«Nous
passons maintenant à l'édification de l'ordre socialiste ». Telles furent les paroles que Lénine prononça devant le Congres des
soviets, le soir du 26 octobre 1917.
Pour la première fois dans l'Histoire, des hommes, les
bolcheviks, se fixaient pour objectif pratique de faire sortir
l'humanité de sa « préhistoire », de la mener « du royaume
de la nécessité dans celui de la liberté ». Face à
cette gigantesque tâche, née de la victoire de l'insurrection,
ils allaient devoir forger seuls de nouveaux instruments de
lutte. Aucun théoricien du marxisme n avait jamais précisé
quel serait le contenu de la société de transition du
capitalisme au socialisme, en général ou dans un pays donné.
La voie et les moyens de l'édification de l’ «ordre
socialiste» restaient à découvrir concrètement. Lénine et
Trotsky, aussi bien que Rosa, en étaient pleinement conscients.
(1)
La
complexité des problèmes que les bolcheviks allaient devoir résoudre
était d'autant plus grande que, selon l'expression de Trotsky,
« l'écheveau de l'histoire s'était déroulé par le mauvais
bout ». La première révolution socialiste avait triomphé
dans un pays économiquement et culturellement arriéré. La
guerre civile allait ramener encore en arrière les forces
productives que l'Etat prolétarien pouvait mettre au service de
l'édification socialiste. Par rapport au modèle classique (tel
que Marx l'esquisse dans le programme de Gotha) où le passage
au socialisme était entrepris sur la base d'un très haut
niveau de développement des forces productives, legs de la société
bourgeoise, le décalage était tragique. Le jeune Etat soviétique
allait devoir réaliser les tâches que la bourgeoisie russe s'était
révélée incapable d'accomplir. Il allait devoir préserver
son caractère socialiste sans disposer encore de la base matérielle
du socialisme.
Durant
les premières années de la République soviétique, les
bolcheviks ne virent qu'une issue possible à cette situation
mortellement dangereuse : le triomphe de la révolution dans un
ou plusieurs pays capitalistes avancés. Lui seul pourrait
permettre au premier Etat ouvrier de survivre et de rattraper
son retard grâce à l'instauration d'un système de coopération
et de planification socialiste à l'échelle Internationale.
Sans cette extension de la révolution, l'économie étatisée
de l'U.R.S.S. ne pourrait manquer d'être étouffée par les
forces incomparablement plus développées du marché
capitaliste mondial.
En
attendant la victoire de la révolution en Europe occidentale et
en la préparant par tous les moyens, les bolcheviks durent
faire face à l'impératif absolu que constituait la défense de
la révolution contre les armées blanches et l'Intervention étrangère.
Le «communisme de guerre» répondait à la nécessité
d'orienter toute la vie économique vers le ravitaillement et l'équipement
de l'armée rouge et des travailleurs des villes.
Comme
le souligne Deutscher, la répartition par l'Etat des ressources
et des produits, la suppression du marché, la disparition de la
monnaie, l'égalisation des conditions de vie dans une situation
d'extrême pénurie, n'étaient pas la réalisation du programme
communiste, elles n'en étaient que la tragique caricature.
En
1921, au X« Congrès du P.C. (b), Lénine déclara : « Nous
n'avions aucune autre issue en dehors de l'application maximum
du monopole immédiat allant jusqu'à la réquisition de tous
les excédents et même sans la moindre compensation. Nous ne
pouvions pas agir autrement. Ce n'était pas là un système économique
cohérent. C'était une mesure provoquée non pas par des
facteurs économiques mais dicté dans une large mesure par les
conditions militaires (2).»
La
décomposition de l'économie russe sous le régime du
communisme de guerre, le retard de la révolution européenne
contraindront les bolcheviks à une révision fondamentale de
leurs perspectives. Du 8 au 16 mars 1921,
le Xe Congrès du Parti décidera le passage à la N.E.P
dont Trotsky allait être le plus clairvoyant théoricien.
I.
Du communisme de guerre à la NEP
-
La fin du communisme de guerre
Dès
le début de 1920, Trotsky demanda l’abandon des pratiques du
communisme de guerre qui menaient l'économie russe à
l’asphyxie. « De l’Oural – écrit-il – je revins
avec une provision considérable d'observations économiques
qui, toutes, pouvaient se résumer dans une seule conclusion générale
: Il fallait renoncer au communisme de guerre. Par la pratique,
j’avais vu clairement que les méthodes du communisme de
guerre qui nous avaient été imposées par toutes les
circonstances de la guerre civile, s'étaient épuisées
d'elles-mêmes et que pour le relèvement de l'économie, il était
indispensable de réintroduire à tout prix l'élément de l'intérêt
individuel, c'est-à-dire de rétablir à tel ou tel degré le
marché Intérieur. Je présentai au comité central un projet
d'après lequel on devait substituer à la répartition forcée
du ravitaillement un impôt sur les céréales et la faculté
des échanges commerciaux [...] Au début de 1920. Lénine se
prononça résolument contre cette résolution, laquelle fut
rejetée au comité central par onze voix contre quatre. Comme
l'a montré la suite, la décision du comité central était
erronée (3)
Cette
« suite » peut se résumer en quelques chiffres particulièrement
éloquents : « A la fin de la guerre civile, le revenu national
de la Russie n'atteignait pas le tiers de ce qu’il était en
1913, la production industrielle n'atteignait pas le cinquième
de son niveau d'avant-guerre, les mines de charbon ne
produisaient que le dixième et la métallurgie seulement le
quatorzième de leurs productions normales, les chemins de fer
étaient détruits, les stocks et réserves étaient complètement
épuisés, l'échange des produits entre villes et campagnes ne
se faisait plus (4).»
Dans
les villes la suppression du marché libre avait provoqué
l'apparition d'un marché noir où les prix atteignaient des
niveaux records. Affamés, les travailleurs quittaient les
usines qui ne fonctionnaient plus pour se réfugier dans les
campagnes En 1921, Moscou et Petrograd ne comptaient plus que la
moitié et le tiers de leur ancienne population. Selon les
paroles de Boukharine, le prolétariat se «désintégrait ».
Le
2 mars 1921 éclate l'insurrection de Cronstadt. Le 8 mars,
s'ouvre le Xe Congrès du parti bolchevique qui va adopter une série
de mesures préparées par le comité central depuis plusieurs
mois et qui reprennent la plupart des revendications économiques
mises en avant par les mutins. Le 16 mars, le congrès se sépare.
Le 17, l'insurrection est écrasée.
« Le
système social socialiste ne doit et ne peut être qu’un
produit historique, né à l'école même de l'expérience (...) ».
Au lendemain du congrès, les dirigeants du parti, et notamment
Trotsky qui depuis un an déjà avait clairement conscience de
la gravité de la situation, surent que le tournant de la N.E.P.
avait été pris trop tard et que, face aux tâches gigantesques
qu ils avaient à résoudre, toute erreur aurait d'incalculables
conséquences. Huit ans plus tard, le retard pris dans
l'industrialisation du pays se paierait, en dépit une nouvelle
fois des avertissements lancés par Trotsky, au prix du sang des
paysans et des travailleurs russes et en définitive, au prix du
parti bolchevique lui-même.
-
La mise en place de la N.E.P.
