez froid. Ca ne me donne pas envie de me ruer sur les Ecrans de L’acquis.
    Je remarque par ailleurs dans le seul paragraphe que tu cites l’emploi à deux reprise de la locution « très exactement » pour tenter de convaincre de l’identité inouïe, à deux reprises, de notions d’un caractère tellement vague qu’elle peuvent coller avec tout et n’importe quoi; et sont donc en soi la négation du « très exactement »: « retour sur l’individu d’effets extrêmes du progrès social »= « un mécontentement profond, renouvelé à chacune des étapes »??? Ah. Oui. Peut-être. Et?…

  36. Jayce
    23/01/2011 à 00:06 | #36

    @Patlotch

    Il me semble Patlotch, que le style, pour moi déroutant, de tes interventions, illustre assez bien les travers des « forums », travers que je dois moi-même incarner pour d’éventuels lecteurs de mes propres interventions (et c’est mon propre comportement que je critique avant tout): dans le forum, quand on parle « théorie » on a tendance à aller du coq à l’âne, à considérer acquis des hypothèses ou des conclusions connues des autres habitués, à introduire des débats secondaires en abyme (débats sur des débats sur des débats, références sur des références de références), à soliloquer en se faisant à soi-même des ultra-« private jokes », en se coulant des regards entendus (et c’est difficile d’entendre un regard, fût-ce entre soi et soi, encore plus de les couler), à se perdre dans des considérations sur la pluie et le beau temps…

    Et quand je lis tes interventions, ou celles d’autres forumistes (et j’en ai peur, c’est évidemment pareil quand d’autres lisent les miennes…) j’ai une impression d’hermétisme assez flippante: « mais de quoi parle-t’il?? », et tout à coup émerge un paragraphe, une phrase où je me dis: « mais c’est exactement ça, il a parfaitement cerné le problème! » Mais je relis le reste, et la plupart du temps ça reste obscur.

    Au moins un texte individuel construit peut exposer de manière auto-suffisante ses prémices, développer selon sa logique pour arriver à des conclusions précises, et peut ensuite être « démonté » selon le même procédé…

    Au final, je ne suis pas sûr que l’on parvienne dans un forum à un langage plus fluide, plus accessible aux non-initiés, plus clair en somme…

    Cela étant dit, pour en revenir à la « théorie communiste » j’approuve ta conclusion « L’issue réside dans une construction théorique de la production du communisme comme non strictement équivalente à l’abolition du capital, autrement dit d’envisager la communisation comme produisant le communisme au-delà du capital, avec, naturellement, comme “résultat”, le communisme qui continue à être mouvement, mais sur la base de ses propres contradictions qui, par définition ne sont plus son affrontement au capital »…
    Et j’adhère à la phrase « La question du genre pose plus encore que l’abolition stricte du prolétariat la nécessité d’une perspective communiste positive. »

    Mais, ne le prend pas mal, j’ai quelque difficulté à saisir tes propos sur la vaisselle, et je n’ai pas compris globalement le sens de la majeure partie ton intervention numéro 33, qui fait peut-être référence à des discussions privées avec des membres de TC, ou d’autres épisodes que j’ai loupé, ou des textes personnels qui explicitent qui et ce que tu vises??

  37. BL
    23/01/2011 à 00:44 | #37

    Juste quelques mots sur l’abolition des genres (et pas DU genre) ou plutôt sur la nécessité de les abolir pour abolir les classes : Le salariat est masculin (même si les femmes en sont quasiment la moitié) il est facile de comprendre que la défense de l’appartenance de genre par des prolétariens sera leur façon de defendre leur appartenance de classe (la socialisation face à la communisation) la lutte des femmes contre la domination masculine dans l’action d’emparement des éléments de la société capitaliste sera pris dans le mouvement dans lequel chaque emparement n’aura de sens que dans le suivant, la défense de l’appartenance de genre tendra toujours à arréter le mouvement dans le cadre de l’autogestion d’une économie qui seule préserve le statut de travailleur de mari et de pére défendant ainsi aussi la famille.
    C’est parce que les luttes de femmes mettent en cause la sphére privée qu’elles attaquent l’existence même des genres . il suffit de pensez aux chômeuses argentines qui malgré leur rôle essentiel chez les piqueteros étaient écartées de la décision et dont les conjoints trouvaient saumâtre de les voir deserter le foyer, chômeuses qui ont dû créer leut propre regroupement et ce n’était pas la division du mouvement mais bien son approfondissement.
    Le femminisme n’est pas plus une idéologie que le marxisme qui en est bien une ce qui ne veut pas dire que les travailleurs marxistes n’étaient pas révolutionnaires , les femmes féministes PEUVENT l’être aussi même si le feminisme est autant à dépasser que le marxisme ( le programme) l’anti-marxisme des feministes révolutionnaires étant en « réalité » une critique du programme ouvrier qui justement ne mettait nullement en cause ni la figure du travailleur ni celle de LA femme mais les posaient comme à libérer EN TANT QUE TELS

  38. Patlotch
    23/01/2011 à 02:32 | #38

    @Jayce

    C’est une critique assez pertinente de mes interventions. Je le prends d’autant moins mal que je le sais… Je vais y réfléchir quant à la suite de ma participation à DNDF, pour laquelle je touche des limites qui ne sont pas de mon fait.

