« Tous les systèmes de contrôle sont basés sur le binôme châtiment/récompense. Quand les châtiments sont disproportionnés en regard des récompenses et lorsque les employeurs n’ont plus aucune récompense à accorder, des révoltes émergent. » [1]
– Burroughs
En cette seconde décennie du siècle en cours, les révoltes urbaines deviennent de plus en plus fréquentes à travers le monde, avec de subtiles nuances en durée et en intensité. Hong Kong, France, Algérie, Irak, Haïti, Liban, Catalogne, Équateur, Bolivie, Soudan, Chili, Biélorussie et maintenant les États-Unis d’Amérique, ont été le théâtre de protestations massives largement rapportées par les médias de domestication massive. Comme je l’ai souligné à d’autres occasions, ces manifestations s’expliquent par des motivations qui leur sont propres ; cependant, il est indéniable qu’il existe un lien intangible qui sert de dénominateur commun à la plupart de ces mobilisations : la lassitude et la rage du désespoir.
Loin de la rhétorique gauchiste qui insiste contre toute évidence sur le fait que « tant qu’il y aura de la misère, il y aura de la révolte », ce qui a vraiment motivé les récentes révoltes n’est pas la « misère » mais la conjonction de la lassitude et du désespoir. Ces deux facteurs – qui poussent à la nostalgie du « mal que l’on connaît » et font aspirer au retour de l’État providence , le capitalisme industriel et la société du travail – sont les causes du mal-être généralisé qui a mené à la révolte globale de notre époque.
Il en résulte chaque fois de manière plus axiomatique que la « misère » ne produit que de la « misère ». C’est-à-dire, la servitude, la mendicité et même, la perte de toute dignité. Comme le dit le proverbe : « la faim est mauvaise conseillère ». Elle est la mère de tous ces spécimens qui se mettent autour du cou un écriteau disant « Je ferai n’importe quel travail » (même pour les SS, comme nous le rappelle George Steiner). Pour cette raison, au lieu de créer des rebelles et des réfractaires, la misère engendre des maladies, la malnutrition, la mortalité, la peur, l’exploitation sexuelle, la corruption, les soldats, les policiers, les balances et les électeurs : la misère humaine. Raison pour laquelle la misère est exaltée par la gauche, consciente que l’avenir s’engraisse entre ses mâchoires, autrement dit, que s’y comptabilisent les futurs votes. Il n’y a qu’à distribuer quelques « récompenses » et prononcer abracadabra : la clientèle-charogne demeurera acquise pour une période de temps relativement longue, jusqu’à ce qu’« il n’y ait plus de récompenses » (dixit Burroughs) et les révoltes réapparaîtront.
Le célèbre auteur des Misérables était déjà arrivé à cette conclusion, construisant sa brillante carrière politique grâce à une carrière littéraire couronnée de succès. Dans le livre VII de son plus célèbre roman, intitulé « L’argot », le poète et romancier conclut :
Depuis 89, le peuple tout entier se dilate dans l’individu sublimé ; il n’y a pas de pauvre qui, ayant son droit, n’ait son rayon ; le meurt-de-faim sent en lui l’honnêteté de la France ; la dignité du citoyen est une armure intérieure ; qui est libre est scrupuleux ; qui vote règne. De là l’incorruptibilité ; de là l’avortement des convoitises malsaines ; de là les yeux héroïquement baissés devant les tentations. [2]
Victor Hugo, après s’être jeté dans les abysses de la misère, voit son merveilleux potentiel. Comme Walter Benjamin le souligne justement :
« Il a été le premier grand écrivain à utiliser des titres collectifs dans son œuvre : Les Misérables, Les travailleurs de la mer. La foule signifiait pour lui, dans un sens presque désuet, la foule de consommateurs – c’est-à-dire ses lecteurs – et ses masses d’électeurs. » [3]
La misère a certainement attisé d’innombrables révoltes au cours de l’Histoire, mais elles ont infailliblement été « pacifiées » grâce à des doses proportionnelles de bâton (la neutralisation par la peur), de pain (la neutralisation par l’aide sociale [4]) et de jeux (prix de consolation et réformes politiques). C’est précisément dans l’application proportionnelle de ces quantités que réside l’aboutissement du concept de « prolétariat », en référence aux citadins sans terre dépourvus de travail qui constituaient la classe la plus misérable des villes romaines (proletarius), dont la seule utilité – pour l’État – était sa capacité à engendrer des proles (descendance/enfants).
