L’hippopotame et le coursier amphibie : de la survie du langage poétique en un siècle de science
Hugues Marchal
L’analogie que certains linguistes établissent, dans la seconde moitié du XIXe siècle, entre vie des langues et évolution des espèces, ainsi que la reprise de ce modèle pour penser la concurrence des genres littéraires, ont exacerbé les craintes de voir la science et ses néologismes « monstres » éradiquer l’esprit et le discours poétiques. Or, malgré les nombreuses affirmations posant que les mots de la science ne devaient ni ne pouvaient trouver place dans les vers, la condamnation des périphrases employées dans la poésie scientifique de Delille montre que critiques et poètes, comme le public, font des termes savants qui se naturalisent peu à peu des mots propres, qu’on ne saurait éviter sans ridicule. On analyse donc les paradoxes d’un refus de la science qui conduit à prôner l’isolation de la poésie hors du milieu culturel qui l’accueille, tout en puisant à des modèles biologiques.