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jeudi, juin 28, 2012

Anarchisme en Asie de l'Est (1/3) - Isabelo de los Reyes

Le premier texte de trois traduits de l'ouvrage Black Flame!  Une première série portant sur les mouvements anarchistes en Asie de l'Est.

*   *   *


L'anarchisme et le syndicalisme se répandirent en Asie de l'Est au début du 20ième siècle et atteignirent leur point culminant dans les années 1920. Les premières influences anarchistes et syndicalistes émergèrent dans les Philippines où une présence déterminante fut celle de Isabelo de los Reyes (1864-1938).



Né au sein d'une famille Ilocano pauvre - dont la mère est une poète connue - dans la petite ville côtière de Vigan sur l'île septentrionale de Luzon, De los Reyes est élevé par de riches proches. Il fuit pour étudier à l'Université de Manille et y publie le journal El Ilocano ainsi que plusieurs études anthropologiques. Après la répression qui suivit la révolte philippine manquée de 1896, De los Reyes est emprisonné dans la célèbre prison de Montjuich à Barcelone. Il y découvre, au contact de camarades espagnol-e-s, l'anarchisme. À son retour aux Philippines, il est armé des oeuvres de Darwin, Kropotkine, Malatesta, Marx et Proudhon, et se lance dans le travail syndical. Malgré le fait qu'il soit un petit capitaliste, De los Reyes privilégie les idées et pratiques syndicales espagnoles :

 Ses succès avec les grèves organisées encouragèrent d'autres secteurs à suivre son exemple et le syndicat devint rapidement une fédération décentralisée de type barcelonais - une Union Obrera Democratica (Syndicat ouvrier démocratique) - qui aurait eu les louanges de Tarrida del Maramol, l'anarchiste cubain partisan de l'«anarchisme sans adjectifs». Les autorités américaines assistèrent avec incrédulité et inquiétude à la vague de grèves à grande échelle qui déferla sur Manille et ses alentours. Plusieurs de ses grèves furent des succès parce qu'elles étaient complètement inattendues tant par les capitalistes que par les gestionnaires.

De los Reyes fut éventuellement remplacé au sein du Syndicat ouvrier révolutionnaire par Hermenegildo Cruz. Ce dernier était un travailleur autodidacte influencé par l'anarchisme qui traduisit des oeuvres d'Élisée Reclus en Tagalog. De los Reyes devint pour sa part politicien. Il devint paralysé en 1929 à la suite d'un arrêt cardiaque et mourut en 1938. Le Syndicat ouvrier démocratique s'effondra en 1903, mais son impact fut important : l'organisation était pionnière dans le mouvement syndical philippin et dans la gauche politique plus largement, et inspira les autres courants syndicats d'importances en Asie de l'Est.


Exécution du poète et romancier José Rizal en 1896 par les autorités espagnoles aux Philippines

après un simulacre de procès. On voit au centre les toges noires des prêtres catholiques qui

exercent une influence prépondérante dans les colonies espagnoles.



Extrait tiré de Black Flame (2009 : 167-168).




samedi, juillet 16, 2011

Mardi : 75 ans de la révolution espagnole

Cliquez sur l'image pour la voir en plus grand.


Plus d'information sur le site de l'UCL.

mercredi, juillet 13, 2011

[France] La grande grève des mineurs de 1948

Au mois de juin, la cour d'appel de Versailles a rendu un verdict des plus surprenant. Elle a tranché en faveur de 17 mineurs qui avaient été licencié suite à une grève...en 1948! Ces mineurs avaient participé à la longue grève dans le bassin minier du nord de la France. La cour a reconnu qu'ils avaient bel et bien été licencié pour fait de grève et a condamné les charbonnages de France a dédommager les 17 familles d'une somme de 30 000 euros. Évidemment, plusieurs de ces mineurs sont décédés depuis.


La grève de 1948, malgré son ampleur, est une grève presque oubliée dans l'histoire du mouvement ouvrier. On retrouve un texte ici et là, parfois un paragraphe ou deux dans un bouquin sur le mouvement ouvrier, mais rien de plus. Et pourtant, cette grève des mineurs, appelée par la CGT, fut votée par 218 616 des 259 204 mineurs (84%) et dura plus de 8 semaines, soit les mois d'octobre et de novembre 1948. Une grève pour du pain et des hausses salariales au lendemain de la guerre et de l'effort de l'après-guerre des "mineurs héros de la France" qui avaient pour mandat de restaurer les ressources énergétiques d'une France anéantie par l'occupation allemande. Cette grève fut ponctuée d'une violence policière et militaire inouïe. Les généraux humiliés d'avoir été battu en quelques jours par les allemands, quelques années plus tôt, purent prendre une revanche sur des mineurs désarmés. Les grévistes furent réprimés aux lacrymo utilisés lors de la guerre et importés d'Allemagne, mitraillés avec des armes américaines et leurs barricades détruites au canon. Il y eut au total plus de 3000 arrestations et 2783 condamnés. Parmi eux, 1073 furent condamnés à la prison ferme, 244 condamnés avec amende en sursis et 375 à la prison et des amendes fermes (source). Au Québec, on se rappellera, que l'année suivante, soit en 1949,  la grève d'Asbestos sera aussi le théâtre d'une répression brutale par l'État.

Les CRS firent les arrestations, par le biais de listes de noms de militants communistes, socialistes ou syndicalistes. Une tactique précédemment utilisés en 1941 par la Gestapo lors des grèves, en pleine guerre,  dans le bassin minier. De là est apparu le slogan "CRS=SS", en raison des méthodes similaires d'arrestation. À la différence près, qu'en 1941, la France était occupée par les troupes nazi, alors qu'en 1948, c'était Jules Moch, ministre de l'intérieur qui était le chef d'orchestre de cette répression. Il faut savoir, qu'en 1948, le SFIO, l'ancêtre des socialistes est au pouvoir et que Jules Moch est membre de ce parti! Au sommet de la répression, le ministre socialiste déploiera plus de 60 000 soldats et CRS en armes contre 15 000 grévistes, sous prétexte que c'était une "grève insurrectionnelle" et que les mineurs étaient manipulés par Moscou.

À tout ceci s'ajoute la mort de 4 mineurs lors des répressions sanglantes, entre autre par balle et de 2 autres en prison.

