Archives de catégorie : Dans la revue Romantisme

Les valeurs du vivant au tournant des XIXe et XXe siècles

Les valeurs du vivant au tournant des XIXe et XXe siècles

Cabanès Jean-Louis

Le darwinisme et le néo-darwinisme ont imposé un cadre notionnel dont Bergson hérite même s’il conteste le monisme de Haëckel et le « système » spencérien. La vie se perpétue et s’accroît à travers les formes évolutives du vivant, tandis que l’individu est à la fois un récapitulatif et un individu nouveau, un bourgeon en qui se manifeste la poussée vitale, mais aussi un être pour la mort. À ce gradualisme semblent correspondre sur le plan rhétorique des réseaux métaphoriques qui lient le biologique et le social, le psychique et le biologique. Dans les dix dernières années du siècle, la vie s’impose comme l’institutrice des valeurs. Elle est fécondité, elle en appelle à la productivité économique, à l’expansion des races civilisées. Donnée immédiate, socle premier, elle est aussi l’horizon final d’une éthique dans le roman de Zola, Le Docteur Pascal, comme dans les essais de Jean-Marie Guyau. Il faut réconcilier l’art et la vie, estiment, à l’instar de ce philosophe, les écrivains naturistes que Gide semble prolonger dans Les Nourritures terrestres. En réalité, il s’en distingue par l’abandon de tout solidarisme et rompt avec le gradualisme biologique. Plus généralement, les dix dernières années du siècle s’éloignent du pathos, du dramatisme dont le darwinisme s’était parfois auréolé. L’apologie de l’être en vie, c’est aussi celle de la joie dont Bergson se fait le chantre.

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La poétique évolutionniste, de Darwin et Haeckel à Sully Prudhomme et René Ghil

La poétique évolutionniste, de Darwin et Haeckel à Sully Prudhomme et René Ghil

Wanlin Nicolas

La théorie de l’évolution initiée par Charles Darwin entretient une relation problématique à l’expression poétique : la poésie représente l’ensemble des métaphores rendues caduques mais la science lui adresse le défi d’une nouvelle représentation du monde. C’est moins chez Darwin que chez Haeckel que l’on trouve une pleine assomption de la part poétique et esthétique du discours savant, qui fécondera un large intertexte. Mais il n’y a pas de filiation évidente entre textes scientifiques et œuvres littéraires ; les deux discours se développent parallèlement, comme deux manifestations d’un même bouleversement imaginaire et culturel. Chez des poètes aussi différents que Sully Prudhomme et René Ghil, l’évolutionnisme pousse à repenser les relations entre science, philosophie et poésie, et impulse une recherche stylistique et générique. Ainsi, la poésie trouve dans les sciences du vivant un nouveau ferment, parce qu’elle y voit un discours sur l’homme.

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L’hippopotame et le coursier amphibie : de la survie du langage poétique en un siècle de science

L’hippopotame et le coursier amphibie : de la survie du langage poétique en un siècle de science

Hugues Marchal

L’analogie que certains linguistes établissent, dans la seconde moitié du XIXe siècle, entre vie des langues et évolution des espèces, ainsi que la reprise de ce modèle pour penser la concurrence des genres littéraires, ont exacerbé les craintes de voir la science et ses néologismes « monstres » éradiquer l’esprit et le discours poétiques. Or, malgré les nombreuses affirmations posant que les mots de la science ne devaient ni ne pouvaient trouver place dans les vers, la condamnation des périphrases employées dans la poésie scientifique de Delille montre que critiques et poètes, comme le public, font des termes savants qui se naturalisent peu à peu des mots propres, qu’on ne saurait éviter sans ridicule. On analyse donc les paradoxes d’un refus de la science qui conduit à prôner l’isolation de la poésie hors du milieu culturel qui l’accueille, tout en puisant à des modèles biologiques.

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Penser et rêver le vivant

Penser et rêver le vivant

Gisèle Séginger

« Parmi les corps naturels, les uns ont la vie, les autres ne l’ont pas ; la vie telle que je l’entends consiste à se nourrir soi-même, à croître et à dépérir. » La distinction vient d’Aristote (Traité de l’âme, II, 1), qui formule aussi des théories – animisme et génération spontanée – dont on retrouve encore des éléments au XIXe siècle. Pourtant c’est seulement au XIXe…

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Le darwinisme et ses doubles : note sur la linguistique organiciste

Le darwinisme et ses doubles : note sur la linguistique organiciste

Claude Blanckaert

Considérée comme une impasse scientifique dès les années 1890, la linguistique naturaliste a connu son meilleur succès éditorial avec la popularisation des théories biologiques du développement. L’étude de la sphère langagière, le « quatrième règne de la nature », fut-elle pour autant, comme on le dit souvent, subordonnée au curieux patronage des doctrines darwiniennes ? Rien n’est moins vérifié. La linguistique dite « organiciste » fit école au moment même où le darwinisme, contesté de toute part, suscitait passions et démentis. La synchronisation des deux problématiques, pour n’être pas fautive, laisse ainsi dans l’ombre nombre de questions, quant à la circularité des sources et au champ des recherches « naturalistes » par là même unifié. À force d’y voir l’accaparement des sciences en vogue, peu d’historiens ont envisagé le mouvement opposé, l’impact du comparatisme linguistique sur la documentation empirique de l’hypothèse évolutionniste.

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