Promouvoir et défendre le logiciel libre

15 September 2020

april.png Nouvelles April

#74 – L’informatique c'est quoi – Musique libre – Partager est bon - « Libre à vous ! » diffusée mardi 15 septembre 2020 sur radio Cause Commune

Le 15 September 2020 à 13:30:00

Au programme de l'émission : l'informatique c'est quoi (sujet principal) ; première chronique musicale d'Éric Fraudain ; chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet.

Libre à vous !, l'émission pour comprendre et agir avec l'April, chaque mardi de 15 h 30 à 17 h sur la radio Cause Commune (93.1 FM en Île-de-France et sur Internet).

Au programme de la 74e émission :

  • Notre sujet principal porte sur le thème de l'informatique avec Sylvie Boldo, directrice de recherche à l'Inria, et Fabien Tarissan chargé de recherche en informatique au CNRS, auteur de l'ouvrage « Au cœur des réseaux. Des sciences aux citoyens » (Le Pommier, 2019)
  • la première chronique musicale d'Éric Fraudain du site Au Bout Du Fil
  • la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l'April : présentation et commentaire du texte de Richard Stallman Mettre en application les critères du logiciel libre
  • diverses annonces

Podcasts des différents sujets abordés

Les podcasts seront disponibles après la diffusion de l'émission (quelques jours après en général).

N'hésitez pas à nous faire des retours sur le contenu de nos émissions pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi les points d'amélioration. Vous pouvez nous contacter par courriel, sur le webchat dédié à l'émission (mais nous n'y sommes pas forcément tout le temps) ou encore sur notre salon IRC (accès par webchat). Vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio en appelant le 09 72 51 55 46

Personnes participantes

Les personnes qui ont participé à l'émission :

  • Frédéric Couchet, délégué général de l'April
  • Sylvie Boldo, directrice de recherche à l'Inria
  • Fabien Tarissan chargé de recherche en informatique au CNRS, auteur de l'ouvrage « Au cœur des réseaux. Des sciences aux citoyens » (Le Pommier, 2019)
  • Véronique Bonnet, professeur de philosophie et vice-présidente de l'April
  • Éric Fraudain du site Au Bout Du Fil
  • Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques à l'April (à la régie)

Références pour la partie sur l'informatique

Références pour la chronique d'Éric Fraudain

Références pour la chronique de Véronique Bonnet

Références pour la partie sur les annonces diverses

Pauses musicales

Les références pour les pauses musicales :

Licences de diffusion, réutilisation

Les podcasts sont diffusés selon les termes d’au moins une des licences suivantes : licence Art libre version 1.3 ou ultérieure, licence Creative Commons By Sa version 2.0 ou ultérieure et licence GNU FDL version 1.3 ou ultérieure. Les musiques sont diffusées sous leur propre licence.

bsibaud.png Benoît SIBAUD

Retour sur un week‑end de contribution à Grammalecte

Le 15 September 2020 à 12:58:01

Durant le week‑end des 1ᵉʳ et 2 août 2020, j’ai proposé un week‑end de contribution à Grammalecte, un correcteur grammatical et typographique libre, pour la langue française.

L’équipe de modération du site LinuxFr.org utilise quotidiennement Grammalecte pour corriger les fautes de frappe, d’orthographe, de grammaire, de typographie ou de dates (ça arrive de temps en temps avec l’Agenda du Libre par exemple). Bref, on aime Grammalecte.

Pour autant, cela ne veut pas dire que tout est parfait dans ce logiciel : il est possible de l’améliorer en signalant les problèmes rencontrés, les erreurs non corrigées, les propositions de corrections erronées, etc.

Et c’est là que LinuxFr.org peut aider et contribuer, comme le montrent les résultats obtenus.

Sommaire

Grammalecte ?

Grammalecte est un correcteur grammatical et typographique libre, pour la langue française uniquement, pour Writer (LibreOffice, OpenOffice), Firefox et Thunderbird, Chrome, etc. Il a déjà été évoqué de nombreuses fois sur LinuxFr.org :

  • dépêches sur les campagnes de financement participatif 1 et 2, avec le soutien de LinuxFr.org ;
  • journal évoquant sa correction des dates ;
  • etc.

LanguageTool ?

Il existe aussi LanguageTool comme correcteur grammatical et typographique libre pour la langue française, mais nous ne l’utilisons pas pour LinuxFr.org actuellement). Nous pourrions utiliser ces deux logiciels libres, sans les opposer. L’équipe de modération pourrait utiliser les deux successivement ou via des personnes différentes.

La non‑utilisation de LanguageTool par LinuxFr.org est due à la disponibilité du greffon pour les navigateurs, en particulier Firefox (puisque la modération se fait via le Web) :

  • le greffon Firefox pour LanguageTool est arrivé avec la version 2.1.10 en avril 2019 (pour Firefox 60+)n et il n’était pas libre à cette époque, cf. « Code source publié sous licence Tous droits réservés », et ne l’est toujours pas « Licence Tous droits réservés » ;
  • le greffon Firefox pour Grammalecte est arrivé avec la version 0.6.0.7 en novembre 2017 (pour Firefox 56+), sous licence GNU General Public License, version 3.0.

Par ailleurs, nous avons aussi échangé avec le développeur principal de Grammalecte, alors que nous n’avons pas eu l’occasion d’échanger avec l’équipe de LanguageTool.

Organisation et méthode

Un journal a été publié pour annoncer le week‑end de contribution, pour permettre les discussions, et pour renvoyer vers la dépêche prévue pour la contribution (qui était alors dans l’espace de rédaction collaborative). Cette dépêche rappelait les consignes et listait des pages possibles à vérifier (les pages statiques du site, les derniers contenus, etc.).

Les consignes données pour la contribution, ou le comment procéder :

  • installer Grammalecte (dans votre navigateur sur ordinateur ou mobile) ;
  • allez sur la dépêche collaborative de contribution à Grammalecte (qui n’existe plus en rédaction vu qu’elle est devenue la dépêche que vous êtes en train de lire) ;
  • indiquer la page que vous êtes en train de faire relire par Grammalecte, en ajoutant la croix (✘) + votre pseudo après le lien de la page ;
  • ensuite venir noter les éventuels problèmes sur la page considérée ;
  • puis marquer la page comme relue en remplaçant la croix par une coche (✔) ;
  • choisir une autre page et recommencer, jusqu’à épuisement du stock ou de votre motivation contributive.

La version Grammalecte pour LibreOffice a aussi été utilisée pendant le week‑end.

À la fin du week‑end, les problèmes recensés ont été vérifiés une seconde fois avec un Grammalecte dernière version, et transmis au projet Grammalecte (en l’occurrence, Olivier est directement venu chercher la liste sur LinuxFr.org).

Pour signaler une absence de détection d’une faute, ou une mauvaise correction, il suffisait juste d’indiquer une courte phrase ou un ensemble de mots permettant de déclencher l’erreur. Si la correction devait être faite côté LinuxFr.org (parce qu’il y avait vraiment une erreur sur cette page), il suffisait de le préciser, afin que l’équipe du site puisse corriger la faute (si elle se trouvait dans les contenus, les commentaires n’ayant pas été corrigés).

Les visiteurs étaient invités à utiliser Grammalecte pour valider contenus et commentaires de la page. Les modérateurs pouvaient aussi valider le Markdown du contenu. Si des problèmes non présents sur les pages LinuxFr.org considérées étaient connus ou trouvés, ils pouvaient aussi être ajoutés.

Les problèmes identifiés durant le week‑end

Côté LinuxFr.org

Côté Grammalecte

Les problèmes signalés ont initialement été vérifiés avec Grammalecte 1.11.1 + Firefox 79.0. Les pages vérifiées par lors du week‑end de contribution sont listées plus bas, ainsi que les personnes ayant contribué (merci).

Les remarques sont regroupées ci‑dessous. Les commentaires du type « [corrigé ✔] » viennent d’Olivier de Grammalecte et indiquent les remarques d’ores et déjà prises en compte au moment de la rédaction de cette page (et merci Olivier pour la réactivité). Les statuts sur des remarques restantes ont aussi été vérifiés avec Grammalecte 1.12.1 + Firefox 80.0.1 :

Problème d’interaction avec LinuxFr.org ou reproductible dans l’usage fait sur LinuxFr.org

  • Comment perdre une partie du contenu en modération avec Grammalecte (entrée du suivi de 2016) ;
    • non‑détection :
  • Nous tenons à vous remercier de l’avoir proposée, et nous vous encourageons à la poser dans un des forums du site (en raison du retour chariot &#x000A, dans une balise « pre », entre nous et vous, l’analyse s’attend à « vous encouragez ») — valable pour plein d’autres cas comportant un retour chariot ;
  • je rappellerai cette maxime que je trouve très vrai (vraie) ;
  • « Manger ; buvez ; dormir. Manger, buvez, dormir. » (cohérence, même problème avec une séparation en phrases ou dans une énumération) ;
  • du plus belle effet / du plus beau effet (bel) ;
  • c’en est-un (pas de tiret) ;
  • c’est pas si mal (c’est commun/acceptable, mais peut‑être suggérer le conservateur « ce n’est pas si mal ») ;
  • pour les utilisations basiques d’un PC, on n’a rarement besoin d’avoir accès à plus de dix logiciels. (on a)
  • il y a des trucs tout prêt assez facile à installer. (prêts assez faciles) ;
  • les cinq personnes ont refusé de me donner leur nom pour que puisse les rappeler (pour que je puisse) ;
  • et le seul usage qui semble en être fait sur mon système viens d’un… (viens au lieu de vient) ;
  • Grammalecte ne remarque pas l’absence de sujet pour le verbe « se rappellent » : Pour ceux qui traînent depuis longtemps sur LinuxFr.org, se rappellent sans doute d’une autre affaire ;
  • la séparation des privilèges est activé par défaut (activée) ;
  • « un des plus beau raté que je connaisse », « beau » est bien surligné de bleu avec la suggestion « beaux » mais pas raté, y compris avec correction sur « beaux » (même chose dans Writer d’ailleurs) ;
  • Les mises en demeure de la CNIL à lire régulièrement, démontre qu’il vaut mieux (démontrent) ;
  • suivant s’ils sont déjà écrits des contenus ou non (au lieu de « ont ») ;
  • les applications clientes (« le verbe devrait être à la 3ᵉ personne du pluriel » et la proposition est « clientent ») ;
  • [acceptable ✘] maintenance hardware (ne râle pas sur hardware) ;
  • [corrigé ✔] il y a des hauteurs de ton qui sont importante (s final) ;
  • [corrigé ✔] Mon interlocuteur me raccroche alors au nez en me disant sèchement « très bien, vous aller donc être interdit bancaire et vous vous débrouillerez avec les huissiers ». (allez) ;
  • [corrigé ✔] être à la base basé sur quelque chose (basée proposé, mais ça semble plus être une redondance) ;
  • [corrigé ✔] À ce moment de l’histoire, je réalise qu’il n’y a pas de raison que les demandes de recouvrement cessent d’elles même, et qu’il faut donc que je prenne les devants. (d’elles‑mêmes) ;
  • [corrigé ✔] flipper et ses déclinaisons je flippe, tu flippes + flippé sont reconnus mais pas flippée, flippés et flippées ;
  • [corrigé ✔] des jeunes étudiants anglais étaient dégoûtes (dégoûtés n’est pas proposé dans ce cas, il l’est si le sujet est « ils ») ;
  • [corrigé ✔] Et gardez bien en tête que la personne qui vous contact peut‑être un sous‑traitant : il vous faudra alors remonter la chaîne jusqu’au véritable organisme auprès duquel le contrat a été signé. (contacte) ;
  • [corrigé ✔] plein de faute de raccord dans le scénario (s manquant) ;
  • [corrigé ✔] l’utilisateur d’une carte bancaire peut pourtant la récupérer auprès de l’organisme qui gère le distributeur de billet (billets) ;
  • [corrigé ✔] indiquer le aussi (pour indiquez‑le aussi) ;
  • [corrigé ✔] « essaiez de le reformuler » (détectée, mais la version correcte avec le y n’est pas proposée) ;
  • [corrigé ✔] « antéchronologique » n’est pas reconnu (cf._ https://fr.wiktionary.org/wiki/ant%C3%A9chronologique) ;
  • [corrigé ✔] j’ai eu d’autres témoignages où l’affaire est allé jusqu’à la convocation au tribunal avant que le contrat ne soit fourni (allée) ;
  • [corrigé ✔] le mot euskara pour la langue basque (cf. https://fr.wiktionary.org/wiki/euskara) ;
  • [corrigé ✔] mais en contre parti tu n’as rien (en contrepartie) ;
  • [corrigé ✔] « la‑dedans » à la place de là‑dedans ;
  • [corrigé ✔] « copié/coller » (copier-coller)

Suggestion de correction

  • il est possible que d’autres créanciers ne vous ai pas encore fiché (suggestion « a » au lieu de « aient ») ;
  • Le PC me demande d’introduire un media bootable (Grammalecte Firefox surligne en bleu le mot « media » mais n’a aucune suggestion ; dans LibreOffice, le mot ne le fait pas couiner ;
  • des logical (Grammalecte ne propose pas « logiciel » ou « logiciels » mais des mots plus éloignés comme « loggias, loggia, loyal, Louisa, ogivale ou toisa » et cela alors que la version pour LibreOffice propose bien « logiciel », c’est même la seule suggestion) ;
  • [corrigé ✔] un cours online (sont suggérés « ondine, enligne, enligné, enlignai, enlie, enlié, enliée, encline, inuline et incline » mais pas « en ligne ») ;
  • [corrigé ✔] recompilation n’est pas accepté, mais pourrait suggérer compilation ;
  • [Fonctionnement voulu ✘] Au prie, il a tort (« pire » n’est pas proposé) ;
  • [fonctionnement identique constaté ✔] « je peux t’assurer que j’aurais été voir. » Gramalecte surligne en violet « j’aurais été » en indiquant « Tournure familière. Utilisez “être allé” plutôt que “avoir été”. » sans suggestion, alors qu’il suggère dans LibreOffice d’utiliser plutôt « être allé », moins familier.

Correction abusive

  • [corrigé ✔] des informations identifiantes (ne connaît pas identifiante(s)) ;
  • [corrigé ✔] périphérique à bande reconnu (veut accorder avec bande au lieu de périphérique) ;
  • [corrigé ✔] L’avenir d’une entreprise est‑elle nécessairement international ? (veut corriger international, mais l’erreur est sur le « elle ») ;
  • [corrigé ✔] la CSS (le masculin est proposé, mais le féminin existe aussi pour les feuilles de style cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/CSS) ;
  • [corrigé ✔] Est‑ce vrai ? (le tiret insécable U+2011 n’a pas besoin d’être remplacé par un tiret simple) ;
  • [corrigé ✔] une connexion à Internet décente (ERREUR : Grammalecte veut remplacer par « décent » pour accorder le genre avec Internet) ;
  • [corrigé ✔] pourquoi habite‑t‑on loin de son activité ? (erreurs signalées à tort sur « on » et « loin ») ;
  • [corrigé ✔] certaines régions sont un poil plus compliquées (suggestion d’accorder avec poil) ;
  • [bogue non reproduit, option pléonasme à activer ✔] « les deux responsables s’entraidant mutuellement » Grammalecte surligne de bleu « s’entraidant mutuellement » et suggère « entraidant », il ne le fait pas avec LibreOffice ;
  • [Corrigé ✔] Cent quarante-neuvième épisode (veut ajouter un s).

Ne nécessitant probablement pas une correction côté Grammalecte

  • cela permet de détecter de manière bien plus sûre les gens qui sont porteurs (corrections proposées « maniéré » (erronée) et sûre (correcte), mais si on corrige sûre, il voit que manière est correct) ;
  • le rayon de l’(entr)aide informatique (ERREUR?: «entr» : mot inconnu) ;
  • driver(s) est accepté à cause des golfeurs, peu pratique pour parler informatique en français.

Fonctionnalités voulues

  • [oui ✔] Grammalecte n’est pas content avec le type d’apostrophe pour « l'heure » ← oui, il veut une apostrophe typographique plutôt que droite ;
  • [oui ✔] Grammalecte n’est pas content avec le type de guillemets sur "un peu" légères ← oui, il veut des guillemets français ;
  • [oui ✔] accepte sans broncher « p'tit » ← c’est courant, dans l’usage populaire en tout cas.

Les pages vérifiées

Les dernières dépêches

La plupart des dépêches ont déjà été passées à Grammalecte avant publication. Néanmoins, la dépêche
« Emmabuntüs bien plus qu’une simple distribution » a été vérifiée avec Grammalecte par bagage.

Les derniers journaux

Les journaux « systemd: identifiant unique, world‑readable? » et « Affaires Milka : on finit toujours pas trouver plus fort que soi » ont été vérifiés avec Grammalecte par tisaac.

Les journaux « Refus de restituer une carte bancaire », « Pourquoi j’ai installé Fedora et considérations banales d’un débutant », « J’ai testé pour vous : se faire usurper son identité » et « Filmer comme un pro » ont été vérifiés avec Grammalecte par iouf.

Le journal « Rolling: un nouveau jeu libre » a été vérifié avec Grammalecte par Ysabeau.

Les dernières entrées de forum

Les entrées de forum suivantes ont été vérifiées avec Grammalecte par Ysabeau :

Par ailleurs, Ysabeau a signalé un « copié/coller » non corrigé, ou même remarqué, pour lequel Grammalecte devrait suggérer « copier‑coller » et ne pas laisser passer.

Les derniers sondages

Les seize sondages qui suivent ont été vérifiés avec Grammalecte par Benoît Sibaud :

Les derniers liens

La page des liens a été vérifiée avec Grammalecte par Benoît Sibaud.

Les pages du site hors contenu

Les pages suivantes ont été vérifiées avec Grammalecte par Benoît Sibaud :

Les pages suivantes ont été vérifiées avec Grammalecte par Pamputt :

La page « Code source du site a été vérifiée avec Grammalecte par echarp ».

Conclusions

  • Grammalecte a pu bénéficier d’un signalement de petits problèmes divers et variés ;
  • un certain nombre de fautes ont été corrigées sur le site LinuxFr.org, dans les contenus, mais aussi dans les pages statiques ou dans le code ;
  • les problèmes d’interaction entre LinuxFr.org et Grammalecte ont été listés et revérifiés ;
  • s’il fallait une fois de plus le rappeler, on peut contribuer à un logiciel libre (voire deux en l’occurrence) sans qu’il faille toucher à du code ;
  • LinuxFr.org a réussi à organiser un week‑end de contribution sur un logiciel libre, merci à nouveau à toutes les personnes qui ont contribué, et à Olivier de Grammalecte.

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Télétravail nomade ? Comment travailler depuis chez vous… ou bien ailleurs !

Le 15 September 2020 à 12:08:28

La crise sanitaire que nous traversons actuellement a entrainé un large télétravail forcé au sein de très nombreuses entreprises, du moins au sein de celles où c’était possible. Il est clair que s’est un peu compliqué de remplir les rayons des supermarchés depuis chez soi, ou bien de ramasser les détritus de la population bien au chaud dans son salon, mais cela a déjà été largement évoqué par les médias traditionnels, et nous remercions tous les salariés qui ont continués de se rendre sur leur lieu de travail au plus fort de la pandémie. Mais personnellement, j’ai été très étonné de l’ampleur de ce télétravail, j’ai eu l’impression que tout le monde bossait de chez eux.

Alors certes ce n’était pas très surprenant de voir les cadres de certaines entreprises continuer leur activité depuis chez eux, c’est même finalement un truc assez normal. Personnellement quand je travaillais encore pour une entreprise traditionnelle, il m’arrivait souvent de rentrer chez moi pour bosser au calme, ou simplement parce que j’en avais envie sans que ça ne pose de problème à personne. Mais cette situation de télétravail, et la rapidité avec laquelle elle a était mise en place m’a étonné pour d’autres secteurs. Par exemple, j’ai une amie qui travaille à la Sécurité Sociale, et bien, dès la première semaine de confinement, elle disposait du matériel (portable + connexion VPN) pour pouvoir bosser de chez elle.

Ce télétravail très étendu, a fait que la population s’est rendu compte, que, pour bien des jobs, il n’y a plus réellement besoin de se rendre quotidiennement dans les locaux de son entreprise. On pourrait penser que c’est un bon moyen pour les dirigeants de savoir si vous bossez ou non, mais en fait pas tellement. Vous ne pouvez pas vous imaginer, le temps perdu en entreprise, sérieusement, sur une journée complète de travail de 7 heures, un employé travaille réellement combien de temps ? 5 heures ? Un dirigeant d’entreprise ne va pas mettre un surveillant derrière chaque salarié, donc en quoi une présence physique dans les locaux lui permettrait de mieux contrôler le temps de travail effectif ? C’est un peu une réflexion d’un autre temps, et encore plus maintenant que beaucoup ont testé le télétravail.

Personnellement, dans mon job actuel, j’ai une liste de choses à faire, et une deadline, et je m’organise comme j’en ai envie pour que toutes les tâches soient réalisées dans le temps impartit, que ces tâches soient faites chez moi, sur la plage dans un chalet à la montagne… tant que le travail est fait, tout le monde se moque de quand et de où il a été fait.

C’est très agréable, les jours où je n’ai pas envie de bosser, je ne fais rien, le lendemain, je fais une journée de 13 ou 14 heures parfois, pour rattraper. Si j’ai envie de me faire un long weekend, je boucle toutes mes tâches entre le lundi et le mercredi, en travaillant énormément, et ensuite j’ai pour moi le reste de la semaine, c’est un choix, et ceux qui me commandent du travail s’en moquent bien.

Le problème, c’est que pas mal de monde s’est rendu compte que c’était sympa de s’organiser comme on voulait… cette pandémie a permis aux salariés qui ont travaillés de chez eux de comprendre que s’ils préféraient travailler de 6h à 9h, puis de 16 à 19h, ils abattaient toujours la même quantité de travail, mais en étant plus libre, et parfois, ils travaillaient même plus qu’en entreprise.

Télétravail nomade

Du télétravail, au télétravail nomade, il n’y a qu’un pas, et s’il est possible de travailler aussi bien, voir même mieux en étant chez soi, il est légitime de se demander si le lieu a réellement de l’importance. Si je peux travailler de chez moi, est-ce que je ne pourrais pas faire les mêmes tâches au bord d’une piscine ? Assis dans un champ à la campagne ? A Bornéo ?

Chose impossible il y a encore quelques années, le télétravail nomade commence à devenir une réalité envisageable, et cela grâce à quelques avancées.

L’avancée technologique

Dans les domaines où le télétravail est possible, la seule obligation pour que cela puisse être mis en place est que le travailleur puisse accéder aux informations dont il a besoin pour mener à bien sa charge de travail. Cela signifie qu’il doit pouvoir accéder au documents de l’entreprise, aux logiciels métier etc…

Il y a encore quelques années, cela était impossible, ou tout du moins inconfortable. Mais aujourd’hui, les moyens de communication se sont très largement démocratisés, et il est très simple d’avoir une connexion WiFi ou 4G, à peu près n’importe où. Une connexion disponible n’importe où, couplée à la technologie VPN, qui permet, également depuis n’importe où, de rejoindre n’importe quel réseau local, et il devient possible de travailler sur vos dossiers clients depuis Trifouillis les Oies, ou une plage à Ibiza.

Si le réseau est assez bon, et l’appareil en votre possession assez puissant, vous aurez le même confort de travail que si vous étiez dans votre bureau dans les locaux de l’entreprise…

De très nombreux indépendants travaillent déjà comme ça.

Si je prends mon cas personnel d’autoentrepreneur, je travaille déjà comme ça, comme je le disais, où je veux et quand je veux. Le truc, c’est qu’il faut pour cela avoir les outils nécessaires à disposition.

Même si, comme dans le cas d’un salarié, vous avez besoin en tant qu’indépendant, d’avoir accès à certaines choses pour mener à bien vos tâches en mobilité, c’est tout à fait gérable. Il faudrait dans l’idéal essayer, de faire installer la fibre chez vous si ce n’est pas déjà le cas, ou, à minima une très bonne connexion VDSL. Ensuite, tout n’est que question d’organisation. Vous stockez tout sur un NAS, avec les sauvegardes qui vont bien, vous installez un petit serveur VPN à la maison (j’ai écrit un article qui explique comment faire ça ultra simplement), et hop vous pouvez aller bosser où bon vous semble tout en gardant un lien avec votre bureau.

L’autre solution, qui marche aussi très bien est de se prendre un gros abonnement à un service de cloud et de tout miser là-dessus, c’est une question de choix.

Nous possédons tous maintenant du matériel informatique assez performant pour la quasi-totalité des usages, et si vous êtes un indépendant avec des besoins spécifiques de ce côté vous êtes déjà probablement équipé. Le matériel ne devrait donc pas être un réel problème, non, ce qui risque de l’être, même si les connexions sont de plus en plus présentes un peu partout, ça va être le réseau.

La 4G se répandant de plus en plus, et bientôt la 5G, il est donc possible, pour des besoins ponctuels de faire le lien avec son VPN ou son service de Cloud en se servant de son smartphone en mode partage de connexion. Mais si vous avez besoin d’une connexion la majeure partie du temps je vous conseillerais tout de même de vous procurer un routeur 4G nomade, c’est bien plus agréable à utiliser, bien plus fiable, avec plus de fonctionnalités, et en plus ça laissera votre smartphone disponible et lui évitera de devenir bouillant.

Si vous n’avez pas besoin d’être connecté en permanence à une application métier, ou à des ressources en ligne, il est même possible d’envisager de travailler sans connexion aucune, par exemple si votre job consiste à écrire, puis de transmettre et de sauvegarder votre travail, une fois de retour à la base.

Bref, le télétravail, c’est possible, le télétravail nomade, également, et beaucoup de monde s’en est rendu compte durant la pandémie.

Les mentalités semblent se transformer petit à petit de ce côté-là et il est certain qu’il y aurait un énorme bénéfice à laisser les gens pouvoir s’organiser comme ils en ont envie. Nous verrons donc dans le futur si cela se concrétise, mais certaines entreprises, majoritairement dans le domaine de la tech ont déjà annoncé que le télétravail serait maintenant un choix pour leurs salariés.

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14 September 2020

april.png Nouvelles April

Décryptualité du 14 septembre 2020 - Bilan des vacances !

Le 14 September 2020 à 22:18:23

Écouter ou télécharger le Décryptualité du 14 septembre 2020 (12 minutes)

Rentrée tardive pour décryptualité, l'occasion de faire un petit bilan de ce qui s'est passé pendant l'été et de se demander si nous sommes condamnés à nous répéter encore et toujours.

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Musique de l'indicatif : Sebkha-Chott - CRPTS ND TPSTRZ - KHOLIK NEFAEHRTITIK

Revue de presse de l'April pour la semaine 37 de l'année 2020

Le 14 September 2020 à 17:17:26

Cette revue de presse sur Internet fait partie du travail de veille mené par l’April dans le cadre de son action de défense et de promotion du logiciel libre. Les positions exposées dans les articles sont celles de leurs auteurs et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.

[ZDNet France] Éducation nationale: voici pourquoi Microsoft est une drogue dure

✍ Louis Adam, le .

[ouest-france.fr] Voile. Arthur Le Vaillant: «On ne doit pas être des sportifs comme les autres»

Le .

Réunion du groupe de travail Sensibilisation de l'April jeudi 17 septembre 2020 à 17 h 30 (accueil à 17 h 15) à distance

Le 14 September 2020 à 15:48:39

17 Septembre 2020 - 17:15
17 Septembre 2020 - 19:30

Logo du groupe de travail Sensibilisation de l'April

Le groupe de travail Sensibilisation

L'objectif du groupe de travail Sensibilisation de l'April est la production d'outils de communication pour sensibiliser un plus large public aux enjeux du logiciel libre et des formats ouverts. Toutes nos ressources sont publiées sous licence libre, ainsi toute personne ou structure souhaitant sensibiliser au logiciel libre autour de soi peut les utiliser, les modifier et les partager librement.

La participation aux actions du groupe de travail Sensibilisation est ouverte à tout le monde (membre de l'April ou pas).

Quand et quoi ?

Le groupe de travail Sensibilisation de l'April se réunit chaque 3ème jeudi du mois. D'autres réunions ponctuelles peuvent être organisées au cours de l'année.
Toute personne intéressée peut participer aux réunions du groupe (membre de l'April ou pas).

Une réunion du groupe Sensibilisation aura lieu jeudi 17 septembre 2020 en visioconférence. Horaires : dès 17 h 30 et jusqu'à 19 h 30 (accueil à partir de 17 h 15). Il sera possible de rejoindre la réunion à tout moment. À cette occasion, nous continuerons à rédiger le descriptif des cases du plateau du Jeu du Gnou (pour le projet Jeu du Gnou, voir plus bas).

Pour tous les détails et vous inscrire à la réunion, rendez-vous sur le pad. Si vous prévoyez de rejoindre la réunion après 17 h 30, merci de préciser votre horaire d'arrivée en plus de votre nom/pseudo.

Image du Jeu du Gnou

Jeu du Gnou

Le Jeu du Gnou est l'un des projets en cours du groupe de travail Sensibilisation. Il s'agit d'un jeu de plateau coopératif et pédagogique dont le but est de sensibiliser le grand public aux enjeux de l'informatique (libertés vs servitudes, protections contre les dangers).

On peut déjà jouer au Jeu du Gnou ? Oui ! Il est possible de télécharger les éléments graphiques de la version beta depuis le pad principal du jeu.

Qu'est-ce qu'il reste à faire ? Finaliser le livret accompagnant le jeu, réaliser le graphisme, rédiger de nouvelles questions.

Comment contribuer ? Tester le jeu, relire et rédiger les textes, proposer des images, sont autant d'actions possibles pour nous aider à faire avancer le projet. Sans oublier bien sûr la participant aux réunions ! :-)

Pour en savoir plus sur le Jeu du Gnou et sur comment contribuer, voir la page wiki du projet.

Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 8 septembre 2020

Le 14 September 2020 à 14:02:33


Bannière de l'émission

Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 8 septembre 2020 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s : Julie Bideux - Isabella Vanni - Catherine Dufour - Katia Aresti - Caroline Corbal - Isabelle Carrère - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 8 septembre 2020
Durée : 1 h 30 min
Écouter ou enregistrer le podcast
Page des références utiles concernant cette émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Bannière de l'émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l'accord de Olivier Grieco.
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

logo cause commune

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Les femmes, l’informatique, le logiciel libre, ce sera le sujet principal de l’émission du jour avec au programme la Fête des Possibles et également la première chronique d’Antanak qui portera sur l’installation d’un système d’exploitation libre. Nous allons parler de tout cela dans l’émission Libre à vous ! du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette l’émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration.

Nous sommes mardi 8 septembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Le libre fait sa comm' » d'Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l'April, qui portera sur la Fête des Possibles

Frédéric Couchet : Parler d’actions de type sensibilisation menées par l’April, annoncer des événements libristes à venir avec éventuellement des interviews des personnes qui organisent ces événements, c’est la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni. Isabella est coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : Bonjour à tout le monde.

Frédéric Couchet : Au programme aujourd’hui la Fête des Possibles avec Isabella Vanni et Julie Bideux. Je vous laisse toutes les deux.

Isabella Vanni : Bonjour. Nous allons faire une petite interview de Julie Bideux de l’équipe d’organisation de la Fête des Possibles. Bonjour Julie.

Julie Bideux : Bonjour.

Isabella Vanni : Tu m’entends bien ?

Julie Bideux : Très bien.

Isabella Vanni : Super.
Merci d’avoir accepté notre invitation pour parler et présenter cette manifestation. On en a déjà parlé au cours d’une précédente émission de Libre à vous !, mais ça nous fait plaisir d‘en parler à nouveau.
Je te laisse la parole déjà pour présenter brièvement la Fête des Possibles. En quoi ça consiste ?

Julie Bideux : La Fête des Possibles c’est tout un ensemble d’évènements, à la fois des petits et des beaucoup plus grands, qui sont organisés localement principalement en France et en Belgique du 12 au 27 septembre 2020.
Le but de la Fête c’est de donner de la visibilité à tous les créateurs et créatrices de possibles, c’est-à-dire tous ceux et celles qui agissent au quotidien pour une société plus juste et plus durable. En organisant un rendez-vous dans le cadre de la Fête des Possibles, ces créateurs vont ouvrir les portes de leurs projets, organiser des rencontres pour réfléchir ensemble et donner envie à tous les participants, toutes les participantes, de s’engager près de chez eux.

Isabella Vanni : Super. Je rappelle les dates : du 12 au 27 septembre partout en France et en Belgique principalement. Si j’ai bien compris, il y a deux objectifs principaux avec cette Fête : d’un côté rendre visibles ces initiatives locales et ces solutions et de l’autre inviter les personnes à passer à l’action.

Julie Bideux : C’est ça.

Isabella Vanni : Merci. Est-ce que tu peux nous faire des exemples d’évènements, de formats d’évènements qui peuvent être organisés à l’occasion de cette Fête en sachant, si j’ai bien lu ce que vous mettez sur votre site, que l’un des critères vraiment important de ces évènements c’est favoriser la participation, c’est-à-dire faire en sorte que les personnes jouent un rôle actif pendant l’évènement.

Julie Bideux : C’est ça. Il y a vraiment une assez grande diversité de rendez-vous qui sont organisés pendant la Fête, de tailles très différentes. Cette année vous pouvez aussi bien assister à un atelier dans un jardin partagé, à une porte ouverte dans une ferme ou tout un habitat partagé, une balade à pied ou à vélo des lieux de transition de votre quartier, une soirée projection, un débat ou alors un village associatif avec des ateliers plus élargis.

Isabella Vanni : Disons que le village c’est un peu l’évènement qui peut en accueillir d’autres en fait, entre stands, ateliers, conférences, mais ça peut être aussi une petite activité.

Julie Bideux : C’est ça. Sur le site on pourra aussi bien trouver juste des ateliers qui sont organisés dans le local de l’association, qui sont peut-être prévus tous les ans et qui ont été inscrits sur le site de la carte, qui sont organisés parce que c’est la rentrée. Mais il y a aussi des évènements où des associations travaillent ensemble pour faire parler de leurs activités où, du coup, on retrouvera à la fois des stands pour découvrir la diversification d’un territoire et aussi des conférences, des ateliers pour s’engager.

Isabella Vanni : L’autre point intéressant effectivement de cette manifestation, vous encouragez les associations et les individus, tout type d’organisation, à coopérer en fait pour donner plus de variété, pour proposer plus de variété d’évènements.
Le contexte sanitaire que nous vivons en ce moment est très particulier et j’ai vu que vous en avez tenu compte, notamment dans le kit que vous avez préparé, « Je crée mon RV ». Est-ce que tu peux nous en parler ?

Julie Bideux : Forcement, la situation sanitaire actuelle et ses incertitudes ont pas mal impacté l’organisation des rendez-vous de la Fête des Possibles, notamment le nombre de rendez-vous a automatiquement été réduit par rapport à l’année passée et plusieurs ont dû être annulés. Après il faut savoir que comme de nombreux rendez-vous sont de petite taille il a souvent été plus facile aux organisateurs de s’adapter à cette contrainte, même si de plus grands évènements ont quand même pu être maintenus.
On a essayé de donner des billes aux organisateurs sur comment respecter ce contexte, notamment les évènements en plein air ont souvent été favorisés. On a essayé de proposer des formats alternatifs, donc d’aller faire justement des circuits pour des projets d’initiative plutôt que se rassembler dans un espace clos.

Isabella Vanni : Tu parles de circuit. Comme la radio Cause Commune émet en Île-de-France, j’en profite. J’ai vu un circuit qui avait l’air pas mal, j’irai peut-être, la Piste des Possibles à Alfortville en Val-de-Marne. C’est en fait un jeu de piste ; à chaque étape on découvre un acteur ou une initiative de la ville, on est invité à participer à une activité autour de thèmes différents avec un défi à relever pour passer à l’étape suivante. C’est effectivement une façon d’organiser un évènement très festif sans pour autant concentrer trop de personnes au même endroit, ce qu’on essaie d’éviter en ce moment.
Je voulais te demander s’il est encore possible de proposer des rendez-vous.

Julie Bideux : Oui, tout à fait. Il est possible de proposer des rendez-vous jusqu’au dernier moment, jusqu’au dernier jour de la Fête des Possibles. Les dates officielles de la Fête des Possibles c’est du 12 au 27 septembre, mais il est possible d’inscrire des rendez-vous du 5 septembre au 4 octobre.

Isabella Vanni : D’accord, on a un peu de marge, on peut déborder un petit peu au niveau des dates.
Est-ce que c’est nécessaire de créer un évènement ad hoc pour la Fête ? Je participe à la Fête donc j’organise un événement exprès ou je peux inscrire aussi des évènements que j’avais déjà prévus mais qui peuvent correspondre, disons, aux critères de la Fête ?

Julie Bideux : Oui, tout à fait. Même si on est très heureux qu’il y ait des évènements, des festivals des possibles, des fêtes des possibles locales, des temps des possibles qui soient organisés, notre but c’est de valoriser ce qui existe sur le terrain, notamment de donner plus de voix aux évènements qui sont déjà prévus, qui ne nous connaissaient peut-être pas avant, aux initiatives existantes. Donc n’importe quel évènement, tant qu’il respecte notre charte, peut-être inscrit sur la carte.

Isabella Vanni : Ça donne aussi, comme tu le dis, plus de visibilité. Ça donne une visibilité supplémentaire à des évènements et à des organisations qui font déjà plein de choses. J’en profite pour dire que l’April, en tant que partenaire de la Fête des Possibles, a relayé la communication autour de cette initiative auprès des organisations de promotion du logiciel libre. Suite à nos appels à participation, une dizaine d’évènements libristes est déjà proposée dans le cadre de la Fête cette année. On en profite pour remercier toutes ces organisations.
Une dernière chose : comment on fait pour savoir si un rendez-vous est près de chez soi ?

Julie Bideux : Pour retrouver les rendez-vous organisés près de chez soi, il suffit d’aller sur le site de la Fête des Possibles, fete-des-possibles.org et consulter la carte interactive qui est passée sur OpenStreetMap cette année.

Isabella Vanni : On en est très contents à l’April !

Julie Bideux : Tous les évènements actuels sont inscrits sur la carte. Il y a aussi des filtres pour sélectionner les lieux, les dates et les thématiques.

Isabella Vanni : Merci beaucoup Julie, notre temps arrive à la fin. Merci beaucoup.
À nouveau la Fête des Possibles de samedi 12 à dimanche 27 septembre 2020. J’espère que malgré la situation il y aura plein d’évènements et il y aura plein de participation. Merci encore.

Julie Bideux : Merci.

Frédéric Couchet : Merci Isabella. Merci Julie. C’était la chronique « Le libre fait sa comm’ » de Isabella sur la Fête des Possibles avec Julie Bideaux. Vous pouvez retrouver sur le site de la Fête des Possibles et également sur le site de l’Agenda du libre, agendadulibre .org, tous les évènements.

Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons écouter Asleep par HaTom. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Asleep par HaTom.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Asleep par HaTom disponible sous licence libre Creative Commons Attribution.
Cette année, la programmation musicale de l’émission nous est assurée par Éric Fraudain du site Au Bout Du Fil, auboutdufil.com. Vous retrouver sur le site de Éric une description de cet artiste. J’en lis juste l’introduction : « HaTom est un Français qui compose depuis trois ans maintenant. Ses inspirations viennent d’univers différents, du reggae au jazz en passant par d’autres styles comme la Lofi. On comprend ainsi qu’HaTom prône une forme de liberté artistique en refusant d’être cantonné à un style. En ce moment, il crée beaucoup autour des styles R&B Soul et du Hip Hop ». La suite sur auboutdufil.com et sur la page Soundcloud et la chaîne YouTube de HaTom, je précise que HaTom s’écrit H, a, t, o, m.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
On va passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur les femmes et l’informatique. Je précise que c’est la rediffusion d’un sujet déjà diffusé en novembre 2019. Initialement nous devions parler aujourd’hui d’initiation à la programmation pour les femmes, mais un souci technique nous empêche de traiter ce sujet. Nous diffusons donc à la place cette rediffusion qui a l’avantage d’aborder les sujets introductifs pour la future émission sur l’initiation à la programmation pour les femmes qui aura lieu très prochainement, je vous rassure.
On a écouter cette rediffusion et on se retrouve juste après.

Les femmes et les métiers et communautés de l'informatique et du logiciel libre avec Catherine Dufour, ingénieure en informatique, auteure de Ada ou la beauté des nombres,Fayard, septembre 2019 ; Katia Aresti, ingénieure logiciel chez Red Hat, membre de Duchess France ; Caroline Corbal de Code for France, membre d'Open Heroines France. Il s'agit d'une rediffusion du sujet principal de l'émission diffusée le 5 novembre 2019.

Frédéric Couchet : Nous allons donc poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur les femmes et l’informatique et aussi le logiciel libre avec nos invitées : Catherine Dufour, ingénieure en informatique, autrice de Ada ou la beauté des nombres qui vient de paraître chez Fayard en septembre 2019. Bonjour Catherine.

Catherine Dufour : Bonjour.

Frédéric Couchet : Katia Aresti, ingénieure logiciel chez Red Hat, membre de Duchess France. Bonjour Katia.

Katia Aresti : Bonjour.

Frédéric Couchet : Et normalement au téléphone avec nous Caroline Corbal de Code for France et membre d'Open Heroines France. Bonjour Caroline.

Caroline Corbal : Bonjour, je suis là.

Frédéric Couchet : Super. Bienvenue à vous trois. Première question, même si je vous ai présentées très rapidement, une petite présentation personnelle, on va commencer par Caroline qui est au téléphone, c’est la situation la moins facile, donc Caroline.

Caroline Corbal : Bonjour. Tu m’as présentée, je suis membre du collectif Open Heroines que, je pense, on pourra présenter à nouveau tout à l’heure, sinon je suis cofondatrice d’une association qui s’appelle Code for France et je gravite dans le milieu du Libre depuis quatre/cinq ans.

Frédéric Couchet : D’accord. Katia Aresti.

Katia Aresti : Je suis ingénieure informatique chez Red Hat et je suis membre de Duchess France qu’on présentera tout à l’heure aussi depuis 2010. Je fais de l’open source en Java, particulièrement.

