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TAHITI | Papeete

 



Tahiti | Papeete
l.u.i. 2020


« Une chose est évidente, il n’y a rien dans ces entassements de béton qui relie l’architecture de cette ville (Papeete) à une quelconque culture particulière. Ces mêmes immeubles lépreux se retrouvent dans toutes les villes ouvrières déshéritées du monde occidental. Ce qui reste à la fin de cette courte promenade, c’est que Papeete est une ville sans âme, bruyante, sale et délabrée. Un peu comme une cité qui est lentement en train de mourir.»
Julien Gué 
To'ere
juillet 2005


Les (rarissimes) études, rapports émanant des services concernés de Polynésie et des technocrates de la Métropole, s'accordent à estimer que la population [1] à Tahiti vivant sous le seuil de pauvreté s'élève à 25 % ; estimation indécente contestée par les observateurs de la chose qui affirment une réalité plus proche des 50 %, chiffre devant être augmenté par les effets dévastateurs de la pandémie, ayant en particulier ravagé les emplois associés aux activités touristiques, principales richesses des archipels.

Mais la pandémie ne peut expliquer une situation - dramatique - d'aussi grande pauvreté, elle l'exacerbe ; la Polynésie française est en effet dotée de dispositifs fiscaux spécifiques, ayant pour conséquence le renforcement des inégalités sociales : ici, au Paradis, les aides et protections sociales accordées aux plus vulnérables et indigents mais aussi aux salariés n'existent pas, les allocations chômage, de logement, le revenu de solidarité active, etc., ces formes d'assistanat promptes à ruiner le Pays et l'ardeur des travailleurs, dit-on. A l'inverse, l’absence d’impôt sur le revenu des personnes physiques, y compris aisées, et de frais de succession en cas d'héritage grèvent le budget du Pays, compensé par des taxes douanières et indirectes, qui elles pèsent très lourdement sur celui des ménages, en particulier des plus modestes. 

D'autre part, les élites gouvernantes de Polynésie ne se sont pas privé, pendant des décennies, et dans une moindre mesure, aujourd'hui, à abuser de leurs pouvoirs afin de s'enrichir en puisant allègrement dans les aides financières offertes par les gouvernements de France, à les utiliser pour asseoir au mieux leur clientélisme, à régner.
 [2] Ainsi, selon Julien Gué [3], habitant à Tahiti, ancien journaliste de l'hebdomadaire Toere, interrogé en 2020 :
« Donc c'est cela la Polynésie, plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté, c'est une élite locale qui détourne les fonds publics en toute impunité. Et rien n'est fait d'un point de vue sociale, sociétale, rien n'est fait pour l'avancée du pays.»  
Les incidences et conséquences urbaines et architecturales, et environnementales dans le Grand Papeete [4] sont à la mesure des inégalités sociales qui régissent le Pays : l'urbanisation rapide de l'agglomération dans les années 1960 s'est effectuée sans plan d'urbanisme d'ensemble, ou même communal, sinon des schémas prêtant à de multiples interprétations, sans contraintes architecturales, sinon celle de la hauteur des constructions ; une modernisation placée sous l'égide du laisser-faire, des dérogations, d'un laxisme des plus hautes autorités locale et de Paris, et sans aucun doute, de l'incompétence extravagante et notoire des administrateurs et ingénieurs, débarqués de la métropole, et n'ayant aucune connaissance de la société "indigène", qu'il s'agit de moderniser ; certes, malgré de temps à autres de grandes déclarations d'intention et, parfois, des tentatives devant ordonner les désordres, toutes vaines, ou bien sans grande portée face à la machine spéculative et celle technocratique.