«
A la veille du Xe congrès - écrira Trotsky - Lénine formula
les premières thèses, très circonspectes, concernant
l’adoption d'une nouvelle politique économique. Je me joignis
immédiatement à lui. Pour mol ce n'était que la répétition
des invites faites par moi-même un an auparavant.(5)»
«
Une révolution socialiste dans un pays comme le nôtre -
explique Lénine devant le Xe congrès - peut finalement
l’emporter, mais à deux conditions. D'abord si elle est
soutenue au bon moment par une révolution socialiste dans un ou
plusieurs pays avancés.. Nous avons fait beaucoup pour réaliser
cette condition mais nous sommes encore loin de sa réalisation.
L’autre est un compromis entre le prolétariat qui exerce sa
dictature ou tient entre ses mains le pouvoir d'Etat et la
majorité de la population paysanne [...]»
«
Ce n'est pas en s'appuyant directement sur l’enthousiasme mais
au moyen de l'enthousiasme engendré par la grande révolution,
en faisant jouer l'intérêt personnel, l'avantage personnel, en
appliquant le principe du rendement commercial qu'il nous il
faut d'abord, dans un pays de petits paysans, construire de
solides passerelles conduisant au socialisme, en passant par le
capitalisme d'Etat.» (6)
Les
mesures qui caractérisent la N.E.P. répondent à la nécessité
de ce compromis avec la majorité paysanne. Elles ont pour but
d'amener les paysans à accroître la vente de leurs produits et
les commerçants privés à transporter ces produits de la
campagne à la ville. Les réquisitions sont supprimées et
remplacées par un impôt progressif en nature, le marché libre
est établi, l'industrie privée petite et moyenne pourra se développer.
Mais tout en effectuant cette retraite forcée devant les
principales revendications spontanées de la masse anarchique
des petits propriétaires afin de relancer l'essor des forces
productives, Lénine montre les dangers de la N.E.P. :
«
L'entente est une notion très large qui inclut un certain
nombre de mesures et de gradations. Ceux qui entendent par
politique des procédés mesquins qui frisent parfois la duperie
doivent être résolument condamnés par nous. Il faut corriger
leurs erreurs. On ne saurait duper les classes. Il nous faut...
poser les questions de front : les intérêts de ces deux
classes sont différents, le petit cultivateur ne veut pas ce
que veut l'ouvrier. » (7)
Si,
en mars 1921, Lénine espérait encore contenir ces dangers en
restant dans le cadre d'un système de capitalisme d'Etat
limitant l'extension des rapports marchands, les conditions de
la récolte de 1921 qui se caractérisent par une explosion des
petits échanges marchands le contraignent une nouvelle fois à
reconsidérer la situation :
«
Au printemps, nous disions que nous ne craindrions pas de
revenir au capitalisme d'Etat, et nous envisagions justement la
réglementation de l'échange des marchandises... Tout fut adapté,
à partir du printemps 1921 en vue de multiplier les échanges.
Qu'est-ce que cela signifiait ? Quel est le plan d'édification
impliqué, pour ainsi dire, dans cette notion ? On se proposait
d'organiser dans l'ensemble du pays l'échange plus ou moins
socialiste des produits industriels contre les produits
agricoles et de rétablir, grâce à cet échange, la base d'une
organisation socialiste. A quoi a-t-on abouti ? A ceci... que l'échange
des marchandises a subi un échec : il a échoué en ce sens
qu'il a pris la forme de vente et d'achat... Nous devons avouer
que la retraite a été insuffisante, qu'il faut la prolonger,
qu'il faut se replier plus loin pour passer du capitalisme
d'Etat à la mise en œuvre d'une réglementation par l'Etat du
commerce et de la circulation monétaire. » (8)
Les
mots « retraite » et « repli » sont éloquents. Lénine ne
cherche pas à embellir ni à théoriser des mesures imposées
aux bolcheviks par la situation mais qui vont à rencontre de
leurs idéaux socialistes. Cependant il affirme simultanément
que la N.E.P. sera le cadre obligé de la construction du
socialisme pour une longue période. La contradiction n'est
qu'apparente : les nécessités de l'heure ne font pas oublier
à Lénine les objectifs stratégiques. Les structures de l'économie
soviétique sont telles que la relance de la production ne
pourra se produire que si la petite bourgeoisie y est intéressée,
donc si elle a la maîtrise de son surplus. Mais parallèlement,
cette relance doit être mise au service de l'édification d'une
puissante industrie d'Etat, seule base matérielle du
socialisme. Les modalités et les rythmes de cette
industrialisation seront les grands thèmes du débat qui
divisera le parti bolchevique de 1923 à 1928.
II.
L'industrialisation et la lutte contre la petite-bourgeoisie
La
N.E.P. provoqua rapidement une reprise vigoureuse de l'essor des
forces productives. Néanmoins cet essor se manifesta de manière
extrêmement différenciée. A la campagne, iI bénéficia
essentiellement aux paysans les plus aisés, disposant de la
terre et des moyens nécessaires à une augmentation des récoltes.
Les
niveaux de la période d'avant-guerre purent être rapidement
rattrapés. Dans l'industrie, ce rattrapage fut plus lent. De
plus. il se caractérisa par une croissance plus rapide de
l'industrie légère que de l'industrie lourde et par un
dynamisme de l'industrie d'Etat moindre que celui du petit
artisanat et de l'industrie privée.
Le
renforcement des koulaks et des nepmen
La
restauration du marché libre constitua un puissant stimulant à
l'augmentation de la production agricole. N'ayant plus à
craindre la réquisition de leurs excédents, les paysans cessèrent
de limiter volontairement leurs récoltes au minimum nécessaire
à la satisfaction de leurs besoins. Tout au contraire ceux qui
avaient la possibilité de le faire développèrent leur
production afin de pouvoir se procurer sur le marché une plus
grande quantité de produits industriels en échange de leurs
surplus. Dès 1922, la récolte de blé atteindra les 3/4 du
niveau d'avant-guerre.
La
paysannerie cependant ne constituait pas une couche sociale
homogène et les différenciations qui la caractérisaient ne
vont cesser de s'accentuer durant la N.E.P. Par le simple jeu
des lois du marché, les paysans aisés disposant des
exploitations les plus importantes, des terres les plus fertiles
et des moyens techniques permettant leur mise en valeur, vont
accroître leur part relative dans l'agriculture et dans le
volume total des produits agricoles apportés sur le marché. En
1925, on estime que 3 à 4% de koulaks possèdent la moitié des
terres ensemencées, 60% des
machines et assurent les 2/3 des livraisons au marché.
Inversement
un nombre croissant des paysans pauvres vont devoir, pour
subsister, louer (illégalement) leurs terres aux koulaks et
s'embaucher comme salariés sur les exploitations les plus
riches : « La différenciation sociale ne cesse de grandir dans
les campagnes où la puissance du koulak se manifeste dans un
processus ininterrompu de concentration des terres. En 1925-26,
15 millions d'hectares sont loués contre 7,7 en 1924-25,
presque tous par des koulaks. Le paysan pauvre se fait embaucher
comme journalier ou comme fermier et continue de payer à
l'usurier des sommes quatre fois supérieures à celles qu'il
doit au fisc. Dans certaines régions ce processus est particulièrement
marqué: en Ukraine 45% des paysans n'ont pas de chevaux et 35%
pas de vaches. La direction des coopératives appartient de
moins en moins aux paysans pauvres et de plus en plus aux
koulaks qui y représentent 6% des éléments dirigeants. Les
22.000 exploitations collectives ne sont qu'une goutte d'eau
face aux 30 à 40 millions d'exploitations individuelles et même
à la masse des 2.160.000 prolétaires agricoles employée à la
date d'août 1926 sur les exploitations koulaks employant plus
de 10 salariés. » (9)
De
même l'accumulation privée se développe dans les villes, «
l'insuffisance de l'industrie se traduit par ce que l'on appelle
la "disette de produits". L'Académie communiste
considère qu'en 1926, elle se monte à plus de 400 millions de
roubles de produits industriels que le marché serait, toutes
conditions égales, capable d'absorber. Elle explique la
survivance et les progrès du capital privé dont la part dans
la production est évaluée selon les sources entre 4% et 10%.