Ces hordes d’exclus étaient pacifiées par le bâton, le pain et les jeux et, employées comme « main répressive » (les légionnaires), grossissaient les réserves des armées de l’Empire. Une telle réflexion, motiva Saint Karl de Trèves – quatorze siècles plus tard – à recourir au terme « prolétaire », couchant son unique définition dans une courte note de bas de page au sein des nombreuses pages du Capital, où il délimite à priori tout le travail bâclé des marxistes contemporains qui tentent, de manière arbitraire, d’inclure dans le concept de « prolétaire » les configurations identitaires les plus incroyables (peuples indigènes et originaire d’Afrique) dans une tentative de corriger les écueils racistes et l’étroitesse d’esprit économique de la vision marxienne. [5]
Des clowns et des prophètes
Concernant le « paupérisme » ou la misère généralisée des classes laborieuses, déjà en 1844-46, Proudhon, citant Antoine Eugène Buret, disait [6] :
La description de la misère des classes ouvrières […] a quelque chose de fantastique, qui vous oppresse et vous épouvante. Ce sont des scènes auxquelles l’imagination refuse de croire, malgré les certificats et les procès-verbaux. Des époux tout nus, cachés au fond d’une alcôve dégarnie, avec leurs enfants nus ; des populations entières qui ne vont plus le dimanche à l’église, parce qu’elles sont nues ; des cadavres gardés huit jours sans sépulture, parce qu’il ne reste du défunt ni linceul pour l’ensevelir, ni de quoi payer la bière et le croque-mort (et l’évêque jouit de 4 à 500,000 liv, de rente) ; — des familles entassées sur des égouts, vivant de chambrée avec les porcs, et saisies toutes vives par la pourriture, ou habitant dans des trous, comme les Albinos ; des octogénaires couchés nus sur des planches nues ; et la vierge et la prostituée expirant dans la même nudité : partout le désespoir, la consomption, la faim, la faim ! Et ce peuple, qui expie les crimes de ses maîtres, ne se révolte pas ! [7]
(l’emphase est de moi)
Et si, bien sûr, le peuple s’est révolté un nombre incalculable de fois. Les « émeutes de la faim » occasionnées par la privation d’aliments de base, ont été les réponses des enfants des famines depuis l’aube de la civilisation, laissant une riche mémoire de brèves émeutes du XIVe au XXe siècle, avec une fréquence marquée aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles [8]. Comme le remarque Bakounine :
Depuis qu’il existe des sociétés politiques, les masses ont été toujours mécontentes et toujours misérables, parce que toutes les sociétés politiques, tous les États, républicains aussi bien que monarchiques, depuis le commencement de l’histoire jusqu’à nos jours, ont été fondés exclusivement et toujours, seulement à des degrés de franchise différents, sur la misère et sur le travail forcé du prolétariat. Donc, aussi bien que les jouissances matérielles, tous les droits politiques et sociaux ont été toujours le lot des classes privilégiées ; les masses laborieuses n’ont jamais eu pour leur part que les souffrances matérielles et les mépris, les violences de toutes les sociétés politiquement organisées. De là leur mécontentement éternel. Mais ce mécontentement n’a produit que bien rarement des révolutions. [9]
Une des émeutes de la faim – caractéristiques de l’ère pré-industrielle – du XVIIe siècle, à propos desquelles on a le plus de documentation, est celle qui s’est produite au printemps 1652 dans la ville de Cordoue, en Andalousie [10]. Vers la fin du siècle, mais de l’autre coté de l’Atlantique, a eu lieu un autre soulèvement causé par la misère : l’émeute de la faim de 1692 dans la ville de Mexico, aussi connue sous le nom de « émeutes du maïs » [11]. Aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles, il y eût aussi des émeutes causées par la misère. Cependant, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ces révoltes furent efficacement utilisées par les « putschiistas » adeptes du coup d’État. La misère commença à engendrer des révolutions.
La carrière de « révolutionnaire professionnel » a commencé à porter ses fruits au XIXe siècle, en consolidant la stratégie du coup d’État vers la « prise du pouvoir ». Pour cela, selon Saint Karl, Blanqui et ses camarades étaient l’incarnation vivante des « vrais chefs du parti prolétaire » [12]. Ainsi, la formation de « spécialistes » dans les besoins de la révolution était encouragée et la politique était « sacralisée », transformant la Nation, l’État, le Peuple, la Race ou le Prolétariat en une entité sacrée, c’est-à-dire une entéléchie suprême, intangible et transcendante érigée comme point central d’un système de valeurs, de symboles, de rites, de mythes et de croyances qui réclame le sacrifice, la militance, la fidélité, le culte et la subordination de l’individu et de la collectivité. Ainsi le symbolisme politique s’incarnait dans la société de masse [13] et se propageait « une manière de concevoir la politique qui va au-delà du calcul du pouvoir et de l’intérêt, et qui s’étend au point d’inclure la définition de la signification et de la fin ultime de l’existence » [14]. Pour cela, il fallait donner espoir aux masses en l’avenir (un autre monde est possible !), pendant qu’elles étaient dressées pour devenir de la chair à canon ; c’est-à-dire, pendant qu’elles apprenaient l’art des imbéciles et qu’elles se préparaient à tuer et mourir au nom de la Vérité qui les rendrait heureuses, énoncée par quelque clown et/ou prophète.
Comme le dit le compagnon Bonanno :
S’il y a eu une époque où je pensais qu’il serait utile d’être un clown pour la révolution, et que les meetings constituaient une activité théâtrale comme n’importe quelle autre, aujourd’hui je ne crois plus en cette nécessité, non pas pour l’inutilité en elle-même du clown, qui aura toujours un rôle dans tous les mouvements politiques, mais pour la possibilité qu’on parvienne à la révolution en jouant de la lyre au peuple, avec toutes les cordes de l’harmonie établie […] Apporter la vérité comme un symbole du sacrifice pour lequel on est disposé à mourir, et donc à tuer, suggère aux autres, s’il y a une once d’intelligence, la solution de l’énigme, le lieu de l’arnaque à résoudre pour le bénéfice de tous. Mais qui répond au Sphinx ? [15]
Le processus d’incubation
A la fin du XIXe siècle, la misère a incubé l’œuf du serpent. Les famines du XIXe siècle ont rendu le terrain fertile aux fascismes (rouge et brun). Depuis 1890, une succession de mauvaises récoltes dans la région de la Volga, a causé des ravages pour des millions de paysans de la Russie tsariste. Des communautés entières ont fuit dans les villes à la recherche de nourriture. Plus d’un demi million de personnes moururent littéralement de faim et à cause du typhus et du choléra. Malgré la famine, les autorités permirent l’exportation de céréales, ce qui provoqua d’innombrables émeutes et révoltes paysannes qui furent réprimées par l’armée impériale dans le feu et le sang. Cette situation conduit les dirigeants populistes à promouvoir leur appel « pour le peuple », enrôlant des centaines d’étudiants venant des principales villes qui – selon leur vision romantique –, concevaient le village comme une communauté harmonieuse qui incarnait les aspirations socialistes de « l’âme paysanne ». Ainsi se conclu la dernière décennie du XIXe siècle, marquée par les profondes inégalités de l’Empire russe, avec une lignée d’aristocrates privilégiés et une énorme « masse » de pauvres frappée par la faim et les maladies.
