HuffPost Québec laisse la parole à trois personnes trans dans le but de comprendre leurs démarches, et plus précisément l'apport d'internet et des réseaux sociaux dans celles-ci.


Comment les réseaux sociaux ont-ils influencé leur perception? Comment les forums et les témoignages ont-ils contribué à leur parcours? 


La parole à Léa-Alice, Manu et Samuel.

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Léa-Alice

«On peut être qui on veut.»

Rejetée à la rue à 18 ans par ses parents, Léa-Alice s'est retrouvée dans une maison de chambres. Au fil des années, ses lectures sur internet lui ont permis de mieux comprendre sa réalité.  «Chaque truc que tu lis, à un moment donné, ça commence à mettre des mots sur ce que tu cherches», explique-t-elle.


«J'ai commencé à faire de la photo, suite à des traumatismes, parce que j'avais peur de mon corps, raconte-t-elle. C'est ce qui m'a émancipé moi-même. [...] J'ai amené ça sur internet. Je trouvais que c'était une belle place pour démontrer qu'on peut être aussi belle que n'importe quelle femme.»


Car pour Léa-Alice, les transformations physiques ne sont pas essentielles: «J'ai encore mon pénis, ça va peut-être paraître bizarre à dire devant la caméra. Mais je suis fière de l'avoir encore, ça ne définit pas la personnalité.»


Propos recueillis par: Francis Pilon
Texte: Christian Duperron
Caméra: Daphnée Hacker-B.
Montage: Hugo Jolion-David


 

Manu

«J'avais toujours eu de la misère à me projeter dans l'avenir.»

Manu raconte être tombé «par un heureux hasard» sur un forum québécois pour les personnes trans, où il a pu lire sur des démarches de chirurgie, de prise d'hormones, de coming out et sur des questionnements dans lesquels il s'est reconnu.
 

«J'avais toujours eu de la misère à me projeter dans l'avenir, avant ma transition, se rappelle-t-il. On dirait que l'idée de continuer ma vie d'adulte, de vieillir en tant que fille, ça ne marchait pas».
 

Une rencontre avec des membres du forum a ainsi eu une influence marquante pour lui. «Je me sentais bien et le monde là-bas me parlait au masculin», se souvient Manu.


Suivra l'utilisation d'un binder, un bandage compressif pour la poitrine. Un passage «rough», confie-t-il. «Tu as un rapport amour-haine avec ton binder, parce que tu te sens mieux dans ta présentation quand tu le portes, ça vient confirmer autre chose.» Par la suite, notamment après avoir regardé beaucoup de vidéos de transitions sur YouTube, il s'orientera vers l'hormonothérapie et la mastectomie. «C'était comme une libération», souligne-t-il au sujet de cette opération. 


Celui dont la dernière chirurgie majeure a eu lieu en juin 2016 dit être dans un stade plus avancé de son processus et fréquente moins le forum de discussion. Mais s'y rend parfois pour conseiller les plus jeunes.


«Moi j'en ai bénéficié, donc je redonne au suivant, en quelque sorte.»


Propos recueillis par: Francis Pilon
Texte: Christian Duperron
Caméra et montage: Daphnée Hacker-B.

Samuel

«J'étais à chercher une raison, pas une solution.»

«En fait, les premiers souvenirs, ce n'était pas tant un problème avec mon corps, c'était un problème avec mon orientation sexuelle, lance Samuel. [...] Je ne comprenais pas ma résistance [face aux garçons]. Je ne comprenais pas comment mes pensées fonctionnaient.»


«C'est plus tard, quand j'ai réalisé pourquoi je ne me sentais jamais assez belle, pourquoi je ne me sentais jamais assez bien dans mon corps que tous ces souvenirs-là ont trouvé une raison d'être», raconte celui dont la transition s'est effectuée à 26 ans.


Pour lui, le forum est devenu «un espèce de monde ouvert dans lequel je n'avais pas osé mettre le pied parce que j'avais peur». Il trouvait alors peu de représentations auxquelles s'identifier et se souvient que les médias d'alors insistaient généralement davantage sur les chirurgies plutôt que sur les émotions derrière les démarches. «Si on avait parlé d'émotions, peut-être que je me serais reconnu là-dedans beaucoup plus rapidement», soutient-il. «J'étais à chercher une raison, pas nécessairement une solution.»


Via internet, il explique avoir eu accès à l'intimité des personnes, à leur côté intérieur, plutôt qu'à une simple image extérieure. Des recherches qui l'ont amené à privilégier une chirurgie non couverte par la Régie d'assurance-maladie du Québec. Ayant amassé une partie des fonds, il s'est alors tourné vers un site de sociofinancement pour une levée de fonds qui lui permettrait d'atteindre son but.


«Si je n'avais pas eu les réseaux sociaux, si je ne n'avais pas eu le forum, ç'aurait été vraiment long, et puis ç'aurait été plus compliqué.»


Propos recueillis par: Francis Pilon
Texte: Christian Duperron
Caméra: Daphnée Hacker-B.
Montage: Hugo Jolion-David