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dimanche, février 03, 2013

Qu'est-ce qu'une révolution communiste et libertaire?

Les lignes qui suivent paraîtront sans doute naïves à certain(e)s. 

C’est le risque encouru en traitant simplement, et en peu de mots, de sujets complexes qui ont fait l’objet d’innombrables publications, depuis deux siècles au moins.

Il s’agit d’apporter les premiers éléments de réponse (de réflexion, de débat) à des questions que se posent - sans presque jamais oser les formuler - beaucoup de ceux et de celles qui découvrent les manifestations de rue et les drapeaux libertaires.


Peut-être des militantes et militants plus confirmé(e)s pourront-ils également faire leur profit de ce dialogue imaginaire, qui n’a d’autre ambition que d’en susciter d’autres, de vive voix.

 (Ce texte a été écrit en 2002 par Claude Guillon, un anarchiste français, et est tiré directement de son site web.)

Qu’est-ce qu’une « révolution » ?

Nous appelons révolution un changement radical - c’est-à-dire qui s’attaque aux racines - du système économique, social et politique en place.

Dans une société capitaliste comme celle où nous vivons, une révolution s’attaquera au salariat, système dans lequel l’activité humaine est pour l’essentiel contrainte et limitée au travail (production de marchandises), travail exploité pour le profit des patrons et/ou des actionnaires.

La révolution abolira, avec le travail salarié, l’argent, qui sert de support à l’abstraction de la valeur (d’une marchandise, d’une heure de travail, d’un être humain...).

La révolution se heurte aussitôt à ce que l’on peut désigner comme les « grandes » institutions, l’État par exemple, sa police, et éventuellement son armée. Elle bouleverse aussi les institutions de la vie quotidienne que sont la famille et le couple, où les rapports d’autorité s’organisent selon l’âge et le sexe (autorité des adultes sur les mineur[e]s, des hommes sur les femmes). Ce bouleversement est à la fois un objectif important des révolutionnaires, et l’effet matériel d’une période de rupture avec les habitudes de la vie courante (grève générale, déplacements difficiles, occupations...).

Si certaines choses sont aujourd’hui plus faciles à changer qu’il y a un siècle (par exemple : dissocier plaisir érotique et procréation, grâce à la contraception), d’autres comportements ont peu varié (les femmes effectuent toujours 70% des tâches ménagères). La réflexion et les luttes sur ces questions sont partie intégrante d’un combat révolutionnaire qui ne s’arrêtera pas par miracle un grand soir ou un beau matin.

La perspective d’une révolution n’est-elle pas utopique ?

Autrement dit : une révolution est-elle possible ?

Ce qui est impossible pour nous, et ça nous en sommes sûrs, c’est de supporter le monde tel qu’il est !

Nous avons tout à gagner à un bouleversement radical du monde, et rien à y perdre, parce que tout ce qui fait pour nous le plaisir de notre brève existence - les rencontres, les discussions, l’amour, les émotions partagées - tout cela est aujourd’hui contraint, limité, atrophié.

Il n’existera pas de société parfaite une fois pour toute où vivre heureux sans conflits. C’est dans l’effort même, dans le mouvement même de transformation révolutionnaire des rapports sociaux, que la vie se révèle mille fois plus passionnante.

Comme l’écrivait l’anarchiste russe Bakounine : « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la liberté d’autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres [ajoutons : et les femmes libres, et les enfants libres] qui m’entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté. [...] Ma liberté personnelle ainsi confirmée par la liberté de tout le monde s’étend à l’infini. »

Il faudra bien continuer à manger, à s’éclairer à vider les poubelles, que sais-je ?

Passés les premiers jours de paralysie, inévitable et nécessaire (pour affirmer la force du mouvement, contrecarrer d’éventuels mouvements de l’armée ou de la police), il faut remettre en marche certains secteurs d’activités : transports, ravitaillement, distribution d’eau, de gaz, d’électricité. Tous ces biens seront distribués gratuitement.

Un grand nombre d’autres secteurs seront définitivement abandonnes, soit immédiatement, soit progressivement.

Immédiatement : les usines produisant des marchandises inutiles (une majorité de la production actuelle) ou nuisibles. Progressivement : un secteur comme le nucléaire, qui exige, même après l’arrêt de la production, une surveillance et des activités complexes de démantèlement.

On remarque que l’abolition du salariat, le partage par roulement des tâches indispensables au fonctionnement de la société (ramassage des ordures, par ex.), et la suppression de l’argent (distribution communautaire des biens de première nécessité ; pour le reste imagination et troc sur le modèle des actuels SEL) règle très simplement la fausse question du chômage.