Il y a 20.000 ouvriers dans l'industrie privée à Moscou même,
620.000 dans toute l'Ukraine. C'est le capital privé qui domine
le marché intérieur sur lequel il prélève sa lourde dîme.
Son chiffre d'affaires, à Moscou, est égal à celui des coopératives.
Pour tout le pays il atteint plus de 7 milliards et demi par an,
pour un chiffre d'affaires global du commerce du pays de 31
milliards. » (10)
La
nécessité de l'industrialisation
Dès
1922, Trotsky dénoncera la montée des koulaks et des nepmen et
mettra en garde contre les risques auxquels une N.E.P. qui ne
s'accompagnerait pas d'un rapide essor de l'industrie d'Etat
exposerait la dictature du prolétariat.
Durant
les trois premières années de la N.E.P., l'essor de
l'agriculture avait été plus rapide que celui de l'industrie
alors même que cette dernière partait de plus bas par rapport
aux niveaux d'avant-guerre. De ce fait, la reprise de la demande
sur le marché ne s'était pas accompagnée d'une reprise
suffisante de l’offre de produits de consommation industriels.
Ce déséquilibre entraîna une forte augmentation des prix
industriels et une détérioration des termes de l'échange
entre l'industrie et l'agriculture au détriment de la
paysannerie.
Dans
son rapport au XIIe congrès en 1923, Trotsky qualifia ce phénomène
de crise des «ciseaux ». Les courbes de prix industriels et
agricoles après s'être recoupées à l'automne 1922 ne
cessaient de s'écarter. A la fin de l'été 1923, les prix
industriels atteignaient 180 à 190% de ceux d'avant-guerre
alors que les prix agricoles avaient diminué de moitié par
rapport à la même période. Cette évolution - expliqua
Trotsky - menaçait de rompre l'alliance du prolétariat et de
la paysannerie. Pour éviter cette rupture, il fallait accélérer
le développement de l'industrie accroître fortement sa
productivité afin de lui permettre ultérieurement d'abaisser
ses prix.
La
« grève des achats » de produits industriels par la
paysannerie en 1923 illustra les paroles de Lénine : « Le
petit cultivateur ne veut pas ce que veut l'ouvrier. »
Elle confirma que c'était avec l’étalon de ses intérêts économiques
étroits que le paysan mesurait l'utilité et le résultat de
ses alliances. Il savait que la dictature du prolétariat
constituait une garantie contre le retour des seigneurs et il était
prêt à la soutenir tant qu'elle lui assurerait des conditions
d'existence meilleures que celles qu’il avait connues sous
l'ancien régime. Mais il n'accroîtrait sa production que dans
la mesure où il pourrait obtenir des produits Industriels en échange
de ses produits agricoles.
La
gravité de ce problème était d'autant plus grande que les
koulaks ne cessaient de concentrer entre leurs mains les surplus
de céréales et acquéraient ainsi la possibilité de s'opposer
directement à la réalisation des objectifs socialistes. Dans
la mesure où ils fournissaient la quasi-totalité des excédents
exportables, il leur suffisait de réduire leur production ou
leurs livraisons pour que l'Etat soviétique soit contraint de
renoncer à l’importation des machines et des biens d'équipement
qui faisaient si cruellement défaut à l'industrie soviétique.
Les
koulaks devenaient ainsi détenteurs d'un puissant instrument de
chantage contre l'Etat ouvrier en étant en mesure d’influer
sur le rythme de l'accumulation et de l'industrialisation Alors
que la grève des achats de 1923 avait été largement provoquée
par le niveau exorbitant des prix industriels, la grève des
livraisons de 1925 marqua la volonté des koulaks d'imposer un
certain rapport de forces à l'Etat ouvrier afin d'obtenir la
satisfaction de leurs exigences propres.
En
l'absence d'une industrialisation à un rythme rapide, les impératifs
de l'enrichissement individuel des koulaks ne pouvaient manquer
de les amener à s'opposer de plus en plus consciemment et avec
une force croissante aux conquêtes d'Octobre et en premier lieu
au monopole d'Etat du commerce extérieur. Le paysan riche en
effet ne comparait pas seulement ses conditions d'existence à
celles qu'ils avaient connues sous l'ancien régime mais aussi
à celles que lui assurerait la possibilité de vendre et
d'acheter librement sur le marché mondial. Dans la mesure où
l'Etat soviétique se révélait incapable de lui assurer des
conditions aussi avantageuses pour l'échange de ses sur-plus
contre des produits industriels, il était inéluctable que le
koulak cherchât à imposer l'abrogation de ce monopole, ce qui
aurait inévitablement conduit à la régression et à
l'asphyxie de l'industrie soviétique.
De
la même manière, le renforcement du poids économique des
koulaks s'accompagna d'une offensive de plus en plus déterminée
contre les limitations imposées à l'accumulation privée et
contre certaines dispositions de la législation nouvelle en
matière sociale. « Cette petite bourgeoisie rurale en plein développement
- écrit P. Broué - ne limite pas ses ambitions à la sphère
immédiate de ses intérêts personnels. Elle exerce sa pression
dans les soviets et même dans le parti pour être défendue
contre les unions de paysans pauvres ou les syndicats qui ne
comptent pas plus de 20% des ouvriers agricoles, intervient
ouvertement contre la législation soviétique nouvelle, réclame
que le mariage enregistré soit avantagé par rapport à l'union
libre, proteste contre les droits des femmes accordés par le
code, réclame la défense de sa propriété par des mesures
draconiennes, comme la peine de mort pour les voleurs de
chevaux, qu'elle applique parfois d'ailleurs, sommairement. »
(11)
L'accélération
du rythme de l'industrialisation telle que la proposait Trotsky
avait donc pour but de limiter les tensions entre la classe
ouvrière et la paysannerie riche. Mais surtout, elle se fixait
pour objectif de limiter la puissance que les koulaks pouvaient
tourner contre l'Etat ouvrier et de préparer leur élimination
en créant les prémices matérielles nécessaires à une
collectivisation progressive de l'agriculture. « La seule base
matérielle du socialisme ne peut être que la grosse industrie
mécanique capable de réorganiser l'agriculture », écrivait Lénine.
« Le renouvellement socialiste de l'agriculture - écrit
Trotsky en 1925 - ne se fera naturellement pas par les coopératives
considérées comme forme neuve d'organisation mais au moyen des
coopératives appuyées sur l'industrialisation générale.
C'est-à-dire que le progrès technique et socialiste de
l'agriculture ne peut pas être séparé d'une prédominance
croissante de l'Industrie dans l'économie générale du pays.»
