lundi 3 septembre 2018

Achats Récents #20 post-disco/funk/boogie


The Ritchie Family est un trio féminin de chanteuses originaires de Philadelphie. Le groupe est surtout une création des seuls et uniques Jacques Morali et Henri Belolo: au milieu des années soixante dix les français s'intéressent au disco et montent cette formation de toute pièce en castant trois chanteuses. The Ritchie obtient ainsi un énorme succès avec une reprise de Brazil extrait d'une comédie musicale. Le duo français par la suite formera... les Village People ! Au début des années 80 le disco est en perte de vitesse et les producteurs français confient la destinée de The Ritchie Family à un autre duo européen: le Français Jacques Fred Petrus et l'Italien Mauro Malavasi alors au sommet de leur carrière avec des projets comme Change et BB&Q Band. J'avais toujours vu Ritchie Family comme un groupe euro-disco cheesy (et je pense que ce n'est pas nécessairement faux sur la première période) mais en tombant sur youtube (hé oui découvert grâce aux algorithmes...) sur I'll Do My Best j'ai pris une petite claque. Ce morceau est super élégant, la production somptueuse. Encore une fois, impossible de ne pas ressentir l'influence de Chic chère au duo Petrus-Malavasi mais prolongée dans une perspective définitivement plus 80s (le morceau est de 1982): tempo plus lent, basse funky synthétique, arrangements subtiles et presque aériens. Pour ne rien gâcher, le 45 tours est vraiment facile à trouver, une semaine après avoir découvert le morceau je l'achetais en vinyle pour une somme dérisoire. Quand on commence à avoir beaucoup de disques, il est rare d'avoir encore ce genre de surprise. La version 45 Tours est un édit bien fait de la version 12 pouces ci-dessous.


Les Whispers, groupe de soul de Los Angeles, ont déjà été évoqués sur ce blog à travers un excellent morceau de 1970. Comme je le mentionnais à l'époque, la formation est surtout connue pour sa production de la fin des années 70 - début quatre vingt et notamment le fameux And The Beat Goes On. Ce morceau est tellement connu que rien qu'en citant le titre vous devriez entendre la mélodie. De la même époque mais un chouïa moins connu (mais ça reste un énorme standard): It's a Love Thing. Que dire sur cette chanson ? évidente, classique, certes... mais cela reste une énorme balle avec un groove hallucinant. Un petit mot sur le label SOLAR (pour Sound Of Los Angeles Record), je pense qu'il contribue à définir le son de la première moitié des années 80 en matière de dance music/ R&B/disco. Fondé en 19 par Dick Griffey, un collaborateur de l'émission Soul Train, le label californien enquille les classiques dans la première moitié des années 80 avant de décliner. Parmi mes favoris citons Dance With You de Carrie Lucas, Friends de Shalamar ou Midas Touch de Midnight Star.  


J'avais tendance à associer Evelyn Champagne King surtout à son classique disco Shame découvrir Love Come Down , un autre de ses grands tubes (avec aussi I'm in Love) a été un petit choc. Cinq ans sépare les deux morceaux et ils tracent assez bien les évolutions de la musique disco/r&b sur la période. Love Come Down est une merveille de précision associant une production très synthétique (boîte à rythme, basse funky au moog, claviers...) à un groove destructeur. Love Come Down est un vrai marqueur de son époque et du virage fait par la dance music dans les 80s. Il consacre aussi son producteur: Kashif, malheureusement décédé en 2016 à quelques semaines d'intervalles d'un autre grand de la dance music (Rod Temperton).  


Il était trop tentant d'évoquer Rod Temperton juste après Kashif. Le musicien anglais se fait connaître avec le groupe Heatwave, auteur notamment de l'immense classique Boogie Nights qui fait parti de mes morceaux disco favoris. La formation contribue à l'émergence d'une scène au Royaume Uni connue sous le nom de Brit Funk, il est très probable que je revienne là dessus un jour prochain si j'ai le courage de m'y mettre ! Revenons à notre 45 tours. Il est donc écrit par Rod Temperton pour Quincy Jones avec Patti Austin au chant. Razzamatazz est extrait de l'album The Dude comme un autre classique de Quincy: Ai No Corrida. Même si cette dernière a eu plus de succès, j'ai une préférence nette pour Razzamatazz et je pense que Rod Temperton n'y est pas étranger. Elle évoque un autre classique du compositeur anglais (Give Me the Night de George Benson) avec quelque chose de plus élégant, notamment ce refrain sur le fil des plus aristocratiques. La paire Rod Temperton/Quincy Jones est une dream team du début des années 80. Les deux collaborent en effet sur deux albums de MJ (Off The Wall et Thriller) mais aussi sur Light Up The Night le classique des Brothers Johnson (porté par le single Stomp co-écrite par le Britannique avec le groupe et produite par l'Américain) . 


Chemise était un couple à la vie: Ricki Byars et Ronald Muldrow. Les musiciens, surtout de de jazz (Ricki Byars a chanté avec Pharoah Sanders par exemple), ont sorti un unique single sous ce nom en 1982. She Can't Love You est particulièrement intéressante dans sa manière de placer la basse par rapport à la rythmique avec un léger décalage créant un groove très particulier et cool. L'ensemble est à la fois très dansant mais avec une petite pointe de mélancolie. La production est également captivante: un poil plus lo-fi et moins ample que celle des 4 autres morceaux de cette sélection par exemple. 
 

samedi 1 septembre 2018

Achats Récents #19

Pour cette troisième et dernière partie de mes achats à Barcelone, pas de thème spécifique. J'ai acheté d'autres disques bien sûr mais ceux là me semblaient plus intéressants à présenter pour diverses raisons. L'été a été une période assez faste d'acquisitions me concernant, si j'ai le courage d'écrire quelque chose, je vous présenterai peut être quelques trouvailles faites via discogs. 