Durant les premières années du XXe siècle, la misère en zone rurale continua de croître, pendant que dans les villes le chômage atteignait des niveaux jamais vus, ce qui déclencha une vague de manifestations et de grèves, principalement appelées par les anarchistes. A l’été de 1903, une gigantesque grève générale fit trembler le sud de la Russie ; pendant ce temps, les « marxistes révolutionnaires » se déchiraient lors de leur second congrès au milieu d’une bataille entre deux camps pour le contrôle du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, ce qui fut à l’origine de la division irréconciliable entre les bolcheviques et les mencheviques.
La « conscience révolutionnaire » a crû considérablement avec la scolarisation progressive dans les campagnes, qui, avec le mécontentement général suite à la défaite militaire face à l’impérialisme japonais, amena les esprits au bord de la révolution sociale.
Dans les premiers jours de l’année 1905, des gréves éclatèrent dans plusieurs villes du pays. Le 9 janvier, une énorme manifestation eut lieu à Pétrograd (Saint-Pétersbourg), menée par le prêtre Gueorgui Garpón. Plus de 140 000 femmes, hommes et enfants, brandissant des images relieuses et des portraits du Tsar, marchèrent jusqu’au Palais d’Hiver suppliant le « Petit père des peuples » de soulager la grande misère qu’ils étaient en train de subir. Les cosaques ouvrirent le feu contre les manifestants, faisant des milliers de morts et de blessés. Gorki, nommera ce massacre « Le dimanche rouge » et Lénine – le nouveau clown/prophète – l’interpréta comme « l’agonie de la foi traditionnelle des paysans en le « petit père tsar », et la naissance du peuple révolutionnaire » [16]. Cependant, en 1913, les pauvres de toute la Russie – au cri de « Dieu sauve le tsar » – se préparèrent à célébrer les trois cents ans de règne de la dynastie Romanov [17]. Au milieu de l’année suivante, l’ivresse patriotique conduit une nouvelle fois les pauvres à la guerre comme chair à canon.
Jusqu’à la fin de la grande guerre, la scène était chaotique dans toute la Russie. La faible industrie était consacrée à satisfaire les besoins militaires (« la famine des projectiles ») et, bien que la production agricole n’ait pas été interrompue, le grand réseau du chemin de fer de l’empire se mit au service de la guerre, paralysant l’acheminement d’aliments vers les villes. La famine résultante occasionna d’intenses manifestations et émeutes.
Le 23 février 1917, les ouvrières des usines textiles de Pétrograd – sous les ordres du parti bolchevique –, se ruèrent massivement dans les rues avec le slogan « Plus jamais faim ! », lançant le début de la « Révolution de Février » qui déboucha sur l’abdication du tsar Nicolas II. Le 3 avril, le clown/prophète de la nouvelle révolution arriva à la station de train de l’ancienne capitale impériale en provenance de Zurich, comptant sur les financements ponctuels du Reich [18]. Trente-quatre semaines plus tard, se mit en marche le fascisme rouge jusqu’à la fin de l’année 1991. La faim ne disparut pas avec sa mise en œuvre, mais toutes les émeutes de la faim furent noyées dans le sang [19]. La « pacification » par le bâton, le pain et le jeu ne se termina pas avec la mort de Lénine (21 janvier 1924) mais, au contraire, s’intensifia avec son successeur Joseph Staline. Le nouveau clown/ prophète imposa un réseau gigantesque de camps de concentration, tristement connu sous le nom de Goulag [20].
Avec différents protagonistes, mais le même scénario – une expérience de laquelle on pourrait, et devrait, extraire des pistes importantes pour nous aider à comprendre le présent –, l’incubation du fascisme se poursuivit. Depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à l’année 1913, durant ce qui est appelé « l’Ère giolittienne », le roi d’Italie initia l’intégration de son économie dans le contexte capitaliste international, promouvant « la modernisation économique et sociale ». La grande inflation résultant de la Première Guerre mondiale, dériva vers la misère généralisée à partir de 1918, semant le mécontentement parmi les exclus. Face à la « crise », la classe ouvrière appela à la grève, étendant le conflit à toute la botte italienne. La décomposition rapide de l’État libéral post-unitaire et la turbulence révolutionnaire [21] préparèrent le terrain à l’ascension de Benito Mussolini au pouvoir.