POLYNÉSIE | Habitat insalubre, Habitat précaire

 



Île de MOOREA
Habitat insalubre en bord de lagon


POLYNÉSIE 
Habitat Précaire - Habitat Insalubre


En Polynésie, le Paradis côtoie l'Enfer, la richesse exagérée la plus grande misère, inégalités extrêmes matérialisées, entre autres, par les luxueuses demeures, les hôtels pompeux et les masures et taudis érigés en bordure de lagons idylliques, côte à côte ; mais, cette apparente - où plutôt dissimulée par la végétation - pauvreté peut se révéler être source de richesse, car en effet, ces parcelles en bordure de lagon - terres rares à présent - où s'érigent ces humbles demeures atteignent des sommes considérables, susceptibles de métamorphoser leurs propriétaires en personnes nanties. 
Certains, d'ailleurs, le sont déjà [1] ; d'autres, moins bien nantis, mais attachés à leur héritage ancestral, presque sacré - et souvent disputé en famille -, n'ont d'autres choix que d'y demeurer humblement voire pauvrement, ou bien, de le louer à bon prix pour une demeure confortable, à bon marché pour une masure délabrée. Peu de squatters dans ces secteurs en bord de lagon, indésirables, ils s'installent le plus discrètement possible dans les lieux délaissés en bord de route, sinon là où la distance entre route et lagon est la plus mince, ou bien parfois, dans ce que l'on nomme les "ruines touristiques", soit les ruines des grands hôtels luxueux ravagés par une tempête, y compris économique. 

Ces situations de grande pauvreté (nous n'avons pas abordé ici celles de l'île de Tahiti et de l'agglomération du grand Papeete, bien plus graves encore) sont complètement méconnues en France métropolitaine, la Polynésie demeurant toujours et encore une destination paradisiaque qu'il convient de préserver, et de protéger en tant que telle, tourisme oblige, d'ailleurs son gouvernement à dissimuler, minimiser au mieux cette grande pauvreté qui, selon de fortes probabilités - faute de recensement -, atteint 55 % de la population ; un Paradis terrestre ?




Île de MOOREA
Taudis en bord de lagon

PEROU | DICTATURE & ARCHITECTURE SOCIALISTES | 1968 - 1975








En 1963, au Pérou, le candidat socialiste – et architecte – Fernando Belaúnde Terry est élu président de la République, mais plutôt que d’appliquer les belles promesses qu’il avait adressé au Peuple, il composera d’abord, puis pactisera ensuite avec l’oligarchie, les clans les plus libéraux et rétrogrades du pays, et son gouvernement décréta une série de lois à l’opposé de l’idéologie socialiste, programme politique critiqué au sein même de son parti (Acción Popular Socialista) [1], comme d’ailleurs les retentissants scandales politico-financiers symbolisant son alliance avec le diable. Les « injustices » sont telles, qu’elles décident de jeunes révolutionnaires [2], dès 1965, à s’engager dans la voie de l’insurrection armée, qui sera vite maîtrisée par les Forces Armées.



Un nouveau scandale, concernant un accord commercial concédé à une compagnie nord-américaine particulièrement défavorable pour le pays, et contraire aux engagements du p-résident, provoque l’indignation nationale, (un acto de traición a la patria) et déclenche, le 3 octobre 1968, un coup d'Etat militaire institutionnelgolpe - porté par le Jefe del Estado Mayor peruano, le général Juan Velasco Alvarado [3], accompagnés par les généraux les plus progressistes de l’État major, une « révolution » (comme ils l’affirment) devant, enfin, mettre un terme à la« traición de los partidos políticos reformistas » et de l'oligarchie, accusée elle, de tous les maux. Les plus sensés de l'époque qualifient cette dictature comme étant progressiste, nationaliste, réformiste socialiste, une « dictature de gauche » de type « populiste », conduite par le « Gouvernement révolutionnaire des Forces armées », le Gobierno Revolucionario de las Fuerzas Armadas (GRFA), qui osa le sacrilège de s'opposer de façon autoritaire à la suprématie des intérêts étrangers et, mieux encore, à l'oligarchie péruvienne, afin d'éliminer « la dependencia externa y la dominación interna », causes de la « desunión nacional ». Le « Manifiesto del Gobierno Revolucionario de la Fuerza Armada » résumant le programme social de la révolution reprenait dans un curieux mélange, les propositions de réformes faites depuis des années par les mouvements politiques socialistes, le Partido Democrata Cristiano, l'Alianza Popular Revolucionaria Americana, et l'Acción Popular de Belaúnde, le président destitué. Les historiens jugent que ce qui distinguait la révolution de la Junte n'était pas l'originalité du programme social, mais bien la capacité des militaires à appliquer effectivement les promesses électorales des socialistes, et celles plus théoriques du Movimiento Social Progresista, bloquées par le viejo orden oligárquico.