Sir Henry and the Butlers est un groupe beat danois originaire de Copenhague. En 1967 Camp obtient un succès conséquent dans de nombreux pays européens et plus spécifiquement en Allemagne, aux Pays Bas et en Belgique. Le morceau est terriblement énervant, le genre de scie typique de la fin des années soixante (Winchester Cathedrale me vient en tête aussi) à se taper la tête contre les murs tant c'est mauvais (avec un kazoo histoire de rendre le truc encore plus difficile), en revanche la face B Pretty Style est vraiment très bonne: du psychédélisme lancinant montant cresdendo. Comme vous le savez j'ai une passion pour les morceaux squattant les bacs de drouilles , là on en tient carrément un bon exemple. J'avais déjà le disque bien sûr avec d'autres pochettes mais honnêtement en pressage espagnol ça ne se refuse pas... Curieusement le morceau y a été publié 4 ans après sa sortie initiale, un mystère intéressant à résoudre !



J'ai déjà évoqué Rocky Roberts ici même et devinez quoi ? La Face A du single que je vous avais présenté est en face B de celui ci. Curieux couplage donc de deux singles du chanteur originaire de l'Alabama. Cela reste de l'excellente came en tout cas, les deux morceaux sont cool, la A dans un registre assez midtempo quand la B relève un peu la cadence. De l'euro-soul en italien chanté avec un accent américain: est-ce que l'on peut faire plus sixties que ça ? Cela évoque en tout cas beaucoup d'autres productions européennes contemporaines: Jess & James, Pop Tops, Geno Washington & the Ram Jam Band, Jimmy James and the Vagabonds ou encore... los Canarios.



Los Canarios n'eurent pas le succès des Pop Tops ou de Los Bravos mais furent une des belles réussites du producteur Alain Milhaud (dont j'évoquais l'étonnant destin récemment à propos de Smash).  Le groupe était originaire... des Canaries. Après avoir enregistré un album aux USA, pour le label des Tokens (BT Puppy), en 1967 (une énorme rareté) le groupe revient en Espagne et obtient plusieurs tubes qui aident le groupe à s'installer définitivement dans le paysage du rock espagnol. Get On Your Knees, leur grand succès, est aussi un super morceau de soul, je vous recommande donc de partir à sa recherche (assez facile et peu dispendieuse) si vous allez faire un tour en Espagne... Le groupe s'oriente par la suite vers une musique progressive ambitieuse mais pas non plus abscons avec quelques très bons morceaux également... Pain date de la période soul du groupe et vaut surtout pour sa face B Three-Two-One-Ah légèrement garage et plutôt bien branlée. À noter que le single est arrangé par un nom bien connu des français: Jean Bouchety



Finissons cette session barcelonaise sur un 45 tours du duo James & Bobby Purify. Dans l'esprit de Sam & Dave, les Floridiens sont particulièrement connu pour leurs morceaux I am Your Puppet et leur reprise très punchy de Shake a Tail Feather (qui a probablement influencé la version des Blues Brothers de mon point de vue). Si j'ai pris ce single parce que particulièrement intrigué par leur reprise de Sixteen Tons morceau dont j'adore de nombreuses versions (dont certaines françaises) c'est finalement la A qui me semble la plus réussie.  Sans transcender la version de Sam & Dave, James & Bobby Purify en font une excellente interprétation (en 1967) avec une production moins crados et plus précise que l'original chez Stax. 


jeudi 30 août 2018

Achats Récents #18 disco/soul/funk

Suite des achats barcelonais avec une spéciale disco/soul/funk. J'ai essayé, avec les disques choisis, de tracer en filigrane l'évolution de la musique soul entre le milieu des 70s jusqu'au début des années 80. Ces achats sont assez représentatifs de mes obsessions du moment, en particulier pour le R&B du début des 80s qui fusionne les rythmes disco à l'instrumentation P-funk (ou quelque chose approchant...). Je m'étais déjà intéressé à la question mais d'une manière peut être un peu superficiel, en tout cas j'ai eu envie de m'y replonger cet été et ce fut l'occasion de découvrir énormément de disques voir de producteurs. Vous pouvez aussi checker ma playlist pour Section 26 dans un registre moins dansant et plus luxuriant...


First Choice est un girl group de Philadelphie. Nous avions évoqué ici le groupe il y a fort longtemps (plus de onze ans !). Smarty Pants est un excellent single de 1973 produit par Stan Watson, pièce importante du puzzle Philly Soul en tant que co-créateur du second grand label de la ville (après Philadelphia International Records): Philly Groove. Si ce disque est sorti sur Bell (qui distribuait le label), le rooster comprenait notamment First Choice ou les Delfonics. En regardant les crédits d'écriture, nous pouvons constater la présence d'une autre figure clef du son philly en la personne du guitariste Norman Harris. Ce dernier fut un des membres d'origine de MFSB, le backing band de la plupart des disques de Philly. Comme l'arrangeur/vibraphoniste Vince Montana Jr. (et le groupe First Choice suivra aussi cette migration de label) , Norman Harris fera parti de l'aventure Salsoul et de son orchestre. En creux se dessine l'évolution de la musique soul des 70s. Alors que Philadelphie a créé le son disco en substance (il suffit d'écouter Love Train) notamment grâce à la fabuleuse assise rythmique constituée par Earl Young (batteur) et Ronnie Baker (basse), Salsoul s'impose comme un label majeur du genre grâce aux transfuges de Philly. Smarty Pants est en tout cas un parfait exemple du son de Philadelphie: production soyeuse, mélodies élégantes, rythmique binaire parfaite pour danser. De la pure dentelle capable d'associer l'efficacité d'une bonne chanson pop à des arrangements exigeants.