Avec l’arrivée de ce clown/ prophète, s’instaura un nouveau régime totalitaire avec les mêmes caractéristiques que le « fascisme générique » [22]. Rapidement, il incorpora des éléments spécifiques, construisant un « paradigme » à l’italienne (« fascisme spécifique »), fondé sur le corporatisme, l’exaltation du « peuple », la rédemption ouvrière et le nationalisme. L’idéologie de cet autre fascisme se présentait aussi comme une doctrine révolutionnaire, ointe de principes socialistes (anticapitaliste, antiparlementaire, antilibéral et, bien sûr, antimarxiste et ultranationaliste), qui soutenaient l’intervention de l’État grâce aux corporations professionnelles qui regroupaient les travailleurs et les patrons attachés au régime du Parti unique [23]. Pour garantir le bon fonctionnement du système, il fut nécessaire de consolider la terreur contre les intellectuels dissidents, les minorités ethniques et les opposants au régime (traîtres à la nation), à travers un dispositif policier extrêmement répressif ; de renforcer les forces armées au service du leader et de son parti – et de désirer étendre le projet fasciste à l’étranger – ; et d’entreprendre la mobilisation permanente de la société pour renforcer l’État.
Une caractéristique essentielle du fascisme est son aspect anticapitaliste et antibourgeois [24], manifesté par sa critique du matérialisme dominant dans le capitalisme, pour laquelle il exige sa transformation en un « capitalisme organisé » (Capitalisme d’État ou Capitalisme monopoliste totalitaire) fortement régulé, qui permet la « redistribution du pouvoir social et économique » [25]. Pour cela il appelle à des sentiments fortement ancrés dans le « peuple », les incarnant dans les symboles et sa représentation dans l’État grâce à l’établissement de liens directs entre les « masses », le parti dirigeant et le leader [26]. De cette manière, toute sphère de l’activité humaine était sujette à l’intervention étatique. Comme le dit le Duce : « Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État ! » [27].
Mais malgré cette « nationalisation forcée » (ou grâce à elle), le régime fasciste va jouir d’une grande popularité et d’une totale acceptation par les masses. L’encouragement aux activités de loisirs populaires, la politique d’intégration, la construction de « l’homme nouveau » à travers le système d’éducation et le développement de la sécurité sociale grâce à la Charte du travail [28] – promettant des droits sociaux et un ordre de paix et d’harmonie entre les ouvriers et les patrons, comme force productive au service de la nation –, octroieront au fascisme l’approbation populaire, faisant de ce phénomène politique une spécificité.
En Allemagne, la situation ne fut pas bien différente. Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) arriva au pouvoir en 1933 grâce à une grande agitation sociale et une profonde dépression économique. Le crack de Wall Street de 1929 eut de graves répercussions comme conséquence de la grande dépendance aux prêts à courts termes de l’extérieur, traçant le chemin de la révolution national-socialiste. Le taux de chômage entre 1929 et 1932 passa de 6 à 18 %, la production industrielle enregistra une baisse de 40 % et le revenu par habitant diminua de 17 %. Cette conjonction de facteurs favoriseront « la montée d’un nouveau mouvement de masse qui, en une période de crise, mobilisa une grande partie de la population, séduite par les attraits d’un leader charismatique comme Hitler » [29].
Depuis les années 90 du XIXe siècle, le mouvement Völkisch avait gagné des forces au travers de son discours rassembleur malgré son organisation multiforme et ses diverses préoccupations idéologiques, parfois contradictoires et rivales entre elles, mais univoquement orientées vers l’antisémitisme, le pangermanisme, l’eugénisme et la réformation de la vie culturelle et religieuse. A l’intérieur de ce mouvement, la présence juvénile se renforçait « secouant littéralement les répressions et les coercitions d’une existence bourgeoise rance » [30]. Au début du XXe siècle, le mouvement populaire gagna des adhésions devant les difficultés économiques provoquées par la Première Guerre mondiale. L’économie allemande était sévèrement touchée par la prolongation du conflit. La misère provoqua des émeutes de la faim (1915) et d’importantes grèves (1917) sapant le moral sur le front intérieur.
Au milieu de l’année 1917 – sous la dictature militaire de Lundendorff et Hindenbourg – fut fondé le Parti de la Patrie allemande (Deutsche Vaterlandspartei/DVLP), avec l’appui de la Alldeutscher Verband, d’orientation ultradroitiste, nationaliste et militariste. La nouvelle formation politique accueilli en son sein le mouvement völkisch ainsi que d’autres courants antisémites du nationalisme radical allemand, jusqu’à compter un million deux cent cinquante mille membres. Après la révolution de novembre 1918, qui mit fin à la monarchie de Guillaume II et instaura une république parlementaire, le Parti de la Patrie se dissout. Beaucoup de ses membres vinrent grossir les rangs du Parti populaire national allemand (DNVP) ; les autres, sous la direction du cheminot Anton Drexler et du journaliste Karl Harrer, créèrent le Cercle politique ouvrier (Politischer Arbeiterzirkel). Radicalement opposé au capitalisme et au communisme, le « Cercle » se dédia corps et âme à l’activisme et à l’agitation politique parmi les travailleurs.
Le 5 janvier 1919, Drexler et Harrer fondèrent à Munich le Parti ouvrier allemand (DAP) avec seulement 40 militants. Un de ses futurs membres était Adolf Hitler, qui deux ans plus tard, s’affirma comme chef indiscutable du parti. Suite à sa participation active dans l’écrasement brutal de la révolte spartakiste de Berlin, aux côtés des corps francs (Freikorps), la formation politique changea son nom en Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) et, publia son Programme en 25 points – coécrit par Drexler et Hitler – le 24 février 1920.
A la chaleur de la misère, se développèrent l’esprit ultranationaliste et la culture raciste, ce qui facilita et accéléra le militantisme du parti. Le discours démagogue du NSDAP, centré sur l’attaque des banques et des grandes entreprises, ainsi que la défense du socialisme d’État comme proposition garante de la sécurité sociale, exerça une grande influence parmi les travailleurs et une énorme adhésion générale, lui offrant deux victoires à la majorité simple lors des élections démocratiques parlementaires de 1932 et la nomination ultérieure de Hitler comme chancelier (1933).
