Plus de soixante-dix personnes ont assisté mardi 10 octobre, dans l’amphithéâtre de l’Espace Bernanos, à la Table-Ronde organisée conjointement par le G.K. Chesterton Institute for Faith & Culture (USA), l’association des Amis de Chesterton et l’Espace Bernanos, pour célébrer le centenaire du Père Brown.
Accueillis par Gloria Garafulich-Grabois et Danute Nourse du G.K. Chesterton Institute, les auditeurs ont pu ensuite entendre Philippe Maxence, président des Amis de Chesterton, présenter la soirée et les différents conférenciers. Il laissa tout d’abord la parole au Père Ian Boyd, président-fondateur du G.K. Chesterton Institute qui traita des enquêtes du Père Brown comme paraboles. Tout au long d’une conférence magnifique, montrant une connaissance très précise de son sujet, le Père Boyd développa ce qu’il résume en quelques mots dans sa conclusion :
« Bien que les enquêtes du Père Brown respectent tous les principes du roman policier classique, elles seront, en définitive, mieux comprises comme paraboles religieuses. »
De gauche à droite : le Père Ian Boyd et le professeur Dermot Quinn
Le professeur Dermot Quinn lui succéda au micro pour évoquer dans une passionnante intervention le sens de ces enquêtes, en rappelant auparavant l’histoire de la naissance de ce héros de prêtre-détective et des liens qui unissaient Chesterton et le Father O’Connor qui servit de modèle à la figure du Père Brown.
« Ce qui caractérise le Père Brown, expliqua le professeur Quinn, c’est d’être brillamment ordinaire. Sherlock Holmes (son nom même) est exotique. Le Père Brown (son nom même) est banal. Il n’est pas un mystique. Il n’est favorisé d’aucune révélation privée. Il a les pieds sur terre. Tous les autres personnages, les méchants comme les victimes, ont tendance à être des excentriques ou des spiritualistes d’une sorte ou d’une autre : Julius K. Brayne “qui était toujours prêt à verser de l’argent dans n’importe quel récipient intellectuel pourvu que ce récipient n’a jamais servi” ; Aristide Valentin “qui était prêt à faire tout et n’importe quoi pour rompre (…) la superstition de la Croix” ; sir Aaron Armstrong “dont l’éthique n’était qu’optimisme” ; Kalon, l’adorateur du soleil, se qualifiant lui-même de “nouveau prêtre d’Apollon”. Le Père Brown se satisfait du monde tel qu’il était. Il n’avait aucune envie de le faire mieux que Dieu. »
Philippe Maxence, président des Amis de Chesterton
Pour le public qui n’était pas anglophone, ces deux conférences bénéficièrent d’une traduction écrite des interventions. À leur suite, Philippe Maxence traita de l’édition française des enquêtes du Père Brown et de sa réception en France, entre 1914, année de la publication du premier volume en français, et aujourd’hui. Une histoire à rebondissement, pas toujours facile à démêler. Le conférencier termina sur une défense du thème de l’innocence chez le Père Brown et chez Chesterton, et offrit en final cette citation de l’Autobiographie de G.K.C. :
« L’idée maîtresse de ma vie, je ne dirais pas que c’est la doctrine que j’ai toujours enseignée, mais que c’est la doctrine que j’aurais toujours aimé enseigner. Cette idée, c’est d’accepter toutes choses avec gratitude, et non de les tenir pour dues. Ainsi, le sacrement de pénitence donne une vie nouvelle et réconcilie l’homme avec tout ce qui vit ; mais il ne le fait pas comme font les optimistes, les hédonistes et les païens qui prêchent le bonheur. Le don est fait moyennant un certain prix ; il est conditionné par une confession. En d’autres termes, le nom de ce prix est Vérité, qui peut être appelée aussi Réalité. »
Daniel Hamiche, secrétaire général des Amis de Chesterton
Très attendue, l’intervention de Daniel Hamiche permit de terminer sur un portrait haut en couleur du prêtre-détective de Chesterton, fruit d’une lecture assidue des enquêtes du Père Brown. Daniel Hamiche fit profiter la salle de ses découvertes concernant la comparaison étonnante utilisée par Chesterton pour décrire le visage du Père Brown : « aussi rond et banal qu’une pomme du Norfolk ». Nous publierons prochainement un extrait de ce passage qui fut salué par les perspectives qu’il ouvrait par nos amis du G.K. Chesterton, pourtant spécialistes de l’œuvre de l’écrivain. Au terme de cette contribution, Daniel Hamiche pose la question depuis longtemps débattue des influences réciproques entre Chesterton et son héros :
« Et s’il était, plus et mieux qu’un daïmon socratique, un Ange gardien qui aurait pris les traits du Père Brown, qui se serait “coulé” subrepticement et lentement dans le personnage initialement créé par Chesterton ? Mais il était si “laid”, me direz-vous ! Certes, mais si le diable sait prendre les apparences de la beauté pour nous séduire et nous perdre, pourquoi cet Ange gardien n’aurait-il pas pu revêtir une certaine laideur d’aspect, mais une si grande beauté intérieure, pour accompagner Chesterton sur son chemin de conversion, le sauver et lui offrir, ainsi et enfin, d’emprunter un chemin qui l’a mené d’abord dans la pleine communion de l’Église puis au Ciel ? Comme le disait un autre prodigieux écrivain anglais, suspecté, celui-là, d’être demeuré catholique en un temps où il était dangereux de l’être : That’s the question…»
Après ces quatre interventions, des échanges avec la salle permirent d’approfondir encore davantage le sujet. Et c’est bien à regret qu’il a fallu laisser les lieux, non sans se rendre auparavant au stand librairie (tenu de main de maître par Christian B., un grand merci à lui) pour se procurer des ouvrages de Chesterton ou des numéros de la Chesterton Review. Voire adhérer à l’association des Amis de Chesterton…