Nous sommes 4 ans plus tard en 1977 en pleine fièvre disco. The Emotions est un autre girls group mais de Chicago, un trio composé autour de la famille Hutchinson. Après avoir publié plusieurs albums pour Stax, le trio est signée par CBS qui envoie le groupe entre les mains de Maurice White et Charles Stepney.  Les deux ont un CV plutôt dingue et sont des noms que vous croiserez souvent si vous vous intéressez aux productions soul de Chicago des années 60-70. Stepney se fait connaître en créant avec Marshall Chess (fils de Léonard, le fondateur de Chess) le groupe Rotary Connection duquel émergera Minnie Ripperton. Il a produit son classique Les Fleur tout comme California Soul de Marlena Shaw... Au milieu des seventies il s'associe à une autre figure de l'ombre de la soul de Chicago: Maurice White. Membre du trio de Ramsey Lewis qui remplace Young & Holt, il fonde par la suite Earth Wind and Fire. Ensemble les deux produisent Flowers pour les Emotions en 1976, le premier succès du groupe depuis 1969. L'année suivante White rempile pour un nouvel album sans Stepney, celui-ci étant malheureusement décédé entre temps. Rejoice explose les compteurs (#1 R&B, #7 Pop aux USA) et devient le plus grand succès du groupe. Cette performance est certainement due à Best of My Love qui s'impose comme un des grands classiques de son époque. Le morceau écrit par White et Al McKay (un autre membre d'EW&F) est tout simplement irrésistible. 



Skyy est un groupe de New York signé sur Salsoul, l'un des labels les plus emblématiques de la vague disco. Skyyzoo publié en 1980 est représentatif de la dance music après la fièvre disco. La disco a littéralement balayé tout sur son passage et créé une percée inédite dans le mainstream pour la musique R&B. Le retour de bâton fut terrible mais permit au boogie d'émerger au début des années 80. Le R&B retrouva ainsi des couleurs en renouant avec ses racines sans renier non plus la disco. Si le beat binaire est conservé, il se fait un peu plus lent et langoureux, les instrumentations perdent en cordes chantilly ce qu'elles gagnent en synthétiseurs. Ce morceau quoi qu'encore très disco a pour lui une orchestration plus aéré, plus marquée dans le bas du spectre (basse très en avant) et moins agressive dans les aigus que la plupart des standards disco. On pense évidemment à Brass Construction ou BT Express: la présence de Randy Muller n'y est pas totalement étrangère puisqu'il co- produit le morceau avec Solomon Roberts Jr. .


Instant Funk est un groupe originaire du New Jersey mais leur histoire corrobore celle de First Choice: après avoir été backing band pour les O Jays (entre autre) et sortis des albums sur Philadelphia International Records, le groupe rejoint Gold Mine (le label de... Norman Harris) puis Salsoul. Ils ne sont pas les seuls: Bunny Sigler qui produit ce disque fut également une figure de la soul de Philadelphie ! Give It To You Baby paru en 1982 est un morceau au groove implacable. Sans être une évolution majeure par rapport à Skyy, on notera la présence plus marquée de synthétiseurs.


Finissons cette session par un autre disque de 1982: Dance Floor de Zapp, groupe de l'Ohio. Zapp c'est génial, Roger Troutman est un génie de la Talk Box (ce que l'on prend souvent pour de l'autotune ou du vocoder). Les deux premiers albums sont des classiques. Dance Floor est d'ailleurs le single majeur du second album et sans atteindre la perfection de More Bounce To The Ounce il s'en rapproche sérieusement. Il est assez intéressant de comparer ce disque à celui d'Instant Funk. Si Instant Funk venait d'un background plus soul/disco, Zapp a un son nettement plus funk. Le tempo est plus lent et lourd, l'instrumentation encore plus synthétique. La filiation la plus évitent me semble ici être le P-Funk de Parliament (Clinton et Bootsy ont d'ailleurs produit le premier album de Zapp), son qu'il prolonge dans une perspective encore plus épuré et synthétique.


samedi 25 août 2018

Achats Récents #17 Groupes Espagnols

L'année dernière, j'avais préparé une sélection de 45 tours de groupes espagnols trouvés à Barcelone. Un an plus tard, j'y suis à nouveau, bien entendu, j'ai fait un crochet par les deux boutiques Revolver de la Carrer dels Tallers. Même lieu mais pas tout à fait les mêmes protagonistes, les trouvailles, cette fois-ci, sont marquées par leur primeur: plusieurs groupes dont je ne possédais rien encore. 

À ma grande surprise, les Sirex n'ont jamais été évoqués directement sur ce blog en dehors de quelques mentions pour d'autres groupes (Salvajes, Los No etc.). La chose est étonnante car la formation barcelonaise est une des plus importantes du pays pendant la période beat au coté de Los Brincos ou Los Mustang. Du coup j'ai ramassé pas mal de leurs disques en dix ans ! Né en 1959, le groupe joue dans la région (à Castelldelfels par exemple)  ne signe un contrat avec Vergara qu'en 1963. Leur carrière décolle avec La Escoba , morceau qu'ils n'aimaient pas, on peut les comprendre tant ils avaient mieux à offrir. San Carlos a été lui publié en 1964 ou 1965 selon les sources... J'aurais tendance à penser qu'il s'agit au moins de leur troisième EP puisque majoritairement composé par le groupe: contrairement, à l'indication, l'un des quatre titres est une reprise (Si Yo Canto). Le 45 tours est en tout cas un des meilleurs du groupe avec Yo Grito ou Acto de Fuerza. Deux titres s'en dégagent particulièrement : San Carlos Club et  Tus Celos (attention pour cette dernière la version disponible sur youtube n'est pas la bonne). Elles démontrent l'attachement du groupe au rock pur et dur, celui des 50s, de Presley. Associant un son très twangy à une fulminante morgue ,les deux morceaux sont des rushes d'énergie évoquant par exemple Vince Taylor (Shakin' all over en particulier). 



