Le jazz et la salsa débarque sur le Monde.fr

Pendant huit ans, Mundo Latino, blog invité de la rédaction, s’est efforcé de vous faire découvrir les musiques afro-caribéennes. Son obsession : promouvoir la musique live, aller à la rencontre des musiciens, dénicher des informations inédites, faire découvrir des artistes en devenir.

Depuis quelques mois, Le jazz et la salsa a pris la relève de Mundo Latino, étendant son registre au delà de l’unique musique latine pour toucher toutes les musiques issues de la Caraïbe, s’intéressant plus particulièrement, conformément à son ADN, au jazz caribéen et à la musique afro-cubaine.

Aujourd’hui, Le jazz et la salsa quitte la plateforme de blogs du Monde pour rejoindre le site Le Monde.fr. Vous aurez le plaisir de retrouver ces chroniques musicales à l’adresse www.lemonde.fr/le-jazz-et-la-salsa.

En ces temps de Coupe du Monde, quel meilleur façon pour se dire au revoir qu’en compagnie de la reine Celia ? « Yo Vivire ». A très vite !

Yannick Le Maintec

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Joachim des Ormeaux, chanteur-conteur mystique de la Martinique

Ancré dans un univers poétique & mystique, le chanteur de jazz créole Joachim des Ormeaux a développé un style unique, entre parlé et chanté. Portrait.

Joachim Des Ormeaux par Jean-Louis Nguyen

17 novembre 2017, le Baiser Salé. Surgi de nulle part, tout de blanc vêtu, Joachim des Ormeaux fend la petite salle de la rue des Lombards. « Dé agat ou pèdi adan an sak lanvi, Kifè ou koulé dlo kon la riviè, La riviè, chayé dlo, chayé woch, chayé bwa, Ampéchéw mété linj’ ou lablanni… » Halluciné, j’observe l’escogriffe s’agiter. Les tresses, la voix écorchée à la Arthur H, les grands gestes qu’il fait en parlant fort (qui plus est, en étranger, imaginez !), je lui trouve mauvais genre. Il entonne « Sak’ Lanvi », mélodie de gratitude et de persévérance écrite par Arnaud Dolmen pour un ami dans une passe difficile. Joachim Des Ormeaux y accolé ses paroles, vraisemblablement autobiographiques. Sur son site web, le jeune batteur, révélation jazz de l’année 2017 ne tarit pas d’éloges sur le chanteur, pour lui une « véritable source d’inspiration » . « Sak Lanvi » est également le titre de l’album que Joachim Des Ormeaux est venu présenter ce soir, accompagné de Thierry Vaton (piano), Just Wody (basse), Yoann Dannier (batterie), Béatrice Poulot-Marvilliers et Béatrice Civaton (chœurs).

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Le sentiment de déstabilisation ne durera pas trente secondes. En moins de temps qu’il n’aura fallu pour vous braquer, vous vous retrouvez plongé dans un univers dont vous ne saisissez pourtant rien à la langue. Crime prémédité. La volonté affichée est de toucher les non-créolophones en utilisant le ressenti et l’énergie des mots. Les tableaux se succèdent entre conte et chant. Interprétation, chez Joachim des Ormeaux, n’est pas un vain mot. Le chant dans le jazz créole n’est pas si fréquent. Mais ce qui frappe chez Des Ormeaux, c’est son style totalement inédit. Ce flow, ce phrasé, ça n’est pas du slam, pas du spoken word non plus. Pourtant on retrouve en lui la capacité qu’avait Gil Scott-Heron de chanter ou déclamer un même morceau. Et puis il y a cette voix, ce cri, cette clameur à vous briser le cœur, une longue plainte qu’on imagine venir d’outre-temps, des champs de douleur.

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Le voilà en train d’apostropher Zépon, le personnage jailli de son enfance. Oti Nono ? Il est où Arnaud ?,  titre de fête que lui a proposé Arnaud Dolmen sur lequel il a posé des paroles qu’il lui a dédié. An Fleu, Klik-Klak Papiyon, 4H d’matin, autant de propositions, autant de représentations entre récits, jazz et chansons, la dimension chanson étant soulignée par le travail des choristes. Des incursions de voix, de bruits, de sons complètent le tableau. Joachim est attentif au public non créolophone. Il ne vous laisse jamais tomber et entrecoupe ses chansons d’explications. Et si tout n’est pas clair, ce n’est que pour mieux laisser toute liberté à l’imagination.