Ce qui poussa même John Lewis, dirigeant du syndicat étasunien United Mine Workers à adresser à Léon Blum, alors dirigeant des socialos, ce message: 
 Vous devriez mettre de la nourriture dans les estomacs rétrécis des mineurs français, plutôt que de tirer des balles américaines dans leurs corps mal nourris ! En payant des salaires aux mineurs français de 30 ou 40 dollars par mois, on commet un déni de justice ! 
 
Même si une partie de la gauche crie victoire face à cette décision de la cours, on peut toutefois être sceptique quant à la portée de cette victoire en comparaison de la répression sanglante par les socialistes de l'époque... 



Évidemment, cette grève qui n'était pas à l'origine appelé par les communistes, fut  appuyée par les communistes français qui participèrent activement à celle-ci. D'ailleurs, si le sujet vous intéresse, je vous invite fortement à écouter en balado-diffusion la série en 3 parties présentée sur les ondes de l'émission française animée par Daniel Mermet, Là Bas Si J'y Suis.

Partie I
Partie II 
Partie III

De plus, un film de combat de l'époque, relatant la grève, et dont la plupart des copies ont été détruites par les flics, est disponible en ligne et nous vous le présentons ici sur ce blogue. La dernière scène du film, avec les mineurs expulsés par les flics et l'armée, est émouvante. Les mineurs défaits quittent le bassin au chant de l'Internationale. Des images qui démontrent tout le courage de ces hommes qui se battaient contre l'exploitation et pour la dignité de leurs camarades.

Bonne écoute!

dimanche, juillet 10, 2011

L’héritage sans testament des Rebelles de 1837

Les commémorations entourant la Journée nationale des patriotes sont généralement très discrètes, à un point tel qu’elles furent cette année pratiquement invisible dans l’espace public. Les martyrs et les héros constituent pourtant le butin de guerre, l’héritage symbolique permettant à l’élite de perpétuer son hégémonie idéologique. Tous les grands épisodes historiques participent ainsi à ce que le penseur Walter Benjamin appelle le « cortège triomphal » des vainqueurs. Ce cortège d’élite est chargé de ces « grands hommes » de pouvoir qui ont marqué notre « grande histoire », mais également de quelques martyrs, victimes d’une autre époque dont nous sommes heureusement sortis.

Les Patriotes forment donc une pièce de l’héritage symbolique de l’élite québécoise. À l’entendre, ces martyrs se seraient battus pour bâtir « notre » société. Ils auraient été des précurseurs de la lutte pour la souveraineté du Québec, des précurseurs de « notre » démocratie et de « nos » droits constitutionnels; bref, ils auraient été – et c’est à peu près le seul crime que l’histoire officielle pardonne – en « avance sur leur temps ».

Enfermer le passé
En considérant le passé comme la préhistoire du présent, on le purge de toute la négativité et de l’utopie dont il est pourtant traversé. L’histoire est ainsi présentée sous le mode de l’indicatif, comme un processus relatant ce-qui-était sans considérer le mode du subjonctif, du possible, de l’incertitude, bref, de ce-qui-aurait-pu-être. L’histoire perd de ce fait toute altérité. Cette enfermement fait violence au passé en le contenant dans les frontières de notre présent, mais également au futur qui, ainsi purgée de critique et d’utopie, peut désormais être considéré comme le prolongement d’un processus dont la trajectoire est prédéterminée.

Or, le mouvement patriote était un mouvement révolutionnaire qui ne trouve son prolongement en aucune des familles politiques dominant actuellement l’espace public. Les Révolutionnaires de 1837 ne se battaient pas pour l’avènement de la « démocratie » telle qu’on la connait maintenant – ce mot est d’ailleurs à peu près absents de leur discours –, mais bien pour l’avènement d’une autre société qui n’a jamais vu le jour et qui fut réprimé dans le sang.

Nier la radicalité
Dès le début des années 1830, la radicalité du mouvement se manifeste par de sanglantes émeutes (qui se font parfois à coups de fusils, de couteaux et de bâtons cloutés), par des attaques contre des manoirs, des actions directes contre « clique des bureaucrates », des charivaris, des assemblées publiques, des escarmouches contre les troubles anglaises, etc. Ces modes d’action ne sont pas ceux privilégiés par les patriotes modérés. Dès 1837, l’aile réformiste du mouvement en fuite aux États-Unis tente désespérément de favoriser un règlement diplomatique ou attend, plus simplement, que la tempête passe. C’est le cas de Papineau lui-même, ce qui lui voudra le titre peu honorable de « Grand chef » ou de « Numéro 1 » de la part des radicaux fomentant, au même moment, le deuxième soulèvement armé. Certains lui reprochaient depuis longtemps ses positions conservatrices et sa défense de la tenure seigneuriale, on parle désormais de lui comme d’un homme déshonorable.
Afin de lever son verre à la mémoire des Patriotes, notre élite libérale, conservatrice ou souverainiste doit donc préalablement épurer le mouvement rebelle de ses composantes radicales et violentes. Ce réalignement du passé sur le présent serait toutefois incomplet s’il ne se prolongeait sur le terrain de l’identité, qui est, elle-aussi, incompatible avec la conception élitiste actuelle de la Nation.

Identité en liberté
Paradoxe pour les nationalistes actuels: ce n’est pas l’appartenance à un passé commun qui fonde l’identité canadienne de l’époque, mais bien l’appartenance à un projet futur. Pour les Rebelles, l’ennemi n’est pas « Anglais » – nombre de ceux-ci se joignent d’ailleurs à leur lutte –, mais bien la « clique du château » ou encore les « bureaucrates » à la solde du statu quo. Plus encore, pour les Républicains, le terme de Canadien inclut « tous ceux qui font cause commune » pour la patrie, et c’est plutôt l’ennemi qui les accuse d’avoir dans leur rang des « étrangers ».