Notons encore qu’en matière d’alimentation, seuls les aliments dits « biologiques », aujourd’hui réservés à une clientèle aisée, seront distribués collectivement. Ce choix de bon sens écartera le risque de catastrophe de type « vache folle » ou OGM.

Bien des questions pratiques seront discutées et réglées le moment venu par les gens concernés, et d’une manière impossible ou difficile à prévoir Il est donc vain de dresser par avance un catalogue de mesures. Cependant, il faut comprendre qu’une révolution ne signifie pas la prise en main par une population du monde tel qu’il est. Il faudrait, sinon, « autogérer » les usines d’armement, l’administration fiscale, et les camps de rétention pour sans-papiers... On se demande pourquoi on dépenserait tant d’énergie pour en arriver là ?

Avançons l’hypothèse, à titre d’exemple, et pour illustrer malgré tout notre raisonnement, qu’en matière de transport, un moyen aussi coûteux, aussi dangereux, et aussi nuisible à l’environnement (kérosène, bruit) que l’avion serait progressivement abandonné. On peut penser qu’à rebours de la préoccupation « moderne », la durée des voyages sera considérablement allongée. Parce qu’on ne se souciera plus de « faire l’Asie en dix jours », et que l’on préférera découvrir des gens et des paysages, sans patron pour vous dicter la date du retour.

La révolution n’est-elle pas synonyme de violence ?

Il n’est pas difficile, en observant autour de soi, dans sa famille ou dans la rue, en regardant la télévision ou en lisant le journal, de voir que le monde tel qu’il est aujourd’hui, le capitalisme en voie de mondialisation, héritage des sociétés coloniales du siècle dernier, que le monde actuel est synonyme de la pire violence.

À titre d’exemple : la violence domestique masculine fait aujourd’hui, dans un pays comme l’Espagne, six fois plus de victimes (90 femmes assassinées par mari ou amant en 2001) que le terrorisme des séparatistes basques de l’ETA.

Le degré de violence nécessaire pour renverser l’ordre établi ne dépend pas que de la bonne volonté des révolutionnaires, mais dans une large mesure de la réaction des maîtres du monde. L’acharnement des industriels, des technocrates, des politiciens, et des électeurs de Le Pen à réagir à un mouvement révolutionnaire ; la violence dont ils seraient disposés à user pour le réduire, tout cela conditionne de manière imprévisible le degré de violence inévitable d’une révolution.

Dans une société techniquement développée où peuvent être mises en œuvre de nombreuses techniques de sabotage (informatique notamment), qui ne nécessitent pas ou très peu de violence physique, les meilleures chances sont réunies de paralyser le système en faisant moins de victimes humaines que les accidents de la route un week-end de Pâques.

Par la suite, la société en révolution - par les priorités qu’elle adopte en matière de santé (pas de médicaments toxiques ; pas de contingentement des matériels hospitaliers), de prévention (Sida), de réduction des travaux pénibles et dangereux -, réduit le nombre des « victimes sociales » qui paient aujourd’hui de leur vie le fonctionnement d’un système fondé sur le profit.

N’est-il pas plus facile et plus réaliste de changer la société par des réformes ?


Le réformisme se présente comme une solution raisonnable et « réaliste ».

Le problème, c’est que, seul, il ne réforme jamais rien.

La fonction historique et politique du réformisme n’est pas d’aboutir aux mêmes résultats qu’une révolution, par des moyens plus lents ou plus « doux ». La fonction du réformisme est de désamorcer les révoltes et de convaincre les victimes du système capitaliste qu’on peut très bien aménager leur sort à l’intérieur du système, sans en changer les règles, et sans priver les réformistes de leurs jobs.

Même s’il s’agit d’obtenir des réformes, la stratégie révolutionnaire est la plus efficace. En effet, un pouvoir ne peut répondre que de deux façons - éventuellement combinées - à une menace révolutionnaire : par la force armée ou par les concessions réformistes.

Si un mouvement social limite de lui-même, dans le souci d’être présentable à la télé, raisonnable et réaliste, ses prétentions et ses buts, il n’échappera pas à la violence (on lui envoie les CRS) et risque de ne rien obtenir du tout.

Dans une négociation, le pouvoir essaiera toujours d’accorder moins que ce qui est demandé ; si je demande moins que ce que je veux, je suis assuré de ne pas obtenir ce que je veux.

Le plus simple est d’afficher clairement le projet révolutionnaire, ce qui n’empêche pas de tirer avantage des concessions momentanés de l’État.

Prendre le parti de la révolution ne signifie pas opter pour « tout ou rien », en remettant toujours l’essentiel à plus tard (au grand soir), c’est au contraire profiter de toutes les occasions historiques, de toutes les luttes, pour réaffirmer l’exigence communiste et libertaire : tout se réapproprier dans la liberté, pour tout partager dans l’égalité.