Continuons dans la musique Beat enregistré en Catalogne avec Els Dracs, un groupe originaire de Molins De Rei. Contrairement aux Sirex, Els Dracs n'eurent pas une carrière nationale mais eurent en revanche un succès régional. La raison en est assez évidente et fait tout l'intérêt de ce disque: le groupe chantait en catalan. Je ne sais pas si leur nom (les Dragons en français) a un quelconque rapport avec la Festa Major en tout cas je suppose qu'il est dans l'imaginaire catalan ? Le disque est sorti chez Concèntric, un label spécialisé dans la musique catalane. J'avais déjà eu l'occasion de les citer il y a fort longtemps pour le chouette 45 tours d'Eurogroup. Musicalement l'EP des Dracs présentent 4 reprises compétentes dont la plus intéressante me semble être celle des Animals (It's My Life devenant Es La Meva Vida). L'usage du catalan rend l'exercice intrigant même si évidemment, le groupe n'appartient pas à la même division que les Salvajes, Sirex et autres Brincos, capables d'écrire leurs propres morceaux. Un disque important pour les collectionneurs de rock catalan puisqu'ils sont parmi les pionniers du genre. 


Une trouvaille dont je suis particulièrement content même si malheureusement le disque n'est pas dans un état dingue: Cerca de las Estrellas de Los Pekenikes. J'ai finalement assez peu évoqué los Pekenikes ici (ils ont eu le droit à un article en 2009 et ont été mentionnés l'année dernière dans l'article sur les achats espagnols). Los Pekenikes a eu de nombreux line-up différents avec notamment Juan et Junior également passés par la case Brincos. Le groupe madrilène pratique généralement une musique instrumentale proche du style Tijuana Brass (c'est à dire avec des arrangements de cuivres un peu guilleret) mais il y a aussi beaucoup de choses intéressantes à retenir dans leur discographie: des morceaux rock n roll/beat/garage des débuts ou plus tardifs et funky. Je suis particulièrement fan de Cerca De Los Estrellas , la chanson mélange les influences classiques du groupe avec le psychédélisme chère à la fin de la décennie. Le tout est à la fois vaporeux et épique !


Màquina! est des groupes piliers de la scène underground espagnol de la fin des années soixante. Leur premier album Why? est considéré comme un classique en Espagne. Originaire de Barcelone, la formation choisit de chanter en anglais (approximatif !) en opposition à la variété (souvent en espagnol) et à la chanson (en catalan). Elle publie son premier 45 tours en 1969 avec l'excellente Lands of Perfection en face A.  La chanson convoque l'esprit de Brian Auger, The Nice ou Rare Bird, soit un morceau psychédélique groovy avec un orgue hammond surpuissant. Un disque pas courant que je suis très content d'avoir trouvé !


Autre groupe majeur à définir l'undeground espagnol de la fin des sixties et du début des 70s: Smash. La formation sévillane pratique une fusion entre flamenco et musique psychédélique en anglais à nouveau (avec un peu d'espagnol quand même). Le résultat est plutôt probant comme sur ce 45 tours entre arabesques hispaniques et guitares wah-wah ! À noter que le disque est produit par Alain Milhaud, un français (né en Suisse à Genève) bien plus connu en Espagne qu'en France qui a énormément contribué à la pop ibérique en produisant aussi Los Canarios, Los Pop Tops  et surtout Los Bravos (Black Is Black !). Décédé en avril 2018, ce dernier a eu une nécrologie dans l'un des quotidiens les plus importants d'Espagne


mercredi 14 mars 2018

Ariel Kalma, l’osmose mystique.



 


Lorsque l’on évoque la musique électronique en France, on pense instinctivement à la french touch des années 1990 et 2000 ou, pour les plus téméraires, aux expérimentations électro-acoustiques pionnières de Pierre Schaeffer et Pierre Henry. Pourtant, à partir des années soixante-dix, parallèlement aux recherches abruptes de l’INA-GRM (Groupe de Recherches Musicales), une génération de musiciens entreprend l’exploration des nouvelles possibilités offertes par les synthétiseurs. La musique électronique s’extirpe du champ strictement savant pour se diffuser auprès de jeunes gens réceptifs aux voyages intérieurs et aux trips cosmiques. Contrairement à nos voisins teutons (Popol Vuh ou Faust bénéficient, de manière encore inexpliquée aujourd’hui, des largesses financières de leurs maisons de disques), la scène électronique française se développe dans la marginalité, voire presque dans la clandestinité. Elle est, la plupart du temps, le fruit de démarches autonomes. Seuls quelques cas épars comme Jean-Michel Jarre parviennent au succès (n’oublions pas le bide de ses premiers disques). Ainsi, certains choisissent le confort relatif de la musique d’illustration (Bernard Fèvre, Jean-Pierre Decerf…), quand d’autres créent leurs propres labels (Richard Pinhas/Heldon, Pôle…). Ariel Kalma fait partie de ce second camp, celui de l’autoproduction et des petites maisons d’édition underground.




À la fin des années soixante, Ariel Kalma, de son vrai nom Ariel Kalmanowicz, est étudiant en informatique à Paris. Pratiquant le saxophone depuis l’adolescence, il délaisse progressivement son appétence pour le Rock & Roll quand il découvre le Free-jazz et les musiques d’avant-garde. Toutefois, comme nombre de ses contemporains, il doit cachetonner auprès des vedettes de la variété. C’est ainsi qu’il se retrouve à tourner un temps avec Salvatore Adamo, le musicien brésilien Baden Powell, ou encore David McNeil, chanteur aujourd’hui quelque peu oublié du label Saravah (et fils de Marc Chagall !). En 1974, il participe à la tournée mondiale de Jacques Higelin. Lors d’une escale en Inde, il est introduit à la musique classique indienne ainsi qu’à une certaine philosophie mystique qui le bouleverse profondément. C’est, dit-on, par l’intermédiaire d’un charmeur de serpent qu’il apprend la respiration circulaire, une technique qui lui permet de souffler des notes longues et continues à travers ses instruments.

