Libre expression

Bienvenue dans la rallonge de mon compte Twitter. Blogue anarchiste, personnel et iconoclaste (i.e. pas nécessairement anarchiquement correct).




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ILS VONT NOUS RESPECTER


(Texte à la Une du quotidien de congrès de 1972 de la CSN)

On vient de tous les coins du Québec. On vient de tous les secteurs d'activités. C'est nous qui sommes les producteurs. C'est nous qui faisons marcher la machine économique. Ils vont nous respecter.

On travaille pour vivre, pour répondre à nos besoins. Il y en a qui exploitent notre force de travail, pour faire des profits et acquérir du pouvoir. On fait du syndicalisme pour se défendre contre cette exploitation. Ils vont nous respecter.

On s'est bâti un mouvement, avec les moyens qu'on avait. On a augmenté nos connaissances, par l'étude et par l'action. On a commencé par comprendre ce qui se passait dans l'entreprise. Maintenant on commence à comprendre ce qui se passe dans la société. Ils vont nous respecter.

On négocie des conventions collectives pour se faire respecter dans l'entreprise. On va inventer ce qu'il faut pour se faire respecter dans la société. Dans l'entreprise, les patrons ne nous passent plus n'importe quoi parce qu'on est syndiqué. Dans la société, les gouvernants ne nous passeront plus n'importe quoi parce qu'on sera organisé. Ils vont nous respecter.

On a fini de croire n'importe quoi parce que ça vient d'un notable. On a fini d'accepter n'importe quelle explication pour des choses qui n'ont pas de bon sens. On va tout savoir, on va tout vérifier nous autres mêmes. ILS ont fini de nous endormir.

Ils vont nous respecter
ILS nous mettent en chômage.
ILS ferment les usines.
ILS remontent les prix.
ILS nous passent des lois 19.
ILS nous matraquent.
ILS nous mettent en prison.
ILS nous défendent de manifester.
ILS nous inondent de propagande.
ILS nous volent les élections.
ILS remontent les taxes.
ILS nous trompent à longueur de journée.

Mais ils vont apprendre à nous respecter. Notre affaire c'est collectif. On avance tous ensemble. On est ici pour décider autre pas on va faire.

#DéfiMartineau, jour 8 | Personne n’est illégal

Mon fil facebook s’est rempli depuis quelques jours de photos d’une femme. Une montréalaise d’adoption qui était menacée de déportation et qui l’a été ce matin. Son nom : Lucy Francineth Granados.

Je ne vais pas vous parler de son cas personnel, ses camarades le font très bien. Elle avait un bon dossier et il y avait mille et une raison de prendre fait et cause pour elle, de refuser sa déportation. D’ailleurs, les organisations qui la soutiennent vont sans doute poursuivre la bataille jusqu’à son retour.

Il y a toujours de bonnes raisons de s’opposer aux déportations individuelles. Les gens ont des histoires, des parcours, sont enracinés dans leur nouvelle ville. C’est normal, c’est la vie.

N’empêche. Même si les histoires n’étaient pas si bonnes, même si les gens ne montraient pas pâte blanche et n’étaient pas « méritants » aux yeux des bienpensants, je serais quand même contre les déportations. Parce que c’est inhumain, barbare et toujours injuste.

Et profondément hypocrite.

Alors que les marchandises et le capital circulent de plus en plus librement, les entraves à la libre circulation des personnes sont de plus en plus grandes. On a fait de l’occident une forteresse à laquelle il est de plus en plus difficile d’accéder. L’immigration est un véritable parcours du combattant.

Ça n’a pas toujours été le cas. Dans le capitalisme industriel triomphant, les prolétaires, surtout s’ils étaient des ouvriers qualifiés, circulaient beaucoup plus librement. Et massivement. Rien à voir avec aujourd’hui (même si, oui, il y avait des lois racistes, on s’entend). Juste un exemple, tout près de nous, il y a quand même un million de canadiens-français qui sont allés faire leur vie aux states au début du siècle. Le Canada et les USA ont accueilli des millions de personnes et se sont bâtis sur l’immigration.