Loin de la nation abstraite et sans contenu propre au libéralisme contemporain tout autant que de la nation culturelle et ethnique caractéristique de l’idéologie conservatrice, les Patriotes portaient une part de critique et d’utopie irréductible à l’idéologie de notre élite contemporaine. À notre ère de conservatisme et de rectitude politique, même la frange modérée de ce mouvement historique passerait pour « extrémiste ». Quant à l’aile radicale, celle qui tenta de renverser l’ordre établi et de refonder la société sur de nouvelles bases, ses volontés de transformer la société furent écrasées dans le sang. Cette tentative d’émancipation participe à cette historique négation de la domination et de l’exploitation, c’est contre elle que furent dirigée les centaines d’arrestations, les villages incendiés, les assassinats, les viols, les pendaisons et les dizaines de déportations. Et comme ceux et celles qui désirent une transformation radicale du monde n’ont désormais plus voix au chapitre dans l’espace public, l’héritage des patriotes reste présentement sans testament. Il git toujours, comme les vaincus d’aujourd’hui, sous le cortège triomphal des vainqueurs.

vendredi, mai 20, 2011

Le populisme faux remède à la déchéance du capitalisme.

Notre camarade Martiniquais Nemo, celui qui a présenté une conférence pour l'UCL, intitulée Matinik Doubout, vient de publier un nouveau texte sur le populisme. Il y fait un portrait historique de cet arme du pouvoir utilisé tant par la gauche que la droite. Nous le publions ici en "quasi exclusivité"! Bonne lecture!
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Depuis quelques années on évoque la montée du populisme. Les ouvrages se succèdent. Phénomène social lié à la médiatisation, à rapprocher de ce que l’on appelle aussi déjà depuis un certain temps  la « pipolisation » ? Montée inquiétante d’un mouvement politique d’extrême-droite ?

Le populisme, un terme à signification évolutive.

Le populisme se caractérise par une volonté de critique radicale de l’ «establishment » politique, voire des institutions,  et la mise en avant d’un leader salvateur cristallisant les aspirations populaires. Au XIX siècle en France le général Boulanger est l’un de ces personnages marginaux  mis en avant par les bourgeois et soutenu par une partie des travailleurs.
Mais la signification du populisme a évolué dans l’Histoire. Dans les années 1930 il désigne encore des partis et organisations de centre droit qui usent avant tout de la démagogie en flattant les pauvres et les classes moyennes Le populisme transparait bien sûr dans les fascismes. Il va être vu aussi en France, avec l’UDCA de Pierre Poujade dans les années 1950, comme un prémisse de l’extrême-droite.
En Amérique latine Péron ou plus tard Chavez, s’ils peuvent représenter un populisme sans grande profondeur et donc un pouvoir fort (caudillisme), ne peuvent être assimilés à des fascistes même si le lider argentin s’en était inspiré.
Le populisme est donc avant tout basé sur la démagogie et non pas sur des analyses approfondies des faits économiques ou sociaux. Surgissant le plus souvent dans les moments de crise, il nie la lutte de classes en prétendant à un rassemblement derrière le chef. Il encourage  la xénophobie, fait appel à un passé mythifié en vue d’une unité. Mais il n’apporte aucune solution. Pire il laisse le pays où il a pu régner quelque temps, exsangue, encore plus désemparé qu’avant sa prise de pouvoir. Ainsi en a-t-il été après le départ de l’épouse de Peron successeuse du vieux dictateur défunt dans les années 1970. Car ayant pour politique  la conduite des affaires par une prétendue élite au dessus des « vieilles institutions démocratiques », se plaçant au dessus de toute démocratie, il ne prépare évidemment en rien les populations à prendre eux-mêmes leurs affaires en mains, tout au contraire. Il cultive l’attentisme, la passivité et l’irrationnel dont il se nourrit pour parvenir au pouvoir.
Mais aujourd’hui la signification du terme a évolué. En Europe ou aux Etats-Unis il caractérise des partis et organisations d’extrême-droite dont certains sont déjà sinon aux marches du pouvoir du moins très influents..

lundi, septembre 06, 2010

Fêter le travail?

Drôle d'idée, quand même, que de fêter le travail. Vous saviez déjà ça, j'imagine, mais le terme « travail » nous vient du latin tripalium, un instrument de torture. Signifiant « trois pieux », ou « trois poutres », les condamnéEs y étaient généralement attachéEs, torturéEs, puis leurs corps brûlés.

 Béni soit le travail - Louez le seigneur 

Aujourd'hui, donc, on fête le travail. On fait pas mal juste ça en Amérique du Nord. Partout ailleurs, c'est le 1er mai, journée des travailleurs et des travailleuses et de commémoration des luttes ouvrières, qui est un congé férié. Ici, c'est le gouvernement canadien qui adopte une loi, vers 1894, pour officialiser que le premier lundi de septembre soit "Fête du travail". Il souhaite ainsi s'assurer d'un support au sein de la classe ouvrière... et par le fait-même encadrer le mouvement syndical.

mercredi, mars 31, 2010

Les 20 ans des émeutes de la Poll Tax

 Drôle de coïncidence... Hier, c'était le dépot d'un budget dévastateur, demain c'est la grande manif contre les hausses de tarifs et aujourd'hui c'est le vingtième anniversaire de la fameuse émeute de la Poll Tax à Londres!

Le 31 mars 1990, avait lieu le grand rassemblement a Londres contre la Poll Tax. C'est qui cette affaire là? C'était une nouvelle taxe que Margaret Thatcher voulais appliquer. Ça consistait en une taxe pour les services publique par habitant, au lieu d'être une taxe qui s'appliquait aux propriétaires d'immeuble. Donc, une taxe qui frappait durement les moins nantis.

Faut pas oublier qu'au court des années 80, Thatcher, surnommé la "Dame de l'Enfer"... non, "de Fer"... avait appliqué la recette, bien connu maintenant du néo-libéralisme: coupures, privatisation, réduction de l'État, libre-échange. La grève des mineurs fut certainement un moment phare de la résistance à son règne, mais aussi les grandes émeutes dans les villes industrielles durement touchés par le chômage à cause des ses politiques conservatrices.

Quoi qu'il en soit, la Poll Tax c'est la goute qui fait déborder le vase. Tout au long de l'année, les mouvement de protestation avaient organisé des assemblées publiques, des boycott de la taxe et des manif qui plus d'une fois ont tournée a l'affrontement.

Le 31 mars, la tension est forte, alors que des centaines de milliers de personnes se rendent à Trafalgar Square pour dénoncer la Poll Tax. La police, incapable de garder son sang froid, fini par attaquer les manifestants et toutes ces personnes venus pour une marche familiale décident de garder la tête haute et d'affronter le bras armé de l'État. Une des plus grosses émeutes de l'histoire récente de la Grande-Bretagne s'en suit...