Frédéric Couchet : Je précise qu’on a déjà eu l’occasion d’avoir Katia Aresti dans notre émission sur le métier du développement logiciel libre, le podcast est disponible, et on a aussi déjà eu Caroline Corbal, je ne sais plus à quel moment c’était, mais pareil le podcast est disponible sur les sites de Cause Commune et de l’April. Catherine Dufour.

Catherine Dufour : Bonjour. Je m’appelle Catherine Dufour, je suis aussi ingénieure en informatique, je fais des bibliothèques numériques. Je fais des chroniques au Monde diplomatique, je donne des cours à Sciences Po et je suis auteure de science-fiction.

Frédéric Couchet : D’accord. On ne va pas aborder tous les thèmes du sujet qu'on va aborder aujourd'hui parce qu’il est très vaste, c’est une première émission sur le sujet, mais déjà première question, un petit peu le constat, pourquoi on parle de ce sujet-là, la place des femmes dans l’informatique et du logiciel libre alors qu’en fait, initialement, ce n’était pas la situation qu’on connaît aujourd’hui. Qui veut commencer peut-être sur l’histoire, rappeler les premières… Je précise, pour la la radio, qu'elles se font des signes pour se passer la parole. On va commencer sans doute par Catherine Dufour, notamment est-ce que les femmes ont toujours absentes, en tout cas moins présentes que les hommes dans l’informatique ? Comment ça se passait il y a quelques années ?

Catherine Dufour : Elles ont toujours été très présentes. L’informatique a commencé à la Seconde guerre mondiale, en gros, même si c’est vrai qu’IBM a été créée en 1890 par Hollerith. Globalement la partie noble de l’informatique c’était le hard, c’est-à-dire la machine, et puis le soft, la programmation, c’était la partie moins noble, donc on employait des femmes. Celle qui a inventé le premier programme informatique c’est Ada Lovelace, c’était en 1843, c’est un peu lointain. La première codeuse d’un des premiers gros ordinateurs, le Mark 1, c’est Grace Hopper, une ingénieure américaine et après il y avait un autre gros ordinateur à la même époque, là je vous parle c’est Seconde guerre mondiale ou juste après, c’était l’ENIAC, qui a été programmé par six mathématiciennes. Donc la programmation est longtemps restée une prérogative féminine.
Dans les années 70 – il y a un très bon article de Chantal Morley sur le sujet, à mon avis vous le trouverez sur Slate – l’informatique est devenue de plus en plus prégnante, l’informatique s’est répandue partout et les salaires ont commencé à monter. Il y a eu une réaction en Angleterre où c’était quand même l’État qui était le plus gros employeur d’informaticiens et d’informaticiennes, ils se sont vraiment dit « on ne va donner des payes pareilles à des femmes ! », et ils ont arrêté d’embaucher des programmeuses. Je crois qu’à l’époque il y avait 50 % de femmes dans l’informatique ; dans les années 80, je ne sais plus les chiffres exacts, c’est passé à 40 ou 30. Et maintenant, selon les paroisses, on dit que les femmes sont 12 % ou 20 % du secteur, mais il y a eu une volonté ferme de renvoyer les dames à la maison et de ne pas leur servir les gros salaires des informaticiens.

Frédéric Couchet : En fait, concrètement, c’est quand l’argent a commencé à arriver et le prestige on a dit : « Mesdames dehors, laissez la place aux hommes ! » C’est un peu ça.

Catherine Dufour : C’est toujours comme ça.

Frédéric Couchet : C’est toujours comme ça. Est-ce que Caroline ou Katia vous voulez compléter sur cette partie constat ou historique ou même le constat actuel ? Katia Aresti.

Katia Aresti : Oui, pour l’historique je pense que c’est très bien résumé, merci. Pour le constat actuel, oui, aujourd’hui on avance dans notre carrière pour travailler en tant que développeuse et plus on veut rester technique et avancer, du coup tu avances dans ta carrière, plus on voit qu’il y a plus de femmes qui quittent et qui vont être poussées plutôt à faire du management, du product owner, du fonctionnel. Très tôt dans notre carrière, on nous pousse plutôt à aller vers ça plus que les hommes je dirais. C’est comme si on voyait que comme les hommes, de toute manière, sont plus geeks, qu’ils vont peut-être plus s’épanouir pour devenir techniquement très forts avec les années et que nous on a quand même derrière un peu ce cliché qu’on va mieux faire de la gestion, qu’on va être plus sociales, etc., du coup on va nous pousser vers d’autres trucs très tôt dans notre carrière. Donc oui, quand tu as 14 ans d’expérience comme moi, eh bien on voit qu’il y a moins de femmes et dans l’open source encore moins.

Frédéric Couchet : On reviendra tout à l’heure sur la spécificité effectivement du Libre. Caroline Corbal est-ce que tu veux ajouter quelque chose ?

Caroline Corbal : Oui, que je partage tout à fait ce qui vient d’être dit et je pense, en effet, que ça fait un moment qu’on parle de la place des femmes dans le numérique et que concrètement la situation évolue beaucoup trop lentement. On voit encore qu’il n’y a pas assez de femmes encore qui contribuent à des projets libres. Il y a encore trop d’évènements avec une majorité d’intervenants masculins, voire 100 % masculins ; j’en ai encore vu récemment et je pense que c’est juste plus possible. Il y a encore trop peu de femmes dans les comités de direction des entreprises et puis encore, au quotidien, trop de situations de sexisme ordinaire qu’on doit subir. En échangeant entre femmes on se rend vraiment que beaucoup ne se sentent pas légitimes à prendre la parole que ce soit en public ou parfois dans des environnements fermés, ce qui me semble très problématique.

Frédéric Couchet : D’accord. Avant de repasser la parole à Catherine Dufour, j’ai une petite question collective. Catherine, dans son introduction, a parlé des années 40/50 jusqu’aux années 70 on va dire, mais dans les années 80 il y a eu un moment important c’est l’arrivée des ordinateurs personnels. Est-ce que l’arrivée des ordinateurs personnels a aggravé la situation dans le sens où ils ont peut-être été plus donnés à des garçons qu’à des filles ou, au contraire, est-ce que ça n’a joué aucun rôle ? C’est une question ouverte. Je redonne la parole à Catherine Dufour.

Catherine Dufour : Je n’aurai pas de réponse. Je dirais que très probablement, de toute façon, on a plus tendance à offrir des petits ordinateurs aux garçons et puis des petites machines à repasser aux filles, mais c’est juste du feeling. Il n'y a pas de données chiffrées là-dessus.
Pour reprendre, ce qu’a dit Katia est très important, c’est qu’il ne s’agit pas uniquement de plafond de verre. Un plafond de verre, vous montez en même temps que les hommes et à un moment pouf ! vous arrêtez, eux continuent. C’est ce qu’on appelle le couloir de verre. Là je voulais vous raconter une petite anecdote : une fois je suis intervenue dans une grosse société où il y avait une espèce de raout « féminisme et diversité ». C’est-à-dire qu’en gros on met dans une salle les femmes, les Noirs et les handicapés et on fait une grande conférence pour parler de ces soucis-là et à quel point la société essaye, justement, de détruire les inégalités. L’introduction a été faite par monsieur le PDG et puis il y a eu une petite allocution de monsieur le directeur financier et après ils nous ont dit : « Ce n’est pas tout ça, mais nous on a conseil d’administration, on va vous laisser discuter entre vous » [prononcé avec une voix mielleuse, NdT]. Ces messieurs sont allés exercer leurs fonctions régaliennes en nous laissant entre femmes, c’est-à-dire la responsable de la communication, la responsable des ressources humaines, c’est-à-dire, comme disait effectivement Katia, toutes les fonctions un petit peu molles, un petit peu dans le social, mais qui ne ont pas le nerf de la guerre, qui ne sont pas les vraies décisionnaires. Et à ce moment-là à la pause, en discutant avec les jeunes filles et les moins jeunes qui travaillaient dans cette société, j’ai compris que ce n’est pas tellement qu’on les empêchait de monter, c’est que dès le départ on les met dans un couloir de verre qui les emmènera, de toute façon, vers les fonctions molles où on est facilement remplaçable et où on ne prend pas les décisions importantes. Les hommes gardent en attribution, je dirais, le cœur du métier et le nerf de la guerre.
On ne raisonne plus forcément maintenant en fonction de plafond de verre mais en fonction de couloir de verre et c’est très bien fléché depuis le début de la carrière. Donc je félicite Katia pour avoir résisté à la pression de prendre ce couloir.

Frédéric Couchet : Avant de redonner la parole à Katia, sur le métier de développeuse, j’insiste : écoutez le podcast de l’émission avec Katia et Emmanuel Raviart où ils ont expliqué qu’on pouvait être développeur et développeuse de logiciels, en l’occurrence de logiciels libres, pendant des années et des années, que devenir chef de projet ou faire du marketing ce n’est pas la voie absolue ; je vous encourage vraiment à l’écouter. Je voulais juste savoir, par rapport à ma question sur les ordinateurs personnels des années 80, est-ce que Katia ou Caroline vous avez un commentaire là-dessus ou, pareil, vous n’avez pas de réponse ? Katia.

Katia Aresti : Effectivement je n’ai pas vécu ça parce que, justement, je pense que mon père m’a quand même un peu mis dans la tête que je devais être ingénieure. Depuis toute petite, quand j’avais trois/quatre ans et qu’on me demandait ce que je voulais être quand je serai grande, moi je disais que je voulais être ingénieure, parce que lui disait « tu vas être ingénieure ». Après j’ai fait ça parce que, plus tard, j’ai appris à coder et j’ai aimé coder. C’est pour ça que j’ai pris cette voie, pas parce que mon père m’a dit de faire ceci ou cela, c’est vraiment qui moi ai choisi. Ce qui est intéressant dans mon cas c’est que lui m’a poussée à beaucoup de choses : c’est lui qui apportait les Lego à la maison, il achetait des jouets typiquement plus orientés pour des garçons ou, disons, marketisés pour les garçons, donc pas roses, mais j’avais aussi des poupées, énormément de poupées, je faisais de la peinture, je faisais de la danse, etc. Disons que j’ai été exposée à tout et je n’ai pas vécu ça. Après ’ai eu un ordinateur. Oui, je crois que ça peut avoir une grosse influence la façon dont on te pousse à la maison et tous les stéréotypes de jouets, etc. Ce à quoi on joue quand on est petit et qu’on grandit avec ça, ça joue forcément quand même. Du coup, à mon avis, je pense qu’il y a forcément eu une influence, mais en même temps c’est empirique, je n’ai pas de data, de données.

Frédéric Couchet : On reviendra sur ce sujet dans le cours de l’émission, justement sur le rôle de l’éducation, des parents, de l’école, etc. Juste après on va aborder aussi le sujet de ce qui aggrave la situation aujourd’hui, de ce qui peut aussi l’améliorer, on va parler d’aujourd’hui. Caroline, est-ce que sur la partie expérience des années 80, même si, de mémoire, tu es un peu plus jeune peut-être que nous, est-ce que tu as une expérience ou des commentaires à faire ?

Caroline Corbal : Je rejoins Katia. Moi j’ai eu de la chance parce que mes parents m’ont tout de suite mis un ordinateur dans les mains, c’était dans les années 90, donc j’ai pu essayer ça dès le début et c’est là où je pense que l’école va aussi avoir un rôle fondamental pour gommer les discriminations qu’on peut avoir dans certains foyers. J’espère de toute façon qu’à terme, dans les foyers aussi, on aura de moins en moins ces discriminations-là.

Frédéric Couchet : D'accord. OK. On va parler un petit peu, même si Caroline a commencé, de ce qui aggrave la situation, de ce qui peut améliorer la situation et aussi des propositions concrètes. On parlera aussi, peut-être, des spécificités du logiciel libre s’il y en a par rapport à l’informatique en général parce qu’il peut y en avoir. Catherine Dufour, vous vouliez intervenir ?

Catherine Dufour : Oui. Je voulais juste dire que la notion de père est très importante. J’ai écrit un livre.

Frédéric Couchet : Pair, p, a,i, r ?

Catherine Dufour : P, e, r, e, avec un accent.

Frédéric Couchet : P, è, r, e, OK.

Catherine Dufour : J’ai écrit un livre, le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses, où je donne des modèles c’est-à-dire des biographies de femmes informaticiennes, mathématiciennes, chercheuses d’or, agentes secrètes, surfeuses, bref, tout un tas de métiers rigolos et que traditionnellement les femmes ne font pas. Donc je me suis intéressée aux biographies de ces femmes-là, celles qui font de la voile, celles qui font du combat rapproché, enfin bref, des choses vues comme masculines. Systématiquement, c’est le père qui autorise. Émilie du Châtelet qui est une grosse génie mathématique du 18e siècle, c’est son père qui lui a donné l’autorisation de faire et je retrouve très souvent le père comme moteur du fait qu’une femme s’affranchisse des limites imposées à son genre. Donc messieurs, si vous vous sentez féministes, le meilleur service que vous pouvez rendre aux femmes c’est d’autoriser votre fille à sortir justement de ces limites, l’autoriser et lui donner les moyens. Véritablement, ça se retrouve systématiquement.

Frédéric Couchet : D’accord. Excellente intervention. On reviendra sur la partie éducation encore plus en détail après.
Caroline, tout à l’heure tu avais commencé à citer quelques points qui aggravent la situation. On a bien compris l’historique, mais aujourd’hui il y a des choses qui aggravent. Est-ce qu’on peut faire un petit peu tour d’horizon rapide et peut-être les choses qui permettent, justement, de corriger ces points négatifs et les propositions concrètes ? Là on parlera un peu plus de vos structures et de vos actions. Qu’est-ce qui aggrave aujourd’hui la situation qui n’est déjà pas très belle ?

Caroline Corbal : Déjà, je dirais que ça dépend du point de vue où se place. Si on se place au niveau des organisations, par exemple des entreprises et des associations qui sont deux milieux que j’ai pu pas mal expérimenter, ce que j’ai observé c’est que le manque de dialogue est vraiment un souci. Entre équipes on a vraiment besoin de se parler, de se dire quelles sont nos attentes sur ces sujets-là au risque d’entretenir des situations qui sont non satisfaisantes. Ensuite, je pense qu’un des soucis c’est le manque de prise de risque : par exemple prise de risque lors d’évènements à inviter des intervenantes qui sont moins expérimentées, en se disant qu’on veut tel ou tel nom masculin parce que c’est une valeur sûre. En fait, je pense qu’il faut vraiment qu’on apprenne à faire confiance à des femmes plus jeunes et si on ne le fait pas c’est un cercle vicieux et ces femmes-là ne pourront jamais se former.
Ensuite, je pense que la manière dont les enjeux de diversité et d’inclusion sont traités aggrave parfois le problème parce que soit c’est traité comme des enjeux de communication sans action concrète derrière ce qui peut les desservir, soit, en fait, c’est l’inverse, on n’en parle pas parce qu’on a peur de mal faire, de mal en parler, de ne pas utiliser les bons termes, par exemple de faire peur à ses clients ou au public et ça je pense que c’est vraiment regrettable.
Et dernier mot là-dessus, au niveau global aussi, je pense que l’absence de rôles modèles joue un rôle clé parce que nos cultures numériques sont vraiment peuplées d’icônes masculines. Que ces hommes-là nous inspirent ou non, on peut tous citer leurs noms alors que ce n’est pas le cas de la plupart des femmes qui excellent aujourd’hui dans le milieu informatique. Je pense que ça aggrave vraiment le problème parce que les jeunes filles ne peuvent pas s’identifier à des rôles modèles féminins.

Frédéric Couchet : Très bien. En plus ça me fait rebondir sur le livre de Catherine Dufour, Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses où vous avez justement des rôles modèles.

Catherine Dufour : Des rôles modèles, c’était le but.

Frédéric Couchet : Des rôles modèles, anciennes et actuelles, ça c’est important et on reviendra aussi tout à l’heure sur le rôle important joué sur ce rôle modèle notamment avec Duchess France pour la mise en valeur des rôles modèles. Est-ce que vous voulez compléter, Katia ou Catherine, sur cette partie vraiment aggravation de la situation ou est-ce qu’on passe directement aux choses plutôt positives, c’est-à-dire comment améliorer les choses ?

Catherine Dufour : Je suis tout à fait d’accord avec ce que dit Caroline. En plus, moins il y a d’intervenantes moins il y a d’intervenantes. C’est-à-dire que quand on veut convier, avoir un minimum de parité et qu’on convie une femme, elle a déjà 80 invitations parce qu’elle est un peu toute seule. C’est un problème que je rencontre fréquemment. Il y a quand même des solutions, il y a un site qui s’appelle expertes.fr qui est très bien, où vous allez trouver des femmes d’absolument toutes les couleurs dans toutes les disciplines. Surtout n’hésitez pas à aller sur ce site-là, il est génial pour trouver de la ressource.

Frédéric Couchet : Katia.

Katia Aresti : Rien. Je pense que tout a été dit et très bien expliqué.

Frédéric Couchet : On va parler des propositions concrètes ou en tout cas pour résoudre ce problème. Ça va être aussi l’occasion de présenter un peu vos initiatives et sans doute d’autres initiatives, il n’y a pas que les vôtres, évidemment. On va peut-être commencer par Duchess France avec Katia Aresti. Comme tu l’as dit tu es développeuse chez Red Hat, une entreprise du logiciel libre, et tu fais partie de Duchess France. Quel est l’objectif de Duchess France et quelles sont vos principales actions ?

Katia Aresti : Duchess France est une association qui a été créée début 2010 par quatre femmes qui avaient fait un constat : justement, elles faisaient des soirées techniques à Paris et elles se disaient « pourquoi il n’y a pas plus de femmes ? Elles sont où les autres femmes, etc. ? Peut-être qu’elles ne sont pas motivées à venir à des soirées, etc. » Du coup elles ont créé ça avec justement l’idée de dire « vous n’êtes pas toutes seules, il y a plus de développeuses et de femmes techniques donc rencontrons-nous et créons ». Ça c’était l’origine du groupe. Je me suis inscrite au groupe dès le départ, dès la création en mars 2010, et ensuite, deux/trois mois après, je suis devenue membre organisatrice. Donc je ne suis pas fondatrice, mais je suis là depuis la fondation. Nos actions sont là principalement pour mettre en avant justement des femmes pour que d’autres femmes s’inspirent des différents parcours, mettre en place toute une communauté sur Slack dans laquelle aujourd’hui on peut discuter.

Frédéric Couchet : Précise ce qu’est Slack.

Katia Aresti : Slack c’est un chat, un logiciel qui sert à créer des canaux de chat.

Frédéric Couchet : De communication.

Katia Aresti : Voilà. Du coup on peut poster sur différents sujets, échanger, etc., des trucs techniques comme personnels, n’importe quoi. On organise aussi des soirées techniques à Paris. On essaye que les intervenants dans les soirées techniques soient des femmes ou un homme et une femme. Parfois ce n’est pas possible, du coup on ne va pas refuser quelqu’un qui veut venir parler à Duchess parce que c’est un homme, mais le but c’est vraiment de pousser les femmes à parler, à partager leurs connaissances techniques, donc on fait des soirées autour de ça. Ça peut aussi être simplement un apéro. On fait plein de choses. Le truc n’est pas méga structuré dans le sens où on n’a pas une soirée tous les mois, je ne sais pas comment, c’est vraiment selon les besoins.

Frédéric Couchet : Au feeling.

Katia Aresti : Au feeling et selon les disponibilités de chacune parce qu’on fait quand même tout ça en bénévolat et du coup ça prend quand même un temps fou et la plupart nous avons une vie de travail plus famille plus mille trucs. La communauté est quand même assez grande et sur Meetup qui est un site justement pour rassembler, pour organiser des évènements et faire en sorte que les gens s’inscrivent, on était pas loin de 2500 inscrits ou 3000. En fait il y a plein de meetups donc de soirées techniques comme ça sur Paris et mon constat est que quand c’est Duchess qui l’organise la moitié des personnes qui assistent, sur des soirées très techniques, ce sont souvent des femmes. Alors que d’autres soirées techniques organisées par d’autres groupes, peut-être pas une femme, voire zéro, le pourcentage est vraiment beaucoup plus petit. Mais nous on n’organise pas que pour les femmes, on ne ferme à personne, en fait.

Frédéric Couchet : D’accord. On reviendra sur ta remarque, notamment sur les réunions mixtes ou non-mixtes ; les réunions non-mixtes peuvent avoir leur importance. Je relaie une question ou plutôt une suggestion qui est sur le salon web – n’hésitez pas à vous joindre à nous sur causecommune.fm –, Marie-Odile qui suggère sous forme de question d’enregistrer les conférences et de les publier et en plus je pense qu’elle pourrait rajouter qu’elle va les transcrire parce Marie-Odile c’est la personne qui transcrit les conférences. Question : est-ce que ces conférences sont enregistrées ?

Katia Aresti : Celles qu’on fait avec Duchess ?

Frédéric Couchet : Oui.

Katia Aresti : S'il y a moyen dans la salle qui nous héberge, oui, mais sinon non et parfois ce sont juste des ateliers de coding, c’est pour les pros. Souvent, ce qu’on fait, c’est pour les pros, ce n’est pas pour initier les gens au code, on est là vraiment pour les pros, donc ce sont des choses techniquement assez poussées, en fait.

Frédéric Couchet : D’accord. Caroline Corbal, de ton côté Open Heroines je pense que c’est assez proche. Tu vas nous expliquer ça. D’où vient Open Heroines et qu’est-ce que vous faites ?

Caroline Corbal : Il y a quelques similitudes avec ce que vient de dire Katia. Open Heroines, en fait, c’est un collectif international qui a été créé il y a quatre ans pour rassembler les voix de femmes qui agissent dans le numérique ouvert. Par numérique ouvert on entend le logiciel libre, l’open data, l’open gov, les communs numériques, etc. C’est un réseau international. Pour le coup c’est fermé aux hommes, c’est uniquement pour les femmes, elles se retrouvent sur un Slack international. Avec une amie, Cécile Le Guen, il y a deux ans on a décidé d’ouvrir le chapitre français de ce réseau face au constat qu’on rencontrait encore dans nos environnements professionnels trop de situations de sexisme ordinaire et qu’on avait vraiment besoin d’en parler entre femmes dans des espaces safe, où on se sent en sécurité pour en parler. Open Heroines en France est un réseau de confiance dans lequel chacune est bienvenue. C’est complètement informel, il n’y a pas de bullshit, pas de post-it.

Frédéric Couchet : Pas de quoi ?

Caroline Corbal : De bullshit. Comment on dit en français ? On parle de choses sérieuses quoi ! On parle de choses sérieuses, il n’y a pas de post-it, pas d’ordre du jour, pas de feuille de route. On va boire des bières [ou autres, Note de l'intervenante] régulièrement. On a une boucle sur l’application Telegram pour échanger, sur laquelle toutes les femmes sont les bienvenues. D’ailleurs il y a aussi des femmes qui ne sont pas dans le numérique qui nous rejoignent parce qu’elles sont intéressées par nos discussions. De temps en temps on monte des projets quand le besoin s’en fait ressentir. Par exemple, récemment, on a organisé une soirée sur les femmes et la politique pour aider des jeunes femmes à s’engager en politique ; là ça dépasse un peu le sujet du numérique. Si vous souhaitez nous rejoindre n’hésitez pas à me contacter et je vous rajouterai dans la boucle des discussions.

Catherine Dufour : Volontiers. Oui.

Frédéric Couchet : D’accord. Invitation lancée. Petite question sur les ateliers ou, en tout cas, sur les rencontres non-mixtes, est-ce que tu pourrais expliquer l’importance de ces rencontres non-mixtes ? C’est un sujet qui a souvent été un sujet de discussion dans les communautés et mal compris. Est-ce que tu peux nous expliquer, ou bien sûr Katia et Catherine, l’importance de ces rencontres entre femmes ?

Caroline Corbal : En fait c’est vraiment là, pour le coup, venu du constat qu’entre femmes on ne se parle pas de la même manière que quand il y a des hommes et qu’il y a aussi beaucoup de femmes qui ne viennent pas à des réunions où il y a des hommes ou alors, si elles viennent, elles n’osent pas prendre la parole de la même manière. Vu l’ensemble des problèmes qu’on rencontrait, on avait besoin d’espaces où on se sent en sécurité, on se sent bien pour aborder ces problèmes. Parfois on parle de soucis liés justement au sexisme ordinaire, de tous ces sujets-là, là on est encore mieux pour en parler entre femmes puisqu’on peut en parler librement, mais on parle aussi d’autres sujets. Je pense que la non-mixité n’est pas l’unique solution mais c’est une solution, c’est quelque chose qui est fondamental déjà pour que les femmes puissent s’organiser entre elles et trouver des solutions.

Frédéric Couchet : D’accord. On va revenir sur ce sujet-là, les propositions concrètes, parce que j’ai vu sur vos sites que vous avez pas mal de propositions, notamment on reviendra sur l’organisation des conférences, justement quels conseils on peut donner aux structures qui organisent des conférences.

On va faire une pause musicale. On va écouter Age of Feminine par Kellee Maize. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.

Pause musicale : Age of Feminine par Kellee Maize.

Voix off : Cause Commune - 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Age of Feminine par Kellee Maize disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.

Nous allons poursuivre notre discussion concernant les femmes, l’informatique et le logiciel libre, toujours avec Catherine Dufour, Katia Aresti et Caroline Corbal. Juste avant la pause musicale nous parlions d’Open Heroines et de Duchess France ; je précise que Duchess c’est sans « e » à la fin ; on citera les sites à la fin de l'émission, on les mettra évidemment en référence et vous les retrouverez sur les sites de l’April et de Cause Commune. On commençait un petit peu à parler des propositions, des pratiques des unes et des autres dans vos structures. Tout à l’heure Caroline Corbal, dans les problématiques, a cité ce qu’on appelle les « manels », c’est-à-dire les panels d’intervenants avec que des hommes. Effectivement il y a beaucoup de conférences où on retrouve principalement des hommes. Quels conseils donnez-vous et d’ailleurs je crois, Katia Aresti, de mémoire, que tu participes à un comité de programmes ?

Katia Aresti : Oui.

Frédéric Couchet : On va commencer par Caroline parce qu'elle est au téléphone. Quels conseils vous pourriez donner aux personnes qui organisent des conférences ou des tables rondes ou des évènements soit informatiques soit libristes, peu importe, justement pour donner aux femmes la place qu'elles méritent d’avoir ? Caroline Corbal.

Caroline Corbal : Déjà d’être vigilants sur cette question des « manels ». Déjà avoir un comité de programmes paritaire il me semble que c’est un bon départ, c’est même une condition minimum. Ensuite, pour aller trouver des profils féminins, la question du référencement qui a été évoquée par Catherine tout à l’heure, il y a la plateforme Les expertes qui, du coup, est disponible et consultable et une autre plateforme pour l’international qui s’appelle speakerinnen.org où il y a pas de mal de profils féminins qui sont référencés. Le souci c’est qu’il y a pas mal de femmes qui n’osent pas encore se référencer sur ces plateformes.

Catherine Dufour : speaker quoi ?

Frédéric Couchet : speakerinnen.org.

Caroline Corbal : speakerinnen.

Frédéric Couchet : On mettra les références sur le site de la radio et sur le site de l’April puisque, effectivement, ce n’est pas évident à prononcer. Je précise aussi et je te redonne la parole que sur Duchess France il y a une liste d’expertes techniques, c’est d’ailleurs là que j’avais trouvé Katia Aresti quand je cherchais une développeuse pour l’émission de l’April. Je te laisse poursuivre.

Caroline Corbal : Je disais qu’il y a pas mal de femmes qui ne se référencent pas par manque d’information ou parce qu’elles ne se sentent pas légitimes à revendiquer une expertise. Mon message c’est vraiment « référencez-vous, vous êtes légitimes et votre parole compte » et si vous êtes un homme vous pouvez aussi référencer les femmes autour de vous ou, en tout cas, les inciter à le faire, leur en parler.
Ensuite, pour terminer sur les conférences, je pense qu’il est important de créer un environnement dans lequel chacun et chacune se sente en confiance pour intervenir et que, pour ça, avoir des outils comme un code de conduite c’est quelque chose qui est tout à fait nécessaire pour créer des environnements dans lesquels on se sent en confiance. Il y a aussi tout un tas d’outils qui sont expérimentés dans des conférences, beaucoup de conférences aux États-Unis où, par exemple à l’entrée de la conférence, on vous donne un badge avec le prénom par lequel vous voulez qu’on vous nomme lors de la conférence, est-ce que vous souhaitez ou non être pris en photo, etc.

Frédéric Couchet : D’accord. Katia Aresti.

Katia Aresti : Déjà je vais rajouter que ce qui arrive souvent aujourd’hui dans les conférences dès qu’il y a un panel dans lequel il n’y a pas de femmes, il y a quand même un peu de tweet bashing sur la conférence en mode « mais pourquoi il n’y a ? Qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez fait de la merde, etc. » Et, en fait, souvent ce sont des hommes qui organisent ou qui ont une équipe dans laquelle il y a peut-être une ou deux femmes et majoritairement des hommes qui ont quand même fait un effort de chercher, mais les femmes ont dit non pour y aller parce que souvent nous sommes les mêmes qui sommes sollicitées. Pourquoi je trouve que c’est un problème ? Ce n’est pas que nous disons non, le problème est que souvent il arrive que les personnes qui organisent se disent « ah, on veut inviter justement des femmes mais qui sont ces femmes-là ? » Iils les connaissent très peu parce qu’en fait ça ne suffit pas de s’intéresser pour faire venir parler des femmes, juste pour cocher une case « diversité », il faut s’intéresser avant, mais bien avant, genre des mois et des mois avant que tu organises une conférence. Parce que comme ça, quand on va t’inviter, tu vas savoir que ce n’est pas parce que tu es femme – ce qui est une horreur quand tu te fais inviter juste parce que tu es une femme – parce que dès tu es visible tu es quand même un peu sursollicitée et tu as quand même cette impression-là. C’est un truc qui revient souvent quand on discute chez Duchess France, tu te dis « est-ce qu’on m’invite parce que je suis légitime ou juste parce que je suis une femme et que je vais cocher une case "diversité" ». Mais quand tu es invitée parce qu’on connaît ton travail et qu'on t’invite parce qu’on te veut, on a beaucoup plus tendance à dire oui et à ne pas sentir ce syndrome d’imposteur pour y aller et oser se lancer.
Le conseil fondamental que je donne aux gens, comme l’a déjà dit Caroline, avoir une équipe mixte c’est très bien parce que souvent les femmes s’intéressent à d’autres femmes, mais les hommes qui sont en train d’organiser doivent aussi s’intéresser à ce que font leurs collègues féminines, s’intéresser avec beaucoup d’avance. C’est quand même comme ça que cette communauté se crée, qu’elle s’agrandit et les femmes ont vraiment envie d’aller parler dans leurs conférences. Tu ne vas pas avoir cette impression de « oui on m’invite parce qu’ils veulent cocher une case "diversité" et pas avoir un Twitter bashing derrière ».

Frédéric Couchet : Ce que je trouve bien, après je donne la parole à Catherine Dufour, notamment sur Duchess France ou d’autres sites comme ça, c’est que votre expertise est mise en avant, notamment la tienne sur ton développement. En fait, je connais quelqu’un dans le monde du logiciel, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vue, c’est Agnès Crépet que tu connais, qui est maintenant à Amsterdam chez Fairphone, donc en cherchant un petit peu les profils techniques j’ai vu que ce qui était mis en avant tout ce sont vos compétences techniques. Nous on cherchait évidemment quelqu’un qui avait une expérience technique et aussi une longue expérience dans le développement logiciel, ce qui n’est pas forcément évident comme tu le disais au début, les gens qui ont 15 ans d’expérience dans le développement logiciel, ce n’est pas évident. Dans cette émission on voulait vraiment quelqu’un qui fait du développement et pas quelqu’un qui est devenu chef de projet. Ce que je trouve bien sur ces sites-là ce sont ces mises en avant de la compétence technique, mais, comme tu le dis effectivement, il ne faut pas s’y intéresser au dernier moment, ça nécessite un travail et je pense, je poserai peut-être la question, que ça ne doit pas reposer, dans les communautés de programmes, que sur les femmes ; ça doit être la responsabilité du comité de programmes globalement d’avoir cette démarche-là.
Une autre question me vient à l’esprit et je te laisse réagir, une question comme ça vous pourrez y répondre, un truc qui est dur à combattre c’est peut-être l’habitude des hommes, des réseaux, d’être entre eux ? Est-ce que vous avez vécu ça par exemple quand vous participez à des comités de programmes ou des évènements, cette habitude que les hommes ont d’être entre eux ?

Katia Aresti : Justement, je pense que c’est quelque chose que moi, comme femme, je vais avoir encore plus tendance à aller m’intéresser à des femmes, mais je m’intéresse aussi aux hommes parce que c’est un milieu dans lequel j’ai énormément de collègues masculins ; je suis tellement habituée, j’ai beaucoup d’amis hommes dans l’informatique, mais du coup je vais avoir cet intérêt-là. Donc je comprends que les hommes, par défaut, aient un intérêt pour d’autres hommes, comme tu dis, mais il faut qu’on essaye tous de briser ça, des deux côtés en fait. C’est ça qui va aider à s’ouvrir à des choses. Justement, peut-être qu’au début tu ne vas pas forcément t’intéresser à ce que font d’autres gens et, en plus, pas que par rapport homme-femme mais aussi par rapport techniquement. Si tu fais beaucoup de trucs mais back-end.

Frédéric Couchet : Back-end ?

Katia Aresti : Désolée. Si tu fais beaucoup de Java peut-être que tu devrais t’intéresser aussi à ce qui se passe en JavaScript.

Frédéric Couchet : Ce sont deux langages de programmation qui ne sont pas exactement pareils. Il faut de l’ouverture.

Katia Aresti : Voilà. Il faut une ouverture dans tous les aspects, ça aide à aller justement sur un truc beaucoup plus diversifié dans tous les sens.

Frédéric Couchet : D’accord. Catherine Dufour je vous laisse réagir là-dessus et j’étends la question au monde professionnel sur le recrutement. Comment aujourd’hui, dans le recrutement en informatique, on peut encourager à avoir plus de femmes qui candidatent à des postes et qui sont recrutées après ? Catherine Dufour.

Catherine Dufour : Je me rappelle de mes débuts en tant qu’auteure, autrice de science-fiction ; des autrices de science-fiction en France à l’époque – je parle de ça parce que je suis la cacochyme de l’émission, j’ai 53 ans –, donc il y a une vingtaine d’années, on était trois autrices de science-fiction. Eh bien j’y suis allée ! J’étais timide et je n’aimais parler ni sur des estrades ni dans le poste. Et j’y suis allée parce que sinon il n’y avait pas de femmes, il n’y avait personne. Il faut y aller et après il faut arracher le micro des mains des hommes, vous leur tapez sur la tête avec et vous prenez la parole. Vous n’êtes pas aimable et souriante parce que c’est ce qu’on attend de vous et vous parlez et vous râlez et vous protestez ; il n’y a que comme ça qu’on y arrivera. Peut-être que dans trois générations le sexisme ne sera plus qu’un mauvais souvenir, mais pour le moment le peu de femmes qui accèdent justement à un micro doit absolument y aller pour défendre les autres. Vous ressentirez, de toute façon, le syndrome de l’imposteur parce qu’on l’a toutes – de toute façon les bons ont le syndrome de l’imposteur, mâles comme femelles. Vous l’attrapez, vous faites comme Virginia Woolf, vous lui tordez le cou, après vous le mettez sur votre chaise et vous vous asseyez dessus des deux fesses.
Je suis allée à des tas de conférences avec des hommes ; ils parlent bien, ils ont un bel organe, ça déroule et ils ne me passent jamais le micro. Tout ça c’est une question de pouvoir. Finalement tout ça c’est une question d’argent, c’est une question de pognon ; il y a un gâteau, chacun en veut la plus grosse part. Il est évident que ce sont les hommes qui ont la main dessus et s’ils ouvrent la porte et qu’ils laissent entrer 50 % de la population, et je ne vous parle même pas de la population non-blanche, il va y avoir beaucoup plus de monde sur le gâteau. Donc il faut juste ne pas attendre qu’on vous tende le micro, il faut le prendre et s’en servir pour taper sur la tête des autres ; ce n’est peut-être pas très gracieux mais c’est absolument indispensable.

Frédéric Couchet : Avant de donner la parole à Caroline Corbal, si vous appréciez la prise de parole de Catherine, je vous encourage à lire son livre Ada ou la beauté des nombres, vous allez notamment découvrir plein de choses sur Ada, mais, en plus, il y a de la truculence dans le texte et je précise qu’on va enregistrer une interview de Catherine Dufour, sur son livre, qui sera diffusée normalement le 19 novembre 2019, donc dans 15 jours.
Caroline, est-ce que tu veux réagir et, par rapport aux questions que j’ai étendues sur la partie recrutement, est-ce qu’il y a des choses spécifiques par rapport au recrutement dans les sociétés d’informatique ? Et la question du début que j’ai oubliée, à laquelle on n’a pas répondu, c’est : est-ce qu’il y a une spécificité, bonne ou mauvaise, dans la partie logiciel libre par rapport à l’informatique en général ou est-ce qu’il n’y a aucune spécificité ? Caroline Corbal. Ça fait beaucoup de questions !

Caroline Corbal : Ça fait beaucoup de questions. Déjà je suis en phase avec tout ce qui vient d’être dit, je rajouterais peut-être aussi sur le côté « les hommes sont beaucoup entre eux » que c’est quelque chose que j’ai énormément vu et ressenti et c’est là où je pense que la solidarité féminine doit vraiment jouer parce que j’ai aussi vécu des cas où ça n’était pas le cas et j’ai reçu des refus de femmes à m’aider, à me tendre une main, notamment parce qu’elles avaient sûrement accédé aussi à des situations de pouvoir ; c’est peut-être un mécanisme qui se répète, je ne sais pas, mais j’ai trouvé ça vraiment dur et je pense que la solidarité féminine doit être au cœur de notre action et on doit vraiment créer des réseaux d’entraide et de soutien nous aussi.
Sur la partie recrutement, je pense qu’il faut que les recruteurs pensent à adapter impérativement leur processus de recrutement, c’est-à-dire rédiger les offres de manière plus inclusive. Il faut arriver à faire comprendre aux chercheuses d’emploi qu’elles sont ciblées par ces offres et partager aussi sur les bons réseaux. Aujourd’hui il y a des dizaines de réseaux qui sont dédiés aux femmes dans le numérique et il faut envoyer ces offres sur ces réseaux-là.
Ensuite, il ne suffit pas de recruter des femmes dans vos organisations, il faut aussi les accueillir dans de bonnes conditions et ça, ça implique nécessairement d’y investir du temps humain, des moyens, donc c’est forcément un budget et il faut vraiment se donner les moyens pour arriver à progresser sur ces sujets. Ça rejoint ce qu’on disait tout à l’heure. Pour les évènements c’est exactement la même chose, il faut arriver à créer des environnements qui soient inclusifs, dans lesquels chacun et chacune se sent en confiance pour travailler. Ça rejoint, Fred, exactement ce que tu disais, je pense que ça ne doit absolument pas reposer sur une seule personne qui est trop souvent une femme. Il faut vraiment qu’on accepte que la charge mentale de la diversité soit partagée par tous en interne.
Ça ce sont des principes qu’on peut très bien, dans une organisation, élaborer collectivement, par exemple lors de sessions dédiées et ensuite les formaliser dans un document commun qui peut prendre la forme d’une charte, d’un code de conduite ou autre, peu importe la forme qu’il va prendre à la fin.

Frédéric Couchet : D’accord. Petite question avant d’aborder le sujet suivant sur le rôle de l’éducation, de l’école, des parents. Pour que les hommes évitent de se faire taper dessus avec un micro par Catherine, au-delà d’arrêter de faire des blagues sexistes au travail ou même en société, est-ce que vous avez des conseils à leur donner, des conseils pratiques ou simplement le conseil principal que vous voudriez leur donner ? Caroline.

Caroline Corbal : C’est un travail que j’avais fait avec mes collègues, notamment dans mon ancienne entreprise, l’idée c’est vraiment d’être un bon allié et pour ça, les points qu’on avait un peu élaborés, c’était déjà de dire que quand on a une discussion collective avec des hommes et des femmes autour de la même table, il faut écouter jusqu’au bout chaque prise de parole, accepter de ne pas prendre toute la place et respecter le leadership des femmes. Je sais que parfois c’est difficile mais vraiment il faut respecter le leadership des femmes et, s’il vous plaît, ne pas rire aux blagues et aux remarques sexistes par convention ; c’est quelque chose qui arrive hyper-souvent, il y a une blague qui est adressée à l’auditoire, souvent ce sont des blagues qui, en plus, ne sont pas du tout drôles et par convention, par habitude, on rit tous. Ça vraiment c’est un réflexe qu’il faut qu’on arrive à déconstruire parce que ça fait beaucoup plus de mal qu’on ne l’imagine.

Frédéric Couchet : D’accord. Sur cette partie-là est-ce que vous voulez compléter, Katia ou Catherine, avant qu’on passe au sujet suivant ? Katia Aresti.

Katia Aresti : Dans les conférences ou dans le travail ne pas affecter un rôle à une femme sur son apparence. Je dirais pareil : quand on n’assume pas que tu n'es pas assez technique ou qu'on t'assigne un rôle ou un autre, en fait, tu as l’impression qu’on ne te prend pas au sérieux. Donc assumer que la personne qui est en face de soi est aussi expérimentée que soi, qu’elle en sait autant que soi et que, si elle n’est pas technique, peut-être qu’elle va le dire elle-même. Mais ne pas penser, dans une conférence technique avec 3000 développeurs, que la femme qu'on croise fait forcément du marketing. Ce qui est très bien de faire du marketing, s’il vous plaît, c’est très bien.

Frédéric Couchet : C’est très bien. Justement ça me fait penser à une question et après je passe la parole à Catherine, par rapport au logiciel libre. Je crois qu’il y avait une statistique qui était sortie sur une plateforme de développement logiciel, peu importe le nom, qui listait le pourcentage d’acceptation de code venant d’un pseudo de genre masculin ou de genre féminin et quand c’était un genre féminin, il y avait moins de chance que le code soit accepté rapidement. Est-ce que je me trompe ou est-ce que c’est une réalité ?