 
De retour à Paris, il travaille sur l’enregistrement d’un premier album. Son titre, Le temps de moissons, évoque immédiatement les chaleurs estivales écrasantes, mais également l’abondance, et le repos bientôt mérité. La première face ne contient qu’un seul titre, éponyme. Il s’agit d’un mélange entre les ragas indiens et les boucles répétitives des maîtres du minimalisme américain. Dans une formule analogue à Terry Riley, il superpose des pistes de saxophone à travers des filtres de reverb, d’échos et de wah wah. La seconde face s’ouvre quant à elle vers les territoires de la musique Gnaouas (Maroc) pour se conclure dans un jam électronique que n’aurait pas renié Urban Sax. Profondément original et personnel, ce premier album, tiré à 1000 exemplaires au milieu des années soixante-dix, s’offre dans un écrin « fait-main » (sans mauvais jeu de mots) : une simple pochette blanche numérotée au stylo sur laquelle il dessine les contours de sa main droite, accompagnée parfois de symboles ésotériques.

En 1976, Ariel Kalma participe à l’éphémère projet Nyl, une espèce de « super-groupe » de l’underground, avec d’anciens membres de Cheval Fou (formation psychédélique complètement délurée à la Gong) et d’Âme Son. Leur unique album est publié sur Urus, le label d’Heldon. 


 
C’est néanmoins deux ans plus tard qu’Ariel Kalma produit son disque le plus audacieux, Osmose. Il s’agit d’une œuvre élaborée à quatre mains avec l’aide de Richard Tinti. Ce dernier participe durant les années soixante-dix à des missions de field recordings dans les forêts primaires. Ses captations de chants d’oiseaux tropicaux, de bruits d'insectes, des sons de la pluie et du vent sur la canopée, servent de trame de départ au travail d’Ariel. Autour de l’atmosphère sonore de ces contrées impénétrables, il tisse des pièces profondes et captivantes, dont la force est de ne pas employer les enregistrements de Richard Tinti comme un simple alibi exotique. Bien au contraire, il met en valeur une luxuriance sonore naturelle grâce à des bourdons contemplatifs et des expérimentations acoustiques étonnement modernes. Moins lo-fi et sans doute plus maitrisé que son premier disque, Osmose est le genre d’album dont le foisonnement harmonique se révèle au fil des écoutes.


L’article pourrait continuer plus longuement, mais, d’une part, cela fait déjà beaucoup à digérer, et, d’autre part, Ariel Kalma tombe petit à petit dans une New Age mollassonne qui semble d’un intérêt moindre, ou alors pour les plus curieux ou les plus gourmands. Son œuvre énigmatique ne témoigne pas moins d'une remarquable modernité, aussi bien dans le traitement sonore que dans la démarche. Les deux disques évoqués ont été réédités (avec des titres en plus et en moins...), tandis que sa discographie est en écoute libre sur son bandcamp.

mercredi 4 octobre 2017

Achats Récents #16 Funk & R&B;

Il était temps de revenir à nos achats récents ! J'ai essayé de trouver une thématique sur ces 4 simples achetés entre juillet et septembre 2017 aux puces de Clignancourt (tous les disques sauf un) et à Born Bad (le troisième). 

Enregistrés entre 1967 et 1969 ces quatre 45 tours expriment bien la transition entre R&B et Funk. Si le second découle clairement du premier et en conserve l'instrumentation (importance de la batterie, la basse, usage des cuivres pour souligner), il en est finalement assez différent car ils n'accentuent pas sur les mêmes temps: premier pour le funk, deux et quatre pour le R&B. En dansant les morceaux il est facile de ressentir le changement, en effet le placement de l'emphase va vous conduire à choisir de taper du pied sur une partie différente de la mesure, par exemple plutôt la grosse caisse ou la caisse claire. Un autre changement se profile aussi dans ces disques: le passage du format chanson vers une structure plus proche de l'improvisation, la transe et la boucle. 
Dans la soul et le R&B de la première moitié des années soixante, la structure couplet refrain domine largement, James Brown est certainement l'un des premiers à s'en affranchir dans la seconde partie de la décennie. Les morceaux ainsi créés semblent ainsi pouvoir durer indéfiniment, maintenant l'intérêt de l'auditeur par des variations, notamment rythmiques. Le rôle de James Brown va ainsi évoluer, d'un chant classique et structuré autour d'un texte vers quelque chose de l'ordre de l'exclamation et son infinité de nuance. Il positionne le chanteur dans une autre dynamique, plus proche du maître de cérémonie que de l’interprète que l'on vient voir et écouter. La voix devient alors un instrument à part entière dont on recherche l'effet percussif mettant en valeur le rythme plutôt que le texte ou les accords. 
Le funk aura, sans surprise, une influence déterminante sur les musiques modernes, notamment sur le rap et les musiques électroniques (house, techno, jungle etc.) dans lesquels la notion de boucle est centrale et plus importante que la construction autour d'accords. Le genre connaît plusieurs phases, une première, avant l'apparition du disco, crue et sèche, avant de venir à des formats plus pop, à la suite du raz de marée four to the floor, dans les discothèques. Nous nous intéressons aujourd'hui à cette première période.


Honneur au maître James Brown. Si l'intéressé a eu des périodes moins glorieuses (honnêtement living in America c'est pas foufou), au sommet de son art son groupe et lui étaient fantastiques. Dimanche dernier j'écoutais une pile de simples aux puces, je place I Don't Want Nobody to give me nothing (1969) sur la platine, en dix secondes je sais que je veux ce disque. On notera l'accentuation funk prononcée sur le premier temps avec un crash et parfois même des notes de cuivres qui ressemblent à une boucle de rap prête à l'emploi. Ainsi James Brown t'attrape immédiatement et en quelques mesures la messe est dite: tu tapes du pieds. J'ai parfois tendance à oublier à quel point les bons morceaux de James Brown sont vraiment bons et d'une dynamique incroyable. La sensation est difficile à rendre à l'écrit: de l'ordre du viscéral, ça balance. Un grand monsieur indéniablement. 