Aujourd’hui c’est différent. Pas mal plus hypocrite. Je lisais récemment que le Québec avait vraiment besoin d’immigration. Ces dernières années, la moitié des nouvelles jobs ont été prises par des immigrants faute de gens sur place prêts à les prendre. Sur la rive-sud de Québec, de grands industriels vont directement recruter des ouvriers en Afrique parce qu’ils n’en trouvent plus dans Chaudière-Appalaches. Et ça va être de plus en plus le cas. Nous approchons très bientôt, d’ici trois ou quatre ans, du point où la courbe des gens qui quittent le marché du travail et des gens qui y entrent vont se croiser. Il y aura alors plus de gens prenant leur retraite par année que de gens entrant sur le marché du travail.

Mais on continue de mettre des bâtons dans les roues aux gens qui veulent immigrer et la machine à déporter fonctionne à plein régime.

Indépendamment des besoins de l’économie, les gens devraient avoir le droit de venir s’établir ici sans trop de problèmes. Ils devraient avoir le droit d’aspirer à une vie meilleure. Le droit d’exercer leur métier en toute liberté. De vivre, élever leurs enfants et travailler paisiblement.

Pas tant parce que l’on a besoin d’eux et elles, même si c’est le cas, mais au nom de notre commune humanité et sur la base du fait que personne n’est illégal. Tout simplement.

Photo : « Des immigrants flânent sur le pont supérieur d'un bateau non identifié et attendent patiemment d'arriver à bon port pour démarrer une vie qu'ils espèrent meilleure. Nombreux sont les bateaux transatlantiques qui arrivent au port d'entrée principal d'immigration, soit Grosse-Île dans le golfe du Saint-Laurent, en aval de Québec. À la veille de la Première Guerre mondiale, les politiques canadiennes en matière d'immigration permettent sans restriction l'arrivée des immigrants qu'encouragent les entreprises canadiennes, comme les sociétés minières. Une fois au Canada, les immigrants qui décident d'y rester font venir leurs femmes et leurs enfants. Voilà sans doute ce qui explique la présence majoritaire de femmes et d'enfants sur ce bateau. » Source : Musée McCord

#DéfiMartineau, jour 7 | L’autre Amérique

J’ai jamais adhéré à l’anti-américanisme primaire parce que, à côté des tendances de marde que célèbrent les libertariens et les populistes, il y a toujours eu des mouvements sociaux inspirants : Wobblies, Hippies, Black Panthers, Worker’s centers, Fight for 15$, Black live matter etc.

Depuis quelques semaines, je vois passer sur mon fil Facebook d’importantes mobilisations syndicales aux États-Unis. Révolte et grève sauvage des enseignants, remontée de la syndicalisation dans la génération Y, bataille rangée contre des tentatives de casser les droits syndicaux.

Quoi, il y a encore des syndicats aux États-Unis? Ben oui toi. L’Amérique est un continent de contrastes. Il reste des bastions syndicaux, des «unions towns» comme disent les américains. New-York, si, si, New-York est le plus gros bastion de tous.

Il y avait dans cette ville 2 017 000 de syndiqué-es en 2017. En nombre absolu, c’est plus qu’au Québec. En terme de taux de présence syndicale, New-York est la ville la plus syndiquées des États-Unis. On y compte 25% de syndiqué-es contre 10% au plan national.

En ce moment, les syndicats de la construction sont au cœur d’une bataille pour que New-York demeure une ville syndicale. Ces syndicats, parmi les plus anciens du continent, ont réussi à imposer un modèle fonctionnel où le taux de syndicalisation frise le 100%. Historiquement, les syndicats y contrôlent la formation et le placement et les entrepreneurs font très majoritairement affaire avec eux, par commodité, ce qui fait que leurs conventions collectives s’appliquent à presque toute l’industrie. Les ouvriers de la construction y ont obtenu des conditions décentes qui leurs ont ouvert les portes de la classe moyenne.

