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mardi 25 novembre 2008

Du sable dans la plaie : les pensionnats autochtones

L’article ci-dessous traitera des pensionnats autochtones, seules écoles auxquelles les autochtones ont été confiné(e)s durant près d’un siècle au Canada. Il témoigne de l’influence idéologique (ici, le colonialisme) qui peut teinter l’organisation scolaire d’un groupe spécifique à l’intérieur de la société.


L’histoire des pensionnats autochtones s’inscrit dans le contexte et les modes de pensée de la colonisation des Amériques, notamment par la France et l’Angleterre. Voyons d’abord quelques faits sur le phénomène. Au Canada, plus de 100 000 autochtones auraient fréquenté ces établissements à partir de 1831. Ils étaient gérés par les communautés ecclésiastiques et devinrent de responsabilité fédérale en 1867 avec l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.

L’Éducation promulguée par ces institutions était faite dans une idée assimilatrice des nations autochtones(« sortir l’indien en l’enfant »), les considérant arriérées. L’idéologie ("humaniste" et religieuse) qui soutenait les visées éducatives des écoles était implicitement raciste imposant la culture dominante (coloniale) comme seule et unique culture véritable et allant jusqu’à considérer les autres peuples de « races inférieures ». Dans ces institutions, communiquer dans les langues autochtones ou entrer en contact avec les communautés leur était totalement interdit. De très nombreux cas de mauvais traitements et d’agressions physiques, sexuelles et psychologiques ont été rapportés.

En 1876, avec la Loi sur les indiens, tous les enfants autochtones devinrent sous la tutelle du gouvernement, déclenchant l’acculturation des peuples autochtones, dont plusieurs vivaient encore pas mal comme ils vivaient traditionnellement. Le choc de la séparation dès le très jeune âge, en plus des mauvais traitements dans les pensionnats autochtones comptent parmi les principaux facteurs du taux très élevé de problèmes sociaux aujourd’hui observables dans les réserves indiennes. Les portes de ces pensionnats ne furent définitivement fermées que durant les années 1970.

Une trentaine d’année plus tard, le 11 juin 2008, voilà que le premier ministre du Canada, Stephen Harper, après avoir refuser de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits peuples autochtones, a déclaré des excuses officielles pour les mauvais traitements subis par les autochtones dans les pensionnats. L’excuse n’a rien de véritable pour l’Association des Femmes Autochtones du Québec qui dénonce les politiques contradictoires du gouvernement [1]. À l’approche des Jeux Olympiques de Vancouver et en l’occurrence d’un intense mouvement de contestation, particulièrement chez les autochtones qui dénoncent le Canada comme un état colonialiste, il est tout à fait plausible que par ce geste, le premier ministre voulait attirer l’opinion publique en se montrant favorable aux droits des premières nations sans s’engager à respecter ceux-ci.

Maintenant en 2008, je vous invite, pour terminer, à réfléchir à cette question : Avons-nous réellement appris quelque chose de cette histoire ?


Références:
[1] Femmes Autochtones du Québec, « L’Association des Femmes Autochtones du Québec répond aux excuses du gouvernement Harper », [document en ligne] lu le 2 novembre 2008, http://sisyphe.org/spip.php?article3007

mercredi 23 juillet 2008

Il y a maintenant 130 ans : La Commune de Québec

Voilà un bout d'histoire qui ne risque pas d'être au programme des fêtes bourgeoises du 400ième et qui continue d'être boudé par "l'histoire officielle". Le passé construit le présent et le futur dit-on, encore faudrait-il pouvoir connaitre ce qui se passait réellement, au delà de l'endoctrinement des puissants et du parasitisme du système établi.


Lu dans Le Devoir du 30 mai :

Québec au printemps 1878: crise constitutionnelle et émeute communiste - Une page reléguée aux oubliettes de l'histoire

Yvan-M. Roy, Avocat

Édition du mercredi 30 mai 2007

Le 26 mars dernier, les électeurs du Québec se sont donné un gouvernement minoritaire. Une telle situation ne s'était pas vue depuis 1878, quand une grève générale avait brouillé le contexte politique. La capitale avait alors été paralysée pendant dix jours. Les grévistes harangués par des agitateurs venus d'Europe s'étaient mis en marche derrière le drapeau rouge. La troupe avait mis fin aux troubles à coups de sabre et de fusil. Retour sur cette page d'histoire.

La crise constitutionnelle

Le 2 mars 1878, ayant refusé l'adoption par le Parlement d'une loi sur le chemin de fer, le lieutenant-gouverneur Letellier de Saint-Just avait destitué le premier ministre de Boucherville, un conservateur. Le 8 mars suivant, Letellier avait appelé Henri-Gustave Joly, de l'opposition libérale, à former le cabinet. La situation devint intenable et des élections générales eurent lieu le 1er mai. Les conservateurs, maintenant dirigés par Joseph-Adolphe Chapleau, firent élire 32 députés, les libéraux 31. Restaient cependant deux conservateurs indépendants, qui se rallièrent aux libéraux. Letellier appela Joly à former le gouvernement. Furieux, les conservateurs parlèrent de crise constitutionnelle. Le 4 juin, les chroniqueurs parlementaires décrivirent l'ouverture houleuse de la quatrième législature, ceux de Québec dans les pages du Canadien, ceux de Montréal dans celles de La Minerve.

Grève, parades et fermeture de chantiers

À la crise politique vint s'ajouter une crise sociale d'envergure. Le jour même où s'ouvrait la joute parlementaire, des journaliers employés à la construction des nouveaux édifices du gouvernement s'unirent pour protester contre leurs «salaires de famine». L'entrepreneur Cimon, qui dirigeait les travaux, fut chassé du terrain sous une grêle de pierres. Le lendemain, les grévistes paradèrent dans les rues de Québec, empêchant les employés des travaux publics de vaquer à leurs occupations. Ils firent également cesser le travail au chantier du chemin de fer de la rue Saint-Jean.

Le 7 juin, une nouvelle parade se mit en branle en début d'après-midi, drapeau rouge et bleu en tête avec chansons de circonstance. Les ouvriers s'arrêtèrent aux bâtisses du parlement pour demander au premier ministre Joly d'être payés 1 $ par jour au lieu de 50 ¢. Au nom de l'entrepreneur, le premier ministre leur proposa une augmentation de 20 ¢, ce que les grévistes refusèrent.

Le soir du 9 juin, le premier ministre fut attaqué sur la rue après l'ajournement de la Chambre. Heureusement, il fut secouru par des amis. La rumeur courut que ses assaillants étaient issus du groupe des grévistes venus le voir au parlement deux jours plus tôt. [...]

Deux jours plus tard, les grévistes se réunirent en grand nombre. Après avoir écouté le discours d'un de leurs chefs, ils se mirent en marche. Au nombre de 700, ils visitèrent les usines du Chemin de fer de la Rive-Nord. Après une vive discussion avec le contremaître, ils se mirent à démolir les portes et les fenêtres de l'établissement.

Ils se rendirent ensuite à la fabrique d'allumettes Paré sur la rive de la rivière Saint-Charles. Ils fermèrent l'établissement en causant beaucoup de frayeur «aux filles» et aux autres employés. Ils firent de même au moulin Roche, dans le secteur de l'anse aux Foulons. Ils lancèrent des pierres à la police riveraine, blessant sérieusement cinq policiers. [...]