Ça donne matière a réflexion en ce qui concerne le contexte Québécois, les similarités sont frappantes. Faut aussi souligner que suite aux affrontements, Thatcher et son gouvernement ont démissionné... et la Poll Tax fut aboli. Voici ce que Ian Bone, membre du défunt groupe anarchiste Class War dit du succès de cette émeute dans un petit texte explicatif assez complet :


“The riot succeeded, basically because it was a mass movement involving hundreds of thousands if not millions of people who were prepared to resist paying the tax and to take direct action on the streets. Plus a lot of people really hated Thatcher and her time was up by then; past her sell by date. The lesson is, direct action on the streets works.”

Pour les fanatiques de Riot Porn:


Un documentaire complet sur les événements de Trafalgar Square (dont on peut voir une version écourté de très mauvaise qualité ici )


mercredi, janvier 27, 2010

La fin du monde recule d'une minute...


C'est un peu après la Deuxième Guerre mondiale que des «scientifiques de l'atome» ont eu cette drôle d'idée d'une horloge de la fin du monde, espérant peut-être par ce noble geste apaiser l'angoisse d'avoir contribué à faire péter Hiroshima.

Le Bulletin of Atomic Scientists alerte donc l'humanité en 1947 qu'il lui reste, métaphoriquement, sept minutes à vivre. Le temps étant ce qu'il est, on se ramasse en 1953 avec deux minutes avant l'annihilation qui tue. Maudite Guerre froide, hein. Par la suite, ça se place. On recule à 7, puis à 12, puis on joue aux montagnes russes. Il y a quelques jours, l'espérance de vie de l'humanité a grimpé d'une minute : il est minuit moins six.

Soixante ans plus tard, quel bilan sinon d'avoir contribué, par la force des choses, à banaliser sans jamais le nommer les impacts néfastes du capitalisme? Ces gens doivent être bourrés de bonnes intentions...

Et pourtant, ça manque cruellement d'analyse. Pour des scientifiques, quel intérêt y a-t-il à mesurer la température, la constitution de l'atome ou la menace  d'une «destruction catastrophique» sans une compréhension adéquate des précédents phénomènes ni hypothèses à in/valider? Hélas, à la barre de leur horloge spectaculaire, ces scientifiques se contentent de bêtement jouer un amalgame entre devins et pseudo-analystes poches. The show must go on!

Leur site dresse l'évolution du funeste compte à rebours. Par ici, à conditions d'avoir quelques minutes à perdre - et vous ne pourrez malheureusement pas, dans la vraie vie, jouer avec l'heure selon vos envies du moment.

mercredi, septembre 16, 2009

La Marseillaise canadienne

La Marseillaise canadienne est à la fois l'un des textes les plus romantiques et… étranges qui soit. Lors d'une manifestation en soutien aux deux députés républicains emprisonnés de Montréal-Ouest, en 1832, la troupe tire sur la foule et fait trois morts (voir la grvure d'époque à gauche). Ces événements seront par la suite connus comme « le massacre du 21 mai ». Des assemblées de protestation sont tenues à Saint-Benoît, à St-Rémy de Napierville, à Chambly, à Saint-Hyacinthe, à L'Assomption, etc., et quelques 5000 personnes de langues et de croyances différentes assistent aux funérailles des martyrs. Une partie d'entre eux entonne « La Marseillaise canadienne ». Alors que la Marseillaise française est à la même époque interdite en France, la version canadienne la dépasse largement en radicalisme. Elle compte même de nombreux appels à l'anarchie au moins 8 ans avant que Proudhon ne fasse usage du terme… soi-disant pour la première fois.

Présence d'anarchisme avant l'heure en terre d'Amérique du nord ? Curieux hasard créé par la magie de la poésie ? À vous de juger, l'auteur nous est encore inconnu, de même que le rayonnement véritable qu'a eu cette chanson à l'époque. La seule chose qu'on sait, c'est que la Marseillaise canadienne sera à nouveau transformée plusieurs années plus tard pour devenir un hommage à Louis Riel, le métis pendu en 1885.

La Marseilaise canadienne (1832)

1.
Allons ! Enfants de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé;
D'une trop longue tyrannie

Le sceptre de fer est usé (bis)
Entendez-vous tomber les chaînes
Des deux braves concitoyens ?
Le remords brise leurs liens
Liberté tu nous les ramènes!

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!
Partons! Marchons!
Qu'un peuple entier
Suive nos pavillons

2.
Voyez quelle pompe s'apprête
Pour célébrer un si grand jour
L'anarchie entière est en fête,
Au souvenir de leur retour (bis)
On part, on, court, on a des ailes
Malgré la rigueur des autants,
Troupeaux de vieilles et d'enfants
Encombrent toutes nos ruelles

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!
(…)

3.
Venez célébrer leur mémoire,
Grands politiques journaliers!
Mais, de peur de noircir leur gloire,
Débarbouillez-vous, charbonniers (bis)
Cependant, gardez-vous de croire
Qu'on dédaigne vos noirs chariots!
Non! Ils traîneront nos héros
Aussi bien qu'un char de gloire.

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!
(…)

4.
Vous que de hautes destinées
Tiennent enchaînés sur nos toits,
En ramonant nos cheminées,
Dites, au moins cent et cent fois (bis)
« Vive notre démocratie!
Patriotes cabaretiers,
Vivent ramoneurs, charbonniers
Nobles champions de l'anarchie!»

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!
(…)

5.
Mais, peuple souverain, silence!
Voici venir tes défenseurs
Fais tonner ta mâle éloquence,
Grêler tes coups de poings vainqueurs (bis)!
Peins la liberté, ses miracles;
Voilà ses martyrs parmi nous
Qu'ils ne pensent plus aux verrous
Et soient sans cesse nos oracles!

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!
(…)

6.
Enfin le drapeau tricolore
Vient se déployer à nos yeux!
Sur ce sol va-t-il donc encore
En héros transformer des gueux ? (bis)
N'en doutons point! Ce guet-apens,
Qu'il réunisse – il en est temps –
Les vrais enfants de l'anarchie!