JOHN TURNER au PEROU




Il n’y a pas de 
société, 
il n’y a que des 
individus.

Margaret  Thatcher

Premier ministre, 
Royaume britannique 


If you wait for the authorities to build new towns you will be older than Methuselah before they start. 
The only way to get anything done is to do it yourself.

Ebenezer Howard to Frederic Osborn



Au Pérou, la politique des gouvernements démocratiques et des dictatures militaires qui se succèdent entre l’après seconde guerre mondiale et la révolution socialiste de 1968, pour ce qui concerne l’habitat social, peut être résumée simplement : laisser libre cours à la puissance et au marché privés, privilégier le propriétarisme «populaire» au détriment de l’habitat locatif. Confrontés à un déficit spectaculaire de logements, les millions de péruviens mal-logés et sans logis n’eurent guère d’autre choix, que d’entrer dans l’illégalité : pour échapper aux dangereux taudis urbains, infectés de maladies mortelles, des groupes solidaires parfois de plusieurs centaines de personnes déterminées, se constituèrent pour squatter des terres libres, et y bâtir leurs baraques, avec l’espoir d’obtenir une régularisation, et cela acquis, de réaliser leur rêve : construire une vraie maison. Généralement, le président, ou le dictateur y consentait, prouvant ainsi ses nobles intentions à l’égard de ses administrés-électeurs. De là est né ce que l’on nomme l’urbanisation populaire, l’urbanizacion de tipo popular [1], programme porté par le gouvernement ultra-libéral de Manuel Prado, basé sur les expériences de site and service et de self-help housing de l’après guerre, et adapté au contexte péruvien par de jeunes architectes et sociologues. C’est dans ce contexte que débarque le jeune architecte britannique déclaré anarchiste, John F.C. Turner, invité à venir travailler au Pérou. 


Après plusieurs années d’expériences il devint l’apôtre de l’habitat informel, le Don Quichotte des immeubles d’habitations modernes, orthonormés, inhumains, représentant un gaspillage gigantesque en efforts humain et financier, et le partisan convaincu de la participation populaire. Pour l’architecte en reprenant les mots du sociologue et ami William Mangin, le bidonville était moins le problème, que la solution, tout du moins si l’on s’occupait de l’« organiser » en « Slum of Hope », les bidonvilles - en réalité - de l’espoir, construits et gérés par et pour ses communautés d’habitants sans qu’interviennent de manière - trop - autoritaire, l’Etat. Ce n’est plus l’architecture qui est au centre de ses préoccupations mais bien l’homme, ou plus exactement la collectivité d’individus, et il tentera de résoudre la difficile équation d’accorder les principes anarcho-libertaires qu’il défend, aux exigences légitimes des pobladores,  au marché de la construction, et dans une moindre mesure, en l’occurence, à l’autoritarisme de l’Etat.

APARTHEID | TOWNSHIPS & HOMELANDS


Photo couverture : David Goldblatt
2006




L’apartheid est un crime contre l’humanité.
Nelson Mandela

 La France est considérée comme le seul véritable soutien de l’Afrique du Sud parmi les grands pays occidentaux. Non seulement elle lui fournit l’essentiel des armements nécessaires à sa défense, mais elle s’est montrée bienveillante, sinon un allié, dans les débats et les votes des organisations internationales.
Centre Français du Commerce Extérieur, 1975.


