Pueblada de Cutral Co. 26 de junio de 1996.
"On
peut penser qu’il n’est pas juste de couper la route aux
autres citoyens, mais on rétorquera que ce n’est guère plus
juste de ne pas pouvoir vivre dignement de son travail."
Mouvement Gilet Jaune en France d'aujourd'hui, hier, Movimiento Piquetero en Argentine : on ne peut évidemment pas comparer ces deux mouvements, tant les différences structurelles - historique, sociale, politique, économique, etc., divergent. Cela étant, quelques points communs émergent : dont le modus operandi, bloquer les routes, agir hors partis politiques au sein d'organisations de "ceux qui restent exclus des canaux traditionnels de la mobilisation collective" et leurs relations avec les différentes classes sociales de leurs pays, entre approbation et rejet. Denis Merklen, spécialiste de l'Argentine, nous éclaire.
Une
nouvelle politicité pour les classes populaires
Les
piqueteros en Argentine
Denis
Merklen
Université
Paris 7
TUMULTES,
numéro 27, 2006
Octobre
2000, deux fédérations regroupant de petites organisations
populaires, essentiellement des associations de quartier de la
banlieue de Buenos Aires,
coupent
pendant un mois la route n° 3, principale artère alimentant la
métropole par l’Ouest. Initié cinq ans plus tôt par des barrages
de routes dans des villes de province secouées par la fermeture
d’usines pétrolières, le mouvement des piqueteros consolide ainsi
sa présence dans le paysage politique national avec son arrivée
dans la capitale. Un nouveau mouvement de protestation, de résistance
et de mobilisation sociale émerge. L’Argentine inaugure son XXIe
siècle. Après la fin des dictatures dans les années
quatre-vingt, et vingt-cinq années de réformes brutales de
l’économie et de l’Etat, les foules réagissent. Les piqueteros
demandent davantage d’aide sociale et contestent les effets
les plus dévastateurs de la mise en oeuvre des politiques
néolibérales orientées par ce qu’on appelle le « consensus
de Washington [1] ».