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!
(…)

7. Mais, si notre réjouissance
Signale leur heureux retour,
Notre vive reconnaissance
Leur droit un tribut en ce jour (bis)
Ce n'est point assez des culottes
Dont nous rappellent leurs menottes !

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!
(…)

8.
Promenez de ville en village
Tracey, Duvernay, Papineau,
Morin, Lafontaine, Bourdage,
Letourneau, Boissonneau,
Mousseau! (bis)
Que de ces grands noms toute bouche
Publie en baillant les hauts faits!
Qu'en leur honneur tous nos mousquets
Fassent péter une cartouche!

Campagnards, citadins,
Formez vos bataillons!

(…)

Si vous désirez lire en entendre d'autres chants révolutionnaires de l'époque, rendez vous à ce site, dans la section sur les patriotes, vous trouverez paroles, musiques et partitions:

http://anonym.to/?http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf4/quebec/histoire/index.html

dimanche, septembre 13, 2009

Il y a 40 ans en Italie, l’automne chaud de 1969 : (1\2) Du mai rampant à l’automne chaud, un historique des luttes.

Cette semaine nous vous proposons le premier de 2 textes sur l’un des points culminants des mouvements de grèves et de lutte révolutionnaire de la deuxième moitié du 20ième siècle, l’automne chaud italien de 1969. Ces textes porteront dans un premier temps sur l'historique des luttes et dans un deuxième temps sur l'aspect politique des groupes militants qui ont pris part à ce mouvement. Il est évident que ces textes ne sont qu'un survol de la masse d'informations disponibles à ce sujet. C'est pourquoi les références à la fin des textes (dont certains bouquins incontournables sur le sujet), vous permettrons, si vous le désirez d'approfondir le sujet

Du mai rampant à l’automne chaud, historique des luttes.

Lorsqu’on pense à la fin des années 60, le mai 1968 français est l’image qui pour la plupart d’entre nous est la plus représentative du mouvement contestataire de cette époque. Cependant, lorsqu’on regarde de plus près les luttes sur le continent européen, on peut rapidement se rendre compte, que c’est du côté italien que le mouvement et les luttes se sont le plus radicalisés et ont eu le plus d’ampleur. Celles-ci débutant dès mars 1968, pour se terminer réellement qu’une dizaine d’années plus tard, mettant fin à la décennie des années 70 que l’on surnomma les « années de plomb », en raison de la lutte armée qui devint omniprésente dans ce pays.

L'amorce

Les prémisses des évènements de l’automne 1969, se retrouvent dans les premières contestations étudiantes de 1966 à Trente dans le nord de l’Italie à l’Institut supérieur des Sciences Sociales. Les luttes qui s'y dérouleront, même si elles ne touchent qu'une infime minorité d'étudiants-es, seront un peu le coup de semonce des luttes des années suivantes: grève de cours, occupation des locaux universitaires pendant plusieurs semaines, élaboration des premiers manifestes contre « l'université de classe », organisation de « contre-cours » etc. Dès 1967, ces luttes se radicalisent et font tâche d'huile un peu partout en Italie. En février, les étudiant-es de Pise occupent le Palais de Sapienza. En novembre, les étudiant-es de l'Université de Milan occupent leur université tandis que les étudiant-es de Turin occupent le siège des études littéraires et y mettent en place des « contre-cours » et des formes d'autogestion. Fin décembre 1967, tandis que le gouvernement présente son projet de réforme universitaire, la vague d'occupation touche les universités de Naples, Pavie, Cagliari, Salerne et Gênes. Le président Johnson, en visite à Rome, y découvre une ville en état de siège et devra même effectuer ses déplacements, afin d'assurer sa sécurité, en hélicoptère (1).

Le mai rampant


L'année 1968, marque comme ailleurs, le point culminant de cette vague contestataire étudiante, mais contrairement à la France, celle-ci ne sera pas principalement focalisée que sur la capitale. Dès janvier, une dizaine de villes universitaires de la péninsule seront en lutte. À Padoue, Venise, Pise, Milan et Florence, les affrontements entre étudiant-es et forces de l'ordre seront d'une violence extrême. À Florence, le recteur de l'université démissionnera même pour protester contre la brutalité policière (1).

Cependant, c'est lors du 1er mars à Rome que les affrontements les plus violents auront lieu. À la suite de l'évacuation musclée de l'université et au renversement d'un étudiant par un véhicule de la police (il sera grièvement blessé), des milliers d'étudiant-es affronteront les flics dans des combats de rue pendant plusieurs heures. La bataille de la Valle Guila, comparable aux barricades de la rue Gay-Lussac dans le mai 68 français, fera plusieurs centaines de blessés autant chez les étudiant-es que chez les flics. Cet événement sera la mèche qui permettra l'explosion du mai rampant et initiera plus de 18 mois d'agitation universitaire, dont les batailles de rue d'une rare violence de Turin (mars 1968), Rome (avril 1968), Pise et la prise de la gare (avril 1968), Turin (novembre 1968), Milan (décembre 1969) et Rome (janvier 1969).

Tous ces évènements mèneront à l'une des caractéristiques les plus spécifiques et intéressantes d'un point de vue révolutionnaire, soit la création de liens entre les étudiant-es et les ouvriers de quelques usines (tel que l'usine Lancia à Turin et St-Gobain à Pise) dès le printemps 1968. Ces liens deviendront permanents et produiront une forme innovatrice d'organisation et de démocratie directe, tel que la célèbre assemblée operai-studenti (ouvriers-étudiants) à l'usine Fiat de Turin. D'ailleurs dans les années suivantes, les différentes tentatives syndicales pour « chevaucher le tigre du mouvement ouvrier spontané » c'est à dire prendre le contrôle de ce mouvement spontané afin de le contrôler, mèneront à la formation de conseils ouvriers dans plusieurs usines (2).