Marvin Holmes & The Uptights ont sorti un unique album en 1969 sur UNI. Il a bénéficié d'un pressage français de même que deux 45 tours du groupe: Ride Your Mule et Ooh Ooh the Dragon, le tout chez Maxi. Je serais curieux de savoir comment ont ces disques ont pu bénéficier d'une édition française, en effet il n'en n'existe pas d'anglaise par exemple ! J'ai malheureusement assez peu d'informations à vous donner sur le groupe, à commencer par sa région ? Peut-être que l'un de nos lecteurs saura nous renseigner ? Sur Marvin Holmes je peux néanmoins vous dire qu'il a également sorti deux albums supplémentaires avec The Justice et un en solo. Ride Your Mule (1968) est en tout cas une petite pépite funk bien relevée dont les cuivres me font penser à Funky Nassau de The Begining of the End ! Encore une fois la chose est construite un peu n'importe comment, prétexte à une débauche de batterie des plus jouissives et des incantations de voix enthousiastes. Qui s'en plaindrait ? pas moi !


Harvey Scales and the Seven Sounds est un groupe de R&B/funk de Milwaukee actif entre 1961 et 1975. Ils ont sorti 11 simples (et aucun album) en 8 ans (entre 1967 et 1975) notamment chez Chess Records. Get Down (1967) est le premier d'entre eux, il est paru chez Magic Touch aux USA et a été pris en licence par Atlantic dans trois autres pays (qui distribuait néanmoins le 45 tours aux USA via ATCO): Canada, UK et France. Seul un autre 45 tours du groupe a été publié en dehors des États Unis et encore une fois ce fut en France.  Notre pays avait-il un goût particulier pour cette musique ? Get Down exprime bien pour moi la transition entre R&B et funk, je le classerais plutôt spontanément dans la première catégorie d'ailleurs même si l'on perçoit clairement l'influence de James Brown. Le morceau me fait aussi penser à Land of 1000 Dances de Wilson Pickett notamment dans l'usage des cuivres sur certains passages... Quoi qu'il en soit un excellent morceau, super pêchu et dynamique !



Finissons par la plus grosse curiosité de la sélection: Alan Shelly. Il s'agit du pseudonyme d'Alain Deloumeaux, un chanteur vraisemblablement d'origine guadeloupéenne (voir les commentaires de cet article de Vivonzeureux). Le musicien a également participé au groupe Malinga Five. Sur ce 45 tours il est probablement accompagné par Manu Di Bango qui co-signe la face B avec Davy Jones (loin d'être un inconnu des diggers français). Can You Do It est une excellente tentative R&B pas si éloignée que ça de Jess & James par exemple. Encore une fois je pense aussi à Land of 1000 Dances peut être à cause de l'énumération de danses comme le boogaloo ! Si vous avez des infos complémentaires, n'hésitez surtout pas à les poster en commentaire.


mardi 26 septembre 2017

Jack Cooper "Sandgrown"

Seul, le visage morne, l'homme s'éloigne avec langueur de la ville et ses lumières. Le portrait de Jack Cooper dépeint en couverture de Sandgrown (2017, Trouble In Mind) est annonciateur : le jeune gouailleur découvert au micro de Mazes en 2009 s'est apaisé et a accordé ses guitares. Derrière lui, Blackpool, la station balnéaire de la Fylne Coast (Lancashire, Angleterre) qui l'a vu grandir.

Résidant désormais à Londres où il incarne aux côtés de James Hoare (Veronica Falls, Proper Ornaments) la seconde moitié de l'épatant projet Ultimate Painting, le musicien a pris une pause cet hiver pour revenir sur ses souvenirs. Equipé d'un simple quatre pistes, il s'est entouré de quelques amis après Noël pour donner vie à ces ballades folk, dans une démarche DIY qui lui est chère depuis ses débuts. Écrites au cours des dernières années, toutes s'inspirent de ses moments passés à Blackpool. Cooper ne convoque pas la vie nocturne réputée, le côté populaire et frivole de la surnommée « Las Vegas du Nord » mais nous propose plutôt une promenade en bord de mer, un instant de répit.

Le minimalisme de l’instrumentation - composée de guitares claires et de percussions aux accents jazz (jeu au balais, maracas) - permet à la voix de se dévoiler entièrement. Il n’hésite pas à explorer toute sa tessiture sur Gynn Square, un deuxième single bien choisi que l’on se surprend vite à fredonner. Comme chez Kevin Morby, les textes sont denses mais les mélodies jamais sacrifiées. Le tempo modéré évoque inévitablement Mac Demarco et tout particulièrement le dernier opus de ce dernier, This Old Dog (A Net , On A Pier In The Wind). Le très mélancolique  Estuary , qui rappelle la fragilité de Christopher Owens période Broken Dreams Club, se détache par la présence d’un clavier qui complète par nappes la formation instrumentale initiale, demeurée jusque là imperturbables.

La cohérence, c’est ce qui caractérise en effet ce cycle de chansons douces et feutrées, dont le sentiment d’harmonie est renforcé par un couple d’interludes instrumentales (Sandgrown Part 1 et Sandgrown Part 2) exposant le même thème. Grâce à ces ponctuations et à son petit format (29:51min), Sandgrown évite l'écueil de la longueur. Si les amateurs de pop à guitares qui constituent habituellement le public du britannique regretteront peut-être le manque d’aspérité de ces ballades, ils en reconnaîtront tout de même sans doute le charme.



mercredi 23 août 2017

Achats Récents #15 soul music

Troisième épisode de ma session catalane d'achats de disques vinyles... Cette fois-ci nous allons nous concentrer sur la Soul Music, au sens plutôt large comme vous allez le voir ! Ces disques ont été publiés entre 1966 et 1969, ils constituent en quelques sortes des témoignages de différentes orientations du genre à l'époque, quoi que le tableau est loin d'être complet bien sûr !

