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Le triomphe des inégalités

« Manière de voir » #05 , septembre 1989
Combien de nos contemporains sont-ils prêts à accepter ce portrait odieusement sarcastique d’une société qui, sans indignation, s’accommode de grandissantes inégalités, s’accoutume à l’injustice quotidienne, semble avoir perdu toute faculté de révolte ? Malgré ses imperfections, la démocratie ne succombera pas sous les coups d’on ne sait quelle subversion intérieure. Elle se délite, décline, dépérit en se résignant à son contraire : le dualisme social et culturel.

Numéro coordonné par Claude Julien, Christian de Brie, Bernard Cassen, Jacques Decornoy et Ignacio Ramonet.

Introduction

L’insurrection des citoyens (inédit)
Claude Julien

1. Victimes innocentes et prédateurs cupides

Pour la première fois de leur histoire, les hommes disposent des moyens de faire disparaître famine et ignorance. Ils ne le font pas. L’une et l’autre augmentent, éloignant chaque jour davantage une minorité gaspilleuse de ressources du plus grand nombre, dépourvu de tout. Premières victimes innocentes de ce crime collectif : ces millions d’enfants — notre avenir — à qui le monde n’aura pas laissé la moindre chance de vivre, grandir, comprendre, agir, autrement que dans la plus effroyable misère. Rien de fatal à cette injustice première, mais une implacable logique des dépendances économiques et des inégalités sociales qui ne connaissent pas de frontières. Carricaturale illustration, lointaine et localisée, les ravages de quelques tyrans pillards et de leurs puissants protecteurs ? Pas même. Car tout se tient. Au cœur des pays riches prospèrent les prédateurs tandis que s’amplifient les disparités, précipitant dans l’exclusion un quart-monde privé de la dignité et de l’exercice des droits formellement reconnus à tous.

L’insoutenable banalisé
Claire Brisset

Afrique : le spectre de la faim
Claire Brisset

Pauvreté absolue en Asie
Jacques Decornoy

Mansuétude pour les tyrans
Claude Julien

Des millions d’enfants en enfer
Michel Bonnet

Abandonnés dans la jungle des villes
Michel Raffoul

Les pauvres chez les riches
Alwine De Vos Van Steenwijik

Misère à l’américaine dans l’autre Californie
Serge Halimi

2. Revenus et travail : distribution sans partage

Région privilégiée du monde, l’Europe prospère de la Communauté compte quarante-quatre millions de pauvres. Y figurent en grand nombre : personnes âgées, vivant souvent dans la solitude et la misère, mères célibataires — elles sont quatre millions, — populations immigrées. La moitié des seize millions de chômeurs sont sans travail depuis plus de deux ans et la majorité d’entre eux ne touchent plus d’allocations. Un jeune européen sur quatre est privé d’emploi, donc de revenus. La plupart n’en ont jamais eu. A l’autre extrémité, 20 % de la population disposent d’environ la moitié des revenus et des patrimoines et 10 % s’en attribuent plus d’un tiers. Partout et dans tous les secteurs d’activité, mécanismes du marché et impératifs économiques brisent les solidarités et liquident les acquis sociaux. D’année en année, les riches deviennent un peu plus riches et les pauvres un peu plus pauvres.

Logiques
Claude Julien

Le marché, accélérateur des écarts de revenus
Denis Clerc

Les mécanismes de l’exclusion (inédit)
Claude Julien

L’offensive contre le monde du travail
Jacques Le Goff

Royaume-Uni : la logique du démantèlement
François Poirier

Andalousie : un tiers-monde en formation
Françoise de Ravignan

3. La spirale des disparités

Une fois enclenchée, l’évolution est difficilement réversible. Les inégalités de revenus et de fortune sont en effet porteuses d’autres injustices, qu’elles entraînent et développent dans un processus cumulatif. Les travaux les moins bien rémunérés sont aussi les plus pénibles, les moins gratifiants ; ceux qui les exercent ont une espérance de vie réduite ; ils n’ont guère de chances d’accéder à une formation qualifiée, aux loisirs, à la culture, à des conditions de vie et de logement décentes. Leurs enfants, dès l’école, subiront leur environnement comme un handicap. Trouvant leurs prolongements dans les rapports avec la justice ou la fiscalité, les hiérarchies inégalitaires vont presque toujours dans le même sens. Au sommet, une élite restreinte, industrielle, financière, administrative, politique, dont les membres sont étroitement solidaires, décide, sans contrôle et au mieux de ses intérêts, des investissements, grands projets, regroupements et alliances multinationales qui conditionnent l’avenir de tous.