Ces quelques années de radicalisation de la contestation mèneront à une montée des luttes ouvrières, qui même si elles existaient depuis le début des années 60, seront d'une ampleur presque inégalée dans la seconde moitié du 20iècle siècle. La classe ouvrière lasse d'être surexploitée, méprisée et d'avoir des salaires de misère, était maintenant en marche. Malgré les efforts acharnés des organisations syndicales pour maintenir les revendications sur le plan économique, l'automne chaud allait donner naissance à un mouvement qui remettait en cause l'exploitation capitaliste elle-même. À titre informatif, 4 grandes centrales syndicales représentaient majoritairement les ouvriers en 1969: la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro, 3 millions d'adhérents-près des staliniens du Parti Communiste Italien), la CISL ( Confederazione Italiana dei Sindacati Liberi, 2 millions d'adhérents-près de la Démocratie chrétienne), l'UIL ( Unione Italiana del Lavoro, 1,5 millions d'adhérents-près des socialistes et des républicains) et la CISNAL ( Confederazione Italiana dei Sindacati Nazionali del Lavoro, 400 000 d'adhérents-syndicat fasciste) (3).

La contestation ouvrière s'intensifie.

« L’unique musique que le patron est capable d’entendre c’est le silence des machines à l’arrêt. » -Inscription sur un mur de la Mirafiori en 1971

Du côté ouvrier, l'automne chaud (Autunno caldo) prenait ses racines dès 1968. Le ras-le-bol s'amplifiait et débouchait fréquemment en affrontements avec les forces de l'ordre. Déjà quelques conflits importants, tels que ceux de Marzotto à Valdagno et de Pirelli à Milan, avait démontré que cette vague de revendications seraient beaucoup plus combatives que les précédentes. Par exemple, en avril 1968, les ouvriers de l'usine Marzotto abattirent, durant le conflit, la statut du fondateur de l'usine. Le paternalisme et le syndicalisme pro-patronal, typique à l'Italie de l'époque, étaient en voie d'être débordés par les éléments les plus radicaux qui émanaient d'une accumulation de grogne populaire. En avril 1969 à Battipaglia, dans le Sud, une manifestation contre la fermeture de l'unique industrie de la ville dégénéra en affrontements entre manifestants et policiers, faisant deux morts parmi les premiers (3). En parallèle les grèves se multipliaient chez Fiat à Turin. Celles-ci touchèrent d'abord la plus grande usine de la ville, l'usine Fiat-Mirafiori et puis touchèrent les autres usines Fiat dans la région, soit la Fiat-Lingotto et la Fiat-Rivalta. Les revendications surgissaient les unes après les autres, les grèves débordant de plus en plus les directions syndicales que ce soit contre les cadences de travail, les salaires ou les horaires (3,4).

Turin qui était une ville de 700 000 habitants en 1951 ; passera à 1 600 000 habitants en 1962. Les quartiers traditionnellement ouvriers débordent alors d’une masse prolétarienne sans précédent: Mirafiori Sud passe de 19 000 habitants en 1951 à 120 000 en 1960, Lingotto de 24 000 à 43 000 et Santa Rita de 23 000 à 89 000. Une immigration provenant principalement du sud de l'Italie (3). Durant les premiers mois de 1969 seulement, une quarantaine de conflits éclatèrent sur le seul motif de « changements de catégories » des ouvriers à la Fiat-Mirafiori. Une usine qui à ce moment était une réelle poudrière, en raison du roulement démentiel de personnel. L'usine Mirafiori avec ses 50 000 salariés (l'ensemble Mirafiori-Lingotto-Rivalta représentait plus de 90 000 salariés) était la plus grande concentration ouvrière de l'Europe. Il faut savoir que pour la seule année 1968, Fiat embauchera plus de 22 000 employés (5).

Le 3 juillet 1969, les ouvriers de Fiat proclamèrent une journée de grève générale sur un objectif extérieur à l'usine, la lutte contre la hausse des loyers. Mais ce jour devint un grand jour pour les travailleurs turinois, dont les cortèges qui furent rejoints par des cortèges étudiants, convergèrent sur l'usine de Mirafiori. Face à celle-ci, à l'entrée du Corso Traiano, de violentes bagarres éclatèrent avec la police, qui durèrent plusieurs heures et s'étendirent à d'autres quartiers de Turin. Cet affrontement sera le véritable point d'ancrage de l'automne chaud. Au même moment, les débrayages et les grèves se multipliaient dans de nombreuses entreprises. Dès la fin du mois d'août, lorsque les travailleurs rentrèrent de vacances, les grèves reprirent chez Fiat, chez Pirelli et bien d'autres (4).

L'automne chaud et les grèves de la Fiat

Au mois de septembre, ce sera la fin de l'assemblée ouvriers-étudiants et la création du groupe Lotta Continua ainsi que du journal du même nom, qui sera rejoint par la grande majorité du groupe. Une autre partie du groupe rejoindra le groupe Potere Operaio. Ces deux groupes se revendiquaient, du moins en 1969, de l'opéraïsme (operaismo) et donneront naissance un peu plus tard au marxisme autonomiste. De manière simple l'opéraïsme se caractérise essentiellement par un « retour à la classe ouvrière »dont les principaux théoriciens furent Mario Tronti et Tonio Negri. C'est une approche marxiste centrée sur les luttes de la base par opposition à ce qui était vu comme la politique et l'opportunisme de la gauche stalinienne dominante. Leur analyse de lutte de classe se prolongeait dans leurs actions à l'extérieur de leur lieu de travail. De plus, ils prônaient l'autoréduction (le refus de payer factures d'énergie, transport, logement). Lotta Continua était un groupe très informel : elle avait une forte capacité d’action mais la plupart de ceux qui participaient aux luttes qu’elle impulsait n’étaient pas des militants. De plus elle participait à une foule variée de lutte. Potere Operaio quand à elle était une structure plus petite et plus organisée (nous reviendrons sur ces groupes dans le second article).

Il serait laborieux de décrire en détails les nombreuses journées d'action de l'automne chaud, mais voici quelques moments chaud à titre d'exemple. Le 11 septembre, les métallurgistes appellent à la grève nationale et 98% des ouvriers de la Mirafiori sont en grève. Durant le mois suivant différents secteurs appelleront tour à tour à la grève nationale: les métallos (12 septembre), les ouvriers de la chimie et de la métallurgie du secteur d'État (17 septembre), les ouvriers du bâtiment et les métallos (8 octobre). Puis le 10 octobre, c'est une grève nationale de plus de 250 000 salariés dont 10 000 de la Mirafiori. Les ouvriers après avoir manifesté occupe l'usine jusqu'au changement d'équipe. Il y aura de nombreux affrontements contre les employés non grévistes et les jaunes dans plusieurs usines de Turin. Les 15 et 16 octobre ainsi que le 19 novembre, les ouvriers déclenchent la grève à Milan contre la vie chère et ce sera le théâtre de violents affrontements à chaque fois. Le 27 novembre, un cortège de plus de 1 000 ouvriers bloque la production et sera rejoint par 7 000 étudiant-es devant les grilles de la Mirafiori. Le 28 novembre, manifestation nationale des métallos à Rome. La lutte sera dure et les affrontements de plus en plus féroces au fur et à mesure que l'automne avançait (3,4).