L’apartheid (littéralement développement séparé) n’est pas né du jour au lendemain, c’est l’héritage et la continuation d’une ségrégation pragmatique élaborée depuis la colonisation en 1652 ; c’est l’aboutissement, ou plutôt une phase d’un long processus alternant des périodes de guerre et de paix, d’entre-deux, au gré des événements internationaux, des crises économiques et de la prospérité nationales. Le “système”, autre nom de l’apartheid, n’invente presque rien, ses architectes reprennent stricto sensu les techniques, les méthodes et les lois des décennies le précédant, mais ils les radicalisent, ils les modernisent et les adaptent à leur époque, et les imposent autoritairement aux gouvernements provinciaux, aux City Councils qui jadis soit rechignaient à les appliquer, soit, plus souvent, n’en n’avaient pas les moyens ; pour y parvenir les immenses richesses minières de l’Afrique-du-Sud serviront ainsi à financer la séparation des races autant dans les consciences des masses que dans les espaces public et privé.


En réponse au péril noir, la dictature pseudo-démocratique devait assurer à chaque instant et dans chaque lieu, même le plus reculé du pays, une sécurité totale, un risque zéro, pour les populations d’origine européenne et leurs alliés Africains. L’aménagement du territoire, l’urbanisme et l’architecture ont ainsi été mis à contribution pour assurer cet enjeu premier, de sécuriser et de défendre le territoire, dans le cadre d’un apartheid social engineering s’appuyant sur un appareil et une stratégie militaires intervenant dans la vie quotidienne de chaque citoyen de la société civile.


Diviser pour mieux régner : jamais cet adage n’a été aussi bien appliqué qu’en Afrique du Sud par l’administration britannique puis de l‘apartheid ; favorisant au mieux les tensions ancestrales entre les tribus africaines, et entre les Africains, les métis et les Indiens, en élevant des barrières étanches - plus ou moins naturelles - entre les syndicats d’ouvriers d’origine européenne et africaine, en privilégiant l’opposition des classes sociales africaines, accordant des privilèges aux familles royales et princières, en émancipant la bourgeoisie éduquée, soucieuse, donc, de se démarquer des classes les plus humbles, et surtout, en facilitant les dissensions entre les urbains nés en ville - le prolétariat - et les ruraux venant s’y installer - le sous-prolétariat -; ce à quoi s’ajoutent, les propres désunions politiques de l’ennemi, entre l’African National Congress, le Pan African Congress, le Parti communiste et les syndicats dont l’un des plus puissants, l’Industrial and Commercial Workers’ Union.


A l’inverse, les architectes de l’apartheid auront cette mission d’unifier toutes les composantes sud-africaines d’origine européenne, toutes ces classes sociales - y compris indigentes - pour former un Peuple uni et soudé, sous cet adage populiste : « C'est eux ou nous » : soit l'organisation d'un monde manichéiste, d'un monde compartimenté.


L’apartheid est un crime contre l’humanité, affirmait Mandela. Pour les penseurs marxistes, c’est aussi, et surtout, le stade ultime et final du capitalisme moderne, dont tout l’enjeu est d’asservir les populations ouvrières, considérées dans cette société comme, tout simplement, des esclaves, et traitées en conséquence ; certains auteurs Sud-Africains estiment même que l’originel modèle du compound - cités-casernes ouvrières closes et surveillées - des industriels des mines de diamants, a ainsi été élargi à l’ensemble du territoire, faisant du pays un vaste camp de concentration construit selon les préceptes du panoptisme et de la paranoïa ; c’est-à-dire, une utopie. Car en réalité, l’apartheid théorisé n’a jamais été appliqué, tout du moins, n’a pas réussi à imposer ses lois et limites : la résistance des non-Européens conjuguera - pour cette période d’avant la guerre civile - désobéissance civile, longs boycotts, manifestations et illégalité qui s’observa en particulier dans les villes : contre toute attente, des millions d’Africains assignés à demeure dans leurs homelands, braveront les lois, au mépris de la police et des milices pour venir s’y installer sans autorisation : l’apartheid sera incapable d’y faire face.