La misère qui vient
Les révoltes de la faim les plus connues de la fin du siècle passé sont celles en Argentine en 1989, durant l’hyper-inflation des derniers jours du gouvernement de Raúl Alfolsín, mettant en évidence la prolifération de « soupes populaires » et l’expropriation collective du centre commercial Cruce Castelar dans la ville de Moreno à Buenos Aires [31]. Cette expérience fut rapidement neutralisée avec des mesures officielles d’endiguement grâce à l’approvisionnement en nourriture des zones populaires, se consolidant comme pratique clientéliste qui favorisait la prise de pouvoir des leaders et dirigeants sociaux en tant que médiateurs avec le système de domination, garantissant le contrôle social et le rétablissement du système. Les émeutes de la faim se répétèrent dans le sud du pays au début du siècle actuel provoquant le soulèvement de Décembre 2001 qui causa la chute du gouvernement de Fernando De la Rúa. Elles furent de nouveau apaisées par le bâton, le pain et les jeux, pendant que se construisait le futur du couple Kirchner (2003 à nos jours) avec les votes assurés de la gauche.
Au cours du XXIe siècle, il y a eu une longue série de protestations et de rébellions causées par la faim. En Janvier 2007, sous le slogan de « sin maíz no hay país » et contre la ratification de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), des dizaines de milliers de manifestants ont pris les rues de la ville de Mexico pour protester contre l’augmentation du prix du maïs. En Septembre de cette même année, à Myanmar (ex-Birmanie), l’augmentation du prix des aliments et de l’essence a provoqué l’insurrection des moines bouddhistes connue sous le nom de « révolution de safran ». Lors du printemps 2008, il y a eu des émeutes dans différentes villes d’Égypte, du Maroc, de Haïti, des Philippines, d’Indonésie, du Pakistan, du Bangladesh, de Malaisie, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Cameroun et du Burkina Faso.
Les révoltes des pauvres se sont intensifiées avec ladite « crise financière internationale » qui a aggravé la faim dans le monde avec la volatilité croissante des produits agricoles inclus dans les échanges marchands comme résultat de l’incursion de fonds spéculatifs dans ces marchés. Depuis lors, les prix continuent d’augmenter, mettant plus de cent millions de personnes dans la misère. Le paradoxe est qu’avec l’industrialisation de l’agriculture – main dans la main avec les pesticides et les manipulations biotechnologiques – la surproduction agricole actuelle est criante. Aujourd’hui les famines ne sont pas dues aux pénuries ni aux aléas météorologiques mais à d’autres facteurs.
La spéculation financière sur les produits alimentaires a forcé 820 millions de personnes dans le monde à vivre dans une extrême pauvreté, parmi lesquelles 265 millions pourraient mourir de faim, d’après les estimations les plus modérées du Programme alimentaire mondial de l’ONU. On estime que quelques douze mille personnes mourront de faim quotidiennement comme conséquence directe de l’impact économique de la pandémie, un chiffre bien supérieur à celui de celles qui mourront des suites du Covid-19. Pendant ce temps, huit des plus grosses entreprises productrices d’aliments et de boissons ont partagé entre leurs actionnaires plus de 18 000 millions de dollars depuis le début de la crise sanitaire. Les économistes s’attendent à ce que la diminution de la production globale génère près de 450 millions de chômeurs dans le monde mais de janvier à aujourd’hui, les 12 multimillionnaires les plus riches de la planète ont augmenté leur fortune de 40 %.
Très probablement, la misère qui s’annonce suscitera d’innombrables révoltes qui faciliteront l’ascension de nouveaux clowns/prophètes et l’établissement de nouveaux gouvernements populistes. Mais aucun ne conduira au déclin du capitalisme ni à la fin de la domination. Avec la « néonormalité » qui nous est imposée, le Capital se réinvente et la domination se renouvelle, revenant à des États forts et à la rhétorique nationaliste dans le cadre d’une réorganisation qui une fois encore laisse de côté la liberté individuelle et collective au profit de « solutions urgentes », renforçant les tendances autoritaires.
Une fois encore, la misère incube le fascisme (rouge et/ou brun) déguisé en solution révolutionnaire et en transformation radicale et s’institue comme la raison pour la lutte qui cherche à remplacer l’ancienne réalité. La montée contemporaine du fascisme et son institutionnalisation galopante nous révèlent son acceptation évidente à travers le récit répété du « retour aux valeurs perdues » qui capitalise sur le passé – qui est censé être « héroïque » et toujours meilleur que le présent – et le façonne comme un produit disponible pour un meilleur avenir.
On ne peut pas tomber dans le piège de « l’urgence » et baisser notre garde contre le remplacement autoritaire de la réalité. Le pouvoir garde la réalité captive depuis le premier jour de son existence sur la surface du globe. D’où l’impossibilité de la transformer comme proposé cyniquement partout par la gauche – le refrain « un autre monde est possible » est le piège contemporain pour prolonger l’équation « Pouvoir = Réalité ». D’où l’envie de mettre en pratique une pensée-action capable de démolir la réalité. Non pas de la transformer. De cette manière seulement, le piège de la totalité est désarmé. En cela repose le besoin de penser la praxis anarchiste dans sa dimension extensive le besoin de passer des syntagmes prépositionnels au paradigme. Cependant, afin de créer un nouveau paradigme anarchiste il y est essentiel de brûler toutes les cartes. Imaginons un moment que la « norme » ne soit pas le capitalisme ou la continuation ad infinitum de la domination, mais ce monde en ruines dont nous n’avons jamais eu peur. Pensons à la destruction définitive du travail, la démolition de tout ce qui existe, l’effondrement complet de la civilisation. Marchons sans dévier vers ce but. Le savoir-faire du feu est un pari tentant qui encourage nos désirs de libération totale et stimule l’affrontement. Aujourd’hui, la seule chose qu’il y a à sauver est le feu. Le reste : qu’il soit réduit en cendres !