Depuis quelques années, des magnats de l’immobilier ont voulu casser ça, par idéologie, pour casser des syndicats et affaiblir le mouvement ouvrier. Ils se sont mis à exiger des entrepreneurs que les chantiers soient ouverts («open shop»). C’est plus de trouble mais, pour rester compétitifs et obtenir ces contrats, bien des entrepreneurs ont accepté.

Aujourd’hui, c’est l’équilibre atteint et le rapport de force des syndicats qui est menacé. À la clef c’est tout un mode de vie qui pourrait tomber. Ce qui est intéressant c’est que les syndicats ont lancé un mouvement grassroot pour renverser la vapeur. Ça s’appelle «count me in» et ça commence à lever. Ben hâte de voir si ça va marcher.

Page facebook du mouvement.

Vidéo promotionnel de la première manif (qui a tout de même réuni 10 000 personnes)

#DéfiMartineau, jour 6 | La violence c’est mal

Agnès Maltais, députée sortante de Taschereau, a fait une sortie aujourd’hui où elle exorte la candidate de Québec solidaire de ce comté de dénoncer la violence.

L’objet du litige? Un billet de blogue écrit en octobre 2017, en pleine crise catalane, au titre provocateur : Québec, Catalogne : chercher de nouvelles armes. Dans ce billet, l’auteur de Les luttes fécondes s’extasie comme tant d’autres sur la situation en Catalogne (les gens qui sont aller voter malgré la répression, la déclaration unilatérale d’indépendance, tout ça). Lucide, elle envisage que la classe dirigeante espagnole va bloquer la situation à coup de matraques et essaie d’imaginer la suite.

Son texte, que je vous invite à lire, est un classique de réflexion stratégique révolutionnaire. Si le peuple veut et que la classe dirigeante ne veut pas, s’il n’y a pas de situation de pouvoir dual et si la classe dirigeante n’est pas suffisamment affaiblie, il est fort probable que la force soit la réponse du pouvoir et que la lutte quitte le terrain de la démocratie bourgeoise. En Catalogne, où l’on a interdit un référendum et dissout un parlement, ce fut un peu le cas et le peuple, une partie significative du peuple, a répondu par la grève générale et des actes de désobéissance civile de masse (comme d’aller voter massivement malgré tout).

Et après quoi? Catherine Dorion a eu le courage de poser la question. Après quoi si ça ne marche pas, si le pouvoir ne cède pas et si le peuple ne rentre pas à la maison? Après c’est la voie révolutionnaire qui s’ouvre, la possibilité de l’usage de la force et de la violence. L’auteure y met les formes et deux paires de gants blancs mais reste qu’à la fin, elle envisage que la violence politique puisse être une réponse légitime à la répression.

Et c’est ça qu’Agnès Maltais trouve inconcevable et qu’elle demande de dénoncer. La violence ne peut jamais être une option valable en démocratie, quelqu’un qui sollicite les suffrages de ces concitoyens doit nécessairement y renoncer et la dénoncer dans l’absolu. Maltais est ici cohérente avec elle-même. D’aussi loin que je me souvienne, elle a toujours dénoncé la violence et, surtout, appelé les autres à la faire. J’ai encore des souvenirs douloureux d’un certain mois d’avril 2001 à ce sujet.

On touche ici à la grande hypocrisie de la classe politique québécoise. Ce que les Maltais, Charest et cie demandent de dénoncer ce n’est pas la violence, c’est la violence illégitime, la violence du peuple, des radicaux, des méchants black blocs et autres révolutionnaires (y compris de salon comme Catherine Dorion, ou moi, qui ne ferait pas de mal à une mouche dans la vraie vie). On ne voit jamais, ou presque, de dénonciation de la violence dite légitime, celle du pouvoir, de l’État, de la police.

