Il n’y a pas à proprement parler de tradition du squat à Rennes. Il y a bien eu quelques tentatives dans le passé mais rien de comparable à Lille ou Paris par exemple. L’histoire qui vous est contée commence par une lettre remise « à la discrétion de la C.N.T. pour l’ouverture d’un local alternatif, autogéré ». L’initiative semblait intéressante et la FAU s’est décidée à participer à l’ouverture d’un immeuble de 3 étages en plein centre ville de Rennes. Et nous voilà donc partis, un joli mardi début avril, prêt à tenir cet immense bâtiment. L’ancienne mission locale, rue de la Parcheminerie représentait un lieu idéal pour une bourse du travail et des structures dites alternatives. Les forces en présence étaient la CNT FAU, des autonomes, le SCALP, les JCR, Ras l’Front jeune (désolé pour le pléonasme), et les anciens du collectif « Fac en Lutte ». Nous étions selon la presse une quarantaine, il me semble qu’entre 60 et 80 personnes serait plus juste. Une charte associative a été rédigée, la seule condition pour pouvoir participer à la vie du local était de signer et de respecter la charte. Une foule de projets commençait à émerger : du culturel au politique (permanence syndicale, concert acoustiques, théâtre, cours de soutien, échange direct de services, bourse du travail…). Nous avons occupé deux jours et une nuit avant d’être expulsés. Les flics sont intervenus le mercredi après-midi vers 17h3O. Ils ont du enfoncer la porte en essuyant des jets de sacs de farine. Autant vous dire que le flic qui s’en est mangé un sur la tête n’a pas apprécié.
Le camarade franc-tireur a hérité d’un joli coup de matraque en guise de remerciement. Bref, après une petite altercation selon les règles d’usage devant une foule partisane (la rue était bouclée). Nous avons défilé vers l’hôtel de police (environ 150 personnes) au rythme de slogans tels que » une évacuation c’est une autre occupation « , » police partout, justice nulle part « , « c’est pas les squatters qu’il faut virer mais le capitalisme qu’il faut éliminer « . Il faut tout de même noter pour l’anecdote que notre Thierry la fronde local a été embarqué pour jet de farine sur un représentant de l’ordre (véridique !). Il sera selon les termes du commissaire Scapin (ce nom n’a jamais été aussi bien porté) ultérieurement reçu par un délégué du parquet pour un rappel de la loi. A noter que le camarade est tenu de se tenir à carreau puisqu’en cas de récidive il encourt une condamnation : délit de sale gueule ? Notre ami est sans doute trop actif dans le comité des chômeurs et précaires en lutte.
Nous n’en sommes pas pour autant restés là, une évacuation appelant une autre occupation, la ville de Rennes attribuant les locaux associatifs selon des règles qui nous sont aussi obscures que détestables. Le noyau dur d’autonomes à l’initiative du comité secret savamment nommé « Front de libération de notre futur local » nous a invité à ouvrir un autre bâtiment toujours situé dans le centre ville. Il n’y a que le SCALP à être présent en plus de nous et des autonomes. Le squat tient depuis le 8 mai.
Des activités sont déjà proposées : chorale de chants de luttes, débat sur le squat et l’autogestion, sur l’antisexisme, atelier pochoirs, ateliers graphe, organisation d’un car pour la vallée d’Aspe, création d’un fanzine sous la forme d’une tribune libre, diffusion de tracts expliquant notre démarche pendant le marché, collage d’affiches, projet de création d’un panneau d’annonce d’échange libre de services et d’objets… et pourquoi pas… une bourse du travail ?
Beaucoup de logements sont vides, il est plus que temps qu’une réelle tradition de squat s’installe à Rennes, qu’ils soient associatifs ou d’habitation ! La révolution culturelle serait-elle en marche dans le royaume d’Edmond Hervé ?
Yann, FAU Rennes.
Extrait de « ‘Coup de griffe » n°4 (été 1999), bulletin du syndicat CNT-FAU (Confédération Nationale du Travail – Formation Action Universitaire).