Katia Aresti : Dans mon expérience, j’ai une équipe remote.

Frédéric Couchet : À distance.

Katia Aresti : On est distribués dans le monde, ils sont tous garçons sauf moi, et je ne me sens pas différente des autres. En fait, mon équipe est super : je me sens appuyée, soutenue. Quand il faut dire que ce n’est pas bien, ils le disent vraiment à tout le monde, bref !, ça c’est super. Mais je connais justement une développeuse qui était une grosse contributrice d’un gros projet open source appelé Docker, elle avait deux comptes différents dont un pour pouvoir envoyer des trucs sans qu’on sache que c’était elle et elle disait que ça passait justement plus simplement. Après, j’imagine que ça dépend de la communauté, que ça dépend du projet.

Frédéric Couchet : Je crois que c’est une statistique qui a été faite sur GitHub qui est une plateforme de développement, mais on vérifiera et on mettra les liens si besoin. Peut-être que je me trompe, mais mon intuition ne doit pas être loin. Caroline.

Caroline Corbal : Tu as tout à fait raison, c’est une étude qui était sortie en 2016 sur GitHub qui s’appelle Gender bias in open source.

Frédéric Couchet : Les biais de genre dans le logiciel libre. Voilà.

Caroline Corbal : Exactement.

Frédéric Couchet : D’accord. On mettra les références sur les sites de la radio et de l’April. Catherine Dufour.

Catherine Dufour : Si on veut en savoir un peu plus, de façon chiffrée, sur ce problème-là, cette problématique-là dans le monde du travail, il faut lire TGS, Travail Genre et Sociétés. C’est une revue qui est menée depuis, je ne sais pas, 20/30 ans, en tout cas fondée par madame Maruani. Ils vont tout simplement poser des questions aux jeunes : que veux-tu faire plus tard ? Et c’est toujours la même chose. Quand une jeune fille dit « moi je veux être maître-chien », on lui dit « mais non, c’est mieux coiffeuse. » Quand un homme veut être coiffeur, il arrive dans une promo où elles sont 99 et il est tout seul, il est accueilli, bien sûr, comme le Saint-Sacrement. Quand une femme décide de faire génie mécanique, sur une promo de 100 elles sont deux, les autres étudiants n’ont de cesse de dessiner des bites sur leurs boîtes à outils, de faire des bruits de bouche et de faire, bien sûr, des blagues sexistes qui vous ravalent à votre foufoune jusqu’à ce que, en général, sur les deux il y en a au moins une qui craque et qui va faire coiffeuse ! Malheureusement ça ne change pas tellement et il est évident qu’on rêve de pouvoir compter sur une solidarité féminine. Les femmes c’est comme n’importe quel peuple opprimé, il y en a quand même un sacré nombre qui ont intériorisé leur infériorité et qui se feront couper en deux plutôt que de montrer la moindre solidarité. Et ça c’est un vrai problème !
Le problème de la misogynie féminine, permettez-moi de vous dire, c’est encore une terra incognita à défricher ; je vais laisser des femmes plus jeunes que moi se débrouiller avec et j’en suis ravie !

[Rires]

Frédéric Couchet : Vous venez de parler des enfants quand ils ont des ambitions de métier quel qu’il soit. Justement, c’est le dernier sujet, enfin l’avant-dernier avant les petits conseils de lecture et de podcasts sur le rôle, même si on en a déjà un peu parlé tout à l’heure, de l’éducation, des parents, de l’école. Katia a raconté son expérience avec son papa. Tout à l’heure Catherine Dufour a expliqué le rôle central du père dans l’autorisation de faire telle ou telle chose. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose sur ce point-là ? Est-ce que vous avez des conseils à donner aux parents, aux amis des parents ou, tout simplement, au système éducatif français. Caroline.

Caroline Corbal : Oui, sur le système éducatif, que l’école apprenne davantage déjà à connaître les nouveaux métiers qui utilisent le numérique. Tous les métiers, maintenant, vont utiliser du numérique - s’ils ne le font pas déjà - et je pense qu’il faut que les conseillers d’orientation et les profs qui accompagnent les élèves dans leurs choix puissent mieux parler de ces métiers-là, davantage les valoriser, les rendre plus attractifs pour donner plus envie ; en parler évidemment de la même manière aux filles et aux garçons et ensuite je pense qu’il y a un rôle fort des écoles de code. Les écoles de code doivent aussi apprendre à lutter contre les situations de sexisme, je pense notamment aux polémiques qu’il y avait eues avec l’École 42 qui faisaient un petit peu froid dans le dos quand on lisait des témoignages de jeunes filles qui étaient entrées brillamment dans cette école et qui en étaient sorties après quelques mois tellement elles disaient qu’elles expérimentaient au quotidien des situations de sexisme, de blagues, de réflexions sur leur tenue, etc.

Frédéric Couchet : Ça me fait penser, en termes d’école, et après je vais passer la parole à Katia et à Catherine, qu’il y a une école qui vient d’ouvrir ou qui va ouvrir, qui s’appelle Ada Tech School, principalement à Paris je crois, sauf erreur de ma part, mais on vérifiera, qui est une école qui est ouverte à toute personne mais qui affiche très clairement, justement, un accueil bienveillant, inclusif, etc. Le nom de Ada est évidemment choisi en référence à Ada Lovelace dont on parlera sans doute le 19 novembre avec Catherine Dufour.
Sur cette partie éducation, parents, enfants, amis des parents aussi parce qu’ils ont des rôles par rapport aux enfants, Katia Aresti tu veux ajouter quelque chose ?

Katia Aresti : Je ne sais pas, mais je constate que les enfants tout petits jouent vraiment au rôle de l’imitation, mais vraiment ! J’ai deux filles. Elles ont deux ans d’écart. Quand ma fille aînée a vu qu’on a vu qu’on avait un petit bébé à la maison, elle a commencé à jouer à s’occuper des bébés. Et un jour, aussi, elle a monté un petit truc en Lego à la con, quand elle avait trois ans et demi et d’un coup elle s’est mise à faire « tic, tic, tic » comme ça. Le papa lui a demandé « qu’est-ce tu fais ? — Je fais comme maman à l’ordinateur. » ; « tic, tic, tic ».

Frédéric Couchet : Comme on est à la radio, je précise que Katia est en train de mimer quelqu’un qui tape sur un clavier.

Katia Aresti : Désolée. D’un coup, je me croyais à la télé !

Frédéric Couchet : Bientôt !

Katia Aresti : Ce que je veux dire c’est qu’il y a un rôle d’imitation très fort qui se fait : les enfants imitent tout. Justement il faut éviter de tomber dans des cases en tant que parent. Après il y a nous, il y a l’école, il y a les autres parents, il y a tout le monde. Moi je n’achetais pas de fringues roses à ma fille, mais là c’est juste pas possible, elle en veut. Malgré moi ! Du coup je ne sais pas comment faire. Je lui dis non ? Eh bien non, je lui achète aussi des trucs roses, à un moment donné je choisis mes batailles ! Je veux dire qu’il y a pas que nous. Essayer de montrer différents exemples, surtout donner des choix et ne pas s’enfermer sur les box de marketing : ça c’est pour les filles, ça c’est pour les garçons, essayer de surpasser tout ça.

Frédéric Couchet : OK ! Catherine Dufour, vous vouliez réagir ?

Catherine Dufour : Oui. En général on essaye de donner l’éducation qu’on juge bonne à ses enfants et la société vient tout vous pourrir derrière, notamment en gavant les petites files de rose.
Il y a une très jolie petite histoire : madame de Maintenon, l’épouse de Louis XIV, ouvre une école pour filles justement à Saint Cyr [Maison royale de Saint-Louis]. Elle avait été une petite jeune fille plutôt mignonne, qui s’achetait des petites dentelles et puis elle se mettait devant son miroir et elle se faisait des mines et des duckfaces comme toutes les gamines. Dans son école, deux bonnes sœurs ont chopé des gamines en train de se mettre du rouge à lèvres, quelque chose comme ça. Elles sont allées voir madame de Maintenon en disant qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on les pend sur la place publique ? Est-ce qu’on leur donne 200 Ave et 200 Pater à réciter ? Et madame de Maintenon a répondu : « Pour mourir à ces délicatesses il faut y avoir vécu, laissez-les faire ». C’est-à-dire que globalement les petites filles il faut les laisser se gaver de rose jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus, elles lâcheront elles-mêmes la chose en temps voulu. On ne peut pas lutter contre la société complètement, on peut aiguiller et puis il ne faut quand même pas trop s’inquiéter : un gamin qui n’est pas trop contrarié sur une de ses lubies finira fatalement par passer par autre chose et s’il est intelligent ou intelligente par passer à quelque chose de bien.

Frédéric Couchet : D’accord. Il nous reste deux/trois minutes, donc ça va être la dernière question : quels conseils, ça peut être de lectures, de podcasts, de vidéos ou autres, vous conseilleriez que ce soit aux femmes, aux hommes, aux parents, aux enfants. On va commencer par Caroline Corbal.

Caroline Corbal : Moi j’avais pensé à trois choses. Ce n’est pas lié directement au numérique mais de sont des supports, des œuvres qui traitent de sujets féministes et qui me semblent très inspirants et éclairants pour comprendre les mécanismes qui sous-tendent les dynamiques sexistes qui sont à l’œuvre dans le numérique.
En podcast j’avais pensé au podcast Les couilles sur la table qui est animé et pensé par Victoire Tuaillon, qui sort bientôt en livre et qui est hyper-intéressant. Et aussi « Un podcast à soi » de Charlotte Bienaimé.
En BD, toutes les BD de Liv Strömquist qui est une auteure suédoise, qui est hyper-drôle en plus et je pense notamment à L'Origine du monde ou à I'm every woman. C’est drôle, ça apprend plein de trucs sur le féminisme et ça donne des grilles de lecture vraiment assez intéressantes je trouve.
Et puis l’excellent Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet qui là, pour le coup, est un peu plus dense mais qui est tout aussi intéressant.

Frédéric Couchet : Tu m’enverras les références précises pour que je les rajoute sur le site. Je confirme que le podcast Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon est excellent.
Catherine Dufour, au-delà de vos livres, j’encourage vraiment à lire Ada ou la beauté des nombres – je l’ai fini avant-hier – et l’autre que je n’ai pas lu, que je vais commander, qui est le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses, est-ce que vous avez des conseils de lecture, de podcasts ou autres ?

Catherine Dufour : J’aurais un peu les mêmes. Vous pouvez faire tout Mona Chollet et après vous passerez à Naomi Klein et vous commencerez par Caliban et la Sorcière (Note de transcription : il s'agit en fait de Sylvia Federici). Après on se recause.

Frédéric Couchet : Mona Cholet, je crois que c’est l’an dernier ou il y a deux ans, a publié un livre Sorcières, la puissance invaincue des femmes.

Catherine Dufour : Sorcières. Avant elle avait fait un livre je ne me souviens plus du titre c’est sur la façon d’habiter chez soi [Chez soi, une odyssée de l'espace domestique] et avant elle avait fait Beauté fatale, les nouveaux visages d'une aliénation féminine. Tout Mona Cholet est effectivement incontournable.
Si vous préférez la BD, vous pouvez passer par Les Culottées de Pénélope Bagieu, ce n’est pas mal.

Frédéric Couchet : D’accord. Pareil vous m’enverrez les références que je n’ai pas. En tout cas les personnes qui écoutez l’émission, n’hésitez pas à nous envoyer des références et il y a d’autres sites ressources : on ne va pas citer mais par exemple opensourcediversity.org sur lequel il y a pas mal de références.
Par contre on n’a pas cité les sites web : Duchess France c’est duchess-france.org sans « e » à « duchess » et vous verrez sur le site pourquoi ça s’appelle Duchess, je vous laisse découvrir, ça a un lien avec la mascotte Java.
Open Heroines, c’est quoi le site principal Caroline ?

Caroline Corbal : C’est openheroines.org et, pour le chapitre français, vous pouvez plutôt nous retrouver sur le site de codefor.fr.

Frédéric Couchet : OK. En tout cas je vous remercie, c’était passionnant et ce n’est qu’une première émission sur le sujet parce qu’il y a évidemment plein de sujets qu’on n’a pas abordés.
Nous étions avec Caroline Corbal de Code for France et d’Open Heroines, Katia Aresti développeuse chez Red Hat et Duchess France et Catherine Dufour ingénieure en informatique qui a écrit de la fantaisie et qui a publié récemment Ada ou la beauté des nombres chez Fayard et qu’on retrouvera le 19 novembre dans notre studio.
Merci à vous et passez une agréable fin de journée.

Catherine Dufour : Merci.

Katia Aresti : Merci.

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour depuis novembre 2019 au 8 septembre 2020. Vous venez d’écouter un sujet enregistré. Je vous précise que le sujet initialement prévu aujourd’hui, l’initiation à la programmation pour les femmes qui sera donc une suite logique de l'émission diffusée à l’instant, aura lieu courant septembre. L’enregistrement va avoir lieu en septembre et sera sans doute diffusé en septembre 2020 ou en octobre 2020.

Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons écouter With you instrumental par HaTom. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : With you instrumental par HaTom.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter With you instrumental par HaTom disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm. Je rappelle que c’est un choix de notre nouveau programmateur musical Éric Fraudin du site Au Bout du Fil, Éric que nous aurons le plaisir d’avoir la semaine prochaine, mardi 15 septembre 2020, pour sa première chronique.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 FM et en DAB + en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Première chronique d'Antanak avec Isabelle Carrère sur le thème de l’installation d'un système d'exploitation libre

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec grand plaisir avec la première chronique d’Antanak et notamment Isabelle Carrère. Bonjour Isa.

Isabelle Carrère : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Antanak, si vous vous souvenez, on en a déjà parlé dans l’émission sur le réemploi informatique, c’était le 23 juin 2020, donc dans l’émission 70 ; vous retrouverez évidemment le podcast sur le site de la radio. Et les locaux d’Antanak, comme je le disais la semaine dernière, sont juste à côté des studios de la radio, donc c’est au 18 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement de Paris. Antanak est une association qui agit pour l’appropriation par toutes et tous de l’informatique.
On a le grand plaisir de t’accueillir pour une première chronique dont le thème va être justement l’installation de systèmes libres ?

Isabelle Carrère : Voilà ! Tout à fait. L’idée en fait c’était, comme tu viens de le faire, de refaire le pont avec ce qu’on avait pu évoquer avec Joyce [Markoll] lors de cette émission où tu nous avais invitées au mois de juin. On avait eu l’occasion de parler un petit peu de ce qu’est reconditionnement, réutilisation, réemploi, etc., et très rapidement on arrivait sur les utilisateurs.
Mon idée aujourd’hui, pour cette première chronique, c’était de faire un petit focus sur ce qui se passe entre les deux, donc qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qu’on fait et comment on pratique à Antanak l’installation d’une distribution libre sur un ordinateur.

Les ordinateurs que nous avons, on l’a vu, ce sont des ordinateurs qui nous sont donnés majoritairement par des entreprises et par des particuliers. Les entreprises, on le sait, gardent à peu près entre trois et cinq ans leur matériel avant de s’en débarrasser, tout ou partie, elles font ça par vagues en général. Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là, elles considèrent donc, comme les particuliers considèrent de la même manière les ordinateurs qu’ils viennent nous donner, comme obsolètes. De quoi parle-t-on et c’est quoi cette obsolescence-là ? En fait, c’est parce qu’ils considèrent qu’il y a un moment où l’ordinateur n’est plus performant. Mais de quelle performance parlons-nous ? Ce n’est pas aux auditeurs et auditrices de l’April que je vais expliquer ces choses-là. Il y a quand même trois grands champs sur le sujet de la performance.

Frédéric Couchet : Tu peux expliquer parce que majoritairement les auditeurs et auditrices de Cause Commune ne sont pas membres de l’April, je pense.

Isabelle Carrère : Pas majoritairement. Mais enfin, à Libre à vous !, j’imagine qu’il y a pas mal de gens qui s’y connaissent, désolée pour celles et ceux pour qui tout cela est une évidence.
Les trois points : quand on parle de performance pour un ordinateur on dit quoi ?
La question du débit possible, donc les entrées-sorties. Qu’est-ce qu’un appareil est en capacité de retranscrire, retransmettre, qu’il s’agisse d’ailleurs des choses externes, comme ce qu’on va voir par Internet par exemple, mais aussi les capacités internes d’un poste. Ça veut dire le lien, le débit entre un périphérique et l’ordinateur : entre un moniteur pour avoir un affichage à l’écran, une clef USB, un micro, une imprimante, peu importe, mais voilà !, quel est le débit possible, c’est la première notion dans la performance.
La deuxième c’est le processeur lui-même. Le processeur ça veut dire temps d’exécution d’une instruction qui a été fournie par un programme et/ou la capacité de calcul de l’appareil : en une seconde combien de calculs il peut faire et qu’est-ce qu’il peut travailler ? Ça c’est pour le processeur.
La troisième chose ça va être la capacité de mémorisation. Mémorisation à la fois dans la mémoire vive qu’on appelle la RAM, ou celle qu’on ajoute en swap, et la mémoire dite morte qui est celle des données sur le disque dur.
Du coup, quand on nous donne un ordinateur ce sont ces trois choses-là qu’on va aller regarder, vérifier, une fois, évidemment, qu’on a fait du nettoyage parce que c’est rare que les ordinateurs nous arrivent très propres et on les nettoie.

Frédéric Couchet : Quand tu parles de nettoyage, c’est nettoyage des données ?

Isabelle Carrère : Oui et non. Les deux. Tu as raison, il y a le nettoyage des données, évidemment, mais là je parlais plus en termes de nettoyage physique, je suis vraiment sur la machine elle-même, donc on démonte tout et on remonte tout parce qu’en général il y a beaucoup de poussière qui s’est infiltrée un peu partout quand ce n’est pas pire que de la poussière !
Ce qui est intéressant avec ces trois sujets c’est de quoi parle-t-on ? La performance pour les entreprises ou les gens qui considèrent que l’ordinateur ne leur suffit plus c’est quoi ? C’est vitesse et quantité. Rapidité d’obtention de l’information et nombre d’informations que je suis capable d’obtenir. C’est intéressant parce que je trouve que ce sont deux thématiques très actuelles en tout cas dans nos sociétés occidentales, la vitesse et la quantité. De fait, les fabricants de matériel, mais aussi vraisemblablement les développeurs, jouent le jeu de cette recherche de toujours plus, toujours plus vite, plus de choses, plus d’informations, etc., ce qui fait que les gens aussi vont là-dedans, pas simplement pour des effets de mode mais aussi parce qu’on habitue toutes les personnes à vouloir que « eh bien oui, j’appuie sur un bouton il faut que ça réponde tout de suite et je veux pouvoir transporter des tas de données et avoir un débit très rapide ».
En fait, dans la pratique, on voit bien que ce n’est pas obligatoirement ça qui est vraiment nécessaire. C’est-à-dire que la majorité des « actes quotidiens », entre guillemets, si je peux m’exprimer comme ça, ne requiert pas cette vitesse-là et ne requiert pas autant de choses. Donc cette vitesse est technique. Elle est technique, elle est voulue ou requise, on va dire ça comme ça, gentiment, par la technique, parce que la gourmandise est là. Les vidéos sont de plus en plus lourdes, les pages web sont costauds. On l’a vu dans la période récente, pour communiquer tout le monde voulait avoir une caméra, un bon micro, etc., mais tout ça requiert des choses qui font que vitesse et quantité sont requises partout.
Du coup, les ordinateurs ne sont plus suffisants. Or, quand nous on regarde ce qui est réellement nécessaire, on va voir tout à l’heure que ce n’est pas exactement tout ça.

Donc ce matériel nous arrive. On l’a nettoyé, on l’a remonté. La question suivante va être : quel est le système d’exploitation le plus adapté qu’on va pouvoir y installer ?
Dans un premier temps, au tout début d’Antanak en 2015, quand on a ouvert l’association, on s’était dit que l’idéal c’était de pouvoir immédiatement à la fois l’adapter bien sûr à la machine, ses propres capacités, mais aussi l’adapter à la personne qui serait l’utilisatrice finale. Mais ça c’était un vœu pieux, parce que dans la vraie vie on ne sait pas tout de suite, au moment où un ordinateur nous arrive, qui sera l’utilisateur ou l’utilisatrice finale, donc ça ne marche pas. En plus il fallait qu’on ait un peu de temps d’avance, donc qu’on soit capable de préparer à l’avance du matériel. Donc qu’est-ce qu’on s’est dit ? On s’est dit très bien, on va le faire d’abord en fonction du CPU, les trois axes que je viens de dire tout à l’heure.

Frédéric Couchet : Le CPU c’est le processeur.

Isabelle Carrère : Le processeur, son âge, sa génération, le nombre de cœurs, etc., et puis de la RAM. On rajoute toujours de la RAM, mais les ordinateurs ont une capacité limitée, définie.

Frédéric Couchet : Capacité maximale d’acceptation de la RAM.

Isabelle Carrère : Du coup, il y a de très vieux postes qui ne peuvent accepter que deux gigas, par exemple. Ceux-là ce n’est pas la peine d’essayer de leur en mettre 32, de toute façon ça ne marchera pas ! En même temps, il y a des gens, François, quelqu’un d’Antanak qui viendra sans doute dans une prochaine chronique, qui est très content quand il arrive à faire fonctionner des postes avec 512 mégas de RAM. C’est un sujet qui est compliqué parce qu’on voit bien que notamment pour Internet ça ne marche pas. Ça marche pour beaucoup de choses, on peut faire du traitement de texte avec très peu de RAM. Dès qu’on veut aller sur Internet c’est mort, effectivement, parce que les développements sont… Je ne veux pas y revenir, mais ce sont bien nos questions de performance de tout à l’heure.
En tout cas quand on décide qu’on va installer une distribution GNU/Linux et là ça va être une des distributions non commerciales, communautaires et grand public qu’on va choisir. Donc on va mettre du Debian, de l’Ubuntu, du Xubuntu, du Mint, de l’antiX, du CentOS, du Bodhi Linux, j’en passe et des meilleures. Pourquoi ? Nous on n’est vraiment pas pour le monopole d’une distribution, on serait très malheureux et très tristes s’il n’y avait plus qu’un grand qui prendrait toute la place du, entre guillemets, « marché du Libre » et on est friands de ce que nous-mêmes et les gens qui viennent à Antanak puissent voir plusieurs choses différentes. Et ce n’est pas simplement un vœu pieux, c’est vraiment une chose qui est super importante pour nous et c’est pour la même raison que nous n’avons pas, contrairement à d’autres associations, choisi de faire notre propre distribution. Outre le fait qu’on n’est pas tous des informaticiens, moi la première, on aurait pu se dire ça, on va en aménager une, repartir de quelque chose. On n’a pas voulu ça, on n’est pas la-dessus. Ce qu’on veut c’est montrer l’ouverture, montrer les capacités parce que toutes ces communautés font un boulot incroyable, génial, et je pense que ça nous intéresse plus de mettre ça en valeur, de reconnaître ça et d’en parler plutôt que de dire « non, voilà, il y a une distribution qui est la bonne c’est, deux points ouvrez les guillemets ». Non, on n’est pas là-dessus !
De ce fait on arrive à trouver la meilleure ou la bonne distribution pour le poste en question en fonction des critères machine dont j’ai parlé tout à l’heure. Parfois on a quelques soucis parce que, on ne sait pas trop pourquoi, il y a des cartes filles, par exemple la carte réseau Wifi qui, avec telle distribution, ne va marcher. Parfois on n’y arrive pas, du coup on est obligé de changer de braquet, on dit ce n’est pas celle-là que je vais utiliser c’est plutôt telle autre. On change. Sinon en général on s’y tient une fois qu’on a décidé ça.
Par contre, ce qu’on a fait de manière à ne pas être tout le temps juste avec une clef USB avec une image ISO qu’on va installer, c’est un processus un petit peu long, on a mis en place quelque chose, c’est Florian, un autre membre d’Antanak qui a mis ça en place, on se sert de Clonezilla. En fait, on fait sur des petits disques durs de 40 gigas, nos propres bibliothèques d’images à partir de ces distributions que j’ai citées tout à l’heure. À chaque mise à jour on remet notre bibliothèque d’images à jour et on a les dernières versions mais avec nos « propres paramètres » entre guillemets, c’est-à-dire qu’on met les paramètres dans Firefox, par exemple on dit qu’on veut que le bouton fermeture soit là. On met deux/trois choses telles on a envie et telles qu’on a constaté que pour les gens c’était plus facile d’accéder à ça.
On dépose tout ça sur notre serveur et ensuite, avec Clonezilla, on va aller chercher la distribution qui va bien. Avec Clonezilla on fait un clone sur le disque dur de l’appareil qu’on est en train de reconditionner pour la personne. Du coup on accélère beaucoup notre processus, on est très fiers de ça parce que c’est le seul endroit où on est un peu industriel et moins artisanal et ça marche très bien. Après, avec Gparted en graphique ou Parted en terminal, il n’y a plus qu’à retirer, en fait, les partitions pour que l’ensemble du disque dur soit utilisable par la personne à qui on va donner l’ordinateur, parce que sinon on n’aurait, à chaque fois, que les 40 gigas.
Voilà. Et on a gardé malgré tout quelques petites images en 32 bits pour les anciens postes. En tout cas, on est vraiment sur cette ligne de pouvoir faire des choses variées.
On voit bien que 90 % des usages des gens qui viennent chercher un ordinateur à Antanak, ça va être quoi ? C’est Internet et le traitement de texte. Il y a 10 % de gens qui vont venir et avoir besoin d’autre chose pour faire de la vidéo, du son, des trucs autres, etc. On a trouvé que finalement c’était la bonne façon que nous choisissions par rapport à la machine, cette adaptation-là de la bonne distribution GNU/Linux qui ensuite va être utilisée par les gens et ce, sans aucun souci.
Si j’ai 30 secondes encore, je vais juste raconter une petite histoire de fin, c’est assez amusant. Quand on donne des ordinateurs on explique aux gens tout ça, comment ça marche, ce qu’ils vont en faire après, ce à quoi ils s’engagent pour le bon entretien, blablabla. Pendant le confinement on a donné énormément d’ordinateurs. Un jour j’étais en train d’expliquer à un jeune comment fonctionnait l’ordinateur qu’on allait lui donner. Il m’écoute très sagement, très gentiment, du moins le pensais-je, il ne posait aucune question. J’ai dit « c’est bon, vous n’avez aucune question ? » Et sa question c’était : « Maintenant, pour installer Windows, je fais comment ? »…

Frédéric Couchet : Il y encore du boulot !

Isabelle Carrère : Il y encore du boulot, voilà c'est ce que je voulais dire !

Frédéric Couchet : Ça donnera l’occasion d’avoir d’autres chroniques.
C’était la première chronique d’Antanak, antanak.com pour le site web, et sinon 18 rue Bernard Dimey dans le 18e à Paris, juste à côté du studio. Merci Isabelle. C’était Isabelle Carrère qu’on retrouvera tous les mois.
Je précise aussi que Isabelle anime l’émission Un coin quelque part sur radio Cause Commune sur l’habitat, donc n’hésitez pas à l’écouter.

Isabelle Carrère : Merci beaucoup.

Frédéric Couchet : Merci Isabelle.
On a approche vraiment de la fin de l’émission. On va faire quelques annonces si j’ai le temps.

[Virgule musicale]

Annonces

Frédéric Couchet : Juste une petite annonce. N’hésitez pas à nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, nous poser une question ou simplement nous faire un retour. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46, je répète 09 72 51 55 46.

Notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Isabella Vanni, Julie Bideux, Isabelle Carrère, également Catherine Dufour, Caroline Corbal et Katia Aresti, c’était le sujet enregistré il y a un an.
Aux manettes de la régie mon collègue Étienne Gonnu.
Merci également à Antoine, bénévole à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio, pour la post-production des podcasts.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui fait le découpage du podcast complet en sujets individuels.

Vous retrouverez sur causecommune.fm et sur april.org une page avec toutes les références utiles et les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. N’hésitez pas à faire connaître l’émission et également la radio Cause Commune, la voix des possibles, le plus possible autour de vous.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 15 septembre 2020 à 15 heures 30. Notre sujet principal sera la réponse à la question que vous vous posez tous depuis 1970 : c’est quoi l’informatique ?

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 15 septembre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d'émission : Wesh Tone par Realaze.

13 September 2020

de_crevoisier.png LE-ROUTEUR-WIFI.COM

Starlink futur FAI mondial : On vous présente le projet.

Le 13 September 2020 à 13:26:46

Question sérieuse : Est-ce que vous avez vu un OVNI récemment ?

De très nombreux témoignages font état d’objets non identifiés en formation serrée, sur un même axe, très lumineux. Et bien si vous avez été l’un de ces témoins, j’ai une bonne nouvelle, il ne s’agissait pas d’OVNI, mais d’un lâché de satellites Starlink.

Des petits satellites de télécommunication envoyés en orbite par lots, par l’entreprise portant le même nom, Starlink, et ayant pour vocation de fournir une connexion internet au sol.

Encore un projet fou

C’est au mois d’avril que le septième lot de satellites a été envoyé dans l’espace, avec ce lot, la constellation de ces satellites (c’est comme ça qu’on dit) est passée à 700 unités. Et avec ce nombre, l’entreprise d’Elon Musk va pouvoir commencer la commercialisation de son offre internet via satellite.

Au premier abord, il est possible de se demander à quoi cela peut bien servir. En effet, il y a d’autres moyens de connecter les gens au net, mais l’entreprise mise sur une offre pouvant être accessible de n’importe où dans le monde et à très haut débit, ce qui est un peu compliqué à mettre en place dans certains lieux.

Pour le moment, les tests donnent des débits d’environ 60 Mbps, mais à termes, ils devraient être bien plus importants. Starlink veut mettre en orbite 12 000 de ces petits satellites, on n’a donc pas fini de signaler des apparitions d’OVNIS en formation.

Des détails ?

Pour pouvoir profiter de cette offre un peu spéciale, il faudra s’équiper d’un routeur spécifique, qui a d’ailleurs était présenté récemment par l’entreprise. Il devrait s’agir d’une box triangulaire qui fournirait du WiFi en 2.4 et 5 Ghz à 866 Mbps. Mais il faudra, bien évidemment s’équiper également d’une antenne parabolique qu’il faudra monter sur son toit. Cette antenne est motorisée et elle adaptera sa position automatiquement en fonction du signal.

Pour le moment, il est très difficile de vous donner des chiffres précis sur les débits que nous serons en droit d’attendre, à termes. Mais vous pouvez dès à présent vous mettre en tête que durant les années qui viennent, l’entreprise Starlink va devenir un FAI à l’échelle mondiale. De quoi étendre encore un peu plus l’emprise impressionnante que les entreprises d’Elon Musk commencent à avoir dans plusieurs domaines technologiques.

Certes, pour le moment, mis à part la fourniture d’internet à tous les recoins du monde, il est un peu difficile de s’imaginer ce que cela pourra nous apporter, à nous, qui sommes déjà bien pourvu en terme de connexion. Mais imaginez que les routeurs Starlink, dans les prochaines années deviennent bien plus petits, et que les antennes arrivent à être intégrées, à votre voiture, voir même directement dans votre smartphone. Ça voudrait dire que l’on pourrait avoir un réseau WiFi stable et performant, partout dans le monde même en plein milieu du Sahara, avec le même abonnement que celui qu’on a à la maison !

Du coup, je pense qu’il faut voir Starlink comme un moyen immédiat de fournir du net là où c’est difficile, mais également comme un pari sur pour l’avenir afin de généraliser les connexions haut débit de manière simple. Il faudra donc en reparler dès que l’offre sera disponible, puis à nouveau quand toute la constellation sera déployée.

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april.png Nouvelles April

Le robot, mon ami ? Talk Sapiens - La Tribune #9

Le 13 September 2020 à 09:31:51


Site ¿Qué es la Robótica?

Titre : Le robot, mon ami ? Talk Sapiens - La Tribune #9
Intervenant·e·s : Laurence Devillers - Ysens de France - Serge Tisseron - Olivier Babeau, voix off - Philippe Mabille
Lieu : Talk Sapiens- La Tribune #9
Date : juillet 2018
Durée : 49 min 40
Écouter le podcast
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Ingeniería mecatrónica, ¿Qué es la Robótica? - Licence Creative Commons CC By 4.0
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Santé, industrie, défense, marketing, automobile : les applications liées à la robotique sont légion et se développent à grande vitesse. Cette omniprésence, souvent associée à un anthropomorphisme délibéré, ne risque-t-elle pas de brouiller la frontière entre humains et robots ?
Cette question était au cœur du 9ème Talk Sapiens-La Tribune

Transcription

Olivier Babeau, voix off : Bonjour. Je suis Olivier Babeau, le président de l’Institut Sapiens, la première think tank française qui replace l’humain au cœur du numérique. Le Talk Sapiens c’est une fois par mois, une discussion approfondie entre experts pour mieux comprendre les grands enjeux de ce siècle qui commence.

Philippe Mabille : Bonjour à toutes et à tous et bienvenue pour ce nouveau podcast organisé par l’Institut Sapiens et le journal La Tribune que je dirige. Je suis ravi de vous retrouver après une longue absence liée au confinement. Nous ne sommes non pas encore confinés, je suis à mon bureau, mais nous essayons de déconfiner nos esprits avant de démarrer dans l’été pour parler d’un sujet qui aurait pu nous rendre bien des services pendant le confinement, d’ailleurs pour certains ça a peut-être été le cas même si on a vu que la pandémie covid a montré que l’humain restait quand même essentiel ; que ce soit dans la santé ou pour la distribution alimentaire, heureusement qu’il y a encore des humains qui sont là ! Peut-être que pour la prochaine épidémie ou la prochaine vague, si jamais elle a lieu, se posera la question de l’usage des robots pour nous remplacer et prendre moins de risques. C’est vrai que ça pourrait être bien pratique face aux virus d’avoir des robots dans les hôpitaux ou des robots dans les supermarchés.
Pour parler justement de l’avenir du robot, à supposer que la question de savoir si le robot peut-être ou pas notre ami et où est-ce qu’on en est de cette technologie, on a trois invités très prestigieux et je suis ravi de les avoir avec nous pour ces 45 minutes de débat. Nous avons Laurence Devillers. Bonjour Laurence.

Laurence Devillers : Bonjour.

Philippe Mabille : Vous êtes professeure à Sorbonne Université en informatique appliquée aux sciences humaines et sociales. Vous dirigez la chaire de recherche en intelligence artificielle HUMAAINE en apprentissage machine, détection des émotions et interaction homme-machine. On va beaucoup parler de ces sujets-là. Vous avez publié en mars dernier, avant le confinement, Les robots émotionnels aux Éditions de l’Observatoire.
Avec nous également Serge Tisseron, vous êtes psychiatre. Bonjour Serge.

Serge Tisseron : Bonjour.

Philippe Mabille : Psychiatre et psychanalyste, membre du Conseil scientifique du CRPMS [Centre de Recherche Psychanalyse Médecine et Société], vous nous direz ce que c’est, à l’Université de Paris, et membre de l’Académie des technologies. Vous êtes à l’origine de la fameuse règle « 3, 6, 9, 12 » qui donne des repères sur l’utilisation des écrans en fonction de l’âge de l’enfant. C’est vrai qu’aujourd’hui la question de l’intrusion des écrans dans nos vies, peut-être demain des robots, posera des tas de questions psychologiques nouvelles, on va en parler. Vous avez aussi fondé l’Institut pour l’Étude des Relations Homme-Robots (IERHR) en 2013 [Note de l'orateur]. Vous venez de publier L'Emprise insidieuse des machines parlantes, plus jamais seul aux Éditions Les Liens qui libèrent.
Et enfin avec nous, directrice de la prospective à l’Institut Sapiens, Ysens de France. Bonjour Ysens.

Ysens de France : Bonjour.

Philippe Mabille : Vous êtes docteure en droit international public, vous êtes spécialisée en robotique militaire terrestre notamment, vous avez publié une thèse sur le sujet, et vous êtes également directrice adjointe de l’Observatoire éthique et intelligence artificielle à l'Institut Sapiens avec qui nous sommes partenaires.
Après cette présentation un peu longue qui permet de savoir qui parle et d’où il ou elle parle, nous allons commencer avec Laurence Devillers par nous interroger sur la définition, simplement : c’est quoi, dans le monde d’aujourd’hui, quand on parle de robot et comment on fait la différence entre le robot et l’intelligence artificielle alors qu’il y a une interaction de ces technologies de plus en plus importante dans nos vies ?

Laurence Devillers : Merci. Je pense qu’il est essentiel déjà de définir. Donc en trois points.
Il faut différencier la robotique de ce qui est automate, c’est-à-dire que les premiers robots qu’on a vu arriver dans les usines, qui sont les plus connus, ce sont des systèmes qui enchaînent des actions qui sont déterminées, l’ordre est déterminé il n’y a pas de choix fait par la machine.
Quand on parle de robotique on parle d’un outil qui est capable de percevoir dans son environnement, de raisonner sur ce qu’il a perçu, avec des connaissances qu’il peut avoir, de l’ontologie, c’est-à-dire une représentation de notre monde, et puis il est capable de réagir. Il peut être doué de langage et doué d’action dans notre monde en trois dimensions.
Je le distingue du bot qui est peut-être sur mon téléphone ou sur un ordinateur ; je le distingue du chatbot qui est un bot capable de converser ou, en tout cas, d’interaction verbale, parce qu’il ne converse pas. On parle aussi de ces enceintes vocales qui sont des objets, effectivement, mais qui sont des haut-parleurs avec un micro.
Pour revenir à l’IA, l’intelligence artificielle, qui est un oxymore, l’intelligence c’est humain et artificiel c’est artifice, c’est machine, eh bien ces objets que ce soit le robot, l’enceinte vocale, Siri sur mon téléphone, utilisent des modules d’intelligence artificielle pour faire de l’analyse du signal, de la reconnaissance de la parole, de la compréhension, voire de la reconnaissance des émotions, qui est mon domaine, pour générer des réponses, faire des actions. Donc il y a une foultitude de différents modules d’intelligence artificielle et un système qui essaie d’utiliser ces différents modules pour faire cette interaction avec les machines.
Je finirai juste en disant qu'il est essentiel aujourd’hui de mieux comprendre comment elles sont faites et quels sont les usages qu’on peut avoir avec, en regardant également les points de vue éthiques. On verra en discutant dans cette session qu’on n’a pas de loi qui réglemente, qui vérifie, qui audite ces systèmes à l’heure actuelle et qu’il n’est pas évident d’en faire non plus pour tout et qu’il sera aussi nécessaire de faire des chartes éthiques de bonne pratique pour encadrer ces objets.
Dernier point. J’appartiens aussi à un comité d’éthique puisqu’on en a parlé avant, j’appartiens au Comité National Pilote d'Éthique du Numérique, qui est proche du CCNE [Comité consultatif national d'éthique] qu’on connaît bien, qu’on a vu beaucoup pendant la pandémie avec le professeur Delfraissy qui est la tête de ce CCNE.

Philippe Mabille : Merci beaucoup Laurence.
Avant de revenir sur les usages des robots et de leurs interactions avec nous humains, j’en parlais un tout petit peu avant dans mon introduction, je vais maintenant passer la parole à Serge Tisseron peut-être pour évoquer cette intrusion, cette arrivée des machines dans nos vies. On parle de machines parlantes, ça va de Siri qui converse sur nos ordiphones, pour ne citer qu’eux, en tout cas il y a des robots conversationnels aujourd’hui dans nos smartphones. Il y a également, aujourd’hui, de plus en plus de robotique ou d’intelligence artificielle, c'est-à-dire des robots qui ont des yeux avec des caméras, des caméras de surveillance. Donc la voix, les yeux, peut-être demain les bras, on a tous le souvenir de Boston Dynamics qui, avec son chien dont j’ai oublié le nom, son chien robotique qui réalise des performances de plus en plus spectaculaires et qui pose vraiment la question de où s’arrête la frontière ? Justement, j’allais vous poser cette même question sur la définition de la robotique aujourd’hui et où s’arrête la frontière.

Serge Tisseron : Merci. Tout d’abord Laurence a très bien parlé de l’intelligence artificielle et du robot, la différence entre les deux. Je voudrais ajouter un troisième élément qui me paraît vraiment essentiel, ce sont les données, les fameuses big data. Il ne faut pas oublier que l’intelligence artificielle est très dépendante des données qu’on y entre. L’intelligence artificielle dysfonctionne non pas parce que l’algorithme est mauvais, mais parce que les données sont insuffisantes ou bien biaisées. Il faut bien comprendre que quand l’intelligence artificielle va faire fonctionner le robot, le robot va être indirectement dépendant aussi de ces données.
C’est pour ça que c’est très important d’établir, de bien comprendre cette chaîne qui relie les données, l’intelligence artificielle puis le robot. Le robot est en quelque sorte le terminal qui est présent dans une notre environnement, qui a une présence physique, mais il y a toute une chaîne en amont, que nous ne voyons pas, dont il faut vraiment réaliser l’importance.
Sinon, par rapport à votre question, oui, aujourd’hui on s’aperçoit que finalement l’être humain est extrêmement prêt à accorder des compétences presque humaines à une machine. Si vous voulez on croyait que l’être humain était un être de raison, depuis le 18e/19e siècles on en était persuadés. On s’aperçoit que ce n’est pas si acquis que ça. En effet, lorsqu’une machine est capable de nous regarder, lorsqu’une machine est capable de nous parler comme un humain, beaucoup d’entre nous, finalement, se laissent gagner par l’illusion que cette machine, pas humaine, [ben sûr, nous ne sommes pas si bêtes pour le croire, Note de l'orateur], mais que cette machine pourrait avoir des compétences très supérieures à celles qu’elle nous montre [dans l'instant, Note de l'orateur].
Quand je parle avec humain pour lui demander Où se trouve une rue, pour lui demander le prix du pain, je sais bien que cet humain a beaucoup plus de compétences que celles qu’il me manifeste. En effet, lorsqu’une machine est capable de regarder, même si ses yeux sont manifestement des yeux mécaniques, il a été montré que l’humain qui interagit avec elle, c’est Hiroshi Ishiguro1 qui a montré cela, l’humain qui interagit avec la machine la regarde dans les yeux, comme s'il attendait quelque chose de ce regard. Et dès qu’on introduit la voix dans une machine, on le voit aujourd’hui avec les enceintes connectées, beaucoup de gens sont prêts à se laisser gagner par l’illusion que la machine aurait des compétences plus grandes que ce qu’elle n’en a. Les gens font des expérimentations, essayent de coincer un peu la machine avec des questions tordues, puis ils s‘aperçoivent qu’elle n’est pas si maligne que ça et qu’est-ce qu’ils se disent ? Ils se disent vivement la prochaine pour qu’elle soit un peu plus intelligence.