    Le caractère auto-référentiel se déploie en cercles concentriques, le plus petit étant égo-centrique. Néanmoins, bien des choses que j’écris sont parfaitement compréhensibles dans un cercle moyen, le petit milieu « communisateur », dont la « fluidité » interne et le sens de la communication ne crèvent pas les yeux.

    L’enfer des forums est leur défilement ‘comme à la télé’. Parfois j’essaye de surmonter cette difficulté en donnant des liens, des renvois. Quoi qu’il en soit, cela suppose de ne pas lire ce forum ‘comme un forum’. C’est un dépassement produit de la forme-forum.

    Une vraie théorie est une théorie dont on ne peut rien dire sans tout dire. Je pense que les textes personnels auto-suffisants alimentent surtout, de loin en loin, les joutes à l’ancienne entre ténors du milieu, et j’en veux pour preuve que des camarades appartenant à des groupes ne s’expriment jamais à titre individuel, ou plus exactement (sic) jamais de façon personnelle. L’esprit de parti et la langue de bois sont « déroutants » chez ceux qui théorisent l’échec de toute organisation partisane.

    Je fais le pari qu’il est possible d’utiliser la forme forum, d’autant que celui-ci est modérément modéré, pour discuter de ces questions. Je ne suis pas le plus hermétique, parce qu’étant largement autodidacte, je donne peu de références sans renvoyer aux sources, non par suffisance, mais pour ceux qui ont envie d’en savoir plus, ce qui naturellement demande du temps. Je pense n’avoir pas ménagé mes efforts ici ou là, non de vulgarisation, mais de mise à disposition propédeutique. Quelqu’un a emprunté sur mon site les définitions de la communisation pour Wikipédia, la belle affaire, dira-t-on, mais bon… Je n’avais rien demandé. http://patlotch.free.fr/text/1e9b5431-865.html

    On ne fait pas ici de la théorie, on s’en sert comme d’une pile, dans tous les sens du terme, avant qu’elle ne s’use.

    Ah, la vaisselle… Ô lave-vaisselle ! Il y a une vingtaine d’années, Le Monde publiait en Une un article montrant que les ménages français de revenus moyens étaient très sous équipés en lave-vaisselle reltivement aux autres robots électro-ménagers. L’article l’expliquait par le fait que, souvent, les hommes ‘modernes’ assumaient la plonge domestique, et résistaient par conséquent à cet achat, parce qu’il leur aurait dû alors faire autre chose qui leur répugnait, entendre quelque chose de plus « féminin ».
    L’allusion de #33 renvoit à des passages du texte ‘Genre’ de TC, que je trouve trop généraux et manquant de matière, ce qui tranche avec les textes habituels de RS/TC, pour les comprendre vraiment et pouvoir y souscrire.

    Je termine, coq à l’âne, par conseiller la lecture de deux textes dans une compilation d’Eric Hobsbawm (Rébellions / La résistance des gens ordinaires, jazz, paysans et prolétaires, 1998 trad 2010). L’un n’est pas daté : ‘Homme et femme : images de la gauche’. L’autre est de 1969, ‘Révolution et sexe’. Ils n’apportent sans doute pas grand chose aux considérations théoriques de cette discussion, encore que… mais ils sont très plaisants à lire. Dans le second, il est question du PURITANISME dans les milieux révolutionnaires, qu’ils soient marxistes, anarchistes, ou anarcho-libertaires… «Il existe, je suis tenu de le souligner avec un certain regret, une affinité persistante entre révolution et puritanisme», mais «Choquer le bourgeois est, hélas, plus facile que le renverser.»

    PS : Pour les calembours, et comme maître à dé-penser, à Lacan j’ai toujours préféré Bobby Lapointe ou François Dufrêne.

  39. Norman
    23/01/2011 à 09:54 | #39

    @Jayce
    le problème est que toute cette critique sur le jargon lacanien est exactement la même,utilise les mêmes ressorts,les mêmes arguments que celle que font certains du jargon communiste.

  40. Jayce
    23/01/2011 à 11:25 | #40

    @Norman
    Je ne critique pas en soi le « jargon ». Toute théorisation produit des concepts qui lui sont propres, avec un vocabulaire dont l’utilisation lui est spécifique, et dont la maîtrise suppose un apprentissage, et un certain sentiment d’obscurité pour le néophyte. On ne peut considérer cela comme un problème. Néanmoins, l’apprentissage fait, le vocabulaire doit réellement exprimer des concepts clairs et cohérents entre eux; servir à préciser la pensée et non à l’obscurcir, rendre accessible à d’autres le raisonnement et non le celer.