Durant la nuit du 12 juin, plusieurs navires furent remorqués du côté sud du Saint-Laurent pour être déchargés par les journaliers de Lévis. Au petit matin, des miliciens volontaires venus de Montréal commencèrent à débarquer pour prêter main-forte aux autorités. Sauf quelques exceptions, les manufactures de Québec demeuraient fermées.

Communistes parisiens et drapeau rouge

En matinée, 2000 grévistes étaient assemblés dans le quartier Saint-Roch. La Minerve rapporte une nouvelle surprenante: «Parmi les meneurs étaient plusieurs communistes parisiens. La populace a paradé dans les rues ce matin avec drapeau rouge en tête.»

Des citoyens alarmés firent chercher en vain le maire Robert Chambers pour qu'il proclame la loi sur l'émeute et autorise la troupe à disperser les séditieux. Finalement, la batterie B, seul corps militaire régulier de la capitale, fut dépêchée sur la scène des désordres. Sans proclamation de la loi de l'émeute, les militaires ne pouvaient pas utiliser les armes. Les soldats furent obligés de retraiter à la halle Jacques-Cartier sous une grêle de cailloux et de projectiles de toute sorte. Le capitaine Prévost et quelques soldats furent gravement blessés.

Le journaliste de La Minerve écrivit: «La populace s'est rendue maître de la ville et personne ne s'intéresse aujourd'hui à la politique.» La grève avait pris des proportions alarmantes. L'entrepreneur Cimon fit savoir qu'il se proposait d'intenter une poursuite contre la Ville de Québec parce que l'apathie des autorités ne l'avait pas protégé contre les émeutiers. Le Canadien, journal conservateur, trop occupé à dénoncer la crise politique, ignorait l'évolution de l'émeute.

Quittant Saint-Roch, les grévistes prirent la direction du port. Ils prirent d'assaut les magasins de M. Renaud, rue Saint-Paul. Ils s'emparèrent de 200 barils de farine. Toutes les voitures sur place furent réquisitionnées et les charretiers contraints de porter les barils dans les quartiers ouvriers.

Fusillade, charge au sabre et frayeur populaire

Au début de l'après-midi, les militaires prirent position sur la rue Saint-Paul, près des magasins Renaud. Le maire proclama enfin la loi de l'émeute. De nouveau la cible de pierres, les militaires ouvrirent le feu à 14h30. Ils commencèrent à tirer avec des cartouches à blanc, puis le colonel Strange commanda le feu avec de vraies balles. Au pied de la côte du Chien (côte Dambourgès), Édouard Beaudoire, de nationalité française, s'était penché pour ramasser une pierre. Le jeune homme reçut une balle qui lui fracassa le crâne. D'autres furent blessés. Plusieurs s'enfuirent, mais la foule des spectateurs demeura imposante.

À la Haute-Ville, le huitième bataillon des Voltigeurs reçut l'ordre de mettre les armes de l'arsenal en sûreté à la Citadelle. Les soldats de la batterie B prirent position autour du parlement afin de prévenir une attaque des émeutiers. La Minerve rapporta: «La ville est plongée dans le plus grand émoi. Plusieurs personnes de la rue Saint-Paul sont tombées malades de frayeur.»

Les émeutiers se regroupèrent, tentèrent sans succès de détruire le moulin Peters, puis montèrent en groupes à la Haute-Ville afin de s'en prendre à M. Cimon, qu'ils ne réussirent pas à trouver. La cavalerie accéda à la Haute-Ville par la côte de la Montagne afin de bloquer le chemin à la foule en colère. La charge fut donnée à grands coups de sabre. Plusieurs émeutiers furent blessés. [...] Après examen, un seul émeutier, nommé David Giroux, fut retenu captif.

Le maire de Québec pris en chasse

Peu avant 20h, une partie des émeutiers se présenta à la résidence du maire Chambers pour le rencontrer. Comme on leur en refusait l'entrée, les émeutiers défoncèrent la porte pendant que le maire se sauvait par la porte arrière. Une fois à l'intérieur, les intrus visitèrent la maison de la cave aux mansardes en proférant des menaces aux quelques occupants demeurés sur place.

Pendant que le maire Chambers fuyait, près de 4000 hommes se trouvaient réunis à la Basse-Ville. Des discours incendiaires furent prononcés. [...] Peu avant minuit, près de mille hommes se rendirent à la prison afin de demander la libération de David Giroux. Le geôlier refusa. Ils brisèrent les fenêtres avant de se retirer.

Le 13 juin au matin, des renforts montréalais débarquèrent sans opposition au port. Le commandement militaire prit les mesures nécessaires pour empêcher tout attroupement. [...]

Une réunion populaire eut lieu à la salle Jacques-Cartier. La Minerve rapporta: «Un Français, un communiste apparemment, lui a adressé la parole, disant à la foule qu'il fallait du pain ou du sang. Il conseilla la patience, cependant, en attendant le départ des troupes.» [...]

Émeute matée

Le 14 juin, La Minerve fit le bilan des événements de la veille en annonçant que l'émeute avait été matée: «Les grévistes sont maintenant tranquillisés et sont retournés à l'ouvrage.» [...] L'intervention musclée de six régiments armés avait réussi à vaincre la volonté séditieuse de la populace. [...]

À Paris, le journaliste Alexandre Delouche de la presse catholique réagit aux événements de Québec dans un article qui fut reproduit le 19 juillet dans La Minerve. Delouche dressa d'abord un bilan de l'action socialiste en Europe dans les premiers mois de 1878. Il fit un tableau de la situation en France: «Ici, nous chantons l'apothéose du travail, et la lave révolutionnaire menace de tout engloutir.» [...]

Il présenta la situation du Canada: «Enfin, pour abréger cette énumération aussi véridique que peu réjouissante, nous regardions le Canada comme une oasis morale au milieu du chaos universel; il nous semblait que le souffle empesté de la révolte sociale ne franchirait pas la rive droite du Saint-Laurent; mais l'illusion n'est plus permise; Québec a eu ses journées! "Pillant et démolissant", dit La Minerve de Montréal, "l'émeute a été maîtrisée de la ville et, pour la réprimer, il a fallu que le sang coule!"» [...]

L'émeute de Québec de 1878 mobilisa des centaines de policiers et des milliers de miliciens. Le premier ministre du Québec et le maire de la capitale furent physiquement menacés. Le travail et le capital s'opposèrent radicalement sur fond de crise politique. Des dommages considérables furent causés aux propriétés. L'émeute fut reléguée aux oubliettes de l'histoire. On ne parlera jamais des communards de Québec. Il n'y eut, semble-t-il, aucun procès, aucune répression, aucune déportation. Le Nouveau Monde se révéla plus tolérant que l'Ancien Monde.


Des libertaires se sont rejoint le 15 juin à Québec sur la rue Saint-Paul pour la débaptiser en rue Édouard-Beaudoire, en l'honneur de ce ouvrier tué d'une balle dans la tête par les forces répressives. Plus d'infos...

dimanche 13 juillet 2008

La grève de 1941 à Arvida

La grève des travailleurs de l’Alcan à Arvida, déclanchée spontanément le 24 juillet 1941, présente une lutte acharnée des ouvriers qui, malgré l’interdiction gouvernementale et les accusations de sabotage de production de guerre, firent résonner haut et fort leurs revendications par l’action directe et gagnèrent l’appui de la population locale. Des rumeurs précédant la grève jusqu’à l’envoi des militaires pour forcer le retour au travail, revoyons en détails ces événements qui se sont passés pas loin de chez nous en commençant par leur contexte.

