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mercredi, août 20, 2008

L'irraisonnable émeute



L’émeute est un début de débat. Cette explosion, qui en entraîne ou n’en entraîne pas d’autres, est le premier son, négatif, de la parole libre, l’exigence première de tout changement qualitatif.

– Observatoire de téléologie, 1990.

Alors que le corps du jeune Fredy Alberto Villanueva était à peine refroidi, policiers et journalistes solidaires se remuaient énergiquement dans la soue afin de modérer l’indignation collective. Il faut attendre…On ne sait pas ce qui s’est passé. L’enquête sur la mort du jeune homme sera faite selon les règles de l’art, rien à craindre : la police s’en charge… Le tout est entre bonnes mains.

La jeunesse de Montréal-Nord, elle, a décidé de ne pas attendre. De toute façon, une police c’est une police… Rien à foutre des témoignages préfabriqués et des enquêtes bidons. La procédure, c’est leur procédure, non ? La justice ? Pfff… Allons, un peu de sérieux. On la connaît un peu trop. Elle rapplique, quotidiennement, arrogante, méprisante et raciste, la «justice». On peut voir tes papiers ? Tu sais que t’as pas le droit d’être dans un parc après 11 heures ? Tu veux un ticket mon ti-neg ?

Pendant une nuit, la jeunesse du quartier a cessé d’espérer et de désespérer. Animée par la haine, la colère, la peur et la joie, elle a agi. Elle a détruit des voitures de police, des commerces, des automobiles. Elle s’est dressée devant les forces de l’ordre, de l’État, pour lui faire savoir que son seuil de résignation était atteint. L’instant d’un moment, elle a imposé sa propre volonté au lieu de subir celle, systématique et violente, du pouvoir. Face au conservatisme objectif de l’État, elle a opposé le bordel de sa propre subjectivité.

Loin de l’humiliation, du racisme, des taloches, des jobbines minables, des logements insalubres, des murs beiges et gris des écoles, de l’isolement, des règlements, des lois, des parents qui ne comprennent rien, des beaux discours blancs des politiciens, de la platitude du quotidien, du passé déjà trop lourd et de l’avenir déjà bouché: pour une fois, pendant à peine quelques heures, cette jeunesse s’est mise en scène. Elle a reconquis une mince parcelle de réalité… et y a foutu le feu.

Face à cette vive révolte, certains optent pour la manière forte. Ce sont des voyous, des meutes sauvages, de la racaille! Cessons de les victimiser : il faut plus de matraques, plus de contrôle ! Un décès par balle, semble-t-il, représente l’occasion rêvée de remettre en cause les pratiques «communautaires» des forces de l’ordre. D’ailleurs, ils vous le diront, les policiers sont trop petits et trop polis. Assez de bla-bla-bla communautaires. Il nous faut du muscle ! Il faut de la droiture ! D’autres, tout en condamnant les émeutiers, sont toutefois moins grossiers, moins rudimentaires. Ils cherchent, analysent, tentent de comprendre l’économique, le politique, le culturel. Si la répression est nécessaire, il faut que cesse le profilage racial. Il faut une enquête impartiale, des programmes, de l’argent. Il faut intégrer ces jeunes à la «bonne» société, leur trouver une place, les faire travailler afin qu’ils se sentent «utiles».

Face à ces événements, alors, une seule réponse, triste, poussiéreuse et glauque, par laquelle aucune transformation essentielle ne pourra advenir. C’est la trajectoire de la carotte ou celle du bâton, deux chemins escortant la tapageuse jeunesse vers l’unique et ennuyeuse destination de la citoyenneté tranquille, de l’aliénation du travail et de l’obéissance.

M.A.C.