L’idée, comme je le dis toujours, dans le développement de l’intelligence artificielle, dans la relation de l’homme à l’intelligence artificielle, le maillon faible c’est l’homme. Nous sommes prêts à accorder à ces machines des compétences bien plus grandes que celles qu’elles ont en réalité. Ça veut dire qu’il faut constamment remettre les choses au clair sur les compétences réelles de ces machines mais aussi se préoccuper des personnes particulièrement fragiles, traditionnellement les enfants, les personnes âgées, dans les confusions qui pourraient se créer chez elles quand elles utilisent ces machines.

Philippe Mabille : Absolument. Jusqu’au risque de la perte de contrôle, on va peut-être en parler tout de suite avec Ysens de France puisqu’elle a travaillé sur la robotique militaire. Un des rêves de l’humanité c’est de pouvoir effectivement se faire assister de robots, mais on le voit bien dans le film Terminator dont on entend beaucoup parler à propos de la robotique militaire, jusqu’à quel point l’homme garde-t-il le contrôle de la machine quand il l’automatise ? Cette question peut se poser de façon peut-être pas si facile, dérisoire que ça dans la vie quotidienne, mais dans les questions militaires et l’armée évidemment ça serait un danger considérable. Où est-ce qu’on en est, déjà, vous qui connaissez ce sujet, en matière de robotique militaire ? On va basculer très vite dans notre discussion sur ces questions-là, est-ce que des règles éthiques peuvent empêcher l’humain qui est effectivement le maillon faible, et qui pourrait devenir tellement faible qu’il se ferait dépasser ?
Ysens.

Ysens de France : Quand on s’intéresse à la robotique militaire terrestre et plus spécifiquement quand on s’intéresse à ces questions à travers le prisme juridique, la première question qu’on se pose c’est déjà qu’est-ce qu’un robot ?, et, à travers mes analyses et à travers recherches, premier constat, le robot n’existe pas. Le robot n’existe pas parce que dans les armées, mais on l’a vu également à la Commission européenne, je reviendrai dessus après, on considère que le robot est une machine qui est capable de décider. Aujourd’hui ça n’existe pas. Donc comme ça n’existe pas il ne peut pas y avoir d’identification juridique qui lui soit propre. C’est très important, en fait, de prendre le temps de bien définir et de qualifier ce que c’est qu’un robot, parce que ce qu’on voit par exemple dans la robotique militaire terrestre, il y a eu des conversations qui ont été engagées au niveau des États, au sein de l’ONU, et quand ils ont commencé à introduire ces conversations, forcément ils ont parlé de robots. Qu’est-ce qu’on fait des robots militaires ? Qu’est-ce qu’on fait des killers robots ? Qu’est-ce qu’on fait de Terminator ? Et très vite ils se sont dit on va arrêter d’utiliser ce terme-là parce que ça n’existe pas, qu’il y a trop de projections et qu’on a l’impression qu’on va remplacer les militaires dans les conflits armés. C’est pour ça que très vite ils se sont dit on va utiliser un terme plus approprié qui est le « système d’armes »2, on parle de système d'armes létales autonome quand il est en pleine capacité de décider de laisser vivre ou de tuer. Cette qualification de « système d’armes » est importante parce que le signal est fort en fait dans les armées. Le robot restera un objet. Dans ce cadre-là, une fois qu’ils ont défini ça comme un objet, donc un équipement militaire, fait qu’ils parlent moins de confiance que finalement de vigilance, de prudence, de capacités, de capacités de contrôle, de capacités de maîtrise. Ce qu’on a vu aussi lors de ces conversations, c’est qu’au début ils étaient très focus sur la technologie, quelles étaient les capacités de la technologie et très vite, au bout deux/trois ans de conversations, ils se sont dit « non, en fait, on va s’intéresser surtout aux capacités de l’homme à maîtriser et à contrôler cette technologie ».
Ce qui est intéressant, pareil, avec l’aspect juridique, c’est qu’on peut lui donner une seule qualification, c’est une technologie qu’on appelle duale, c’est-à-dire que c’est une technologie qui a une application à la fois militaire et à la fois civile : vous avez un robot chez vous, vous l’armez, ça devient un robot armé.
Ce qui m’a pas inquiétée, mais j’étais assez dubitative justement en travaillant sur ces questions, c’est que j’ai vu deux choses, deux dissonances. Robot militaire on a affirmé son statut d’objet donc le pouvoir de l’être humain de maîtriser, de toujours contrôler son outil et c’est très important dans les conflits armés parce que ça permet de savoir quel est le rôle et la place de chacun lors d’une mission – ce qui compte c’est la performance de la mission – et j’ai vu que dans la robotique civile il y avait une espèce de glissement. On a voulu absolument personnifier le robot, on a essayé de lui donner une personnalité juridique du robot. Et ce qui est très important c’est qu’au nom de la sécurité juridique vous ne pouvez pas, pour un même objet, qualifier d’un côté cet objet-là d’objet et de l’autre dire en fait non, ça va être une personne. C’est impossible en droit parce que ça voudrait dire que d’un côté l’homme reste responsable coûte que coûte et de l’autre on glisserait vers des mécanismes juridiques où on finirait par donner, en fait, de la responsabilité aux robots. Au sein des conflits armés, dire que c’est un objet c’est accorder une place extrêmement importante à l’humain dans les conflits armés et ça c’est déterminant pour les combats, pour la performance de la mission. Voilà ce que j’ai juridiquement.

Philippe Mabille : Merci.
Serge Tisseron, on est au cœur du débat éthique et objet ou pas, « objets inanimés avez-vous une âme ? », comme disait le poète. On voit finalement plutôt le robot comme un auxiliaire : ça peut être un auxiliaire dans la santé, je l’ai dit, ça peut être effectivement un auxiliaire militaire, ça peut être un auxiliaire dans l’industrie, énormément aujourd’hui de travailleurs de l’industrie sont confrontés à la robotique, plutôt d’ailleurs pour les libérer d’un certain nombre de tâches. J’aimerais demander au psychiatre, au psychanalyste que vous êtes, qu’est-ce que ça change dans le cerveau humain de travailler avec cet objet, ce robot ? Est-ce qu’on se sent plus puissant ou est-ce qu’on se sent affaibli, diminué ?

Serge Tisseron : Pour répondre à la fameuse phrase.

Philippe Mabille : Les deux mon général. C’est ça ?

Serge Tisseron : Non, attendez. « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? », oui, celle que nous leur donnons, celle dont nous les créditons.

Philippe Mabille : Absolument.

Serge Tisseron : Par rapport à la robotique militaire, c’est tout à fait vrai pour les militaires, le robot est un objet, un outil. Quand les militaires envisagent l’augmentation du soldat, on parle beaucoup d’augmentation du soldat dans les années à venir, ils parlent de deux choses : Il y a des augmentations exogènes avec des outils dont le robot fait partie et puis il y a des augmentations endogènes [avec différentes substances chimiques ou prothèses, Note de l'orateur] qui modifient la résistence la physiologie du combattant. C’est dans cette logique-là, vous voyez, qu’est pensé aujourd’hui le robot militaire [comme une augmentation exogène du combattant, Note de l'orateur].
Pour répondre à votre question, le problème des robots, une fois dit que ce sont des objets, ça va être comment l’homme va les considérer. Il y a quelques années l’état-major américain s’est aperçu que des soldats en charge de robots démineurs voyaient leur robot très différemment d’un simple objet.

Laurence Devillers : Ce n’étaient pas des robots. Ce sont des objets téléopérés.

Serge Tisseron : Voilà, d’accord !

Philippe Mabille : C’est dans la définition.

Serge Tisseron : C’est ce nom de « robot » qui apparaît partout dans la littérature à ce sujet.

Laurence Devillers : Je suis désolée de la métaphore.

Serge Tisseron : Oui, on va dire « robots » entre guillemets et encore même pas des robots, ils ne sont pas dotés de la voix, ils n’ont pas des yeux, ils se présentent un peu comme une caisse montée sur chenille, avec un bras articulé et une caméra. Donc on va dire que ce ne sont pas des robots, mais on va dire que ce sont des objets téléopérés. Ces objets téléopérés, tout téléopérés qu’ils soient par une intervention humaine, l’état-major américain s’est aperçu que certains soldats se déprimaient quand leur machine était endommagée, que certains demandaient que les honneurs de la guerre soient rendus à leur machine quand elle avait été totalement détruite et, plus intéressant encore, certains demandaient que cette machine même très endommagée soit réparée quel qu’en soit le prix de manière à ce que ces personnes puissent récupérer la même machine avec le même numéro de série, une machine à laquelle ils s’étaient un peu émotionnellement attachés. Donc vous voyez qu’on rencontre le problème de l’attachement à la machine, [un attachement bien plus important que celui qu’on peut développer aujourd’hui avec un objet, Note de l'orateur].

Philippe Mabille : Est-ce que c’est différent de l’attachement à une voiture qu’on possède depuis des années ?

Serge Tisseron : La différence ce sera lorsqu’une voiture commencera à vous parler, mais aujourd’hui elle ne vous parle pas.

Philippe Mabille : C’est vrai qu’elle devient robotisée.

Laurence Devillers : Une voiture c’est un robot.

Serge Tisseron : Ce qui fait la différence quand même c’est que ces machines vont très bientôt être capables de nous interpeller, c’est ça qui fait la différence. Quand vous allez vers une machine, par exemple vous allez vers un distributeur de billets dans une gare SNCF, si vous lui parlez déjà ça simplifie beaucoup vos démarches avec la machine, pour beaucoup de gens ce sera une libération de pouvoir parler à ces machines plutôt que de tapoter sur un clavier qui souvent ne marche pas. En revanche, le changement le plus important n’est pas là. Le jour où vous avez dans votre environnement une machine qui vous interpelle comme certains robots placés d’ores et déjà dans des hôpitaux, qui peuvent dire « bonjour Monsieur machin, bonjour Madame truc, comment allez-vous ? est-ce que vous avez bien dormi ? », à partir de ce moment-là il est bien évident que les compétences dont on va créditer le robot, la machine, vont être beaucoup plus importantes.
Donc si vous voulez, la question qu’on se pose tout le temps à l'Étude des Relations Homme- Robots3, fondé en 2013, c’est cette question-là : de quelle façon des machines qui ne sont pas conçues avec l’idée de remplacer l’humain de quelque manière que ce soit, vont quand même, pour certains usagers, êtres amenées à remplacer des partenaires humains dans l’imagination qu’ils en ont ?

Philippe Mabille : Laurence, la controverse est lancée, allez-y !

Laurence Devillers : D‘abord tout ce qui est anxiogène passionne tout le monde en ce moment. À chaque fois qu’on a des aspects très négatifs ou très caricaturaux autour de ces machines on envole les gens qui oublient de revenir à l’état de l’art. L’état de l’art voulant dire : qu’est-ce que sont capables vraiment de faire ces machines ? À l’heure actuelle pas grand-chose. Elles sont d’une autonomie très limitée. Lorsqu'on parle d’agents conversationnels ils ne conversent pas, ils ne comprennent rien à ce qu’on dit, ils n’ont pas d’émotion et ils ne font qu’imiter des choses qu’on leur a données. L’intelligence vient de l’humain qui a su faire ces machines et en aucune manière la machine ne va devenir créative et ne va se doter de fonctions qu’un ingénieur n’aurait pas prévu de lui donner. À la limite elle pourra capturer quelques données en plus, peut-être qu’elle va d’ailleurs faire que son système sera moins performant parce qu’elle n’aura pas assez de connaissances pour juger des qualités des données qu’elle va réutiliser.
Donc il est urgent dans la société qu’on fasse expérimenter ces objets pour qu’on oublie d’avoir peur à chaque fois qu’on parle de ces sujets.
Maintenant je vais à l’inverse. À l’inverse, on cherche à faire dans certains domaines – la robotique sexuelle en est un – des choses qui nous ressemblent extrêmement fortement, des clones, des Geminoid, des jumeaux de l’humain, avec la même apparence, vides. À l’intérieur on n’a évidemment pas de viscères, on n’a pas de ressenti, on n’a pas de chair. Comme, de toute façon, on ne sait pas encore vraiment modéliser la cellule ni ce que c’est que la pensée humaine, nous sommes dans un balbutiement des choses. On imite en surface, on fait des avions qui volent ce n’est pas pour ça que ce sont des oiseaux. Là on fait des systèmes qui nous ressemblent, qui ont certaines de nos fonctionnalités, mais sûrement pas notre capacité d’humains à ressentir, à créer, à imaginer et à être en solidarité avec les autres, il n’y a rien de tout ça !, même si je connais des chercheurs qui essaient de faire de l’homéostasie dans un robot, c’est-à-dire modéliser une certaine douleur, un certain plaisir, pour que le robot ait des intentions.
Dans le monde de la recherche on manie également fortement la métaphore.
Si je prends maintenant les usagers, les non-experts qui sont devant ces machines, eh bien pour avoir fait beaucoup d’interactions avec des personnes âgées dans des Ehpad ou dans des systèmes avec des gens qui avaient un certain handicap, des jeunes et des moins jeunes, il n’y a pas beaucoup de confusion. Il n’y a pas beaucoup de confusion avec l’humanité. Il y a des projections voulues. Quand l’enfant est petit il adore son nounours ou quand le gars adore sa voiture, il fantasme aussi sur la relation qu’il a avec ces objets. Or ces objets maintenant sont plus sophistiqués, on ne peut plus tellement dire que ce sont des outils, ce sont des systèmes qui réagissent fortement, qui peuvent nous parler et là il peut y avoir manipulation. Mon objectif de recherche à l’heure actuelle, dans la chaire dont vous avez parlé tout à l’heure, c’est justement de travailler sur ces objets conversationnels, c’est l’objet de mes recherches, la parole dans l’interaction, le pouvoir de la parole et le pouvoir de manipulation de la parole.
À travers ça, j’aimerais vous faire prendre conscience de la chose suivante, ce sont des économistes qui l’ont dit, non pas des psychologues ou des psychiatres : nous sommes régis, caricaturalement parce que c’est à mon avis un champ de recherche qui est totalement ouvert, sur des réactions, des prises de décision de l’humain qui sont soit sur système 1, extrêmement rapides par intuition, et on fait beaucoup de choses par intuition, et par un système 2 qui lui raisonne autour de toute la circonstance, etc.
Il faut qu’on fasse mieux comprendre que ces objets manipulent sur ces deux systèmes et nous obligent à aller très vite. L’attention des machines, le fait qu’il faut réagir très vite, ça c’est de l’ordre du système 1, l’intuition : un objet vous dit quelque chose, tac, on va tout de suite répondre sans analyser finalement si que c’est fake, si ce qu’il nous a dit avait une réalité, etc. Ça ce sont des vrais sujets. Ce sont des sujets d’éthique du numérique qui sont apparentés à des désirs commerciaux, à des désirs des géants, des GAFA [Google, Amazon, Facebook, Apple], à des désirs de gens dont on ne lève pas le capot sur les objectifs ni sur ce qu’ils font des données ni sur quels sont les désirs de manipulation.
Si demain je parle à mon Google Home je lui dis « je voudrais une pizza », il va m’envoyer une pizza d’un commerçant. La manipulation est là, à qui il demande ?, à quelqu’un qui a peut-être donné de l’argent pour faire cela.
Il faut démystifier ce côté un peu anthropomorphisme qu’on a dans les machines et ne pas cultiver cette anxiété parce que, finalement, je n’ai pas tellement trouvé, en fait, de personnes qui se faisaient avoir par ces systèmes. À l’heure actuelle ils ne sont pas assez intelligents et on peut apprendre à les débusquer : je peux converser avec un système et l’amener à dire des choses qu’une machine ferait parce que c’est incongru, parce que c’est n’importe quoi.
Si on avait cette éducation de pouvoir démystifier, de savoir comment on interagit avec ces systèmes sans savoir coder, il ne s’agit pas que tout le monde sache coder, il s’agit au contraire qu’on ait des systèmes de défense par compréhension des objets sur lesquels on travaille et, de l’autre côté, pousser les industriels à être en capacité de faire des machines plus transparentes, qu’ils expliquent un peu plus leurs capacités et qu’on sache l’écosystème : où vont les données ? À qui ça sert ? Qui gagne de l’argent avec cet objet ?

Philippe Mabille : Laurence, ce que vous racontez là est tout à fait intéressant, on voit ça dans des films de science-fiction, c’est-à-dire que Hollywood, finalement, nous a permis de nous préparer à ce monde-là. Prenez Blade Runner, c’est quoi ? C’est on chasse des robots en essayant de deviner et ils sont tellement bien faits qu’il faut leur poser une dizaine, une vingtaine de questions pour essayer de déceler la part de machine qui reste en eux. Donc on voit bien, et je reviens sur ce que je disais Ysens, que la question juridique est en train de rejoindre la question éthique. C’est-à-dire que ce Blade Runner nous dit de l’avenir qui, je l’espère, n’aura certainement pas lieu, mais on ne sait pas parce que si jamais un jour on fabriquait, justement, des robots à notre image, on pourrait être confronté à ce type de question. Donc est-ce que le débat n’est pas d’abord juridique ? Est-ce qu’on peut se poser la question d’un droit des robots ?

Laurence Devillers : Non !

Serge Tisseron : Je voudrais juste dire un petit mot parce que Laurence Devillers pourrait laisser imaginer que j’ai des peurs. J’essaie d’anticiper les risques, d’ailleurs elle me connaît bien pour savoir que ce n’est pas la peur.

Laurence Devillers : Ce n’est pas vous qui avez peur, c’est le langage qui fait peur.

Serge Tisseron : Le pouvoir, le poids de manipulation de la parole, c’est exactement le sujet que je traite dans mon dernier livre L’emprise insidieuse des machines parlantes. Plus jamais seul.

Laurence Devillers : Et du mien aussi.

Serge Tisseron : Laurence parlait des deux systèmes, décision lente, décision rapide. L’être humain est doté de deux autres systèmes qui lui permettent de distinguer le vivant du non-vivant. [C’est la théorie de Daniel Kahneman qui était bien psychologue, Note de l'orateur]. Un premier système est de considérer si l’objet, la créature est dotée d’une autonomie d’objectif, c’est le vivant qui est doté d’une autonomie d’objectif, donc de ce point de vue-là l’être humain ne se trompe pas. Évidemment la machine n’est pas dotée d’une autonomie d’objectif, elle a un programmeur derrière elle, elle est programmée, etc.
En revanche l’être humain a un autre système qui lui permet d’organiser sa vie, ses relations avec son environnement, c’est le fait d’intégrer ou pas une créature dans son réseau relationnel. [Ce système est rapide et intuitif,Note de l'orateur] Or ces machines, bien que nous ne leur accordions jamais la capacité d’être vivantes ou d’être autonomes, nous allons les intégrer de plus en plus dans notre vie relationnelle. [Le risque n’est pas de confondre ces machines avec des humains, mais de nous sentir avec elles dans la même familiarité qu’avec nos proches, au point de ne pas opposer un regard critique suffisant à leurs manipulations, Note de l'orateur].

Philippe Mabille : Oui, effectivement nos smartphones avec Siri…

Laurence Devillers : On en est déjà là !

Serge Tisseron : Oui, sauf qu’avec notre smartphone nous parlons beaucoup à des gens que nous connaissons, que nous ne connaissons pas, mais nous parlons encore peu avec notre smartphone [sinon pour relayer des commandes simples comme entrer une adresse au GPS, Note de l'orateur]. En revanche, dans quelques années, nous parlerons probablement beaucoup avec nos robots conversationnels et surtout avec ceux dont nous verrons le visage sur l’écran de notre smartphone. C’est vraiment promis à un bel avenir.
Aujourd’hui, pour résumer, pour moi, dans le domaine de la robotique, on en est là où on en était avec les automobiles en 1920. Le problème c’est qu’à l’époque personne ne s’est vraiment préoccupé des dangers qu’il pouvait y avoir à ne pas sécuriser l’habitacle, à ne pas se préoccuper de la puissance du moteur.
Aujourd’hui, on est exactement dans la même situation. [Il ne faut pas que l’état n’abandonne pas la fabrication des robots aux constructeurs de la même façon qu’il a abandonné pendant 50 ans la fabrication des voitures aux constructeurs, Note de l'orateur]. Donc les robots c’est formidable, si je m’y intéresse c'est parce que j’espère en voir des plus perfectionnés possibles, de vivre très longtemps pour voir des robots très perfectionnés.

Laurence Devillers : Attention !

Serge Tisseron : J’en ai vraiment envie, mais, en même temps, je ne peux pas sous-estimer le risque, je ne veux pas que les mêmes conneries soient faites avec la robotique qu’avec l’automobile ou le smartphone puisque, aujourd’hui, on voit des tas de gens qui me disent dans des conférences : « Monsieur Tisseron, il fallait nous dire un peu plus tôt qu’il ne fallait pas confier un smartphone à un enfant ». D’ailleurs dans mon dernier livre, j’explique que les balises « 3,6,9,12 » que vous avez eu la gentillesse d’évoquer tout à l’heure pour les écrans, eh bien on peut aussi les appliquer aux différentes formes de machines parlantes ou d’objets téléopérés qui vont de plus en plus occuper notre environnement ; avant 6 ans, même jusqu’à 6 ans, ces objets vont être très problématiques.

Philippe Mabille : Je voudrais passer de nouveau la parole à Ysens qui n’a pas beaucoup parlé. J’aurais voulu, Ysens, au-delà de la question militaire que vous connaissez bien, jusqu’à quel point, effectivement, on doit se poser la question d’une législation, d’un droit des robots, d’un droit de l’humain par rapport aux robots et peut-être demain faudra-t-il se poser la question, si on met de plus en plus d’humanité dans ces robots, d’un droit des robots lui-même à être protégés contre la méchanceté des humains.

Ysens de France : Je reviendrai juste deux petites secondes sur ce qui vient d’être dit. Effectivement l’utilisation du terme « robot » c’est d’abord un outil d’influence, un outil de puissance et de pouvoir dont se servent les États au sein d’une course technologique. C’est hyper-important de faire aussi de la géopolitique quand on fait de la robotique parce que c’est vraiment le symbole d’une course technologique entre les Américains, les Chinois dans une moindre mesure, mais quand même les Chinois, les Israéliens.

Laurence Devillers : Les Japonais.

Ysens de France : Les Japonais, bien sûr, et en fait on le voit bien. Quand Poutine dit « il y a Terminator qui défile » et juste après on a tout le ministère des Armées qui dit « il n’y a aura jamais de Terminator le 14 juillet chez nous », on sent bien qu’on est avant tout dans un discours politique et il est très important de comprendre qu’on est avant tout dans une course technologique qui est ce qu’on appelle une guerre froide 2.0. C’est qui va avoir une technologie la plus avancée.
Je me permettrai juste de rappeler quelque chose. On imagine que cette guerre est très technologique, en réalité je pense que cette guerre est avant tout juridique, parce qu’on voit bien qu’en fait tous les pays, finalement, auront accès à cette technologie, disposeront de cette technologie. En réalité, le premier pays qui arrivera à créer un véritable droit de la robotique, pas du robot, ça c’est très important, comme vous ne dites pas « un droit de l’ordinateur », vous ne direz pas « un droit du robot ».

Laurence Devillers : Un droit de la voiture !

Ysens de France : Et la Commission européenne là-dessus a vraiment, pour moi, une longueur d’avance parce qu’il y a quand même des réflexions.

Laurence Devillers : Ah non !

Ysens de France : C’est très bien, comme ça on va pouvoir en parler.

Laurence Devillers : C’est intéressant ce que vous dites.

Ysens de France : Je veux dire que les réflexions sont là, les réflexions éthiques sont là. Mais à quoi sert l’éthique ? En fait pourquoi il faut lier l’éthique et le droit ? Comme je vous le disais tout à l’heure, le droit ne peut pas intervenir sur une technologie qu’il ne connaît pas, d’où l’importance de l’éthique qui est dispositif d’attente en fait ; c’est sensibiliser les gens. On accompagne l’éthique avec de l’expérimentation et on sensibilise les gens, on fait de la pédagogie : voilà ce qu’est le robot, voilà ce qu’il n’est pas, voilà ce qu’est un drone, voilà ce qu’est un bot, voilà ce que sont des données et ensuite, une fois que ces technologies seront assez mûres, donc d’avoir une capacité de décider, une vraie capacité de s’adapter – ça arrivera ou ça n’arrivera pas – le droit arrive à ce moment-là pour dire « maintenant on sait de quoi ils sont capables, on sait maintenant dans quelle catégorie on va pouvoir les mettre ». Moi je vous dis catégorie objets, on peut très bien imaginer – ça va faire hurler tous les juristes qui m’écoutent – une petite catégorie intermédiaire entre les robots et les hommes, attention je vais me faire taper dessus, mais sait-on jamais, on ne sait pas de quoi l’avenir est fait, mais à priori ça restera des objets. Donc c’est vraiment important de voir que le robot est avant tout un outil d’influence juridique, qu’est-ce qu’on va faire et puis surtout, au-delà du droit, c’est quelles valeurs ? J’ai deux spécialistes devant moi, mais avant tout les robots véhiculent des valeurs. Donc au-delà de ça, c’est une course aux valeurs. Quel genre de valeurs va réussir à supplanter le monde ? Est-ce qu’on va avoir droit au modèle américain ? Est-ce que ça va être le modèle chinois ? Est-ce que ça va être le modèle israélien ? Est-ce que ça va être le modèle indien ? Le modèle japonais ? Et c’est assez intéressant de vraiment prendre de la hauteur.

Philippe Mabille : Justement, ça me paraît une question très importante ce que vous dites, vous parlez de guerre technologique, vous parlez éthique et droit. On aurait pu commencer par lui, mais on peut aussi terminer par lui. Quand on pense robot on pense évidemment à Isaac Asimov4. On pense évidemment aux quatre lois universelles, non pas les trois lois puisqu’il y en a une quatrième.

Laurence Devillers : Trois plus une.

Philippe Mabille : Les trois plus une, lois universelles de la robotique, parce qu’avec trois lois ça ne suffisait pas. Vous pouvez peut-être nous expliquer Laurence, pour ceux qui ne connaissent pas, quelles sont les règles et pourquoi est-ce qu’on peut imaginer la nécessité d’un droit universel pour la robotique ?

Laurence Devillers : Les trois lois d’Asimov qui sont tu ne tueras pas, tu ne porteras pas atteinte et la dernière loi qui était si compliquée qu’il l’a expliquée durant 50 ans à travers tous ses livres de science-fiction, étaient formidables dans des environnements de guerre.

Philippe Mabille : C’était historicisé dans la guerre froide.

Laurence Devillers : Dans le livre Les robots et les hommes, j’avais fait les règles, les commandements pour les robots sociaux, en interaction avec nous, ce qui n’était pas tellement le cas, c’était plus dans un environnement de guerre.
Je voudrais revenir sur la Communauté européenne et nos valeurs. Asimov, si vous voulez, c’est de la science-fiction et je crois que maintenant personne ne considère qu’on va faire émerger des lois d’Asimov, des règles, pour l’aspect juridique.

Philippe Mabille : Il a découvert quand même des lois universelles.

Laurence Devillers : Non, non ! L’aspect juridique est plus développé actuellement aux États-Unis, c’est là où c’est le plus développé. En Californie ils ont fait un droit sur les agents conversationnels pour dire « tout concepteur de ces agents doit faire en sorte que l’interactant comprenne que c’est une machine ou un humain ». Californie. Pourquoi on ne fait pas la même chose ? On est en train de pousser pour ça sur l’Europe.
Une deuxième chose que je viens d’entendre c’est sur la reconnaissance faciale que pourraient embarquer ces systèmes si tant qu’ils aient des yeux, enfin des caméras. Je fais partie des gens qui travaillent sur les émotions depuis les années 2000, là aussi, je peux vous dire que ce n’est pas générique comme technologie, que ça fait beaucoup d’erreurs et à l’heure actuelle, alors qu’on pourrait le dire de l’Europe, eh bien non, on préfère se complaire dans les mythes et les fantasmes et les États-Unis qui sont un peu plus pragmatiques que nous commencent à avancer sur ce terrain-là en disant, et il y a des tas de chercheurs qui relaient, « 30 % d’erreurs dans un système qui détecte vos émotions sur votre visage, à quoi ça sert ? » Ça va arriver à faire des systèmes qui ne seront pas fiables et qui ne seront sûrement pas utilisés.
Je termine. Pourquoi j’ai réagi tout à l’heure sur l’Europe ? Il y avait dans un des rapports qui n’existe plus maintenant parce que le groupe des experts fait un excellent travail, mais avant il y avait eu un rapport disant « peut-être que oui, donner une personnalité juridique aux robots serait intéressant ». Il y avait une espèce de lobbying autour de ça qui était une idée absolument terrible.
Je reviens maintenant sur le dernier point. Je fais partie d’un groupe qui est né du G7 qui s’appelle le GPAI, Global Partnership on Artificial Intelligence, qui est donc la volonté de faire au niveau mondial des règles éthiques ou juridiques, en tout cas pousser les expérimentations ensemble. On va retrouver 15 membres qui sont le Japon, l’Inde, la Corée du Sud, Singapour, l’Australie, mais également des pays d’Europe, l’Union européenne et l’Unesco. Il me semble que c’est par le biais de ce comité international qu’on va arriver à faire des choses.
Je résume juste. Ça a été lancé mi-juin, le kick-off est demain matin, je ne peux pas vous parler encore de ce qui sera dedans. On est 25 experts par groupe, il y a quatre sujets.
Le premier sujet ce sont les data, qu’est-ce qu’on en fait, la gouvernance de l’IA et l’éthique. Ces deux sujets sont portés par le Canada principalement parce que c’est l’accord entre Trudeau et Macron qui a fait émerger cette nouvelle idée de comité international.
En France on aura deux sujets, The futur of work avec des machines, avec de l’IA et je fais partie de ce groupe-là, donc je vais parler des robots et de la coopération humain-machine qu’il faut démystifier et comprendre comment on prend ses décisions. Système 1, système 2 ça vient d’un prix Nobel en économie. Il y a énormément de travaux qui sont faits pour mieux comprendre nos biais cognitifs et pourquoi on va réagir d’une certaine manière ou pas, pourquoi aussi on anthropomorphise ces machines.
Le quatrième sujet c’est l’innovation et la commercialisation, c’est-à-dire, en fait, toutes les règles de vérification des objets qu’on met trop vite sur le marché en ce moment, parce que le temps des startups n’est pas le temps du juridique. Et heureusement qu’il y a l’éthique en avant-scène, avant le juridique, pour essayer justement d’expérimenter, de comprendre, de voir où sont le lignes rouges à mettre. Et je pense que c’est quelque chose de très positif de penser qu’on arrive à mettre différents ensemble pays pour discuter de ces sujets. J’espère qu’on avancera dans cette recherche pour éviter effectivement toutes ces croyances un peu bigarrées qu’on voit partout.
Mais j‘adore Asimov par ailleurs.

Philippe Mabille : Il faudrait concilier la Silicon Valley et Hollywood ! D’accord.

Laurence Devillers : Non !

Serge Tisseron : Tout ça est effectivement très positif, mais il ne faut pas non plus donner l’impression aux gens qu’il y a des experts qui se penchent sur ces questions. Vous savez, on a trop souvent entendu « ne vous inquiétez pas, nous sommes en train de réfléchir à ces problèmes, dormez tranquillement bonnes gens, nous allons veiller à ce qu’il y ait des mesures législatives pour vous protéger. »
Je pense que déjà il faut que tous les parents qui achètent une enceinte connectée soient très informés de la manière dont elle peut prélever leurs données parfois sans qu’ils s’en rendent compte. Il faut qu’ils soient informés de la façon dont leurs enfants peuvent jouer avec ces enceintes et leur raconter des tas de choses que peut-être que les parents n’auraient pas trop envie qu’on leur raconte. Et aussi que les parents se soucient de la manière dont leurs enfants peuvent établir une relation privilégiée au fur et à mesure que ces machines deviendront plus performantes.

Philippe Mabille : Il faudra une éducation.

Laurence Devillers : Oui, il faut une éducation à ça.

Serge Tisseron : Si vous regardez les premières publicités, les trois publicités pour Alexa l’enceinte connectée d’Amazon, il y en une des trois des enfants passant leur journée avec pour seul compagnon leur enceinte connectée. Le père n’apparaît que le soir, au moment du coucher.

Laurence Devillers : Publicité mensongère.

Philippe Mabille : C’est quand même un élément de danger, parce que c’est qu’est-ce que c’est le robot ? C’est la propension de l’homme à la paresse quand même !

Laurence Devillers : On est d’accord, c’est tout à fait ça.

Philippe Mabille : Il va le remplacer dans les tâches humaines, donc cette paresse caractéristique à tous ou, en tout cas, cette facilité qu’on peut donner, il faut éduquer aux dangers que ça peut représenter notamment pour les nouvelles générations. Regardez les nouvelles générations, elles vont dire c’est formidable, on a un robot qui va faire le travail à notre place.

Laurence Devillers : D’autant plus qu’il y a 80 % des codeurs qui sont des hommes et qui ont fait ces machines, qui parlent avec des voix féminines. Je ne vous raconte pas les biais.

Philippe Mabille : Il y a des biais importants.

Serge Tisseron : Il faut accorer beaucoup d’importance, avant même que cette commission ait statué, pour informer sur le risque d’avoir des voix féminines majoritairement sur ces machines.

Laurence Devillers : C’est ce que je fais, c’est ce qu’on fait.

Serge Tisseron : C’est ce que vous faites, je sais que c’est ce que vous faites, mais il faut aussi en parler. Donc comme ce n’était pas dit je le dis, tout simplement.

Laurence Devillers : Je viens de le dire aussi.

Serge Tisseron : Il faut aussi informer sur le risque des enceintes connectées, ce n’est pas pour les enfants de moins de trois ans et même, je pense, avant six ans.

Laurence Devillers : Bien sûr. Serge Tisseron on est complètement d’accord.

Serge Tisseron : Pour ça, on n’a pas besoin que des commissions se soient réunies pendant des années, réunissant de nombreux pays, pour le dire dès aujourd’hui.

Laurence Devillers : C’est parce qu’on est paresseux ce qu’a dit.

Serge Tisseron : C’est pour ça qu’à l’Institut pour l’étude des relations homme-robots on a une campagne sur ces thèmes de manière à ce que les parents dès aujourd’hui se protègent de la manière dont ils peuvent se protéger, protègent leurs enfants comme ils peuvent les protéger.

Laurence Devillers : Je ne suis pas pour un État-providence, des règles et des experts qui décident pour tout monde, mais je ne suis pas non plus pour dire que c’est aux parents d’éduquer ; c’est à tout le monde de réagir dans cette jungle. Il y a une espèce de compromis à avoir, de milieu intelligent à avoir. Je suis plutôt positive en me disant que si on met toutes nos énergies non pas à faire peur mais à aller vers une construction autour de ces machines, que ça soit au niveau éthique, au niveau légal et au niveau inclusion. J'étais à ça hier : urgence des alliances, culture et science, culture et environnement et science. Il nous manque, en fait, des endroits où on fait participer tout le monde autour de sujets de société. Pourquoi on ne parle pas plus des robots ? Vous me parlez encore d’Asimov c’est pour ça que je réagissais comme ça. On devrait avoir toute une littérature, on commence en avoir mais c’est trop « essais scientifiques ». On devrait avoir du théâtre, on devrait avoir des lieux où des artistes s’expriment de plus en plus avec des robots pour faire comprendre ce que c’est, je pense que ça c’est essentiel. Il faut aller vers a culture de tous, l’inclusion et on apprendra mieux d’ailleurs quelles sont les limites à mettre.

Serge Tisseron : On appelle ça le débat citoyen. En effet on en fait, une série de débats citoyens.

Laurence Devillers : Ce n’est pas que le débat citoyen.

Serge Tisseron : C’est un des aspects : beaucoup de manifestations artistiques aujourd’hui autour de ces thèmes, beaucoup de débat dans les écoles, tout cela est très bien.
En tout cas je crois qu’il ne faut lâcher aucun des bouts de la lutte. En effet c’est bien que les législateurs réfléchissent, mais il ne faut pas non plus attendre qu’une législation soit arrivée pour mettre les gens en garde contre un certain nombre de risques que ces machines présentent.

Philippe Mabille : Serge Tisseron, je vous entends, mais regardez comment nos enfants y compris les plus jeunes, c’est vrai que ce sont les parents qui leur mettent ça dans les mains, se sont appropriés le smartphone qui est quand même le principal robot qu’on a dans la poche. Imaginez ce que ça peut donner si vous vous projetez, dans quel monde technologique vont vivre les enfants de nos enfants. On voit bien que ce qui nous paraît aujourd’hui un danger, peut-être demain leur paraîtra tout simplement naturel, ils auront l’habitude, je suis d’accord avec vous sur l’éducation, mais ils auront été formés et informés.

Serge Tisseron : Il y a un certain nombre de paliers dans l’évolution de l’enfant. On sait que la théorie de l’esprit n’apparaît qu’aux alentours de quatre ans et demi. Or aujourd’hui Google et Amazon font campagne pour leurs enceintes connectées [à destination des enfants très jeunes, Note de l'orateur].

Philippe Mabille : Ce que vous dites sur la technologie c’est la même chose que l’effet psychologique de la télévision à la maison.

Serge Tisseron : Attendez ! Actuellement Amazon fait campagne aux États-Unis sur le thème de, ouvrez les guillemets, « Parents, les experts vous ont convaincus que les écrans sont nocifs pour vos enfants, achetez-leur plutôt une enceinte connectée », fin de la citation.

Laurence Devillers : Bravo !

Serge Tisseron : C’est une publicité terriblement mensongère. Les enceintes connectées sont aussi dangereuses pour les jeunes enfants que le sont les écrans et même plus parce qu’elles capturent un grand nombre de données sans qu’ils en comprennent les tenants et les aboutissants. La pire des situations étant un programme sur un écran qui invite l’enfant à interagir avec une enceinte connectée, de telle façon que l’enfant est est transformé en interface entre deux machines. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de ces risques qui existent d’ores et déjà.

Philippe Mabille : On ne les sous-estime pas sinon on n’aurait pas fait cette émission.

Laurence Devillers : Bravo d’ailleurs.

Philippe Mabille : Est-ce qu’on peut écouter là-dessus, ça sera peut-être un mot de conclusion, Ysens de France, y compris, je ne sais pas si vous avez envie de réagir sur ce que vous voulez, moi je trouve que cet aspect générationnel, c’est-à-dire si on projette, au-delà du militaire, nos vies et les vies de nos enfants avec des robots, comment vous voyez les choses et qu’est-ce que ça va nécessiter comme garde-fous ou pas ?

Ysens de France : Je vais rebondir sur ce que dit Serge Tisseron sur l’éducation auprès des jeunes. En fait, ce que je constate aujourd’hui c’est que dans la société il y a aussi une défiance envers le milieu scientifique, envers la science en général.

Laurence Devillers : Mais non !

Ysens de France : Un peu quand même !

Laurence Devillers : Ils ont fait des statistiques, des tas de questions comme ça au CNRS à l’Inria, ce n’est pas vrai, ce sont des bruits de couloir.

Philippe Mabille : Est-ce qu’on peut quand même laisser terminer Ysens et après vous réagirez.

Ysens de France : Si ce sont des bruits de couloir, s’ils ont existé, ça veut dire qu’on s’est posé une question. Ça veut dire finalement que soit les scientifiques ne sont pas accessibles et qu’il y a effectivement un vrai effort de traduction, soit en fait, tout simplement, que la société en a marre qu’on lui assène des vérités tout le temps, qu’on lui dise que les jeux vidéos ce n’est pas bien, c’est interdit, le robot attention. Plutôt que d’asséner des vérités, je pense qu’il faut plutôt soulever des interrogations et c’est vrai qu’en soulevant ces interrogations ça oblige les gens à y répondre par eux-mêmes et dans le processus normal de réfléchir aux tenants et aux aboutissants.
C’est pour ça que je suis d’accord aussi avec vous, Laurence Devillers, sur le format de culture. Effectivement, utiliser des pièces de théâtre ou, imaginons, utiliser aussi le sport pour faire des compétitions homme-robot, pour permettre en fait à chacun de s’engager sur ces questions-là, me semble aujourd’hui une des priorités.

C’est vraiment la notion d’expérimentation qu’il faut mettre en valeur qui est une vraie priorité. Grâce à ça, grâce à cette expérimentation, grâce aussi à l’accessibilité des scientifiques, ça va être un moyen de les rendre plus accessibles, de traduire leur parole, eh bien on arrivera, nous juristes, ensuite, à déterminer quelle sera a meilleure qualification juridique pour ces technologies.

Laurence Devillers : 100 % d’accord. C’est tout à fait vrai.

Ysens de France : Finalement il faut poser les questions, il faut que toutes les réflexions soient un peu transverses, qu’il y ait aussi des hubs de réflexion. Typiquement on a des scientifiques, on a des industriels.

Laurence Devillers : Lisez Télérama. C’est exactement ça, j’ai trouvé brillant de faire ça.

Ysens de France : C’est exactement ça. On ne peut plus réfléchir chacun de son côté. Il faut aussi utiliser les outils de communication qu’on nous donne et qui sensibilisent les jeunes : le sport, la culture, le format théâtre bien évidemment, mais il y a encore plein de manières de sensibiliser les jeunes. En fait qu'on travaille sur ces façons.