    En ce qui concerne Lacan, ce que je mets en cause, c’est une utilisation, revendiquée d’ailleurs, du langage, qui vise non la clarté, mais le clair-obscur de l’inconscient, ce qu’il nomme le « mi-dire »; tout ne doit pas être explicité, l’inconscient continuera le travail. Et c’est, maquillée par cette pratique du mi-dire et du flou volontaire, une architecture théorique sans cohérence ou véritable logique interne, et des concepts tellement polysémiques (voire a-sémiques, sand sens décelable) qu’ils autorisent directement les interprétations les plus incompatibles. Sans compter l’usage du calembour, qui n’éclaire évidemment rien du tout.

    Et, pour ce que j’en comprends, la charpente philosophique implicite est une forme de pessimisme réactionnaire fasciné par la mort, déniant tout rôle à la sensibilité ou à l’affect (ce que d’autres psychanalystes lui ont reproché).

    Les critiques de Lacan les plus intéressantes sur ces sujets sont: l' »Effet Yau de Poele » de François George, « Un destin si funeste » et « Lacan, de l’équivoque à l’impasse », de François Roustang (ancien lacanien), et « Lacan l’insondable » de Marc Reisinger, un psy non lacanien. Les premiers ont plus de vingt ans…

    On peut évoquer aussi le jugement lu je ne sais où dans un numéro de l’IS, selon lequel Lacan à la suite d’Heidegger, récupère des procédés (notamment dans le style) de la poésie moderne pour les appliquer à l’épate théorique, sans avoir besoin de rigueur conceptuelle du fait de cette sidération du public. Que le livre principal de Debord n’évite pas totalement ces écueils, je vous en laisse juge.

    Je n’entre pas dans la question du comportement « thérapeutique » de Lacan, qui pour le coup n’a pas trente-six interprétations possibles: c’était un pur charlatan cynique, un escroc vénal et brutal. Le net regorge d’anecdotes édifiantes

    exemple: http://www.icampus.ucl.ac.be/claroline/backends/download.php?url=L0FyZ2VudC5MYWNhbi5kb2M%3D&cidReset=true&cidReq=EDPH2277

    Le N° 293 – Hors-série Psychanalyse – décembre 2010 de « Sciences et pseudo-sciences » était très instructif également à cet égard.

    Quant à moi, après avoir tenté vaillamment et sans succès de tirer un sens valable, autre que la transe hypnotique induite par le style ésotérique (c’est à dire où le jargon est utilisé, non de manière honnête pour exposer les concepts, mais au contraire pour camoufler leur fragilité en créant l’illusion d’une grande profondeur) des Ecrits et des Séminaires, je jette le gant. Si tu veux, Norman, utiliser Lacan d’une manière ou d’une autre, libre à toi, une tentative de rationalisation d’une oeuvre sans rationalité peut parfois faire sens…

    http://www.icampus.ucl.ac.be/claroline/backends/download.php?url=L0xhY2FuLkNpdGF0aW9ucy5kb2M%3D&cidReset=true&cidReq=EDPH2277

    « Évidemment, quand on commence mes Écrits, ce qu’on peut faire de mieux, c’est d’essayer de les comprendre. Et comme on ne les comprend pas, on continue d’essayer. »
    « Notre pratique est une escroquerie, bluffer, faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué, c’est quand même ce qu’on appelle d’habitude du chiqué.[…]Du point de vue éthique, c’est intenable, notre profession ; c’est bien d’ailleurs pour ça que j’en suis malade, parce que j’ai un surmoi comme tout le monde.  »
    Lacan

  41. Norman
    23/01/2011 à 13:51 | #41

    A mon tour de penser que ce n’est peut-être pas le lieu , ici, d’entamer un tel débat d’autant qu’on s’écarte du sujet. Alors juste quelques remarques lapidaires :
    Il me semble important de pouvoir dissocier une pensée théorique de son auteur, autrement dit, je me fous de savoir que Lacan était un escroc, que Freud couchait avec sa belle-sœur et que Debord abusait des jeunes filles.

    Toute personne qui s’interroge sur son impossibilité à pouvoir vivre dans ce monde trouve essentiellement deux réponses : la théorie communiste qui lui explique que son malaise est dû à la structure même de la société dans laquelle il vit, et la psychanalyse qui lui explique que son mal être vient d’un conflit psychique personnel.
    Personnellement je parie sur les deux, c’est-à-dire que le fétichisme selon Marx et le fétichisme selon Freud c’est essentiellement la même chose. D’où l’importance d’établir une théorie de l’aliénation qui prenne en compte les deux versants.
    Je ne parle pas d’un (pseudo) freudo-marxisme .Je fais plutôt allusion aux travaux de Gabel (la fausse conscience) qui a su en son temps éclairer l’I.S et aujourd’hui ceux de Zizek (sa critique de Butler et de l’idéologie).

