Donia Eden (Eden) et Nicolas Briançon (Xavier de Louhan) dans l'adaptation du roman «Les Michetonneuses» de Rose Emilien par Olivier Doran.© Jean-Claude Lother / FTV
Donia Eden (Eden) et Nicolas Briançon (Xavier de Louhan) dans l'adaptation du roman «Les Michetonneuses» de Rose Emilien par Olivier Doran.© Jean-Claude Lother / FTV
Mercredi, 5 Août, 2020

Télévision. Les Michetonneuses, insoumises de Bobigny

Adapté du roman de Rose Émilien, « Les Michetonneuses » retrace la rencontre troublante du Paris huppé avec l’euphorique et rêveuse banlieue.

Amies et grandes passionnées de mode, Eden (Donia Eden), Maya (Pauline Parigot) et Anissa (Ilias Le Doré) aiment fuir la pauvreté de la Seine-Saint-Denis pour flâner dans les enseignes de luxe du prêt-à-porter parisien. Élancées et pétillantes, Eden et Maya utilisent leur beauté pour « michetonner » des hommes beaucoup plus âgés qu’elles. Elles dépensent ainsi l’argent gagné en vêtements et maroquinerie de luxe.

Face à la caméra d’Olivier Doran, les trois jeunes héroïnes livrent une réalité troublante 

Seule Anissa, qui souffre de ses rondeurs, ne se prostitue pas. Pour assouvir sa passion de la mode, elle ne peut s’empêcher de voler dans les boutiques de marque. Les trois amies voient leur routine bouleversée lorsqu’Eden est employée dans une galerie d’art et rencontre Xavier de Louhan (Nicolas Briançon), banquier fortuné passionné de peinture. Alors que ce dernier tombe peu à peu sous le charme d’Eden, Anissa est arrêtée pour avoir volé un sac dans une boutique de luxe. Face au désarroi de son amie, arrêtée déjà deux fois auparavant pour les mêmes faits, Eden se tourne vers Xavier de Louhan pour lui demander son aide.

Face à la caméra d’Olivier Doran, les trois jeunes héroïnes livrent une réalité troublante : Eden et Maya, comme Virginie Despentes avant elles, assument pleinement d’être des michetonneuses. Insoumises, elles décident toujours du tournant que prennent leurs relations avec les hommes. L’objectif d’Olivier Doran n’est pas de porter un jugement moral sur leurs actions. Il dénonce néanmoins le monde de la prostitution et sa violence. Au passage, il égratigne aussi la difficulté à trouver un emploi avec un salaire décent, lorsqu’on vient de Bobigny… La critique est furtive mais percutante. Au-delà d’en faire les personnages centraux, Olivier Doran ne les dépeint pas comme des objets sexuels assouvissant le désir du mâle, mais comme des femmes maîtresses de leur destin…

La peinture semble gommer le fossé qui sépare deux mondes

La notion de l’art a une place centrale dans le film. En effet, il met tout d’abord en lumière la différence culturelle qui existe entre les classes aisées vivant dans un Paris huppé, à l’aise avec les différents arts, et les banlieues périphériques qui n’ont pas accès à ce savoir. Alors qu’elle travaille dans une galerie d’art, sa passion naissante pour les peintres minimalistes la rapproche de Xavier De Louhan, client fidèle passionné. La peinture semble ainsi gommer le fossé qui sépare leurs deux mondes. Seul souci, et non des moindres : l’histoire d’amour entre la « michetonneuse » et l’homme d’affaires, qui a trois fois son âge, gâche la démonstration et légitime quasiment la prostitution : les filles, un prince charmant, même vieux, peut vous sortir de votre inculture, de votre misère sociale et même de votre détresse affective, souffle le film… Un peu gênant aux entournures, d’autant que les trois héroïnes valent mieux que ce cliché.

Marine Lion

Les Michetonneuses. Téléfilm. France 2. 21 h 05.

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