Philippe Mabille : On arrive un peu au terme de la discussion.
Une chose qui réconciliera peut-être tout le monde, ce qui est à peu près certain c’est que les robots vont arriver dans nos vies, ils auront des aspects positifs – les personnes âgées, isolées, on l’a bien vu par exemple dans les Ehpad, on a essayé de leur apporter des solutions avec des connectivités avec leurs familles ; il y a beaucoup de pays qui sont vieillissants, le Japon, avec effectivement l’utilisation de robots. Il y a des robots qui peuvent être aussi des aides, des auxiliaires pour l’humain. Il y a quand même beaucoup de choses positives avec l’arrivée sinon de la robotique en tout cas de ces technologies.
Pour terminer en beauté ce podcast pour la partie vidéo, un mot ou un geste, prouvez-moi que nous n’êtes pas un robot. Ysens.

Ysens de France : Atchoum !

Laurence Devillers : Non, Nao fait ça. Il fait ça avec des enfants.

Ysens de France : Alors là ! Mince ! Boire du vin, je ne sais pas si ça passe à la vidéo, mais boire du vin.

Philippe Mabille : Très bien ! Laurence, prouvez-moi que vous n’êtes pas un robot.

Laurence Devillers : On a déjà pris un verre d’eau. Vous voulez que je mange une pomme, j’aime bien manger une pomme et dire que ça a bon goût, parce que le robot lui !

Philippe Mabille : Il n’a pas encore le goût. Serge, vous êtes un robot ?

Serge Tisseron : Je vous laisse avec cette question !

Philippe Mabille : Voilà ! Nous allons nous quitter là-dessus. Regardez, j’ai des lunettes parce que je commence à prendre un peu d’âge, donc je ne vois rien. J’essaye de vous prouver que je suis un robot, sans mes lunettes de vue je n’aurais pas pu conduire cette interview.

Laurence Devillers : En tout cas ce fut un plaisir.

Philippe Mabille : Merci beaucoup à tous les trois.

Serge Tisseron : Merci à vous.

Laurence Devillers : Merci Serge. Merci Ysens, on reste en contact.

Philippe Mabille : On vous suivra sur La Tribune très bientôt.

Laurence Devillers : À très bientôt.

Serge Tisseron : Au revoir.

Laurence Devillers : Au revoir.

12 September 2020

tnitot.png Tristan NITOT

A propos de la taxe carbone

Le 12 September 2020 à 15:24:00

J’aime beaucoup cette interview de l’économiste Christian Gollier, très pédagogue sur la notion de taxe carbone : pourquoi elle est indispensable pour que nous puissions prendre le virage climatique : « Soyons honnêtes, la transition énergétique nous coûtera à tous de l’argent ».

Le problème de la taxe carbone, c’est que les gens voient ça comme une taxe supplémentaire, qui va donc réduire leur sacro-saint pouvoir d’achat. C’est vrai, explique Christian Gollier. Mais si ça permet de sauver leur futur, c’est un mal nécessaire. Aujourd’hui, émettre une tonne de CO2 vaut 30 €, mais c’est trop peu. Il faudrait augmenter cela de façon à ce que les prix des services et produits reflètent les émissions carbone qu’ils induisent. Sinon, les entreprises vont continuer à faire comme avant : peu importe d’émettre du carbone du moment que je produits à moindre coût et donc que je reste compétitif. Alors que si la taxe carbone est en place et qu’on sais qu’elle va augmenter au fil du temps, on peut commencer à modifier la façon dont on travaille de façon à décarbonater notre production, sinon les concurrents vont le faire et seront plus compétitifs.

La responsabilisation passe par le principe pollueur-payeur. Ce n’est pas punitif, mais incitatif: faire en sorte que chacun, entreprise et consommateur, internalise les conséquences de sa pollution. Pour réaligner les intérêts privés avec l’intérêt général, il faudrait faire payer un prix du carbone qui soit égal au dommage causé, de sorte que le pollueur soit la victime de sa propre pollution.

L’économiste, comme bien d’autres, souhaite que la taxe carbone atteigne 100 € en 2030.

Mais si on ne le fait pas, est-ce grave ? Justement, un nouvelle étude[1] de l’Université de Chicago donne une indication du coût ultime du carbone. À terme, une tonne de carbone émise coutera 100 000 € à l’humanité, si on n’agit pas maintenant. En substance, tel que je comprends le concept — très théorique, il faut le reconnaître — un tonne de carbone émise aujourd’hui coutera à l’humanité 100 000 $, soit environ 1000 fois plus que ce qu’on voudrait la taxer à terme.

Alors, on la met quand en place, cette taxe carbone ?

Pour continuer la réflexion sur la taxe carbone, deux très bons articles :

  1. Taxe carbone, tout savoir en 10 questions (une bonne intro sur le sujet) ;
  2. Social cost of carbon. Plus ardu, forcément, la notion de coût social du carbone, complémentaire à la notion de coût ultime du carbone.

11 September 2020

Isabelle DUTAILLY

Impress 7 et les diapositives maîtresses : une astuce et un bis

Le 11 September 2020 à 19:30:00

Si Impress, le logiciel de présentation de la suite bureautique libre LibreOffice, offre la possibilité bien pratique d'avoir plus d'une diapo maîtresse dans un diaporama, il ne permet pas d'en faire des copier-coller qui permettraient de décliner une page maîtresse sans tout reconfigurer. Ce tutoriel vous explique comment faire. On utilisera, une fois de plus, les styles qui sont la très grande force de la suite bureautique libre.

Pourquoi décliner une diapo maîtresse ?

L'intérêt de décliner une diapo maîtresse, c'est de pouvoir avoir, par exemple, une présentation découpée en chapitres qui donnent une idée visuelle de la progression dans le diaporama ou encore, qui ont des éléments ou des couleurs bien spécifiques.

Le modèle de présentation Bleus et gris
Un aperçu du diaporama Bleus avec ses cartouches en camaïeu de bleus.

L'autre intérêt d'utiliser des diapos maîtresses pour ce faire est que, si on veut changer la mise en forme de la présentation, il suffit de modifier les styles de la diapo maîtresse pour que tout se change en cascade sur les diapos basées dessus.

Le modèle de présentation Fée bleue
Un aperçu du diaporama « Fée bleue » ici les étiquettes de progression dans la présentation sont à droite.

Le troisième intérêt est que, les éléments communs (par exemple des formes) étant sur la diapo maîtresse ils ne gêneront pas quand on travaillera sur la présentation puisque, dans le mode d'affichage Normal, on ne peut pas les sélectionner.

Le modèle de présentation Malevitch
Un aperçu du diaporama inspiré par le peintre russe Malevitch.

Et enfin, le dernier intérêt, c'est qu'une fois le travail bien peaufiné, on gagne du temps et le résultat est tout à fait net.

Comment décliner une diapo maîtresse ?

En mode d'affichage Maître, si on fait Nouvelle diapo maîtresse, on obtient une diapo standard qui ne possède absolument aucune des caractéristiques de la précédente. C'est bien si on veut avoir une mise en forme totalement différente ou si on n'a pas trop « fouillé » celle de la première diapo maîtresse. Sinon tout refaire à chaque fois : configurer les styles de présentation et le styles de dessin plus les éléments communs (logos, position des numéros de diapo, pieds de page et date, autres éléments décoratifs) c'est lourd.

Changement du mode d'affichageLa solution : faire un premier diaporama en configurant soigneusement la diapo maîtresse qui va servir « d'élément parent. »

Enregistrer sous un autre nom ce nouveau diaporama. Modifier la diapo maîtresse de ce fichier, la renommer (clic droit dessus, Renommer) et enregistrer la présentation.

Revenir sur l'affichage normal, copier une (ou la diapo) basée sur cette diapo maîtresse et la coller sur la première présentation créée, ça ajoute automatiquement la diapo maîtresse. On peut le faire autant de fois que nécessaire.

Trois séries de pages maîtresses
Les pages maîtresses des trois diaporamas qui m'ont servis pour ce tutoriel.

En guise de bis : ajouter un « style de dessin par défaut »

Rajouter un « Style de dessin par défaut » permet, comme sur les exemples de ce tutoriel de paramétrer des éléments : couleur de remplissage, des lignes et du texte, caractère du texte. De cette façon quand on change les paramètres d'un objet, tous les éléments basés sur ce style changent également sans autre intervention.

Aller sur une diapo maîtresse. Dans l'onglet Styles de dessin, clic droit sur Style de dessin par défaut puis sur Nouveau. Il ne reste plus qu'à indiquer tous les paramètres voulus, y compris le degré de rotation si vous devez, par exemple, avoir un cartouche vertical comme pour le modèle de présentation « fée bleue ».

Impress : créer un nouveau style
De l'art de faire un nouveau style de dessin dans une présentation.

Pour aller plus loin

Sur les styles dans Impress, pour Impress 5 mais le fonctionnement n'a pas varié énormément. Sur les différents éléments et leurs rapports, styles pages maitresses ou masques et mises en page, toujours valable également.

Les modèles qui m'ont servi pour ce tutoriel.

Les modèles et extensions de LibreOffice.

N'empêche, j'aimerais bien pouvoir tout de même décliner une page maîtresse directement à partir d'une autre et pas comme ça en jouant sur deux fichiers, le travail serait encore meilleur (et plus rapide).

de_crevoisier.png LE-ROUTEUR-WIFI.COM

Signal WiFi introuvable : comment trouver un réseau qui n’apparait pas sur votre PC ?

Le 11 September 2020 à 13:18:59

Il est particulièrement irritant de ne pas avoir la maîtrise totale de sa connexion, et souvent, les problèmes se produisent au moment le moins opportun. En ce moment où le télétravail est devenu la réalité quotidienne pour des millions de personnes, il est particulièrement important de pouvoir se connecter facilement à Internet, important que ce processus soit fiable, que vous puissiez avoir confiance dans ce procédé.

Oui, mais voilà, il arrive que votre ordinateur ou votre smartphone ne voit pas votre réseau WiFi, de fait, il est impossible de pouvoir s’y connecter.

S’agissant d’un problème lié à une connexion sans fil, la défaillance peut se situer en trois points, du côté de la source émettrice du WiFi, en gros votre box, ou bien sur l’appareil récepteur, votre ordinateur donc, ou bien encore entre les deux.

Nous allons commencer par rechercher la panne en partant de l’ordinateur car s’est souvent là que le problème réside. Puis nous vérifierons que la panne ne se trouve pas du côté de votre box, et enfin nous inspecterons ce qui se passe entre les deux appareils si le problème est toujours présent.

Côté PC

Vous cliquez sur l’icône WiFi en bas à droite de la barre des tâches, à côté de l’heure, et dans la liste des réseaux disponibles à la connexion, votre box n’apparait pas…

Si votre box est le seul réseau à ne pas apparaitre, mais que vous voyez toujours d’autres réseaux (dans l’hypothèse où vous en captez d’autres), alors, il y a de fortes chances que le problème vienne de votre box ou bien des conditions de réception du signal.

Par contre, si vous ne voyez aucun réseau, il y a des chances que le problème vienne de votre PC. D’ailleurs il est assez simple de pouvoir vérifier cela, tout simplement en regardant avec son smartphone si le réseau est visible en se plaçant au même endroit.

Si vous pensez que le problème est situé du côté de votre ordinateur, la chose qu’il va falloir vérifier est que les pilotes de votre carte réseau soient à jour et correctement installés.

Là, il y a plusieurs manières de procéder. La première est de se rendre dans votre panneau de configuration, puis de cliquer sur « Système », puis « Gestionnaire de périphériques ». Dans la liste des périphériques qui s’affiche dans la nouvelle fenêtre, ouvrez la partie « Cartes réseau ». Ici, il va falloir identifier votre carte WiFi si plusieurs cartes s’affichent. Ensuite, faites un clic droit sur la bonne carte réseau et choisissez « Mettre à jour le pilote ». Parfois cela suffit à tout réparer, mais parfois ça ne change pas grand-chose.

La seconde chose que vous pouvez essayer, si la première option n’a rien solutionné, toujours depuis le gestionnaire de périphérique, est de supprimer votre carte réseau. Oui oui, vous avez bien lu, n’ayez pas peur, vous allez voir, tout va bien se passer. Faites un clic droit sur votre carte réseau (il faut être bien certain qu’il s’agisse de la bonne carte), puis choisissez « Désinstaller l’appareil ». Ensuite, redémarrer votre ordinateur. Quand l’ordinateur va avoir redémarré, Windows, va réinstaller votre carte réseau. Si cette dernière était mal installée, alors le problème devrait être solutionné, et vous devriez maintenant voir votre réseau WiFi dans la liste des réseaux disponibles.

Enfin, si le problème est toujours là, il est possible, même si c’est de moins en moins fréquent, que votre carte réseau nécessite des pilotes spécifiques, des pilotes fournis par le constructeur. Dans ce cas, il va falloir vous rendre sur le site du constructeur de votre PC. Pour ce faire, vous pouvez utiliser un autre ordinateur, ou bien relier votre PC à votre box via un câble ethernet.

Une fois sur le site du constructeur, vous devriez trouver un onglet « Support ». Dans cet onglet, il devrait être possible de rechercher le numéro de modèle, ou même parfois directement le numéro de série de votre PC, et ensuite vous aurez accès à la liste des pilotes téléchargeables pour ce matériel en particulier. Téléchargez les pilotes réseau, puis installez-les sur votre PC. Cela devrait vous permettre de revoir votre réseau sans fil, un redémarrage sera peut-être nécessaire.

Si parmi tout ce que nous venons de voir concernant les possibles problèmes de pilotes de carte réseau, rien ne répare votre souci, il va falloir se pencher sur d’autres causes possibles. Si avec un autre pc (vous pouvez faire venir un ami pour tester) le réseau est visible, alors il faudra penser à réinstaller Windows sur votre machine, ou bien à vous procurer une carte réseau WiFi externe. Nous en avons testé plusieurs sur notre site, je vous invite à aller faire un tour sur ces tests.

Côté box

Si vous pensez plutôt que le problème vient de votre box, c’est-à-dire, que même avec une autre machine, votre smartphone ou un autre ordinateur, le réseau n’est pas visible, il va falloir vérifier quelques trucs sur votre box.

Premièrement, ça peut paraitre un peu bête, mais redémarrez votre box… il arrive, sur certains modèles, comme par exemple sur les premières versions de la Freebox Révolution que le module WiFi plante…

Si une fois la box redémarrée, le réseau n’est toujours pas visible, il va falloir vous rendre sur l’interface en ligne de cette dernière. Là commencez par vérifier que la fonctionnalité WiFi est activée, c’est un peu bête à dire, mais ça ne coute rien de vérifier.

Si le module WiFi est déjà allumé, essayez de changer le Canal WiFi. Par exemple, si votre box émet sur le canal 4, essayez de changer pour le canal 1 ou un autre. Essayez plusieurs canaux afin de voir si cela change quoi que ce soit.

Si le module WiFi est allumé, ça peut aussi être une bonne idée de le redémarrer, c’est-à-dire, en d’autres termes de couper, puis de rallumer le WiFi. Décochez la case adéquate puis enregistrez les changements. Attendez quelques minutes, puis faites le processus inverse pour rallumer le module WiFi.

Si le réseau n’est toujours pas visible, vérifiez que l’option de masquage du SSID (le nom de votre réseau) n’est pas activée. Si la diffusion du SSID est masquée, décochez cette option et votre réseau devrait redevenir visible, et donc il sera à nouveau possible de s’y connecter.

Si rien de tout ça n’a solutionner votre problème, il va falloir appeler l’assistance de votre fournisseur d’accès à Internet qui vous guidera dans la suite des opérations (pouvant aller jusqu’au remplacement physique de la box).

Cas particulier

Comme nous le disions, il est possible dans des cas assez rares, que le souci ne vienne ni de votre PC, ni de votre box, mais de ce qui se passe entre les deux. Pour mettre cela au clair, commencez par essayer de vous rapprocher de votre box. Si, en vous rapprochant, votre réseau réapparait comme par magie, alors le problème vient soit d’une distance PC / Box trop importante, soit d’obstacles sur le chemin des ondes.

Ces obstacles peuvent être mécaniques, comme des murs trop épais, un obstacle métallique… ou bien électromagnétiques, comme un four à micro-ondes par exemple. Certains appareils électriques peuvent perturber votre réception, les masses d’eau trop importantes, comme un gros aquarium par exemple peuvent aussi être un problème.

Bref, si en étant tout près de la box le réseau fonctionne, il va falloir identifier l’obstacle, ou le moment où le PC arrête de capter le réseau. Et soit changer vos habitudes et vous mettre à travailler plus près de la box, soit investir dans du matériel supplémentaire.

Ce matériel supplémentaire peut être un répéteur, afin de prolonger votre signal WiFi, un nouveau routeur plus puissant, un second point d’accès, ou bien un réseau en mesh afin de fournir du réseau partout dans votre maison, vous pouvez aussi réfléchir à une solution à base de CPL par exemple.

Quelle que soit la solution pour laquelle vous opterez, je me permets de vous rappeler que beaucoup de matériel réseau a déjà été testé sur notre site, si cela peut vous aider.

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10 September 2020

april.png Nouvelles April

Conférence de présentation du rapport sur l’état de l’Internet en France - Le débat

Le 10 September 2020 à 14:18:36


Sébastien Soriano et Benjamin Bayart

Titre : Conférence de présentation du rapport sur l’état de l’Internet en France - Le débat : « Les réseaux dans la crise sanitaire : quelles leçons en tirer ? »
Intervenants : Sébastien Soriano, président de l’ARCEP - Benjamin Bayart, coprésident de la FFDN
Lieu : visioconférence
Date : 25 juin 2020
Durée : 38 min
Visualiser la vidéo sur PeerTube
Site de présentation de l'événement
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : capture d'écran de la vidéo - Mentions légales
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

L’ARCEP [Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes] a publié le 25 juin l’édition 2020 de son rapport sur l’état d’Internet en France, remis au Parlement et présenté lors d’une conférence de presse en ligne suivie d’un débat entre Sébastien Soriano, président de l’Arcep, et Benjamin Bayart, cofondateur de la Quadrature du Net et coprésident de la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs, sur le thème : « Les réseaux dans la crise sanitaire : quelles leçons en tirer ? »

Transcription

Sébastien Soriano : Re-bonjour et bienvenue à notre présentation annuelle du rapport sur l'état d'Internet. Maintenant, nous passons à la phase de débat.
Je suis ravi d'accueillir Benjamin Bayart, co-fondateur de La Quadrature du Net1 et vice-président de la Fédération FDN2. Je suis très heureux qu'on puisse avoir cette discussion.
L'idée, c'est un petit peu, en gros, de refaire le match, par rapport à cette séquence particulière du confinement, sur laquelle, voilà, on est conscient que cela a amené les pouvoirs publics à une posture un peu particulière pour accompagner cette gestion des réseaux. Et naturellement, c'est bien qu'on en parle.
Premier sujet, la question de la gestion des réseaux pendant la crise.
Qu'est-ce que cela interroge aussi sur la neutralité du Net, de manière générale.
Est-ce qu'il faut aller plus loin dans cette neutralité et ouvrir vers les terminaux, vers les plateformes structurantes. Il y a un débat, vous savez, au niveau européen sur cette question.
Et puis, si on peut aussi se dire un mot sur l'environnement. Je pense que ça serait utile. On voit notamment parfois une tentation et une opposition entre la générosité d'Internet et l’exigence environnementale et on peut avoir parfois, dans certaines élaborations autour de l'environnement, un peu une idée de restriction, c'est-à-dire il faut arrêter les forfaits illimités, il faut arrêter tels types d'usage ; quelque part cela interroge aussi la neutralité.
Je propose qu'on commence. Honneur aux invités, donc Benjamin Bayart, à vous la parole.

Benjamin Bayart : Merci Sébastien. La particularité de l'usage d'Internet pendant le confinement et pendant la crise sanitaire, il y a pour moi trois éléments clés qui me paraissent très structurants.

  • Le premier, c'est que ça fait partie des moments où l'on voit bien que le déploiement des réseaux doit être pensé comme un aménagement du territoire et que partout où ce n'est pas assez le cas, ça donne des résultats discutables. Typiquement, on se rend compte que toutes les zones blanches ou gris clair où il y a soit de l'ADSL pas très rapide soit carrément rien, ce sont des zones dans lesquelles on ne peut pas télétravailler, ce sont des zones dans lesquelles on est obligé d'aller au bureau pour avoir un peu d'accès réseau et pouvoir bosser avec l'ordinateur. Ça c'est un problème.
  • Il y a un deuxième élément, qui est celui dont tout le monde parlait au tout début du confinement, ça a duré peut-être une petite semaine, qui pour moi se résume à la résilience par la capacité. Et pour le coup, ça c'est un gain immense qu'on a en France et en Europe sur la neutralité du Net : le fait que le réseau soit à peu près neutre oblige à gérer sa résilience par la surcapacité, donc à avoir plus d'accès disponible que ce qu'on utilise à un moment donné pour rester neutre en cas de pic d'utilisation. C'est ça qui permet que sur un réseau Internet neutre, les usages changent du tout au tout pendant deux mois et que le réseau ne s'effondre pas.
  • Et puis le troisième élément, c'est le retard dans l'usage du numérique d'un certain nombre de TPE et PME, qui se traduit mécaniquement par le fait que, dans ces entreprises-là, le télétravail a été fait un peu en mode panique, avec pas les bons outils, avec pas les bons équipements, pas habitués à le faire, etc. Ça fait partie pour moi des éléments qui posent questions.

Sébastien Soriano : Très bien, merci d'avoir lancé le débat. Je dois dire que je rejoins assez largement ce que vous avez indiqué.
Sur le fait que les réseaux doivent être déployés dans une logique d'intérêt général, je dirais que c'est ce qu'on essaie de faire mais en s'appuyant sur les forces du marché. Voilà, c'est là où c'est forcément une équation qui a ses limites. C'est d'utiliser la puissance d'investissement du marché et la prise de risque que peut prendre un investisseur privé, mais, en même temps, d'éviter les mauvais côtés qui sont l'écrémage, le fait qu'on va dans les zones prioritaires, que les foyers les moins solvables peuvent être oubliés. C'est dans cette logique-là que s'inscrit notamment le Plan France Très Haut Débit3, on pourra en reparler. C'est dans cette logique-là que s'inscrit aussi le New deal mobile4 pour apporter la 4G le plus loin possible dans les campagnes.

Sur la résilience par la capacité, je pense qu'il y a un vrai sujet, j'aimerais bien vous interroger là-dessus Benjamin Bayart. Dans le débat sur la neutralité du Net, cela se cristallise souvent autour du zero-rating. Typiquement, une offre de zero-rating, c'est vous avez 20 Go par mois dans votre abonnement mobile, plus WhatsApp illimité par exemple. Quand vous voyez ce genre d'offre, vous vous dites « c'est génial parce qu’on peut continuer à avoir WhatsApp qui est un service de communication sur lequel beaucoup de gens ont fondé beaucoup de leurs communications, sans avoir à compter, et puis, par ailleurs, quand on va faire une vidéo ou autre il faut faire un petit peu plus attention ». Et là, vous avez un débat, un arbitrage court terme/long terme. C'est-à-dire que nous, en tant que régulateur et gardien de la neutralité du Net, on a tendance à dire que OK, c'est vrai que c'est bien à court terme pour le consommateur. Mais en fait, à long terme, le problème c'est que si on peut, comme ça, spécialiser les usages, on n'a plus intérêt, comme vous le dites Benjamin, à bien dimensionner les offres et à faire des offres très riches quels que soient les usages, et on n'a pas intérêt à dimensionner son réseau pour supporter des usages neutres.
La question que j'aimerais vous poser — je souscris complètement à cette histoire en longue période — maintenant, dans le confinement, je trouve que la question est un peu différente : on peut avoir tout d'un coup un accroissement des usages, qui n'était pas forcément anticipable, car on ne peut pas forcément demander aux opérateurs d'avoir anticipé le fait que les réseaux puissent tout d'un coup supporter un pays qui s'est confiné et on a pas la capacité à répondre rapidement en accroissant les capacités, parce qu'on ne va pas se mettre à déployer un réseau en fibre optique dans tout le pays en deux semaines. Donc, dans ces situations particulières dans lesquelles cette courbe de rétroaction qu'on veut créer entre la demande et l'offre, qui est une courbe de rétroaction de moyen terme, quand on est dans des situations d'urgence comme ça de court terme, comment peut-on les concilier ?

Benjamin Bayart : Il y a pour moi une bonne façon de le décrire qui est d'expliquer que la neutralité du réseau c'est le contraire de l'optimisation. L'optimisation des réseaux rend les réseaux inaptes. Je m'explique. Si on fait des réseaux très optimisés, on dit « les professionnels ont telles et telles exigences, il leur faut du débit garanti, des garanties de temps de rétablissement, etc., donc l'accès Internet de l'entreprise va être vachement plus mieux parce qu'il y aura tel ou tel bidule dessus ». En fait, sitôt qu'on se retrouve à rester confinés, en fait sitôt que l'usage change, quel que soit le motif du changement, le réseau est inadapté puisqu'il a été optimisé pour un usage et que dès que l'usage bouge, le réseau n'est pas optimisé comme il faut, donc il va être moins résilient.
Et pour moi, c'est parce qu'on a fait le travail de long terme de non adaptation et de non optimisation des réseaux, de dire « on a besoin que les réseaux soient en capacité, pas pour qu'ils soient pour un usage optimal », il ne faut pas qu'ils s'effondrent dès qu'on s'éloigne de cet usage optimal, c'est ça qui fait que ça continue à fonctionner quand les usages bougent beaucoup.
Comment on fait pour s'adapter en temps de crise ? En fait ça dépend de quoi ? Effectivement, ce n'est pas en deux semaines qu'on va déployer un réseau de fibre optique, mais je trouve que pendant ces deux semaines là, on voit bien que la façon dont on a déployé le réseau de fibre optique est, à mon sens, fait à l'envers. C'est-à-dire que le Parisien moyen qui doit télétravailler, il peut utiliser de l'ADSL et du VDSL haut débit, il peut utiliser du câble qui patate à mort, il peut utiliser de la 4G qui dépote, il peut utiliser de la fibre. Et l'habitant d'un village de la Creuse, eh bien non ! iIl a peut-être un de ces réseaux mais pas tous les choix en même temps. Ça, pour le coup, c'est du choix de long terme, c'est trop tard quand la crise arrive, c'est avant qu'il faut le voir. C'est pour ça que pour moi, typiquement, le New Deal Mobile est plus intéressant que l'urgence à amener la 4G dans le 1er arrondissement de Paris, ou la 5G, c'est-à-dire que déployer la 5G à Paris, en tout cas en termes de capacité réseau, ça ne sert à rien. Si on me dit que dans les zones blanches, dans la Creuse, quitte à poser une antenne, elle sera immédiatement compatible 5G, c'est formidable ! C'est bien dans ce sens-là que je le réfléchis.
Après, sur la façon de s'adapter quand la crise survient, ça ne peut pas se faire en changeant la boucle locale, ça peut se faire en changeant des interconnexions, parce que, pour le coup, monter certaines interconnexions, ça peut se faire dans des délais très courts, d'ailleurs il y en a eu pas mal de monter pendant le confinement : les opérateurs ont constaté que tel ou tel point d'interconnexion qui étaient très peu sollicités en temps normal, se retrouvaient sur-sollicités parce que, que sais-je, tout le monde s'est mis à utiliser Zoom alors que presque personne ne s'en servait, parce que les réseaux sollicités étaient les réseaux grand public au lieu d'être les réseaux d'entreprises. Ce n'est pas très compliqué de redimensionner une interconnexion.
Et puis on a trouvé des solutions beaucoup plus efficaces précisément parce qu'il y avait ce verrou très fort de la neutralité du Net. En fait, comme on a dit aux opérateurs « ce n'est pas bien de prioriser », ils ont cherché d'autres solutions pour faire de la contention sur les deux énormes gouffres de trafic que sont YouTube et Netflix, et on a trouvé des solutions intelligentes qui étaient de dire à Netflix : « OK, pendant la période, si vous pouvez mettre de la haute définition plutôt que de la 4K, ce n'est pas mal, ça va diviser par deux le trafic, tout le monde pourra regarder sa série et cependant le trafic sera réduit et tout va bien se passer ». En fait, on a trouvé en discutant avec les fournisseurs de contenus, des solutions beaucoup plus intelligentes pour gérer la congestion que juste en le traitant par la non neutralité des réseaux.
La non neutralité des réseaux qui revenait à dire parce que Jean-Paul Durant, il est en télétravail alors sa box coupe tous les flux vidéos de type YouTube, Netflix and co, ça apportait une réponse mais qui n'était pas la bonne. C'était beaucoup plus intelligent de voir avec les plateformes comment on peut, dans certaines zones et sous certaines conditions, typiquement dans les pays d'Europe où il n'y a pas assez de très haut débit ou dans les zones où il n'y a que l'ADSL ou etc., réduire un peu le débit sans filtrer le service. Et c'est beaucoup plus intéressant et beaucoup plus intelligent de jouer sur la capacité des utilisateurs à modérer leurs usages et des plateformes à piloter ce qu'elles produisent comme contenu, que de faire faire l'intervention par le réseau qui va amener des effets de bord beaucoup plus néfastes soit à très court terme : typiquement si on avait dit « on coupe Netflix », cela amenait des effets beaucoup plus néfastes que de simplement dire à Netflix « si vous pouvez diminuer un petit peu la qualité des vidéos, ça devrait fonctionner ».
Donc je trouve qu'on a trouvé des solutions extrêmement intelligentes et qu'en fait on les a trouvés parce que la neutralité du Net était une contrainte. Si on n'avait pas eu cette contrainte, l'approche qui consistait à dire « les opérateurs peuvent prioriser comment ils veulent » aurait donné très rapidement n'importe quoi.
Typiquement, si je prends un parallèle de marché, on a un peu oublié mais au début du mois de mars, la réponse des opérateurs a été de dire « OK, on va déplafonner certains forfaits mobiles, des gens qui avaient des tout petits forfaits à quelques euros, donc qui ont très peu de volume de data, vous pouvez utiliser des grands volumes, etc., on déplafonne, etc., on ouvre. » Donc les opérateurs ont pris cette approche que je trouve relativement positive. Alors que d'autres opérateurs commerciaux, par exemple les honorables corporations de pharmaciens, sont arrivés à la conclusion que le litre de gel hydro-alcoolique était plus cher que le Château d'Yquem, juste parce qu'il y avait une très forte demande et très peu de disponibilité, et qu'il y avait moyen de faire des sous. Je trouve qu'on a deux comportements du marché face à une crise et face à une potentielle pénurie. J'aime mieux la méthode où le marché cherche s'adapter en rendant service aux gens de manière intelligente plutôt que juste à chercher une source de profit immédiate.
Je suis très agréablement satisfait de ce qu'on fait mes confrères opérateurs grand public : s'adapter intelligemment alors qu'ils auraient pu s'adapter bêtement. Et je pense que ce qui les a tordus un peu pour les amener dans cette forme d'intelligence, c'est le fait qu'il y ait le Règlement européen sur la neutralité des réseaux5.

Sébastien Soriano : OK. Merci. Effectivement, c'est intéressant comme analyse. Ce sont les architectes qui disent toujours que quand ils n'ont pas de contraintes, ils ne savent pas créer. Sans doute que la contrainte de la neutralité a été un élément de créativité.
Nous, à l'ARCEP, on n'a pas réussi encore à ce jour, à avoir une vision claire de l'impact qu'ont eu les efforts sur la qualité de service. C'est un élément sur lequel on a du mal à vraiment voir, on n'a pas vu, en fait, des baisses de trafic du jour au lendemain chez les grands OTT [Over-the-top media service] quand les mesures de changement de qualité ont été prises, ça a été difficile pour nous de vraiment mesurer ce qu'il s'est passé, en tout cas on a vu que cela tenait. Mais effectivement, quel est l'impact précis de ces mesures de qualité, ça n'a pas été évident à mesurer.
Un autre élément qui est apparu aussi pendant cette période, avec l'épisode de Disney+. On vient de se parler du dimensionnement des flux notamment par rapport à la qualité vidéo, il y a un autre sujet qui est comment est-ce que les grands OTT s'organisent pour acheminer leur trafic. Ce qui est apparu notamment autour de Disney+, c'est que visiblement cet acteur avait fait un choix pour acheminer son trafic, qui était un choix de passer par plusieurs canaux, des transitaires et des CDN [Réseau de diffusion de contenu], ce qui n'aidait pas forcément à anticiper le dimensionnement des interconnexions des opérateurs vis-à-vis de ces différents intermédiaires pour faire face, le cas échéant, à des afflux de trafic. Au delà de Disney+, on a eu quelques retours d'opérateurs sur des mises à jour logiciel, notamment de grands acteurs du jeu, qui poussaient des mises à jour sans prévenir en fait les grands FAI [Fournisseur d'accès à Internet]. Et là-dessus, la question que je me posais, c'est est-ce que, selon vous, on peut aller encore plus loin dans ce dialogue entre les opérateurs et les grands OTT ? Si oui, faut-il le faire en se disant que ce sont de grandes personnes, elles vont trouver leurs numéros de téléphone respectifs et se parler ? Est-ce que les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle pour les accompagner ? Est-ce qu'il faut envisager, je pose la question de manière un peu bourrin, faudrait-il envisager une obligation de dialogue notamment pour les grands OTT d'aller discuter de leurs interconnexions avec les opérateurs ?

Benjamin Bayart : Je comprends que l'idée est séduisante. Ça ne sert à rien de faire discuter les éléphants avec les souris, ça ne marchera pas, je n'y crois pas, dit de manière assez crue. Pour moi, le principe de la neutralité du Net, c'est ce que je disais au début : il ne faut pas optimiser les réseaux, c'est une connerie, quand on les optimise on les rend fragiles. Et en fait, exactement en symétrique de ça, parce qu'il ne faut pas optimiser les réseaux, il faut optimiser les applications. Et pour le coup, on a des décennies de sottise législative qu'on est train de payer.
Diffuser une très grosse mise à jour sur une plateforme logicielle sans effondrer les réseaux, on a les technos pour, elles ont 20 ans, ça s'appelle BitTorrent. BitTorrent permet de diffuser une quantité colossale d'application en créant à peu près aucune congestion dans le réseau parce qu'il n'y a pas de point central. Ça utilise le réseau, ça occupe le réseau mais ça ne crée pas cette hyper-congestion de « je veux diffuser un fichier de 50 millions d'exemplaires d'un fichier qui fait 1 Go depuis mon serveur en Californie ».
Simplement, il se trouve que BitTorrent est plus ou moins diabolisé, est considéré comme une techno de malfaiteurs qui veulent écouter de la musique en assassinant les musiciens. Et comme le travail réglementaire a toujours été fait pour empêcher le déploiement de cette techno et non pas pour la favoriser, pour le coup on a l'effet inverse de ce que l'on a fait sur la neutralité du Net. C'est-à-dire qu'on a créé une contrainte qui est de dire « le peer-to-peer ce n'est pas bien, BitTorrent c'est une techno de pirate », donc il y a plein d'opérateurs qui font du traitement de limitation de débit sur BitTorrent, qui font du traitement de filtrage. Typiquement, BitTorrent en entreprise est très souvent filtré, donc on ne peut pas diffuser les mises à jour des suites bureautiques par du BitTorrent, ça ne marcherait pas. Et pourtant, c'est l'outil technique le plus efficace qu'on connaît pour diffuser des gros volumes de contenu de manière infiniment rapide en temps nul. Puisque, pour le coup, plus il y a de gens qui veulent le contenu et plus le contenu se diffuse bien. Plus il y a de gens qui le veulent et plus la capacité à diffuser augmente. BitTorrent c'est un truc de fou ! Donc ça pour moi, c'est une des questions clés : il faut qu'on arrive à autoriser les grands diffuseurs de contenu à diffuser de manière intelligente.
Pour moi, il y a deux grands volets : il y a la partie technique — il faut arrêter de diaboliser les technos qui marchent — et puis il y a la partie réglementaire où il va falloir, à un moment, s'intéresser à la gestion des monopoles. Est-il raisonnable que Netflix ait cette taille-là ?, pour moi la réponse est non. Mais, d'un autre côté, on a tout fait en France, au ministère de la Culture, pour qu'il n'y ait que Netflix et que seul le modèle Netflix se développe. D'ailleurs, une fois que le modèle Netflix s'est développé, les ayants droit, en France, commencent à vouloir créer des plateformes alternatives à leur main, donc à morceler le marché. Pour avoir accès à de la vidéo il faudrait payer 72 abonnements, ce que personne ne fera, donc soit on reviendra à du pirate, soit les plateformes nationales vont mourir et il ne restera que Netflix. Là il y a une erreur de régulation, il y a une non régulation, on a laissé le marché faire tout seul et le marché fait n'importe quoi, parce qu'en plus on lui a mis des contraintes et des incitatifs qui ne vont dans le bon sens.
Et sinon sur le traitement pendant la crise, à un moment je veux qu'on parle de Mayotte, mais ce n'est pas absolument pas lié, ce n'est pas Netflix.

Sébastien Soriano : OK, très bien. Juste en réaction à ça, et peut-être après Benjamin, comme j'ai commencé à poser des questions, je propose que vous m'en rendiez une.
Pour réagir à ce que vous venez d'indiquer sur BitTorrent, je dois vous faire un aveu, qui est que quand j'ai été désigné président de l'ARCEP en janvier 2015, parmi les premiers dossiers qui étaient sur la table, il y en avait un sur la mesure de la qualité de l'Internet. Et dans le document qui avait été préparé par les services de l'ARCEP, j'ai vu apparaître le mot BitTorrent, et j'ai dit « comment c'est possible qu'un document officiel de l'ARCEP fasse de la publicité pour le piratage ? » Et on m'a dit « t'es plus dans le coup papa ! BitTorrent c'est une techno, ce n'est pas un usage. » Donc voilà, évidemment on a fini par laisser BitTorrent dans ce document officiel, mais je vous rejoins sur une certaine diabolisation autour des technos peer-to-peer. Effectivement, on voit bien comment le multicast dans le domaine de la diffusion de la télévision linéaire permet d'optimiser les réseaux. De la même manière, dans certains usages comme les mises à jour et le partage de fichiers de manière générale, il est certain que le peer-to-peer est une architecture de communication efficace. Donc je note votre point et on va discuter avec les équipes et avec le collège de l'ARCEP pour voir comment on peut essayer de favoriser cette pratique. Je pense qu'il y aura effectivement un travail de pédagogie avec certains écosystèmes et certains départements ministériels, mais ne parlons pas perdants sur le sujet.

Benjamin Bayart : Alors pour le coup, puisque je suis supposé vous poser une question, il y en a une et je vais en profiter pour intégrer ce que je voulais dire de ce que j'ai vu, moi, de Mayotte, il se trouve que j'ai de la famille là-bas.
Ce que l'on a le plus vu comme saturation dans la crise sanitaire, ce n'est absolument pas les énormes plateformes : je crois que personne n'a vu de panne sur Netflix ou sur YouTube qui soit notable, même la catastrophe annoncée de Disney+, bon ce n'est pas très grave ! En revanche, on a tous vu que les infrastructures de l'Éducation nationale n'étaient absolument pas au point, qu'il n'y avait rien qui fonctionnait, qu'il n'y avait rien qui n'était dimensionné pour. Tout le monde le savait, tout le monde s'y attendait, la preuve, même le ministre a dit que ça marcherait, ce qui est la preuve qu'on savait que ça ne marcherait pas. C'est devenu une habitude ! Donc pour tout le monde, la question était : comment est-ce qu'on fait pour que le gamin qui est sur la tablette puisse suivre son cours pendant que papa et maman sont sur leurs ordinateurs en train de télétravailler ? Et puis on a l'image inverse. Je regarde la question du déploiement du réseau à Mayotte, qui est un département français. La question pour les gamins n'était pas tellement de qui va pouvoir utiliser la tablette et le Wifi de la maison, la question était : comment on va faire de l'école dans les bidonvilles ?, parce qu'il y a à peu près la moitié des habitants de l’île qui habitent plus ou moins dans des bidonvilles. En fait, la question de l'urgence sanitaire n'était même pas tellement comment on va faire des cours en ligne parce qu'on ne se pose pas ces questions-là. Pour une très grande partie des gamins, l'école est le seul endroit où ils ont un repas équilibré une fois par jour et le fait qu'on ferme les écoles, cela voulait dire qu'ils n'avaient plus accès à cette source d'un repas équilibré une fois par jour. Donc la distribution des cours était quelque chose d'extrêmement anecdotique et on se débrouillait comme on pouvait, avec des photocopies qu'on mettait aux entrées des supermarchés.
Là, il y a une question pour moi d'aménagement du territoire qui est une question totale. Il faut déployer des écoles, il faut déployer des logements et, en fait, il faut déployer du réseau pour aller avec. La fracture numérique, on la lit souvent en bon Parisien entre le petit village de la Creuse dans laquelle il y a un petit peu de 3G, pas encore de 4G, il y aura de la fibre optique en 2037 si le plan de déploiement du RIP [Réseau d’Initiative Publique] est suivi, et il y a un petit peu d'ADSL en bout de ligne. Et pour moi, il n'est pas tellement là, il n'est pas que là, c'est une vision très métropolitaine. En fait, il y a beaucoup de départements outremer où la question de l'aménagement du réseau est beaucoup plus sérieuse que ça, où il y a un retard colossal dans le déploiement de ces technos.
Je me demande quelle est la vision de l'ARCEP sur l'état du déploiement du réseau, en particulier dans les territoires d'outremer et spécifiquement à Mayotte qui, pour moi, est probablement le plus mal loti. Je ne sais pas si vous avez une vision plus claire et plus macroscopique que la mienne sur le sujet.