A l’école de la discrimination
Gérard Courtois

Les privilèges de la santé
Jean-Paul Moati

Quartiers réservés
Roger-Henri Guerrand

Ville en déclin : Liverpool
François Poirier

L’ordre sans la justice
Jean-Paul Jean et François Guichard

Chicago : minables larçins et procès expéditifs
Vincente Pasdeloup

Pour payer moins d’impôts, enrichissez-vous
Christian de Brie

Temps libre à vendre
Bernard Cassen

4. Le temps des apologistes

Le tenants de l’ordre établi n’ont pas attendu les nouveaux apôtres du libéralisme pour s’employer à justifier l’inacceptable. Ils n’ont jamais manqué de politiques et d’intellectuels habiles à prôner la soumission aux divines lois naturelles du marché, à vanter les vertus stimulantes des disparités sociales, à dénoncer la menace satanique de la machine égalitaire. Satisfait et redondant, le discours louis-philippard, à peine maquillé, a ses fidèles héritiers. Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si l’archaïsme de cette idéologie n’en révélait l’imposture.

La menace démocratique
Claude Julien

Des philosophes pour les propriétaires (inédit)
Philippe Videlier

Conclusion

Une domination insolente
Christian de Brie et Ignacio Ramonet

Dates de parution des articles

 Claude Julien, « L’insurrection des citoyens » (inédit)

 Claire Brisset, « Une atteinte primordiale : la malnutrition », avril 1987
 Claire Brisset, « Le spectre de la faim gagne du terrain », mars 1988
 Jacques Decornoy, « « Plus d’un demi-milliard d’habitants dans un état de pauvreté absolue » », mars 1989
 Claude Julien, « La démocratie et l’argent », avril 1986
 Michel Bonnet, « Une main-d’œuvre de plus en plus odieusement exploitée », août 1988
 Michel Raffoul, « Au Brésil, trente-deux millions dans la rue », janvier 1986
 Alwine De Vos Van Steenwijik, « Des citoyens exclus de la démocratie », mars 1988
 Serge Halimi, « Pauvreté à l’américaine dans l’autre Californie  », septembre 1988

 Claude Julien, « Logiques », mars 1989
 Denis Clerc, « I. Première des injustices : les disparités de revenus », juillet 1988
 Claude Julien, « Les mécanismes de l’exclusion » (inédit)
 Jacques Le Goff, « L’offensive libérale contre le monde du travail », avril 1988
 François Poirier, « L’inflexible logique du démantèlement », avril 1988
 Françoise de Ravignan, « L’espoir déçu des paysans andalous », mai 1988

 Gérard Courtois, « De l’école à l’université, l’injustice toujours recommencée », novembre 1988
 Jean-Paul Moati, « La santé, une conquête sociale menacée », décembre 1988
 Roger-Henri Guerrand, « La conquête inachevée d’un droit fondamental », octobre 1988
 François Poirier, « Liverpool : reflets du déclin de l’empire britannique », mars 1987
 Jean-Paul Jean et François Guichard, « La justice comme amplificateur des clivages sociaux », août 1988
 Vincente Pasdeloup, « Minables larcins et procès expéditifs », août 1988
 Christian de Brie, « Pour payer moins d’impôts, enrichissez-vous ! », septembre 1988
 Bernard Cassen, « Les loisirs, terre de mission de l’économie marchande », janvier 1989

 Claude Julien, « Les sociétés libérales victimes d’elles-mêmes ? », mars 1976
 Philippe Videlier, « Des philosophes pour les propriétaires » (inédit)

 Christian de Brie et Ignacio Ramonet, « Aux cimes du pouvoir : maîtres et serviteurs », octobre 1987