  42. Patlotch
    23/01/2011 à 15:27 | #42

    @Jayce

    La théorie présuppose la rationnalité, du moins dans son acception occidentale, pour autant qu’il en existe d’autres. Mais pour tout ce qu’elle ne sait pas dire, elle tente de lui échapper, et c’est la fonction de la polysémie, des formulations poétiques floues, qui font du style plus que du poème… et de la théorie, au sens restreint, de quasi philosophie (Nietzsche, Lacan, Debord…).

    La poésie, l’art, permettent d’exprimer la zone de flou qui ne relève ni de la science ni de la philosophie. Ils ne cherchent pas à mettre au point, au sens photographique, sur l’objet. C’est une équivoque qui n’est pas privée de sens, mais qui permet d’exprimer, de faire sentir, parce qu’elle met en forme les intuitions et les affects (non les concepts). Par là, la poésie, la peinture, la musique… peuvent dans le meilleur des cas se tromper moins que la science, la philosophie, la théorie, parce que n’étant pas de l’ordre de la connaissance, mais des sens, elles ne prétendent pas dire ce qu’elles ne « comprennent » pas. Tout l’intérêt est dans leur puissance performative.

    Lacan n’est en rien poète (moins que Nietzsche), son langage du »mi-dire » « dénie tout rôle à la sensibilité ou à l’affect « .

    On ne mélange pas les genres scientifiques, artistiques, philosophiques (théoriques) sans perdre quelque chose des trois. J’en sais quelque chose. Je pense que Deleuze et Guattarri ont dit des choses intéressantes à ce sujet dans « Qu’est-ce que la philosophie ? ».

    La révolution sera aussi une révolution des affects, des sens, elle abolira (dépassera) l’art et la théorie. Elle le fera en libérant les sexes.

  43. Patlotch
    23/01/2011 à 16:32 | #43

    @BL

    La difficulté, qui rejoint les remarques de Jayce sur ‘théorie et forum’, c’est que dans la densité, le condensé, le ramassé, d’une telle intervention #37, le résultat théorique se présente comme une évidence, et s’affirme de façon péremptoire. Par exemple, « Le salariat est masculin (même si les femmes en sont quasiment la moitié) il est facile de comprendre que … ». Non, il n’est pas facile, parce que le cheminement, le raisonnement qui invite à « se garder d’une fausse évidence » (texte TC Genre) est sous-jacent, ce qui me fait dire qu’on ne peut pas comprendre TC avant de l’avoir compris. Dans la mesure où TC ne peut rien dire sans tout dire, la lecture, si elle n’est pas élitiste par « chiqué » (Lacan autocritique), en est durablement réservée à ses familiers, à ceux qui ont fait l’effort de traverser la longue élaboration des concepts, ‘l’apprentissage avant maîtrise’ (Jayce).

    Sur le fond de cete intervention (de BL), ce qui me gêne est cette tendance à simplifier outrageusement ce qui demeure complexe, noeud de contradictions non réductible à une, ici deux (genres et classes). Cela donne les formulations abruptes et tranchantes, typiques d’une époque théorique (Debord…), qui se précipitent en aphorismes, tels que « la lutte des femmes contre la domination masculine dans l’action d’emparement des éléments de la société capitaliste […] d’une économie qui seule préserve le statut de travailleur de mari et de pére défendant ainsi aussi la famille ». Ici, la catégorie de « famille » n’est pas interrogé, il renvois à la formule « abolition de la famille (de la propriété et de l’Etat) », il n’est pas historisé. Il relève d’une évidence. Une fausse évidence.

    L’abolition des genres est une question qui interroge les hommes autant que les femmes, et ceci ne se rapporte pas strictement à leur assignation dans et par le capital. Il faudra bien des hommes, il en est déjà, stricts prolétaires ou non, pour vouloir abolir les genres. Il faudrait se poser cette question en relation avec les rapports prlétariats -couches moyennes (RS fil « Autour des événements en Tunisie »), sans faire du prolétarisme abolisateur depuis une position de non prolétaire (une genre d’ouvriérisme en version communisatrice). Rapporter toutes contradictions dans la société capitaliste à celle, essentielle, de l’exploitation est certes incontournable*.

    * ce que TC fait bien en général et dans ce texte en particulier, où se recoupent genres et classes autour du surtravail produisant la plus-value, la (sur)valeur), le capital en tant que tel. Ici, il n’y a pas de problème à retenir certains aspects de la « critique de la valeur », aucune justification de faire en théorie comme si « qui n’est pas (strictement) avec moi est contre moi », de traiter tous les autres en chiens crevés, une fois utilisés.

    Mais, dès lors qu’il s’agirait d’articuler les luttes et leurs langages, ce n’est absolument nécessaire que pour la théorie (au sens restreint). Cf la citation de Marx en exergue de DNDF :

    « Alors s’ouvre une époque de révolution sociale. Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il faut toujours distin guer entre le bouleversement matériel – qu’on peut constater d’une manière scientifiquement rigoureuse – des conditions de production économiques et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout. »

    Les marxistes ont longtemps parlé, les militants encore, de « lutte idéologique », comprenant par là que l’idéologie dominante n’est pas la seule, et ne croyant pas si bien dire les concernant. La lutte de classes jusqu’au bout est médiée par des idéologies, elle ne peut exprimer purement son, ses essences. Jusqu’au bout, les luttes s’expriment à travers des idéologies, y compris « communisatrices », l’important (comme BL me le faisait remarquer) étant de le savoir, de le distancier, de « faire avec ».