TZIGANES & AVANT-GARDES ARCHITECTURALES



Superstudio
A Journey from A to B
1972



C'est un anniversaire oublié ou passé sous silence car 
il y a 600 ans, en 1418, les premiers « Bohémiens » arrivèrent en France [1] ; 
ils campent vers Aubervilliers en 1427 [2] et ils attirent les foules parisiennes curieuses de les découvrir : six siècles nous séparent, mais les chroniques, la vox populi d’alors s’accordent parfaitement, sont au diapason de celles d’aujourd’hui : l’évêque les chasse de la capitale, au grand soulagement de la population. Les préjugés ont la vie longue et dure...

ZANZIBAR Socialiste




ZANZIBAR

ARCHITECTURE 
URBANISME 

SOCIALISTES

[1964 - 1984]


Peu après la révolution de 1964,  en Zanzibar socialiste, Abeid Karume, le dirigeant du Conseil révolutionnaire Zanzibari,  déclarait :

« une personne qui vit dans une hutte branlante plutôt que dans un appartement moderne ne peut véritablement être dite libre ».

Loger le Peuple dignement : pour y parvenir, le premier Conseil révolutionnaire de la République de Zanzibar reprend les mesures  - adéquates - déjà instaurées auparavant en d'autres terres socialistes : réquisition, confiscation des biens immobiliers appartenant à de riches propriétaires, aux opposants, puis nationalisation et redistribution des biens et partage équitable des terres, création de coopératives agricoles, et, construction de logements, avec comme objectif, d'édifier la ville nouvelle socialiste, et au-delà, l'Homme nouveau. Ainsi, le vaste bidonville Ng'ambo, « l'Autre côté » - sordide héritage du colonialisme britannique -, qui encerclait les quartiers huppés, Stone Town, de la capitale, Zanzibar City, devait, à terme, être complètement éradiqué afin d'y bâtir la ville moderne. Pour mener à bien cette tâche gigantesque, titanesque même, Karume invita architectes, urbanistes Est-allemands, spécialistes renommés de l'architecture sociale, héritiers du Bauhaus. 


URBANISME-S DE GUERRE | Vietnam




Tout l'enjeu des guerres du Vietnam fut le contrôle des populations rurales, de disputer à l’ennemi la confiance et l’estime des paysans, puis leur adhésion, leur soumission à un programme idéologique. Une guerre politique de « contrôle des corps », condition préalable au « contrôle des âmes », et selon le stratège Charles Lacheroy cette guerre a pour principal objectif le contrôle de « l’arrière » [1], c’est-à-dire de la population : « le problème numéro un, c’est celui de la prise en main de ces populations qui servent de support à cette guerre et au milieu desquelles elle se passe. Celui qui les prend ou qui les tient a déjà gagné. » Le Peuple plutôt que le territoire est à conquérir.

Afin d'y parvenir, le président dictateur du Sud Vietnam Ngô Đình Diệm décida d'une grande réforme rurale, dans le cadre plus large de sa révolution totale, imposant aux villageois des hameaux et villages isolés, un déplacement regroupement dans des Agrovilles, Agro-hameaux et Hameaux stratégiques fortifiés, remparts contre la propagande communiste. Entre 1957 et 1963, près de sept millions de paysans – près de la moitié de la population totale - ont été forcé d'abandonner leurs maisons et rizières pour rejoindre des « Centres de prospérité » les suspects étaient condamnés aux « Centres de ré-éducation ».


Slumming INDIA




Gita dewan Verma est une architecte urbaniste Indienne, auteure d'un livre magistral intitulé Slumming India, paru en 2003, faisant encore aujourd'hui référence (réédité en 2012) et toujours pas disponible en français (il n'est hélas pas le seul dans le domaine de l'urbanisme politique). Ce pamphlet politique, dans la veine des textes d'Arundhati Roy, est une tribune salutaire, une critique dévastatrice contre la "nouvelle classe" dirigeante mais aussi contre le programme urbain-politique de la World bank, et des ONG associées, qui entérine l'existence même du bidonville comme une réalité éternelle, et met un terme à une quelconque politique plus ambitieuse, plus humaine. Le vrai problème considère Gita, n'est pas la misère urbaine omniprésente qui nous choque, mais bien la faillite morale et intellectuelle qui la fabrique....