Gustavo Rodriguez
Planète Terre, 1er septembre 2020
(Extrait de la brochure « L’odeur du feu : la rage du désespoir dans un monde tripolaire », Septembre 2020.)
NOTES
[1] Odier, Daniel, El trabajo (The Job). Entrevistas con William Burroughs, Enclave de Libros Ediciones, Madrid, 2014.
[2] Víctor Hugo, Les misérables, Tome 4, Livre Septième : L’argot, Édition Émile Testard, Paris, 1890, p. 303.
[3] Benjamin, Walter, El París de Baudelaire, 1º Edición, (Mariana Dimópulos, trad.), Eterna Cadencia Editora, Buenos Aires, 2012, p.136.
[4] Cette stratégie de neutralisation est très commune en Amérique latine, généralement orchestrée par un réseau clientéliste tissé par les partis politiques et un ensemble de diverses organisations sociales qui se sont établies comme interlocuteurs avec l’État, que ce soit par la mobilisation et/ou la négociation et l’accord avec la domination.
[5] « En économie politique il faut entendre par prolétaire le salarié qui produit le capital et le fait fructifier, et que M. Capital, comme l’appelle Pecqueur, jette sur le pavé dès qu’il n’en a plus besoin. Quant au « prolétaire maladif de la forêt primitive », ce n’est qu’une agréable fantaisie Roscherienne. L’habitant de la forêt primitive est aussi le propriétaire d’icelle, et il en use à son égard aussi librement que l’orang outang lui-même. Ce n’est donc pas un prolétaire. Il faudrait pour cela qu’au lieu d’exploiter la forêt, il fut exploité par elle. Pour ce qui est de son état de santé, il peut soutenir la comparaison, non seulement avec celui du prolétaire moderne, mais encore avec celui des notabilités syphilitiques et scrofuleuses. Après cela, par « forêt primitive » M. le professeur entend sans doute ses landes natales de Lunébourg. » Karl Marx, Le Capital, Édition Maurice Lachâtre, Paris, 1872, Livre 1, Section 7, Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste, note de bas de page 1 p.270.
[6] Cf Buret, E : De la misère des classes laborieuses en France et en Angleterre, Paris, 1840.
[7] Pierre-Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques, Tome 1, Édition Garnier, Paris, 1850, Chapitre VI, p.256.
[8] Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, les causes de la famine étaient les mauvaises récoltes provoquées par les gelées constantes, les inondations, les sécheresses dévastatrices dues au « Petit Âge glaciaire », à quoi ajouter – comme facteur aggravant – les outrages habituels contre les dépossédés et les mesures draconiennes imposées par les classes dirigeantes.
[9] Michel Bakounine, œuvres complètes, Tome 4, James Guillaume, Paris, 1910, p.20.
[10] Après la terrible épidémie de peste qui dévasta la région entre 1649 et 1650, il y eut une augmentation substantielle du prix du blé causant la famine parmi les plus pauvres. La mort par la faim d’un enfant dans le quartier de San Lorenzo déclencha une émeute au début du mois de Mai. De nombreux paysans dévalisèrent les maisons du magistrat et de notables de la ville, expropriant massivement les céréales qu’ils stockaient. La révolte fut apaisée par l’entremise de Diego Fernández de Córdoba qui accepta de remplacer le magistrat (vicomte de Peña Parda) et d’établir un prix fixe pour le pain, exigeant que les paysans cordouans rendent les armes et retournent chez eux. Le Roi Philippe IV ordonna la distribution de ressources à la ville pour l’achat de blé et accorda le pardon aux mutins, mettant fin à la révolte avec une abondance de céréales et l’abaissement du prix du pain. Cf. Díaz del Moral, Juan, Historia de las agitaciones campesinas andaluzas, Alianza Editorial, Madrid, 1967.