Tout ce qu’il est convenu de nommer les « avancées démocratiques » ont d’ailleurs été accordées sous la pression de la rue et des barricades. Il arrive que les gouvernants modernes y fassent allusion, quand ils espèrent que ce rappel historique dissuadera de nouveaux barricadiers de se dresser contre eux. On dira par exemple que des gens sont morts pour que nous ayons le droit de vote, ce qui devrait nous décourager d’utiliser d’autres moyens d’action. Mais bien sûr, c’est un mensonge. Beaucoup de gens ont effectivement combattu et certains sont morts en combattant, et dès la Révolution française, contre ceux qui voulaient la confisquer, en décréter la fin obligatoire, puis plus tard contre ceux qui voulaient revenir à la monarchie. Mais finalement, c’est bien la république qui a tue le plus d’ouvriers sur les barricades, notamment en 1848 et en 1871, durant la Commune de Paris.

Il existe de nouveaux groupes réformistes. Ils utilisent parfois un vocabulaire ou des méthodes d’action illégales empruntées au mouvement révolutionnaire. Ils réclament le droit au logement, un revenu garanti pour tous, ou une taxe sur les mouvements de capitaux... Ils captent l’indignation généreuse et le besoin d’action de beaucoup de gens qui ne se sentent pas attirés par des groupuscules révolutionnaires souvent fermés et sectaires. Ils n’ont pas d’autre perspective qu’un illusoire « contrôle citoyen » sur le capitalisme.

Or la « démocratie », c’est précisément la mise en scène politique du contrôle citoyen, garant de la moralité d’un « capitalisme à visage humain » ; « l’économie régulée par le droit », comme dit José Bové. Même s’ils peuvent embarrasser momentanément un ministre, un gouvernement ou une administration, ils participent finalement au bon fonctionnement du système, qui s’applique à les neutraliser, les intégrer, les digérer.

Le projet révolutionnaire, c’est-à-dire le projet d’une rupture révolutionnaire avec le monde présent et le projet de la construction d’une autre société, n’est pas un rêve, au sens où il serait impossible à réaliser. Le projet révolutionnaire, c’est la meilleure façon d’être réaliste, c’est-à-dire de s’en tenir à nos révoltes, à nos désirs, à nos rêves, pour refuser le cauchemar hélas trop réel d’un monde dont Marx constatait déjà qu’il est « baigné par les eaux glacés du calcul égoïste ».

Il existe des partis, des ligues d’extrême gauche qui se réclament du communisme et/ou de la révolution. Qu’est-ce qui les sépare des libertaires ?

Des postaliniens [1] du PC aux trotskistes de la LCR (100% à gauche, avec de vrais morceaux de gauche dedans !) il ne manque pas de partisans du « communisme » ou d’une « révolution », à condition qu’ils en soient les chefs et les bénéficiaires !

Les anarchistes, les communistes libertaires sont restés fidèles au principe affiché par la Première Internationale : l’émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes.

Nous n’avons que faire des avant-gardes, des magouilleurs et des bureaucrates ! C’est aux exploités eux-mêmes à prendre leurs affaires en mains, partout et dès maintenant - sur les lieux de l’exploitation salariée, dans les quartiers et dans la rue - sans attendre la bonne période historique décrétée par le comité central.

Les retours sur l’histoire (celle de la révolution russe, par exemple) sont des moyens efficaces de vérifier la réalité des bons sentiments affichés aujourd’hui par les uns et par les autres. Il fallu à peine huit ans aux bolcheviks pour éliminer, par le meurtre et la mise en camps, toute opposition politique : mencheviks, socialistes révolutionnaires et anarchistes. La révolte des marins de Cronstadt et l’insurrection Makhnoviste en Ukraine furent écrasées dans le sang. La Terreur bureaucratique, dont Trotski fut un rouage essentiel (à la tête de la police politique et de l’armée rouge), se retourna contre ses propres partisans. Lui-même fut exécuté, sur ordre de Staline, dans son exil mexicain. Or beaucoup de trotskistes actuels ont autant de mal que les postaliniens à digérer leur passé et à condamner sans ambiguïtés ni baratin les crimes de lénine, de trotski, et de staline.

