Affichage des articles dont le libellé est autogestion. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est autogestion. Afficher tous les articles

dimanche, février 03, 2013

Qu'est-ce qu'une révolution communiste et libertaire?

Les lignes qui suivent paraîtront sans doute naïves à certain(e)s. 

C’est le risque encouru en traitant simplement, et en peu de mots, de sujets complexes qui ont fait l’objet d’innombrables publications, depuis deux siècles au moins.

Il s’agit d’apporter les premiers éléments de réponse (de réflexion, de débat) à des questions que se posent - sans presque jamais oser les formuler - beaucoup de ceux et de celles qui découvrent les manifestations de rue et les drapeaux libertaires.


Peut-être des militantes et militants plus confirmé(e)s pourront-ils également faire leur profit de ce dialogue imaginaire, qui n’a d’autre ambition que d’en susciter d’autres, de vive voix.

 (Ce texte a été écrit en 2002 par Claude Guillon, un anarchiste français, et est tiré directement de son site web.)

Qu’est-ce qu’une « révolution » ?

Nous appelons révolution un changement radical - c’est-à-dire qui s’attaque aux racines - du système économique, social et politique en place.

Dans une société capitaliste comme celle où nous vivons, une révolution s’attaquera au salariat, système dans lequel l’activité humaine est pour l’essentiel contrainte et limitée au travail (production de marchandises), travail exploité pour le profit des patrons et/ou des actionnaires.

La révolution abolira, avec le travail salarié, l’argent, qui sert de support à l’abstraction de la valeur (d’une marchandise, d’une heure de travail, d’un être humain...).

La révolution se heurte aussitôt à ce que l’on peut désigner comme les « grandes » institutions, l’État par exemple, sa police, et éventuellement son armée. Elle bouleverse aussi les institutions de la vie quotidienne que sont la famille et le couple, où les rapports d’autorité s’organisent selon l’âge et le sexe (autorité des adultes sur les mineur[e]s, des hommes sur les femmes). Ce bouleversement est à la fois un objectif important des révolutionnaires, et l’effet matériel d’une période de rupture avec les habitudes de la vie courante (grève générale, déplacements difficiles, occupations...).

Si certaines choses sont aujourd’hui plus faciles à changer qu’il y a un siècle (par exemple : dissocier plaisir érotique et procréation, grâce à la contraception), d’autres comportements ont peu varié (les femmes effectuent toujours 70% des tâches ménagères). La réflexion et les luttes sur ces questions sont partie intégrante d’un combat révolutionnaire qui ne s’arrêtera pas par miracle un grand soir ou un beau matin.

La perspective d’une révolution n’est-elle pas utopique ?

Autrement dit : une révolution est-elle possible ?

Ce qui est impossible pour nous, et ça nous en sommes sûrs, c’est de supporter le monde tel qu’il est !

Nous avons tout à gagner à un bouleversement radical du monde, et rien à y perdre, parce que tout ce qui fait pour nous le plaisir de notre brève existence - les rencontres, les discussions, l’amour, les émotions partagées - tout cela est aujourd’hui contraint, limité, atrophié.

Il n’existera pas de société parfaite une fois pour toute où vivre heureux sans conflits. C’est dans l’effort même, dans le mouvement même de transformation révolutionnaire des rapports sociaux, que la vie se révèle mille fois plus passionnante.

Comme l’écrivait l’anarchiste russe Bakounine : « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la liberté d’autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres [ajoutons : et les femmes libres, et les enfants libres] qui m’entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté. [...] Ma liberté personnelle ainsi confirmée par la liberté de tout le monde s’étend à l’infini. »

Il faudra bien continuer à manger, à s’éclairer à vider les poubelles, que sais-je ?

Passés les premiers jours de paralysie, inévitable et nécessaire (pour affirmer la force du mouvement, contrecarrer d’éventuels mouvements de l’armée ou de la police), il faut remettre en marche certains secteurs d’activités : transports, ravitaillement, distribution d’eau, de gaz, d’électricité. Tous ces biens seront distribués gratuitement.

Un grand nombre d’autres secteurs seront définitivement abandonnes, soit immédiatement, soit progressivement.