Pourtant, les mêmes élites politiques glorifient des épisodes historiques où la violence illégitime, la violence du peuple en armes, a triomphé (ou pas) de différents pouvoirs. Vous en doutez? La révolution française, la révolution américaine, l’insurrection des patriotes, la résistance, et, plus près de nous, des révolutions dites pacifiques qui ont fait tomber des dictatures mais, qui à l’aune de nos mouvements sociaux, nous sembleraient intensément violentes.

Ça ne prend pourtant pas la tête à Papineau pour comprendre qu’en matière de résistance, de lutte et de révolution, tout est question de contexte. Bien sur, ici et maintenant les conditions d'une lutte pacifique et démocratique sont réunies. Mais comme le montre justement l'exemple catalan, il est loin d'etre acquis que ce sera encore le cas si le pouvoir se sent réellement menacé (on en a d'ailleurs eu un avant-gout en 2012). Je suis bien sur favorable à une économie de moyens et je n’aime pas la violence. Mais il y a violence et violence. Si je crois qu’il faut refuser aussi longtemps que possible la violence avant-gardiste et minoritaire, la militarisation de la lutte et son cortège de trahisons, je crois qu’il est hypocrite et politiquement malavisé de refuser d’emblée l’autodéfense populaire. Je ne sais pas moi, aller dire ça aux femmes kurdes que la violence est toujours à proscrire.

On est toujours le violent de quelqu’un d’autre. J’espère que Catherine Dorion tiendra son bout et qu’elle continuera de dire que les catalans étaient légitimes de résister aux assauts de l’État espagnol et de sa police, tout comme leurs arrières grands-parents étaient légitimes de prendre les armes contre Franco. Un moment donné, quand on parle de révolution, faut assumer.

Défi Martineau, jour 5 | Les deux Québec solidaires

J’ai vu sur mon fil Facebook que Vincent Marissal était passé à Tout le monde en parle dimanche. Je n’ai pas pu m’empêcher, j’ai écouté l’extrait. Même s’il s’est un peu fait cuisiner, gentiment comme toujours à cette émission, je trouve que la nouvelle recrue de Québec solidaire s’en est bien tiré.

J’avoue que je ne sais trop quoi penser de son virage et du fait qu’il se présente dans Rosemont. Ça me fait un peu penser à Mulcair qui s’était présenté pour le NPD dans Outremont. Ou bedons c’est un gambleur qui s’essaie à une méga-long shot, ou bedons il est sincère et il adhère vraiment aux idées du parti et, comme il le dit, il a toujours été un homme de gauche (qui cachait bien son jeu). En tout cas, on peut difficilement qualifier de carriériste ou d’opportuniste un gars qui décide de se présenter pour un tiers parti dans le comté du chef de l’opposition. Idéaliste, aventurier, voir suicidaire serait des qualificatifs plus appropriés.

Que penser, par contre, du tiers parti qui accepte, comme ça, de céder l’un des cinq ou six comtés prenables à un (ex) chroniqueur vedette de la presse libérale ? Un dude qui n’a jamais milité et qui offre de mettre sa face sur un poteau comme première contribution politique ? Au moins, contrairement à Laurier-Dorion ou Hochelaga-Maisonneuve, il n’y a pas de militant qui a labouré Rosemont jusqu’à le rendre prenable. Bien sûr, QS n’a pas approché Marissal, c’est lui qui les a appelés, ça leur est en quelque sorte « tombé dessus »… Mais comme l’on sait qu’il y a eu des discussions sérieuses avec d’autres « vedettes » (coucou Jean-Martin !), on peut difficilement parler d’un simple accident.

Évidemment, c’est dans la logique des choses qu’un parti qui participe aux élections présente des « candidats vedettes », qui ont plus de chance d’être élus ne serait-ce que parce qu’ils sont plus connus. Il faut quand même reconnaître qu’il y a un saut qualitatif et quantitatif dans la candidature de Marissal. On est loin de Françoise David ou GND, par exemple, qui étaient très connus mais dont la notoriété initiale venait quand même de leur militance.