Aujourd’hui, les trotskistes de la LCR tentent de capter à leur profit la sympathie pour les idées anarchistes qu’ils sentent dans le mouvement social et ses manifestations. Besancenot n’a plus que l’adjectif « libertaire » à la bouche et explique que son drapeau rouge s’est teinté de noir [2] (et de vert, pour draguer les écolos). Mais que dit-il ? Que la LCR veut participer à « un gouvernement qui romprait avec le capitalisme et ouvrirait la voie au socialisme démocratique » (Révolution, p. 150). C’est mot à mot le même mensonge que Mitterrand a utilisé à la fin des années 70 pour reconstituer un parti socialiste capable... de ce que nous avons vu (il est vrai que la taupe trotskiste Jospin parvint à se faire nommer Premier ministre). Bien sûr, tout serait différent avec la LCR ! Est-ce si sûr ? Lisons Besancenot : « Nous ne pensons pas supprimer l’argent du jour au lendemain (p. 180) [...] Notre projet est plus ambitieux : créer massivement des emplois en réduisant le temps de travail [...] (p. 209). « Cependant, la phase de transition [vieille blague bolchevique !] vers une société égalitaire, le processus de production sera encore soumis à la division technique du travail. Il ya aura encore des ouvriers, des employés, des techniciens et des cadres exerçant chacun des fonctions spécifiques ; les revenus seront encore définis selon les compétences et non les besoins (p. 252). »

Et qu’arrivera-t-il aux impatients qui n’auront que foutre de produire pour le nouveau régime sous la direction des mêmes cadres, payés avec le même argent, le tout sous la direction lumineuses des militants LCR ? On leur enverra les « nouveaux emplois » miliciens chargés de leur faire rentrer dans le crâne à coup de crosses le réalisme historique qui décide en réunion de comité central à quel moment les temps sont mûrs !

Comment faire confiance à des gens qui, même après 80 ans de réflexion, justifient d’avance les répressions futures ? Leurs placards sont remplis de cadavres, nous ne l’oublions pas. Quant aux idées libertaires et au noir de nos drapeaux qu’ils prétendent gérer en franchise : BAS LES PATTES !

Tout ce qu’il faudrait changer, inventer !... Ça paraît une tâche surhumaine !

À moins de céder au délire des croyants, selon lequel il existerait un « dieu » créateur qui manipulerait les humains comme des marionnettes et les surveillerait depuis on ne sait quel « au-delà », il faut bien considérer que les êtres humains sont les seuls responsables de leur vie, de ce qu’ils y acceptent ou refusent.

Ça ne veut pas dire que le sans-papier vivant à Paris ou le paysan sans-terre brésilien sont coupables de l’oppression qu’ils subissent, mais que ce sont des hommes de chair et de sang qui les exploitent et les persécutent, et non une fatalité surhumaine, contre laquelle il serait impossible ou vain de se dresser.

Quant aux efforts que nécessite la construction d’un autre futur, ils sont immenses, mais - à l’échelle de l’espèce humaine entière - pas plus impressionnants que ceux que tu as fournis, nourrisson humain de quelques kilos, dépendant en tout des adultes qui t’entouraient, pour devenir un individu pensant, parlant et marchant sur ses pattes de derrière, capable d’utiliser un ordinateur et de chanter un poème de Rimbaud...

Pense à l’extraordinaire gisement de culture, de savoir-faire, et d’énergie que constitue l’humanité, aujourd’hui divisée par les fanatismes religieux, les guerres coloniales ou tribales, l’exploitation et la faim. Ce gisement n’est utilisé qu’à dix pour cent peut-être, et pour le seul bénéfice du capitalisme mondialisé. Il ne sera pas difficile de faire « moins pire » !

Je suis désolé, mais j’y crois pas !

Personne ne te demande de « croire » à la révolution, comme on croit au Diable, aux extraterrestres ou à la réincarnation. Il ne s’agit pas non plus d’une perspective lointaine et motivante, comme une espèce de super-carotte (bio !) à te suspendre devant le nez.

La révolution est le projet collectif de la libre association d’individus libres, qui commencent à changer le monde dès maintenant.

Il n’est que trop facile de trouver dans la lecture d’un journal ou le comportement de ses collègues des raisons de se replier dans le cynisme vulgaire : « Tous des cons ! ». Pour les plus atteints, le comble de la rancœur misanthrope vise telle catégorie particulière : les Noirs, les immigrés, les femmes...

Pour un révolutionnaire, « l’optimisme de la volonté » n’est pas un parti pris moral, il a un contenu dynamique et pratique : plus on éprouve la jouissance, et plus on aime faire l’amour ; plus on rencontre d’individus différents, et plus on est affamé de la diversité du monde ; plus on vérifie dans l’action ses capacités à changer la vie, et plus on se découvre de nouvelles raisons d’agir.