Immédiatement : les usines produisant des marchandises inutiles (une majorité de la production actuelle) ou nuisibles. Progressivement : un secteur comme le nucléaire, qui exige, même après l’arrêt de la production, une surveillance et des activités complexes de démantèlement.

On remarque que l’abolition du salariat, le partage par roulement des tâches indispensables au fonctionnement de la société (ramassage des ordures, par ex.), et la suppression de l’argent (distribution communautaire des biens de première nécessité ; pour le reste imagination et troc sur le modèle des actuels SEL) règle très simplement la fausse question du chômage.

Notons encore qu’en matière d’alimentation, seuls les aliments dits « biologiques », aujourd’hui réservés à une clientèle aisée, seront distribués collectivement. Ce choix de bon sens écartera le risque de catastrophe de type « vache folle » ou OGM.

Bien des questions pratiques seront discutées et réglées le moment venu par les gens concernés, et d’une manière impossible ou difficile à prévoir Il est donc vain de dresser par avance un catalogue de mesures. Cependant, il faut comprendre qu’une révolution ne signifie pas la prise en main par une population du monde tel qu’il est. Il faudrait, sinon, « autogérer » les usines d’armement, l’administration fiscale, et les camps de rétention pour sans-papiers... On se demande pourquoi on dépenserait tant d’énergie pour en arriver là ?

Avançons l’hypothèse, à titre d’exemple, et pour illustrer malgré tout notre raisonnement, qu’en matière de transport, un moyen aussi coûteux, aussi dangereux, et aussi nuisible à l’environnement (kérosène, bruit) que l’avion serait progressivement abandonné. On peut penser qu’à rebours de la préoccupation « moderne », la durée des voyages sera considérablement allongée. Parce qu’on ne se souciera plus de « faire l’Asie en dix jours », et que l’on préférera découvrir des gens et des paysages, sans patron pour vous dicter la date du retour.

La révolution n’est-elle pas synonyme de violence ?

Il n’est pas difficile, en observant autour de soi, dans sa famille ou dans la rue, en regardant la télévision ou en lisant le journal, de voir que le monde tel qu’il est aujourd’hui, le capitalisme en voie de mondialisation, héritage des sociétés coloniales du siècle dernier, que le monde actuel est synonyme de la pire violence.

À titre d’exemple : la violence domestique masculine fait aujourd’hui, dans un pays comme l’Espagne, six fois plus de victimes (90 femmes assassinées par mari ou amant en 2001) que le terrorisme des séparatistes basques de l’ETA.

Le degré de violence nécessaire pour renverser l’ordre établi ne dépend pas que de la bonne volonté des révolutionnaires, mais dans une large mesure de la réaction des maîtres du monde. L’acharnement des industriels, des technocrates, des politiciens, et des électeurs de Le Pen à réagir à un mouvement révolutionnaire ; la violence dont ils seraient disposés à user pour le réduire, tout cela conditionne de manière imprévisible le degré de violence inévitable d’une révolution.

Dans une société techniquement développée où peuvent être mises en œuvre de nombreuses techniques de sabotage (informatique notamment), qui ne nécessitent pas ou très peu de violence physique, les meilleures chances sont réunies de paralyser le système en faisant moins de victimes humaines que les accidents de la route un week-end de Pâques.

Par la suite, la société en révolution - par les priorités qu’elle adopte en matière de santé (pas de médicaments toxiques ; pas de contingentement des matériels hospitaliers), de prévention (Sida), de réduction des travaux pénibles et dangereux -, réduit le nombre des « victimes sociales » qui paient aujourd’hui de leur vie le fonctionnement d’un système fondé sur le profit.

N’est-il pas plus facile et plus réaliste de changer la société par des réformes ?


Le réformisme se présente comme une solution raisonnable et « réaliste ».

Le problème, c’est que, seul, il ne réforme jamais rien.

La fonction historique et politique du réformisme n’est pas d’aboutir aux mêmes résultats qu’une révolution, par des moyens plus lents ou plus « doux ». La fonction du réformisme est de désamorcer les révoltes et de convaincre les victimes du système capitaliste qu’on peut très bien aménager leur sort à l’intérieur du système, sans en changer les règles, et sans priver les réformistes de leurs jobs.

