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samedi, janvier 09, 2010

Emeutes au sud de l'Italie suite à une attaque raciste

Ce billet propose un résumé des dépêches tombées ces derniers jours sur le blog du jura libertaire (http://juralibertaire.over-blog.com/).

A Rosarno, commune de la province de Reggio de Calabre, a éclaté, jeudi 7 janvier 2010, une révolte de travailleurs immigrés, pour l'essentiel originaires d'Afrique. Ce vendredi matin, 8 janvier 2010, la révolte continuait. Les travailleurs immigrés africains ont occupé la rue pour se défendre. Ils ont fait la démonstration de leur refus d’être des humains invisibles, des mains sans droits qui doivent toutefois cueillir avec délicatesse des clémentines odorantes et pour le reste de vivre avec les rats comme des rats.



À l’origine de ces incidents, des jeunes gens circulant en voiture avaient tiré avec une carabine à air comprimé sur un groupe d’immmigrés rentrant du travail, blessant plusieurs d’entre eux. Pour protester contre cette attaque, les immigrés ont manifesté dans les rues de Rosarno, incendiant des véhicules et des poubelles et frappant avec des bâtons les maisons et les vitrines des magasins. La télévision a diffusé des images montrant des dizaines d’Africains brisant les vitres de voitures à l’aide de barres de fer et de pierres et mettant le feu à des véhicules et à des poubelles. Les immigrés, dont certains brandissaient des pancartes «Nous ne sommes pas des animaux» et «Les Italiens ici sont racistes» ont bloqué des routes et se sont heurtés à la police anti-émeutes. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés.



En décembre 2008 déjà, des travailleurs immigrés du Ghana et du Burkina Faso étaient descendus dans la rue à Rosarno : deux de leurs camarades avaient été gravement blessés suite à des tirs de kalachnikov en provenance d’une voiture. Un de ces nombreux «incidents» qui illustrent une «chasse aux Noirs», dans un contexte d’hyper-exploitation qui s’appuie conjointement sur les réseaux mafieux et la politique du gouvernement Berlusconi, symbolisé en la matière par le ministre Roberto Maroni de la Ligue du Nord.


Dans cette région, les immigrés sont employés comme journaliers pour la récolte des fruits et des légumes. Quelque 1500 d’entre eux vivent dans des usines abandonnées, sans eau courante ni électricité et pour plusieurs mouvements des droits de l’homme, ces travailleurs sont directement exploités par le crime organisé. Le principal syndicat italien Cgil compte environ 50'000 travailleurs immigrés dont les conditions de vie, sont similaires à ceux de Rosarno. Les ouvriers agricoles passent en effet d’une région à l’autre au fil des saisons et du type de produits à récolter. En ce moment en Calabre et Sicile, c’est la période des agrumes (clémentines, oranges).La Cgil a dénoncé l’emprise de la mafia surtout dans le sud de l’Italie sur ces immigrés massivement employés dans l’agriculture, qui représentent «une main d’œuvre à bas coût». Le syndicat a critiqué le discours sécuritaire du ministre Maroni, soulignant que ces immigrés «touchent des salaires de misère, ont des horaires épouvantables, équivalant à l’esclavage».



Pour reprendre la formule d’un des travailleurs : «Nous vivons entre les rats et la peur.» Un autre, originaire du Maroc, confie au journaliste Attilio Bolzoni du quotidien La Repubblica : «Je vis dans la peur, la peur de faire savoir à ma famille comment je vis en Europe.» En fin d’année dans la région de Rosarno, chaque matin, des «contremaîtres» arrivent devant les baraques avec des camionnettes pour engager ces travailleurs immigrés qui n’ont littéralement plus rien si ce n’est leurs bras — de jeunes hommes — pour travailler 12 à 14 heures par jour, pour 20 euros, en payant 5 euros pour le «transport».