Il y a toujours eu deux versions de Québec solidaire. La version normale, quotidienne, du petit parti de gauche militant, qui fait de la politique autrement, qui se dit des urnes et de la rue ou, plus récemment, « parti mouvement ». Et la version sur-vitaminée du Québec solidaire des périodes électorales, là où l’idée d’un (petit) parti de masse devient crédible. Jusqu’à tout récemment, les deux versions de Québec solidaire ne s’étaient pas trop nui l’une, l’autre.

C’est un peu moins évident depuis quelques temps. Ce qui est arrivé à Québec cet hiver, où les centaines de membres du Québec solidaire de période électorale ont préféré des candidat-e-s jugé plus rassembleurs et connus à des militant-e-s de la première heure du parti fait tristement écho, dans une bien moindre mesure et de façon beaucoup moins marquée, à ce que l’on devine de la scène nationale (i.e. montréalaise).

Il y a un mot pour ce qui est train de se passer : électoralisme. Et, sincèrement, je doute que ça ait grand-chose à voir avec une perspective de transformation sociale.

#DéfiMartineau Jour 4 | Le vrai est un moment du faux

Je pense bien que l’on parle de tramway depuis que je suis arrivé à Québec (en 1996 si vous voulez tout savoir). Au début, c’était clairement une lubie de monde des groupes populaires du centre-ville. Tsé, les Marc Boutin, Richard Couture et cie.

Tranquillement, il y a une coalition qui s’est construite autour du CRUTEQ, devenu Accès transport viable, et de Vivre en ville. Le projet a pris du galon. Mais le maire de l’époque, Jean-Paul L’Allier, ne voulait rien savoir. Même s’il avait tout pour être pour, c’était politiquement invendable selon lui. C’est seulement quand il est parti que son parti a épousé la cause, genre, avant de s’effondrer et disparaitre de la map.

Le maire actuel a fait sa première campagne contre le RMQ et donc contre le tramway. Sauf que, bon, le projet était dans l’air et la ville était définitivement mure pour une mise à jour de son réseau de transport en commun de plus en plus saturé. Alors le tramway est revenu par la porte d’en arrière.

Pour se l’approprier, Labeaume a commencé par essayer de le dénaturer. Au lieu d’un projet visant à transporter plus rapidement et plus efficacement plus de monde, il a voulu en faire un outil de développement urbain. Puis, il a essayé de vendre une alternative moins couteuse (le SRB), toujours axée sur le développement urbain.

Ça a fait patate. Je ne sais pas trop ce qui s’est passé au juste mais, alors qu’on aurait pu croire que c’était mort et enterré, c’est revenu sur le devant de la scène il y a quelques semaines. Un vrai de vrai projet de réseau structurant de transport en commun où le politique et ses impératifs du style « que ce soit pas trop gros », « que ça serve le développement » ont pris le siège arrière.

Le projet sur la table est surprenant en ce que, pour une fois, on semble s’être concentré sur… le transport en commun et son amélioration. On a regardé où était la demande, où étaient les déplacements, et on a voulu agir là. Et, pour une fois, au diable la dépense!, on a regardé ce qui serait utile et on a regardé après combien ça coûterait. Alors que le tramway à 1G$ était réputé trop cher il y a quelques années, voici un projet « réaliste » de… 3G$. Rien que ça.

Alignement extraordinaire des planètes, le maire a besoin d’un meilleur legs politique qu’un amphithéâtre vide et les deux paliers de gouvernement ont de l’argent et désespérément besoin de votes dans la région, nous voilà avec un projet bien engagé.