    Dans la vie, dans les luttes, manifestant des « écarts », rien n’est véritablement linéaire (sur une seule ligne). En fait, rien n’est et ne sera jamais « strict ». Heureusement pour le communisme.

  44. AD
    24/01/2011 à 12:06 | #44

    « . C’est le refus de considérer ce qu’implique l’implication réciproque, que nous ne sommes tous, quoique nous en crèvions, qu’êtres du capital. « . Patlotch = C’est le refus….que nous sommes tous strictement [qu’êtres du capital}…êtres du capital.

    « En fait, rien n’est et ne sera jamais “strict”. Patlotch= En fait strictement rien ne sera strictement jamais strict ?

    Ce « strictement », c’est l’autre versant de « en tant que », « comme » très présents dans l’idéologie « strictement prolétarienne » de TC.

    Jusqu’au bout, les luttes s’expriment à travers des idéologies, y compris “communisatrices”, l’important (comme BL me le faisait remarquer) étant de le savoir, de le distancier, de “faire avec”. Patlotch.

    Faire avec ? le distancier ? Mais sur quelles bases ? Sur la stricte base « en tant que », ou « comme communiste » ?

  45. Patlotch
    24/01/2011 à 16:55 | #45

    @AD

    Si les prolétaires (pour éviter « nous ») sont strictement « êtres du capital », c’est par la contradiction de l’exploitation entres classes antagonistes. Dire « contradiction », c’est dire son mouvement, son procès qui produit son dépassement; sans quoi ce n’est pas une contradiction, mais une opposition entre simples contraires ne constituant pas une unité contradictoire, un tout, une totalité et ses parties. Dans l’antagonisme selon le matérialisme dialectique traditionnel, adéquat au programmatisme, une des parties (le prolétariat) l’emporte sur l’autre et l’élimine : le prolétariat victorieux en tant que tel construit le socialisme, ou les conseils; en fait la valeur et le travail ne sont pas abolis, et la révolution communiste reste à faire. Dans la contradiction selon TC, c’est l’ensemble (le capital) qui est aboli, et les parties avec, par le prolétariat qui renverse la subsomption sous le capital. La révolution est dite « immédiate », communisation. Le communisme est produit dans son mouvement réel qui abolit l’état réel… L’abolition de l’exploitation – au sens strict de production de survaleur – résulte bien de la lutte du prolétariat exploité. Jusque là, je suis d’accord avec TC. Ce que je discute, c’est l’articulation avec ce coeur de la révolution des activités abolissant les dominations diverses, dont celle du genre masculin sur le genre féminin, et peut-être certaines activités de couches potentiellement alliées du prolétariat productif. Autrement dit, dans la communisation, la question n’est pas nécessairement posée de les forcer à devenir prolétaires, de les absorber dans le prolétariat trouvant alors son unité pour faire la révolution strictement en tant que classe prolétaire.

    Je discute aussi l’abolition des genres par « les femmes (prolétaires) » contre « les hommes », prolétaires ou non, et peut-être un peu contre « les femmes » non prolataires. Le glissement de vocabulaire de « genre femme construit socialement » à « les femmes », une fois opéré, donne des formulations proprement imbitables, sans parler de ceux qui n’ont ps le temps de taper les guillemets, ou considèrent que c’est sans guillemets. Avant de proposer une novlangue ? On n’est pas loin d’Orwell.

    Il ne faudrait pas causer de tout ça à partir de situations individuelles, voire de particularités concrètes.

    Scénario : l’homme au foyer, assigné au travail domestique, ne créant pas de valeur, nourri sur le salaire de sa compagne – premier salaire familial -, celui-là fait « un travail féminin », parce que domestique; et sa compagne, « un travail masculin, parce que salarié ». Cet homme, par son travail domestique, abaisse le coût de la force de travail de sa compagne, et donc, gratuitement, fait augmenter le temps de surtravail produisant la plus-value. Cet homme singulier, en tant que prolétaire dés-employé, chômeur ou précaire, fera la révolution en tant que « femme », contre sa compagne en tant qu’ « homme prolétaire » qui ne veut pas rentrer à la maison, dans la sphère privée, pour un travail domestique. C’est la crise des genres. On ne sait plus à quel sein se vouer. T’as beau lire, t’y comprends strictement rien.

  46. Patlotch
    24/01/2011 à 17:14 | #46

    @Patlotch

    Merde ! J’ai oublié les gosses. Qui « fait » les enfants, dans mon scénario ? Mon homme domestique désespère son genre féminin adopté. Il ne produit strictement pas (il ne pond pas) de quoi augmenter la population mondiale, première force productive, et reproductive, du capital, des genres, et de l’encombrement des bidonvilles qui détruisent les espaces naturels pourtant promis au développement durable.