Le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) s’est dit quant à lui très préoccupé vendredi d’un risque de «chasse aux immigrés». Vendredi, un sit-in a réuni environ 2000 immigrés dans le centre de Rosarno, selon les médias italiens, tandis qu’une dizaine d’habitants bloquaient des voies d’accès et d’autres occupaient la mairie pour demander d’éloigner les immigrés de la ville. Le ministre de l’Intérieur Roberto Maroni, membre du parti anti-immigrés Ligue du nord, a affirmé que ces tensions étaient le résultat d’«une trop grande tolérance face à l’immigration clandestine». Mme Boldrini, porte-parole de l’antenne italienne du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés, a quant à elle souligné la présence parmi les immigrés de réfugiés politiques et demandeurs d’asile, et estimé que les autorités devaient commencer par rechercher les auteurs de l’agression contre les immigrés.


A l'heure actuelle, les émeutes qui ont éclaté avant hier à Rosarno en Calabre ont fait officiellement plus de 60 blessés parmi lesquels une trentaine d’Africains dont deux hospitalisés parmi lesquels deux qui sont dans un état très grave (l’un d’eux agressé à coups de barres de fer est en neurochirurgie). Il semblerait que la chasse aux Noirs soit ouverte, plusieurs immigrés s’enfuient d’eux-mêmes et il y a aussi des transferts opérés par les autorités (350 transferts à Crotone dans un CPA, centre de premier accueil, un centre pour trier les étrangers arrivant sur le sol italien). Sept Africains ont été arrêtés parmi lesquels cinq ont semble-t-il été placés en détention sur décision judiciaire. Aucune décision n’a encore été prise pour les quelques autochtones arrêtés pour avoir agressé des étrangers.

lundi, décembre 14, 2009

« Berlusconi déplore un climat de haine » (?!)

Une semaine après que plusieurs centaines de milliers de personnes aient pris la rue pour réclamer la démission de Silvio Berlusconi, ce dernier prenait un bain de foule et a été violemment agressé par ce que les médias se sont empressé de décrire comme un « fou ». Jusqu'ici tout va bien.



Aujourd'hui, la propagande médiatique allait un peu plus loin : oui, bien sûr, l'agresseur était un déséquilibré, mais la vraie responsable, c'est la tension politique italienne! Tous les médias italiens pointaient aujourd'hui du doigt ce « climat de haine », sorti on-ne-sait-trop d'où. À droite comme à gauche, le mot d'ordre est le même (et se résume par cet appel lancé par la Repubblica, journal dit de gauche) :
"Amis et adversaires, partisans et opposants doivent être solidaires (de Berlusconi), comme nous le sommes nous, sans aucune distinction", poursuit la Repubblica qui appelle à "se dresser contre l'insanité d'un tel geste", car "ce qui en jeu n'est rien moins que la liberté".
Le journal appartenant au Cavaliere a gratté un peu plus loin en tenant pour responsables de ce climat de haine et de violence toutes les personnes qui le critiquent, le traitant de fasciste, de tyran, de dictateur. Comme un chat qui gronderait quelques souris en leur reprochant de le traiter de félin..

Voici, brièvement, quelques citations du gredin. Et on se demande vraiment pourquoi il se prend des trucs par la gueule..?

  • « Nous devons être conscients de la supériorité de notre civilisation, un système qui a garanti le bien-être, le respect des droits de l’Homme et – au contraire des pays musulmans – le respect des droits religieux et politiques. »
  • « Les femmes de droite sont plus belles et plus diplômées. »
  • « Cela fait mal au coeur de parcourir des villes comme Rome, Naples et Palerme et de voir comment les graffiti et la saleté dans les rues font qu'elles ressemblent de plus en plus à des villes africaines qu'européennes. »
  • « Seul Napoléon a fait mieux que moi. »
  • « Le mieux serait de vous trouver un millionnaire. » (à une étudiante pauvre)
Il avait aussi sorti quelque chose comme : il y a trop de "jolies filles" en Italie pour les protéger du viol, faute de soldats pour les escorter.

C'est assez..?

dimanche, septembre 13, 2009

Il y a 40 ans en Italie, l’automne chaud de 1969 : (1\2) Du mai rampant à l’automne chaud, un historique des luttes.