Urbanisme Colonial à Pointe-à-Pitre | 1848 – 1967





Denise Colomb | Guadeloupe | 1958

« Elle a germé, la ville, d’un magma de misère et d’un maigre cadastre, d’une eau trouble, d’une aurore cassée. Ce n’était qu’un comptoir, qu’une maison de passe, qu’un enclos, qu’un caillot, qu’une dissidence, qu’une blessure ouverte de l’histoire. »
Ernest Pépin | 2007


L'urbanisme colonial, après l'abolition de l'esclavage en 1848 en France, adopte bien des configurations en fonction des particularités économiques du pays colonisé, de la nature « bonne » ou « méchante » des colonisés, du climat et des caprices des éléments naturels, de la géographie, de l'héritage urbain et architectural, autochtone pré-colonial ou importé, et de la vocation de la ville – militaire, commerçante, industrieuse, administrative, agricole - assignée par l'administration.

Mais la colonisation est par définition une domination spatiale, qui se décline en plusieurs échelles, du grand territoire à l'espace urbain des villes que le pouvoir colonial organise, réglemente et contrôle, selon deux grands principes : un principe discriminatoire, et social et racial, associé au principe répressif, principes atténués mais aussi fonctionnels dans les villes post-coloniales de l'Union française de l'après seconde guerre mondiale. Aimé Césaire, longtemps maire de Fort-de-France en Martinique déclarait ainsi : « Nous avons reçu les premiers CRS avant de voir la première application de la Sécurité Sociale.»

L'Autre Zoo de Vincennes


La prison animale - le parc zoologique - du bois de Vincennes est à nouveau ouverte au public, qui peut, nous assure-t-on, apprécier l'"environnement naturel" des détenus reconstitué le plus fidèlement possible  ; non loin de là, et du centre de rétention administrative, le public pourra apercevoir un autre "zoo", la "zone" où se concentrent les cabanes et tentes de sans abri, victimes, eux, de l'"environnement économique". Le photo-journaliste Stéphane Remael les a rencontré.

Stéphane REMAEL

Les Favelas de Vincennes




Claude DITYVON


Bidonville de la Courneuve | 1966 - 67



Mai 68


CLAUDE DITYVON 
[1941 - 2008 ]


« J'avais envie d'évasion, de terrains d'aventure : le bidonville de la Courneuve me permit de rencontrer un montreur d'ours et sa famille. Autour des pneus abandonnés qui flambaient, des gosses hirsutes, sauvages ricanaient de moi. Au delà des baraquements construits à la va-vite se dessinaient de longues chaînes d'immeubles HLM. En échange de quelques vêtements, je fus admis sur leur territoire. Mes premières images furent intenses, sans misérabilisme. Cette expérience m'apprit beaucoup. Sans le savoir je traçais déjà et définissais une écriture visuelle. Je m'inventais un regard. »



FRANCE | BIDONVILLES






Le passage de la “brigade Z” variait selon les périodes. Les équipes, composées de trois à huit policiers munis de masses ou d’arrache-clous parcouraient toute la journée les ruelles en quête d’une construction à détruire. Face à ces abus de pouvoir, les habitants ne pouvaient rien opposer. Les sanctions étaient d’une sévérité graduelle : menaces ou démolition, vieilles planches, vieux volets, tôles confisqués, sacs de ciments éventrés, embryons de jardin saccagés.

En 1965, l’université de Nanterre fut construite sur un terrain jouxtant les bidonvilles. La proximité de ces deux éléments constituait un mélange explosif. Plusieurs étudiants n’hésitèrent pas à tenter de faire entrer les enfants ou adolescents du bidonville au restaurant universitaire, obligeant la police à intervenir pour chasser ces jeunes venus manger gratuitement.