(12)
Les
sources de l'industrialisation
«
A la question : "Où trouver les ressources indispensables
pour résoudre plus énergiquement. à la manière révolutionnaire,
les tâches d une réelle Industrialisation, pour accentuer le développement
culturel des masses d'où découlent les destinées de la
dictature socialiste ?", l'opposition répond : « La
source principale pour trouver les fonds indispensables est une
nouvelle répartition du revenu national, une utilisation
rationnelle du budget, des crédits, des prix. Une juste
utilisation des rapports avec l'économie mondiale doit nous
fournir les ressources supplémentaires. » (13)
Préobrajensky
avait estimé que l'accumulation privée réalisé par les
nepmen, commerçants et trafiquants privés des villes s était
élevée à quelque 500 millions de roubles-or pendant les années
1923-25. De plus l'opposition de gauche avait exposé très tôt
le mécanisme par lequel se réalisait une concentration
croissante du surplus agricole entre les mains des koulaks Ces
deux surplus étaient donc détournés au profit d'intérêts
privés, hostiles à l’Etat ouvrier et venaient en déduction
des ressources qui pouvaient être consacrées à l'accumulation
dans l'industrie socialiste.
Dans
« La Nouvelle Economique », écrite en 1925-26 par
Préobrajensky, l’un des plus brillants économistes du parti
bolchevique, se trouve le premier exposé systématique du mécanisme
grâce auquel peut se réaliser l'industrialisation d'un pays
arriéré à dominante agricole. Il y montre que l'industrie étatisée
ne saurait trouver en son propre sein les ressources
indispensables à l’accélération de sa croissance en raison
du faible niveau de sa productivité. Il est donc nécessaire
d'imposer un échange inégal entre cette dernière et le
secteur libre de l'économie, notamment l’agriculture.
L'industrie socialiste doit « exploiter l'agriculture, au sens
marxiste du terme, c'est-à-dire bénéficier d'un transfert de
valeur à son détriment.
Trotsky
ne reprendra pas à son compte l'intégralité des thèses de Préobrajensky.
Mais il s'opposera à partir de 1923 à la politique consistant
à rechercher un renforcement de l'alliance entre le prolétariat
et la paysannerie au moyen de l'augmentation des prix agricoles,
ce qui aurait abouti à accroître l’exploitation » de
l'industrie par l'agriculture. Il proposera au contraire de résoudre
la crise des « ciseaux » en diminuant à terme les prix des
produits industriels, mais en les diminuant moins que
n’augmenterait la productivité de l'industrie, de manière
tout à la fois à améliorer les termes de l'échange en faveur
de l'agriculture et à accroître les ressources d'accumulation
engendrées par l’industrie elle-même.
Trotsky
précisa toujours qu'il ne fallait pas développer l'inégalité
des échanges entre le secteur socialiste et l'agriculture au
point où le paysan se sentirait lésé par rapport aux termes
d’échange connus avant la révolution. Compte tenu de la
faible productivité de l'industrie socialiste le transfert réalisé
en vendant les produits Industriels au-dessus de leur valeur était
une source indispensable de l'accumulation dans l'industrie mais
ne devait pas se traduire par des sacrifices socialement
insupportables pour la paysannerie.
Cet
aspect fondamental de la politique préconisée par Trotsky
n'empêcha pas les contorsions staliniennes ultérieures visant
à le présenter comme l'ennemi juré de la paysannerie et le
fossoyeur de son alliance avec le prolétariat. Qualifiant de «
monstrueuses » les thèses défendues par Trotsky, Préobrajensky
et l'opposition de gauche, Boukharine défendit de 1924 à 1928
une politique fondée sur l'amélioration à tout prix des
termes de l'échange entre l'industrie et l'agriculture au
profit de cette dernière. Ainsi seraient augmentés les revenus
réels des paysans et donc leurs achats de produits industriels
en même temps que leur épargne accrue, collectée par le système
bancaire d'Etat, viendrait financer l'industrialisation. Le
cercle vicieux serait ainsi rompu permettant le passage au
socialisme sans larmes : « Tant que nous sommes en haillons...
le koulak peut nous vaincre économiquement. Mais il ne le fera
pas si nous lui permettons de déposer ses économies dans nos
banques. Nous l'aiderons, mais il nous aidera aussi. Et pour
finir, le petit-fils du koulak nous sera reconnaissant d'avoir
traité ainsi son grand-père.» (14) Boukharine en concluait évidemment
que le rythme de l'industrialisation serait fort lent, que le
passage au socialisme devrait se faire «à pas de tortue», le
secteur d'Etat traînant derrière lui la lourde charrette de la
paysannerie russe.
Le
mécanisme de cette conception réformiste d'un nouveau genre
entraîna Boukharine à des conclusions que Staline dut désavouer
du bout des lèvres. Ainsi le 17 avril 1925, Boukharine déclara
: « Aux paysans, à tous les paysans, nous devons dire :
enrichissez-vous, développez vos fermes et ne craignez pas que
la contrainte s'exerce sur vous. Aussi paradoxal que cela puisse
paraître nous devons développer la ferme aisée pour aider les
paysans pauvres et moyens.» (15) Ces disciples iront plus loin
encore, tel Steltsky qui préconisera quelques années plus tard
de satisfaire une revendication essentielle des koulaks en
abrogeant le monopole d'Etat du commerce extérieur
L'échec
du cours droitier et la collectivisation forcée
Pendant
toute cette période, l'opposition de gauche lia ses
propositions de politique économique à une accentuation de la
lutte des classes dans les campagnes. Lorsque Trotsky proposa d'éponger
par une politique fiscale et une politique des prix appropriés
les surplus restant entre les mains des koulaks, il visait tout
à la fois à diminuer la puissance qu'ils pouvaient tourner
contre l'Etat ouvrier et à dégager les moyens permettant d'améliorer
substantiellement la situation des paysans pauvres. L'accélération
de l'industrialisation devait permettre non seulement de fournir
à la paysannerie un volume accru de biens de consommation
industriels mais aussi, en liaison avec une juste politique du
budget et du crédit, d'approvisionner les coopératives de
paysans pauvres en engrais et en matériel agricole. Le plus
grand dynamisme du secteur coopératif, l'effet d'attraction
exercé par la croissance rapide de sa productivité et donc des
niveaux de vie auraient permis de limiter le processus de différenciation
sociale et d'en renverser le cours. L'augmentation de la part du
marché approvisionné par les coopératives aurait réduit la
vulnérabilité de l'Etat ouvrier au chantage des koulaks en
assurant une base solide à sa politique du commerce extérieur.
Les conditions d'un passage progressif à une saine
collectivisation de l'agriculture se seraient ainsi trouvées
peu à peu réunies.
La
conception boukharinienne ne reposait pas sur une analyse des
origines de la différenciation sociale dans l'agriculture et négligeait
de prendre en considération les intérêts respectifs de la
classe ouvrière et des diverses couches de la paysannerie. Elle
ne pouvait donc tenir compte du fait que l'enrichissement des
koulaks se manifesterait non par une augmentation de leurs dépôts
dans les banques d'Etat, qui les auraient affectés à
l'accumulation industrielle, mais sous la forme d'une
accumulation privée incessante, enclenchant un processus
Ininterrompu de concentration des exploitations et des surplus
agricoles.
La
XIVe conférence du parti en avril 1925 vota des mesures plus
libérales pour les exploitations agricoles et le commerce privé,
se prononça en faveur d'une réduction des taxes sur les
produits agricoles, pour la liberté du fermage et de l'emploi
de la main-d'œuvre agricole. Ces décisions - écrit Deutscher
- « étaient
nettement marquées par l'influence de l'école boukharinienne
».