Vade-mecum II, Paris, (première version, mai 2002).
[1] Au PC ou à Attac, le postalinien (contraction du préfixe post et du qualificatif stalinien), n’a plus la faucille et pas toujours la carte, mais il assume le rôle historique du stalinien : nuire à la révolution par tous les moyens.
[2] Révolution, Flammarion, 2003, p. 72.

dimanche, juillet 10, 2011

L’héritage sans testament des Rebelles de 1837

Les commémorations entourant la Journée nationale des patriotes sont généralement très discrètes, à un point tel qu’elles furent cette année pratiquement invisible dans l’espace public. Les martyrs et les héros constituent pourtant le butin de guerre, l’héritage symbolique permettant à l’élite de perpétuer son hégémonie idéologique. Tous les grands épisodes historiques participent ainsi à ce que le penseur Walter Benjamin appelle le « cortège triomphal » des vainqueurs. Ce cortège d’élite est chargé de ces « grands hommes » de pouvoir qui ont marqué notre « grande histoire », mais également de quelques martyrs, victimes d’une autre époque dont nous sommes heureusement sortis.

Les Patriotes forment donc une pièce de l’héritage symbolique de l’élite québécoise. À l’entendre, ces martyrs se seraient battus pour bâtir « notre » société. Ils auraient été des précurseurs de la lutte pour la souveraineté du Québec, des précurseurs de « notre » démocratie et de « nos » droits constitutionnels; bref, ils auraient été – et c’est à peu près le seul crime que l’histoire officielle pardonne – en « avance sur leur temps ».

Enfermer le passé
En considérant le passé comme la préhistoire du présent, on le purge de toute la négativité et de l’utopie dont il est pourtant traversé. L’histoire est ainsi présentée sous le mode de l’indicatif, comme un processus relatant ce-qui-était sans considérer le mode du subjonctif, du possible, de l’incertitude, bref, de ce-qui-aurait-pu-être. L’histoire perd de ce fait toute altérité. Cette enfermement fait violence au passé en le contenant dans les frontières de notre présent, mais également au futur qui, ainsi purgée de critique et d’utopie, peut désormais être considéré comme le prolongement d’un processus dont la trajectoire est prédéterminée.

Or, le mouvement patriote était un mouvement révolutionnaire qui ne trouve son prolongement en aucune des familles politiques dominant actuellement l’espace public. Les Révolutionnaires de 1837 ne se battaient pas pour l’avènement de la « démocratie » telle qu’on la connait maintenant – ce mot est d’ailleurs à peu près absents de leur discours –, mais bien pour l’avènement d’une autre société qui n’a jamais vu le jour et qui fut réprimé dans le sang.

Nier la radicalité
Dès le début des années 1830, la radicalité du mouvement se manifeste par de sanglantes émeutes (qui se font parfois à coups de fusils, de couteaux et de bâtons cloutés), par des attaques contre des manoirs, des actions directes contre « clique des bureaucrates », des charivaris, des assemblées publiques, des escarmouches contre les troubles anglaises, etc. Ces modes d’action ne sont pas ceux privilégiés par les patriotes modérés. Dès 1837, l’aile réformiste du mouvement en fuite aux États-Unis tente désespérément de favoriser un règlement diplomatique ou attend, plus simplement, que la tempête passe. C’est le cas de Papineau lui-même, ce qui lui voudra le titre peu honorable de « Grand chef » ou de « Numéro 1 » de la part des radicaux fomentant, au même moment, le deuxième soulèvement armé. Certains lui reprochaient depuis longtemps ses positions conservatrices et sa défense de la tenure seigneuriale, on parle désormais de lui comme d’un homme déshonorable.
Afin de lever son verre à la mémoire des Patriotes, notre élite libérale, conservatrice ou souverainiste doit donc préalablement épurer le mouvement rebelle de ses composantes radicales et violentes. Ce réalignement du passé sur le présent serait toutefois incomplet s’il ne se prolongeait sur le terrain de l’identité, qui est, elle-aussi, incompatible avec la conception élitiste actuelle de la Nation.

Identité en liberté
Paradoxe pour les nationalistes actuels: ce n’est pas l’appartenance à un passé commun qui fonde l’identité canadienne de l’époque, mais bien l’appartenance à un projet futur. Pour les Rebelles, l’ennemi n’est pas « Anglais » – nombre de ceux-ci se joignent d’ailleurs à leur lutte –, mais bien la « clique du château » ou encore les « bureaucrates » à la solde du statu quo. Plus encore, pour les Républicains, le terme de Canadien inclut « tous ceux qui font cause commune » pour la patrie, et c’est plutôt l’ennemi qui les accuse d’avoir dans leur rang des « étrangers ».