Ça se passe durant la 2ième guerre mondiale, la grève est alors déclarée illégale par le gouvernement canadien pour l’effort de guerre et le pays passe à l’Économie de guerre. L’usine d’Alcan à Arvida est la plus grande usine d’aluminium au Canada, un métal grandement nécessaire à la production de l’armement et dont dépend particulièrement la Grande-Bretagne. Après de nombreux investissements étrangers dans l’usine d’Arvida, notamment par les britanniques, la production annuelle d’aluminium passa de 30 000 tonnes à l’ouverture de l’usine, en 1926, à 100 000 tonnes au début de la guerre (1). De plus, avant 1939, l’Alcan avait également produit pour le Japon, les États-unis, la Russie (en 1938) et même pour l’Allemagne. Les années de la guerre furent marquées de très importantes augmentations de la capacité de production de l’usine et la cadence y fut infernale pour ceux qui y travaillaient.

D’autre part, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean est qualifiée de berceau du syndicalisme catholique par plusieurs historien(ne)s. Son premier syndicat, la Fédération ouvrière de Chicoutimi, fondé en 1907 par Mgr Eugène Lapointe, était très encadré par l’église et le principal employeur de la région, Julien-Édouard-Alfred Dubuc. Ce syndicat rejetait toute grève et son organisation était fortement hiérarchisée, ne laissant pas de place aux travailleurs souhaitant lutter pour l’amélioration ou la défense de leurs conditions. Il était géré par un Conseil de direction rassemblant des membres honoraires. Les ouvriers gardèrent une certaine méfiance envers les structures du syndicat, qui sera remplacé en 1912 par la Fédération ouvrière mutuelle du Nord, un syndicat encore catholique mais davantage concentré sur les besoins des travailleurs, qui se partagera leur affiliation avec les syndicats internationaux (2). Ce n’est toutefois qu’en 1936, dans les difficultés économiques de la Grande Dépression, qu’est né le premier syndicat de l’usine d’Arvida (3). Malgré une première convention collective négociée en 1937, de fortes tensions et disparités demeureront jusqu’à l’éclosion de la grève en 1941.

Pour en revenir à cette grève, selon les témoignages de plusieurs travailleurs, le débrayage avait été planifié au moins depuis la veille (4) dans la mesure où les travailleurs de la salle de cuve #48 pourraient participer au mouvement et que s’en suivrait un effet d’enchaînement dans les autres salles de cuve. Il semble que des rumeurs de grève circulaient depuis un certain temps et que les travailleurs avaient déjà menacé à quelques reprises de faire la grève. De plus, elle était devenue un sujet de conversation courant à la pause du midi entre les travailleurs.

Diverses causes d’ordre continues et momentanées poussèrent les travailleurs à agir sur leurs conditions. D’abord, la mésentente régnait déjà dans les relations qu’ils entretenaient avec le syndicat et les directeurs anglophones de l’usine. Plusieurs employés étaient restés insatisfaits de la convention collective négociée et réclamaient un salaire plus élevé, l’abolition des primes au rendement et l’embauche de plus d’ouvriers pour les salles de cuve. L’autorité des contremaîtres était également discutée. Et puis, dans la semaine du 21 juillet, quelques facteurs d’ordre momentanés menèrent leur colère au point d’ébullition. En effet, sur leur paie de la veille, les déductions avaient fortement augmentées pour la Défense nationale et le premier prélèvement de l’assurance-chômage. De plus, la semaine fut marquée par des températures de canicule, de 27,5°C le 21 jusqu’à 34,7°C le 24. S’ajouta à ces causes des émanations de dioxyde de carbone et de fluorine. Sous ces conditions, plusieurs travailleurs s’évanouirent au travail durant la journée du 24. Ceux-ci soustraient aux équipes de salles de cuve, la charge de travail de leurs compagnons de travail augmenta d’autant plus.

Le 24 juillet 1941, 700 travailleurs des salles de cuve d’Arvida déclanchèrent spontanément une grève sauvage au changement de quart de 16h et occupèrent l’usine. Le syndicat devint rapidement inquiet de la situation, puisque totalement en dehors de son contrôle. Quand, du côté de Montréal, le Président d’Alcan, R.E. Powell, apprit la nouvelle, il appela à son tour Clarence Decatur Howe, le Ministre des Munitions et Approvisionnement (5), qu’il connaissait personnellement (6) et qui revenait justement d’une des usines d’Alcan, pour lui demander d’intervenir.

Au Saguenay, la population locale se montra rapidement solidaire avec les revendications des travailleurs. La grève atteignit 4500 travailleurs le lendemain et près de 8000 le 3ième jour.

À partir de prétendues rumeurs, Howe, qui se disait ouvertement contre les syndicats, affirmera bientôt au Premier ministre, Mackenzie King, qu’il s’agissait d’« un homme qui était venu des États-Unis, et qui parlait différentes langues, s’était introduit dans l’usine, et avait agité les gars » (7), afin de motiver une éventuelle répression de la grève. Face aux hésitations et réticences du Premier ministre et de ses collègues de Cabinet, Howe menaça de quitter son poste s’il ne pouvait obtenir le pouvoir de faire intervenir l’armée pour contrôler les travailleurs du Saguenay (8). Pendant ce temps, dans les cuves de l’Alcan, le métal se solidifiait, provoquant une grande perte de l’aluminium stratégique de la Grande-Bretagne dont le Canada s’était engagé à protéger. D’ailleurs, le Ministère des Munitions et Approvisionnement avait été créé sous Howe pour protéger l’approvisionnement des Alliés, peu importe le prix qu’il pouvait en coûter.

La presse anglophone s’outrera particulièrement de ce, qu’à partir des déclarations du ministre Howe, sera appelé « une trahison de la part de l’ennemi ». Au Québec, Le Soleil dénoncera l’utilisation de la situation par Howe pour prendre le pouvoir d’envoyer les militaires afin de réprimer des grévistes. Adélard Godbout, le premier ministre du Québec d’alors, affirmera que la Sûreté du Québec à elle seule pouvait mater le vent de révolte chez les travailleurs. En accusant la grève d’acte de sabotage de production de guerre et de trahison, C. D. Howe réussira à faire adopter un décret par le Cabinet pour l’intervention de l’armée en cas de sabotage d’usines de guerre.

Le 27, deux compagnies de soldats de Valcartier arrivèrent sur les lieux (9), équipées de mitrailleuses et de chars d’assaut et accompagnées de 400 policiers de la Sûreté du Québec. Une assemblée locale fut tenue par les travailleurs durant laquelle le support à la grève fut de : 453 pour et 51 contre.

Le 28, un peu après que le maire d’Arvida, Louis Fay, ait lu la « Loi de l’émeute » (10) devant l’usine, les militaires pénétrèrent à l’intérieur. Il y eut d’abord un peu de bousculade, mais les grévistes décidèrent de lever l’occupation pour éviter la confrontation et poursuivirent le piquetage à l’extérieur. La grève se termina le 29 juillet vers 16 heure et les ouvriers reprirent le travail, forcés par l’intervention de l’armée et de la SQ.

Cette grève a été victorieuse sur quelques points. Les conditions de travail et le salaire furent significativement amélioré(e)s. La lutte menée par les ouvriers renforça la cohésion sociale à Arvida. Aucune arrestation ou mise à pied n’eut lieu en lien avec la grève et aucun équipement de travail n’a été brisé durant l’occupation des travailleurs. Les enquêtes de la Gendarmerie Royale ne permirent de trouver pas un leader, agitateur ou sabotage.