Cependant,
alors même que les récoltes sont excellentes, les livraisons
vont baisser de moitié en trois ans. En 1927, face à cette
situation Imprévue, malgré les avertissements de l'opposition,
la direction Staline-Boukharine va hésiter, louvoyer. En février
1928, La Pravda titrera « le koulak relève la tête », à la
suite des heurts intervenus entre collecteurs et paysans riches
qui réclament la hausse du prix du blé. Mais le Comité
central d'avril reviendra sur les mesures d'exception prises
contre les stockeurs et en juillet le prix du blé sera augmenté
de 20%.
Tous
les facteurs qui allaient précipiter le cours des événements
au cours des années suivantes sont déjà présents à ce
moment dans les termes prévus par l'opposition. Le passage à
la collectivisation accélérée de l'agriculture et à la «
destruction du koulak en tant que classe » se soldera par
la disparition en cinq ans de 55% des chevaux, 40% des bêtes à
cornes, 55% des porcs, 60% des moutons et l'apparition d'une
crise agricole chronique dont l’URSS ressentira les effets
jusqu’aux années 1960. Il faudra attendre le Comité Central
de septembre 1953 du P.C.U.S. pour que les épigones redécouvrent
qu'une saine collectivisation de l'agriculture doit avant tout
se fonder sur l'association volontaire des paysans, facilitée
par des moyens techniques abondants et perfectionnés ».
Alors
que Trotsky et l'opposition avaient expliqué que le financement
de l'industrialisation ne devrait jamais se traduire par une détérioration
des conditions d'existence de la paysannerie, le tournant vers
la collectivisation forcée, nécessaire à l'industrialisation
précipitée décrétée par Staline, allait lui infliger des
sacrifices inouïs. Les post-staliniens le reconnaîtront eux-mêmes
en admettant que la différence énorme entre le prix de revient
des produits agricoles et le prix payé par l'Etat aux
khoikoziens, entre le prix de revient des produits industriels
et le prix réclamé pour ces produits par l'Etat, constitua
effectivement la source financière essentielle de
l'accumulation en U.R.S.S. durant la période des premiers plans
quinquennaux.
III.
L'industrialisation et la lutte contre la dégénérescence
bureaucratique
Alors
même que la N.E.P., en l'absence d'une industrialisation
rapide, voyait un renforcement de la situation des nepmen et des
koulaks, la classe ouvrière russe, épuisée par la guerre
civile et les difficultés économiques, désappointée par le
recul général de la révolution mondiale, battait en retraite.
Après
l'exode des travailleurs affamés vers les campagnes durant la période
du communisme de guerre, la mise en œuvre de la N.E.P. et la
reprise de la croissance industrielle reconstituèrent les rangs
de la classe ouvrière dans les villes. Numérique-ment
cependant, ce processus conserva un rythme relativement lent. De
plus les nouveaux venus dans les usines étalent d'extraction
paysanne récente et n'avalent pas les traditions ni l'expérience
du prolétariat révolutionnaire d'Octobre 1917. Enfin la
fraction de l'avant-garde ouvrière qui n'avait pas succombé
durant la guerre civile se dissolvait dans la formidable machine
administrative dont les diverses ramifications croissaient et se
multipliaient.
Dans
cette situation caractérisée par l'isolement de la révolution
dans un pays arriéré, le poids du passé et de l'entourage
capitaliste, le manque de culture et de qualification technique
des masses laborieuses, le nombre réduit et le poids spécifique
insuffisant du prolétariat dans la population, les risques de dégénérescence
bureaucratique apparaissaient clairement aux yeux de Lénine et
de Trotsky.
Le
parti pouvait alors réagir contre cet état de choses en élargissant
les bases démocratiques du pouvoir, en faisant participer en
nombre croissant les ouvriers au pouvoir, en approfondissant la
liberté der discussion et de critique dans le parti et les
soviets, en menant enfin une politique économique qui accélère
l'industrialisation et augmente le poids des ouvriers dans le
pays.
C'est
dans ce sens que Lénine se prononça de toutes les forces qui
lui restaient. C'est dans ce sens que se prononcèrent Trotsky
et l'opposition de gauche, dès 1923, dans la série d'articles
connue sous le nom de « Cours nouveau ». Dans la lutte menée
à partir de 1923, les deux mots d'ordre centraux de
l'opposition : industrialisation selon un plan et démocratie
prolétarienne apparaissent organiquement liés.
Industrialisation
et démocratie prolétarienne
L'accélération
de l'industrialisation en Russie devait permettre en premier
lieu d'affaiblir les koulaks et les nepmen en pré-parant les
conditions matérielles nécessaires à la collectivisation de
l'agriculture et à la suppression du commerce privé. Elle
devait donc permettre par contrecoup d'affaiblir la bureaucratie
en ruinant son alliance avec ces couches sociales. Enfin elle
devait également renforcer l'avant-garde en développant le
poids numérique et social de la classe ouvrière dans la société
russe.
Mais
en même temps un vaste élargissement de la démocratie ouvrière
était indispensable au succès de l'industrialisation accélérée.
L'arriération culturelle de la classe au nom de laquelle était
exercée la dictature ne pouvait avoir pour conséquence que
l'apparition d'une caste de spécialistes et d'administrateurs,
détenteurs d'un certain nombre de privilèges matériels et
soucieux de les accroître. Faute d'un élargissement progressif
du champ d'application de la démocratie prolétarienne, le
nombre de ces éléments privilégiés ne pouvait manquer
d'augmenter rapidement ainsi, par conséquent, que le volume de
leur consommation et donc la partie du revenu national affectée
à des emplois improductifs. « En 1927, les statistiques révèlent
qu'en face de 2.766.136 ouvriers et employés de l'industrie,
les administrations emploient 2.076.977 employés et
fonctionnaires. Une lettre de Rykov à Staline le 16 août 1926
évalue à deux milliards de roubles les dépenses
administratives de fonctionnement et à 3 ou 400 millions les économies
immédiatement réalisables (16).
Elargir
le domaine de la démocratie prolétarienne aurait donc permis
en premier lieu d'accroître le fonds d'accumulation industriel.
Mais surtout le libre Jeu de cette démocratie était
indispensable pour que le prolétariat comprenne et accepte la nécessité
des sacrifices que la construction d'une puissante industrie
socialiste ne pouvait que lui imposer. Dès octobre 1922, devant
le congrès des Komsomols, Trotsky posa clairement le problème
: « C'est un pays ruiné que nous avons pris en main. Le prolétariat,
la classe dirigeante de notre pays, est contraint de se lancer
dans une période qu'on peut appeler celle de l'accumulation
socialiste primitive. Nous ne pouvons nous contenter de notre équipement
industriel d'avant 1914. Il a été détruit et doit être
reconstruit pièce à pièce au prix d'un effort colossal de la
part des travailleurs. »
Dans
l'esprit de Trotsky, cet «effort colossal» ne pourrait être
supporté à la longue que dans la mesure où il serait lié à
une augmentation réelle, fût-elle lente et restreinte, du
niveau de vie des travailleurs et à leur participation démocratique
à l’élaboration et à l’application du Plan. C'est
pourquoi, en avril 1923 il proposa au XIIe congrès du parti
bolchevique, la réalisation de strictes économies dans
l'administration politique et économique du pays, en réduisant
fortement l'appareil bureaucratique et en faisant participer au
contrôle et à la gestion de l'industrie les ouvriers du rang démocratiquement
organisés.
