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Penser et rêver le vivant

Gisèle Séginger

« Parmi les corps naturels, les uns ont la vie, les autres ne l’ont pas ; la vie telle que je l’entends consiste à se nourrir soi-même, à croître et à dépérir. » La distinction vient d’Aristote (Traité de l’âme, II, 1), qui formule aussi des théories – animisme et génération spontanée – dont on retrouve encore des éléments au XIXe siècle. Pourtant c’est seulement au XIXe…

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Le « Dieu vivant » romantique

Claude Rétat

L’expression « Dieu vivant » provient de la Bible (nombreuses occurrences dans l’ancien et dans le nouveau Testament). Elle figure en bonne place dans les dictionnaires du XIXe siècle, portant la notion d’un « vrai » Dieu (par opposition aux « idoles ») et d’un Dieu « personnel » (par opposition aux idées abstraites), conçu comme principe de toute vie.
Cette étude part d’un constat : la fréquence de réemploi en contexte romantique, la richesse des potentialités de réutilisation. « Dieu vivant » se constitue en formule-bascule, pour réinvestir des représentations théologiques et déboucher sur un nouvel imaginaire du vivant. La formule est pour ainsi dire active en romantisme : ainsi, chez Hugo, est-elle la formule même qui parle au vivant et le met en branle (« Le cèdre »).
Il s’agit donc ici de tracer les cadres de ce ré-emploi romantique. Est analysé l’investissement massif de la formule, autour de 1830, par la littérature saint-simonienne, au service d’une pensée de l’organique, du lien, du « corps social », et plus encore d’une pratique vivante de la réflexion sur le vivant. Son application à une pensée totalisante de l’histoire, de l’humanité et de la nature (« Dieu vivant » permettant de théologiser la pensée de la vie universelle, du vivant mû par le même moteur) ressort de l’œuvre d’Edgar Quinet. Michelet apporte une vue du Dieu vivant, pièce maîtresse d’un système d’auto-création du sujet par lui-même, qui déplace peut-être la perspective du vivant à celle de la vitalité.

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Les « sociétés animales » : un défi à l’ordre savant

Wolf Feuerhahn

Longtemps employée à titre analogique, l’expression de « société animale » connaît à la fin du XIXe siècle avec l’œuvre éponyme d’Alfred Espinas (Des sociétés animales, 1877) une grande notoriété. Emblème d’une science comparée du vivant, elle veut rompre avec l’idée d’une frontière absolue entre l’homme et l’animal. La faveur de cette expression gagne à être ressaisie dans le cadre de la lutte du philosophe Espinas contre le spiritualisme qui domine alors l’université française et qui récuse toute continuité du vivant érigeant la conscience en attribut inaliénable de l’homme. Mais l’expression se verra également rejetée par les aspirants sociologues et en particulier par Durkheim et ses collaborateurs de l’Année sociologique. Ceci marquera pour un siècle au moins l’échec d’Espinas à remettre en cause l’ordre des savoirs et à faire de l’animal un objet légitime des sciences sociales.

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De l’épigastre au ventre : œconomia animale et économie du corps social

Bertrand Marquer

Topos de la pensée du Vivant, l’association du principe vital au processus de la nutrition semble consacrer, au XIXe siècle, la suprématie d’un organe qui proposait l’avantage de concilier l’ancien discours des alchimistes et l’optique de la physiologie héritée des Lumières. En popularisant l’image du « triumvirat, trépied de la vie », constitué du cerveau, du cœur, et de l’estomac, Théophile de Bordeu a en effet joué un rôle central dans l’élaboration d’une configuration, tant anatomique qu’idéologique, dans laquelle le « second cerveau, placé dans le diaphragme » (Le Cousin Pons) fait figure d’organe primus inter pares, à l’image d’une classe bourgeoise se définissant, elle aussi, comme médiane et centrale. Relayée par une gastronomie conçue comme un art de vivre en société, la nouvelle œconomia animale issue de la physiologie lie ainsi étroitement les représentations du Vivant aux représentations sociales, et dessine les contours d’un organicisme à vocation transdisciplinaire, et paradigmatique. À travers l’affirmation de la centralité de l’estomac se joue l’instauration d’une norme et d’un écart, dont la littérature est tour à tour le relais critique et ironique.

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Le darwinisme et ses doubles : note sur la linguistique organiciste

Claude Blanckaert

Considérée comme une impasse scientifique dès les années 1890, la linguistique naturaliste a connu son meilleur succès éditorial avec la popularisation des théories biologiques du développement. L’étude de la sphère langagière, le « quatrième règne de la nature », fut-elle pour autant, comme on le dit souvent, subordonnée au curieux patronage des doctrines darwiniennes ? Rien n’est moins vérifié. La linguistique dite « organiciste » fit école au moment même où le darwinisme, contesté de toute part, suscitait passions et démentis. La synchronisation des deux problématiques, pour n’être pas fautive, laisse ainsi dans l’ombre nombre de questions, quant à la circularité des sources et au champ des recherches « naturalistes » par là même unifié. À force d’y voir l’accaparement des sciences en vogue, peu d’historiens ont envisagé le mouvement opposé, l’impact du comparatisme linguistique sur la documentation empirique de l’hypothèse évolutionniste.

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Création littéraire et savoirs biologiques au dix-neuvième siècle | Literarische Kreativität und biologisches Wissen im 19. Jahrhundert

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