Yvan GASTAUT
Les bidonvilles, lieux d’exclusion et de marginalité en France durant les trente glorieuses
Cahiers de la Méditerranée, 69 | 2004
Nota Bene : hors illustrations

La marginalité dans les villes méditerranéennes au vingtième siècle s’est développée dans des lieux spécifiques : en matière de logement, les bidonvilles en ont été la forme la plus répandue. Fléau constaté dans le Maghreb colonial autant qu’en métropole, ce phénomène a mis en scène une exclusion sociale et parfois ethnique qui offre à l’historien un bon terrain d’étude des processus de discrimination. Les déséquilibres engendrés par une urbanisation mal contrôlée ont provoqué ces excroissances, véritables poches de marginalité que les pouvoirs publics ont bien mal maîtrisé.

FRANCE | Le Logement des Travailleurs Immigrés


ESPACES & SOCIÉTÉS
Revue critique internationale de l'aménagement de l'architecture et de l'urbanisation
n° 4 | 1971




HONG KONG | Kowloon Walled City









HONG KONG
City of Darkness
Life in Kowloon Walled City

Greg Girard
Ian Lamblot


Hak Nam, "the City of Darkness", the old Walled City of Kowloon has come down. Many people in Hong Kong, both Chinese and foreign, for whom it was never more than a disgusting rumour, believed it went years ago. Not so. Almost to the end it retained its seedy magnificence. It had never looked more impudent, more desperate, more evil to some eyes, more weirdly beautiful to others.
For many years its limits were blurred by a dense under-growth of squatters' shacks that spread outward from it. As the first step towards clearing the whole site, these were swept away and replaced on two of the City's four sides by a dusty park where the landscaping is only now taking hold.


CAMBODGE | Phnom Penh



 Nigel Dickinson © | Phom Penh

Du Socialisme au Capitalisme :
Le cas de Phnom Penh

Au Cambodge, en 2012, près de 70 % de la population subsiste avec moins de 2 dollars par jour, un enfant de moins de 5 ans sur trois souffre d’insuffisance pondérale. Un des pays les plus pauvres de la planète ; et pourtant, le pays est riche en ressources naturelles : bois, pétrole, minerais ; mais le niveau exceptionnel de corruption permet aux dirigeants politiques d'exploiter les ressources naturelles du pays, par l'octroi de concessions, dans leur intérêt personnel, afin de consolider leur propre pouvoir. Au Cambodge, le passage d'une économie socialiste [1979-1989] au capitalisme a détruit les liens de solidarité, divisé les classes, et certains cambodgiens constatent aujourd'hui avec amertume les mirages du libéralisme, et se souviennent des temps ô combien difficiles mais plus heureux du communisme. 


HONG KONG | Self-organising niche architecture


Hong Kong



Une densité urbaine phénoménale, des prix immobiliers en location et à la vente parmi les plus chers du monde, et une pénurie structurelle de logements sociaux : les classes populaires ont investi les toitures terrasses des vieux immeubles du quartier ancien de Kowloon, pour y construire des abris de fortune plus ou moins tolérés par les autorités.  Dans certains cas, la prolifération de ces abris sur certains grands immeubles a créée de véritables petites communautés. Ces constructions précaires sont, le plus généralement, habitées par des salariés, des artisans, des vendeurs ambulants, de nouveaux immigrants chinois, etc. qui disposent d'un salaire régulier ; on y trouve également dans certains cas, des trafiquants de drogue, protégés de la police par un labyrinthe de couloirs étroits et d'échelles dissimulées. Certaines, les plus anciennes, disposent de plusieurs pièces, voire d'un jardin ; tandis que les plus récentes, les plus sordides forment de véritables shanty towns [bidonvilles]. C'est une pratique déjà ancienne, et certaines auto-constructions s'empilent sur deux, voire trois niveaux. 