Sébastien Soriano : En fait, pour être honnête, je n'ai pas en tête mentalement la situation des réseaux fixes à Mayotte, mais je peux réagir rapidement sur le mobile puisqu'on est en train d'étudier des nouvelles attributions de fréquences dans tous les outremers d'ailleurs. Et effectivement on a procédé à un recensement. C'est l'Agence du numérique qui est maintenant l'Agence nationale de la cohésion et des territoires qui a travaillé avec les préfectures pour recenser des besoins de couverture. Effectivement, il y en a. Il y a effectivement des besoins de couvertures importants en mobile et en 4G. Donc dans les attributions de fréquences que nous sommes en train de préparer, on prévoit des nouvelles obligations pour couvrir des zones prioritaires qui ont été identifiées dans le cadre de ce processus.
On va faire ça un peu plus bourrin que ce que l'on a fait dans le New Deal. Dans le New Deal on a mis en place un processus continu de remontée d'informations en passant par les élus locaux qui est assez sophistiqué. Là, on va faire un one-shot. On a fait un relevé qui nous amène à une liste de sites prioritaires, donc on va imposer dans le cadre de l'attribution des fréquences la couverture de ces zones. Je rejoins effectivement votre diagnostic sur le fait que la connectivité est un besoin qui devient de plus en plus vital. Voilà ce que je peux dire.
Sur le dimensionnement des infrastructures, effectivement on a bien tous notés en début de crise que certaines infrastructures publiques, notamment de l'Éducation nationale et de la région Île-de-France de mémoire, étaient insuffisamment dimensionnées. Je crois que du côté de l'Éducation nationale, il y a d'une manière générale une prise de conscience qu'ils n'étaient pas passés à l'échelle industrielle du numérique, on va dire, de manière générale, dans toutes les dimensions, donc je pense qu'il y a des travaux importants qui vont se passer. C'est peut-être moins visible que le Ségur de la santé mais il y aura aussi des travaux importants qui vont se passer sur le sujet éducatif.
Je voulais aussi dire un mot par rapport à ce que vous disiez sur le fait que Netflix est trop grand et la question des monopoles. Je voulais signaler, parce que ça me parait intéressant, des prises de position récentes d'acteurs sur la question des plateformes de manière générale, ça ne répond pas à Netflix. Il y a une prise de position du BEUC [Bureau européen des unions de consommateurs], qui est le bureau européen des consommateurs, qui n'est pas très connu en France, mais qui est ce qu'on appelle un stakeholder, un représentant d'intérêt très important à Bruxelles, qui pèse beaucoup puisque je crois que leur slogan c'est Consumer Voice, ce qui est quand même évidemment très important pour le personnel politique européen. Donc il y a une prise de position sur la question des grandes plateformes internet dans laquelle, pour la première fois, le BEUC soutient le principe non seulement d'un enrichissement des outils du droit de la concurrence mais aussi de la mise en place d'outils de régulation ex ante, un peu du même style que ceux qu'on a eu dans les télécoms même si, évidemment, il faut qu'ils soient d'une nature différence. Et ce shift [changement] me parait vraiment très important car le droit de la concurrence il en faut, il en faudra toujours, il en faudra dans tous les secteurs, mais il aura forcément des limites intrinsèques qui sont que le droit de la concurrence est là pour corriger des défaillances dans le fonctionnement du marché. Le droit de la concurrence, structurellement, ne s'intéresse qu'à des excès, mais il ne sait pas créer des conditions positives de marché ; il ne sait pas, là où il y a un monopole, créer de la concurrence dès lors que ce monopole ne ferait pas d'abus. Et pour cela, il faut de la régulation ex ante, spécifique, comme on en a eu dans les télécoms qui nous a permis de passer de la situation de monopole à la situation concurrentielle, même si je suis conscient que certains acteurs considèrent que le marché est trop oligopolistique, mais il est quand même plus concurrentiel que si on n’avait qu'un acteur.
Je trouve très important qu'un acteur aussi important que le BEUC prenne cette position au niveau européen pour bien clarifier qu'il va falloir marcher sur deux jambes à partir de maintenant, entre un droit de la concurrence classique qui jouera toujours son rôle et qui devrait être très important dans la répression, et une régulation ex ante.
La deuxième chose que je voulais signaler en la matière, c'est le rapport6 de deux députés, madame Faure-Muntian de La République en Marche et monsieur Fasquelle des Républicains, qui viennent de publier un rapport extrêmement complet sur les enjeux concurrentiels du numérique et qui là aussi, c'est une clarification politique qui me parait extrêmement importante, considère qu'il va falloir marcher sur deux jambes et qu'on ne peut pas se satisfaire et se suffire d'un droit de la concurrence même modernisé. Quand je dis ça, ce n'est pas une mise en cause des autorités de concurrence qui font un travail formidable, Isabelle Desilva [Présidente de l’Autorité de la concurrence, NdT] le sait ; on travaille très bien ensemble dans un respect mutuel profond. C'est simplement l'outil lui-même qui ne permet pas un certain nombre de choses. Et tant mieux si le droit de la concurrence permettait de remodeler l'économie dans toutes ses dimensions, je crois que ça poserait certaines questions aux grandes entreprises et aux petites sur le fonctionnement de l'économie de marché. Donc c'est une bonne nouvelle y compris que le personnel politique, y compris le personnel de la majorité, puisse s'approprier ces enjeux. Voilà ce que je voulais indiquer. Alors ça ne répond pas précisément à la question de Netflix, mais ça me parait plutôt des bonnes nouvelles que je vois.

Benjamin Bayart : Juste pour boucler sur ce point là, je pense que le jour où on réfléchira à pourquoi on ne peut pas vendre de la vidéo comme on vend des livres, on aura fait un grand progrès. Pourquoi je ne peux pas monter un marchand de vidéos en ligne aussi facilement que je pourrais monter une librairie dans la rue en bas de chez moi ?, parce que les grossistes ne veulent pas me fournir. Du coup, je ne vois pas quelle forme de concurrence il pourrait y avoir à partir du moment où on n'a pas le droit d'ouvrir un magasin.
L'autre point. Est-ce qu'on dit deux mots sur StopCovid. Moi, je lui trouve un aspect extrêmement intéressant. Je rappelle quand même pour qu'il n'y ait pas de doute que je suis tout à fait opposé à l'existence même de ce type d'application. Pour des raisons philosophiques évidentes, je n'aime pas quand c'est l'ordinateur qui surveille l'humain et pas le contraire. Donc voilà, point. Ce point étant posé, je trouve extrêmement intéressante la façon dont ça s'est fait parce que cela a permis à du personnel ministériel qui n'en était pas forcément très conscient, de voir la mainmise des grands éditeurs de systèmes d'exploitation du mobile que sont Apple et Google, et le fait que non, on ne peut pas développer l'application comme on a envie. À chaque fois c'est formulé comme un problème de souveraineté avec « le gouvernement ne peut pas développer le logiciel dont il a envie, donc dépend de grands organismes ». Je ne suis pas d'accord. Les développeurs, qu'ils soient le gouvernement ou pas, ne peuvent pas déployer les outils qu'ils veulent et l'utilisateur ne peut pas installer le logiciel qu'il veut sur son ordinateur de poche. À mon sens c'est un problème fondamental depuis le début de l'ordinateur de poche un peu grand public il y a une dizaine d'années et je suis très content de voir que les ministres s'en sont enfin rendu compte. Ça justifie, à mon sens, pleinement le travail qui a été fait par l'ARCEP sur les terminaux, sur la liberté de choix des terminaux, sur est-ce qu'il faut réguler cette puissance-là, etc., qui sont les mêmes questions que celles qu'on a soulevées à la fin des années 80 avec le logiciel libre dans l'informatique grand public.

Sébastien Soriano : Je ne peux que boire vos paroles Benjamin. Je sais qu'il y a un volet complémentaire qui vous occupe sur cette question des terminaux, qui est la réparabilité et la bidouillabilité, c'est-à-dire la partie hardware des terminaux. Est-ce sur ce sujet vous êtes confiant notamment de ce qui se prépare au niveau européen où il y a eu un certain nombre d'annonces de principe sur la réparabilité ?

Benjamin Bayart : Non, je n'ai pas confiance. Par principe, je n'ai pas confiance. Oui, c'est un vrai sujet la réparabilité, c'est un sujet de plus en plus sérieux. En fait, sur les terminaux comme sur les grandes plateformes il y a des questions fondamentales d'interopérabilité et de pouvoir qu'il faut redonner à l'utilisateur final. Ça passe par le fait de pouvoir réparer son téléphone, ça passe par le fait de pouvoir choisir le système d'exploitation qui tourne dessus, ça passe par le fait de pouvoir modifier le système d'exploitation qui tourne dessus, ça passe par le fait de pouvoir installer l'application qu'on veut et pas seulement l'application qui a été validée par Google et Apple. Pour moi, la décision de Google et Apple sur leur API typiquement, viole fondamentalement le Règlement européen sur la neutralité du Net puisque je n'ai pas le droit d'utiliser l'application de mon choix sur le terminal de mon choix. Mais c'est ma lecture du règlement qui n'est pas la lecture officielle du régulateur. J'ai une lecture que tout le monde admet comme étant plus rude.

Sébastien Soriano : OK. Merci beaucoup. Je crois qu'on est arrivé au temps de ce dialogue. Merci beaucoup Benjamin Bayart.

Benjamin Bayart : Merci de votre invitation.

Sébastien Soriano : J'ai beaucoup apprécié votre analyse sur la question de l'optimisation du réseau, de l'optimisation des applications. Je trouve que c'est vraiment une approche très intéressante et qui ne manquera d'éclairer nos travaux futurs. Merci beaucoup, vraiment un grand merci.
Merci à tous nos auditeurs, je n'ose pas dire téléspectateurs, mais à tous ceux qui nous ont suivis. Merci beaucoup. Encore un grand merci à tous les contributeurs à nos travaux. Encore un grand merci à Serge Abiteboul et à tous les services de l'ARCEP qui ont porté ces travaux et préparé cette discussion. Un grand merci à tous. Et puis il ne me reste qu'à vous souhaiter de bons échanges sur les réseaux avec un Internet qui fonctionne au mieux. Merci beaucoup. Merci à tous. Portez-vous bien.

« Libre à vous ! » sur radio Cause Commune (15 septembre 2020)

Le 10 September 2020 à 13:52:07

15 Septembre 2020 - 15:30
15 Septembre 2020 - 17:00

Photo d'illustration de l'émission

74e émission Libre à vous ! de l'April en direct sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France, et sur le site web de la radio, mardi 15 septembre 2020 de 15 h 30 à 17 h. Le podcast de l'émission et les podcasts par sujets traités sont disponibles dès que possible, quelques jours après l'émission en général.

Au programme :

  • Notre sujet principal porte sur le thème de l'informatique avec Sylvie Boldo, directrice de recherche à l'Inria, et Fabien Tarissan chargé de recherche en informatique au CNRS, auteur de l'ouvrage « Au cœur des réseaux. Des sciences aux citoyens » (Le Pommier, 2019)
  • la première chronique musicale d'Éric Fraudain du site Au Bout Du Fil
  • la chronique « Partager est bon  » de Véronique Bonnet, professeur de philophie et présidente de l'April : présentation et commentaire du texte de Richard Stallman Mettre en application les critères du logiciel libre

Nous contacter pour poser une question :

Intervenir pendant le direct (mardi 15 septembre 2020 de 15h30 à 17h00) :

Écouter le direct mardi 15 septembre 2020 de 15 h 30 à 17 h 00   S'abonner au podcast

Les ambitions de l'émission Libre à vous !

La radio Cause commune a commencé à émettre fin 2017 sur la bande FM en région parisienne (93.1) et sur Internet. Sur le site de la radio on lit : « Radio associative et citoyenne, les missions de Cause Commune sont de fédérer toutes les initiatives autour du partage et de l’échange de savoirs, de cultures et de techniques ».

Nous avons alors proposé de tenir une émission April intitulée Libre à vous ! l'émission pour comprendre et agir avec l'April — d'explications et d'échanges concernant les dossiers politiques et juridiques que l'association traite et les actions qu'elle mène. Une partie de l'émission est également consacrée aux actualités et actions de type sensibilisation. L'émission Libre à vous ! est principalement animée par l'équipe salariée de l'April mais aussi par des membres bénévoles de l'association et des personnes invitées. Donner à chacun et chacune, de manière simple et accessible, les clefs pour comprendre les enjeux mais aussi proposer des moyens d'action, tel est l'objectif de cette émission hebdomadaire, qui est diffusée en direct chaque mardi du mois de 15 h 30 à 17 h.

Les archives de l'émission

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Un État plateforme, mais pour quoi faire, avec qui ? - Henri Verdier

Le 10 September 2020 à 06:39:52


Henri Verdier en 2013

Titre : Un État plateforme, mais pour quoi faire, avec qui ?
Intervenants : Henri Verdier - Thierry Guerrier, animateur
Lieu : Grand débat de la donnée 2018 - Syntec Numérique
Date : avril 2018
Durée : 17 min 35
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Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Henri Verdier en 2013 - Licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Thierry Guerrier : Merci du privilège que vous nous faites d’être là. Vous êtes en effet un peu le monsieur de l’informatique, le « monsieur données » pour le compte de l’État, je le disais, directeur du numérique pour l’État, Etalab1. Le sujet c’est la donnée et ce concept d’État plateforme que vous avez développé. Qu’est-ce que ça signifie ? Je vous en prie.

Henri Verdier : Bonjour. Tout d’abord je me sens chez moi avec vous, j’ai quand même été 20 ans entrepreneur et 5 ans dans l’État donc c’est un retour aux sources.

Pour lancer mon court propos, il y a une chose qui m’étonne en ce moment c’est que tout le monde nous présente les GAFAM comme des pilleurs de données et, pour moi, ce sont d’abord des gens qui nous fournissent des données. Je veux juste qu’on réfléchisse à ça deux secondes. La puissance des plateformes qui aujourd’hui dominent à ce point l’économie c’est la puissance de gens qui sont devenus des centres d’innovation parce qu’ils ont commencé par partager des ressources.
La première fois que j’ai entendu parler du SDK d’Apple c’était par des développeurs qui me disaient : « C’est incroyable ! Regarde ce qu’on peut faire, je peux utiliser un téléphone, un écran tactile, une boussole, une géolocalisation, de l’échange de données, etc. Je peux inventer les applications de mes rêves ! »
Aujourd’hui, ces géants de l’économie numérique sont d’abord et avant tout des gens qui partagent leurs ressources. Partageant leurs ressources ils attirent à eux des innovateurs. Ils se débrouillent pour reprendre des informations supplémentaires à ces innovateurs, ils créent [ils les aident à créer, Note de l'orateur] de la valeur ajoutée, ils en prennent une grosse part pour eux, ils en redistribuent un peu et ils deviennent de facto les patrons d’un écosystème d’innovation.
J’ai souvent combattu l’expression « la donnée est un nouveau pétrole » pour de nombreuses raisons dont vous avez sûrement parlé. La donnée n’a rien à voir avec du pétrole : ce n’est pas un bien rival, quand quelqu’un s’en sert il ne la détruit pas, souvent même il l’apprécie parce qu’il génère des métadonnées. Donc déjà ça n’a rien à voir avec une ressource rare qui s’épuise. Un jour un des gars de l’équipe m’a dit tu n’as qu’à rajouter un « s » et dire data is the new soil. En fait, ça se passe beaucoup plus comme ça, la donnée est un humus, un terreau sur lequel il est possible d’entreprendre et de créer de la valeur. Vous me voyez venir !
Aujourd’hui on est dans un monde où des plateformes géantes, parce qu’elles ont commencé par partager de la ressource – je dis ressource parce que ça peut être de la donnée, ça peut être du cloud, ça peut être de la géolocalisation, ça peut être des briques logicielles, ça peut être de l’identité, ce n’est pas seulement de la donnée, mais c’est principalement de la donnée – où ces géants sont en train de devenir le terreau sur lequel s’installe l’économie. Une des choses qui me préoccupe le plus dans le monde dans lequel nous sommes en train d’entrer, c’est… regardez ce qu’il y a dans vos téléphones : déjà si ces applications sont dans vos téléphones, elles ont demandé une permission à Android ou à Apple pour avoir le droit d’innover et d’exister ; elles ont accepté des conditions générales d’utilisation, elles sont sous permission, sous contrainte. Mais regardez d’un peu plus près, je pense que chacune de ces applications utilise PayPal, Facebook Connect, Google Maps… Aujourd’hui nous sommes en train d’entrer dans une économie où il est pratiquement impossible d’innover réellement sans demander la permission à un GAFAM et c’est vraiment préoccupant.
Une anecdote, je n’ai que sept minutes… L’hiver dernier aux vacances de Noël, il y a trois mois, la préfecture de Savoie a voulu faire un système d’information trafic routier et enneigement, elle avait fait un très beau site qui est tombé en panne le premier jour des vacances de Noël parce qu’ils avaient délégué ça à une petite PME locale qui, elle-même, avait tapé dans Google Maps sans lire les conditions générales d’utilisation. Au bout de 25 000 appels par jour à l’API [Interface de programmation d’application] c’est tombé en panne, ça a été fermé comme le prévoient les conditions générales d’utilisation. Et là, ils ont voulu appeler à Mountain View. Ils sont tombés sur un stagiaire qui a dit : « Il y a des CGU, c’est quoi la Savoie ? c’est quoi une préfecture ? c’est quoi la neige ? » [je brode un peu, là, Note de l'orateur] et il a fallu 15 jours pour rebooter le système, c’est-à-dire la fin des vacances de Noël.
C’est vraiment important de se rendre compte qu’on est en train de s’installer dans une organisation du monde où il y a de la data, il y a le droit californien, il y a les CGU, il y a la policy, il y a les réseaux d'alerte, etc. La puissance publique a le devoir, si vous suivez ce que je viens de dire, de préserver plusieurs choses. D’une part elle a le devoir de comprendre comment ces stratégies créent réellement de la valeur, parce que ça crée de la valeur, parce que ce sont des millions, des dizaines de millions d’applications réelles qui innovent, qui délivrent du service, qui ont des clients, etc. Et ensuite elle doit comprendre comment, en tant que puissance publique, elle doit quand même continuer à garantir, prenons un mot pompeux, la souveraineté, la souveraineté de l’État, mais la vôtre aussi, la liberté d’innover dans un monde sans demander la permission à des gens qu’on admire, qui sont des gens remarquables, mais qui tout simplement ne procèdent pas de la souveraineté du peuple français qui a le droit, le peuple français, de choisir comment il entend protéger la vie privée, quelle transparence il exige des algorithmes, qui il peut privilégier dans un retour à l’emploi, etc.
L’État plateforme est une réponse à une bonne partie des choses dont je viens de vous parler. C’est l’idée que nous pouvons penser et agir comme des plateformes, mais nous, nous sommes la puissance publique, nous sommes au service de vous, de nous, du peuple souverain. Donc on ne crée pas de la valeur pour faire du bénéfice pour actionnaires, on crée de la valeur pour défendre l’intérêt général et permettre aux entreprises d’innover dans une économie sur laquelle nous avons encore un droit de regard ou un droit de décision.

La première couche, Simon vient d’en parler amplement, la première couche de cet état plateforme c’est effectivement ce slogan que tu avais trouvé « des données sur lesquelles vous pouvez compter » et aujourd’hui on a construit trois étages dans la diffusion de ces données sur lesquelles vous pouvez compter. Il y a d'abord une très grande ambition d’open data. L’open data on pourrait dire que c’est un quart des données, en fait. Imaginons un tableau à double entrée : données produites par l’État ou par les acteurs privés ; données protégées ou non par des secrets légaux. Les secrets légaux c’est la vie privée, le secret des affaires, le secret industriel, le secret médical, le secret statistique. Rassurez-vous, les informations que vous transmettez aux services statistiques sont couvertes par le secret statistique. Donc l’open data ce sont les données produites ou détenues par la puissance publique et qui ne sont pas couvertes par des secrets légaux. Pour celles-là l’affaire est juridiquement entendue, elles doivent être diffusées gratuitement dans des formats ouverts avec totale liberté de réutilisation. Point barre.
Et puis, comme l’a dit Simon, on a compris qu’il ne fallait pas seulement donner des données en vrac dans l’état où on les reçoit nous, mais être capables d’assurer sur des informations critiques, les données de référence, la fraîcheur, la qualité, la disponibilité 24/24 sur du haut débit et on a bâti le service public de la donnée qui est, cette fois-ci, une obligation de résultat.
C’est venu de certains d’entre vous, c’est venu de gens qui nous disaient :« Mais alors, est-ce que je peux débrancher mon système d’information et m’appuyer directement sur le vôtre ? » Tant qu’on ne faisait que de l’open data on a dit « surtout pas » et on s’est dit mais quand même sur des choses comme le cadastre, la base Sirene, ces référentiels sur lesquels tout le monde se synchronise tout le tout le temps, l’État a peut-être le devoir de le penser comme une infrastructure et de garantir la pérennité et la qualité de l’infrastructure.
Et puis dans cette famille de données librement accessibles, utilisables par tous, on aime bien, nous, aller encore un cran plus loin et travailler à l’émergence de communs, c’est-à-dire de données qui sont produites par l’alliance de l’État, des producteurs, des utilisateurs. C’est comme ça qu’on travaille la base nationale adresses, la géolocalisation de toutes les adresses postales, avec l’IGN, avec La Poste et avec OpenStreetMap2 et ses 10 000 contributeurs bénévoles en France. C’est comme ça qu’on travaille OpenFisca3, je ne sais pas si vous avez vu, on maintient la base des 40 000 règles du droit fiscal et social et les collectivités locales, notamment, l’enrichissent de leurs propres règles. C’est un outil super intéressant pour Open Law4, je ne sais pas ce que tu en diras. On en fera d’autres et probablement dans des sujets comme le transport, l’énergie. Il y a plus de logique à faire une coconstruction avec les acteurs, y compris privés, qui ont tous besoin de ces données et qui en possèdent beaucoup, plutôt qu’à séparer les données qui viennent de l’État et celles qui viennent du secteur privé. Donc c’est une première couche.

La deuxième couche de l’État plateforme – comme vous voyez là je ne suis pas encore en train de vous parler d’une plateforme, je suis en train de vous parler de données accessibles – c’est justement de savoir devenir plateforme, c’est-à-dire savoir devenir le lieu où l’on vient innover parce qu’il y a l’ensemble des ressources bien compilées, bien designées. Donc, par ailleurs, l’État a maintenant une vraie stratégie de plateformisation de son système d’information. Au cœur de ça comme partout et comme tout le monde devrait le faire, l’« APIfication » généralisée du système. Aujourd’hui, de plus en plus, le fonctionnement de l’État s’organise sur des très grandes API, interfaces de programmation d’applications. Il y a une API entreprises qui livre quelques centaines de millions de pièces par an. Il y a une API d’informations personnelles dont nous avons fait en sorte qu’on ne s’en serve qu’avec le consentement express de l’utilisateur grâce à France Connect5 qui est encore un peu moins utilisé parce qu’il y a moins de gens particuliers qui ont droit d’utiliser l’API, mais elle est utilisée par de très nombreuses administrations. Il y a une API géographique et on aura comme ça une petite dizaine d’API qui seront le cœur du cœur du SI de l’État.

Il y a une capacité à gérer l’identité. Vous connaissez, j’espère, ce bouton France Connect qui permet de se loguer. D’abord c’est un single sign on, ça permet de se loguer à n’importe quel service public : il a gardé en mémoire votre mot de passe donc vous pouvez entrer dans le service public. C'est aussi pour nous un principe de design de nos systèmes d’information puisque ça permet que la plupart du temps, en tout cas par défaut, quand on fait un service qui utilise des données personnelles, on les utilise avec le recueil du consentement de l’usager. C’est aussi un système assez malin dont le concepteur est dans la salle. On n’a pas essayé nous, la DINSIC6, qui est une petite DSI corporate, à la taille de l’État, de refaire le système d’identité. Donc on a pris des identités qui existaient déjà, celles qu’utilise la DGFiP [Direction générale des Finances publiques], celles qu’utilise la CNAM, et on est désormais en train de lancer le mouvement pour avoir des identités fortes qui permettront de faire des usages régaliens comme aller porter plainte en ligne au pénal. Bien sûr on ne laisse pas faire ça avec des identités faibles. Donc on est à la fois capables de travailler avec des identités fortes du secteur privé, Orange, La Poste sont de très bons candidats, et vous avez peut-être vu qu’on a lancé une mission parce que le ministère de l’Intérieur émettra aussi une identité forte faite par l’État puisque c’est une des responsabilités de l’État de proposer une identité universelle, c’est-à-dire que toute personne a le droit de refuser.

Enfin, pour devenir plateforme, il faut gérer des données, il faut savoir gérer de l’identité, il faut savoir gérer la confiance donc les certificats de confiance. Je ne sais pas si vous imaginez à quel point ce cœur du cœur de machine bouleverse l’informatique de l’État, puisqu’une informatique qui était massivement en silo, extrêmement verticale, on refaisait tout à chaque fois, est en train de devenir une informatique qui s’échange toutes les données, toutes les ressources d’identité, des petits morceaux de logiciels et qu’il devient très facile d’utiliser, je le dis parfois, comme un Lego géant.

[C’est assez bizarre de vous parler parce que je suis totalement ébloui donc je ne vous vois pas. C’est un peu curieux !]

Bien entendu, puisqu’on se pense comme un État plateforme, ce dont je vous parle sera accessible le plus possible aux entreprises, aux citoyens, aux associations, à la société civile. Sur les données l’affaire est entendue.
Sur France Connect vous avez peut-être vu que le Premier ministre a annoncé le 1er février dernier son ouverture au secteur privé. On va y aller par cercles concentriques parce que, évidemment, je ne peux pas du jour au lendemain accepter qu’un million 800 000 entreprises françaises que nous ne connaissons pas et que nous ne voyons pas puissent utiliser France Connect pour des usages qu’on ne surveille pas… [Les citoyens nous demanderaient rapidement des comptes, Note de l'orateur]. Donc on va d’abord commencer par des entreprises qui sont presque des services publics, banques, assurances, mutuelles, etc., puis on va élargir par cercles concentriques disons sur une trajectoire de 18 mois à deux ans.

[Je n’arrive pas non plus à relire mes notes.]

Après, si on veut se penser dans une stratégie de plateforme, je rappelle juste qu’il ne suffit pas d’avoir des données et de les partager, d’avoir une mécanique des plateformes, ni même d’avoir une stratégie d’ouverture très grande et de bienveillance très grande à l’innovation autour de nous, il faut aussi avoir une stratégie de standard ouvert. Il faut avoir une prédilection pour le logiciel libre, parce que, en fait, si vous vous ouvrez et si vous dites « il faut que tout le monde utilise ma ressource », alors il faut que tout le monde sache l’utiliser et il vaut mieux être sur des standards les plus partagés possible. Si vous regardez bien le travail de la DINSIC elle pousse quand même dans l’État un réflexe assez logiciel libre, mais, comme vous avez peut-être remarqué, pas comme une stratégie d’achat ; le plus important pour moi c’est que l'on soit dans les communautés, que l'on contribue, que les agents publics qui contribuent soient reconnus pour ceci, encouragés et valorisés ; que nos standards soient eux-mêmes partagés, nos codes sources soient publiés, documentés, critiquables, améliorables, etc.
Et enfin, et dans toute stratégie de plateforme c’est le même chose, il faut aussi savoir innover soi-même avec cette plateforme parce qu’on ne devient pas plateforme passivement en disant « j’espère qu’un jour les usages vont venir ». On devient plateforme si on fait naître des usages, si on montre l’efficacité de la plateforme et si on designe la plateforme en fonction des usages réels. Donc dans notre stratégie de plateformisation du SI de l’État, la création de valeur par les méthodes agiles avec de l’impact rapide, avec des équipes qui savent pivoter, qui savent coller au plus près de l’expérience utilisateur, faire de l’amélioration incrémentale et continue, ça fait partie intégrante d’une stratégie de plateforme sinon vous avez designé une plateforme à blanc, sans réels retours d’usage, et vous avez toute chance de taper à côté de la plaque.

Voilà un petit aspect de la politique des données. J’espère que vous pourrez vous dire que ça a commencé. J’espère que vous commencez à vous dire que dans une bataille économique terrible, géostratégique, mondiale, la puissance publique est en train de s’armer pour desserrer un tout petit peu l’étau et partager avec la société civile une capacité d’être un peu plus autonome et un peu plus souveraine dans cette compétition.

Thierry Guerrier : Henri Verdier, s’il vous plaît.

{Applaudissements]

Thierry Guerrier : Ce n’est pas de la flagornerie, il n’y a pas de petit aspect, vous venez de le souligner. Tout ça s’inscrit dans une bagarre mondiale socio-économique considérable et où les États doivent jouer, les États nations, face à des puissances, les GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft], les BATX [Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi] qui ont autant de puissance qu’eux aujourd’hui, même de la quatrième ou la cinquième mondiale comme la France, évidemment. Donc on voit bien en quoi c’est déterminant.
Il y a un aspect sur lequel on peut s’interroger c’est la capacité d’adhésion à la démarche, à cette souplesse que vous essayez d’introduire dans la gestion d’un élément fondamental qu’est la donnée et la donnée publique. Est-ce que vous avez mesuré ça auprès des acteurs de l’État, des fonctionnaires ? Comment est-ce que vous êtes perçu aujourd’hui ? Il n’y a pas que les nouvelles générations, tout le monde est en capacité aujourd’hui d’adhérer au projet. Est-ce que vous mesurez ça ? Est-ce que vous travaillez sur cet aspect de l’adhésion des acteurs publics ?

Henri Verdier : Bien sûr. J’y ai fait allusion tout à l’heure. J’ai passé 20 ans dans le privé, j’ai créé trois startups et puis j’ai rejoint l’État tardivement.
En fait c’est très contrasté. C’est-à-dire qu’on a des handicaps que vous imaginez facilement et on a aussi des avantages que je n’avais pas forcément prévus.
L’État c’est d’abord énormément de monde et beaucoup d’entre eux sont très autonomes en fait. Songez au nombre de profs qui sont contributeurs à des communautés de logiciel libre, à Wikipédia. Je dis souvent que dans n’importe quelle organisation il y a au moins 5 % d’innovateurs radicaux. En France il y a 5 millions d’agents publics, donc il y a au moins 250 000 innovateurs radicaux, donc c’est plus que la Silicon Valley. Déjà on les a, ils sont les « intrapreneurs ».
Ensuite il y a un une profonde conscience qu’« il faut que tout change pour que rien ne change », c’est-à-dire que si on veut garder une autorité de l’État il faut qu’il change sinon il sera jeté dans les poubelles de l’histoire. Donc il y a une appétence au changement qui existe. Ça ne veut pas dire qu’on sait dans quel sens il faut aller mais qu’on sait qu’il va falloir que ça bouge.
Je vois aussi dans la salle des représentants de plusieurs de ces communautés, Open Law et autres. Comme on travaille pour l’intérêt général, on peut faire des alliances plus faciles. Moi je n’ai pas de concurrent direct qui veut me piquer des parts de marché, donc ce n’est pas gênant que je publie mon code source, mes algorithmes, mes data, personne ne va faire un contre État. On peut affaiblir l’État ou le renforcer, mais on ne va pas faire un autre État à côté. On peut aller voir des gens en disant « je suis en train de faire de l’intérêt général, d’aider les handicapés à Metz, etc., est-ce que vous voulez donner un coup de main ? », et les gens viennent donner un coup de main.
On a de vrais handicaps terribles, on pourrait en parler, organisationnels, managériaux, budgétaires, RH, historiques, et on a aussi de vrais atouts. Donc c’est juste que c’est contrasté, Ce n’est pas la même manière de travailler que dans le secteur privé.

09 September 2020

Luc DIDRY

Nexi, un nouveau logi­ciel de gestion de listes

Le 09 September 2020 à 17:19:30

Le besoin

Je cher­chais un logi­ciel me permet­tant de gérer la liste des bandes dessi­nées que je souhaite ache­ter.

Le cahier des charges des éléments des listes était rela­ti­ve­ment simples :

  • un nom ;
  • éven­tuel­le­ment un numéro, pour indiquer le tome de la série à ache­ter, incré­men­table en un clic (une fois que j’ai acheté un tome, je vais logique­ment avoir envie d’ache­ter le suivant) ;
  • un état publié / pas encore publié, pour garder trace des livres dont j’at­tends la publi­ca­tion.

Voilà qui est rela­ti­ve­ment simple… mais pas moyen de trou­ver exac­te­ment ce que je voulais ! Le plus proche était Carnet qui en plus avait l’avan­tage d’être synchro­ni­sable avec un serveur Next­cloud et d’avoir une appli­ca­tion Next­cloud, mais il ne faisait pas les numé­ros, et le passage d’une liste à l’autre est un peu lent (reve­nir à l’écran des listes, retrou­ver l’autre liste, cliquer dessus).

Bref, ça me déman­geait. Et quand ça démange un libriste, le libriste se gratte.

Le déve­lop­pe­ment

N’ayant pas envie d’ap­prendre à déve­lop­per une appli­ca­tion Android (Java ? Non, merci, ça ira), j’ai commencé à coder un site web simple (HTML/CSS/JavaS­cript) en me disant que je pour­rais toujours la trans­for­mer en progres­sive web app (PWA) par la suite.

Une PWA est une page web qui s’ins­talle sur votre télé­phone comme une appli­ca­tion native. Les éven­tuelles données sont stockées de façon locale si vous êtes hors ligne et synchro­ni­sées lors du retour en ligne.

J’ai donc déve­loppé mon appli­ca­tion, que j’ai commencé par appe­ler « Next Book », puisque le but était de garder la trace de mes livres à ache­ter.
Cepen­dant, après discus­sion avec quelques amis, je me suis rendu compte que je pouvais utili­ser cette appli­ca­tion pour n’im­porte quel type de liste : une liste de courses, avec le nombre d’ar­ticles à ache­ter par exemple.
Je l’ai donc renom­mée en Nexi (pour NEXt Item, « élément suivant » en français).

Au menu, donc :

  • appli­ca­tion en javas­cript avec Alpi­neJS ;
  • CSS généré avec Tail­windCSS ;
  • données stockées en local via IndexedDB grâce à JsStore ;
  • utili­sa­tion de l’ex­ten­sion de navi­ga­teur WAVE pour m’as­su­rer de l’ac­ces­si­bi­lité de Nexi.

À mon cahier des charges, j’ai ajouté quelques petites choses :

  • gestion des thèmes clairs et sombres grâce à la fonc­tion­na­lité CSS prefers-color-scheme ;
  • multi-langue avec détec­tion du langage du navi­ga­teur mais avec possi­bi­lité de choi­sir la langue que l’on souhaite (code large­ment repris de celui de WemaWema) ;
  • possi­bi­lité de décré­men­ter le nombre (pour une liste de course, ne pouvoir qu’in­cré­men­ter le nombre n’est pas très pratique) ;
  • export et import des données.

L’ap­pli­ca­tion

Une application de gestion de liste, avec une liste remplie de différents éléments
Voici à quoi ressemble Nexi

Aucune donnée n’est envoyée à un quel­conque serveur, tout reste dans le navi­ga­teur. J’avoue que j’avais envie d’al­ler vite et pas du tout envie de devoir déve­lop­per un serveur en plus.

Vous pouvez utili­ser Nexi sur https://nexi.fiat-tux.fr/ (qui est une Gitlab Page sur Frama­git, j’avais la flemme de rajou­ter un site sur mon serveur).

S’il y en a qui ont utilisé l’adresse que j’ai diffusé sur Masto­don ces derniers jours, https://fiat-tux.fr/nexi, je vous conseille d’ex­por­ter vos données et d’al­ler sur la nouvelle adresse pour les y impor­ter : je ne sais pas pendant combien de temps je garde­rais l’an­cienne adresse active.

Pour ceux qui se demandent quel est l’ori­gine de logo, c’est fort simple : Nexi me permet de passer rapi­de­ment un élément de la sous-liste « En cours » du dessus à la sous-liste « Suivant » du dessous. Le logo est donc une repré­sen­ta­tion de cette fonc­tion­na­lité : ce sont deux flèches, l’une poin­tant vers le haut et l’autre vert le bas 🙂

Une flèche verte pointant vers le haut, sur une flèche mauve claire pointant vers le bas, sur un fond mauve foncé
Le logo de Nexi

Pour instal­ler Nexi sur votre smart­phone, allez sur le site puis regar­dez dans le menu de votre navi­ga­teur : Fire­fox me propose un simple mais effi­cace « Instal­ler » (j’ignore comment font les autres navi­ga­teurs).

Le code

Nexi est publiée sous les termes de la GNU Affero Gene­ral Public License v3.0.

Le dépôt git de Nexi est sur Frama­git : https://frama­git.org/fiat-tux/hat-soft­wares/nexi, n’hé­si­tez pas à créer des tickets et à contri­buer, ou à instal­ler Nexi chez vous : c’est aussi simple que de dépo­ser les fichiers du dépôt sur le serveur web 🙂
Il est aussi possible de contri­buer en tradui­sant Nexi sur https://weblate.frama­soft.org/projects/nexi/fron­tend/.

EDIT 10/09/2020 : ajout de la licence.

Crédit : Photo par David Ballew sur Unsplash

de_crevoisier.png LE-ROUTEUR-WIFI.COM

Des hackers à l’assaut des box internet et des routeurs personnels

Le 09 September 2020 à 13:18:52

Les experts en cyber sécurité de Trend Micro alertent sur la recrudescence des tentatives de piratage des box et routeurs. Il faut dire qu’avec 29.9 millions d’abonnements internet actifs en France au premier trimestre 2020 (Source Arcep), et donc autant de box internet, auxquelles il faudrait rajouter le nombre de routeurs, la manne est très intéressante pour les hackers.

Pourquoi est-ce que des hackers voudraient prendre le contrôle de votre box ou de votre routeur ? Pour vous dérober vos dernières photos prisent pendant l’anniversaire de tata Jeanine ? Non, ça ils s’en moquent, ce que les piratent cherchent, c’est à avoir une main mise sur vos objets connectés afin de les intégrer dans leur(s) botnet(s).

C’est quoi un botnet ?

Ce mot est la contraction de « robot » et de « network ». Un botnet est un réseau d’appareils connectés à internet, sous l’emprise d’un tiers, et pilotables à distance. Une fois que l’appareil, ordinateur ou objet connecté, rejoint ce botnet, il est alors qualifié de « zombie ».

Le botnet, une fois qu’il a atteint une taille suffisante est utilisé afin de mener des attaques coordonnées, comme par exemple une attaque DDoS (attaque par dénis de service), ou bien une campagne de spam. Un botnet est rarement utilisé par celui qui l’a créé. Celui, ou plutôt ceux, qui créent un botnet ne le font pas dans le but direct de mener une attaque, mais plutôt dans celui de louer les services de ce réseau zombie. Ainsi n’importe qui disposant d’assez de fonds, peu mener une attaque DDoS contre qui il souhaite, en louant simplement l’infrastructure nécessaire.

Il y a encore quelques années, les botnets étaient très majoritairement constitués de PC, mais l’émergence des objets connectés a changé la donne. Moins protégés, moins surveillés, de plus en plus nombreux, les objets connectés sont un rêve éveillé pour les créateurs de botnets. Et si, quand on parle d’objets connectés, on pense fatalement à des périphériques comme les caméras IP, les imprimantes connectées, ou bien autres serrures, thermostats… les routeurs en eux-mêmes sont également visés par ces attaques.

Ces objets connectés, constituant l’IoT, Internet of Things, sont tellement intéressants pour les cybers criminels, qu’il se déroule actuellement une véritable guerre de territoire pour savoir qui contrôlera ces dits objets. Comme nous le disions, Trend Micro Research a publié une étude sur le sujet, « Worm War: The Botnet Battle for IoT Territory », et note que depuis le début de l’année 2020, les tentatives de piratage des box et routeurs ont été multipliées par 10.

« Une grande majorité de la population dépend de plus en plus des réseaux domestiques dans le cadre de son activité professionnelle ou de ses études ; c’est pourquoi ce qui se passe sur votre routeur n’a jamais été aussi important », Renaud Bidou, Directeur Technique Europe du Sud, Trend Micro.

La recrudescence des attaques

En 2019, de janvier à septembre, 23 millions de tentatives de piratage sur les box et routeurs ont été enregistrées. Mais de septembre à décembre, ce nombre est monté à 249 millions. Et cela n’a pas l’air de fléchir puisque sur le simple mois de mars 2020, ce nombre d’attaques était de 194 millions.

Si le nombre de tentatives de piratage est énorme, il est de plus exponentiel, puisqu’un routeur compromis essaiera de prendre le contrôle des objets connectés lui étant connecté.

Comment ces attaques sont-elles menées ?

« Conscients que nombre de routeurs domestiques comportent des informations d’identification par défaut et ne sont pas suffisamment sécurisés, les cybercriminels ont multiplié les attaques à grande échelle. », Renaud Bidou, Directeur Technique Europe du Sud, Trend Micro.

Il ne faut pas sombrer dans la psychose, si vous avez une hygiène numérique suffisante, vous devez être plus ou moins hors d’atteinte de ces attaques. Car ces dernières reposent sur quelque chose d’assez simple, le postulat que, du moins pour les anciens modèles, les box et les routeurs avaient un nom d’utilisateur et un mot de passe par défaut.

Vous avez forcément vécu ça, vous acheter un routeur (ou un objet connecté), et dans la notice, on vous explique, que, pour paramétrer votre appareil, il faut vous connecter à son interface en ligne, puis vous connecter avec le nom d’utilisateur « admin » et le mot de passe « admin », ou bien « root » et « root », ou bien encore « admin » et la marque de l’appareil en mot de passe. Dans la notice, il est également indiqué que c’est une bonne idée de changer ces identifiants. Et une grande partie du problème vient de là. Laisser aux utilisateurs la responsabilité de devoir changer leur mot de passe… beaucoup ne le font pas.

Pour pallier à cela, deux techniques ont été mises en place par les constructeurs sur les produits plus récents.

La première de ces techniques consistent à générer, en usine, un nom d’utilisateur et un mot de passe unique pour chaque appareil. C’est pourquoi, vous pourrez trouver dans la notice de certains de vos appareils des identifiants comme « BlueBanana », « BigMonkey » ou d’autres trucs bizarres comme ça.

La seconde méthode consiste à obliger l’utilisateur à définir lui-même de nouveaux identifiants lors de sa première utilisation.