Est-ce utile de présenter Wilson Pickett, monument de la Soul Music ? Après avoir signé avec Atlantic en 1963, il chante l'un des plus grands succès de sa carrière en 1965 avec In the Midnight Hour qu'il co-écrit. Enregistrée dans les studios de Stax à Memphis (le label était en contrat avec Atlantic), on y retrouve le son unique du label américain: un son poisseux, authentique et dansant. Il enregistre plusieurs 45 tours là bas (par l'entremise de Jerry Wexler) mais Stax change de politique quant aux enregistrements d'artistes extérieurs à la maison. Par conséquent Land of Thousand Dances est enregistré aux studios FAME de Muscle Shoals, l'autre épicentre de la Southern Soul. Parmi les musiciens de la session on retrouve par exemple Spooner Oldham le partenaire d'écriture de Dan Penn (ils écrivent notamment ensembles Cry Like A Baby pour les Box Tops d'Alex Chilton). Land of Thousand Dances est une reprise. Écrite par Chris Kenner, qui en est aussi le premier interprète en 1962, la chanson n'acquiert son potentiel qu'entre les mains du groupe de Los Angeles Cannibal and the Headhunters en 1965. Ces derniers improvisent en effet un nouveau chorus de voix (la lalala etc.) car ils oublient les paroles. Sur le plan de l'écriture, l'ajout transforme l'honnête titre R&B en une bombe prête à se frotter aux charts pop. Certains y parviennent presque (les Thee Midniters notamment, un autre groupe de chicanos de LA). Wilson ne s'y trompe pas un an plus tard et enregistre ce qui est la version la plus aboutie et éclatante de la chanson. De Kenner il conserve l'énergie du R&B, de Cannibal and the Headhunters il tire le hook mémorable. La combinaison heureuse des deux fait de Land of Thousand Dances de Wilson Pickett un énorme tube et un classique instantanée de la soul, la chanson pulse à deux cents à l'heure, le chanteur est survolté, autant dire que même cinquante après sa sortie, l'enregistrement conserve toute sa verve et sa gloire! À noter que la face B de ce pressage (Mustang Sally) est aussi un grand classique du chanteur.


En terme de street cred les 5th Dimension ont certainement pas mal de handicaps. Trop groovy pour les amateurs de Sunshine Pop, trop poli pour les amateurs de soul. Je trouve que cela fait tout leur charme, une musique pop aux arrangements sophistiqués, des entrelacs de voix soignés, le tout avec un coté lounge mais gai, enjoué et rythmé... Sur un plan plus snob on ajoutera que le groupe a fortement influencé l'un des plus fantastiques producteurs de soul psychédélique de tous les temps: Norman Whitfield. En effet, son groupe, Undisputed Truth, prit les 5D en modèle. Je ne sais pas si ce fut aussi le cas de Rotary Connection mais cela ne serait pas impossible tant les projets fonctionnent au fond dans un registre proche... Ce single est une bonne pioche en tout cas. La face A, empruntée à Laura Nyro, Stoned Soul Picnic est excellente. La face B propose une amusante et réussie reprise de Ticket To Ride un registre où les 5th Dimension ont par exemple proposé une superbe version du classique de Cream Sunshine of Your Love . Bref un excellent simple ! 


En compulsant les archives de ce site, opération moins compliquée qu'il n'y paraît (merci les moteurs de recherche), je me suis rendu compte qu'il était finalement très peu mention des fantastiques Booker T and The MGs... Il était question quelques lignes plus haut de Stax. Ce groupe instrumental en fut un des piliers jouant sur de nombreuses productions de Sam & Dave, Otis Redding etc. sans oublier leur propre carrière démarrée en fanfare avec le génial classique mod Green Onions. De fait le son Stax/Memphis est largement lié à l'aventure Booker T and the MGs bien qu'il ne faille pas négliger l'apport des Mar-Keys et des Bar-Kays. Time Is Tight de 1967 est enregistré par le line up classique du groupe: Booker T Jones à l'orgue, Steve Cropper à la guitare, Al Jackson Jr à la batterie et Donald Duck Dunn à la basse. On retrouve un certain nombre de ses musiciens dans le film Blues Brothers ! Rendons hommage au jeu de guitare à la Télécaster de Cropper, économique, reconnaissable entre tous, et redoutablement efficace. Un très grand guitariste qui n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur ! Bien sûr le reste de l'équipe est au moins aussi bonne et tout ce beau monde joue à merveille sur ce classique. Certes il n'est pas dansant comme Green Onions mais il démontre l'étendu de la palette de la formation.


Nous avions déjà évoqué Jess & James ici même il y a huit ans ! Pour les absents, réaffirmons à quel point ce groupe est européen dans son essence. Les frères Lameirinhas (Wando et Toni) naissent au Portugal. Jeunes ils fuient la dictature, d'abord en Angleterre, puis en Belgique. Là, ils montent l'une des plus belles formations de soul du continent: Jess & James. Le groupe est un melting pot de nationalités... Populaires en Belgique, ils le sont aussi en Espagne (où le groupe enregistre des versions spécifiques de certains morceaux comme move ou something for nothing). Après la séparation avec le JJ Band, Jess & James s'installent aux Pays Bas. Change est un de leurs classiques: nerveux, dansant, super accrocheur ! Un excellent morceau qui prouve que l'Europe continentale savait se défendre en matière de soul music !  La face B Julie's Doll est dans un registre plus psychédélique, elle est également très intéressante.
  

lundi 21 août 2017

Achats Récents #14 Bubblegum !