Ultérieurement
l'expérience des premiers plans quinquennaux confirmera que la
démocratie prolétarienne n'est pas seule-ment nécessaire en
tant que stimulant économique, mais aussi et surtout en tant
que condition du développement équilibré de l’économie. Si
elle n'est pas frappée au centre de ses pouvoirs, :
l’administration de la grande industrie, la bureaucratie
oriente le développement économique selon ses intérêts
propres et selon ses méthodes, d'après des critères d'utilité
distincts de ceux des masses. La sphère d'application de la démocratie
prolétarienne ne doit donc pas se limiter au cadre de
l'entreprise mais s'étendre, comme le préconise Trotsky, à
celui des décisions de caractère national : taux
d'accumulation, croissance comparée des industries de biens d'équipement
et de consommation et en général à tous les stades de
l'activité de l'Etat.
S'il
n'en est pas ainsi les gaspillages inhérents à la gestion
bureaucratique ne peuvent que s'accroître démesurément Ainsi
si la bureaucratie tente d'imposer un rythme d'accumulation
excessif qui provoque une stagnation des salaires réels et une
amélioration insuffisante des conditions d'existence des
travailleurs les conséquences en seront doublement néfastes.
D'une part la productivité du travail croîtra moins vite
qu'avec une amélioration plus soutenue du niveau de vie.
D'autre part, pour s'opposer à la résistance passive ou active
de la classe, la bureaucratie sera contrainte de se renforcer
elle-même tant dans ses aspects administratifs que dans ses
aspects purement policiers. Les deux phénomènes joueront dans
le même sens : une diminution du rythme de
l’industrialisation, à l'inverse du but recherché par une
politique consistant à réaliser un taux d'accumulation
maximal.
Staline
et Boukharine avalent qualifié Trotsky de «
super-industrialisateur ». Cependant avec le tournant vers
l'industrialisation précipitée et la mise en œuvre des
premiers plans quinquennaux, les sacrifices imposés aux
travailleurs soviétiques au nom de l’accumulation furent sans
commune mesure avec ceux dont Trotsky avait montré la nécessité.
La pénurie de biens de consommation industriels, conséquence
d'une priorité excessive accordée à l’industrie lourde, se
conjugua aux méthodes les plus répressives (du stakhanovisme
aux camps de travail), à la destruction des derniers droits
politiques ouvriers issus de la révolution d’Octobre, à l'établissement
de la toute-puissance du directeur dans l'entreprise et au développement
accéléré de l'inégalité au sein de la classe ouvrière.
Industrialisation
et extension internationale de la révolution
Pour
Trotsky, la question de la bureaucratie était fondamentalement
une question de rapport de forces entre les classes à l’échelle
non seulement nationale, mais aussi internationale.
C
est pourquoi il défendit une stratégie combinée de
renforcement du prolétariat, de son poids économique,
politique et subjectif dans la société par le passage à une
politique d'industrialisation d’une part, par l’aide aux
Partis communistes des pays avancés d’autre part afin que
ceux-ci guident la classe ouvrière de leur pays vers la
victoire de la révolution socialiste. Seul en définitive l’élargissement
de la base de la révolution, en apportant à la classe ouvrière
épuisée et démoralisée de l'URSS l'appui du prolétariat des
pays avancés pouvait empêcher une victoire des forces
bureaucratiques.
Dès
le début, Trotsky s’opposa aux thèses complémentaires de
Boukharine et de Staline sur la stabilisation du capitalisme
pour une longue période et la possibilité d'achever la
construction socialisme
dans un seul pays. Ces thèses constituaient le paravent idéologique
d'une tendance fondamentale de la bureaucratie et des forces
droitières sur lesquelles elle s'appuyait contre
l’avant-garde prolétarienne : l'instauration d'un statu
quo à l’échelle mondiale, indispensable à la consolidation
et à l'extension de leurs privilèges menacés par la « théorie
trotskyste » de la révolution permanente et le spectre d'un
nouvel essor des luttes de classe au niveau national et
international
Pendant
toute cette période, Trotsky et l'opposition de gauche défendirent
la nécessité pour l'Internationale communiste de s’inspirer
des leçons de la révolution d'Octobre, d'aider les partis frères
à remporter la victoire dans leurs pays et combattirent
de toutes leurs forces le comité anglo-russe et
l'alliance sans principes avec Tchang Kaï-Chek.
De
la même manière, Trotsky et l'opposition s'attaquèrent aux
conséquences des thèses staliniennes sur le sens de la
politique économique à mettre en œuvre en Russie même.
Personne n’avait évidemment nié auparavant qu'il était nécessaire
d'entamer les tâches de l’édification socialiste dans le
cadre de la Russie
isolée. Mais personne, du vivant de Lénine, n'aurait osé
affirmer qu’il était possible de les achever sans extension
de la révolution dans les pays capitalistes avancés. La lutte
de Trotsky contre la théorie du socialisme dans un seul pays
qui pouvait sembler n’avoir qu'un caractère doctrinaire et
abstrait se révéla au contraire être fondamentale, non
seulement à cause des implications internationales de cette théorie
mais aussi à cause de ses implications intérieures qui déforment
et faussent le sens et l’orientation à donner à la
reconstruction socialiste dans un seul pays en attendant le
triomphe de la révolution mondiale.
Cette
perversion stalinienne du plus élémentaire des principes du
bolchevisme devait en effet nécessairement s'accompagner d'une
conception du développement économique de la Russie sur une
base autarcique, sans que l'économie russe bénéficie des
avantages de la division internationale du travail réalisée au
sein du système capitaliste. La théorie d'un développement
graduel, constant, en vase clos, sur la base des ressources
propres de l'U.R.S.S. vers le socialisme achevé et même vers
le communisme se trouva donc en réalité à l'origine d'un
gaspillage considérable des ressources d'accumulation.
Se
situant dans l'optique de l'extension de la révolution aux pays
avancés, Trotsky proposa de guider la politique du commerce extérieur
selon un système de « coefficients comparatifs » permettant
de déterminer les produits dont la Russie avait intérêt à développer
la production au-delà de ses besoins propres afin, en les
exportant, de pouvoir se procurer sur le marché mondial les
biens qui lui étaient indispensables. « Luttant contre un
esprit national obtus à l'égard des problèmes économiques («
l'Indépendance » par un isolement où l'on est maître de son
sort) - écrit Trotsky - je proposai l'élaboration d'un système
de coefficients comparatifs, concernant notre économie et l'économie
mondiale. Le problème se posait par suite de la nécessité de
s'orienter correctement sur le marché mondial, ce qui devait
servir à résoudre les questions de l'Importation, de
l'exportation et de la politique des concessions. Dans le fond,
le problème des coefficients relatifs, posé si l'on avouait la
prépondérance des forces productives mondiales sur toute
production nationale, Indiquait que j'engageai une campagne
contre la théorie réactionnaire du socialisme dans un seul
pays. » (17)
«
Trotsky expliqua - rappelle Deutscher - que l'U.R.S.S. devait
s'efforcer de rattraper l'Occident mais qu'elle ne devait pas
cherchera s'en isoler [...] Le monopole du commerce extérieur
ne devait pas avoir pour but et pour effet de couper l'industrie
socialiste de l'économie mondiale, mais au contraire de lui
permettre de nouer avec elle des liens étroits et multiples.