Même s’il s’agit d’obtenir des réformes, la stratégie révolutionnaire est la plus efficace. En effet, un pouvoir ne peut répondre que de deux façons - éventuellement combinées - à une menace révolutionnaire : par la force armée ou par les concessions réformistes.

Si un mouvement social limite de lui-même, dans le souci d’être présentable à la télé, raisonnable et réaliste, ses prétentions et ses buts, il n’échappera pas à la violence (on lui envoie les CRS) et risque de ne rien obtenir du tout.

Dans une négociation, le pouvoir essaiera toujours d’accorder moins que ce qui est demandé ; si je demande moins que ce que je veux, je suis assuré de ne pas obtenir ce que je veux.

Le plus simple est d’afficher clairement le projet révolutionnaire, ce qui n’empêche pas de tirer avantage des concessions momentanés de l’État.

Prendre le parti de la révolution ne signifie pas opter pour « tout ou rien », en remettant toujours l’essentiel à plus tard (au grand soir), c’est au contraire profiter de toutes les occasions historiques, de toutes les luttes, pour réaffirmer l’exigence communiste et libertaire : tout se réapproprier dans la liberté, pour tout partager dans l’égalité.

Tout ce qu’il est convenu de nommer les « avancées démocratiques » ont d’ailleurs été accordées sous la pression de la rue et des barricades. Il arrive que les gouvernants modernes y fassent allusion, quand ils espèrent que ce rappel historique dissuadera de nouveaux barricadiers de se dresser contre eux. On dira par exemple que des gens sont morts pour que nous ayons le droit de vote, ce qui devrait nous décourager d’utiliser d’autres moyens d’action. Mais bien sûr, c’est un mensonge. Beaucoup de gens ont effectivement combattu et certains sont morts en combattant, et dès la Révolution française, contre ceux qui voulaient la confisquer, en décréter la fin obligatoire, puis plus tard contre ceux qui voulaient revenir à la monarchie. Mais finalement, c’est bien la république qui a tue le plus d’ouvriers sur les barricades, notamment en 1848 et en 1871, durant la Commune de Paris.

Il existe de nouveaux groupes réformistes. Ils utilisent parfois un vocabulaire ou des méthodes d’action illégales empruntées au mouvement révolutionnaire. Ils réclament le droit au logement, un revenu garanti pour tous, ou une taxe sur les mouvements de capitaux... Ils captent l’indignation généreuse et le besoin d’action de beaucoup de gens qui ne se sentent pas attirés par des groupuscules révolutionnaires souvent fermés et sectaires. Ils n’ont pas d’autre perspective qu’un illusoire « contrôle citoyen » sur le capitalisme.

Or la « démocratie », c’est précisément la mise en scène politique du contrôle citoyen, garant de la moralité d’un « capitalisme à visage humain » ; « l’économie régulée par le droit », comme dit José Bové. Même s’ils peuvent embarrasser momentanément un ministre, un gouvernement ou une administration, ils participent finalement au bon fonctionnement du système, qui s’applique à les neutraliser, les intégrer, les digérer.

Le projet révolutionnaire, c’est-à-dire le projet d’une rupture révolutionnaire avec le monde présent et le projet de la construction d’une autre société, n’est pas un rêve, au sens où il serait impossible à réaliser. Le projet révolutionnaire, c’est la meilleure façon d’être réaliste, c’est-à-dire de s’en tenir à nos révoltes, à nos désirs, à nos rêves, pour refuser le cauchemar hélas trop réel d’un monde dont Marx constatait déjà qu’il est « baigné par les eaux glacés du calcul égoïste ».

Il existe des partis, des ligues d’extrême gauche qui se réclament du communisme et/ou de la révolution. Qu’est-ce qui les sépare des libertaires ?

Des postaliniens [1] du PC aux trotskistes de la LCR (100% à gauche, avec de vrais morceaux de gauche dedans !) il ne manque pas de partisans du « communisme » ou d’une « révolution », à condition qu’ils en soient les chefs et les bénéficiaires !

Les anarchistes, les communistes libertaires sont restés fidèles au principe affiché par la Première Internationale : l’émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes.