Second épisode des achats barcelonais avec une spéciale Bubblegum. Le genre musical était destiné aux adolescents (et pré-ados) de la fin des années soixante. Il connaît son heure de gloire entre 1968 et 1970 mais inspira de nombreux autres producteurs par la suite. Style souvent snobé, il mérite pourtant d'y consacrer un peu de temps ne serait-ce que pour les passerelles avec d'autres courants que nous apprécions particulièrement comme le psychédélisme ou le garage-rock. Avantage: les disques sont rarement chers ou recherchés (sauf quelques références très précises comme Captain Groovy & His Bubblegum Army) comme en témoigne les 9€ dépensés pour ces 4 simples.

Si, au sens stricte, la bubblegum pop fait référence à une période très précise, la musique préfabriquée à destination des adolescents est une constante depuis les années cinquante. Aux idoles un peu trop crues et sauvages que furent Elvis, Chuck Berry ou Eddie Cochran, les maisons de disques préférèrent bien vite développer leurs propres champions et inondèrent le marché de Frankie Avalon ou de Fabian, plus acceptables pour les parents et contrôlables par les maisons de disques. Au début des années soixante, les songwritters du Brill Building comme Gerry Goffin et Carole King ou Ellie Greenwich et Jeff Barry imposèrent leur style sur la pop signant une quantité incalculables de classiques. Il en fut de même pour Phil Spector (Shangri-Las, Ronettes) et bien sûr la Motown (Four Tops, Supremes). Jusqu'ici il était surtout question de division du travail entre compositeurs, arrangeurs, producteurs et interprètes... The Monkees, un groupe monté sur casting pour une série télévisée inspirée d' A Hard Day's Night des Beatles, poussèrent la logique encore plus loin, aux portes de la pop bubblegum. Don Kirshner, éditeur émérite, fut en effet chargé par la production de fournir des hits aux groupes, il fit alors appel aux équipes de Brill Building parmi les plus célèbres comme Boyce & Hart (last train to Clarksville ou I'm not your steppin' Stone). Le groupe fut cependant vexé de ne pas participer à la création artistique et reprit par conséquent le pouvoir... Don Kirshner, amer, eut cependant l'occasion de rebondir et d'aller encore plus loin dans la logique de contrôle en créant un groupe virtuel de toute pièce pour un dessin animé: The Archies. 

La pop bubblegum était née et réglait les problèmes d'égos des musiciens. Elle permettait au label / manager / producteur une main mise totale: image, écriture des chansons (confiées à des professionnels), interprétation par des musiciens de studio etc. On considère généralement Green Tambourine publié en novembre 1967 des Lemon Pipers comme le premier tube bubblegum. Il lança en tout cas une période faste pour le label majeur du genre: Buddah Records. En effet, sous l'égide des producteurs Jerry Kasenetz et Jeffrey Katz (Super K Productions) ainsi que du directeur général Neil Bogart, le label inonda le marché de tubes de groupes factices ou absents lors des enregistrements de leurs simples... Ils s'appelaient, Ohio Express, Archies, 1910 Fruitgum Co. ou encore Crazy Elephant et pendant quelques années ils firent les poches des adolescents qui se jetaient sur leurs nouveaux 45 Tours... Artistiquement la pop bubblegum emprunta au versant léger du psychédélisme comme au garage-rock. The Music Explosion expriment cette parenté: ils sont souvent considérés comme appartenant aux deux. Les chansons étaient souvent simples, répétitives, très accrocheuses, avec des rythmes dansants. Le nom fait référence à la profusion de référence à la nourriture et plus particulièrement au sucre dans les chansons (Sugar Sugar, Yummy Yummy Yummy ou encore Chewy Chewy), l'occasion de double-sens pas si innocents. L'efficacité des faces A rendait l'exercice de la face B plus libre et propice à délires de studio. Ainsi nous retrouvons d'excellentes faces B, parfois très violentes, au dos de tubes consensuels et efficaces. 

Si l'on ne peut les qualifier à 100% de pop bubblegum, l’œuvre de groupes comme The Osmonds, The Cowsills ou Tommy James and the Shondells évoluèrent à très grande proximité... La pop bubblegum fut de courte durée mais démontra la possibilité de créer des projets de studio de toutes pièces et avoir énormément de succès. Elle fut ainsi précurseur du travail de Nicky Chinn et Mike Chapman dans le glam avec The Sweet ou Mud ou encore du groupe Bay City Rollers. D'autres y firent leurs armes comme certains des membres de 10cc qui travaillèrent pour Super K Productions. Enfin elle influença durablement la musique pop, notamment des groupes comme The Rubinoos ou les Paley Brothers.  

Simon Says par 1910 Fruitgum Co. est un des énormes tubes du genre. Je lui préfère la très bonne face B Reflections from the Looking Glass aux effluves psychédéliques. Un excellent travail de studio pas si éloignée que ça du garage ou de la sunshine pop.


Roll It Up face B de Mercy est une des bonnes incursions des Ohio Express dans le garage-rock. Si le morceau n'est pas aussi mythique que Try It (reprise par The Attack), il fait plus que la blague et s'en sort avec les honneurs ! Orgue marqué, chorus de voix pompé sur land of 1000 dances et morgue à la Mitch Ryder: pas mal pour de la pop bubblegum !


Techniquement, on pourrait me rétorquer que ce n'est pas nécessairement un single bubblegum. En tout cas il a été publié par Kama Sutra, label collaborant à l'époque avec Buddah Records et  The Rapper comporte certaines caractéristiques typiques du genre: mélodie simple, répétitive et catchy, rythmiques marquées. The Jaggerz avait sorti un premier album sur le label de Gamble et Huff pour l'anecdote.


Finissons en beauté avec un très bon simple des 1910 Fruit Gum Co. de 1970. When We Get Married sonne comme un joli hommage au Wall of Sound de Phil Spector à mi chemin entre les Dixie Cups et The Ronettes, l'usage des castagnettes ne trompe pas ! La face B est une fascinante curiosité. Baby Bret est un instrumental plutôt rock & roll avec une bonne dose d'effets psychédéliques et spatiaux ! On pense évidemment à Psyché Rock par exemple !