Certes le "marché mondial" ferait pression sur l'économie
socialiste russe et la soumettrait à de dures et même
dangereuses épreuves. Mais ces épreuves étaient inévitables
; il fallait les affronter hardiment. Les dangers que
comporterait pour l'économie socialiste le contact avec l'économie
capitaliste plus avancée seraient compensés par les avantages
décisifs qu'elle retirerait de la division internationale du
travail et de l'assimilation des derniers progrès de la
technique occidentale. S'il se faisait dans l'isolement, le développement
économique de la Russie serait retardé et déséquilibré.»
(18)
«
Le socialisme sera international ou ne sera pas. » Telle était
la thèse fondamentale défendue par Trotsky. Faute d'une telle
base internationale pour l'édification du socialisme, la Russie
pourrait réaliser des progrès économiques à un rythme bien
supérieur à ceux que le capitalisme avait jamais pu atteindre
mais ils ne manqueraient pas de s'accompagner de déséquilibres
chroniques au niveau de l'économie et d'un renforcement
incessant des tendances bureaucratiques au niveau de l'Etat.
Lorsque
éclata en 1931 la Révolution espagnole, un journaliste américain
câbla de Moscou que les dirigeants soviétiques regardaient
cette révolution avec une défaveur à peine voilée parce
qu'ils considéraient qu'elle « gênerait » le processus
d'industrialisation accélérée dans lequel l'U.R.S.S. venait
de s'engager. En fait, de nouvelles victoires révolutionnaires
non seulement auraient élargi géographiquement la base du
socialisme, mais auraient également diminué les possibilités
d'intervention et de pression militaires et économiques de
l'entourage capitaliste sur le premier Etat ouvrier. Si les
dirigeants bureaucratiques du Kremlin se sentaient effectivement
gênés dès 1931 par chaque progrès de la révolution, ce
n'est pas que ces progrès nuisaient aux intérêts de
l'U.R.S.S., c'est qu'ils nuisaient à leurs intérêts
particuliers de caste privilégiée.
On
ne peut pas, à ce propos, ne pas évoquer aujourd'hui l'ex-périence
du C.O.M.E.C.O.N. Le drame historique qui a fait que la
bureaucratie soviétique, née du reflux de la révolution
mondiale, ait survécu au flux révolutionnaire des années qui
ont suivi la Seconde Guerre mondiale a malheureusement permis
d'observer les méfaits d'une gestion dictée par les intérêts
de la bureaucratie non plus dans le cadre d'un État isolé mais
dans celui de plusieurs Etats et d'assister à la perversion des
principes de la coopération socialiste internationale en
fonction des Intérêts d'une bureaucratie dominante.
IV.
Industrialisation et planification
Le
débat sur l'industrialisation et la planification en U.R.S.S.,
de la révolution à 1927, fournit un extraordinaire exemple de
la puissance de pensée de Trotsky. Pendant toute cette période,
il élaborera et défendra seul, y compris contre Lénine, une
conception de la transition au socialisme entièrement confirmée
par l'expérience des révolutions qui ont triomphé depuis
lors.
La
controverse avec Lénine sur les attributions du Gosplan
Le
22 février 1921, la décision fut prise de créer un organisme
chargé de la planification économique : le Gosplan. Le 1er
avril, Kzhijanovski en fut nommé président. Entre-temps, le
passage à la N.E.P. avait été approuvé et tous les espoirs
du parti s'étalent tournés vers la réanimation du marché
libre comme moyen de relancer l'activité économique du pays.
De ce fait, le Gosplan dont les prérogatives n'avaient pas été
précisées n'eut qu'une existence fantomatique.
Dès
le 3 mai 1921, Trotsky écrivit à Lénine : « Malheureusement
notre travail continue à se faire sans plan, et sans qu'ait été
comprise la nécessité d'un plan. Le Gosplan représente une négation
plus ou moins délibérée de la nécessité d'élaborer un plan
économique solide et pratique pour le futur Immédiat.» (19)
Par
la suite, Trotsky ne cessa de revenir à la charge. Constatant
la reprise plus rapide de l'agriculture que de l'industrie, et
de l'industrie légère que de l'industrie lourde, il montra la
fragilité d'une telle reprise. Pour que l'agriculture et
l'industrie légère puissent continuer à progresser,
expliqua-t-il, il est indispensable que l'industrie lourde se
relève rapidement. Pour cela on ne peut compter sur le seul jeu
de l'offre et de la demande : il est nécessaire d'avoir un plan
d'ensemble pour l'industrie afin de pouvoir rationaliser la
production en concentrant les ressources dans les secteurs et
les entreprises prioritaires et assurer le meilleur emploi
possible des forces productives existantes. Enfin pour qu'un tel
plan puisse être élaboré, il faut doter le Gosplan de tous
les pouvoirs nécessaires, lui donner mission, après un
recensement des ressources disponibles, de fixer des objectifs
de production. Il faut soumettre la politique financière à la
politique industrielle, tenir une stricte comptabilité : le
Plan doit permettre d'épargner le « kopeck socialiste ».
Ces
propositions de Trotsky ne furent pas suivies par le bureau
politique. L'attitude de Lénine à l'égard de ces problèmes,
telle que la décrit Deutscher, apparaît marquée d'un certain
dogmatisme. Constatant l'arriération de la Russie, le poids énorme
de la paysannerie, le bas niveau de l'industrie, Lénine nia la
possibilité d'une planification d'ensemble et soutint qu'elle
ne pouvait s'envisager qu'à partir d'un niveau élevé de développement
des forces productives. Il considéra que seuls des plans
sectoriels étaient possibles, que son plan d'électrification
était « le seul travail sérieux sur le sujet » et condamna
le « bavardage oiseux au sujet d'un plan d'ensemble ».
Trotsky
ne manqua pas de rétorquer qu'il y avait incohérence à
vouloir planifier l'électrification sans planifier la
production des industries fournissant l'équipement électrique,
qu'il y avait contradiction même entre la propriété d'Etat et
l'absence de coordination des diverses entreprises d'Etat. Le
plan qu'il réclamait ne visait à se soumettre toute l'économie
qu'au terme d'une lutte pour la résorption progressive du marché
privé. Pour l'instant, il ne visait que les entreprises d'Etat
dont la nationalisation avait fait une sorte d'entreprise unique
et qui devaient donc être sou-mises à une direction unique.
D'octobre
à décembre 1922, les positions de Lénine évoluèrent
rapidement à l'occasion d'une lutte menée en commun avec
Trotsky contre certaines décisions du comité central qui
auraient abouti à un relâchement du monopole du commerce extérieur.
Dans une lettre au Politbureau du 27 décembre, intitulée «
Attribution de fonctions législatives au Gosplan », Lénine écrivit
: « Cette idée a été lancée depuis longtemps, je crois, par
le camarade Trotsky. Je m'étais prononcé contre... mais après
un examen attentif je constate que, dans le fond, il y a là une
idée juste, à savoir : la Commission du Plan... dispose en
fait du maximum d'éléments pour bien juger les choses... Je
pense qu'à l'heure présente, il faut faire un pas vers
l'extension de la compétence de la Commission du Plan d'Etat...
A cet égard on peut et l'on doit, je pense, accéder au désir
du camarade Trotsky.» (20) Le Politbureau décida de ne pas
publier cette lettre.