Donc, la plupart de ces attaques se résument, finalement, à essayer de se connecter à des routeurs ou box, avec différents identifiants standards. Techniquement, un script génère un pool d’adresses IP, par exemple de 1.1.1.1 à 2.2.2.2 (attention c’est de la simplification, mais ça permet de comprendre), ensuite, le script va essayer de se connecter sur chacune de ces adresses. S’il semble y avoir quelque chose sur l’adresse que le script est en train de traiter, alors, il va essayer de se connecter avec les bons vieux « admin » / « admin », « root » / « root » etc…

Alors, vous allez me dire, donc il faut, qu’il y ait une boxe ou un routeur sur l’adresse que le script est en train de traiter, que l’administration à distance soit activée, que cette box ou ce routeur soit assez ancien pour encore avoir des identifiants par défaut, que ces identifiants n’aient jamais été changés…

Et vous avez raison, dans la majorité des attaques, il faut que tout cela soit réuni pour que le script de l’attaquant arrive à se connecter à votre routeur. Mais, il y a beaucoup de box et de routeurs de par le monde, et beaucoup d’attaquants, et les machines qui mènent ces attaques sont capables de tester énormément d’adresses en peu de temps. Vous l’aurez compris, ces attaques reposent sur le volume de machines ciblées. Si vous testez ne serait-ce que 100 000 IP par jour (ce qui est peut), et que seulement 1% répondent à tous ces prérequis (ce qui est peut aussi), alors vous avez la main sur 1000 routeurs… Ça donne à réfléchir.

Bien entendu, il peut y avoir d’autres types d’attaques, comme celles qui profitent d’une faille dans le firmware du routeur par exemple, mais pour la plupart, il s’agit simplement d’essayer les identifiants par défaut, comme nous l’avons vu.

Plus rarement, il est possible que l’attaquant essai de prendre le contrôle du routeur par Brute Force, mais c’est tout de même plus rare. Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, une attaque par Brute Force, va tout simplement essayer toutes les combinaisons de mot de passe possible.

Prenons un exemple, mettons que l’attaquant parte du principe que votre nom d’utilisateur est « admin » (c’est très souvent le cas, puisque si on change le mot passe, on le fait par contre plus rarement pour le nom d’utilisateur). Il n’a donc plus qu’à trouver le mot de passe.

La plupart des mots de passe faisant au moins 4 caractères, l’attaquant va commencer par là et essayer uniquement des mots de passe de cette taille, pour commencer.

Le programme de l’attaquant va donc essayer le mot de passe « aaaa », puis « aaab », puis « aaac » … jusqu’à « zzzz ». Suivant comment le programme attaquant est réglé, il est possible d’intégrer aussi dans les essais, les accents, chiffres et caractères spéciaux. Si aucune des combinaisons ne permet d’accéder à la machine, le script passera à des mots de passe sur 5 caractères et ainsi de suite.

Vous allez me dire que ça représente « des milliards de combinaisons ! » et vous aurez raison, mais plusieurs choses permettent que cela soit tout de même possible. Premièrement, les gens qui vont utiliser un mot de passe du type « Thhv!xrePlA ?^! » sont rares… la plupart des mots de passe vont plutôt ressembler à « Annabelle13 », « Sophie2003 », « motdepasse », « 12345 »… bref, certains sont prévisibles, les programmes essayant d’enter sur votre machine vont donc, en premier lieux, essayer des combinaisons possibles, on parle d’attaque par dictionnaire.

Comme le nom de l’attaque l’indique clairement, le script malveillant va essayer d’entrer comme mot de passe, la liste des mots de passe les plus utilisés, une liste est appelée un dictionnaire. Une fois que les mots de passe les plus utilisés auront été tous essayés, le script va passer, par exemple, à un dictionnaire des prénoms, puis a une combinaison de prénoms et d’années, sur deux ou quatre caractères… si tous les dictionnaires préconçus (toutes les listes) ont échoué, le script peut passer au vrai dictionnaire, et ainsi essayer tous les mots d’une langue, voire de plusieurs langues. Si votre mot de passe est « ArbresEtFleurs » une attaque par dictionnaire devrait le trouver, même si votre sésame est un peu plus complexe.

Comment se protéger ?

Comme nous l’avons vu, si votre routeur est assez récent, il est très possible que vous ayez déjà changé son mot de passe. Si vous possédez un modèle plus ancien, il est temps de le faire.

Ce que je vous conseille :

Changez votre mot de passe pour quelque chose d’assez complexe, au minimum 10 caractères avec des chiffres, des lettres minuscules et majuscules et des caractères spéciaux. Si vous êtes en manque d’imagination, vous pouvez générer des mots de passe de ce type sur le site de la CNIL.

Si vous avez peur d’oublier ce mot de passe, une bonne technique est d’utiliser des phrases de passe, facile à retenir, dont vous ne garderez que les premières lettres de chaque mot. Par exemple, « Les Oiseaux Chantent Quand Il Fait Beau, Mais Pas Quand Il Pleut » donnerait « LOCQIFB,MPQIP ». On remplace la virgule par un slash (par exemple) et on met la première partie en minuscules, et on obient « locqifb/MPQIP » ce qui est déjà un bien meilleur mot de passe, et de plus, facile à retenir.

Comme nous l’avons vu, si les mots de passe sont assez souvent changés, ce n’est pas souvent le cas des noms d’utilisateurs. Ne pas changer le nom d’utilisateur, c’est simplifier par deux la tâche de l’attaquant…

C’est donc une bonne idée d’en choisir un nouveau. Bien entendu, vous éviterez « admin », « root », « administrateur », la marque de votre matériel, votre prénom…

Ensuite, une autre chose très importante est de maintenir à jour le firmware de votre routeur. Simplement car les failles existent, et que les fabricants les patchent (les corrigent), dans les mises à jour du logiciel des routeurs.

Dernier conseil, si vous n’en avez pas besoin coupez tout simplement (en plus du reste), l’administration à distance de votre routeur. C’est-à-dire que l’interface en ligne ne sera accessible que depuis une machine connectée à votre réseau local.

Vous pouvez, en plus, restreindre l’accès à cette interface en ligne à une ou deux machine de votre réseau, en indiquant quelles adresse MAC est autorisée à se connecter.

Si vraiment, vous devez accéder à votre routeur depuis l’extérieur, la meilleure des manières de faire est alors de n’autoriser la connexion que depuis le réseau local, puis d’accéder à votre réseau local via un VPN.

Il ne faut pas, comme nous le disions au début de l’article, tomber dans la psychose, mais il ne faut pas pour autant totalement négliger votre sécurité informatique. Il est important d’adopter une politique de mot de passe fort, et de maintien à jour de vos différents appareils. Juste avec ces deux points, vous éviterez 99% des attaques.

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april.png Nouvelles April

Réunion du groupe de travail Sensibilisation de l'April jeudi 10 septembre 2020 à 17 h 30 (accueil à 17 h 15) à distance

Le 09 September 2020 à 08:48:28

10 Septembre 2020 - 17:15
10 Septembre 2020 - 19:30

Logo du groupe de travail Sensibilisation de l'April

Le groupe de travail Sensibilisation

L'objectif du groupe de travail Sensibilisation de l'April est la production d'outils de communication pour sensibiliser un plus large public aux enjeux du logiciel libre et des formats ouverts. Toutes nos ressources sont publiées sous licence libre, ainsi toute personne ou structure souhaitant sensibiliser au logiciel libre autour de soi peut les utiliser, les modifier et les partager librement.

La participation aux actions du groupe de travail Sensibilisation est ouverte à tout le monde (membre de l'April ou pas).

Quand et quoi ?

Le groupe de travail Sensibilisation de l'April se réunit chaque 3ème jeudi du mois. D'autres réunions ponctuelles peuvent être organisées au cours de l'année.
Toute personne intéressée peut participer aux réunions du groupe (membre de l'April ou pas).

Une réunion du groupe Sensibilisation aura lieu jeudi 10 septembre 2020 en visioconférence. Horaires : dès 17 h 30 et jusqu'à 19 h 30 (accueil à partir de 17 h 15). Il sera possible de rejoindre la réunion à tout moment. À cette occasion, nous continuerons à rédiger le descriptif des cases du plateau du Jeu du Gnou (pour le projet Jeu du Gnou, voir plus bas).

Pour tous les détails et vous inscrire à la réunion, rendez-vous sur le pad. Si vous prévoyez de rejoindre la réunion après 17 h 30, merci de préciser votre horaire d'arrivée en plus de votre nom/pseudo.

Image du Jeu du Gnou

Jeu du Gnou

Le Jeu du Gnou est l'un des projets en cours du groupe de travail Sensibilisation. Il s'agit d'un jeu de plateau coopératif et pédagogique dont le but est de sensibiliser le grand public aux enjeux de l'informatique (libertés vs servitudes, protections contre les dangers).

On peut déjà jouer au Jeu du Gnou ? Oui ! Il est possible de télécharger les éléments graphiques de la version beta depuis le pad principal du jeu.

Qu'est-ce qu'il reste à faire ? Finaliser le livret accompagnant le jeu, réaliser le graphisme, rédiger de nouvelles questions.

Comment contribuer ? Tester le jeu, relire et rédiger les textes, proposer des images, sont autant d'actions possibles pour nous aider à faire avancer le projet. Sans oublier bien sûr la participant aux réunions ! :-)

Pour en savoir plus sur le Jeu du Gnou et sur comment contribuer, voir la page wiki du projet.

Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 1er septembre 2020

Le 09 September 2020 à 07:32:04


Bannière de l'émission

Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 1er septembre 2020 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s : Jean-François Clair - Renaud de Colombel - Marie-Odile Morandi - Étienne Gonnu - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 1er septembre 2020
Durée : 1 h 30 min
Écouter ou enregistrer le podcast
Page des références utiles concernant cette émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Bannière de l'émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l'accord de Olivier Grieco.
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
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logo cause commune

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Quel plaisir d’entendre ce générique ! C’est la rentrée ! Nous espérons que vous avez passé un bel été malgré le contexte et que vous êtes en pleine forme. Nous sommes ravis d’être de retour avec vous.
L’été a tout de même été actif de notre côté pour préparer une belle saison 4 de Libre à vous !, l’émission sur les libertés informatiques.
En ce jour de rentrée on fait bien sûr un message amical et un soutien à tous les élèves qui ont repris et aux personnels de l‘Éducation nationale avec un petit message particulier à ma femme qui est professeur des écoles et à mes trois enfants qui ont repris aujourd’hui.

Au programme du jour, eh bien on va parler d’Éducation nationale, de syndicats et du logiciel libre. Ce sera le sujet principal de l’émission, avec également au programme les nouveautés de la saison 4 de Libre à vous! et également la chronique de Marie-Odile Morandi qui nous fera un retour sur les chroniques de Véronique Bonnet intitulées « Partager est bon ». Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio diffuse également en DAB+ en Île-de-France.

Soyez les bienvenus pour cette édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April. À la réalisation aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu en charge des affaires publiques. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Tu n’as pas trop chaud dans ton petit espace de régie avec le masque ?

Étienne Gonnu : Non, ça va.

Frédéric Couchet : Ça va. OK. Bonne réalisation.

Étienne Gonnu : Bonne émission à toi.

Frédéric Couchet : Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette l’émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais également des points d’amélioration.

Nous sommes mardi 1er septembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur le bouton « chat » et rejoignez-nous sur le salon dédié à l’émission #libreavous.
Nous vous souhaitons une excellente écoute et tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Les nouveautés de la saison 4 de l'émission

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par accueillir les personnes qui découvrent l’émission en rappelant le concept de l’émission et on parlera de quelques nouveautés de la saison 4.
L’April est l’association nationale de promotion et de défense du logiciel libre.
Un logiciel est dit libre quand il accorde, par sa licence d’utilisation, la liberté de l’utiliser sans restriction, mais également celle d’étudier son fonctionnement, de le copier, de le modifier et de le redistribuer, quatre libertés fondamentales. C’est l’accès au code source du logiciel, la recette de cuisine quelque part, la recette de fabrication, qui permet l’accomplissement de ces quatre libertés fondamentales.
Depuis mai 2018, l’April anime une émission d’explications et d’échanges sur la radio Cause Commune sur le thème des libertés informatiques ; le titre : « Libre à vous ! ». L’émission se veut avant tout une émission d’explications et d’échanges sur les dossiers politiques et juridiques que l’association traite, sur les actions qu’elle mène, pour les libertés informatiques en général et, évidemment, particulièrement le logiciel libre.
Libre à vous ! c’est aussi un point sur les actualités du Libre, des personnes invitées aux profils variés, de la musique sous licence libre – et on va en parler dans les nouveautés -, des actions de sensibilisation. Donner à chacune et chacun, de manière simple et accessible, les clefs pour comprendre les enjeux, mais aussi proposer des moyens d’action, tel est l’objectif de cette émission hebdomadaire.

Les podcasts des trois premières saisons sont à votre disposition : 71 émissions découpées en plusieurs sujets disponibles individuellement d’une dizaine de minutes à une heure.

La radio c’est avant tout des voix et peut-être aimeriez-vous explorer les coulisses de l’émission, voir comment cela se passe derrière les micros de Cause Commune. Pour cela nous avons mis en ligne, sur le site de l’April, une bande-annonce vidéo pour montrer des images, des visages. Donc vous pouvez retrouver sur april.org mais également sur causecommune.fm une bande-annonce qui vous permet de découvrir un petit peu les coulisses.

Je vous rappelle que la radio dispose également d’un webchat, donc utilisez votre navigateur web, rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez nous sur le salon dédié à l’émission.

Toute nouvelle saison apporte son lot de nouveautés. Aujourd’hui c’est la saison 4.
Libre à vous!, c’est aussi, en plus des personnes invitées, des chroniques mensuelles sur des thèmes variés. L’équipe des chroniqueurs se renouvelle à l’intersaison, un petit peu comme dans le sport, certaines personnes sont parties et d’autres sont arrivées. Ainsi Emmanuel Revah et Xavier Berne ont décidé d’arrêter leurs chroniques. Emmanuel interviendra ponctuellement dans l’émission. Quant à Xavier Berne, qui était journaliste au magazine d’actualité Next INpact, il a rejoint l’équipe parlementaire de la députée Paula Forteza et, évidemment, nous lui souhaitons le meilleur dans cette aventure.
Nous avons le plaisir d’accueillir dans l’équipe des chroniqueurs deux nouvelles personnes : Éric Fraudain du site Au Bout du Fil, auboutdufil.com, qui propose une sélection de musiques libres dans tous les styles musicaux. Éric fera une chronique musicale mensuelle : sa première chronique aura lieu mardi 15 septembre. Éric va également nous aider dans la programmation musicale de l’émission en nous sélectionnant des pépites musicales libres. Si vous voulez découvrir un peu plus le site auboutdufil.com vous pouvez évidemment le visiter et également écouter l’interview d’Éric dans l’émission du 14 avril 2020.
Nous avons également la joie d’accueillir Isabelle Carrère de l’association Antanak, antanak.com, qui agit notamment pour l’appropriation de l’informatique par toutes et tous. Il se trouve que les locaux d’Antanak, sont situés juste à côté du studio de la radio. Le studio est au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e à Paris, les locaux d’Antanak c’est au 18. Dans sa chronique, Isabelle nous fera partager son expérience notamment dans l’accompagnement de personnes débutantes en informatique. Sa première chronique aura lieu mardi 8 septembre, donc la semaine prochaine. Si vous voulez en savoir plus sur son activité à Antamak, vous pouvez écouter le podcast de l’émission du 23 juin 2020 sur le thème du réemploi informatique dans laquelle Isabelle intervenait. Je précise également que Isabelle Carrère anime aussi une émission sur Cause Commune intitulée Un coin quelque part qui porte sur la maison, sur l’habitat.
Toujours dans les nouveautés, nous avons mis en place une lettre d’information pour l’émission. Vous pouvez vous y abonner depuis les pages consacrées à l’émission sur april.org ou causecommune.fm pour recevoir les annonces des podcasts, les émissions à venir et toute autre actualité en lien avec l’émission.
Et enfin, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à un des sujets de l’émission, pour nous poser une question ou tout simplement pour nous laisser un message de sympathie et on adore les messages de sympathie ! Il faut savoir qu’à la radio on a très peu de retours, donc on est preneurs de retours. N’hésitez pas ! Si vous avez simplement envie de nous dire que vous aimez bien l’émission, vous pouvez nous laisser un message et si vous avez envie d’apporter des points d’amélioration ou même des critiques constructives, n’hésitez pas. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46, je répète 09 72 51 55 46.

C’étaient les principales nouveautés de la saison 4.

On va faire une petite pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Cette pause musicale n’a pas été proposée par Éric Fraudain, elle a été proposée par Marie-Odile Morandi qui interviendra en fin d’émission.
Nous allons écouter Pixel Peeker Polka par Kevin MacLeod. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Pixel Peeker Polka par Kevin MacLeod.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Pixel Peeker Polka par Kevin MacLeod disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, c’est-à-dire que vous pouvez utiliser cette musique comme bon vous semble à partir du moment où vous créditez l’auteur de la musique. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org et sur causecommune.fm.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Nous allons passer maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui porte sur les syndicats de l’Éducation et le logiciel libre. Le sujet a été enregistré il y a quelques jours, car les deux personnes invitées travaillent aujourd’hui lors de la diffusion de l’émission car c’est la rentrée des classes comme vous le savez. Nous allons écouter ce sujet enregistré et on se retrouve après.

Syndicats de l'Éducation et logiciel libre, avec Jean-François Clair du SNES-FSU et Renaud de Colombel du Sgen-CFDT

Étienne Gonnu : Bonjour. Je m’appelle Étienne Gonnu, je suis en charge des affaires publiques pour l’April et j’ai le plaisir d’être aujourd’hui avec Jean-François Clair du Syndicat national de l’Enseignement supérieur, SNES-FSU, et Renaud de Colombel du Syndicat général de l'Éducation nationale, Sgen-CGDT, pour échanger sur la question du logiciel libre dans l’Éducation nationale avec la grille de lecture qui est la leur, celle des syndicats.
Nous sommes le mardi 25 août et, une fois n’est pas coutume, nous enregistrons notre sujet en avance pour la simple raison qu’au moment de la diffusion de l’émission qui sera, elle, en direct le mardi 1er septembre, ce sera la rentrée des classes et que nos invités seront, à ce titre, bien occupés.
Jean-François me corrige c’est de l’enseignement secondaire, pas supérieur. Excusez-moi.
Jean-François Clair, Renaud de Colombel. Bonjour. Je vais aussi préciser qu’étant donné le contexte sanitaire en Île-de-France nous enregistrons l’émission non pas en studio, dans le studio de la radio Cause Commune, mais bien sûr à distance avec le logiciel libre Mumble comme nous le faisions à la fin de la saison précédente.
Pour commencer, est-ce que vous pourriez-vous vous présenter, s’il vous plaît, vous-même et vos structures syndicales ? Jean-François Clair, du SNES-FSU, est-ce que tu pourrais te présenter s’il te plaît ?

Jean-François Clair : Bonjour. Le SNES-FSU c’est le syndicat majoritaire dans l’enseignement secondaire, donc SNES, et FSU c’est la Fédération syndicale unitaire qui regroupe une quarantaine d’organisations syndicales essentiellement sur la fonction publique, mais originellement aussi autour de l’enseignement, donc on a le SNUipp pour le primaire, le SNESUP pour le supérieur, etc.
Le secondaire c’est de la 6e à la terminale avec quand même aussi, de temps en temps, des BTS et des classes préparatoires. Je ne sais pas ce que vous voudriez bien que je dise d’autre pour présenter, comme ça, juste le syndicat.

Étienne Gonnu : Et toi, du coup, je ne sais pas si tu travailles à temps plein dans ton syndicat. Quel est ton mandat dans ce syndicat ?

Jean-François Clair : J’ai oublié de me présenter effectivement, je pensais trop à mon organisation syndicale. Je suis professeur de mathématiques dans un collège REP + à Paris. J’ai une toute petite décharge de deux heures pour m’occuper du numérique. Donc je suis responsable de tout ce qui est numérique au sein du SNES-FSU. On a une équipe numérique qui travaille à l’intérieur du SNES de la même manière qu’il y a, de temps en temps, des regroupements des différents responsables ou interlocuteurs privilégiés des autres organisations syndicales à l’intérieur de la FSU. Par exemple, en ce moment, on est en train de travailler pour la FSU sur l’élaboration d’une demande de service public numérique pour l’Éducation.

Étienne Gonnu : OK. Je précise décharge, tu pourras me corriger, mais en gros, un certain nombre d’heures de temps de travail peuvent être allouées au travail pour le syndicat.

Jean-François Clair : C’est ça.

Renaud de Colombel: Absolument. C’est l’équivalent de ce que le privé appelle de la délégation syndicale.

Étienne Gonnu : Parfait.
Renaud de Colombel. Bonjour à nouveau. Est-ce que toi aussi tu peux te présenter ainsi que ta structure, s’il te plaît ?

Renaud de Colombel : Bonjour à tous et toutes, auditeurs, auditrices. Je suis Renaud de Colombel, je suis militant technique pour la fédération des Sgen-CFDT. Les Sgen ce sont les syndicats généraux de l’Éducation nationale, ce sont des syndicats qui représentent toutes les catégories de personnels, des titulaires comme des non-titulaires, des enseignants, des personnels techniques et administratifs, les personnels de direction, les secrétaires, etc. Le Sgen représente les personnels de plusieurs ministères, le ministère de l’Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports, mais aussi de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et l’Innovation, la partie enseignement du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Mon rôle, dans cette fédération syndicale, c’est d’être un peu la personne ressource numérique qu’on trouve dans les établissements pour la fédération, c’est-à-dire de fournir à mes camarades les moyens de travailler avec les outils numériques.

Étienne Gonnu : Du coup tu es déchargé à 100 % si je ne me trompe pas.

Renaud de Colombel : Voilà. J’étais professeur des écoles et je ne suis plus en classe pour le moment puisque je travaille à 80 % pour la fédération au niveau national et 20 % pour le syndicat Sgen-CFDT Alsace.

Étienne Gonnu : OK. Merci de ces précisions. C’est intéressant de voir justement qu’il y a différents profils, différentes manières de participer au sein d’une structure syndicale et, du coup, vos prismes de lecture peuvent aussi varier par rapport à ça. Je pense que c’est intéressant au-delà des positionnements politiques de vos syndicats respectifs.
Je vais d’ailleurs préciser que vos deux structures syndicales sont membres de l’April ce qui, du point de vue de l’April, dans la mission de promotion et de défense du logiciel libre, la mission qu’elle se donne, est quelque chose de très intéressant de par l’impact politique que peuvent avoir les syndicats et des capacités de sensibilisation au sein des professions que vous représentez, en plus dans l’Éducation nationale ; c’est quelque chose d’extrêmement important d’avoir du poids pour promouvoir et défendre le logiciel libre.
Avant qu’on aille au cœur de notre vaste sujet du jour, l’Éducation nationale et le logiciel libre, d’ailleurs il est possible qu’on fasse d’autres émissions sur ce sujet, sans doute même, au sein de cette saison 4 de Libre à vous !, je pense qu’il serait intéressant que vous nous précisiez votre grille de lecture justement, le sens de votre action et c’est pour ça que j’aimerais vous poser une question d’apparence toute simple : c’est quoi un syndicat ? Renaud, si tu veux continuer ta prise de parole.

Renaud de Colombel : Absolument. Un syndicat, si on regarde une définition comme celle qui est sur Wikipédia par exemple, on peut lire, on peut résumer, « organisation de défense des intérêts des salariés ». Les salariés, je l’ai dit, pour nous ce sont toutes les catégories de salariés. Les intérêts des personnels c’est le suivi de carrière, le salaire, l’avancement, les conditions de travail, le recrutement, les horaires, ce qui est attendu par l’employeur. Comment on procède, entre guillemets, pour « défendre » tous ces personnels ?, eh bien tout simplement en écoutant les personnels en les rencontrant à différents niveaux dans les établissements, dans des réunions, dans des heures d’information, etc., sur les réseaux sociaux, dans nos colloques, dans nos conseils syndicaux. On construit ensemble des propositions, un peu un programme politique si on peut dire, qu’on va présenter après et essayer de faire adopter par l’administration dans différentes instances.

Étienne Gonnu : Super. Très clair. Merci. Jean-François quelle est ta lecture de cette question d’apparence simple ?

Jean-François Clair : Je n’ai pas grand-chose de différent à dire. Effectivement, un syndicat c’est destiné essentiellement à défendre les salariés, les personnes qui travaillent, on pourrait parler plutôt de travailleurs dans un sens un peu plus général. Je préciserais juste une chose par rapport à ce que Renaud a dit quand il parlait de la façon dont on construisait une espèce de politique. En fait, on se dote à ce moment-là, à l’intérieur d’une organisation syndicale, de ce que l’on appelle des mandats. Par exemple, là, moi je suis tout à fait mandaté pour parler au nom du SNES-FSU, je ne suis pas mandaté pour parler au nom de la FSU. Par contre, je peux présenter des mandats de la FSU puisqu’on est adhérents à la FSU. Donc il y a des structures à l’intérieur d’une organisation syndicale, mais, en gros, le syndicat est fait par ses syndiqués. C’est-à-dire que ce sont les adhérents qui vont déterminer à travers leur expression, leur action, les élections internes qu’il va y avoir dans l’organisation syndicale au moment des congrès, quelle est l’orientation que va devoir suivre l’organisation syndicale.

Renaud de Colombel : Absolument, c’est lors des congrès, c’est un peu comme quand on réunit le Parlement entre guillemets – les congrès ce n’est pas tout le temps, ce sont des évènements exceptionnels qui se tiennent à peu près tous les quatre ans chez nous – que les adhérents font entendre leur voix et pèsent par le vote. Nous, dans CFDT, le « D » c’est « démocratique », donc à tous les niveaux de nos instances, comme disait Jean-François, on prend des décisions sur des bases démocratiques, c’est-à-dire du vote des mandats en fonction du poids des uns et des autres.

Étienne Gonnu : Merci de ces précisions. C’est vrai que cette notion de mandat est très importante. Je me permets un petit parallèle que j’ai déjà fait par ailleurs. On voit aussi, peut-être d’une autre manière, un parallèle qu’on peut faire par rapport à une association comme l’April, l’April n’est pas du tout un syndicat, elle réunit non pas des travailleurs et travailleuses mais plutôt des personnes qui vont partager une certaine conception de l’intérêt général, une éthique, l’éthique du logiciel libre, qui vont se réunir au sein d’une structure pour défendre ce qui leur semble être leur éthique, tout simplement.
Puisqu’on commence justement à parler de politique, finalement de défense de certaines convictions, comme je disais vos deux structures sont membres, ont adhéré à l’April, donc ça montre déjà, ne serait-ce que par cette action, un engagement vers le logiciel libre. Pour l’April, comme je l’ai dit, c’est quelque chose de très positif, on est très heureux que ce genre de personne morale adhère, soit membre de notre association. À l’inverse, selon vous, pourquoi c’est important pour des syndicats, notamment des syndicats de l’enseignement secondaire, d’adhérer à une association comme l’April ?

Renaud de Colombel : Jean-François c’est pour toi cette question parce qu’on parle du secondaire, moi ça sera une réponse un peu plus large.

Jean-François Clair : C’est très simple. C’est tout simplement parce que ça fait partie de nos convictions fondamentales. Depuis des années nous avons comme mandat, justement, la défense du logiciel libre et, dans la mesure du possible, l’utilisation prioritaire de tout ce qui est logiciel libre, parce que c’est aussi une philosophie, une façon de penser, on va dire, le monde informatique, donc ça nous a semblé tout à fait naturel de rejoindre l’April en y adhérant.

Renaud de Colombel : Si je peux me permettre de resituer un petit peu, enfin de rappeler certains principes peut-être pour les auditeurs qui découvriront le logiciel libre ou le logiciel libre dans l’Éducation nationale avec cette émission. Par rapport aux quatre libertés offertes par le logiciel, par la licence d’utilisation du logiciel libre, qui sont d’utiliser quel que soit, qui qu’on soit, où qu’on soit, d’étudier le code, voir comment fonctionne le logiciel, redistribuer les logiciels, avoir le droit de donner des copies de ce logiciel à qui on veut et puis de modifier et de diffuser ces modifications, nos valeurs, les valeurs de la CFDT, les cinq valeurs de la CFDT sont quasiment parallèles, on va dire, ou se recoupent largement avec les valeurs du logiciel libre.
Parmi les valeurs CFDT :

  • l’émancipation : avoir les outils pour être maître de sa vie ;
  • la démocratie : être acteur, participer aux prises de décision ;
  • l’indépendance de tout État, de tout parti, de toute religion, l’indépendance est aussi un des bénéfices de l’utilisation des logiciels libres ;
  • l’autonomie, ne pas être tributaire de ressources externes, est permise par le modèle économique du logiciel libre
  • et la solidarité, l’entraide, la défense du droit de tous et la lutte contre les discriminations sont assurées largement.

Je ne vous fais pas le détail des croisements qu’on peut avoir entre les quatre libertés offertes par logiciel libre et les valeurs de la CFDT, ça paraît assez évident. C’est pour nous la base de notre adhésion au logiciel libre donc de notre soutien à l’April qui promeut et défend les logiciels libres au niveau national.

Étienne Gonnu : Super et merci. Je parlais d’éthique du logiciel libre, tu as parfaitement défini ce à quoi ça correspond. Merci Renaud de Colombel.
Du coup, si je comprends ce que vous nous dites, l’adhésion n’a pas fait l’objet de résistances particulières, elle est arrivée comme une évidence au sein de vos structures ? Ou vous avez dû batailler pour l’obtenir, c'est vrai que ce n’est pas toujours évident ?

Jean-François Clair : Dans le cas de mon organisation syndicale, ça n’entrait pas directement dans le champ des partenariats qu’on pouvait établir en général. Ceci dit, il n’y a pas eu de résistance particulière. Renaud a très bien expliqué les quatre points fondamentaux autour du logiciel libre. Comme il s’agit de valeurs qu’on défend aussi, c’est venu naturellement.

Renaud de Colombel : Personnellement, la petite anecdote de l’émission, c’est que moi j’ai rejoint un syndicat, le Sgen-CFDT, il y a plus de 20 ans parce que ce syndicat avait lancé un appel à soutenir le logiciel libre. Ils m’avaient envoyé ça dans un document Word, donc je suis allé les trouver et je leur ai proposé de leur apporter mon aide pour se mettre en conformité avec leurs idées. Ça fait quatre ou cinq ans qu’on a adhéré à l’April, je ne sais plus, donc le chemin est parfois long, je ne suis pas le seul, il y a plein de monde dans nos structures qui est convaincu des intérêts des logiciels libres et de la nécessité de les défendre, de les faire avancer. « Le chemin est long mais la voie est libre », comme dirait Framasoft.

Étienne Gonnu : Belle citation. Tu soulèves quelque chose, je te donne la parole juste après Jean-François, que je pense important au-delà du sujet de l’Éducation nationale, au-delà de la question des syndicats, dans ton attitude. Tu as vu quelque chose, une incohérence ; c’est quelque chose qu’on peut voir au quotidien avec les administrations, au sein d’une entreprise, peu importe. Il ne faut pas tout de suite arriver avec l’idée « ce sont des nuls, je vais leur rentrer dedans », mais au contraire y voir des opportunités de proposer autre chose, de montrer autre chose. On peut pointer une incohérence, et c’est bien de le faire, mais on peut le faire de manière constructive comme tu as su le faire et on voit, du coup, quel bénéfice ça a pu produire.
Jean-François Clair, tu souhaitais ajouter quelque chose.

Jean-François Clair : Je voulais juste aller un peu dans le sens de ce qui disait Renaud, faire preuve aussi d’une forme de pragmatisme. C’est vrai que c’est toi qui viens de le signaler, à savoir qu’il y a aussi des mauvais réflexes, des habitudes. Il y a tout un apprentissage à faire parce que, finalement, le logiciel libre n’est pas toujours « formaté », entre guillemets, pour être aussi facilement utilisable que peut l’être celui qui est vendu de manière tout à fait commerciale et propriétaire, parce qu’il y a aussi ce côté propriétaire. Je vois bien, on est à l’April, au SNES on utilise énormément d’outils qui viennent du monde du Libre, l’ensemble de notre infrastructure informatique est basée sur des solutions libres et, à côté de ça, on a quand même toujours des collègues qui préfèrent sérieusement utiliser un document Word plutôt qu’utiliser un document, je ne me souviens plus comment ça s’appelle, en Apache.

Étienne Gonnu : OpenDocument.

Jean-François Clair : ODT, voilà, c’est ça.

Renaud de Colombel : C’est très important en tant que militant non pas syndical mais militant du logiciel libre. Je fais aussi partie d’un LUG.

Étienne Gonnu : Qui est un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres, je me permets juste de le préciser.

Renaud de Colombel : Merci Étienne, un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres. Quand on milite, quand on agit dans un groupe comme ça et qu’on va à la rencontre du public, c’est pareil quand on essaie d’expliquer ça à nos collègues, ça ne va pas de soi, mais expliquer, montrer les avantages, essayer d’emporter l’adhésion, est pour moi, de mon expérience, la seule démarche qui produise des fruits à long terme.

Étienne Gonnu : Très juste. Jean-François, tu souhaitais rajouter ?

Jean-François Clair : Oui, j’aurais presque fait un parallèle, finalement, avec la protection des données et le RGPD [Réglement général de protection des données], c’est-à-dire qu’il y a une idée, une grande idée, et derrière il faut arriver à la mettre en place et, pour la mettre en place, ça nécessite énormément de pédagogie.

Étienne Gonnu : On le sait, de toute façon, surtout que vos structures ne sont pas des petites structures et c’est toute la logique d’accompagnement au changement dans des démarches pragmatiques aussi, en partant des besoins des utilisateurs et des utilisatrices. Toujours montrer l’exemple, ça ce sont des choses importantes.
Par ailleurs vous avez répondu à une question que je me posais : au sein de vos structures qui affichent clairement les valeurs d’éthique du logiciel libre, quel est justement l’état d’utilisation ? Visiblement, de ce que je comprends dans ce que vous me dites, ça va plutôt dans le bon sens, ça traduit aussi en actes l’engagement à l’April.

Renaud de Colombel : Oui. Comme dans le cas de Jean-François et du SNES, enfin de la FSU, les infrastructures sont majoritairement sur des logiciels libres – serveurs, applications web, etc., mais on laisse le choix du système d’exploitation sur le matériel qu’on confie aux militants qui travaillent beaucoup avec nous, parce que certaines personnes ne veulent pas prendre le temps de découvrir de nouveaux usages et on se dit qu’on ne va pas les forcer et les braquer, mais plutôt leur montrer que sur l’ordinateur qui est équipé de Linux ça marche, peut-être des fois mieux, que sur l’ordinateur qui est équipé de Windows ; que LibreOffice, pour ce qu’on en fait, fonctionne tout aussi bien voire mieux que la suite Microsoft Office, etc. Chez nous on a à peu près 47 % d’ordinateurs personnels sous Windows et 42 % sous Linux, par exemple, plus des Mac pour les services de communication qui font de la PAO, etc.

Étienne Gonnu : Merci de ces précisions. On va avancer parce qu’en fait on n’est pas encore entrés dans le vif du sujet.
Jean-François, tu souhaites apporter une précision ?

Jean-François Clair : Juste un petit truc, quand on organise nos congrès, tous les congressistes ont accès à une salle informatique qui est installée et tous les postes sont sous Linux à ce moment-là. Les seuls postes qui peuvent être sous un autre système d’exploitation sont ceux qui appartiennent aux syndiqués.

Étienne Gonnu : C’est vrai qu’en plus, du coup, au sein de vos structures les membres de ces organisations syndicales sont plutôt des gens qui ont un engagement politique et qui sont, du moins, plus susceptibles de passer à GNU/Linux et d’accepter ce pas supplémentaire.br/>
J’aurais peut-être une dernière question avant qu’on fasse notre pause musicale et qu’on entre dans le vif du sujet de l’éducation : puisque vous êtes des structures politiques, est-ce que vous avez le sentiment que les enjeux relatifs aux technologies numériques sont perçus, justement, comme des questions politiques notamment en termes de conditions de travail, ce qui est un peu le sel de vos structures, ou est-ce que, entre guillemets, ça reste perçu comme juste « une petite question », un sujet technique qui ne concernerait que les geeks ? J’en appelle plus à votre sentiment qui est quelque chose d’empirique, mais quel est votre sentiment par rapport à ça ?

Renaud de Colombel : Je dirais que certains collègues sont sensibilisés à ces enjeux-là et voient la question comme politique, philosophique, etc. Ceux-là, quand ils arrivent vers nous, ont déjà franchi le pas de s’équiper en logiciels libres, soit c’est l’occasion parce que je travaille dans un service qui met les outils à disposition et qui peut faciliter la transition vers les logiciels libres, et puis d’autres le voient un peu comme une question technique. Je veux dire que c’est plutôt ceux-là qui se disent qu’ils vont se concentrer sur leur mandat politique ; ils n’ont peut-être pas de temps à dépenser à apprendre de nouveaux usages.

Jean-François Clair : En ce qui nous concerne, ça fait une bonne quinzaine d’années, maintenant, que je m’occupe du numérique au sein du SNES et ça a été l’occasion pour moi de lancer une dynamique à l’intérieur du SNES, justement pour en faire véritablement une question politique. En fait c’est assez paradoxal. On s’aperçoit qu’on a des collègues qui vont défendre à tout crin, on va dire, l’informatique libre et puis, d’un autre côté, qui ne vont pas hésiter à continuer de travailler avec un logiciel de Microsoft pour publier leurs textes ou pour faire leurs présentations. On est avec ce paradoxe que pointait Renaud à savoir que oui, parfois il y a des collègues qui sont plus, comment dire, sur leur mandat politique hors numérique ou informatique et qui considèrent que ça ce sont plus des questions techniques. Une chose est sûre : l’évolution de la société fait que, actuellement, les gens se posent de plus en plus de questions et que les collègues sont de plus en plus sensibilisés à toutes ces questions de logiciel libre et de principes qui se retrouvent derrière.

Étienne Gonnu : Parfait.

Renaud de Colombel : Tout à l’heure je parlais de prendre des décisions démocratiques. Le soutien au logiciel libre par notre organisation a fait l’objet de débats et de prise de position officielle. C’est-à-dire que même si tout le monde dans la Fédération ne travaille pas avec des logiciels libres, la majorité d’entre nous a pris la décision de dire que notre organisation soutenait les logiciels libres.

Étienne Gonnu : Merci de ces précisions.
Je vous propose, comme je vous le disais, de faire une pause musicale.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter Uncatchable d’Alexandr Zhelanov. On se retrouve juste après. On vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Uncatchable par Alexandr Zhelanov.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Uncatchable d’Alexandr Zhelanov, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.

Nous échangeons avec Jean-François Clair du SNES-FSU et Renaud de Colombel du Sgen-CFDT, deux syndicats de l‘enseignement et nous discutions déjà de leurs pratiques syndicales au sein de ces structures par rapport au logiciel libre et là nous allons entrer dans le « vif », entre guillemets, de notre sujet qui est la question dans l’Éducation nationale du recours au logiciel libre et des enjeux qui y sont attachés.
Je pense que tout le monde est au courant qu’il y a eu une période assez particulière cette année du fait de la situation sanitaire à cause du coronavirus, donc la période du confinement et de ce que cette période de confinement a nécessité en termes d’organisation et même d’imagination de la part du personnel enseignant. De mon humble prisme de lecture j’ai quand même le sentiment que l’importance du travail fourni par ces personnes a été largement sous-estimé. Cette période de confinement a soulevé des enjeux importants par rapport à l’usage des technologies numériques dans l’enseignement particulièrement parce que, de fait, elles étaient indispensables pour assurer ce qu’il a été convenu d’appeler la continuité pédagogique. C’est passé par les courriels, les outils de visioconférence – notamment on a entendu beaucoup parler de Zoom, il faut savoir qu’il y a le logiciel libre BigBlueBottom qui existe en parallèle – des outils de travail contributif plus poussés, il y a eu toutes sortes d’outils disponibles. On pourrait bien sûr faire un sujet entier là-dessus, voire plusieurs.
Déjà, dans un premier temps, ce qui me va m’intéresser c’est avoir votre analyse générale des enseignements politiques qu’on a pu tirer de cette période et peut-être, éventuellement, un point, un enjeu particulier qui vous a paru particulièrement marquant, emblématique de cette période. Jean-François Clair.

Jean-François Clair : La leçon principale c’est qu’on a eu un ministère qui a été en dessous de tout et un ministre qui a surtout joué de la communication et a été complètement débordé. Il faut dire que depuis des années, avec les suppressions massives de postes dans l’Éducation nationale, que ce soit chez les enseignants ou que ce soit chez les personnels techniques et administratifs, ils ont de plus en plus de mal à arriver à assurer un certain nombre de choses, mais là on a quand même touché le fond. Il a fallu attendre près d’un mois avant que le ministère ne propose une suite complète de logiciels libres, non propriétaires, et surtout respectueux du RGPD. On a eu des discours particulièrement contradictoires de la part de l’administration où, en gros, des fois ils encourageaient l’utilisation de logiciels dont on savait que toutes les données personnelles étaient pillées pour être envoyées et analysées aux États-Unis et, en gros, le discours de l’administration c’était « écoutez, pour l’instant vous vous débrouillez et après on verra, on se posera les questions autrement ». C’est quand même assez catastrophique. Ça a montré que l’Éducation nationale n’était pas prête du tout pour utiliser intelligemment le numérique. D’ailleurs on peut se poser la question de savoir ce que va donner la consultation qu’a lancée le ministère, ces États généraux du numérique à l’automne.

Étienne Gonnu : On reviendra dessus.

Jean-François Clair : On en reparlera après. Et surtout les collègues se sont retrouvés particulièrement seuls. Il ne faut pas oublier une chose c’est qu’en matière de vraie formation aux usages du numérique, on en a quand même très peu. On a surtout des formations qui consistent à apprendre à essayer de faire des choses ou utiliser des logiciels ; je me souviens d’une formation pour savoir utiliser une messagerie Gmail, proposée par un plan académique de formation, ce n’est pas de ça que les collègues ont besoin.

Étienne Gonnu : Je précise que Gmail c’est la solution de courriel proposée par Google.

Jean-François Clair : Voilà c’est ça. On s’est retrouvés quand même particulièrement seuls, créatifs, on s’est beaucoup entraidés, mais au final ce n’est pas nous qui avons eu la prime, ce sont les chefs d’établissement.