[11] Après une période de pluies torrentielles et d’inondations dans la vallée de Mexico, qui affectèrent sévèrement les zones agricoles, suivit une épidémie de chahuixtle qui acheva le peu de récoltes qui avaient survécu aux inondations. La pénurie de maïs et de blé ainsi que la spéculation des marchands causèrent une hausse du prix des céréales, déchaînant la faim en plein milieu d’une épidémie de rougeole dans les secteurs exclus – « Des indiens, des noirs, des créoles, des bozales (NdT : africains récemment déportés en Amérique) de différentes nationalités, des chinois, des mulâtres, des Maures, des zambaigos, des loups et des zaramullos espagnols (qui étaient les fripouilles, les proxénètes et les voleurs) » – ; confrontées à la pénurie de nourriture, des femmes indigènes se ruèrent à l’Alhóndiga (NdT : établissement public où les céréales étaient vendues et stockées) à la recherche de nourriture. Immédiatement, une révolte éclata dans les places, les marchés et les pulquerías (NdT : sorte de taverne spécialisée dans la vente du pulque), euphorique et encouragée par les effets du « nectar des dieux ». Au cri de « Vive le pulque ! » se déchaîna la colère des révoltés qui se dirigeaient vers le Zócalo (NdT : partie de l’actuelle Place de la Constitution à Mexico.), prêts à réduire le palais en cendres, tuer le vice-roi et le magistrat. A cinq heures de l’après-midi du 8 juin 1692, armés de pierres et de machettes, les rebelles mirent le feu au palais du vice-roi, aux bâtiments de l’hôtel de ville, aux tribunaux, aux bureaux des greffiers, à la porte de la Real Cárcel de Corte, à l’Alhóndiga ainsi qu’aux caisses et aux kiosques de la place principale. Il y eut de très nombreuses expropriations de biens et de nourriture, des magasins de marchandises, de graines, de fer, de poterie et d’autres produits se faisant pillés. Le jour suivant, la répression ne se fit pas attendre, beaucoup d’insurgés furent pendus, d’autres furent fouettés et la population indigène fut expulsée de la ville vers les quartiers périphériques. Après le tumulte, il y eut assez de maïs et de blé arrivant de la ville de Celaya pour apaiser les révoltés. Cf Robles, Antonio de, Diario de sucesos notables (1665-1703), vol. III, Porrúa, México, 1945. Et, Sigüenza y Góngora, Carlos, “Alboroto y Motín de México del 8 de junio de 1692”, dans Relaciones históricas, UNAM, Biblioteca del Estudiante Universitario, México, 1954. Une autre version des événements raconte que « le tumulte n’avait pas été motivé par le manque de maïs, il y en avait au contraire beaucoup de caché dans leurs maisons ; ils l’avaient caché pour avoir des stocks pour quand ils se révolteraient, et que comme la récolte avait été perdue, qu’il y en avait peu et qu’il était cher, ils en achetèrent beaucoup plus que nécessaire et l’enterrèrent pour que les pauvres et eux-mêmes en manquent. Voyant que la nourriture était aussi chère, ils se mettraient du côté des rebelles. », Lettre d’un religieux à propos de la rébellion des indiens mexicains de 1692, Édition Vargas Rea, Mexique, 1951, repris dans Feijóo, Rosa, El Tumulto de 1692, Revista Historia Mexicana, El Colegio de México, Vol. XIV, N° 4, Abril-Junio 1965, p. 458.
[12] Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1851), Les Éditions sociales, Paris, 1969.
[13] Cf Mosse, George L., La nacionalización de las masas. Simbolismo político y movimientos de masas en Alemania desde las Guerras Napoleónicas al Tercer Reich, Ediciones de Historia Marcial Pons, Madrid, 2005.
[14] Cf E. Gentile, « La sacralización de la política y el fascismo », en J. Tussel, E. Gentile, G. Di Febo, (Eds.), Fascismo y franquismo cara a cara. Una perspectiva histórica, Biblioteca Nueva, Madrid, 2004, p.p. 57-59. Véase también, Gentile, Emilio (1973), La vía italiana al totalitarismo. Partido y estado en el régimen fascista, Siglo XXI, Madrid, 2005; et, Gentile, Emilio, Fascismo: historia e interpretación, Alianza editorial, Madrid, 2004.
[15] Bonanno, Alfredo, Miseria della cultura. Cultura della miseria, Coll. Pensiero e azione, Parte Seconda, Cap. IV, Edizioni Anarchismo, 2015, p.175.
[16] Lenin, V.I. (1905), « El “padrecito Zar” y las barricadas », dans Obras Completas, Tomo VIII, Akal Editor, Madrid, 1976, p.108.
[17] Les rues principales de Saint-Pétersbourg furent décorées des couleurs impériales et du portrait du Tsar, et de longues guirlandes de lumières colorées éclairaient la nuit avec la légende 1613-1913 et l’aigle à deux têtes de l’empire, éblouissant les étrangers, dont beaucoup n’avaient jamais vu la lumière électrique. « La ville fourmillait de curieux venant des provinces et les passants habituellement bien habillés qui passaient vers le Palais d’hiver était maintenant en minorités par les masses crasseuses (paysans et travailleurs vêtus de leur blouse et de leur casquette, et des femmes vêtues de haillons avec un foulard sur la tête) ». Cf Figes, Orlando, La revolución rusa. La tragedia de un pueblo (1891-1924), Edhasa, Barcelona, 2010.
[18] Les allemands fournirent une aide financière à Lénine et aux bolcheviques avec l’intention que la révolution à l’arrière force le retrait des troupes russes du front, comme ce fut le cas. En Mars 1918, la Russie et l’Allemagne signèrent un armistice dans la ville frontalière de Brest-Litovsk (Biélorussie), en vertu duquel les russes renonçaient à de vastes territoires (Estonie, Finlande, Lituanie, Pologne et Ukraine) et à la moitié de son industrie. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Union soviétique récupéra tout ce qu’elle avait perdu à Brest-Litovsk et implanta le fascisme rouge dans toute son aire d’influence.