Cette semaine nous vous proposons le premier de 2 textes sur l’un des points culminants des mouvements de grèves et de lutte révolutionnaire de la deuxième moitié du 20ième siècle, l’automne chaud italien de 1969. Ces textes porteront dans un premier temps sur l'historique des luttes et dans un deuxième temps sur l'aspect politique des groupes militants qui ont pris part à ce mouvement. Il est évident que ces textes ne sont qu'un survol de la masse d'informations disponibles à ce sujet. C'est pourquoi les références à la fin des textes (dont certains bouquins incontournables sur le sujet), vous permettrons, si vous le désirez d'approfondir le sujet

Du mai rampant à l’automne chaud, historique des luttes.

Lorsqu’on pense à la fin des années 60, le mai 1968 français est l’image qui pour la plupart d’entre nous est la plus représentative du mouvement contestataire de cette époque. Cependant, lorsqu’on regarde de plus près les luttes sur le continent européen, on peut rapidement se rendre compte, que c’est du côté italien que le mouvement et les luttes se sont le plus radicalisés et ont eu le plus d’ampleur. Celles-ci débutant dès mars 1968, pour se terminer réellement qu’une dizaine d’années plus tard, mettant fin à la décennie des années 70 que l’on surnomma les « années de plomb », en raison de la lutte armée qui devint omniprésente dans ce pays.

L'amorce

Les prémisses des évènements de l’automne 1969, se retrouvent dans les premières contestations étudiantes de 1966 à Trente dans le nord de l’Italie à l’Institut supérieur des Sciences Sociales. Les luttes qui s'y dérouleront, même si elles ne touchent qu'une infime minorité d'étudiants-es, seront un peu le coup de semonce des luttes des années suivantes: grève de cours, occupation des locaux universitaires pendant plusieurs semaines, élaboration des premiers manifestes contre « l'université de classe », organisation de « contre-cours » etc. Dès 1967, ces luttes se radicalisent et font tâche d'huile un peu partout en Italie. En février, les étudiant-es de Pise occupent le Palais de Sapienza. En novembre, les étudiant-es de l'Université de Milan occupent leur université tandis que les étudiant-es de Turin occupent le siège des études littéraires et y mettent en place des « contre-cours » et des formes d'autogestion. Fin décembre 1967, tandis que le gouvernement présente son projet de réforme universitaire, la vague d'occupation touche les universités de Naples, Pavie, Cagliari, Salerne et Gênes. Le président Johnson, en visite à Rome, y découvre une ville en état de siège et devra même effectuer ses déplacements, afin d'assurer sa sécurité, en hélicoptère (1).

Le mai rampant


L'année 1968, marque comme ailleurs, le point culminant de cette vague contestataire étudiante, mais contrairement à la France, celle-ci ne sera pas principalement focalisée que sur la capitale. Dès janvier, une dizaine de villes universitaires de la péninsule seront en lutte. À Padoue, Venise, Pise, Milan et Florence, les affrontements entre étudiant-es et forces de l'ordre seront d'une violence extrême. À Florence, le recteur de l'université démissionnera même pour protester contre la brutalité policière (1).

Cependant, c'est lors du 1er mars à Rome que les affrontements les plus violents auront lieu. À la suite de l'évacuation musclée de l'université et au renversement d'un étudiant par un véhicule de la police (il sera grièvement blessé), des milliers d'étudiant-es affronteront les flics dans des combats de rue pendant plusieurs heures. La bataille de la Valle Guila, comparable aux barricades de la rue Gay-Lussac dans le mai 68 français, fera plusieurs centaines de blessés autant chez les étudiant-es que chez les flics. Cet événement sera la mèche qui permettra l'explosion du mai rampant et initiera plus de 18 mois d'agitation universitaire, dont les batailles de rue d'une rare violence de Turin (mars 1968), Rome (avril 1968), Pise et la prise de la gare (avril 1968), Turin (novembre 1968), Milan (décembre 1969) et Rome (janvier 1969).