Renaud de Colombel : Je partage à peu près le constat général que Jean-François a décrit mais en plus positif, parce qu’il y a dans l’Éducation nationale beaucoup d’agents qui font tout leur possible et la fourniture, justement, de ce apps.education.fr, des logiciels libres mis à disposition dans les académies, est quand même intervenue, certes trop tard, mais elle est intervenue. Il faut bien savoir aussi que l’Éducation nationale est une machine qui fonctionne à plusieurs niveaux. C’est-à-dire que quand la Direction pour le numérique éducatif, la DNE, partie du ministère qui s’occupe du numérique éducatif, propose une solution, ce n’est pas elle qui la déploie pour les utilisateurs finaux. C’est après que les protocoles d’installation, de mises en route, sont retransmis dans toutes les académies et les académies, avec leurs propres moyens, essayent de suivre et de mettre en place ce qui est proposé par le ministère.
Il est vrai que nous n’étions pas prêts, à tous les niveaux, à affronter cette crise du covid et du confinement. Il y a beaucoup de choses à dire sur la formation des personnels, peut-être aussi sur l’enseignement, c’est-à-dire ce qu’on a fait passer aux élèves comme connaissances et capacités à utiliser le numérique. Il y a évidemment un discours où, à la fois, on « valorise » le logiciel libre entre guillemets, je parle de l’État, l’État est souvent schizophrène ; on fait un référentiel des logiciels libres pour les services de l’État et puis dans le même temps, effectivement, on utilise des logiciels propriétaires. Et surtout, ce que je regrette, c’est le manque de vision stratégique de l’État. S’il y a bien un organisme, un lieu où on doit déployer une vision stratégique sur le long terme, volontariste, c’est-à-dire en mettant des moyens, c’est au niveau de l’État.

Étienne Gonnu : Oui, clairement. Je voulais juste souligner que c’est aussi ce qu’on défend. On a défendu le projet de loi pour l’école de la confiance. On défendait, dans ce cadre-là, une priorité au logiciel libre, en fait on ne défend que ça, c’est-à-dire une vraie stratégie, une vraie politique publique qui pense en profondeur les enjeux relatifs aux technologies numériques et notamment celle de la liberté, en plus on ne parle pas de la liberté de n’importe qui mais de celle des élèves pour leur apprendre à avoir un rapport on va dire émancipé par rapport aux technologies qui prennent une place énorme dans notre société. Je pense que ce point est très important.
Jean-François Clair, tu avais une précision que tu souhaitais apporter.

Jean-François Clair : Juste pour aller dans le sens de ce que disait Renaud. C’est vrai que mon discours était quand même particulièrement négatif. Il y a énormément d’agents qui ont fait tout ce qu’ils ont pu pendant la période du confinement. J’ai été très présent sur les réseaux sociaux et j’ai réussi à faire passer, au nom du SNES, à un certain nombre de collègues, éventuellement des collègues non-adhérents d’ailleurs, des collègues qui regardaient sur les réseaux sociaux, des choses de ce genre-là, beaucoup de choses, beaucoup d’aides qu’on n’arrivait pas à obtenir par ailleurs. Ces aides-là, en fait, j’ai souvent réussi à les obtenir par des collègues qui parfois travaillaient dans des DANE de telle académie ou de telle autre académie.

Étienne Gonnu : Une DANE c’est quoi ?

Jean-François Clair : Direction académique du numérique pour l’éducation. Ce sont les cellules académiques qui s’occupent du numérique où il y a donc des collègues qui sont souvent détachés, parfois ont un poste complet d’informaticien, etc. C’est en particulier grâce à ces collègues qu’on a réussi à faire circuler un certain nombre d’informations et finalement à se débrouiller. On a créé nos propres réseaux.
Juste une autre chose à propos de l’enseignement, c’est vrai que c’est assez catastrophique de voir la façon dont on peut aborder la chose informatique au sein du secondaire, je ne vais parler que du secondaire. On s’attendait tous à ce qu’il y ait un confinement. On s’attendait à avoir un certain nombre de consignes ministérielles. Il ne s’agissait pas de passer par différentes étapes, etc., il s’agissait de la parole du ministre, simplement. Près de 15 jours avant qu’on se retrouve confinés j’avais commencé à faire travailler mes élèves spécifiquement sur des procédures d’enregistrement de fichiers, de transfert de fichiers par messagerie, par l’environnement numérique de travail de l’établissement, etc. J’ai fait ça sur mes propres heures de cours. On n’a eu aucune consigne là-dessus. Or, si on avait eu ne serait-ce qu’une petite consigne du style « assurez-vous que les élèves savent correctement envoyer des fichiers, savent correctement lire ou connaissent les extensions de fichiers pour s’assurer qu’ils ont bien le logiciel qui leur permet de le faire », on aurait eu quand même beaucoup moins de déconvenues et sans doute qu’on aurait perdu beaucoup moins d’élèves.

Renaud de Colombel : Dans ce contexte particulier qui était le nôtre, j’ai des adhérents personnels de direction qui m’ont rapporté qu’ils se sont rendu compte, à l’occasion du confinement, que certains élèves ne savaient pas se servir de leurs environnements numériques de travail, ne savaient pas se connecter, ne savaient pas envoyer un mail, etc. Donc il y a de la formation à faire, on va dire à tous les étages, et il faut mettre le paquet !

Étienne Gonnu : Oui. On ne peut que soutenir cette prise de position.
Pour parler d’une chose positive qui a été évoquée, vous parlez de l’engagement de certains personnels et que ce sont aussi les membres de l’Éducation nationale, les travailleurs et les travailleuses de l’Éducation nationale qui font l’Éducation nationale, en fait ce qu’est cette l’administration et on sait qu’il y a là aussi des libristes, des gens convaincus qui œuvrent pour une meilleure prise en compte du logiciel libre.
Jean-François Clair, tu mentionnais qu’une plateforme avec des logiciels libres pour permettre justement aux enseignants de travailler dans cette période de confinement avait été mise à disposition. On mettra le lien, c’est apps.education.fr, quelque chose comme ça. Il faut savoir que ce sont aussi des libristes au sein de l’administration qui ont mis ça en place, qui ont poussé pour que ce soit mis en ligne, vu les besoins je pense qu’ils n’ont pas eu à beaucoup insister pour que ce soit fait et c’est une vraie réussite qui part effectivement de la base. D’ailleurs j’invite les personnes que ça intéresse à retrouver notre podcast de la 65e émission de Libre à vous ! du 5 mai 2020 où nous avions reçu Luc Bourdot qui est responsable du pôle national de Compétences Logiciels Libres, le pôle EOLE, et qui était chargé du pilotage des développements et de l’intégration des composants libres au sein de l’équipe de cette plateforme apps.education.fr qui est, en soi, une belle réussite justement de libristes sein de l’administration.
Du coup, ce qui m’amène à m’interroger, plutôt à vous interroger, dans votre perspective syndicale. On sait que ce qui est important en termes de lutte syndicale c’est notamment la question du rapport de forces pour faire pencher les arbitrages décisionnels, les arbitrages politiques d’un côté ou de l’autre.
Qu’est-ce que tout cela dit en cette période de confinement, la réussite de ce site, de la place du Libre et des libristes au sein de l’Éducation nationale, de leur poids possible dans les prises de décision ? Est-ce que ça évolue positivement ? Et, à l’inverse, peut-être de la place que peuvent occuper certaines entreprises comme Google et Microsoft pour ne mentionner qu’elles ? Quelle est votre lecture du rapport de forces sur ces questions ? Renaud de Colombel.

Renaud de Colombel : Pour moi, clairement, on trouve beaucoup de gens qui sont impliqués dans le logiciel libre, à la cause du logiciel libre, parmi les personnels de l’Éducation nationale, à un niveau individuel.
Maintenant dans le rapport de forces, il faut savoir que, outre les actions traditionnelles héritées d’une action on va dire de longue date du mouvement ouvrier, etc., outre ces actions de grève, de blocage, etc., la CFDT et les syndicats de la CFDT se positionnent plutôt sur un syndicalisme de proposition, c’est-à-dire un peu comme on fait pour faire progresser le logiciel libre à des niveaux associatifs ou individuels, être une force de proposition et de montrer que ça marche, ça pourrait mieux marcher, etc., mais il faut savoir que, malgré tout, si on n’est pas bon en présentation, en négociation, etc., on ne peut pas forcer le ministère à faire quoi que ce soit. Les syndicats ont un rôle, entre guillemets, « consultatif ». On a des pouvoirs dans des commissions paritaires, de moins en moins d’ailleurs, ça c’est un autre sujet, mais c’est surtout par nos propositions et une démarche constructive qu’on arrive à amener l’administration à évoluer sur certaines pratiques.

Étienne Gonnu : Jean-François, je pense que ta position ne sera peut-être pas exactement la même.

Jean-François Clair : Elle ne va pas être très éloignée parce que, effectivement, l’enjeu c’est d’arriver à être une vraie force de proposition. D’un autre côté, on se confronte quand même à des grosses entreprises qui ont des modes de fonctionnement qui ne relèvent pas complètement du lobbyisme au sens où à la loi le définit. On voit par exemple que la DNE, Direction du numérique pour l’éducation, a été quand même, à un moment donné, pas mal noyautée par des gens qui ont fait leurs armes d’informaticien chez Google et qui, finalement, sont venus en vendant des idées Google. On parle souvent de Microsoft, mais Google est tout aussi inquiétant. D’ailleurs l’ancien directeur de la DNE [Mathieu Jeandron, NdT] est parti pantoufler chez Amazon.
C’est assez difficile. Par contre, effectivement au niveau individuel, il y a une progression de la prise de conscience des collègues, et là ce sont des personnes avec lesquelles on peut travailler, sur la nécessité de pouvoir utiliser des logiciels libres, de ne pas se retrouver complètement enfermés, prisonniers finalement de solutions qui privent des libertés.

Étienne Gonnu : Très bien.
Je crois que c’est Jean-François qui mentionnait, qui parlait des États généraux du numérique. Ça a été initié par le gouvernement pour répondre aux enjeux soulevés ou plutôt ce qu’ils ont considéré comme enjeux soulevés pendant la période du confinement, donc les États généraux du numérique pour l’éducation. Des rencontres nationales, de mémoire, sont prévues début novembre et sont censées être le point d’orgue de ces États généraux. En amont de ça il y a des rencontres territoriales, si j’ai bien compris, il y a une consultation en ligne – on sait qu’ils aiment beaucoup faire des consultations en ligne maintenant – autour de différents thèmes proposés, on mettra le lien si ça vous intéresse sur april.org. Cette plateforme a pour but, on va dire, de générer des propositions. On verra s’ils en retiendront ou s’ils retiennent uniquement celles qui correspondent à ce qu’ils avaient prévu de faire, je me positionne peut-être en disant cela. Quelle est votre lecture de ces États généraux du numérique ? Qu’en attendez-vous ? Est-ce que vous en attendez quelque chose ?
Jean-François, je te passerai la parole parce que j’ai vu passer un communiqué du SNES-FSU qui disait notamment qu’ « il est à craindre que seul le numérique et ses possibilités d’ouvrir les portes des établissements à toutes les officines de l’EdTech soient reconnues », donc les techniques de l’Éducation, on sait qu’il y a un gros marché là-dessus, qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Ces craintes que seules les officines de l'EdTech ne soient reconnues. Plutôt un regard critique, on va dire, et méfiant de ce que j’en entends.
Jean-François Clair, au SNES-FSU, qu’est-ce qu’on attend de ces États généraux du numérique ?

Jean-François Clair : Malheureusement on n’en attend pas grand-chose pour différentes raisons.
La première c’est que ce n’est pas uniquement cette histoire de confinement, de covid, qui est à l’origine de ces États généraux du numérique. Il y en ce moment toute une stratégie de l’État pour, en fait, numériser l’ensemble des services de l’État et les numériser totalement, donc ça, ça s’inscrit aussi dans cette lignée-là parce qu’il n’y a pas que les classes virtuelles qui sont concernées.
Ensuite on va vu, on va remonter jusqu’à la commission Thélot. La commission Thélot, c’est quand Chirac était président de la République et qu’il y avait eu de grosses grèves à l‘Éducation nationale parce qu’il y avait un grand malaise enseignant, donc il avait créé cette commission pour faire disparaître le malaise enseignant. Ils avaient associé ça à des forums en ligne, des choses de ce genre-là et, en fait, on retrouve maintenant systématiquement tous ces outils où n’importe qui peut venir dire n’importe quoi sans être identifié, éventuellement on peut même mettre parfois des robots qui vont raconter dix fois la même chose. Après, c’est dépouillé par des logiciels de traitement statistique des textes. Globalement il n’y a pas véritablement d’êtres humains derrière. En plus, quand on regarde les questions qui sont posées dans le questionnaire qui accompagne la préparation de ces États généraux du numérique, on s’aperçoit que les questions sont quand même assez relativement orientées. Par contre, on peut espérer que les contributions que vont y faire les personnes, les groupes, que ce soit des groupes de pression, que ce soit des groupes constitués qui ont une idée à exprimer, etc., puissent apporter quelque chose au débat, sous réserve que quelqu’un prenne la peine de les décompiler et de les lire toutes ce qui, à mon avis, ne se produira certainement pas.
Je reviens enfin sur le communiqué de presse du SNES-FSU, c’est notre grande crainte. En gros, il ne faut pas oublier qu’on a quand même un ministre qui est un juriste, juriste qui a pondu, lorsqu’il était directeur général de l’enseignement scolaire, l’arrêté relatif au cahier de texte numérique, qui était quelque chose de complètement lamentable en termes de rédaction.
En gros, il s’agit de faire en sorte que l’Éducation nationale coûte moins cher, donc le seul moyen c’est d’externaliser un certain nombre de services et pas uniquement des services administratifs, etc., finalement de faire en sorte qu’un enseignant soit de moins en moins concepteur de son métier. Et là, on est en contradiction totale avec les principes du logiciel libre.

Renaud de Colombel : Et on est en contradiction totale avec ce que, je pense, revendiquent beaucoup de syndicats à savoir faire confiance aux équipes, aux salariés, aux travailleurs pour s’organiser sur leur lieu de travail, on va dire sur différents bassins de vie et de travail pour être maîtres de leur activité professionnelle.
Le Sgen-CFDT se prépare aux États généraux du numérique. On n’a pas trop d’illusions mais toutes les occasions sont bonnes à prendre pour faire avancer la cause, donc nous participerons. Les syndicats Sgen dans les différentes académies pourront participer. On essaiera de tout notre poids de faire avancer les choses dans la bonne direction.

Étienne Gonnu : Juste une question par rapport à ce que tu évoquais : est-ce que les syndicats ont été sollicités en tant que structures spécifiques par le gouvernement ou ils vont juste se saisir des outils proposés pour le faire ?

Renaud de Colombel : Dans les consultations en région il y aura la possibilité pour les organismes comme les syndicats de faire valoir leurs positions et leurs propositions.

Étienne Gonnu : D’accord.
Jean-François Clair, tu souhaitais ajouter quelque chose je crois.

Jean-François Clair : Ce que je voulais dire, entre autres, c’est qu’on n’a pas été sollicités directement, c’est-à-dire qu’on fait partie de toutes ces choses, ces organismes, ces sociétés, ces groupements de personnes, etc., qui peuvent intervenir. Quelque part ça fait partie de la démocratie, de la liberté d’expression, mais on n’a pas été particulièrement associés à quoi que ce soit alors que bon, ça aurait peut-être été intéressant que les syndicats des personnels soient un petit peu plus associés et pas mis au même niveau, par exemple, que la petite EdTech qui va proposer une espèce de moteur d’intelligence artificielle pour décrypter des QCM ou bien la grosse division d’entreprises que peut être Microsoft Education. Ceci dit, nous aussi nous allons y participer, nous allons apporter nos contributions. Depuis 2016/2017 on produit régulièrement, pour nos adhérents, des brochures relatives au numérique dans l’Éducation nationale. On devait en produire une juste avant le confinement, du coup on n’a pas pu finaliser à ce moment-là, on va la publier au moment de la rentrée et on va la verser aux contributions pour ce débat. On se prépare aussi, cette fois-ci du côté de la FSU, on se dit que ça serait peut-être une bonne idée non pas de faire des contre-journées, en tout cas de faire un truc qui soit un peu plus en rapport avec les attentes que les personnels peuvent avoir de ces États généraux.

Renaud de Colombel : D’une manière plus large que l’Éducation nationale, on voit bien ces dernières années que les syndicats doivent faire face à une conception un peu particulière du dialogue social des deux derniers gouvernements et, en particulier, de l’actuel gouvernement. L’intéressant c’est dans la prise de position, la construction d’une position, le recensement des « forces », entre guillemets, la mise en place de formations, de partenariats avec des associations comme l’April, parce que nous, les syndicats, serons toujours là quand le prochain gouvernement remplacera l’actuel.

Étienne Gonnu : Oui. C’est sûr que la continuité de cette action-là est très importante.
Notre échange, malheureusement parce qu’on aurait encore des tas de choses à dire, touche à sa fin. Si vous avez une dernière chose à ajouter, vous avez une minute chacun, on va dire, pour un dernier mot, sinon je vous souhaiterai une bonne journée. Un mot de conclusion ou c’est bon pour vous ? Renaud.

Renaud de Colombel : Je vais commencer le mot de conclusion. Le syndicat c’est vous, c’est-à-dire que le syndicat ce sont les adhérents, ce sont les gens qui se reconnaissent dans les valeurs et qui rejoignent le mouvement, comme l’Éducation nationale ce sont les personnels qui la composent. Donc n’hésitez pas à faire réseau, n’hésitez pas à faire entendre votre voix. Rejoignez le syndicat qui correspond le mieux à vos idées et ensemble on arrivera peut-être à faire bouger le mammouth.

Étienne Gonnu : Jean-François Clair, un mot de fin.

Jean-François Clair : Je suis tout à fait d’accord avec ce que Renaud vient de dire. J’encouragerais peut-être véritablement les personnels, tous les personnels, à être particulièrement combatifs, c’est-à-dire à ne pas se dire « oui, mais de toute façon ça n’y change rien ». On a toujours un rôle à jouer. On a un poids qui est quand même toujours extrêmement important. La société c’est quand même nous, ce ne sont pas uniquement les politiques qui sont au gouvernement, parce que, comme disait très justement Renaud, ceux qui sont au gouvernement actuellement, n’y seront plus dans un an, dans deux ans, dans trois, mais les organisations syndicales existeront encore.

Étienne Gonnu : Un grand merci à tous les deux d’avoir pris ce temps d’échange. J’ai trouvé ça très intéressant, j’espère que ça l’a été aussi pour vous et pour les auditeurs et auditrices. Je vous souhaite une bonne fin de journée et une très belle rentrée aussi combative que nécessaire.
Très bonne journée à François Clair du SNES-FSU et à Renaud de Colombel du Sgen-CFDT. Merci encore à vous. Bonne fin de journée.

Renaud de Colombel : Bonne fin de journée. Bonne rentrée à tous et à toutes.

Jean-François Clair : Idem.

Frédéric Couchet : Vous êtes de retour en direct sur radio Cause commune. Nous venons d’entendre un sujet enregistré il y a quelques jours consacré au sujet du logiciel libre et des syndicats de l’Éducation nationale.

Nous allons faire une petite pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons écouter Breathe in the light par Stellardrone. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Breathe in the light par Stellardrone.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Breathe in the light par Stellardrone, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio causecommune.fm. Je précise que cette musique nous a été proposée par Éric Fraudain du site auboutdufil.com sur lequel vous pourrez trouver une présentation plus complète de l’artiste ; voilà l’introduction « le compositeur talentueux originaire de Vilnius en Lituanie n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a déjà composé une dizaine d’albums dans le genre depuis 2007. On pourrait qualifier son style musical de drone ambiant ou encore de SoundScape, sous-genre de la musique électronique ». Vous retrouverez les critiques complètes d’un autre morceau de cet artiste sur le site auboutdufil.com.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause commune, la vois des possibles. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l'April : « En cette rentrée, n’oublions pas que "Partager est bon", retour sur les chroniques de Véronique Bonnet »

Frédéric Couchet : Les choix, voire les coups de cœur de Marie-Odile Morandi, qui met en valeur deux ou trois transcriptions dont elle conseille la lecture, c’est la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi qui est animatrice de notre groupe de travail Transcriptions. Le thème du jour en cette rentrée : « N’oublions pas que «Partager est bon » , retour sur les chroniques de Véronique Bonnet ».
Bonjour Marie-Odile. Marie-Odile, tu es avec nous ? Étienne essaye de nous connecter avec Marie-Odile, on va voir si on peut la récupérer.

[Problème de téléphone au niveau de la régie suite au changement d’opérateur pendant l’été : le numéro utilisé n’était pas relié à la console. Problème résolu pour les prochaines émissions Libre à vous !]

Frédéric Couchet : Je vais en profiter pour rappeler que la radio Cause Commune est une radio associative, n’hésitez pas à la soutenir en faisant un don sur son site causecommune.fm, parce que, comme toute radio, elle a des frais, des frais tout simplement de loyer, de diffusion par rapport à l’émetteur.
On entend Marie-Odile.
je vais continuer sur mes annonces, je vous laisse résoudre le problème, sinon on fera autre chose.
Donc n’hésitez pas à faire un don pour couvrir les frais de fonctionnement de la radio, c’est une radio associative, vous allez sur causecommune.fm.
L’émission est également contributive, vous pouvez proposer des thèmes pour les sujets, vous pouvez proposer des invités, des musiques. Vous pouvez également proposer des contributions à l’April ou à la radio, vous trouverez toutes les informations sur le site de l’April, april.org et sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à proposer.
Dans le cadre de notre émission un point important concerne la post-production, les traitements des podcasts. En effet les podcasts resteront la mémoire et la trace des émissions, c’est pour ça qu’il faut apporter un soin particulier à leur traitement avant la mise en ligne. Dernièrement, pour la saison 3, le traitement était fait principalement par Sylvain Kuntzmann, bénévole à l’April, mais Sylvain ne peut plus assurer cette action. Évidemment nous le remercions chaleureusement pour nous avoir aidés tout au long de la saison 3. Antoine a commencé à nous aider mais ce serait bien si on pouvait avoir une autre personne en plus pour répartir le travail. Si vous avez de l’expérience, des compétences, des idées, n’hésitez pas à nous contacter. Vous pouvez aussi relayer notre appel que vous trouverez sur april.org et sur causecommune.fm.
Est-ce qu'on a récupéré Marie-Odile au téléphone ?

[Problème de connectique non résolu]

Frédéric Couchet : Comme j’ai les notes de Marie-Odile, je vais essayer de le faire en direct à la place de Marie-Odile, on va voir ce que ça va donner.

Marie-Odile souhaitait revisiter en notre compagnie les chroniques de Véronique Bonnet. Véronique est professeure de philosophie en classe préparatoire aux grandes écoles, discipline que Marie-Odile a beaucoup apprécié dans sa lointaine classe de terminale. Véronique est actuellement présidente de l’April après en avoir été vice-présidente pendant plusieurs années.

L’intitulé général des chroniques de Véronique est « Partager est bon », expression que prononce assez souvent Richard Stallman, le fondateur du mouvement du logiciel libre,et il ajoute « attaquer le partage c’est attaquer la société ».

Pourquoi ce choix en ce début de mois de septembre, traditionnel mois de rentrée ? Il semble à Marie-Odile qu’il est bon de régulièrement revenir aux fondamentaux du logiciel libre, de relire les textes de Richard Stallman, en plus à la lueur des explications d´une philosophe. On trouve les textes originaux sur le site gnu.org, traduits principalement par le groupe de travail Traduction de la philosophie GNU de l’April. Ces textes sont donc à notre disposition, en français.

Depuis le 26 février 2019, Véronique nous a proposé dix chroniques. Dans chacune, elle met le focus sur un texte qu’elle commente en utilisant, comme elle dit, sa discipline de prédilection qu’est la philosophie. Tous les textes sont de Richard Stallman avec une exception, un texte de Benjamin Mako Hill intitulé « Quand le logiciel libre n’est pas supérieur, en pratique », qui a été intégré à la philosophie GNU en 2013. Certes un logiciel peut être pratique, efficace, pertinent mais ne pas s’inscrire dans une logique d’émancipation, être privé de la préoccupation éthique du logiciel libre. Véronique souligne que dans le free software la liberté est bien le but et l’efficacité un moyen de ce but.

Cette finalité essentielle, la liberté, est mise en exergue dans le texte « En quoi l’open source perd de vue l’éthique du logiciel libre ». Si on n’a rien à faire de considérations éthiques dont on dit qu’elles pourraient lasser, qu’elles pourraient énerver, arguments fallacieux de l’open source, alors l’autonomie, la liberté, sont versées au magasin des antiquités. Richard Stallman parle de crainte de la liberté, comme s’il était devenu malpoli ou incongru de l’évoquer. Il appelle à une jubilation, à une fierté, et nous invite à ne pas hésiter à choquer intellectuellement : « Nous devons leur dire que c’est du logiciel libre et qu’il te donne la liberté », je cite Richard Stallman. Et Véronique de préciser que dire « logiciel libre » et non open source, c’est faire avancer la cause du logiciel libre.

En effet, un nom mal choisi donne aux gens une idée fausse d’où « L’importance d’utiliser la dénomination GNU/Linux ». Si on se contente de dire « Linux », dispositif technique à un moment donné du développement de GNU, alors on réduit l’informatique libre à un épisode qui sera seulement technique, on ne se réfère qu’à une partie du projet. GNU est un projet éthique, politique, humaniste : c’est écrire du code pour rendre l’utilisateur et évidemment l’utilisatrice autonomes. GNU est ce qui donne direction et sens à la communauté du logiciel libre. Véronique nous exhorte à ne pas oublier la racine idéaliste de ce projet quand on se réfère au logiciel libre et que dire « GNU » ce n’est pas dire « je », c’est dire « nous ».

Racine idéaliste précisée dans le texte « Idéalisme pragmatique ». Le logiciel libre va bien au-delà d’une seule affaire d’écriture de code. Elle cite Richard Stallman : « C’est un but idéaliste qui motive mon travail pour le logiciel libre, propager la liberté et la coopération, rendre ainsi notre société meilleure, fraternelle ». L’intransigeance est extrêmement forte : le logiciel doit être libre ; il n’y a aucune raison que l’informatique se trouve sous copyright. Comment serait une société soumise à des contraintes qui empêcheraient de développer l’inventivité qui relève de la rencontre de plusieurs ? Cela porterait atteinte à la liberté, à l’égalité et à la fraternité des humains. Et moi, Frédéric, je cite Marie-Odile, dans cet échange avec Véronique, tu as rappelé que Richard Stallman commence très souvent ses conférences en France par l´expression : « Je peux définir le logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité », ajoutant souvent un commentaire par rapport au pouvoir politique présent, quel qu’il soit rarement dans cet état d’esprit.

En 1997, Richard Stallman avait publié un article, on peut dire une fiction, intitulé « Le droit de lire ». Dans une de ses chroniques, Véronique décrit le scénario, prémonitoire d’une certaine façon, une histoire d’amour sur fond d’impossibilité d’accéder aux savoirs contenus dans les livres. Avoir accès à l’ensemble des savoirs, permettre de les partager, ce sont les propositions du projet GNU : l’architecture informatique doit permettre l’accès aux documents et aux processus. Véronique rappelle l’un des slogans de l’April « Informatique libre, société libre ».

Le texte « Les raisons d’écrire du logiciel libre » se présente sous la forme d’une énumération de dix raisons qui vont d’une vision large vers des raisons plus étroites mais qui ne demandent qu’à grandir. Ainsi Véronique de remercier le logiciel libre d’avoir fait grandir nos raisons d’écrire du code.

Dans un autre registre, on pourrait dire plus politique, deux textes sont commentés :

  • « Mesures à la portée des gouvernements pour promouvoir le logiciel libre ». Pour Richard Stallman, « La mission de l’État est d’organiser la société avec pour objectif la liberté et le bien-être de la population ». Prendre des décisions pour d’autres humains impose des devoirs pour accomplir cette mission humaniste : respecter les citoyens comme humains et ainsi les gouvernements se respecteront eux-mêmes.
    Je vous laisse relire la transcription de cette chronique dans laquelle chaque considération devrait pousser à un engagement fort que ce soit dans la lutte contre le gaspillage ou dans la défense de notre souveraineté numérique.
  • « Quel niveau de surveillance la démocratie peut-elle endurer ? » Certes, pour fonctionner, la démocratie doit se protéger, mais il faut aussi qu’elle soit lisible, car le peuple doit savoir ce qui s’y passe. Il ne s’agit pas de supprimer la surveillance, il s’agit de la réduire pour éviter les excès. Les lanceurs d’alerte, avec référence à Edward Snowden, doivent pouvoir agir et pour cela il faut préserver un espace intime qui permettra le recul pour la réflexion et la critique. Bien entendu, chacun d’entre nous doit être prudent en étant acteur de la protection de sa propre vie privée. Pour cela logiciels libres et solutions libres sont proposées avec une mise en garde : méfions-nous des objets connectés, gardons nos données dispersées, ne facilitons pas les choses.

Une autre façon de faire avancer la cause du logiciel libre consistera à « Dire non à l’informatique injuste, même une seule fois ». Tout rejet qui va dans un sens émancipateur est bon à prendre.
Dans cette chronique Véronique nous parle de son expérience d’enseignante pendant la période de confinement et des pas qu’elle a faits en refusant, avec une fermeté bienveillante, d’utiliser les logiciels et les solutions privatrices qui lui étaient proposées. Tout refus ponctuel est constructif, il permet d’alerter nos interlocuteurs, mais il ne suffit pas. Véronique a proposé à ses étudiants des alternatives libres pour les aider à avancer vers l’autonomie, pour leur montrer combien elle les respecte et combien, en se détachant des solutions propriétaires, ils se respecteront eux-mêmes, gagneront en liberté et avec eux leur communauté.

En cette période de rentrée scolaire, il est impératif de rappeler, marteler partout où cela est possible « Pourquoi les écoles doivent utiliser exclusivement du logiciel libre » afin de faire de la bonne éducation.
Véronique nous rappelle que dans ses arguments, comme souvent, Richard Stallman part de ce qui lui parait le moins essentiel, l’argument monétaire – les logiciels libres sont souvent gratuits – pour arriver, en passant par la formation des futurs informaticiens qui, par l’accès au code source pourront lire beaucoup de bon code, à l’éducation morale, l’habitude d’aider les autres : une éducation tournée vers les autres, qui ne sera pas repliée sur soi, qui ouvre à l’autonomie, ce que le pragmatisme, de courte vue, parfois ne comprend pas.
Éduquer c’est amener quelqu’un à sortir de ses intérêts particuliers, de ses impulsions immédiates, de ses préjugés, pour aller vers les autres.
« Enseigner un programme non libre revient à enseigner la dépendance ce qui est contraire à la mission de l’école », dit encore Richard Stallman, d’où la proposition de ne distribuer et de n’utiliser que du logiciel libre dans les écoles. Outre le devenir autonome des individus, cela garantira l’avenir politique d’une nation. Et pourtant, il y a parfois des contrats étonnants qui sont passés avec les GAFAM, donc les géants du Web qui se gavent de nos données personnelles, hélas notamment par notre ministère de l’Éducation nationale. On en a déjà plusieurs fois parlé et pas plus tard que tout à l’heure.
L’école a une mission sociale celle de former les élèves à être citoyens d’une société forte, capable, indépendante, solidaire et libre. Ainsi formés, les humains qui utilisent maintenant tous l’informatique, pourront contrôler leur propre ordinateur, auront leur autonomie préservée et la liberté de coopérer, de vivre dans la droiture morale.
À la façon d’un clin d’œil, Véronique nous propose de décliner la formule de Lessig, une formule beaucoup appréciée par mon collègue Étienne, Code is Law en Code is Education, puisque écrire du logiciel libre fait grandir, contribuer au logiciel libre amène à dépasser son propre horizon, ses préjugés, pour aller vers les autres, s’ouvrir.

Marie-Odile invite les auditeurs et les auditrices qui écoutent en direct l’émission ou qui écouteront le podcast, à relire les transcriptions des chroniques de Véronique Bonnet. Elle espère qu’elle nous fera encore partager ses commentaires de philosophe des textes de Richard Stallman durant la saison 4 Libre à vous ! car cela est bon !

Je précise que Véronique Bonnet continuera évidemment à nous proposer des chroniques « Partager est bon » dans le cadre de Libre à vous saison 4.
C’était la chronique de Marie-Odile qu’on a pu faire vu qu’elle envoie ses notes en avance. Je ne sais pas si on a pu la récupérer ou pas du tout. On espère que la prochaine fois on l’aura et on fera un test une fois l’émission terminée pour comprendre ce qui s’est passé.
C’était la chronique, dite par moi, de Marie-Odile Morandi, qui est animatrice du groupe de travail Transcriptions de l’April, qui est également administratrice de l’April.
J’invite les gens qui nous écoutent à rejoindre ce groupe Transcriptions. Je disais tout à l’heure que l’émission est une émission contributive, l’April est une association contributive. Les transcriptions sont faites par des bénévoles et on a besoin de gens pour aider soit à transcrire, soit simplement à relire des textes, il n’y a pas forcément besoin de compétences, il n’y a pas forcément besoin de beaucoup de temps, il y a des textes qui sont relativement courts. N’hésitez pas à vous connecter sur le site de l’April pour découvrir les activités notamment du groupe Transcriptions, donc april.org.

On va passer maintenant aux annonces de fin.

[Virgule musicale]

Annonces

Frédéric Couchet : Les annonces de fin, je crois qu’en fait je les ai déjà faites tout à l’heure, mais je vais quand même vous rappeler rapidement notre appel pour le traitement des podcasts. Le montage audio est un travail très important. D’ailleurs plus globalement, si vous souhaitez aider la radio à traiter les podcasts de toutes les émissions, n’hésitez pas à nous contacter : vous vous connectez sur causecommune.fm ou sur april.org et vous trouverez les informations de contact, parce que c’est un point important le traitement de ces podcasts. Le direct est évidemment essentiel à la radio, mais il y a beaucoup de gens qui écoutent en podcast, donc il y a un travail à faire pour rendre ces fichiers de podcasts de la meilleure qualité possible. Je précise aussi qu’un travail fait par les personnes qui montent les podcasts c’est ensuite de découper les podcasts en sujets séparés de manière à faciliter l’écoute. Par exemple dans une émission où on a un sujet long et deux courts, eh bien vous aurez un podcast pour toute l’émission et vous aurez un podcast pour les deux sujets courts et un podcast pour le sujet long.
Je rappelle aussi que vous pouvez faire un don à la radio Cause Commune pour financer tout simplement la partie matérielle de la radio. Vous allez sur causecommune.fm.
Est-ce qu’il restait d’autres annonces ?
Il y a peut-être quelques évènements qui commencent à être organisés à nouveau, évidemment ça va dépendre des conditions sanitaires de la rentrée. Il y a notamment la Fête des Possibles.
Je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, vous verrez que quelques évènements sont organisés. Certains sont aussi organisés tout simplement à distance. N’hésitez pas à vous connecter sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, vous y trouverez tous les évènements qui sont organisés en France, en Belgique et dans d’autres pays, vous permettant soit de découvrir le logiciel libre, soit de vous perfectionner autour du logiciel libre, en tout cas de trouver des évènements autour des libertés informatiques.

Notre émission se termine, un petit peu chaotique à la fin, mais c’est la reprise, c’est comme ça !
Je remercie les personnes qui ont participé à l'émission : Marie-Odile Morandi pour avoir évidemment préparé sa chronique, Jean-François Clair, Renaud de Colombel ; à la régie et au sujet long Étienne Gonnu. Ça a été aujourd’hui, avec les conditions, Étienne ?

Étienne Gonnu :Un peu sportives comme tu as pu le voir.

Frédéric Couchet :Un peu sportives. Je pense qu´on méritera peut-être une bière après, quoique toi tu es en vélo, ce n’est peut-être pas très bien !

Étienne Gonnu :En tout cas ça m’a fait plaisir de revenir en régie, ça c’est clair.

Frédéric Couchet :C’est effectivement un grand plaisir de revenir en studio.
Merci également à Sylvain Kuntzmann, Antoine, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio, qui s’occupent de la post-production des podcasts.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Vous retrouverez sur notre site web, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm, toutes les références utiles. Vous pouvez trouver également les moyens de nous contacter pour nous faire des retours.
Je vous rappelle que vous pouvez aussi nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour poser une question ou simplement nous laisser un message. Le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. La prochaine émission aura lieu en direct mardi 8 septembre 2020 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur l’initiation à la programmation pour les femmes avec Ada Tech School, Ladies of Code Paris et Django Girls. Malgré ces noms, on parlera en français.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 8 septembre et d’ici là portez-vous bien.

Générique de fin d'émission : Wesh Tone par Realaze.

08 September 2020

jzimmermann.png Jérémie ZIMMERMANN

European Union must impose interoperability on Web giants

Le 08 September 2020 à 15:42:32

The European Commission is about to start a new legislative debate regarding Internet hosting providers – services that are hosting and make information available online. These providers have been protected since 2000 by the E-Commerce Directive, when the Internet was maybe a less complex thing to address through legislation. The rules were simple: hosting services are not liable for information they store if they stay “passive” – if they do nothing more than storing information provided by their users.

Since 2000, new actors like Facebook and Google have appeared and raised new issues, both legal and political. Are these new platforms really “passive”? Have they became too big? Should they be fixed, destroyed, left? The Commission is willing to gather opinions from as many actors as possible. It is quite hard to guess what will arise from that. But the issues at stake are so complex and affect so many things that it may lead to one of the most impactful piece of European legislation. Our answer to the Commission’s consultation is short and simple.

Response to the public consultation on the Digital Services Act

Reviewing the E-Commerce Directive will require to address a central, difficult issue: giants platforms such as Facebook, Youtube and Twitter are playing a more and more active role by organising and promoting information they store. Their business model, rooted in attention economy, seems to foster resentment and distrust rather than kindness and solidarity.

If the E-Commerce Directive was to be strictly applied, such active platforms might be held responsible for almost all information they store. Under such circumstances, these companies may not be able to pursue their business in Europe. In the long run, this would be a good thing, but it should not happen too fast; otherwise, millions of users would be abruptly deprived of their main means of communication.

Our priority must be to give users the best and easiest tools to leave giant platforms. These platforms, while keeping their users captive, are based on breaching European rights and values regarding both personal data and free speech.

Mandatory interoperability

Hosting services, as defined in Article 14 of Directive 2000/31, which are provided for profit-making purposes and to a singularly large number of users, shall be interoperable.

Hosting services are interoperable if, through the implementation of appropriate technical standards, they enable their users to exchange information with the users of third-party services implementing the same technical standards.

Technical standards are appropriate if the are publicly documented, are in line with current best practices, are stable and cannot be changed unilaterally.

Users of interoperable services should be able to exchange information in the same manner and with the same ease with users of the same service and users of third-party services implementing the same technical standards.

Authorities referred to in Article 5 of the European Electronic Communications Code shall monitor and enforce the application of this obligation and shall have the power to impose administrative fines and obligations for that matter.

Justifications

More freedom

Interoperability obligation will enable users to leave giant platforms without needing to pay the often unbearable social cost that comes with loosing contact with their family, friends, co-workers or solidarity network. Users could join other similar services, while still being able to communicate with their contacts that stayed behind.

Once they left, users would be released from any contractual relationship with the giant platform: their personal data may no longer be processed based on their forced consent and their speech may no longer be suppressed based on defective rules imposed by hegemonic companies.

This new freedom would make it possible for users to choose other hosting services with moderation rules that fit way better their needs. On the contrary, the moderation systems of the biggest platforms seems unable to protect their users, in part because of their overwhelming size.

Technical Standards

Giant platforms would not need to be interoperable with any and all other services, but only with those that use the same technical standard as they do.

These standards should not be modified too often and one platform should not be able to modify them alone – otherwise, such a platform would be in position to make the standards unusable in practice. Standards must comply with what the regulatory authority deems to be the state of the art.

Currently, the ActivityPub standard appears to be the simplest and most obvious starting point. However, in theory, nothing prevents giant platforms from proposing their own standards to the regularity authorities.

More control

The interconnection between an interoperable platform and third-party services would not be automatic, but at the demand of each user, who will choose which other users and services to communicate with and in what manner.

In this way, no user would be troubled by interoperability: all user will keep control on whom they communicate with – any user may decide to not make use of the possibilities offered by interoperability and this will be without consequences for him/her.

In the same way, interoperability will not imply added obligation regarding moderation for giant platforms, as they could not be held responsible for information shared by third parties whom they have absolutely no contractual relation with. But if they really want to do so, giant platforms may still moderate messages and information coming from third parties.

Internet’s core principle

The interoperability principle is nothing new, it is in fact the basis of the Internet, which was created as a decentralized network, before the increasing pressure for centralization came from massive services and providers, making it in the same time so difficult to handle.

The example of email is one of the oldest and best example of interoperability; it would be difficult to imagine being unable to send an email to someone just because they use a different email provider.

Therefore, imposing interoperability to giant hosting providers would be a natural addition to Article 61, (2), (c), of the European Electronic Communications Code, that already imposes interoperability regarding interpersonal communications.

French supports

In France, our project is supported by a wide range of political actors. The French government supports it, as the Secretary of State for Digital Affairs, Cédric O, stated during an hearing at the Assemblée Nationale regarding moderation rules on big platforms: “interoperability is one of the solutions (…) It is up to Europe to impose rules on interoperability, as it has been done on data protection”. In the same debate, more than 60 members of the Assemblée Nationale, from both left and right wing parties, have tabled 7 amendments aimed at promoting and imposing interoperability to giant platforms. Meanwhile, the Sénat has adopted a bill « aimed at guaranteeing the free choice of consumer in cyberspace » which includes interoperability obligations.

These legislative initiatives are the result of different positions taken by French administrations, like the ARCEP (the French agency in charge of regulating telecommunications in France) or the French Treasury which has proposed “obligations to develop technical standards to promote interoperability of services and the migration possibilities of users […] when competitive issues associated to a platform appear to be structural and lasting therefore require ongoing intervention to be resolved”. These initiatives have followed an open letter from May 2019 signed by 75 French organisations to impose interoperability to Web giants.


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Mise à jour: Le 16 September 2020 à 08:33:30