Nous n’avons que faire des avant-gardes, des magouilleurs et des bureaucrates ! C’est aux exploités eux-mêmes à prendre leurs affaires en mains, partout et dès maintenant - sur les lieux de l’exploitation salariée, dans les quartiers et dans la rue - sans attendre la bonne période historique décrétée par le comité central.

Les retours sur l’histoire (celle de la révolution russe, par exemple) sont des moyens efficaces de vérifier la réalité des bons sentiments affichés aujourd’hui par les uns et par les autres. Il fallu à peine huit ans aux bolcheviks pour éliminer, par le meurtre et la mise en camps, toute opposition politique : mencheviks, socialistes révolutionnaires et anarchistes. La révolte des marins de Cronstadt et l’insurrection Makhnoviste en Ukraine furent écrasées dans le sang. La Terreur bureaucratique, dont Trotski fut un rouage essentiel (à la tête de la police politique et de l’armée rouge), se retourna contre ses propres partisans. Lui-même fut exécuté, sur ordre de Staline, dans son exil mexicain. Or beaucoup de trotskistes actuels ont autant de mal que les postaliniens à digérer leur passé et à condamner sans ambiguïtés ni baratin les crimes de lénine, de trotski, et de staline.

Aujourd’hui, les trotskistes de la LCR tentent de capter à leur profit la sympathie pour les idées anarchistes qu’ils sentent dans le mouvement social et ses manifestations. Besancenot n’a plus que l’adjectif « libertaire » à la bouche et explique que son drapeau rouge s’est teinté de noir [2] (et de vert, pour draguer les écolos). Mais que dit-il ? Que la LCR veut participer à « un gouvernement qui romprait avec le capitalisme et ouvrirait la voie au socialisme démocratique » (Révolution, p. 150). C’est mot à mot le même mensonge que Mitterrand a utilisé à la fin des années 70 pour reconstituer un parti socialiste capable... de ce que nous avons vu (il est vrai que la taupe trotskiste Jospin parvint à se faire nommer Premier ministre). Bien sûr, tout serait différent avec la LCR ! Est-ce si sûr ? Lisons Besancenot : « Nous ne pensons pas supprimer l’argent du jour au lendemain (p. 180) [...] Notre projet est plus ambitieux : créer massivement des emplois en réduisant le temps de travail [...] (p. 209). « Cependant, la phase de transition [vieille blague bolchevique !] vers une société égalitaire, le processus de production sera encore soumis à la division technique du travail. Il ya aura encore des ouvriers, des employés, des techniciens et des cadres exerçant chacun des fonctions spécifiques ; les revenus seront encore définis selon les compétences et non les besoins (p. 252). »

Et qu’arrivera-t-il aux impatients qui n’auront que foutre de produire pour le nouveau régime sous la direction des mêmes cadres, payés avec le même argent, le tout sous la direction lumineuses des militants LCR ? On leur enverra les « nouveaux emplois » miliciens chargés de leur faire rentrer dans le crâne à coup de crosses le réalisme historique qui décide en réunion de comité central à quel moment les temps sont mûrs !

Comment faire confiance à des gens qui, même après 80 ans de réflexion, justifient d’avance les répressions futures ? Leurs placards sont remplis de cadavres, nous ne l’oublions pas. Quant aux idées libertaires et au noir de nos drapeaux qu’ils prétendent gérer en franchise : BAS LES PATTES !

Tout ce qu’il faudrait changer, inventer !... Ça paraît une tâche surhumaine !

À moins de céder au délire des croyants, selon lequel il existerait un « dieu » créateur qui manipulerait les humains comme des marionnettes et les surveillerait depuis on ne sait quel « au-delà », il faut bien considérer que les êtres humains sont les seuls responsables de leur vie, de ce qu’ils y acceptent ou refusent.

Ça ne veut pas dire que le sans-papier vivant à Paris ou le paysan sans-terre brésilien sont coupables de l’oppression qu’ils subissent, mais que ce sont des hommes de chair et de sang qui les exploitent et les persécutent, et non une fatalité surhumaine, contre laquelle il serait impossible ou vain de se dresser.

Quant aux efforts que nécessite la construction d’un autre futur, ils sont immenses, mais - à l’échelle de l’espèce humaine entière - pas plus impressionnants que ceux que tu as fournis, nourrisson humain de quelques kilos, dépendant en tout des adultes qui t’entouraient, pour devenir un individu pensant, parlant et marchant sur ses pattes de derrière, capable d’utiliser un ordinateur et de chanter un poème de Rimbaud...