Tous ces évènements mèneront à l'une des caractéristiques les plus spécifiques et intéressantes d'un point de vue révolutionnaire, soit la création de liens entre les étudiant-es et les ouvriers de quelques usines (tel que l'usine Lancia à Turin et St-Gobain à Pise) dès le printemps 1968. Ces liens deviendront permanents et produiront une forme innovatrice d'organisation et de démocratie directe, tel que la célèbre assemblée operai-studenti (ouvriers-étudiants) à l'usine Fiat de Turin. D'ailleurs dans les années suivantes, les différentes tentatives syndicales pour « chevaucher le tigre du mouvement ouvrier spontané » c'est à dire prendre le contrôle de ce mouvement spontané afin de le contrôler, mèneront à la formation de conseils ouvriers dans plusieurs usines (2).

Ces quelques années de radicalisation de la contestation mèneront à une montée des luttes ouvrières, qui même si elles existaient depuis le début des années 60, seront d'une ampleur presque inégalée dans la seconde moitié du 20iècle siècle. La classe ouvrière lasse d'être surexploitée, méprisée et d'avoir des salaires de misère, était maintenant en marche. Malgré les efforts acharnés des organisations syndicales pour maintenir les revendications sur le plan économique, l'automne chaud allait donner naissance à un mouvement qui remettait en cause l'exploitation capitaliste elle-même. À titre informatif, 4 grandes centrales syndicales représentaient majoritairement les ouvriers en 1969: la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro, 3 millions d'adhérents-près des staliniens du Parti Communiste Italien), la CISL ( Confederazione Italiana dei Sindacati Liberi, 2 millions d'adhérents-près de la Démocratie chrétienne), l'UIL ( Unione Italiana del Lavoro, 1,5 millions d'adhérents-près des socialistes et des républicains) et la CISNAL ( Confederazione Italiana dei Sindacati Nazionali del Lavoro, 400 000 d'adhérents-syndicat fasciste) (3).

La contestation ouvrière s'intensifie.

« L’unique musique que le patron est capable d’entendre c’est le silence des machines à l’arrêt. » -Inscription sur un mur de la Mirafiori en 1971

Du côté ouvrier, l'automne chaud (Autunno caldo) prenait ses racines dès 1968. Le ras-le-bol s'amplifiait et débouchait fréquemment en affrontements avec les forces de l'ordre. Déjà quelques conflits importants, tels que ceux de Marzotto à Valdagno et de Pirelli à Milan, avait démontré que cette vague de revendications seraient beaucoup plus combatives que les précédentes. Par exemple, en avril 1968, les ouvriers de l'usine Marzotto abattirent, durant le conflit, la statut du fondateur de l'usine. Le paternalisme et le syndicalisme pro-patronal, typique à l'Italie de l'époque, étaient en voie d'être débordés par les éléments les plus radicaux qui émanaient d'une accumulation de grogne populaire. En avril 1969 à Battipaglia, dans le Sud, une manifestation contre la fermeture de l'unique industrie de la ville dégénéra en affrontements entre manifestants et policiers, faisant deux morts parmi les premiers (3). En parallèle les grèves se multipliaient chez Fiat à Turin. Celles-ci touchèrent d'abord la plus grande usine de la ville, l'usine Fiat-Mirafiori et puis touchèrent les autres usines Fiat dans la région, soit la Fiat-Lingotto et la Fiat-Rivalta. Les revendications surgissaient les unes après les autres, les grèves débordant de plus en plus les directions syndicales que ce soit contre les cadences de travail, les salaires ou les horaires (3,4).

Turin qui était une ville de 700 000 habitants en 1951 ; passera à 1 600 000 habitants en 1962. Les quartiers traditionnellement ouvriers débordent alors d’une masse prolétarienne sans précédent: Mirafiori Sud passe de 19 000 habitants en 1951 à 120 000 en 1960, Lingotto de 24 000 à 43 000 et Santa Rita de 23 000 à 89 000. Une immigration provenant principalement du sud de l'Italie (3). Durant les premiers mois de 1969 seulement, une quarantaine de conflits éclatèrent sur le seul motif de « changements de catégories » des ouvriers à la Fiat-Mirafiori. Une usine qui à ce moment était une réelle poudrière, en raison du roulement démentiel de personnel. L'usine Mirafiori avec ses 50 000 salariés (l'ensemble Mirafiori-Lingotto-Rivalta représentait plus de 90 000 salariés) était la plus grande concentration ouvrière de l'Europe. Il faut savoir que pour la seule année 1968, Fiat embauchera plus de 22 000 employés (5).