Stratégies et revendications des opéraïstes

«J'ai finalement découvert maintenant que nous ne luttons pas seulement contre le patron mais contre tout »-Un ouvrier de Fiat, Lotta Continua, novembre 1969

La force des opéraïstes fut de faire éclater la tradition de lutte au nom des ouvriers professionnels (des ouvriers très qualifiés qui avaient souvent des postes d'encadrement des autres ouvriers « non qualifiés ») et de pousser la lutte avec les ouvriers spécialisés (OS), qui étaient en grande partie la nouvelle main d'œuvre de la Fiat, c'est à dire de jeunes travailleurs du sud. Tandis que l'ouvrier professionnel était généralement fier d'être syndiqué et de porter l'uniforme de la Fiat, le jeune OS s'en foutait et gueulait contre ses conditions de travail. Et ce fut d'ailleurs l'une des principales revendications des opéraïstes, que de réclamer des hausses de salaires égales pour tous, peu importe l'échelon ou le niveau de qualification et par la suppression de la catégorie de salaire la plus basse. Les syndicats en firent une revendication bien malgré eux, tout en sachant très bien qu'il serait presque impossible que d'obtenir la « fidélité » des jeunes ouvriers à leurs syndicats (3).

Cependant, les directions syndicales avaient alors eu le temps de prendre la mesure du mécontentement ouvrier et de mettre au point leur tactique. Cet automne de 1969 étant l'échéance des contrats collectifs de la métallurgie, de la chimie, du bâtiment et d'autres catégories. Les dirigeants syndicaux avaient ainsi un cadre tout trouvé permettant de canaliser l'explosion de mécontentement ouvrier. Ils décidèrent de fixer aux métallos l'objectif d'un « bon contrat » pour la métallurgie, aux travailleurs de la chimie celui d'un « bon contrat » pour leur catégorie, etc. Les directions syndicales mirent au point la tactique dite des grèves « articulées » : tel jour les métallos firent grève, tel autre les travailleurs de la chimie, tel autre le bâtiment. Des grèves « générales » purent aussi avoir lieu par province ou même par ville, contre la vie chère ou la hausse des loyers. Au niveau des entreprises les dirigeants syndicaux prônaient les grèves tournantes, un atelier après l'autre, sous prétexte de causer le plus de dommages possible aux patrons à moindres frais pour les ouvriers. Mais le but réel était d'empêcher que l'ensemble des travailleurs se retrouvent dans la même lutte (4).

En contre partie, les militants de Lotta Continua et de Potere Operaio, prônaient la stratégie de la grève à outrance. C'est à dire de grèves qui pouvaient être lancées à tout moment sans limitation de temps par simple mot d'ordre d'ouvrier ou de manière spontanée. Les ouvriers défilaient alors en cortège dans les ateliers voisins afin d'arrêter la production. Ils réussiront à imposer la grève sauvage tournante destinée à frapper le patron le plus durement et au moindre coût par le blocage de la production, la prolongation intempestive des heures de grève syndicale, l'arrêt sans avertissement des machines, les grèves tournantes par département qui créent des blocages monstres de la production, par des hurlements de slogans et de mots d’ordre menaçants envers l’ennemi de classe, par des cortèges internes pour nettoyer les ateliers réticents à entrer en lutte, par l'humiliation systématiques des petits chefs (patronaux et syndicaux) contraints d’ouvrir le cortège en brandissant le drapeau rouge, par des jets de têtes de lapins ensanglantées en direction des jaunes et des employés comme signe de leur trahison et par l'apparition de cercueils destinés aux membres de la direction. Mais leurs revendications remettront en cause bien plus que les salaires, ce sera aussi contre la chaîne de commandement patronal et syndical, contre la hiérarchie des chefs et contre les rythmes de travail inhumains (5).

La fin d'un mouvement et le début d'une nouvelle ère de lutte

Le 12 décembre 1969, une bombe éclate devant la Banque de l’Agriculture dans le centre de Milan, faisant 16 morts et une centaine de blessés. L'extrême-gauche sera accusée et plus de 400 personnes seront arrêtées par les forces de police. Suite à un interrogatoire musclé, Guiseppe Pinelli, un anarchiste sera lancé en bas du quatrième étage du commissariat et les flics tenteront de faire croire à un suicide. Cette vague de répression orchestrée par des groupes néofascistes, les services secrets américains et l'état, criminalisera la lutte et précipitera l'apparition des groupes de luttes armés. Ce sera en tout, plus de 14 000 personnes qui seront poursuivies par le gouvernement suite à l'automne chaud. Les politiciens et les capitalistes mènent alors une contre-offensive violente puisqu'ils craignaient que ce mouvement, que l'on peut qualifier de quasi « pré-révolutionnaire », ne dévaste tout sur son passage.

Néanmoins, l'automne chaud avec ses 300 millions d'heures de grèves, dont 230 millions seulement pour l'industrie, aura été la lutte ouvrière la plus massive et la moins contrôlée de toute l'histoire de l'Italie et du monde ouvrier en général. Un mouvement historique, qui malgré ses faiblesses, mérite d'être connu et dont tous les travailleur-euses en lutte devraient s'inspirer, puisqu'il remettait en cause, non seulement les conditions de travail, mais les fondements du travail et du capitalisme.