Loin de la nation abstraite et sans contenu propre au libéralisme contemporain tout autant que de la nation culturelle et ethnique caractéristique de l’idéologie conservatrice, les Patriotes portaient une part de critique et d’utopie irréductible à l’idéologie de notre élite contemporaine. À notre ère de conservatisme et de rectitude politique, même la frange modérée de ce mouvement historique passerait pour « extrémiste ». Quant à l’aile radicale, celle qui tenta de renverser l’ordre établi et de refonder la société sur de nouvelles bases, ses volontés de transformer la société furent écrasées dans le sang. Cette tentative d’émancipation participe à cette historique négation de la domination et de l’exploitation, c’est contre elle que furent dirigée les centaines d’arrestations, les villages incendiés, les assassinats, les viols, les pendaisons et les dizaines de déportations. Et comme ceux et celles qui désirent une transformation radicale du monde n’ont désormais plus voix au chapitre dans l’espace public, l’héritage des patriotes reste présentement sans testament. Il git toujours, comme les vaincus d’aujourd’hui, sous le cortège triomphal des vainqueurs.

mercredi, avril 13, 2011

[Libye] L'autre côté de la médaille...


Notre camarade Martiniquais Nemo, celui qui a présenté une conférence pour l'UCL, intitulée Matinik Doubout, vient de publier un texte sur la situation en Libye. Son texte, pour le moins surprenant, a le mérite de poser les questions et de pousser à une réflexion sur l'appui des pays occidentaux aux insurgé-es en Libye. Qu'on soit d'accord ou non avec sa position, celle-ci détonne de la position assez généralisée de la gauche s'opposant à l'impérialisme et du coup à cette intervention militaire. Ce texte est une contribution d'un camarade, que je tiens à préciser n'est pas une positon défendue ni par l'UCL, ni par moi, mais qui j'espère pourra soulever un débat ou du moins minimalement une réflexion parmi vous...

Depuis le 17 février le peuple libyen s’est soulevé contre la dictature de Khadafi. Soudainement, alors que les insurgés résistaient tant bien que mal à la réaction brutale des forces militaires, lourdement armées, une coalition internationale a obtenu un mandat de l’Onu pour arrêter par voie aérienne une telle agression.
Cette intervention répondait-elle seulement aux vœux des insurgés sur le point d’être massacrés ?
On peut en douter au regard du choix de ce type d’interventions militaires de par le monde ces dernières années.
Irak et Afghanistan  sont-ils  vraiment des champs d’action où l’on défend la Démocratie et la Liberté ? N’y défend-on pas plutôt  les intérêts et la vision politique de grandes puissances étrangères ?
A Bahrein les massacres continuent et, de ce côté, avec le soutien américain au gouvernement en place.
Hier Gaza voyait sa population bombardée sans que ces états aujourd’hui si « humanistes » ne lèvent alors le petit doigt.
Même chose au Rwanda en 1994 où l’Onu n’a pu  - ou plutôt n’a pas voulu - faire arrêter les massacres.

Khadafi ami ou ennemi de qui ?

Khadafi, depuis plusieurs années, avait donné  aux grandes puissances occidentales et particulièrement aux Etats-Unis tous les gages qu’on attendait de lui et même plus.
Ainsi les fonds libyens avaient participé à la remise à flot de la Fiat italienne. Le colonel avait de lui-même fait démanteler les débuts d’installations nucléaires sur le territoire libyen. Enfin il avait révélé tout ce qu’il savait sur Al Quaida, son ministre Moussa travaillant sur ce dossier en étroite relation avec le Pentagone.
Les accords s’étaient multipliés avec la France qui assurait le suivi et le maintien des éléments de l’aviation libyenne. Avec l’Italie où le Clonel ne pouvait recevoir que des baisers du Président du Conseil italien pour son acceptation du rôle de garde-chiourme à l’égard des populations tentant de franchir la Méditerranée.
Les fonds libyens étaient généreusement répandus, acceptés en silence mais avec contentement.
Il n’est donc pas exact de dire que « l’Occident » rêvait de s’emparer du pétrole libyen. Il le possédait déjà et se contentait, comme ailleurs, d’un pouvoir autoritaire et stable.
A tel point que la Libye, listée longtemps  parmi « états-voyous » par George Bush, avait été absoute finalement par ce dernier. Mieux, le « Guide » avait même présidé l’assemblée de l’ONU, jetant spectaculairement à terre ses statuts depuis la tribune, en évoquant les Droits de l’Homme.
La révolte populaire allait encore changer la donne.

samedi, novembre 20, 2010

100e anniversaire de la révolution mexicaine

Une petite pensée aujourd'hui pour tous nos camarades mexicains qui depuis 1910 ( et bien avant...) jusqu'à aujourd'hui luttent pour mener a bien les idéaux libertaires à la base de la révolution mexicaine. Pour souligner cet évènement, je vous enjoins à lire un petit texte de Ricardo Flores Magon, libertaire mexicain qui participa à la révolution. Un texte qui malheureusement est toujours d'actualité.