Le 3 juillet 1969, les ouvriers de Fiat proclamèrent une journée de grève générale sur un objectif extérieur à l'usine, la lutte contre la hausse des loyers. Mais ce jour devint un grand jour pour les travailleurs turinois, dont les cortèges qui furent rejoints par des cortèges étudiants, convergèrent sur l'usine de Mirafiori. Face à celle-ci, à l'entrée du Corso Traiano, de violentes bagarres éclatèrent avec la police, qui durèrent plusieurs heures et s'étendirent à d'autres quartiers de Turin. Cet affrontement sera le véritable point d'ancrage de l'automne chaud. Au même moment, les débrayages et les grèves se multipliaient dans de nombreuses entreprises. Dès la fin du mois d'août, lorsque les travailleurs rentrèrent de vacances, les grèves reprirent chez Fiat, chez Pirelli et bien d'autres (4).

L'automne chaud et les grèves de la Fiat

Au mois de septembre, ce sera la fin de l'assemblée ouvriers-étudiants et la création du groupe Lotta Continua ainsi que du journal du même nom, qui sera rejoint par la grande majorité du groupe. Une autre partie du groupe rejoindra le groupe Potere Operaio. Ces deux groupes se revendiquaient, du moins en 1969, de l'opéraïsme (operaismo) et donneront naissance un peu plus tard au marxisme autonomiste. De manière simple l'opéraïsme se caractérise essentiellement par un « retour à la classe ouvrière »dont les principaux théoriciens furent Mario Tronti et Tonio Negri. C'est une approche marxiste centrée sur les luttes de la base par opposition à ce qui était vu comme la politique et l'opportunisme de la gauche stalinienne dominante. Leur analyse de lutte de classe se prolongeait dans leurs actions à l'extérieur de leur lieu de travail. De plus, ils prônaient l'autoréduction (le refus de payer factures d'énergie, transport, logement). Lotta Continua était un groupe très informel : elle avait une forte capacité d’action mais la plupart de ceux qui participaient aux luttes qu’elle impulsait n’étaient pas des militants. De plus elle participait à une foule variée de lutte. Potere Operaio quand à elle était une structure plus petite et plus organisée (nous reviendrons sur ces groupes dans le second article).

Il serait laborieux de décrire en détails les nombreuses journées d'action de l'automne chaud, mais voici quelques moments chaud à titre d'exemple. Le 11 septembre, les métallurgistes appellent à la grève nationale et 98% des ouvriers de la Mirafiori sont en grève. Durant le mois suivant différents secteurs appelleront tour à tour à la grève nationale: les métallos (12 septembre), les ouvriers de la chimie et de la métallurgie du secteur d'État (17 septembre), les ouvriers du bâtiment et les métallos (8 octobre). Puis le 10 octobre, c'est une grève nationale de plus de 250 000 salariés dont 10 000 de la Mirafiori. Les ouvriers après avoir manifesté occupe l'usine jusqu'au changement d'équipe. Il y aura de nombreux affrontements contre les employés non grévistes et les jaunes dans plusieurs usines de Turin. Les 15 et 16 octobre ainsi que le 19 novembre, les ouvriers déclenchent la grève à Milan contre la vie chère et ce sera le théâtre de violents affrontements à chaque fois. Le 27 novembre, un cortège de plus de 1 000 ouvriers bloque la production et sera rejoint par 7 000 étudiant-es devant les grilles de la Mirafiori. Le 28 novembre, manifestation nationale des métallos à Rome. La lutte sera dure et les affrontements de plus en plus féroces au fur et à mesure que l'automne avançait (3,4).