    Un espoir : on a récemment clôné une souris à partir de deux souris mâles. Des souris ou des hommes ? Il va falloir attendre.

  47. Patlotch
    24/01/2011 à 20:42 | #47

    Autre formulation.

    « Franchir le pas » http://dndf.org/?p=7159

    Quel pas ? Quels pas ? Combien de pas, maintenant que l’abolition des genres bouscule l’édifice conceptuel de TC, selon lequel « On franchit ce pas en se confrontant à la seule question à laquelle tout se résume : comment une classe, agissant STRICTEMENT en tant que classe de ce mode de production peut-elle l’abolir et abolir toutes les classes ? »

    Le texte de TC, par sa construction même, par l’impossibilité de réussir la communisation – abolition du capital – sans abolir les genres (et réciproquement), contredit le « strictement » précédent.

    Je pense que la condition posée dans « franchir le pas », et dans toute l’élaboration de TC depuis des années, ne devient plus qu’une CONDITION NÉCESSAIRE, et NON SUFFISANTE. Le problème inverse se pose côté « féministe », pour ‘franchir le pas’ d’abolir le « patriarcat ». La rencontre des deux problématiques produit ce texte de TC, comme d’ailleurs le texte  » « Masculinité » et « féminité » comme piliers de la modernité * « .

    * Rappelons que la modernité, ou la société moderne, dans la terminologie de « la critique de la valeur » (par ex. Chez Postone), c’est grosso-modo le capitalisme fordiste, qui recouvre peu ou prou la 1ère phase du capitalisme en subsomption réelle de TC (début 20àme à ~ 1970), la suite étant post-moderne (Postone ne définit pas clairement la période post-programmatique**), soit la période de restructuration/globalisation mondiale selon TC.

    ** Pour un commentaire auto-suffisant : « programmatisme » c’est le mouvement ouvrier, ses organisations syndicales et politiques, la reproductiion de la classe ouvrière étant assurée de façon keynésienne par l’Etat providence, le Welfare. C’est les étapes socialistes, la dictature du prolétariat et le parti, ou les conseils et l’autonomie, l’autogestion… Dans la ‘Critique de la valeur’, la théorie du programmatisme, concept dont elle ne dispose pas, c’est « le marxisme traditionnel ». N’étant pas ancrée dans les luttes de classes, cette théorie ne pose jusque-là les questions qu’à un niveau (strictement) théorique. Un peu comme Althusser, autrefois.

    On peut toujours échapper à cette difficulté théorique (deux conditions nécessaires non suffisantes séparément) en raffinant de subtilités le montage dialectique. Au-delà du croisement valide des deux problématiques (genres et classes) par la production ou non de sur-valeur, on tombe sur un ensemble de questions et situations particulières et concrètes, qui sont précisément créées par le capitalisme actuel, en ce qu’il chamboule les identités sexuelles et familiales, et ceci d’une façon très diversifiée dans le monde et dans chaque pays, au sein des zones du travail/non-travail en costumes, en bleus et blouses, en loques et blues.

    On peut sauver le « strictement », mais pour quel intérêt, autre que celui de la théorie strictement restreinte ? On finirait par préférer les idéologies anti-prolétariennes et anti-genres qui porteront les luttes réelles, avec un manque absolu de pureté communisatrice.

  48. Patlotch
    25/01/2011 à 15:02 | #48

    Maintenant que sont éclaircis (du moins pour moi, et j’espère d’autres) quelques enjeux de cette double critique, du capital et des genres, par le détour de discussions du texte de ‘Théorie communiste », il me semble possible de revenir au texte ouvrant le fil, « «Masculinité» et «féminité» comme piliers de la modernité », et ceci sous deux angles :

    – l’articulation interne de cette critique entre « critique de la valeur » et de la « dissociation-valeur » (Roswitha Scholz appuyée sur Robert Kurz) vs celle que construit TC, points communs, zone de questions, divergences;

    – comment cette théorie du « Sexe du capital » (Scholz 2000 dont on espère une traduction) peut être révélatrice des forces et des faiblesses de la « Critique de la valeur », étant entendu qu’il faudrait distinguer, pour les plus connues en France, les poditions d’Anselm Jappe, Robert Kurz et Moishe Postone, selon ce qu’ils font notamment de la marchandise et de la lutte des classes. C’est ici que peuvent en résulter des différences dans l’appropriation politique (Cf Jappe, Les aventures de la marchandises, 2003 et la lecture par Antoine Artous – proche de Besancenot, Corcuff et idéologue du NPA – du livre de Postone traduit l’an dernier dans sa version revue de 2003 > http://www.contretemps.eu/lectures/lactualite-theorie-valeur-marx-propos-moishe-postone-temps-travail-domination-sociale. C’est ce que je suggérais en #4 « quelque chose me dit que par ce bien de “la dissociation-valeur”, on peut engager une critique plus générale de la “critique de la valeur”. »

    Chemin faisant, ce sera l’occasion d’un troisième angle, celui du langage, pour confronter la terminologie de « la critique de la valeur » aux concepts de TC, et voir en quoi elle peut porter accords et divergences.