* * *

Tout pour tous

Il est absurde de croire que le riche détient le droit à accumuler entre ses mains la richesse. Le riche n'a pas le droit de posséder la terre puisqu'elle n'est pas son œuvre, il ne l'a pas fabriquée de ses mains. La terre doit être, pour cette raison la propriété de tous les êtres humains. N'importe quel titre qui protège la possession d'une partie déterminé de terre, pour une personne, est un titre qui soutient l'inégalité, parce que cela prive le reste des gens du droit d'user des choses qui appartiennent à tous. La terre est notre mère, la mère de tous les êtres humains, et c'est pour cette raison, qu'aucun d'entre nous ne peut la réclamer pour un usage personnel qui engendrerait l'exclusion des autres. Comme la vrai mère qu'elle est, elle appartient en entier à tous ses enfants, les humains. Il est inutile d'alléguer que ceux qui possèdent la terre l'ont acheté; celui qui l’a vendue a vendu quelque chose qui ne lui appartenait pas. Tout autant inutile d'alléguer qu'elle a été acquise à travers un héritage; celui qui l'a légué en héritage a légué une chose qui ne lui appartenait pas, puisqu'elle appartient à tous les humains. Inutile aussi d'argumenter qu'elle a été obtenue dans une guerre de conquête, étant donné que ce serait justifier le crime qu'on nomme conquête.

Personne ne peut s'approprier les mines, les carrières, les forêts, les sources, parce que tout cela forme une partie intégrante de la terre, et doit être propriété de tous les êtres humains.

Personne ne peut profiter, en excluant les autres, des maisons, des machines, des trains et des autres moyens de transport, ainsi que des marchandises de toutes sortes accumulées dans les entrepôts, les greniers, les magasins etc., étant donné que tout doit être considéré pour ce qu'il est : le résultat du travail des générations passées et de la présente. Puisque tous les humains ont coopéré dans la production de cette richesse, celle-ci doit être propriété de tous sans exception; autant de l'ingénieur que du manœuvre, de l'astronome que du boulanger, de l'artiste et du savant comme du menuisier et du maçon. Il est impossible pour l'ingénieur de déclarer qu'il doit obtenir la majeur partie des bénéfices parce que sans ses calculs mathématiques il aurait été impossible de monter les ponts, de percer les tunnels, de construire les édifices etc., puisque s'il en était ainsi, le travailleur manuel pourrait alléguer, et ce avec raison, que sans ses bras et son cerveau toute la science de l'ingénieur serait impuissante pour terminer les œuvres entreprises, l'agriculteur et le meunier pourraient dire à l'ingénieur que sans eux il n'aurait pas obtenu de viande, de légumes, de lait ou d'œuf et ainsi il n'aurait pas pu faire ses calculs et sans le tailleur et le cordonnier il n'aurait aucun vêtement à porter et ses pieds ne seraient pas aussi confortables dans une paire de souliers.

Personne ne peut réclamer de privilèges exclusifs pour lui-même en se basant sur sa participation dans la production de la richesse sociale. Le travail de l'ingénieur, du médecin, du savant et de l'artiste est aussi bon et aussi utile que celui du manœuvre, du maçon, du menuisier, du métallurgiste, du mineur, du tailleur, etc. Tous ont le droit de jouir des richesses sociales qui aujourd'hui se retrouvent entre les mains de certains bandits que l'on nomme riches ou bourgeois.

Nous devons faire table rase des bourgeois, des autorités, des militaires, des policiers et du clergé en même temps qu'exproprier la richesse sociale pour en faire enfin la propriété de tous et la révolution sociale aura triomphé, mes frères déshérités. Mettons en pratique les principes du manifeste du 23 septembre 1911, mes frères enchaînés et arrêtons de nous sacrifier à vouloir élever quelqu'un à la présidence de la république. À celui qui nous demande notre vote, répondons-lui avec nos balles!

Regeneraciòn, no. 196, 18 juillet 1914

* * *  
RFM en personne

Enfin, pour en connaître un peu plus sur l'oeuvre et la vie de R Flores Magon je vous conseille de lire la petite brochure édité par l'UCL: Ricardo Flores-Magon et la révolution mexicaine. Mais aussi ce texte de synthèse qui explique brièvement les liens a faire entre la situation en 1910 et celle en 2010. L'auteur est un peu trop en faveur du PRD... mais bon, ça vaut quand même la peine d'être lu.

SOLIDARITÉ!

jeudi, février 26, 2009

1er mai anticapitaliste


Vers un Premier Mai 2009 anticapitaliste à Montréal !

L'heure est grave. Le monde entier traverse une crise économique, environnementale et sociale sans précédent. Une crise qui a des répercussions désastreuses sur la vie de milliards d'êtres humains ; pertes massives d'emploi, baisses de salaires, faillites à la chaîne, sous-alimentation, appauvrissement, guerres et désespoir grandissant.