Stratégies et revendications des opéraïstes

«J'ai finalement découvert maintenant que nous ne luttons pas seulement contre le patron mais contre tout »-Un ouvrier de Fiat, Lotta Continua, novembre 1969

La force des opéraïstes fut de faire éclater la tradition de lutte au nom des ouvriers professionnels (des ouvriers très qualifiés qui avaient souvent des postes d'encadrement des autres ouvriers « non qualifiés ») et de pousser la lutte avec les ouvriers spécialisés (OS), qui étaient en grande partie la nouvelle main d'œuvre de la Fiat, c'est à dire de jeunes travailleurs du sud. Tandis que l'ouvrier professionnel était généralement fier d'être syndiqué et de porter l'uniforme de la Fiat, le jeune OS s'en foutait et gueulait contre ses conditions de travail. Et ce fut d'ailleurs l'une des principales revendications des opéraïstes, que de réclamer des hausses de salaires égales pour tous, peu importe l'échelon ou le niveau de qualification et par la suppression de la catégorie de salaire la plus basse. Les syndicats en firent une revendication bien malgré eux, tout en sachant très bien qu'il serait presque impossible que d'obtenir la « fidélité » des jeunes ouvriers à leurs syndicats (3).

Cependant, les directions syndicales avaient alors eu le temps de prendre la mesure du mécontentement ouvrier et de mettre au point leur tactique. Cet automne de 1969 étant l'échéance des contrats collectifs de la métallurgie, de la chimie, du bâtiment et d'autres catégories. Les dirigeants syndicaux avaient ainsi un cadre tout trouvé permettant de canaliser l'explosion de mécontentement ouvrier. Ils décidèrent de fixer aux métallos l'objectif d'un « bon contrat » pour la métallurgie, aux travailleurs de la chimie celui d'un « bon contrat » pour leur catégorie, etc. Les directions syndicales mirent au point la tactique dite des grèves « articulées » : tel jour les métallos firent grève, tel autre les travailleurs de la chimie, tel autre le bâtiment. Des grèves « générales » purent aussi avoir lieu par province ou même par ville, contre la vie chère ou la hausse des loyers. Au niveau des entreprises les dirigeants syndicaux prônaient les grèves tournantes, un atelier après l'autre, sous prétexte de causer le plus de dommages possible aux patrons à moindres frais pour les ouvriers. Mais le but réel était d'empêcher que l'ensemble des travailleurs se retrouvent dans la même lutte (4).

En contre partie, les militants de Lotta Continua et de Potere Operaio, prônaient la stratégie de la grève à outrance. C'est à dire de grèves qui pouvaient être lancées à tout moment sans limitation de temps par simple mot d'ordre d'ouvrier ou de manière spontanée. Les ouvriers défilaient alors en cortège dans les ateliers voisins afin d'arrêter la production. Ils réussiront à imposer la grève sauvage tournante destinée à frapper le patron le plus durement et au moindre coût par le blocage de la production, la prolongation intempestive des heures de grève syndicale, l'arrêt sans avertissement des machines, les grèves tournantes par département qui créent des blocages monstres de la production, par des hurlements de slogans et de mots d’ordre menaçants envers l’ennemi de classe, par des cortèges internes pour nettoyer les ateliers réticents à entrer en lutte, par l'humiliation systématiques des petits chefs (patronaux et syndicaux) contraints d’ouvrir le cortège en brandissant le drapeau rouge, par des jets de têtes de lapins ensanglantées en direction des jaunes et des employés comme signe de leur trahison et par l'apparition de cercueils destinés aux membres de la direction. Mais leurs revendications remettront en cause bien plus que les salaires, ce sera aussi contre la chaîne de commandement patronal et syndical, contre la hiérarchie des chefs et contre les rythmes de travail inhumains (5).

