Le nouveau numéro de la Galère, le journal de rue Trifluvien est maintenant disponible. Un journal écrit et distribué en bonne partie par des jeunes de la rue. Un journal de rue, qui sans être à proprement parlé libertaire, est quand même sympathique à nos idées. Une presse alternative qui vaut le coup d'oeil. Le thème de ce nouveau numéro est la guerre.
Engagez-vous pour ... La Paix!
Au sommaire:
-Entrevue avec Francis Dupuis-Déri sur la guerre en Afghanistan
-Texte de Normand Beaudet, membre fondateur du centre de ressource sur la non-violence
-Textes d'anciens militaires
et bien d'autres petits plaisirs littéraires.
Un de nos camarades de l'Union Locale de Montréal, y publie d'ailleurs un texte, que nous vous mettons ici afin de vous donner un avant-goût de ce numéro.
Quand le prédateur devient la proie…
On parle souvent des victimes de la guerre, mortes au « champ d’honneur » ou simple victime civile qualifié de « dommage collatéral » au nom de la liberté et de la démocratie. Avec 2 conflits majeurs dans lesquels les États-Unis et le Canada participent militairement en tant que force d’invasion, soit l’Irak et l’Afghanistan, est-il encore possible de croire que les soldats, une fois de retour au pays, sont réellement sortis du bourbier? L’histoire du capitalisme du 20ième siècle et de ses guerres au nom du dieu vert nous a démontré à maintes reprises le contraire. Le suicide, la désertion, les homicides et crimes violents, les problèmes de santé mentale et l’itinérance ont été et sont encore le lot pour des milliers d’entre eux de retour au pays.
Suicide et désertions
Les soldats nord-américains désertent de plus en plus. L’an dernier, selon l’Associated Press (1), le nombre de déserteurs dans l’armée étatsunienne a franchi un sommet datant de 1980. En effet, 4 698 soldats auraient déserté en 2007, une hausse de 80% depuis le début de la guerre en Irak, un bond de 42% depuis l’an dernier.
Des chiffres qui demeurent inférieurs à ceux recensés durant la guerre du Vietnam, mais, à l’époque, la conscription était en vigueur. Ces statistiques de l’armée nous apprennent aussi qu’environ 9 soldats sur 1 000 ont déserté au cours de 2007 comparativement à 7 pour 1 000 en 2006. Du côté canadien, même si peu de statistiques sont disponibles, on nous rapporte que le nombre de désertions serait passé de 340 en 2000 à 708 en 2005 (2).
The Times (3) rapportait récemment qu’au moins 6 256 vétérans américains se seraient suicidés en 2005, soit une moyenne de 17 par jour. Des drames qui seraient principalement liés au syndrome post-traumatique. Le taux de suicide aux États-Unis est de 22,9 sur 100 000 chez les jeunes vétérans âgés de 20 à 24 ans. Ce qui équivaut à près de 4 fois la moyenne pour la même tranche d’âge dans la population civile!
Des chiffres astronomiques si on les compare aux pertes militaires qui sont d’environ 4400 depuis le début de l’invasion Irakienne, soit une moyenne de 2,34 par jour depuis le début du conflit (en date du 18 avril 2008 (4)). Autrement dit, il y a 7 fois plus de militaires qui se suicident qu’il n’y en qui se font tuer au combat. Du côté de l’Afghanistan, ce n’est guère plus reluisant, soit 798 depuis le début du conflit, dont 82 canadiens ((en date du 18 avril 2008 (4)). Évidemment, ces statistiques ne nous révèlent pas le nombre de hauts gradés et de généraux morts au combat ou qui se sont enlevés la vie pour cette même période…
Criminalité et violence
Récemment, une enquête du New York Time, rapportait une hausse des homicides aux États-Unis commis par des militaires ou des vétérans. Le journal a dénombré plus de 121 homicides commis pas des vétérans de longue date de l'Irak ou de l'Afghanistan. Ces meurtres rapportés par le quotidien vont de la fusillade aux attaques à coups de couteau, en passant par des noyades dans une baignoire. 120 de ces meurtres ont été commis par des hommes.
Par ailleurs, 349 homicides impliquant du personnel militaire en service et de soldats qui ont quitté l'armée depuis seulement six ans sont rapportés, soit une hausse de 89 % par rapport à la précédente période de six ans. Environ 75% de ces meurtres impliquent d'anciens combattants en Irak et en Afghanistan. Le journal rapporte que le tiers des victimes étaient des épouses, des conjointes, des enfants ou des proches du meurtrier. Parmi ces victimes, une fillette de 2 ans, dont le père de 20 ans, ayant eu des lésions au cerveau suite à l'attaque de Falluja, la violemment assassinée en la frappant sur un mur. Une autre victime, soit un soldat, a quant à lui été poignardé et brûlé par des collègues au lendemain de leur retour d'Irak.