Comment en sommes-nous arrivés là? Comment des sociétés qui produisent autant de richesses peuvent-elles être plongées dans une insécurité économique d'une telle ampleur? La raison est simple, elle réside dans la fixation maladive de surenchère du profit des grands argentiers. C'est cette même fixation qui dicte les lois de la production, de la surconsommation, de l'endettement et de la spéculation.

Tous les soirs aux nouvelles, politicien-ne-s et hommes d'affaires nous servent la même vieille salade pourrie. Ils tentent de nous faire avaler qu'il ne s'agit là que d'un mauvais moment à passer et que le système capitaliste n'est pas à remettre en cause. Pour eux, la solution se trouve dans l'augmentation de la production, des réductions de salaires et de grasses subventions à leurs petits copains, les propriétaires d'industries polluantes et autres banquiers véreux.

Alors que ce sont ces mêmes banquiers qui nous ont mis dans le pétrin, alors que tout le monde s'entend pour dire qu'il est urgent de remédier au désastre écologique actuel et que plus d'un milliard de personnes souffrent de la faim, nos gouvernements préfèrent continuer de nous gaver de fausses illusions plutôt.

Parce que de toute façon, les répercussions de la crise, ce ne sont pas eux qui les vivent. Au contraire, ils profitent de la situation pour nous faire passer des mesures toujours à droite sous prétexte qu’il faut se serrer la ceinture; augmentation des tarifs d’électricité et de transports, coupe dans les programmes sociaux, privatisation de la santé etc. Ce qu’ils oublient de mentionner, c’est que pendant que le monde crève de faim, eux, continuent de vivre sur notre dos.

On ne se fera pas avoir par leurs menteries! Nous n'avons aucune raison d'espérer que les parlementaires et les gros bigshots de la finance mondiale vont nous tirer du gouffre dans lequel nous nous enfonçons, pour la simple et bonne raison que ça fait leur affaire. Et ce n'est pas la nomination d'Obama à la tête des États-Unis qui va y changer quelque chose.

Nous ne pouvons pas non plus nous contenter de petites réformettes gauchistes qui ne seraient rien de plus que de la vulgaire poudre aux yeux. Le problème, ce n'est pas la crise, c'est le capitalisme! Le capitalisme est un monde ou la majorité de la population souffre, où la guerre est un moyen comme un autre de faire de l'argent et ou la destruction de la planète est un « mal nécessaire » à un certain progrès.

Tant qu'on vivra dans un système fondé sur l'accumulation irrationnelle du profit et non sur les besoins humains, tant qu'on vivra dans une société qui permet à une infime minorité de concentrer une part grossièrement disproportionnée des richesses, et ce, au détriment des conditions de vie de la majorité d'entre-nous et de l'environnement, aucune issue n'est possible!

La vie peut et doit être meilleure. Nous devons nous organiser et lutter ensemble pour renverser ce système qui a fait son temps! Partout à travers le monde, le 1er mai, les travailleurs, les travailleuses, les sans-emploi et les opprimé-e-s manifestent contre la misère, la pauvreté et les injustices. Cette journée commémore le souvenir de la grève de Chicago en 1886. Les grévistes qui revendiquaient la réduction des heures de travail ont étés sévèrement réprimé-e-s, certain-e-s y laissèrent leur peau. Le 1er mai c'est aussi l'occasion de se rassembler et de dire qu'on en a assez de ce monde pourri.

Pour la première fois à Montréal, en 2008, une manifestation autonome et anticapitaliste était organisée sur une base unitaire à l'occasion de la Fête internationale des travailleuses et travailleurs. Une foule de plus de 800 personnes a pris la rue pour crier sa colère contre le statu quo. Cette manifestation a subi la répression policière, mais nous ne devons pas leur donner la satisfaction que leurs tactiques d'intimidation fonctionnent en restant sagement à la maison.

C'est pourquoi, cette année encore, nous appelons à la tenue d'un Premier Mai anticapitaliste à Montréal! Disons haut et fort que nous en avons assez de cette clique de privilégiés qui n'ont jamais assez de profits!

Les groupes signataires de cet appel vous invitent à vous joindre à eux et à mobiliser pour faire du Premier Mai 2009, une journée historique!
Pour information : 1ermai2008@gmail.com.

Une invitation des groupes suivants : La Pointe Libertaire, Le Parti communiste révolutionnaire, L’Union des Communistes Libertaires - Montréal, RASH, ANTIFA, ANARKIA, Le Comité des sans-emploi Montréal-Centre, La Coalition contre la Répression et les Abus Policiers.