Quelques mois plus tard, suite au plébiscite pancanadien du 27 avril 1942, qui portait sur l’imposition de l’enrôlement obligatoire au service outre-mer, le vote d’une majorité de 63,7% des canadien(ne)s sera favorable au projet de conscription. Le plébiscite eut cependant beaucoup moins d’appui au Québec, où 71,2% de la population et 85% des francophones s’y opposèrent (11). La situation fut similaire au Saguenay, où même les conseillers municipaux incitaient la population à voter négativement. Lorsque le résultat du plébiscite fut annoncé, des étudiant(e)s du Séminaire de Chicoutimi escaladèrent le bureau de poste pour y arracher et déchirer le drapeau « Union Jack » en signe de protestation (12). Un mouvement anti-conscription s’éveilla au Québec. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, tout comme dans les autres régions de la province, il y eut un grand nombre de déserteurs et une multitude de tactiques furent utilisées pour ne pas aller se faire trouer la peau sous les drapeaux. Les autorités recherchaient activement ces réfractaires. Dans la foulée des événements, un contingent de la Gendarmerie Royale du Canada, en quête de déserteurs, sera attaqué par une foule en colère à Drummondville. On pouvait en compter au-delà d’une dizaine de milliers au Québec (13). Ils furent amnistiés (14) en 1947, le jour suivant la fin de la guerre.





Références

1 BROUILLETTE, Benoît. « L’aluminium au Saguenay » (1946) – Les Classiques des sciences sociales
2 GIRARD, Camil et PERRON, Normand. Histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989, 665 p.
3 SIMARD, Marianne. « Edmond Tremblay, pionnier d’Arvida », [En ligne], http://www.csjonquiere.qc.ca/ConcoursHistoire/Documents/03-Marianne Simard 3e prix secondaire.pdf
4 IGARTUA, José Éduardo. « Arvida au Saguenay. Naissance d’une ville industrielle »., p.206, http://books.google.ca/books?id=EBi9pD5e8uwC&pg=PA196&hl=fr&source=gbs_toc_s&cad=1&sig=EIgoBGdwm68u5pmEGH77bhMCsRI
5 IDEM
6 BOTHWELL, Kilbourn. « C.D. Howe », 274.
7 28 July 1941, Cabinet War Committee minutes, Howe, King papers, MG 26J-2, LAC.
8 MACFARLANE, John. Agents of control or chaos? A strike at Arvida helps clarify canadian policy on using the troops against Workers during the Second world war », The Canadian Historical Review 86, 4 Décembre 2005, University of Toronto Press
9 IDEM
10 « Sa Majesté la Reine enjoint et commande à tous ceux qui sont ici présents de se disperser immédiatement et de retourner paisiblement à leurs domiciles, ou à leurs occupations légitimes, sous peine d’être déclarés coupables d’une infraction qui peut être punie de l’emprisonnement à perpétuité. Dieu sauve la Reine. » - Loi de l’émeute
11 Université de Sherbrooke. « 27 avril 1942 – Tenue d’un plébiscite sur la conscription par le gouvernement fédéral », Bilan du siècle [En ligne], http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/694.html
12 POMERLEAU, Daniel. « Une guerre mondiale au Saguenay », http://www.legionmagazine.com/fr/index.php/2006/03/une-guerre-mondiale-au-saguenay/
13 CIFRAQS. « Chronologie de l’histoire du Canada », 20-10-2003 [en ligne], http://www.tu-dresden.de/sulcifra/quebec/geschqu/chronol.htm , consulté le 09-07-2008
14 Libérés de la sentence qu’ils avaient écopés pour désertion

samedi 7 juin 2008

En 1990, Victoire populaire à l'Anse Saint-Jean

Je vous présente aujourd'hui un autre des ces pans de l'histoire régionale qu'on oublie souvent très vite mais qui pourtant, on tout à voir avec les façons d'envisager le futur par chez-nous (parce qu'il en est encore un possible!). Le texte que je vous propose documente l'histoire de la lutte qu'ont mené, entre 1986 et 1990, les habitant(e)s de l'Anse Saint-Jean pour le développement de la région du bas-Saguenay, alors aux prises avec de graves problèmes de dépopulation et de manque de travail. Dès 1986, l'idée d'un centre de ski alpin intégré au Parc du bas-Saguenay, qui émergea de rencontres publiques, fut fortement poussée par la communauté, traditionnellement centrée sur l'exploitation du bois pour un géant ou un autre, mais fut obstruée durant plusieurs années par deux centres de ski: Le Valinouët (Falardeau, Saguenay) et le Mont Grands Fonds (Charlevoix, dont le premier ministre canadien, Brian Mulroney, était député) en plus de par la machine bureaucratique de l'État qui venait embourber le projet et littéralement, en chasser les résidant(e)s. Quand la communauté décida que s'en était assez, vers la fin 1989, elle se mobilisa et un gigantesque blocage de la route 170 eut lieu. Par la suite, en février 1990, les pistes furent illégalement défrichées les bucherons de la communauté. Le 17 février 1990, la victoire des gens de l'Anse Saint-Jean sur la machine était annoncée dans Le Quotidien et Parc Saguenay se voyait alloué la somme de 6 millions de $.

Face à l'État qui délaissait le développement de leur région et les condamnaient directement, les gens de la communauté ont su se mobiliser fortement pour se faire entendre et aller de l'avant sur de nouvelles formes de développement de leur région.

Voici le texte proposé:
"Anse Saint-Jean et la lutte pour la survie de l'écosystème" de Pierre-Wilfrid Boudreault paru dans le revue Possibles, vol.15, no. 1, hiver 1991, pp. 147-163 et diffusé sur internet dans Les Classiques des Sciences sociales.

Dans la même ligne, mardi (10 juin) à 19h30, à l'émission "Tout le monde en parlait" à Radio-Canada, il sera question des résistances qui eurent lieu lors des expropriations de près de 215 familles en 1969 lors de la création du Parc national de Kouchibouguac, au Nouveau-Brunswick.

vendredi 30 mai 2008

On nous prend pour des imbéciles !

Lu sur Voix de Faits :
Jeudi dernier, nos vaillantEs parlementaires ont votés à l'unanimité de laisser le crucifix là où il est, dans le salon bleu. La motion libérale se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale réitère sa volonté de promouvoir la langue, l'histoire, la culture et les valeurs de la nation québécoise, favorise l'intégration de chacun à notre nation dans un esprit d'ouverture et de réciprocité et témoigne de son attachement à notre patrimoine religieux et historique représenté par le crucifix de notre Salon bleu et nos armoiries ornant nos institutions.»

Voilà que le crucifix de l'assemblée nationale prend sa place dans notre «patrimoine religieux et historique». On pourrait penser que le crucifix est là depuis toujours, or, il n'en est rien. Les formations politiques traditionnelles du Québec, issues des rebellions patriotes, n'auraient jamais accroché un tel symbole en pleine contradiction avec leur idéal républicain. En fait, c'est Duplessis, lors de son premier mandat (en 1936) qui a accroché la chose.

L'ennui avec les traditions c'est qu'elles ne sont jamais neutres, elles sont toujours l'objet d'un choix politique. En choisissant de défendre le crucifix, les parlementaires choisissent dans notre histoire le courant réactionnaire et traditionaliste représenté par l'Union nationale. Ils auraient pu choisir autre chose, les patriotes, les rouges ou l'institut canadien par exemple (desquels, oh comble de l'ironie, les partis actuellement représentés descendent tous!), mais non.