Pense à l’extraordinaire gisement de culture, de savoir-faire, et d’énergie que constitue l’humanité, aujourd’hui divisée par les fanatismes religieux, les guerres coloniales ou tribales, l’exploitation et la faim. Ce gisement n’est utilisé qu’à dix pour cent peut-être, et pour le seul bénéfice du capitalisme mondialisé. Il ne sera pas difficile de faire « moins pire » !

Je suis désolé, mais j’y crois pas !

Personne ne te demande de « croire » à la révolution, comme on croit au Diable, aux extraterrestres ou à la réincarnation. Il ne s’agit pas non plus d’une perspective lointaine et motivante, comme une espèce de super-carotte (bio !) à te suspendre devant le nez.

La révolution est le projet collectif de la libre association d’individus libres, qui commencent à changer le monde dès maintenant.

Il n’est que trop facile de trouver dans la lecture d’un journal ou le comportement de ses collègues des raisons de se replier dans le cynisme vulgaire : « Tous des cons ! ». Pour les plus atteints, le comble de la rancœur misanthrope vise telle catégorie particulière : les Noirs, les immigrés, les femmes...

Pour un révolutionnaire, « l’optimisme de la volonté » n’est pas un parti pris moral, il a un contenu dynamique et pratique : plus on éprouve la jouissance, et plus on aime faire l’amour ; plus on rencontre d’individus différents, et plus on est affamé de la diversité du monde ; plus on vérifie dans l’action ses capacités à changer la vie, et plus on se découvre de nouvelles raisons d’agir.

Vade-mecum II, Paris, (première version, mai 2002).
[1] Au PC ou à Attac, le postalinien (contraction du préfixe post et du qualificatif stalinien), n’a plus la faucille et pas toujours la carte, mais il assume le rôle historique du stalinien : nuire à la révolution par tous les moyens.
[2] Révolution, Flammarion, 2003, p. 72.

mercredi, janvier 27, 2010

Cause Commune Express: Tournée "Usines sans patrons"

Argentine : De la crise à l'insurrection

En mai 2000, le gouvernement de la Rua annonce une série de mesures afin de rendre l'État argentin conforme aux volontés néolibérales du FMI: baisse de 12 à 15% des salaires des fonctionnaires, réduction majeure des dépenses, privatisation, etc. Le tout plait effectivement aux bonzes du FMI puisqu'ils allouent 40 milliards de dollars en prêts à l'État argentin. Mais la crise semble indomptable puisque déjà l'année suivante le pays en est à son onzième plan d'austérité approuvé par le FMI et les seuls résultats palpables de ces mesures semblent être le nombre grimpant de manifestations, d'émeutes, de grèves et de coupures de routes (les piqueteros). Pendant cette période, on évalue à 2000 le nombre d'individus par jour passant de la "classe moyenne" à la "classe pauvre" et à 25% le taux de chômage; sans compter que le spectre de la banqueroute n'est jamais bien loin, à un point tel que le 1er décembre 2001 les liquidités des banques sont épuisées et que le gouvernement doit limiter par la loi les retraits des particuliers.

En décembre 2001, les émeutes comptent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de pillards (pauvres, chômeurs ou membres déchus de la classe moyenne) qui s'en prennent aux supermarchés, aux entrepôts, aux boutiques, etc.) Les troubles sont si préoccupants que l'état de siège est décrété par les forces de l'ordre: tout regroupement public de plus de deux personnes est interdit et que la censure est rigoureusement appliquée aux médias. La répression, qui a déjà fait quelques morts, se fait sentir au maximum, mais les émeutes continuent de plus belle et sont désormais doublées de cette pratique qui avait fait grandement pression sur la dictature militaire dans les années 1970, les "concerts de casseroles" (cazerolazos) qui regroupent, chaque jour et partout à travers le pays, plusieurs milliers d'individus.