(1)Pierre Milza. Italie 1968 : "le mai rampant". Matériaux pour l'histoire de notre temps, 1988, vol. 11, n° 1, pp. 38-41.
(2)Luisana Passerini. Les années 68: évènements cultures politiques et mode de vie. Le cas Italien. Lettre d'information no. 7, 10 avril 1995.
(3)D. Giachetti et M. Scavino. La Fiat aux mains des ouvriers. L’automne chaud de 1969 à Turin. Les éditions Les Nuits Rouges, Paris, 2005.
(4)André Frys. Il y a trente ans : l'« automne chaud » italien de 1969. Luttes ouvrières, n°1639, 10 décembre 1999.
(5)Fiat-Mirafiori 1969:Surgissement et déclin de l'ouvrier-masse. Revue Mouvement Communiste no. 9, printemps/été 2002.

mardi, juin 17, 2008

Des communistes libertaires changent le nom d'une rue de Québec


Dimanche le 15 juin 2008, des membres de la Fédération des communistes libertaires du nord-est (NEFAC) ont souligné à leur manière le 400e anniversaire de la ville de Québec : ils et elles ont « débaptisé » la rue Saint-Paul, à l’angle de la côte Dambourgès, en la renommant « rue Édouard-Beaudoire ».

Qui était Édouard Beaudoire?

Édouard Beaudoire était un ouvrier et un socialiste d’origine française ayant participé à la Commune de Paris. Le 12 juin 1878, il fut tué d’une balle dans la tête par des militaires au coin de la rue Saint-Paul et de la côte Dambourgès. Beaudoire prenait part à une manifestation organisée en réaction aux mauvaises conditions de travail des ouvriers affectés à la construction d'édifices gouvernementaux.

Alors que la classe dirigeante de Québec, le maire Régis Labeaume en tête, s’apprête à offrir à l’armée canadienne le « Droit de cité », les membres de la NEFAC ont voulu rappeler par leur geste l’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire des luttes ouvrières de la ville tout en dénonçant le rôle sanglant joué par les militaires dans la répression des revendications populaires. La vie et le combat d'Édouard Beaudoire nous rappellent que la lutte pour la justice et l’égalité reste plus que jamais une nécessité. Aujourd’hui comme hier, on a raison de se révolter !

Fédération des communistes libertaires du nord-est



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mardi, avril 29, 2008

CONFÉRENCE SUR L’HISTORIQUE DU 1er MAI

CONFÉRENCE SUR L’HISTORIQUE DU 1er MAI
Organisé par le comité Libertad du Cégep du Vieux Montréal
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Mardi le 29 avril
à 18h00
Café étudiant L’Exode
Cégep du Vieux Montréal
255, rue Ontario Est
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Le 1er mai, les travailleurs et travailleuses prennent la rue pourmanifester leur mécontentement face à la précarité de leurs conditions detravail et pour commémorer les luttes passées.

Cette journée tire ses origines des perturbations sociales de 1886 àChicago qui menèrent à l'obtention de la journée de travail de 8 heures àl'échelle du pays. Malheureusement, cette grève ne fut pas sans perte pourle mouvement ouvrier; 5 militants furent exécutés.

Dans plusieurs pays, le 1er mai est un congé payé, dans d'autres, unejournée de grève. Par contre, au Québec, depuis l'application de la loi C-43, les centrales syndicales sont contraintes de se plier aux menaces deretrait du droit de grève, matant ainsi toute contestation.

Pour souligner la Journée Internationale des Travailleurs etTravailleuses, nous vous invitons le 29 avril, au café étudiant l'Exode, àune agréable soirée où deux conférenciers démêleront les idées préconçuesentourant cet événement. La présentation sera suivie de discussions dansune atmosphère musicale avec de la bière pas chère.

mardi, novembre 27, 2007

Une brochure sur le congrès d'Amsterdam.



Il y a quelque temps nous avions publié un billet pour les 100 ans du congrès d'Amsterdam. La Federazione dei Comunisti Anarchici (La Fédération Communiste Libertaire italienne) a produite une traduction anglaise qui regroupe les principaux débats de ce congrès historique. Un congrès qui poussa l'essort du communisme libertaire et qui donna lieu à un affrontement historique entre Malatesta et Monnate sur la question du syndicalisme révolutionnaire. Une excellente brochure pour tous ceux et celles qui s'intéresse à l'histoire de l'anarchisme et à sa question organisationnelle.
Pour obtenir une copie .pdf(en anglais).

vendredi, novembre 02, 2007

Un parti ou un autre, c'est toujours les mêmes guerres...

Une petite animation intéressante sur les guerres menées par nos voisins du sud entre 1775 et 2006 et le total des soldats envoyés à l'abattoir par un ou l'autre des partis. Si certains, d'entre vous ont pu croire que les républicains et les démocrates étaient si différents et bien l'histoire nous démontre que c'est bel et bien la même merde...


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mardi, octobre 09, 2007

Le congrès d'Amsterdam et l'essort du communisme libertaire

Une article intéressant qui parle du congrès d'Amsterdam qui a donné l'essort à la création de Fédérations Communistes Libertaires dans plusieurs pays. De plus, ce congrès fortifia la mouvance du syndicalisme révolutionnaire. Le principal débat du congrès portera sur l'organisation, et se terminera sur un triomphe sans surprise des communistes libertaires au détriment des anarchistes individualistes. Comme quoi le débat sur l'organisation ne date pas d'hier, et que la nécessité de s'organiser est toujours aussi nécessaire. Ce sera aussi un affrontement entre Monatte et Malatesta sur le syndicalisme révolutionnaire. Monatte y prônera l'intégration des anarchistes dans les organisations syndicales comme groupe révolutionnaire et défendra l'action directe comme moyen d'émancipation pour les travailleurs. Malatesta de son côté demandera aux anarchistes d'intégrer les syndicats afin de radicaliser les luttes de ces mouvements, qu'il qualifiera de légalitaires et conservateurs, et y décrira la grève générale comme une pure utopie.

Il y a 100 ans : Le congrès d'Amsterdam veut clarifier l'anarchisme
par Guillaume Davranche - Alternative Libertaire Montrouge

En août 1907, le congrès d'Amsterdam fait le point sur le mouvement anarchiste mondial, et augure de la naissance du courant communiste libertaire. C'est également un temps fort pour le syndicalisme révolutionnaire.

Le 26 août 1907 s'ouvre à Amsterdam, pour cinq jours, un congrès anarchiste international qui fera date. C'est le premier de cette ampleur.

Pour lire la suite

Article publié dans Alternative libertaire n°164 (Juillet-août 2007)

Si vous voulez lire les débats du congrès d'Amsterdam sur le syndicalisme révolutionnaire