L'histoire et la tradition sont des champs de batailles. Les élus ont choisi leur camp, le nier c'est nous prendre pour des imbéciles.

mardi 6 mai 2008

Les « Gens Libres » de la Shipshaw, premiers occupants de Falardeau

Lu sur Le peuple métis de la Boréalie : Une famille métisse du Lac-Cair, au nord de Chicoutimi, vers 1950. Selon la Loi de 1850, dans le Bas-Canada et le Québec actuel les « Sauvages » comprennent les Indiens, les couples Métis qu'on appelle également « Bois brûlés » et « Gens libres », et toute leur descendance.


Depuis des temps immémoriaux, la rivière Shipshaw a été utilisée comme voie de pénétration permettant aux Indiens, aux missionnaires et aux coureurs des bois d’accéder au lac Onatchiway et à cet arrière-pays mystérieux. Au début des années 1880, deux ou trois familles montagnaises (les familles Xavier, Joseph et Charlish) viennent s’installer périodiquement non loin de la chute aux Galets. Ces gens, raconte l’ancêtre Jean-Baptiste Petit (R. Bouchard, 1996, 354-355), « sont campés sur un des plus beaux sites que l’on puisse imaginer. La rivière [Shipshaw est] très large et parsemée d’îles et d’îlots, les uns couverts de bois vert, et [les] autres [avec uniquement] de l’herbe et des rochers ». Ils campent là pendant l’été, alors qu’au cours de l’automne, ils remontent dans leur territoire de trappe, situé à la tête de la rivière Shipshaw, dans les secteurs des lacs Onatchiway et Pamouscachioui.

Au début des années 1930, lorsque arrivent les nouveaux colons dans le canton Falardeau, le gouvernement leur attribue des terres à la « Pointe des Indiens », le long de l’actuel réservoir du «lac» Saint-Sébastien. Au fil des ans, ces Métis montagnais vont se mêler aux colons qui épousent quelques « Indiennes », perpétuant ainsi la lignée des Xavier et donnant naissance à celle du Métis “Jules Tremblay”.

Lors d’une visité effectuée chez les Xavier, (Le Soleil, 22 juin 1961), Clément Dufour, un traiteur de fourrures bien connu à Chicoutimi, rapporte que cette famille l'a reçu sourire aux lèvres, le teint cuivré, la joie au coeur. Ces gens vivent là, tant bien que mal, tantôt sous la tente qu’ils semblent trouver plus confortable l’été, tantôt dans une modeste cabane construite par les citoyens de Falardeau. Pendant que les hommes se rendent à la chasse ou montent dans les chantiers forestiers de la Price Brothers & Co., « les femmes s’adonnent à la pêche dans le lac St-Sébastien qui, parait-il, regorge de brochets ». En 1998, des descendant de la famille Xavier habitent toujours sur la propriété ancestrale, sur les rives du lac Saint-Sébastien.

Russel Bouchard
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Référence : Ce texte a été tiré de la brochure titrée « Saint-David-de-Falardeau - de l'eau, de la terre et des hommes », textes de Russel Bouchard publiés en 1998 pour le compte de la municipalité de Saint-David-de-Falardeau.

* La municipalité de Falardeau est située à une vingtaine de kilomètres, au nord de Chicoutimi.

samedi 19 avril 2008

1965

« "Cocktail Molotov" lancé à Alma : un adolescent détenu. La police détient à Alma un adolescent de quinze ans, relativement à une tentative de destruction du quartier général de la police au moyen d'un "cocktail Molotov", et à l'incendie d'une auto-patrouille.

Le "cocktail Molotov" avait été lancé, dans la nuit de jeudi, à travers la fenêtre d'un bureau inoccupé du quartier général de la police ; il n'a pas explosé. Quelques heures plus tard, un jeune homme prenait la fuite après avoir déposé des chiffons de papier imbibés d'huile sous le réservoir à essence d'une auto de police, près de l'hôtel de ville. Le papier, heureusement, s'est consumé avant que l'explosion ne se produise et l'auto n'a pas été endommagée. L'adolescent qu'on croit responsable de ces actes criminels a été arrêté dans la nuit de vendredi ; il a déclaré être membre de "La jeunesse libératrice du Québec", mouvement dont plusieurs personnes se réclament auprès de la police, qui reçoit depuis un an nombre de coups de téléphone anonymes qui sont autant de menaces d'actes de violence. » ( La Presse , 20 avril 1965)

Certains se souviennent peut-être de cette époque, qui se termina par une sévère répression et des arrestations de masse. Le 16 octobre 1970, l'État de siège était déclaré au Québec et l'armée canadienne envahissait la province. Force est de reconnaître, même si l'on ne supporte pas le nationalisme, qu'une forte lutte fut menée et qu'une diversité de moyen fut utilisée jusqu'à la crise. Il y aurait eu des camps d'entrainement à la guérilla qui aurait été tenus au Lac Saint-Jean et à Sept-Iles.

lundi 31 mars 2008

SagLac, Coeur de rockeur/euse

Le 24 février dernier, sur la Première chaîne Radio, à l'émission Macadam Tribus, a été diffusé un reportage de Charles Plourde sur l'histoire du rock et du punk saguenayen et jeannois. Le reportage est très intéressant et très instructif sur l'évolution de la scène régionale et démontre l'origine de classe populaire du mouvement punk. Je vous présente un p'ti bout de l'histoire, écoutez la bande sonore du lien si vous voulez en savoir plus.

Selon le journaliste pour Bande à Part et "historien du rock québécois", Félix B. Desfossés, le 1er groupe de rock du Saguenay-Lac-Saint-Jean aurait été créé en 1962. Il s'agit du groupe Les Jaguars, qui était mené par Arthur Cossette, dit « Le Jaguar », qui vivait près de la base militaire aérienne de Bagottville. Le bruit des avions qui passaient près de chez lui, lui a inspiré un son « distorsionné et sonique ».

Le 1er groupe punk du Québec fut un groupe de la région : Méléone, un groupe formé en 1974, qui était très imprévisible sur scène. Le groupe se promenait souvent nu sur scène et quelques uns des premiers concerts, qui se donnaient dans la région, déclenchèrent des émeutes. Le groupe deviendra par la suite Danger, et passa de la langue anglaise à la langue française. Le groupe se sépara vers la fin des années 70 et plusieurs des membres du groupes réapparaîtront dans d'autres projets, notamment Dédé Traké et Polo des Frères à Ch’val.

lundi 24 mars 2008

1ER MAI : Journée Internationale des Travailleurs/euses

Le 1er Mai est célébré à chaque année, à travers le monde, la Journée Internationale des Travailleurs/euses. Les évênements et convergences qui ont lieu cherchent à commémorer les siècles de lutte des travailleurs et travailleuses pour leurs droits et pour des conditions de vie plus dignes.

Les anarchistes (également appelé-e-s libertaires) tiennent une grande place dans la tradition de cette journée. Il serait question d'anarchistes, à Chicago, vers 1886, qui durant des émeutes à Haymarket Square, pour obtenir la journée de travail de 8 heures, furent condamnés à mort sur de faux-motifs. Les martyrs d'Haymarket étaient ceux des travailleurs, travailleuses, et opprimé(e)s du monde entier qui luttent pour leurs droits et conditions et chaque année depuis, la journée est célébrée dans le monde. À ce sujet, vous pouvez visionner en ligne le film "Origine du 1er Mai".