    Je tenterai de le faire en prenant le texte de haut en bas, sachant que n’étant affilié ni à TC ni à « critique de la valeur », cela n’engage que ma compréhension à ce stade, et appelle donc d’autres points de vue.

  49. Patlotch
    28/01/2011 à 16:47 | #49

    Voilà qui donne des envies mâles et prolétariennes d’abolir le genre patronal féminin :

    Tunisie : Les femmes chefs d’entreprise engagées dans la relance de l’économie

    « En tant que Présidente de la Chambre Nationale des Femmes Chefs d’Entreprises (CNFCE), je suis convaincue que nos femmes chefs d’entreprise contribueront au développement des régions défavorisées et ne ménageront aucun effort afin de les aider à surmonter ces moments difficiles, reprendre une activité normale et reconstruire l’ économie dans les plus brefs délais » […] C’est l’heure de vraies femmes d’affaires. »

    Source http://www.africanmanager.com/articles/131596.html

  50. lamamaterielle
    28/02/2013 à 20:37 | #50

    HUÉE A L’ENCONTRE DE SADE : Le viol étant un acte quasi exclusivement viril, il doit bien venir d’une vision virile et aussi chercher à fabriquer de la virilité. Pour caricaturer une célèbre activiste, je crois également que la virilité est terroriste. Tout simplement car le terrorisme ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire, agir et penser en accord avec les idées dominantes. Cette activiste évoquait ainsi l’une des sources principale du pouvoir, le langage. Le viol pourrait être vu comme un langage ultime d’invective des hommes envers les femmes. Un message sans destinataire humain, mais visant à faire obéir, à interdire, à cantonner physiquement et moralement le groupe d’appartenance de sa victime. Ce langage du viol jouissant fréquemment d’impunité, il mime atrocement le meurtre de sa victime, sans faire perdre au violeur les avantages et le confort symétriques (liberté, autonomie et espace) que lui procurent les femmes. Pour essayer de me faire comprendre, sur le langage du viol, parlons de Sade. Cet homme n’était pas qu’un écrivain renommé, un noble riche et un politicien influent. Son casier judiciaire montre que c’était un violeur, ce qui faillit lui faire couper la tête, faute de lui avoir fait perdre. Sade faisait acheter ou rafler dans la rue de pauvres jeunes filles, qu’il enfermait ensuite dans l’un de ses lupanars, pour les violer, torturer et parfois même les tuer. Ces derniers temps, je me suis étonné d’avoir eu à étudier à l’école un ouvrage de ce sale type. Mais surtout, suivez mon regard s’il vous plaît, je suis dubitatif sur la véritable vénération que portent à Sade de nombreux hommes soi-disant en lutte contre toute oppression, exploitation ou aliénation. Y aurait il une sorte de viol en basse-intensité sous cette ubiquité de parole ? En y réfléchissant, je me suis dit qu’au delà d’un goût étrange pour les descriptions masochistes dont les victimes sont toujours des femmes, il y avait chez les zélateurs de Sade, autre chose qui tient du viol. Cette autre chose me semble non seulement tenir d’une manière de d’exutoire à un manque de pouvoir. Exutoire qui pourrait rendre utile à la classe des hommes l’acte passif et fantasmé qu’est la lecture vorace de ces Lautréamont, Mazoch et autres Buckowski. Ceci d’autant que n’ont pas le même succès, les écrits d’autres hommes bien plus respectueux d’autrui comme Zinn, Laclos, Mill ou Labarre par exemple. Les montagnes de pages écrites par des hommes pour dénigrer les femmes, parfois sous couvert de fausse solidarité voire d’amour, peuvent être vues par les yeux d’une armée de fourmis féministes, comme construisant et renforçant le pouvoir viril. Ce même pouvoir se signant au final à travers le viol. Sans parler de la musique, de la presse, de la photographie et des films misogynes qui nous inondent, à côté des romans, bien d’autres productions masculines écrites étayent au quotidien le pouvoir des hommes. Je voudrais ici regarder de plus près un autre volume d’écrits, aussi imposant qu’influent. Il s’agit de la prose politique. De l’extrême droite aux confins des gauches ont retrouve le même matraquage scriptural, visant à utiliser le sujet des femmes pour mieux asseoir la position de la classe des hommes. Durant l’après guerre de 1939-1945 déjà, les nombreux mouvements sociaux d’émancipation ont vus éclore à leurs cotés de faux amiEs qui ont employé à leurEs seules fins, une prétendue défense de la cause des oppriméEs. Madame Salan, dont le général d’époux a commis les pires méfaits pour défendre l’Algérie Française (pourquoi pas le Zimbabwe Suisse ?), loin d’être féministe, a détourné les luttes d’émancipation des femmes, pour infiltrer de ses idées racistes, les foyers d’Algérie. Avant encore, les mouvements d’émancipation par exemple des personnes raciséEs comme aux USA, ont été