J’aurais cru que l’enjeu deviendrait un « wedge issue », une manière de polariser l’opinion en vue des élections, mais à ma grande surprise tous les partis provinciaux appuient le projet. Il ne reste que des animateurs de radio, quelques grincheux dans les médias et la ridicule opposition à l’hôtel de ville pour essayer de s’y opposer. Sans doute qu’une masse significative de gens sont contre mais, sans relais politiques, il y a peu de chance que la grogne quitte internet et les lignes ouvertes. Il est évidemment toujours possible que le projet fasse patate après les élections, mais ce n’est plus une certitude.

Si ça se concrétise, ce sera quand même spécial de penser que l’on devra le plus important projet de transport en commun dans la région depuis 50 ans à un petit maire autoritaire et populiste. J’aurais dû y penser… Après tout, n’est-ce pas Gilles Lamontagne qui a municipalisé le transport en commun et créé la CTCUQ en 1969? Le vrai est décidément un moment du faux.

#DéfiMartineau jour 3 | Une page d’histoire

Il y a quelques années, un animateur de radio populiste de Québec avait invité les élèves de secondaire IV de la région à déchirer une page de leur manuel d’histoire du Québec et du Canada. Il s’agissait d’une page d’histoire contemporaine où l’on voyait la photo de Françoise David à l’époque où elle était présidente de la Fédération des femmes du Québec et qu’elle organisait la marche du pain et des roses.

À ce moment-là, j’avais trouvé ça con mais sans plus. Une connerie de plus de la radio poubelle. C’était pourtant un micro-épisode dans un débat plus large touchant l’histoire et, surtout, l’enseignement de l’histoire. Un débat, pour faire simple, entre un courant conservateur et un courant progressiste. L’un voulant faire de l’histoire avec un grand H, du ‘nation building’ comme disent les anglos et l’autre voulant faire une histoire plurielle, plus sociale, axé sur les expériences différentes de différents groupes sociaux plutôt que sur la construction d’un grand récit national.

Ça aurait dû m’intéresser.

Fast forward.

Ce soir j’ai aidé ma plus vieille à étudier pour un examen d’histoire. C’est la première fois que j’ouvrais son manuel de secondaire IV. J’ai été surpris. C’est super intéressant et relativement bien fait. Bon, il y a quelques raccourcis ici et là mais, en gros, c’est un manuel d’histoire sociale qui présente une foule de perspectives antagonistes. On est loin des manuels essentiellement nationalistes de mon adolescence (quoi, que, c’est encore là, n’ayez crainte).

J’étais vraiment heureux de constater qu’il y avait même un chapitre sur l’émergence du syndicalisme et du mouvement coopératif au début du siècle. C’est court, bien sûr, mais c’est là. Avec même une photo d’une parade de la fête du travail, à Québec, en 1900 (edit: en fait, après recherche, la photo date de 1895 mais bon). Tout au long du reste du livre, il y a des brèves et des photos sur les grandes grèves (Asbestos, le Front commun de 1972, ce genre de choses).

J’ai vite déchanté par contre quand elle m’a dit « on a pas vu ça en classe, ça ne fait pas partie de l’examen ». Je n’ai aucune idée pourquoi c’est dans le livre mais pas dans l’examen. Je ne voudrais pas non plus m’ingérer dans l’autonomie professionnel de l’enseignant (je suis ben pour ça l’autonomie professionnelle). Mais disons que ça regarde mal qu’en 2018, à Québec par hasard, l’émergence du syndicalisme et du mouvement coopératif soit escamotée.

Vous pouvez être certain, par contre, qu’Henri Bourrassa et le nationalisme canadien-français ainsi que Lionel Groulx et le clerico-nationalisme (c’est comme ça qu’ils appellent ça) se retrouvent dans les questions d’examen. Curieux, n’est-ce pas?

C’est moins trash que de déchirer une page, bien sûr, mais je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on est finalement dans les mêmes eaux.

J’ai eu le plaisir de passer 3 jours avec une ado scotchée à son écran. Rien de nouveau sous le soleil me direz-vous. En effet… Et pourtant si. Cette fois c’est pour une bonne cause. La plus jeune milite depuis peu avec une gang de carrés jaunes. Alors elle expérimente les joies du militantisme on line.