La
pensée dialectique de Trotsky et l'empirisme stalinien
Dans
son intervention au XIIe Congrès du Parti en avril 1923,
Trotsky résuma en quelques phrases le sens de l'offensive à
laquelle il appelait le parti dans le cadre de la N.E.P. : « La
N.E.P. est l'arène que nous avons nous-mêmes instituée pour
la lutte entre nous-mêmes et le capital privé. Nous l'avons
instituée, nous l'avons légalisée et c'est dans son cadre que
nous devons mener la lutte sérieusement et pour longtemps ... Sérieusement
et pour longtemps, mais pas pour toujours. Nous avons institué
la N.E.P. pour la vaincre sur son propre terrain et dans une
large mesure par ses propres méthodes. De quelle façon ? En
utilisant effectivement les lois de l'économie de marché... et
aussi en intervenant par l'intermédiaire de notre industrie
d'Etat dans le jeu de ces lois et en étendant systématiquement
le domaine de la planification. Nous finirons par étendre la
planification à toute l'économie, ce qui aura pour résultat
d'absorber et d'abolir tout le marché [...].» (21)
Ainsi,
durant toutes ces années, la lutte de Trotsky et de
l'opposition de gauche ne fut pas menée contre la N.E.P. mais
pour que l'Etat ouvrier intervienne de manière décisive dans
le cours du développement économique afin de renforcer
davantage le secteur socialiste de l'économie que le secteur
capitaliste, et de rendre possible techniquement et économiquement
la collectivisation de l'économie agricole. L'expérience ultérieure
mit en évidence la justesse de cette conception, à savoir que
le développement accéléré de l'industrie selon un plan
constitue la condition économique indispensable pour que
l'essor des forces productives, dans un régime où l'étatisation
des principaux moyens de production s'accompagne d'une N.E.P.,
se fasse dans une direction socialiste. Dans ce cadre le plan
englobe tout d'abord l'industrie, dont les succès permettent la
collectivisation progressive de l'économie agricole, elle-même
condition de la possibilité de l'inclure dans le plan. A cette
conception dialectique des rapports de la planification et du
marché et de leur lutte incessante, Boukharine et Staline
n'opposèrent qu'un raisonnement mécaniste et à courte vue qui
après les avoir amenés à refuser la planification de
l'industrialisation au nom des principes de la N.E.P., les
conduisit à abolir la N.E.P. par décret au nom des plans
quinquennaux.
Jusqu'en
1928, Boukharine lia l'expansion économique de la Russie à
l'enrichissement individuel des principaux bénéficiaires du
marché libre : nepmen et koulaks, sans voir que par là même
il renforçait les forces hostiles à la poursuite des objectifs
socialistes de l'Etat ouvrier. Lorsque cette politique eut amené
l'U.R.S.S. au bord de la crise, Staline supprima autoritairement
tout échange libre et décréta la collectivisation générale,
préalable nécessaire à la planification d'ensemble de l'économie
et à son industrialisation précipitée. Alors que Trotsky
avait été qualifié de « super-industrialisateur » pour
avoir expliqué que « la somme totale des avantages que nous
possédons nous donne, si nous savons nous en servir
convenablement, la possibilité de doubler ou de tripler dans
les années à venir le coefficient d'expansion industrielle
d'avant-guerre (6%) », Staline, en 1930, réclamera un taux de
progression annuel de 50%. De même le « Dnieprostroï » dont
Trotsky avait étudié et proposé la réalisation et dont
Staline avait déclaré qu'il serait aussi utile à la Russie
qu'un gramophone à un paysan dépourvu de vache, devint
quelques années plus tard une « grande réalisation
stalinienne ».
Décidé
sans qu'aient été réunies les prémices matérielles
indispensables, ce tournant ne pouvait se réaliser que dans un
climat de terreur bureaucratique. Couplé, sur le plan
international, avec la troisième période d'erreurs sectaires
de l'Internationale communiste, il marqua la mort du parti
bolchevique et de l'I.C. en tant que forces révolutionnaires.
1.Dans
« La Révolution russe », Rosa Luxemburg écrit :
« Bien loin d'être une somme de prescriptions toutes
faites, qu’on n’aurait qu'à mettre en application, la réalisation
pratique du socialisme comme système économique, social et
juridique, est une chose qui réside dans le brouillard de
l'avenir. Ce que nous possédons dans notre programme, ce ne
sont que quelques grands poteaux indicateurs montrant la
direction dans laquelle les mesures à prendre doivent être
recherchées, indications d'ailleurs d'un caractère surtout négatif…
Ce n’est pas un défaut, c'est au contraire l'avantage du
socialisme scientifique sur le socialisme utopique : le système
social socialiste ne doit et ne peut être qu’un produit
historique né à l’école même de l’expérience, à
l’heure des réalisations, de la marche de l'histoire vivante,
laquelle, tout comme la nature organique dont en dernière
analyse elle est une partien a la bonne habitude de faire naître
toujours avec un réel besoin social le moyen de le satisfaire,
avec le problème
sa solution ». Maspero,
Bibliothèque socialiste, p.63.
De
même, dans « Staline théoricien », Trotsky écrit :
« Dans les premières années qui suivirent Octobre, nous étions
assez souvent opposés à ces tentatives naïves de chercher
chez Marx la réponse aux questions qu’il n’avait même pas
pu poser. Lénine me soutenait toujours en cela. Voici deux
exemples dont nous avons par hasard le sténogramme : « Nous
nous rendons compte, disait Lénine, que d'après les paroles du
camarade Trotsky, nous serons obligés de faire des expériences.
Personne au monde n'a encore entrepris une œuvre aussi énorme
que celle que nous nous proposons. » (18 mars 1919.) «
Quelques mois plus tard, il disait : « Le camarade Trotsky
avait parfaitement raison en affirmant que tout cela ne se
trouve pas dans les ouvrages que nous considérons comme des œuvres
directrices ; cela ne découle d’aucune conception générale
socialiste, cela n'est déterminé par aucune expérience, et
nous devons tout vérifier par notre propre expérience. » (8 décembre
1919.). Staline essaiera ensuite de trouver dans Le Capital des
justifications aux différents tournants de sa politique économique.
2
Lénine. Œuvres complètes, tome 32, p. 245.
3.
L. Trotsky, Ma Vie, Livre de poche, pp. 533-534.
4.
I. Deutscher, Le prophète désarmé, Julliard. p. 23.
5.
L. Trotsky. Ma Vie, Livre de poche, p. 536.
6.
Op. cit.
7.
Lénine, Œuvres Complètes, tome 32, p. 225.
8. Ibid.
tome 33, pp. 90-91.
9.
P. Broué, Le Parti bolchevique, Editions de Minuit.
10.
P. Broué. Ibid.
11.
P. Broué, Le Parti bolchevique. Editions de Minuit.
12.
L. Trotsky, Vers le capitalisme ou vers le socialisme?
13.
Plate-forme de l'opposition de gauche, Ed. de la IV
Internationale.
14.
Cité par I. Deutscher, Le Prophète désarmé, Ed. Julliard,
p. 331.
15. Cité
par E.H. Carr, Socialism in one Country, tome I. p. 258.
16.
P. Broué, Le Parti bolchevique, Ed. de Minuit, pp. 236-241.
17.
Léon Trotsky, Ma Vie, Livre de poche, pp. 587-598
18.
I. Deutscher. Le Prophète désarmé. Ed.
Julliard, p. 290
19.
Cité par Deutscher, Le Prophète désarmé, p. 72.
20.
Lénine, Œuvres complètes, tome 36, pp. 611-612.
21.
Cité par Deutscher, Le Prophète désarmé, pp. 145-146.
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