L'an dernier, à Montréal, en plus d'une grande manifestation internationaliste et révolutionnaire, le bureau du président de la FTQ, Henri Massé, avait été occupé par un groupe. Les manifestant-e-s avaient rapidement été expulsé-e-s de la bâtisse, quand les gros bras de la FTQ ont littéralement scié la porte du bureau du Président avec une scie mécanique. Et oui, la FTQ emploit des gros bras, son "service de protection"!

Cette année, en plus de celle de Montréal, il y aura une manifestation à Québec pour le premier mai. Dans un récent communiqué du 23 mars, "Le 1er mai, dans la rue!", le Parti communiste révolutionnaire a affirmé son soutien et sa participation à l'évênement, et reçoit l'appui d'une variété de groupes pas nécessairement communistes de Parti. On lit entre autre, dans le communiqué:


La bourgeoisie vise uniquement à accumuler des richesses qui ne profitent qu'à elle, à engranger des profits et ce, au mépris de la vie et de la dignité de millions de travailleurs et travailleuses, d'immigrantEs, de jeunes, de sans-emploi, à la merci des capitalistes canadiens. Ceux-là ont tous les droits, y compris celui d'exploiter davantage en réduisant les emplois et de fermer les usines quand bon leur semble. Et quand les profits sont plus difficiles à faire, leurs mercenaires au gouvernement font la job de bras pour réduire l'accès aux droits les plus élémentaires pour tous et toutes: celui de se loger, de se nourrir, de s'éduquer et de se soigner.


Depuis 2001, voilà que cette même bourgeoisie mène en plus la guerre en Afghanistan, à coups de bombes, de fusils et de milliards, avec de l'armement, des soldats et des mercenaires. Le gouvernement conservateur et son parlement ont déjà voté le prolongement de cette guerre, en grands défenseurs des compagnies «Made in Canada» qui s'enrichissent aujourd'hui sur le dos d'un peuple réduit à la misère et dont le sort a nettement empiré depuis l'intervention impérialiste.


Cette guerre-là est la démonstration la plus meurtrière et la plus indigne de ce que les États impérialistes et capitalistes produisent à l'échelle du monde: la destruction et l'accumulation de richesses qui ne profitent qu'à eux. Ils expriment la volonté d'une poignée de possédants à dominer la planète pour engranger des profits et ce, au mépris de la vie et de la dignité des centaines de millions de travailleurs et travailleuses, de paysanNEs, d'ouvriers agricoles, de jeunes et d'excluEs du système économique mondial.


Voilà autant d'exemples qui exigent que l'on s'organise ici même au Canada pour mettre fin à ce système pourri qui fait qu'une classe, celle des capitalistes, en exploite une autre, immensément majoritaire!



Infos pour se rendre aux manifestations:
Montréal: Rendez-vous à 18h00, départ de la manifestation à 18h30 au coin des rues Ontario et Valois

Collectifs et organisations qui appuient la manifestation: Anarkhia, Association pour un Québec libertaire, Carrefour Québec-Cuba, Centre d'appui aux Philippines, Centre des travailleurs et travailleuses immigrantEs, Comité des sans-emploi Montréal-centre, Comité pour un Secours rouge canadien, La Pointe libertaire, Parti communiste révolutionnaire, Personne n'est illégal - Montréal, Solidarité sans frontières, Union Locale de Montréal -NEFAC-, Unité socialiste des IranienNEs à Montréal.

Québec: Rassemblement à 18h au coin des rues Nolin et Pruneau (dans le quartier Vanier)
* Un autobus partira à 17h du coin des ruesLangelier et Charest. Détails: quebec@pcr-rcp.ca

vendredi 7 mars 2008

La manne bleue

Comme on l’entend souvent, il importe de connaître l’histoire de nos prédécesseur(e)s pour comprendre le présent et envisager l’avenir. Toutefois, l’Histoire officielle se borne trop souvent à celle des puissants et laisse de côté la réalité sociale, qui cherche, elle, à décrire la vie de la population et ses conditions. Il serait vain de tenter de poser l’Histoire sociale en long et en large de la région en ces quelques lignes. Je vous propose tout de même ce texte de Clément Dallaire à propos de la récolte du bleuet.

Source : La manne bleue, Clément Dallaire – Vie ouvrière no. 140, Décembre 1979, " Saguenay Lac St-Jean : dossier régional "

" C’est au beau milieu de l’été, fin de juillet et début d’août, que le travailleur doit, avec sa femme, préparer le butin et les victuailles nécessaires à une tournée de cinq, et voire même sept semaines si le temps et les bleuets sont bons.

Le bleuetteux régulier, celui qui compte sur ce revenu d’appoint pour boucler les deux bouts du budget doit, au beau milieu de l’hiver, planifier ses vacances et se faire à l’idée qu’il ira une fois de plus les passer sous les feux du soleil et les vents froids d’août à ramasser des bleuets. On sait par expérience que les fatigues accumulées d’une journée à l’autre et l’ennui prennent vite la place de la poésie.

Rien de bien changé depuis nos pères. La cueillette du bleuet sauvage demeure un travail dur pour celui qui le fait pour gagner sa vie. Les conditions matérielles sont sans aucun doute bien améliorées, mais ramasser des bleuets sur les flancs des montagnes demeure une chose "éreintante" pour tout le monde.

Si, une chose est nouvelle! C’est la présence continuelle d’un "acheteur" de bleuets parmi les familles établies dans le secteur. Son rôle est d’acheter au plus bas prix les cueillettes du jour pour ensuite les revendre à un premier intermédiaire qui, lui, va d’un campement à l’autre chercher la manne. Son patron la revendra à son tour à l’entreprise " Julac " de Dolbeau-Mistassini, à la Chaîne Coopérative du Saguenay-Lac Saint-Jean ou encore à un juif résidant à St-Félicien qui achète pour le compte d’une firme américaine. Les prix de cette dernière entreprise étant souvent meilleurs que ceux offerts par les autres, c’est elle qui rapporte le " gros lot ".

Les ramasseux auraient avantage à se regrouper pour établir eux-mêmes leur propre marché des bleuets. Mais, pour ce faire, les difficultés sont grandes. En soirée autour du feu des étés, on cause bien à voix basse de la possibilité d’une action à poser, mais une fois de retour à la maison, on remise l’idée comme on le fait pour les boîtes, les casseaux, les peignes, les " tapettes ", les videux et les différentes choses du métier.

Le petit salarié qui y est allé chercher un revenu d’appoint est très souvent un travailleur non syndiqué, au salaire minimum depuis toujours et peu apprivoisé au système coopératif. Le regroupement lui est étranger dans sa vie et, de plus, lui fait peur!

Une autre raison prévaut également au maintien de la situation. C’est que, en effet, cueilleurs, acheteurs et commerçants, tous " empochent " en bel argent sonnant. Aucune déduction pour impôts, etc. Dans l’immédiat, les journées sont bonnes et c’est ce qui fait l’importance! D’ailleurs, les quelques contributions à l’assurance-chômage ne suffiraient pas à les rendre éligibles au programme… pourquoi donc les payer?