LONDRES 2012 | Sheds with Beds


London  | Back garden slum |2012

Chômage, hausse exceptionnelle - ou plutôt explosion - des loyers, des services publics, insuffisance structurelle du parc de logements sociaux, baisse des aides gouvernementales, actions des spéculateurs, etc,  sont à l'origine de la recrudescence des formes traditionnelles spatiales de la pauvreté urbaine : en 2011, le nombre de sans abris était en nette augmentation, près de 4 000 personnes dormaient dans les rues de Londres. La moitié d’entre elles sont originaires du Royaume-Uni, les autres venant de divers pays, en particulier de Pologne. Le nombre de familles en attente d’un logement social à Londres a doublé entre 1997 et 2010 pour passer à 362.000 demandes, et représente aujourd’hui plus de 20 % de la liste d’attente nationale. Sans compter bien évidemment, les milliers de clandestins, de travailleurs en situation irrégulière, survivant dans les cabanons illégaux - "sheds with beds" - ou les taudis surpeuplés des quartiers pauvres. 

BUENOS AIRES et la Dictature



« Hé, les enfants, je vous ai déjà dit de ne pas jouer au ballon dans-la rue, c'est dangereux ! Allez jouer sur l'autoroute ! »

Raul Pajoni
Architecte-urbaniste
Buenos Aires, 1976-1982. La ségrégation compulsive
Revue Hérodote | 1983

Quand en 1930 les secteurs oligarchiques organisèrent leur premier coup d'État, l'Argentine était un des pays les plus prospères du monde. Son produit national par habitant équivalait à celui de pays comme l'Allemagne ou la Suisse. Plus de la moitié de la viande et du maïs, le quart du blé et de la laine exportés dans le monde étaient argentins.  Aujourd'hui le PIB/hab. ne représente que le cinquième de celui de la R.F.A. et son commerce extérieur est quinze fois inférieur. Depuis ce premier coup d'État, l'Argentine a connu 24 présidents, — dont 16 étaient des généraux — et six coups d'État triomphants. Comme on peut le constater, la démolition systématique de la société et de l'économie argentine ne commence pas en 1976. Mais il faut reconnaître qu'elle a été poursuivie avec une obstination et une énergie sans précédent. Aucun gouvernement antérieur n'avait réussi à maintenir l'inflation à plus de 200 % — avec des périodes à 800 % — ; à augmenter la dette extérieure de 7 à 45 milliards de dollars, tout en faisant chuter le PIB/hab. de 15 %, le nombre d'ouvriers de 1,6 à 1 million,  et leur salaire réel de plus de 40 %.

Et pour obtenir ces résultats, il a fallu briser le corps de la société, avec tout un système de répression illégale qui laisse un bilan de presque vingt mille disparus, un million et demi d'exilés, et un énorme appareil clandestin de terreur.

BUENOS AIRES | Guérilla Urbaine des Montoneros




 Quand bien même tu bénéficierais 
de conditions exceptionnelles, 
tu ne triompheras jamais si tu penses qu'il faut d’abord dépasser les contradictions du champ populaire. 
Dans ce cas, tu ne commences même pas la lutte. 
Dans ce cas, tu dis bonne nuit, 
adieu à la révolution et tu vas te coucher. 


Le poète et guérillero Juan Gulman 
.

La guérilla urbaine menée par les Montoneros contribuera, au sein d'une opposition vaste, hétérogène, active - notamment des syndicats ouvriers -, qui oriente et amplifie le mécontentement de la population,  au retour effectif de la démocratie en 1973.  Ce texte tente de retracer les relations entre les Monteneros et les habitants des villas miseria - les bidonvilles -, qui occuperont un rôle important contre la dictature, pour le retour à la démocratie,  puis après l'élection de 1973, contre le Ministerio de Bienestar Social, en charge, entre autres,  du logement social, et dirigé par José López Rega, un représentant de la droite "dure" du Mouvement péroniste, membre de la Loge P2,  co-fondateur et dirigeant de l'organisation para-militaire, la tristement célèbre AAA (« Allianza Anticommunista Argentina »).