[19] La révolte pour la faim la plus réprimée en URSS fut la « révolte du beurre » dans la ville de Novotcherkassk, au début du mois de Juin 1962. En pleine apogée de l’empire rouge, à la chaleur de la « guerre froide », Nikita Khrouchtchev ordonna d’installer des missiles nucléaires à Cuba avec l’intention d’intimider les États-Unis et d’éviter une autre escalade militaire contre son nouveau satellite. Conscient que la décision pourrait déclencher la Troisième Guerre mondiale, il exigea que le complexe militaro-industriel soviétique augmente la production d’armement, décrétant des coupes budgétaires drastiques dans tous les secteurs qui n’étaient pas en rapport avec le domaine militaire. Le 1er juin, le comité central du PCUS annonça une hausse des prix des produits de base (viande, du beurre et des œufs). Les travailleurs dont les entreprises venaient de baisser les salaires furent les plus touchés par l’augmentation des prix. Les employés de l’usine de locomotives électriques de Novotcherkassk « Boudienny » furent l’un des groupes les plus touchés. Devant cette situation, les travailleurs se déclarèrent en assemblée permanent, ce qui dériva en une manifestation massive à laquelle plus de 5000 manifestants participèrent. Les autorités communistes envoyèrent les chars de l’Armée Rouge avec l’objectif de leur faire peur mais comme ils ne parvinrent pas à les persuader, elles ordonnèrent d’ouvrir le feu sur les travailleurs, tuant 26 manifestants et en blessant 87 autres. Sept personnes furent inculpées pour association illicite et exécutées ; cent cinq manifestants furent aussi punis, accusés de sédition et condamnés à 10 et 15 ans de prison, et à la fin de leur peine ils furent obligés de signer un document promettant qu’ils ne divulgueraient jamais ces faits. Cf Mandel, D., ed., Novocherkassk 1-3 yunya 1962, g.: zabastovka i rasstrel, Moscow: Shkola trudovoi demokratii, 1998. Et, Siuda, Pyotr, Novocherkassk Tragedy, Obschina, 1988, disponible via ce lien : https://libcom.org/files/1962%20The%20Novocherkassk%20Tragedy.pdf (Consulté le 31/08/2020)
[20] Pendant la seule grande purge de 1937-38, plus d’un million de personnes furent assassinées ou périrent dans les camps de travail, la plupart d’entre elles étant d’ex-membres du Parti bolchevique, des ouvriers et des paysans.
[21] Cf Luebbert, Gregory M., Liberalismo, fascismo o socialdemocracia. Clases sociales y orígenes políticos de los regímenes de la Europa de entreguerras, Prensas Universitarias de Zaragoza, Zaragoza, 1997.
[22] Griffin, Roger, «Cruces gamadas y caminos bifurcados: las dinámicas fascistas del Tercer Reich», en Mellon, Joan Antón, Orden, jerarquía y comunidad. Fascismos, dictaduras y postfascismos en la Europa contemporánea, Tecnos, Madrid, 2002, p.109; Payne, Stanley G., Historia del fascismo, Editorial Planeta, Barcelona, 1995, p.12.
[23] Cf Preti, Domenico, La modernizzazione corporativa (1922-1940): economia, salute pubblica, istituzioni e professioni sanitarie, Franco Angeli, Milano, 1987; Economia e instituzioni nello Stato fascista, Editori Riuniti, Roma, 1980. Y; Pinto, António Costa (ed), Corporatism and Fascism. The Corporatist Wave in Europe, Routledge, London, 2017.
[24] Paxton, Robert O., Anatomía del fascismo, Ediciones Península, Barcelona, 2005, p.11.
[25] Ibid, pp. 18-19.
[26] Op. Cit, Mosse, George L., p. 69 et suivantes.
[27] Mussolini, B., El fascismo, Bau Ediciones, Barcelona, 1976.
[28] Dans la « Carta del Lavoro » (Charte du Travail) approuvée par Benito Mussolini le 21 avril 1927 – anniversaire de la fondation de Rome –, promulguée par le Grand Conseil du fascisme et publiée dans Il Lavoro d’Italia deux jours plus tard (le 23), « les droits sociaux des travailleurs italiens » furent proclamés dans une trame juridico-politico-idéologique qui « représente le point culminant dans la grande œuvre de rénovation de la législation générale qui a refondé harmonieusement tout le système de l’ordre juridique italien, le basant sur les principes fondamentaux de la Révolution fasciste […] Ce document de notre Révolution sociale en tant que corporative […] présente une synthèse heureuse entre deux forces qui ont toujours accompagné l’histoire millénaire de Rome : la tradition et la révolution […] la lumineuse idéalité que la révolution des chemises noires, lavant de son sang les champs tourmentés d’Europe, en semis d’une plus haute justice sociale entre les individus et entre les peuples, tend […] à porter à la victoire, avec sa force et son esprit indomptable, contre les propagateurs d’une parole ennemie de la Foi et de la Civilisation » Mazzoni, Giuliano, Los principios de la “Carta del Lavoro” en la nueva codificación italiana, Revista de Estudios Políticos, 6, pp. 227-249. Disponible via : https://scribd.com/document/391897093/Dialnet-LosPrincipiosDeLaCartaDelLavoroEnLaNuevaCodificaci-2126260-pdf (Consulté le 30/8/2020). Pour plus d’informations voir : Heller, Hermann, Europa y Fascismo, Condes, F.J. (trad.), Estudio Preliminar «El fascismo y la crisis política de Europa» de José Luis Monereo Pérez, Editorial Comares, Granada, 2007.
[29] Fulbrook, Mary, Historia de Alemania, Beatriz García Ríos (trad.), Cambridge University Press, 1995, p.241.
[30] « Les membres des Wandervögel (« oiseaux de passage ») s’habillaient avec des vêtements de sport amples et confortables et allaient randonner et camper à la campagne, en chantant et en essayant d’adopter un style de vie aussi naturel que possible ; ces groupes, bien que critiques de la politique officielle (méprisant surtout la politique parlementaire des partis) et du système éducatif établi, tendaient à être non seulement très nationalistes, mais aussi antimatérialistes et antisémites, étant donné que la société moderne associait les Juifs avec l’accumulation outrancière d’argent. » Ibid, pp. 202-204.
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