La fin d'un mouvement et le début d'une nouvelle ère de lutte

Le 12 décembre 1969, une bombe éclate devant la Banque de l’Agriculture dans le centre de Milan, faisant 16 morts et une centaine de blessés. L'extrême-gauche sera accusée et plus de 400 personnes seront arrêtées par les forces de police. Suite à un interrogatoire musclé, Guiseppe Pinelli, un anarchiste sera lancé en bas du quatrième étage du commissariat et les flics tenteront de faire croire à un suicide. Cette vague de répression orchestrée par des groupes néofascistes, les services secrets américains et l'état, criminalisera la lutte et précipitera l'apparition des groupes de luttes armés. Ce sera en tout, plus de 14 000 personnes qui seront poursuivies par le gouvernement suite à l'automne chaud. Les politiciens et les capitalistes mènent alors une contre-offensive violente puisqu'ils craignaient que ce mouvement, que l'on peut qualifier de quasi « pré-révolutionnaire », ne dévaste tout sur son passage.

Néanmoins, l'automne chaud avec ses 300 millions d'heures de grèves, dont 230 millions seulement pour l'industrie, aura été la lutte ouvrière la plus massive et la moins contrôlée de toute l'histoire de l'Italie et du monde ouvrier en général. Un mouvement historique, qui malgré ses faiblesses, mérite d'être connu et dont tous les travailleur-euses en lutte devraient s'inspirer, puisqu'il remettait en cause, non seulement les conditions de travail, mais les fondements du travail et du capitalisme.

(1)Pierre Milza. Italie 1968 : "le mai rampant". Matériaux pour l'histoire de notre temps, 1988, vol. 11, n° 1, pp. 38-41.
(2)Luisana Passerini. Les années 68: évènements cultures politiques et mode de vie. Le cas Italien. Lettre d'information no. 7, 10 avril 1995.
(3)D. Giachetti et M. Scavino. La Fiat aux mains des ouvriers. L’automne chaud de 1969 à Turin. Les éditions Les Nuits Rouges, Paris, 2005.
(4)André Frys. Il y a trente ans : l'« automne chaud » italien de 1969. Luttes ouvrières, n°1639, 10 décembre 1999.
(5)Fiat-Mirafiori 1969:Surgissement et déclin de l'ouvrier-masse. Revue Mouvement Communiste no. 9, printemps/été 2002.

dimanche, décembre 14, 2008

Grève générale en Italie: Nous ne paierons pas pour la crise!

Communiqué traduit de Libcom.org (source).
Des centaines de milliers de travailleurs ont répondu à l’appel d’une grève générale de 4 heures et sont descendu dans la rue vendredi, en Italie, en scandant : "Nous ne paierons pas pour la crise!"

La grève appelée par la Confédération Générale des Travailleurs Italiens (CGIL), a interrompu les services postaux, le transport et le service aérien dans plusieurs villes. De plus,la grève a touché de nombreux manufacturiers automobiles. À plusieurs endroits de nombreux-euses grévistes ont été rejoints-es par des membres d’autres syndicats.

En dépit de la pluie diluvienne, des dizaines de milliers de travailleurs-euses ont marché dans les rues de Rome, 30 000 à Turin, 50 000 à Milan, 40 000 à Naples, 10 000 à Gènes ainsi que dans plusieurs autres villes.
Face à la crise, alors que l’Italie est officiellement en récession, les travailleurs-euses exigent des hausses de salaires, des meilleurs fonds de retraite et de meilleurs droits du travail.

À quand des grèves générales ici?

Solidarité avec les travailleurs-euses en lutte!!

mardi, avril 08, 2008

Yankee go home!

Les camarades de la FdCA(Federazione dei Comunisti Anarchici) italienne sont en plein coeur d'une lutte dans leur communauté, afin d'empêcher la construction d'une base militaire étatsunienne à Vicence en Italie. La base qui couvrirait entre 500 000 m2 et 1 250 000 m2 accueillerait la 173ième brigade aéroportée se trouvant à Aviano (d'où décollaient les avions qui bombardaient la Serbie) et en Allemagne. Un texte intéressant, traduit par les camarades d'Alternative Libertaire, qui décrit bien l'implication des communistes libertaires de la FdCA au sein de ce mouvement de masse, auto-organisé et démocratique.