en quelque sorte récupérés par des hommes avides d’argent mais surtout de pouvoir. Sur le sujet du détournement des luttes anti-esclavagistes, comme d’ailleurs sur celui de l’oppression des femmes, je pense que l’histoire du peuple des USA par Zinn est exemplaire et exceptionnelle. Ceci doit expliquer en partie son large succès. Aux antipodes, des échanges de lettres entre Marx et Engels qui montent à quel point ces hommes ont trouvé que la fabrication et l’utilisation du racisme par les esclavagistes était une excellente méthode de promotion de leur projet de parti politique. L’insuccès des idées marxistes, au-delà de l’échec systématique des leurs tentatives d’accession au pouvoir, pourraient être vues comme le juste retour du double discours inhérent à ces idées, qui semble avoir été parfaitement perçu par la plupart des humainEs sur terre. Aujourd’hui, sans doute face à la stagnation généralisée de l’adhésion des genTEs aux idées marxistes ou anarchistes stéréotypées, ainsi qu’à un cruel manque d’effectifs, des révolutionnaires autoproclaméEs ont cherché à détourner les discours féministes au profit de leurs chapelles. Ce qui est fort dommage à mon avis pour la révolution. Il faudrait toutefois accepter celle-ci comme un but valable : si le mot n’était pas si snob et laid, je préfèrerais disruption. Car dans certaines bouches, la révolution est un terme éculé et flou (voir les publicités pour des produits dits révolutionnaires)…qu’il me donne le tournis. Depuis les détracteurs libertaires des prostitueurs aux remises à la mode du jour des rengaines collectivistes et travaillistes des trente glorieuses, on ne voit ces temps-ci que des numéros spécial genres ou des révisions pseudo-féministes du primitivisme, avec leur cohorte de slogans fanés. Mais par quelle magie les porteurEs de ce discours à la fois excluant et communisant tentent-ilLEs de faire passer leurs vessies pour des lanternes ? Ce tour de passe-passe nécessite, outre de compter sur le dénigrement ou la méconnaissance (feinte ?) des écrits féministes, une technique assez Orwellienne. Du style « la guerre, c’est la paix. Il est aisé de penser à la ressemblance familière entre cet oxymore et le fait que la victime d’un viol est souvent acculée à démontrer qu’elle ne l’avait pas cherché. Cette technique déforme le sens des mots, leur donnant une valeur symbolique, parfois invertie, à laquelle il est dès lors facile d’adhérer, comme par hypnose. ============================================================================== Contrairement à ce qu’on voulu faire croire leurs héritiers, Marx et Engels n’étaient ni féministes ni anti-racistes. Pour exemple, en juillet 1982 Marx écrit à Engels, parlant de son concurrent Lassale et dit « il est parfaitement clair pour moi qu’il descend des nègres d’égypte, comme le prouve la forme de son crâne et ses cheveux, sa mère ou sa grand mère ayant dû se mélanger à un nègre. maintenant son aboutement du judaisme et du germanisme avec une substance nègre doit produire un résultat bien particulier. Le côté obtus de ce gars là est aussi de type nègre ». De son côté, Engels partageait beaucoup de la philosophie raciste de Marx. En 1887, Paul Lafargue, le beau-fils de Marx, était un candidat à un siège de Conseil d’Arrondissement à Paris où se trouvait un Zoo. Engels s’est exclamé que Paul Lafargue avait “1/8e ou 1/12e de sang nègre » (dixit). En avril 1887, dans une lettre de Engel à la femme de Paul Lafargue, Engel écrit « En tant que nègre, c’est-à-dire à un degré bien plus près du règne animal que de celui de nous autres, Paul Lafargue est indubitablement le représentant le plus approprié pour cet Arrondissement ». Bien d’autres écrits, certes pas forcément disponibles en ligne auprès de marxistes orthodoxes, abondent malheureusement dans ce sens. De même, la misogynie et l’homophobie de Marx et Engels est parfaitement lisible de leurs textes, notamment de leur plaquette publicitaire la plus connue le « Manifeste ». Je cite : « Nos bourgeois, non contents d’avoir à leur disposition les femmes et les filles des prolétaires, sans parler de la prostitution officielle, trouvent un plaisir singulier à se cocufier mutuellement. »….mais comme en général les marxistes pur-jus de sont des purs mecs, personne ne s’interroge… Enfin, la question n’est pas de « accuser tel individu à la légère » , ni même de juger Marx ou Engels (…d’autant que ces mecs sont morts). Il s’agit de voir ce que leur théories ainsi que leurs applications depuis le 19e siècle ont produit. C’est je pense, ce qu’on appelle le « Matérialisme Historique ». Approche quant à elle tout à fait partagée par la plupart des terrienNEs, qui par contre se défient logiquement du communisme borné comme de toutes les chapelles.

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