Quoi, vous ne savez pas ce que sont les carrés jaunes? Vous étiez où depuis deux semaines, sous une roche? (C’est ce qu’elle a dit à sa grand-mère! ;-) )

Alors, pour faire bref, les carrés jaunes c’est un mouvement d’adolescentes (et de quelques adolescents) qui veulent réformer les codes vestimentaires des écoles secondaires et polyvalentes du Québec. Les carrés jaunes en ont contre les règlements trop stricts et, surtout, contre le «deux poids, deux mesures» des codes vestimentaires qui ont la fâcheuse habitude de ne pas s’appliquer de la même façon pour les garçons et les filles.

En gros, sous couvert de lutte contre l’hypersexualisation et, semble-t-il, pour ne pas troubler les garçons qui ont les hormones dans le piton, on a instauré et durcis les codes vestimentaires dans les écoles. En vrac : les vêtements doivent couvrir les épaules, le dos, les hauts et les bas doivent se superposer en tout temps, les shorts doivent arriver à mi-cuisse, etc.

L’ennui, c’est que sous couvert d’égalité, ce sont les vêtements des filles qui sont clairement ciblés. Un exemple parmi d’autre, ça n’existe plus dans le commerce un short mi-cuisse pour fille. C’est soit un short, soit un pantalon cargo alors que les garçons ont encore l’option bermuda.

Comme si ce n’était pas suffisant, il n’y a non seulement aucune tolérance aux petites incartades mais en plus il y a de plus en plus de règles non-écrites. Ainsi, des adolescentes se sont fait sortir de classe parce qu’elles n’avaient pas de soutien-gorge alors que ce n’est marqué nulle part qu’il faut absolument en avoir un.

Les carrés jaunes, donc, veulent un retour de balancier et ont entrepris des démarches dans certaines écoles pour négocier des assouplissements. En gros, elles veulent pouvoir d’habiller confortablement et décemment mais en pouvant porter des camisoles, des shorts et des chandails de filles normaux. Des sondages ont été effectué auprès des élèves pour définir collectivement les limites de ce qui est correct ou pas. Bref, tout ce qu’il y a de plus raisonnable.

Ce qu’il l’est moins, par contre, c’est la réaction dans les médias et chez les adultes. Tout d’abord, de nombreuses personnes nient aux adolescentes toute espèce d’autonomie. Pour certains, il est scandaleux que les adolescentes veulent participer à la discussion. Comme si ça ne les concernait pas. D’autres y vont de jugements gros comme le bras et de commentaires à la limite haineux.

Le « débat » illustre bien toute l’hypocrisie de notre société entourant le corps des femmes. Premièrement, on parle beaucoup du fait que l’école doit préparer au marché du travail. Outre le fait que c’est faux, on oublie de mentionner qu’encore aujourd’hui de nombreux milieux de travail encadrent l’habillement des femmes et leur demandent, justement, de faire un effort pour être… féminine (« arrange toi donc un peu »).

Deuxièmement, on parle beaucoup de ne pas troubler les garçons. Peut-être serait-il temps de penser à apprendre aux garçons à ne pas se laisser déconcentrer par le corps de leurs collègues de classe, à distinguer les contextes sexuels des autres contextes? (Sans parler du fait que si un adolescent a à fantasmer sur une adolescente, il va le faire peu importe comment elle est habillée).

Curieusement, lors de sondages réalisés dans les écoles, seule une infime minorité de garçons (c’est-à-dire 2 ou 3) ont affirmés avoir été déconcentrés par la vue de l’épaule ou de la cuisse de l’une de leurs collègues de classe. En fait, se pourrait-il qu’au fond ce sont les adultes qui sont dérangés quand les filles ne sont pas recouvertes du cou au mollet? Se pourrait-il que ce soit dans leur regard d’adulte qu’est le problème, bien plus que dans l’habillement des adolescentes?