Cour St Emilion, un après-midi ensoleillé de janvier. Je retrouve dans son costume vert Max, le chauffeur de bus d’une compagnie de transports parisienne bien connue. Malgré le froid, on se tente le café en terrasse. Joachim, c’est son deuxième prénom, son nom complet Gros-Desormeaux. Démystification ? Si peu. On se jauge. Mon interlocuteur se raconte, un peu. La semaine prochaine il sera en Martinique pour carnaval. C’est dans la Martinique des années 80 qu’il m’entraine. Max a été élevé par sa grand-mère. Une éducation qui l’a marqué. Une enfance solitaire, la source de son imaginaire. Il fait parfois le mur. Quand il rentrerait, il se prendrait une taloche, c’est sûr. Le but de ses évasions ? Les musiciens qui jouaient dans les quartiers de Fort-de-France, Francisco, Marius Cultier, qu’il allait écouter à l’extérieur des cafés. La maturité des enfants solitaires. Quand il rejoindra ses copains pour jouer la musique au bout de la rue, ce sera lui le chanteur. Tout ce temps, il n’aura cesser d’écrire, de cultiver son univers.

« Chanter, moi ? »

Voilà Joachim, jeune chanteur à l’orée de ses cinquante balais -Il en parait bien moins-. Vous lui auriez dit il y a quelques années qu’il se produirait bientôt sur scène qu’il se serait moqué. Les hasards de la vie, les rencontres, une jam, il se lance. Une coach vocal l’interpelle. « Vous chantez où ? », « Chanter, moi ? », « J’en ai toujours eu envie, mais… » Il prend quelques cours, explore, cherche sa voix, trouve sa voie. « Trouver mon style a été facile. Je chante comme je parle, je ne vois pas de différence. J’y mets mes notes. J’y mets du groove. Je suis avant le temps ou après le temps. Ça me permet une certaine liberté d’improvisation. « Joachim se sert de sa voix comme instrument harmonique », précise le pianiste Thierry Vaton. Il ajoute, enthousiaste : « Il surfe sur le tempo. »

« Entre la joie, le désespoir, la rage et la tendresse »

Une première collaboration avec le pianiste Maher Beauroy, un premier EP : « Horizon Jazz Créole ». Beauroy disparaît, attiré par les lumières des States. C’est le jeune Arnaud Dolmen qui sauvera le répertoire. « Lui et moi avons une relation spéciale, mystique », confie Arnaud. « Je me vois en lui et il se voit en moi. Imagines que tu rencontres une personne pour la première fois. Tu ne pas connais pas, mais tu la connais déjà. » Le jeune homme est fan. « J’aime les artistes originaux, ce qu’est vraiment Joachim. Ce qui me plait chez lui c’est sa voix, son esprit, son originalité, son créole, tout simplement son parcours. C’est un exemple, un grand homme ! Sa voix sent le vécu. » De l’aveu du chanteur, cette voix, son côté éraillé, c’est l’ensemble de ses cicatrices. « Ce sont les choses que j’ai pu traverser dans ma vie qui s’expriment ainsi… entre la joie, le désespoir, la rage et la tendresse. »

« La folie d’Arnaud Dolmen et l’expérience de Thierry Vaton »

Et puis il y eut la rencontre avec Thierry Vaton. « Thierry, c’est le patron ! » Le pianiste est co-auteur d’un ouvrage de référence sur le piano créole qui connaît des maîtres comme Alain Jean-Marie et Mario Canonge. « C’était quelqu’un qui m’observait. Il m’a fait comprendre que je devais jouer avec des musiciens solides qui pouvaient m’emmener plus loin et m’apporter une vraie pertinence. » Joachim devait faire une apparition au brunch créole de Tony Chasseur aux côtés d’invités prestigieux comme Jocelyne Béroard et Jacob Desvarieux. « Thierry m’a approché à cette occasion-là. Je n’aurai jamais imaginé travailler avec lui. Il fait partie des personnes qui m’ont donné envie de faire ce métier-là. S’entendre dire C’est bon ! au bout d’une seule prise est extrêmement valorisant pour un autodidacte comme moi. « Thierry, c’est la force tranquille », confirme Arnaud Dolmen. Le batteur lui envoie ses compositions « brut de fonderie » et Thierry écrit les arrangements. « Thierry arrange tout ! » Pour Joachim, il est important d’avoir ces deux générations autour de lui, « la rythmique et l’harmonique, la folie d’Arnaud et l’expérience de Thierry. »