À l’été 1977, deux adultes et un adolescent de 15 ans, entraînés à faire ce travail pouvaient récolter une douzaine de boîtes de trente livres chacune chaque jour. Au début de l’été, le prix se situait aux alentours de 35¢ la livre et, vers la fin, alors que les bleuets se font plus rares, il atteignait les 55¢ la livre. On pouvait compter une moyenne de $150.00 par jour. Une bonne saison compte trente à trente-cinq jours de ramasse. On travaille semaines et dimanches; seule la pluie abondante retient les gens au campement.

Quant à l’acheteur intermédiaire, il touchait, cet été-là, 0.01¢ à 0.03¢ la livre. Les douze ou quinze familles lui permettaient donc un revenu journalier des plus appréciables. Les revenus des deuxième et troisième intermédiaires nous sont inconnus. Nous pouvons croire qu’ils ne sont pas inférieurs mais bien de loin supérieurs à ceux-ci. Dans les circonstances, je crois à une exploitation par les semblables et les compagnies, en même temps qu’à un manque d’organisation et de conscientisation de la part des travailleurs.

Mon père, il y a de cela trente ans et plus, avait pensé et mis en place certains éléments du système coopératif. Ainsi, c’est un cueilleur qui se rendait vendre aux deux jours les récoltes du campement à Saint-Félicien. À ce cueilleur, on défrayait le transport et le salaire d’une journée de ramasse; le surplus des recettes était distribué au pro-rata des livres de bleuets vendus. On éliminait ainsi les intermédiaires. Pourquoi les prix sont-ils fixés par les acheteurs au lieu des cueilleurs? Si on s’avisait un jour de prendre ses affaires en mains au beau milieu de l’hiver, peut-être que le sort de chacun de ces travailleurs serait meilleur au beau milieu de l’été?

L’industrialisation de la "manne bleue" est à nos portes. Depuis déjà quatre ans, des bleuétières sont en exploitation dans notre région. En raison de plusieurs facteurs encore inconnus, la production demeure toujours insuffisante pour les efforts fournis. L’apport des bleuetteux de montagnes est encore considérable.

Qui de nous se lèvera assez tôt pour la protéger comme on protège un patrimoine duquel on tire le meilleur pour nous et nos enfants? La "manne bleue" de demain appartient aux lèvent tôt d’aujourd’hui!

Alma, le 8 décembre 1979 "

lundi 28 janvier 2008

90e anniversaire des émeutes de la conscription à Québec (28 mars)



Aujourd’hui comme hier : nous rejetons votre guerre !

C’est en grande pompe que la ville de Québec célèbre en 2008 le 400e anniversaire de sa fondation. Mais au delà des millions dilapidés aux quatre vents, la fête prend une dimension politique. Dans leur programmation, les organisateurs passent évidemment sous silence les 400 ans de colonialisme et de génocide des peuples autochtones qui occupaient ce territoire bien avant Samuel de Champlain. Et bien entendu, on oublie également de parler des luttes menées par la population de Québec contre la domination et l’exploitation.

L’une d’entre elle mérite pourtant d’être soulignée : la résistance contre la conscription de 1918.

Le Canada est alors plongé dans la Première Guerre mondiale. Le gouvernement a envoyé plus de 400 000 hommes sur les champs de batailles. Parmi eux, 60 000 meurent au combat. La propagande militaire canadienne frappe toutefois un mur, notamment au Québec. Les francophones, dans leur immense majorité, rejettent l’enrôlement obligatoire et refusent de défendre l’empire britannique au prix de milliers de vies humaines. Les socialistes proposent la conscription des richesses et font campagne en faveur de la grève générale pour y arriver. À l’occasion, la colère populaire s’exprime avec violence, créant un climat de tension particulièrement intense aux quatre coins de la province. À Montréal, en 1917, des « dynamiteros » font sauter la résidence d’un farouche partisan de la conscription tandis qu’à travers le Québec, des manifestations anti-impérialistes ponctuent les dernières années de la guerre.

Du 28 mars au 1er avril 1918, la ville de Québec est secouée par de violentes émeutes qui opposent pendant cinq jours et quatre nuits plusieurs milliers d’anti-conscriptionistes aux autorités civiles, religieuses et militaires. Suite à l’arrestation par la police fédérale d’un jeune homme dispensé du service militaire, Joseph Mercier, des manifestants attaquent le poste de police de la Place Jacques-Cartier, dans le quartier Saint-Roch. Le lendemain, les émeutiers investissent les bureaux d’inscription militaire situés à la Place Montcalm (aujourd’hui le Carré d’Youville) et brûlent les documents qu’ils trouvent sur place. Deux journaux appuyant la conscription (l’Événement et le Chronicle) sont également attaqués par la foule venue en masse des quartiers ouvriers de la Basse-Ville. Malgré l’arrivée de centaines de soldats venus de l’Ontario, la population n’en démord pas, préférant s’armer pour faire face aux charges des militaires.

C’est le plus haut gradé francophone de l’armée canadienne, le Major-Général François-Louis Lessard, qui prend maintenant le contrôle des opérations pour rétablir « la loi et l’ordre ».

Comme l’explique l’historien Jean Provencher, « cet officier s’y connaît en matière de rébellion ou de soulèvement. On le retrouve à Québec, en juin 1878, alors que l’armée intervient contre des ouvriers grévistes qui “s’adonnent à la violence et au pillage” (1). Il sera décoré pour sa participation à l’intervention armée contre les Métis en 1885. Il dirigera le régiment des Royal Canadian Dragoons en Afrique du Sud, en 1900 et 1901. Il se retrouve maintenant à Québec dans des circonstances quelque peu identiques » (2).


C’est à grand renfort de mitrailleuses que se réglera le soulèvement populaire. Au coin des rues Saint-Vallier et Saint-Joseph, l’armée tire sur la foule, faisant quatre morts. On compte parmi eux trois ouvriers (Honoré Bergeron, Alexandre Bussières, Georges Demeule, qui est âgé d’à peine 15 ans) et un étudiant (Joseph-Édouard Tremblay). Tous habitent le quartier Saint-Sauveur. Au total, plus de 75 personnes sont blessées pendant les troubles, dont plusieurs par balles. Leur nombre exact reste incertain, la plupart évitant de se rendre à l’hôpital où les militaires procèdent à des arrestations. Plus de 2000 soldats prirent part à la contre-insurrection, faisant de cette opération militaire l’une des trois plus importantes sur le sol québécois avec les événements d’octobre 1970 et la crise d’Oka en 1990.

Aujourd’hui, 90 ans plus tard, le Canada est de nouveau en guerre aux côtés des puissances occidentales. Les motifs ne sont guère différents : une fois de plus, il s’agit d’une guerre impérialiste menée au nom de la démocratie et de la liberté. Mais, hier comme aujourd’hui, les peuples ne sont pas dupes. Malgré la propagande incessante, une majorité de la population québécoise s’oppose à la guerre. Si la conscription n’est pas à l’ordre du jour, l’armée redouble d’effort pour recruter les jeunes des milieux populaires et les envoyer mourir au front. Malgré les protestations, le gouvernement conservateur fait la sourde oreille et continue d’aller de l’avant. C’est en notre nom, et avec notre argent, que le Canada fait la guerre.


Cette opposition populaire doit pouvoir s’exprimer! C’est pourquoi nous marcherons le 28 mars prochain pour commémorer le 90e anniversaire des émeutes contre la conscription et pour manifester notre opposition à la guerre en Afghanistan.

Manifestation anti-militariste, Vendredi le 28 marsRassemblement à 17h, devant la bibliothèque Gabrielle-Roy (350, rue Saint-Joseph Est) à Québec.