Tes journalistes sont des vedettes,
Qui se masturbent sur la dette

Ça fait maintenant un petit bout que les chroniqueurs sont devenus des vedettes. On les voit et on les entend partout : à la radio, à la télé, dans les journaux, jusque sur les pubs des médias sur les bus.

Certains chroniqueurs sont des journalistes, astreints à un code d’éthique et possédant une certaine pratique, la plupart, cependant, ne sont que des mercenaires de l’opinion. Des intellectueurs à gages en quelque sorte (l’expression n’est pas de moi).

Sauf pour certains orfèvres, journalistes pour la plupart, la chronique est souvent l’illustration parfaite du Principe de Peter appliqué aux médias. La chronique est plus souvent qu’autrement le niveau d’incompétence de la plupart des gens qui un jour ont eu quelque chose d’intéressant à dire.

En ce sens les chroniqueurs ne sont pas très différents des auteurs-compositeurs, une autre catégorie de vedettes. Les artistes les plus intéressants ont puisé dans leur vie, leur quotidien, ce qui se passe autour d’eux pour le transposer en musique et rejoindre le public, le toucher, à coup de portraits et d’histoires. Une fois en haut de l’affiche, lorsqu’arrive le succès, l’artiste n’a souvent plus grand-chose d’intéressant à dire. La source s’est tarie, il n’y a plus de quotidien à partager sinon la vie d’artiste, faite de tournées, de médias, d’enregistrements. Le risque alors est de tomber dans les généralités, l’universel ou la nostalgie. Rares sont ceux et celles qui y échappent.

Les chroniqueurs ne sont pas différents. On est souvent allé les chercher parce qu’ils avaient de l’expérience dans un domaine et une opinion informée. L’ennui c’est que, souvent, avec le temps, leur pensée se sclérose ou, pire, ce qu’ils croient savoir n’est plus vrai parce que le monde a changé et qu’ils ne l’ont pas remarqué depuis leur bulle médiatique ou académique. Ils deviennent alors des caricatures ambulantes. Des caricatures et des dangers publics aussi parce qu’ils sont sensés éclairer un public qui n’y connait que dalle et qui compte sur les médias pour faire sens du chaos social et politique.

Les journalistes vedettes ne sont pas immunisés contre les mêmes tares. Eux aussi se retrouvent dans une bulle loin du commun des mortels, ça peut et ça dérape parfois. Mais leur perspective est fondamentalement différente des commentateurs. Au lieu de croire qu’ils sont dépositaire de la vérité, les journalistes se donnent plutôt pour mission de la débusquer (la vérité). En général, tant qu’ils restent curieux et dans une démarche journalistique, ils demeurent minimalement pertinents.

La confusion des genres et la contamination de l’information par l’opinion est l’un des symptômes de la maladie qui ronge les médias depuis trop longtemps (bien avant l’apparition de Facebook même). On en parlait déjà quand j’étais au cégep alors que l’on mettait en garde les aspirants journalistes contre le « moi je pense que… » (tout le monde qui passait la porte du journal étudiant se prenait pour un futur chroniqueur au Voir). Comme le disait ma rédactrice en chef à l’époque, « on s’en câlisse de savoir ce que tu penses, ce qui nous intéresse c’est de savoir ce qui se passe ». Dans sa forme la plus pure et la plus noble, la chronique est un genre journalistique qui peut aider à comprendre ce qui se passe. Et c’est exactement pour ça qu’elle m’a toujours intéressée.

C’est dans cet esprit, et aussi parce que j’ai besoin de me changer les idées en ce moment, que j’ai décidé de relevé le #DéfiMartineau lancé par Mickaël Bergeron. L’idée : tester l’usine à opinion. Voir si je suis capable, pendant un mois, de pondre une chronique pertinente par jour ouvrable sur un sujet d’actualité.

Ni dieu, ni maître - une histoire de l'anarchisme - documentaire international, 2016, 2:22:52