Le projet de construire une base militaire étasunienne autour du petit aéroport de Dal Molin à Vicence a provoqué l’essor d’un mouvement de masse auto-organisé qui agite le nord est de l’Italie. Cette lutte exemplaire où sont investi-e-s nos camarades de la FdCA laisse espérer un renouveau de l’antimilitarisme dans la péninsule et au-delà.

L’affaire de la base militaire de Dal Molin est née il y a deux ans, d’un accord secret entre le gouvernement Berlusconi, alors au pouvoir, et le maire de Vicence. L’accord portait sur l’accueil d’une nouvelle base américaine, dans une zone d’environ 500 000 m2 (qui pourraient devenir 1 250 000 m2 si on considère l’aéroport lui-même) actuellement verte et totalement entourée par la ville, une superficie supérieure à celle de sa propre zone industrielle. C’en était trop pour une cité qui, jusqu’à présent, avait supporté sans trop se plaindre, tant d’autres installations militaires dans l’agglomération : la caserne Ederle, le site Pluto à Longare, la base de Tormeno, les entrepôts de Torri, la zone d’habitation de Vicence est, la Gendarmerie européenne…

La nouvelle base servirait aux Etats-Unis à réunir en un seul lieu la 173ème brigade aéroportée, qui se trouve aujourd’hui en partie à Aviano [1] et en partie en Allemagne. L’objectif étasunien est d’intervenir rapidement dans la région du Moyen-Orient, riche en ressources énergétiques stratégiques. Vicence, selon ce plan, serait donc destinée à devenir un nœud très important pour le nouvel ordre militaire mondial.

Un mouvement bigarré mais uni

Les comités, nés ces dernières années, ont été capables de se coordonner et d’unifier les multiples raisons du « Non » à la base : de l’antimilitarisme à l’écologie [2] ; en passant par la sécurité [3] et les raisons économiques, car contrairement au passé, il est estimé que les retombées en terme d’emplois seraient minimes. Elles ne compenseraient sûrement pas le poids des dépenses d’urbanisme que la base, de par son statut d’extra-territorialité, ne payerait pas. Il s’est ainsi construit un mouvement large et bigarré. Un mouvement capable d’organiser trois grandes manifestations nationales en deux ans, qui ont fait descendre dans la rue des centaines de milliers de personnes de toute l’Italie (démontrant une excellente capacité à gérer la cité). Un mouvement capable également d’actions rapides et symboliques comme la plantation de 150 arbres dans le périmètre de la base bloquant les travaux de terrassement.

Pour lire la suite...

mercredi, décembre 12, 2007

La grève presque générale des transporteurs routiers italiens prend fin....


L'intersyndicale des chauffeurs routiers italiens a appelé mercredi soir à l'arrêt d'un mouvement de grève quasi générale qui menaçait le pays d'une paralysie complète.

Sept fédérations syndicales, représentant plus de 90% des salariés des quelques 100.000 entreprises de transport italiennes, ont appelé à une grève de cinq jours pour protester notamment contre la hausse des prix des carburants et la dérèglementation dans leur secteur. Le transport routier assure près de 84% du transport de marchandise en Italie.
Le conflit s'est envenimé mardi après l'échec des négociations visant à mettre fin à une grève prévue de cinq jours. Cette grève commence d'ailleurs a se faire sentir: perturbation majeure de la circulation, arrêt de la production d'automobiles chez Fiat, pénuries d'essence ainsi que des pénuries de viande, de légumes et de fruits dans les supermarchés.

Un porte-parole syndicale en entrevue déclarait :"Il y a 40 jours, nous avons écrit au gouvernement pour l'alerter de la situation, mais il n'a engagé aucune procédure de négociations. On ne demande pas des choses extraordinaires, juste des mesures qui existent déjà, par exemple en France, sur notre contrat et sur le prix des carburants".

Les syndicats réclament des mesures d'aide afin de compenser cette hausse des prix du carburant, notamment sous la forme d'allègements fiscaux, pour un montant de 575 millions d'euros alors que le gouvernement ne leur propose que 190 millions.


Article
...encore..
...et un autre...