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PIRANESE




David Green, Ron Herron, Living Pod | 1966
Gravure Piranesi | 1756

« Si ces Prisons longtemps relativement négligées attirent comme elles le font l'attention du public moderne, ce n'est peut-être pas seulement, comme l'a écrit Aldous Huxley, parce que ce chef-d'oeuvre de contrepoint architectural préfigure certaines conceptions de l'art abstrait, c'est surtout parce que ce monde factice, et pourtant sinistrement réel, claustrophobique, et pourtant mégalomane, n'est pas sans nous rappeler celui où l'humanité moderne s'enferme chaque jour davantage, et dont nous commençons à reconnaître les mortels dangers. »

Marguerite Yourcenar
Le cerveau noir de Piranèse
1959

Nulle trace de cellules dans les Prisons de l'architecte, graveur, Giovanni Battista Piranesi, mais un espace qui nous rappelle l'inhumanité moderne pour Yourcenar, ou un espace infini qui « représente celui de l'existence humaine », selon Manfredo Tafuri. Nées et ignorées [I] au siècle des Lumières, Tafuri estime que ces Prisons expriment les contradictions et l'angoisse de la culture bourgeoise [II], qu'elle tente de compenser par un mécanisme idéologique capable de les réduire provisoirement, et de combler l'abîme entre ses propres impératifs moraux et l'univers de la Nécessité. Selon Tafuri "la phénoménologie de l'angoisse bourgeoise se situe entièrement dans la libre contemplation du destin", et ajoute-t-il, ce besoin de compensation idéologique a cessé peu à peu d'être fonctionnel. 

Ainsi, la formation intellectuelle de l'architecte "éclairé" comme idéologue et thérapeute du "social", plus que de la forme, dont l'apogée se situe à l'époque de la République de Weimar et de Le Corbusier, héritier des Lumières, prend fin avec la post-modernité.  Il était dès lors logique que les Prisons infernales et autres gravures de Piranesi resurgissent au sein des courants post-modernes de l'intelligentsia architecturale mondialisée, mais au contraire des siècles précédents, pour sinon justifier, mais exalter, sublimer, exacerber les chaos du monde d'aujourd'hui, et approuver - avec cynisme, hypocrisie, ferveur ou silencieusement  - l'oeuvre destructrice d'un nouvel âge du capitalisme, auquel il ne serait question de résister, et d'opposer une quelconque alternative.




USA | Naissance de l'Urbanisme Moderne




Les garden city, les company towns, les périphéries de lotissements pavillonnaires, les gated communities, les park ways, le supermarché, le building puis les quartiers de skyscrapers : les modèles urbains nés aux États-Unis au 19e siècle – pour certains, une adaptation aux conditions d'outre-Atlantique des expériences anglaises et de l'urbanisme européen - préfiguraient la morphologie et le paysage futur des villes du monde entier. De même, le développement des transports collectifs, et notamment les lignes de chemin de fer et de tramway électrique, qui s'est effectué dans les grandes villes américaines dès les années 1850, a été le plus précoce et le plus important. Cela est vrai également pour le développement automobile qui suivra, et de son impact sur les territoires. Manfredo Tafuri jugeait que de « tels processus sont le résultat du boom capitaliste qui investit directement l'échelle territoriale », et les réseaux de transports publics seront considérés par les premiers grands trusts comme une opportunité pour des opérations de spéculations ultra-lucratives ; tandis que les industriels en profiteront pour bâtir les company towns, cité ouvrière loin des centres villes,  dont l'objectif est ainsi résumé par le fabriquant de piano Steinway  :

« Nous espérions échapper ainsi aux menées des anarchistes et des socialistes, qui déjà à cette époque passaient leur temps à susciter le mécontentement parmi nos ouvriers et à les inciter à se mettre en grève. Ils semblaient nous prendre pour cible et nous pensions que si nous pouvions éviter tout contact entre nos ouvriers et ces hommes, ainsi qu'avec d'autres tentateurs de la ville dans les quartiers ouvriers, ils seraient plus heureux et que leur sort serait meilleur. » 


Manfredo TAFURI | La crisi come progetto



Felice Mometti
La crisi come progetto
Architettura e storia in Manfredo Tafuri

Nella storia non esistono “soluzioni”. Ma si può sempre diagnosticare che l’unica via possibile è l’esasperazione delle antitesi, lo scontro frontale delle posizioni, l’accentuazione delle contraddizioni. E questo non per un particolare sado-masochismo, ma nell’ipotesi di un mutamento radicale che ci faccia ritenere superati, insieme all’angosciosa situazione presente, anche i compiti provvisori che abbiamo tentato di chiarire a noi stessi.

1. Riconoscimento e oblio

Stano destino quello di Manfredo Tafuri. Considerato, quando era in vita, tra i più importanti storici dell’architettura della seconda metà del secolo scorso, mentre ora – a diciotto anni dalla morte – una coltre di silenzio avvolge la sua produzione ed elaborazione intellettuale. La sua figura suscita una sorta di imbarazzo. Un imbarazzo fatto di riconoscimenti formali e ben più sostanziali inviti all’oblio, alla sospensione del ricordo della sua attività didattica all’Istituto Universitario di Architettura di Venezia e delle sue riflessioni teoriche sul rapporto tra architettura e modo di produzione capitalistico. Sicuramente questo è accaduto in Italia, con l’eccezione di un interessante studio su Tafuri e l’architettura contemporanea[2], un po’ meno nei paesi anglosassoni. Il recente lavoro di Leach[3] ma soprattutto il saggio di Day[4], che ricostruisce i rapporti tra Tafuri e l’operaismo italiano rispondendo anche alle critiche affrettate di Jameson [5], testimoniano un interesse maggiore.