Dans la soirée du 19 décembre, une manifestation spontanée regroupant plus d'un million de personnes a lieu à Buenos Aires. Devant le palais présidentiel, la foule en colère réclame la démission des hommes politiques. Le tout se termine dans la nuit par une émeute majeure qui balaiera les institutions bancaires et les multinationales et lynchera plusieurs policiers. Lors de ces troubles, plusieurs milliers de messagers à moto (motoqueros) participent aux affrontements; ces derniers, par leur connaissance de la ville et leur mobilité, amorcent ainsi un mode d'action qui allait être reconduit à de nombreuses reprises.

Des évènements semblables ont lieu dans au moins une douzaine de villes du pays. À Cordoba, la mairie est occupée. On y tient une assemblée avant d'y mettre le feu et de dresser des barricades. Le lendemain matin, la révolte se poursuit, un manifestant raconte: " Les gens allaient, venaient, les cortèges se recyclaient, les avenues se vidaient puis se remplissaient à nouveau d'hommes, de femmes, de familles avec leurs chiens... C'était quelque chose d'impressionnant parce que totalement spontané... ". Cette journée sera ponctuée par une foule d'évènements majeurs semblables à la veille… combats de rues, pillages, assaut d'une foule en colère contre la maison du président, etc. À l'évidence, la révolte devient insurrection.

Mais ces manifestations de souveraineté populaire attirent évidemment son contraire : la répression, qui est à la hauteur de la réputation qu'elle s'est forgée pendant la dictature. De ces quelques semaines d'affrontement, on compte 35 tués, des centaines de blessés et des milliers d'arrestations (officiellement 3273). Plusieurs témoins racontent que des tueurs en civils se faufilaient dans la foule afin d'abattre des militants-e-s d'une balle dans la nuque. Les autorités ne savent décidément pas comment réagir: le président de la Rua démissionne et doit être évacué par hélicoptère. Le nouveau président, Adolfo Rodriguez Saa promet un moratoire sur le paiement de la dette extérieure et la création d'un million d'emplois.

Mais les manifestations se poursuivent… et l'année 2001 se termine par la démission du président Saa, bientôt remplacé par Duhalde. Les concerts de casseroles, les coupures de routes, les émeutes et les manifestations reprennent dès janvier. Dans la ville de Mosconi, les émeutiers prennent la garnison du commissariat en otage et brulent l'édifice. À Junin, 600 manifestants brulent la maison d'un député. Le 28 janvier, plus de 15 000 piqueteros soutenus par les assemblées de quartier convergent au centre de Buenos Aires. Le nombre de piqueteros - et de piqueteras, puisque les femmes sont très nombreuses lors de ces actions: elles forment jusqu'à 70% des effectifs - est d'ailleurs depuis le début de la crise leurs regroupements sont en pleine expansion: de 1383 qu'ils étaient en 2001, ils passent à 2336 en 2002.

Les émeutiers délaissent désormais les supermarchés pour mieux s'en prendre aux banques, sans compter que les assemblées de quartiers, progressivement, se fédèrent entre elles afin de coordonner l'insurrection. Ces assemblées, qui se comptent par centaines, transfigurent la critique en acte et en parole. Réunissant parfois plusieurs milliers de personnes, elles permettent au peuple de reprendre tout ce qui le concerne en main, sans avoir recours à la médiation de l'État ou d'une quelconque institution bourgeoise. Fonctionnant de façon horizontale et non hiérarchique, elles prennent une telle ampleur que les dirigeants politiques croient devoir rappeler qu'aux termes de la constitution:

Le peuple ne délibère pas et ne gouverne que par l'intermédiaire de ses représentants... Il faut arrêter la fantaisie des gens dans la rue qui disposent de ce qui doit ou ne doit pas se faire... Il... faut adresser des pétitions aux autorités... de façon ordonnée et sensée au lieu de les livrer en pâture aux agitateurs habituels...

Cette insurrection a pris tout le monde par surprise, aucun syndicat, aucun parti n'en est à l'origine. C'est de la population elle-même, spontanément, qu'est venue la résistance, et c'est cette même population qui a donné à cette résistance une forme si originale et efficace. La révolte populaire fut accompagnée par un vaste mouvement d’autogestion des entreprises en faillite. Autour du slogan « Occuper, résister, produire », entre 8000 et 10 000 postes de travail dans plusieurs secteurs industriels (métallurgie, textile, imprimerie, hôtellerie, alimentation, etc.) ont ainsi été sauvés par les travailleurs et travailleuses dans des entreprises récupérées et remises en marche par leurs propres ouvriers et ouvrières, alors même que la crise financière de décembre 2001 avait poussé les patrons à les abandonner à leur propre sort. Sans contredit, il s’agit de l’un des faits marquants de la réponse des classes populaires qui mérite d’être souligné.