Notes :(1) L’armée tue pendant cette grève un ouvrier d’origine française, Édouard Beaudoire, que des rapports militaires présentent comme un socialiste qui a participé à la Commune de Paris.
(2) Jean Provencher (1971), Québec sous la loi des mesures de guerre 1918, Montréal, Éditions du Boréal Express, p. 82.

dimanche 20 janvier 2008

Quelques minutes d'Histoire

Élisée Reclus(1830-1905), libertaire et géographe, fut l’un des pionniers de la géographie sociale. À travers ses voyages un peu partout sur la planète, il a étudié les relations que les humains avaient avec la nature et comment ils vivaient dans leurs milieux distincts. Du 6 juin au 4 juillet 1889, il a voyagé à travers le Québec et fait part de ses notes dans divers publications, dont les explications du temps restent encore aujourd’hui très intéressantes en ce qui a trait à l’Histoire sociale. Anecdote à part, durant son voyage, il avait d’ailleurs rencontré, à Roberval, un réfugié de la Commune de Paris qui vivait là-bas avec toute sa famille (la famille « La liberté »!).

Je vous fait aujourd’hui part d’un passage très intéressant pour revenir sur les événements de la colonisation de l’Amérique, alors que l’information sur le sujet s’appauvrit pour le « divertissement général », en ces temps de « Québec 2008 ».

Aussi, nos questionnements sont encore importants en 2008, à savoir, si le rôle qui est attribué aux régions ne les réduits pas à leur perte. De vastes étendus du territoire de la région et des bouts de la rivière Saguenay appartiennent encore aujourd’hui à de grandes entreprises étrangères (qui n’ont pas à payer de taxes !). La solution n’est pas de fuir pour la métropole, mais de s’organiser sur des bases populaires et de reprendre contrôle sur nos vies!

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(la citation parle d’abord du 16ième siècle)

« …Le peuplement de la contrée par des émigrants venus de France et d’autres lieux était presqu’impossible, ces longues étendues de côtes et tout l’arrière pays ayant été donnés en monopole à des personnages bien en cour qui n’étaient pas assez riches pour faire exploiter le sol, mais qui voulaient interdire à tous autres d’y faire commerce ou profit. Tandis que la péninsule d’Acadie, la future Nouvelle-Écosse appartenait à M. de Poutraincourt, une dame, Mlle de Guercheville, était censée la propriétaire de toute la Nouvelle France, à l’ouest de la péninsule d’Acadie, et les agents de la concessionnaire étaient autorisés par le roi à pourchasser tous les étrangers ou Français qu’ils rencontraient « dans la rivière plus haut de l’endroit de Gaspé » ; au-delà « tout trafic et commerce » restaient interdits à « tout capitaine, pilote, marinier et autres de la mer océane [1].

C’est ainsi que la colonisation fut retardée et même complètement empêchée pendant un siècle. Partout la foule des pêcheurs dut se contenter d’abris temporaires. Des colons ne purent officiellement prendre possession du sol et fonder des établissements permanents qu’au commencement du dix-septième siècle, en 1604, à Port-Royal de l’Acadie – maintenant Annapolis- et en 1608, à Québec, c’est-à-dire au « Détroit », au dessus du large port que forme la rivière Saint-Charles à son confluent. Mais les quelques immigrants amenés au Canada par Samuel Champlain n’étaient pas même assez ingénieux pour savoir trouver leur nourriture en ces terres fécondes, au bord de ce fleuve poissonneux : quand les provisions envoyées de France venaient à manquer, la famine régnait et le scorbut emportait les colons. En dehors de la vaine recherche de l’or et du commerce des « pelus » ou pelleteries, les nouveau-venus ne connaissaient aucun métier et n’avaient aucune initiative. Il fallut le génie du Parisien Hébert pour inventer le jardinage sur cette terre fertile qui ne demandait qu’à produire. À la pauvreté et à l’incurie des concessionnaires, à l’ignorance des colons, s’ajoute bientôt une autre cause de lenteur dans l’appropriation du sol : ce fut l’intolérance religieuse.

Les immigrants présentés en plus grand nombre, si le gouvernement colonial avait autorisé le peuplement spontané, auraient été les protestants, puisque la plupart d’entre eux étaient persécutés dans la mère-patrie et que, d’ailleurs, le changement de foi, la rupture des liens traditionnels, les dures nécessités d’une existence nouvelle les douaient d’une certaine initiative. En effet, dans les premiers temps, des huguenots, venus surtout de la Saintonge, débarquèrent au Canada. D’abord protégés par l’esprit de tolérance qui avait dicté l’édit de Nantes, ils furent bientôt obligés de quitter la colonie : la pratique d’orthodoxie intransigeante finit par se préciser et l’unité de foi prévalut, au grand profit matériel du clergé, devenu souverain.

Les vrais rois du Canada, desquels dépendaient les gouverneurs aussi bien que les colons, étaient les missionnaires jésuites : toutes les hautes situations leur étaient acquises et les terres les plus riches leurs appartenaient, en même temps que, par la dîme, une part considérable de la propriété des fidèles. À côté de cette aristocratie de la compagnie de Jésus, les franciscains, les frères récollets aux pieds nus étaient tenus pour une sort de plèbe religieuse, bonne tout au plus à convertir les indigènes, avec lesquels elle s’associait volontiers.

Maîtres de la terre, les jésuites eussent voulu également posséder le monopole du commerce et voyaient de très mauvais œil les aventuriers qui s’enrichissaient par le commerce des fourrures. Les ordonnances formelles, sollicitées par eux, défendaient aux « coureurs », sous peine de galères, d’aller chasser à plus d’une lieue de distance. Il en résulta que ces « chercheurs de pistes », obligés de fuir la société policée, allaient vivre chez les Indiens, qui les accueillaient en frères, et que leurs familles, composées de « bois brûlés », c’est-à-dire métis, se résorbaient peu à peu dans la population aborigène.

L’alliance du sang entre les colons français et les tribus de Peaux rouges, »… « fut réprouvée par les directeurs spirituels du Canada comme une pratique immorale, et l’on préféra s’adresser aux prêtres des paroisses françaises pour envoyer des orphelines, de même qu’à la police de Paris pour trouver dans les asiles et les prisons des femmes chargées de maintenir sur les bords du Saint-Laurent la pureté du sang européen. C’est grâce à ces arrivées de personnes à marier que les Canadiens du bas fleuve sont restés Français d’origine authentique [2].
»


[1] Benjamin Sulte, Histoire des Canadiens français
[2] Benjamin Sulte, Prétendue Origine des Canadiens français

Source : L’Homme et la Terre, Élisée Reclus (1905) – Tome 4, Chap. 13, p.442-445 (puisé sur la bibliothèque numérique Gallica)

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Les principaux colonisateurs de l’Amérique ont diffusé le mythe de la supériorité de leur race sur les autres et de la nécessité de civiliser les autres peuplades, afin de justifier la prise de possession qui s’en suivait. Les européens ont ainsi posé leurs titres de propriété sur les terres d’Amérique(« la Grande tortue »), qui pour les autochtones, n’appartenaient à personne mais que tous et toutes doivent respecter. Je vous laisse sur une question :
Comment est-ce que ce mythe se porte de nos jours ?

Note supplémentaire : À Québec, demain (Lundi, le 21) à 19h, aura lieu au Café-bar l’Agitée (251 Dorchester), une rencontre large sur la possibilité de montrer «l’autre visage du 400e».