VIENNE La ROUGE


Karl-Marx-Hof | Karl Ehn architecte | 1929


Manfredo TAFURI
Francesco Dal CO

Vienne la Rouge : la politique du logement
 dans la Vienne socialiste [1920 - 1933]


La politique du logement qu'adopte la majorité social-démocrate de Vienne, après l'effondrement de l'Empire austro-hongrois, représente une solution de rechange radicale à la stratégie urbanistique de l'avant-garde allemande [République de Weimar]. La spécificité de la situation viennoise est d'ailleurs déterminante. À la spéculation foncière qui, dans l'avant-guerre, avait été la cause d'une forte hausse des loyers et de conditions de logement épouvantables pour les ouvriers, il faut ajouter le démembrement de l'Empire, qui prive la nouvelle Autriche de ses centres de production, en faisant de la capitale une tête sans corps, une agglomération improductive qui se cherche désespérément une fonction. En outre, à la majorité socialiste de la capitale répondent un territoire et un État que dirigent les classes conservatrices. De 1920 à 1933, Vienne sera un petit État dans l'État et, dans cette situation contradictoire, elle doit faire face à la ruine de son héritage. 

M. TAFURI : La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger [Partie I]


Le Corbusier, Lithographie Poème de l'angle droit, 1955.


Ce texte de Manfredo Tafuri est  fondamental ; Bernard Huet, qui préfaça le livre, note qu' à la différence des critiques et des historiens de l'architecture moderne qui n'ont guère réussi à éclairer la crise de l'architecture, Tafuri se propose d'en révéler l'origine mythique grâce aux instruments d'une critique "opérative". Pour armer cette critique il doit se placer d'un point de vue fondamentalement différent de celui utilisé par les historiens traditionnels qui opèrent dans le cadre problématique de l'Histoire de l'Art. 


Manfredo TAFURI


La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger
[Partie 1]

Chapitre extrait de :
Projet et Utopie, Architecture et développement capitaliste.

Editions Laterza, 1973


Avec une clairvoyance unique à son époque, Le Corbusier décrit les objectifs que doit se fixer le mouvement architectural progressiste en Europe : résorber la multiplicité, compenser l'improbable par le déterminisme du plan, concilier l'organique et le non organique en accentuant la dialectique de leurs rapports, démontrer que le niveau maximum de programmation de la production coïncide avec la plus grande « productivité de l'esprit ». Il est conscient que l'architecture moderne doit se battre sur un triple front. Car, si l'architecture est désormais synonyme d'organisation de la production, la distribution et la consommation sont, au même titre que la production, des facteurs déterminants du cycle. Pour Le Corbusier, le fait que l'architecte n'est pas un dessinateur d'objets mais un organisateur n'est pas un slogan, mais un impératif qui permet à l'activité intellectuelle de s'inscrire dans la civilisation machiniste. L'architecte se situant à l'avant-garde, anticipe cette civilisation, et en détermine les plans, même lorsqu'ils sont sectoriels. 

M. TAFURI : La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger [Partie 2]

James Rosenquist, F 111 [détail]

Le Pop art, l'Op art, les analyses sur l'imageability urbaine, l'esthétique prospective, concourent au même objectif : masquer les contradictions de la ville. Tafuri sera l'ennemi impitoyable des jeunes architectes Radicaux, cette prolifération de design underground, de design de « contestation » qui, (...) est élevé au rang d'institution, bénéficie de la propagande des organismes internationaux et est intégré dans les circuits d'élite. Il faut placer cette attaque virulente dans le contexte de l'époque où la Nuova Sinistra est particulièrement active, tout autant que la crise du logement, tandis que s'érigent encore des gigantesques bidonvilles dans la périphérie de Rome.


Manfredo TAFURI


La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger
[Partie 2]

Chapitre extrait de :
Projet et Utopie, Architecture et développement capitaliste.

Editions Laterza, 1973


La ville est donc considérée comme une superstructure, et l'art est désormais chargé d'en donner une image superstructurelle. Le Pop art, l'Op art, les analyses sur l'imageability urbaine, l'esthétique prospective, concourent au même objectif : masquer les contradictions de la ville contemporaine par leur résolution dans des images polyvalentes, par l'exaltation d'une complexité formelle qui, si on veut bien l'interpréter correctement, n'est rien d'autre que l'éclatement des dissidences irréductibles, incontrôlables par un plan capitaliste avancé. La récupération du concept 'art joue donc une fonction bien précise dans cette opération de couverture. 

Manfredo TAFURI : Dialectique de l'avant-garde


Lissitzky, Proun, 1919


Manfredo TAFURI *

Chapitre extrait de :
Progetto e Utopia. Architettura e Sviluppo capitalistico.
Projet et Utopie, Architecture et développement capitaliste.

Editions Laterza
1973

S'il y a un lieu précis où la défaite de la raison se manifeste de façon particulièrement évidente, c'est la Métropole, la Grosstadt. Aussi ces grandes concentrations tertiaires ont-elles constitué dans la pensée de Simmel, de Weber et de Walter Benjamin, un thème essentiel, qui a également influencé des architectes ou des théoriciens comme August Endell, Karl Scheffler ou Ludwig Hilberseimer [1].

La « perte » que prédisait Piranèse est devenue aujourd'hui une tragique réalité ; or l'expérience du « tragique », c'est par excellence l'expérience même de la Métropole. Obligatoirement confronté à cette expérience, l'intellectuel ne peut même plus adopter l'attitude blasée d'un Baudelaire. Ladislo Mittner parle très justement, à propos de Döblin, de la « mystique de la résistance passive » qui caractérise la protestation expressionniste, et il ajoute : « qui agit perd le monde, qui veut l'éteindre le perd aussi »[2].