Si le contexte québécois de 2010 diffère largement de celui argentin de 2001, quelques rapprochements sont tout de même possibles. D'abord, la crise qui a touché durement l'Amérique du Nord a fait passer le taux de chômage de 7,2% (le plus bas niveau en 32 ans) à un niveau qui atteindra possiblement 10% en 2010. Pour la région de Montréal seulement, le taux de chômage a déjà atteint les 10,5%. Certains économistes craignent même une seconde crise financière dans un avenir très rapproché. Par ailleurs, l'État et le patronat, sous prétexte de relance économique, se lancent dans une grande offensive néolibérale - en sabrant dans les services sociaux, les conditions salariales et en remettant à l'ordre du jour différents plans de privatisation. Pour couronner le tout, tant les syndicats que les mouvements sociaux sont moribonds et sont en mode survie plutôt qu'en mode combattif, laissant ainsi l'État manœuvrer à sa guise. Dans un tel contexte, que peut-on tirer de l'expérience argentine afin de s'organiser ici et maintenant?

Contre le capitalisme

La première nécessité semble être l'élaboration d'un projet social et politique extra-parlementaire qui aurait pour fondation une authentique démocratie. Peu importe les mesures que les politiciens prendront, ce ne sera qu'en faveur du marché et ce sera nous (les travailleurs, les travailleuses, les étudiants et les précaires) qui en paieront le prix.

L'expérience de récupération d'usine dans un contexte de crise économique serait, dans un premier temps, une nécessité qui permettrait aux travailleurs et aux travailleuses de conserver leurs emplois. On n'a qu'à penser à l'exemple récent de la grève d'Alcan à Jonquière en 2004. Les travailleurs, réalisant les limites de la grève légale, ont relancé la production sous contrôle ouvrier, poussant ainsi le patronat à la négociation - entre autres puisqu'il ne pouvait plus revendre l'électricité non utilisée pour amortir les pertes causées par la grève. Bien que l'expérience argentine soit critiquable à plusieurs niveaux, elle permet à la population de renouer avec une véritable démocratie que la rationalité et le productivisme capitaliste nous ont fait oublier depuis fort longtemps. La réussite d'un tel projet, l'autogestion généralisée, ne peut à long terme réussir sans une lutte globale pour une transformation libertaire et socialiste de la société. Dans un tel contexte, l'auto-organisation des chômeurs et des précaires est indissociable de la lutte des travailleurs et des travailleuses pour l'autogestion de leurs milieux de travail et la solidarité entre les différentes luttes parcellaires est plus que jamais nécessaire.

Contre l'État

L'autre aspect crucial est le principe des Assemblées de quartier et la mise en place de mécanismes de démocratie populaire. Dans un contexte de crise sociale et politique, dans lequel les gens n'ont plus confiance aux politiciens et aux partis, la démocratie par la base est plus que jamais nécessaire. Que ce soit pour des enjeux de quartiers, le logement, la précarité, l'éducation populaire ou la santé (on peut penser au modèle des cliniques populaires des années 1960-1970), seule notre force collective, par la mise en place de mouvements de quartiers, peut amener un réel changement.

L'attente de réformes ou de promesses électorales, la manipulation par les politiciens et les bureaucrates et toutes les formes de concession minent à long terme nos luttes populaires. C'est pourquoi dans le contexte de notre campagne sur la crise nous jugeons important de partager des expériences de luttes collectives afin d'entamer ou de poursuivre une réflexion collective sur les façons de s'organiser ici et maintenant.

pour connaitre chaque arrêt de la tournée, cliquez ici.

lundi, mars 31, 2008

À bas les restaurants!