Itinérance
L’itinérance est aussi une fatalité pour de nombreux vétérans de retour au pays. Des statistiques provenant des États-Unis, nous apprennent qu’à l’automne 2007, 1 personne itinérante sur 4 était un vétéran de la guerre. Des données recueillies en 2005 par le département des Affaires aux Vétérans, démontraient, par ailleurs que des 744 313 itinérants aux États-Unis, 194 254 étaient des vétérans de la guerre. Par contre, de son côté, le National Alliance to End Homelessness estime que plus de 495 400 vétérans étaient itinérants en 2006 (6). Soit une différence de plus de 300 000! Censure gouvernementale ou mauvais calcul mathématique? D’ailleurs, au moins 10 000 d’entre eux seraient des vétérans des guerres en Irak et en Afghanistan selon le groupe Veterans for America (7). Mais comme vous pouvez l’imaginer, le manque des ressources est flagrant, et les divers organismes d’aide à l’itinérance, estime de leur côté qu’une aide suffisante pour aider ces vétérans, se chiffrerait à quelques milliards de dollars supplémentaires de la part de l’État. On nous parle de reconstruction en Irak et en Afghanistan, mais la priorité ne devrait-elle pas être de fournir un toit à ses propres citoyens?
Santé mentale
En avril 2008, une étude d’un groupe de recherche indépendant (RAND Corp.) rapportait que plus de 300 000 soldats étatsuniens de retour de l’Irak et de l’Afghanistan, souffraient de syndrome post-traumatiques ou de dépression, et que la moitié d’entre eux-elles ne recevaient aucune aide médicale. En effet, plus de 18,5% des 1 500 000 soldats déployés dans les 2 pays souffriraient de dépression ou de troubles anxieux. Une autre étude indépendante (RAND) estime tant qu’à elle, que les divers coûts reliés aux problèmes de santé mentale, dans les 2 dernières années, auraient atteint les 6,2 milliards de U$ (8). Plus près de nous, pour la seule région de Québec, plus de 700 militaires à la retraite vivent avec des problèmes de santé mentale résultant de leur travail au front (9). Il faut croire que publiciser la réalité de ces vies détruites au nom du libéralisme économique ne cadre peut être pas assez avec la campagne de recrutement féroce lancée dernièrement par les Forces canadiennes?
Et pourtant on recrute…
Malheureusement, le recrutement est tout de même en hausse tant au Canada qu’aux États-Unis. En effet, au Canada, entre avril 2006 et mars 2007, le nombre de recrues dans les forces régulières a atteint 6 536 personnes, soit une augmentation de 2 % par rapport à l’année précédente. Le nombre de recrues réservistes a quant à lui augmenté de 5 %, pour un total de 6326 (10). Allez y comprendre quelque chose...
L'horreur de la guerre se poursuit en dehors du champ de bataille, et pourtant, il y’a encore des gens assez stupide pour croire que "les petits gars bien de chez nous" sont là pour faire la paix et apporter la démocratie. Même si ces soldats sont les victimes des politiques belliqueuses néolibérales, il ne faut tout de même pas oublier les milliers de victimes dans l’autre camp, qui subissent eux aussi les horreurs de ces professionnels formés par l’État. Car, après tout, les militaires ici en occident, ne sont plus des conscrits, mais bel et bien des gens qui choisissent consciemment d’exercer ce métier de leur plein gré…
Camarade, réfléchit avant de t’enrôler sous les drapeaux!
Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes...
(1) Associated Press. Army Desertion Rate Up 80 Pct. Since ‘03. 17 novembre 2007
(2) http://aqoci.qc.ca/ceg/assets/files/recrutement/education_vs_militarisme...
(3) The Times. America suffers an epidemic of suicides among traumatised army veterans. 15 novembre 2007.
(4) http://icasualties.org/oif/
(5) The New York Times. Across America, Deadly Echoes of Foreign Battles. 13 janvier 2008.
(6) The Associated Press. Study: 1 Out of 4 Homeless Are Veterans. 8 novembre 2007.
(7) IPS/GIN. Across America, Domestic disputes leave Iraq war veterans homeless. 30 juin 2007.
(8) Reuters. Study says 300,000 U.S. troops suffer mental problems. 17 avril 2008.
(9) La Presse. Émue, la ministre Verner annonce un programme d’aide aux anciens combattants. 17 novembre 2007
(10) Le Devoir. L’armée séduit de plus en plus. 19 et 20 mai 2007.