La critique d'un travailleur de l'industrie alimentaire

À 60 pages, À Bas les Restaurants est un guide illustré à la vie quotidienne des travailleurs de restaurants, leur misère, stress et aliénation, mais aussi comment ils luttent contre cette vie. S'appuyant de plusiers idées anti-capitalistes, et une grosse tranche d'expérience personelle, c'est moitié analyse, moitié appel aux armes.


samedi, mars 22, 2008

L'exploitation capitaliste en images


Ce n'est pas si compliqué quand même !!

vendredi, novembre 30, 2007

La cour supérieure rejette la loi 30!

La CSN (Ici) et la CSQ (Ici) se réjouissent de la décision rendue par la cour supérieure concernant la loi 30. Rappelons que cette loi faisait passer à un maximum de 4 accréditations syndicales par établissement de santé, brimant ainsi le droit des travailleurs et des travailleuses de décider eux et elles-mêmes de leur association. Qui plus est, cette législation restreint le droit de grève et par le fait même le rapport de force des travailleurs et des travailleuses. ( Article)

Les grandes centrales oeuvrant en santé reconnaissent en cette décision une «[...] grande victoire pour le mouvement ouvrier!» Il faut bien entendu saluer cette décision, mais restons tout de même critique. Premièrement, les grandes centrales tout en attaquant cette loi ont participé à la mascarade de maraudage qui s'imposait et les nouvelles unités syndicales qui en sont sorties ne seront certainement pas prêt à revenir en arrière. Deuxièmement, le gouvernement va fort probablement porter en appel la décision, prolongeant encore davantage la saga et réduisant de plus en plus les chances qu'une nouvelle décision puisse changer quoique ce soit.

Puis, encore plus grave, ce genre de soi-disant victoire conforte les têtes syndicales dans leurs stratégies de confrontation judiciaire des législations antisociales. Les luttes syndicales deviennent de plus en plus des luttes entre avocat-e-s et les travailleurs et les travailleuses sont de plus en plus dépossédé-e-s de leurs outils d'émancipation que sont les syndicats. Dans les assemblées syndicales, les dirigeants et les dirigeantes lancent à qui veut l'entendre que l'état de la mobilisation est trop faible pour tenter quoique ce soit de trop revendicatif. C'est ce qui s'est passé pour la loi 142 (le décret des conventions collective 2004). Au lieu de redoubler d'effort en mobilisation, les syndicats utilisent leurs gros moyens financiers pour payer quelques avocats qui feront la lutte à leur place.

Nous nous réjouissons donc face à une telle victoire, mais nous disons que celle-çi a un goût amer. Nous devons oeuvrer à remobiliser les travailleurs et les travailleuses pour leur permettre de se réapproprier et leur lutte émancipatrice et leurs outils que sont les syndicats!

vendredi, novembre 09, 2007

Une usine autogérée en Allemagne.




Autogestion: du grec "autos", soi-même, et du latin "gestion",
action de gérer, d'administrer.

Tiré des actualités de la cnt-ait
Après l'usine autogérée Zanon en Argentine, voici que des travailleurs allemands décident à leur tour de prendre le contrôle de leur production et d'autogérer leur milieu de travail. Voici donc un bref résumé.
Les 135 travailleurs de l’usine de fabrication de vélo Bike Systmes GmbH (dans la province de Thuringe Nordhausen en Allemagne) occupaient leur usine depuis le 10 juillet 2007, afin d'empêcher le démantelement définitif et la vente de leur usine en faillite. Afin de ne pas perdre leurs emplois, les travailleurs ont décidé de reprendre la production en l'autogérant et avaient donc besoin d'une commande de 1800 vélos pour le 2 octobre (Ici). Après de nombreux efforts, c‘est le 22 octobre que l’usine de vélo de Nordhausen a de nouveau repris son activité. Leurs vélos, surnommés affectueusement "vélo grèves", seront produit, en totale autogestion et sans aucun patron!! L'Article rapporte que les travailleurs auront tous un salaire fixe et unique. Pour les tâches administratives, ils ont fait appel aux camarades de la FAU Hamburg / Café Libertad , puisque peu d'entre eux avaient les compétences actuellement pour ce type de tâches. En tant que communistes libertaires, c'est une preuve supplémentaire que l'autogestion généralisée, ce n'est pas qu'une utopie...
-Et sans patron tout refonctionne, on sourit dans les ateliers-
René Binamé--Juillet 1936