« Je ramène toujours les choses à leur aspect spirituel »

La spiritualité est omniprésente dans l’œuvre de Joachim. Dans Oti Nono, on entend la voix d’Evrard Suffrin, un personnage décalé et chamanique. « C’était le frère de mon grand-père ». S’il conserve ses distances par rapport à la folie de son aïeul, le fait d’utiliser ses mots pour étayer ses propos est révélateur d’un sens aigu de la transmission. Quand il évoque La Fontaine Maman qui abreuve ses enfants d’un torrent de conseils, il se voit reproduire le même comportement. Dans Klik Klak Papiyon, il rend hommage à Marie-Claire Delbé Cilla, la photographe d’Aimé Césaire. « Elle était venu en métropole pour se faire soigner. J’ai assimilé son départ à un envol de papillon et le clic-clac de son objectif à un battement d’ailes. Elle adorait la Martinique. Elle a laissé ses couleurs, son héritage. On peut l’entendre à la fin du morceau. Je me sens privilégié d’avoir pu la rencontrer. J’ai cette aisance avec la mort. Les amis de ma grand-mère étaient des personnes âgées. Ces gens sont dans la salle d’attente de Dieu. Je ramène toujours les choses à leur aspect spirituel. »

« Ses textes sont littéraires »

« Chez Joachim, tout est suggéré, imagé », souligne Arnaud Dolmen. « Ses textes sont littéraires. Il faut réécouter ses paroles plusieurs fois pour réussir à tout saisir. Le créole est à la base très imagé. Joachim a conservé cette manière d’écrire-là. » Cet après-midi de janvier au Cour St-Emilion, Joachim me fait écouter Ti Kano. « Un jour, Rony Olanor m’appelle pour me proposer une mélodie avec l’idée d’un bateau qui avait envie de voyager. J’avais un texte à lui proposer. Sur les plages aux Antilles, on voit souvent ces barques retournées sous les mancenilliers. On entend le bruit lancinant des fruits qui tombent sur la coque, qui fait Tak tak tik tak tak tik tak. J’ai joué avec cette sonorité. » Tu te rends compte, fait le bateau. Ça n’a pas toujours été comme ça ! Il aimerait qu’on le retourne, qu’on le laisse repartir. Le petit canot évoque ses souvenirs. Il raconte les pêcheurs et les marchandes de poisson, remonte le temps. Il aurait voulu sauver Zaïre et Théophile, les amant maudits d’Imaniyé Dalila Daniel, l’enfant de la mulâtresse Solitude, l’esclave Lumina Sophie dit « Surprise », qui voulait mettre le feu à la case de Dieu. Espoir et désespoir sont intimement liés dans l’univers de Joachim.

Joachim Des Ormeaux, par Mali Cilla – Make-up performance : Nicole Marie-Rose

18 mai 2018. Retour au Baiser Salé, six mois et un jour après le dernier concert. Assumant désormais pleinement son alter-ego, l’artiste se présente le visage couvert de peintures de paix, vêtu d’une tunique rouge tibétain, le visage luminescent, le cœur incandescent. Lanvi Quartet (Thierry Vaton, piano, Jean-Christophe Raufaste, basse, Sonny Troupé, batterie) se la joue plus jazz, intimiste. Les choristes, turbulentes groupies, sont reléguées au fond de la classe. Dans quelques jours c’est la fête des mères, alors Joachim célèbre Christiane et Marie-Claire en entonnant La Fontaine Maman et Klik Klak Papiyon. Sur Zépon, les choristes me manquent. S’en passer est risqué, focalisant l’attention sur le vocaliste, mais permet de jouer avec la voix comme d’un instrument. Il me faudra un titre supplémentaire pour m’habituer au dispositif. La faute à l’émetteur ou au récepteur ? Peut-être un peu des deux.

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Dansez sur moi, adaptation créolisée par Thierry Vaton du classique de Vander et Nougaro, va bien à Joachim. Son esprit doux-amer sied à sa spiritualité. Il a adapté les paroles à l’univers créole. Le chanteur se détend, rayonne. Filibo, le titre offert à une de ses filles, du nom de la confiserie martiniquaise, tutoie le blues dans une orchestration épurée. La basse prend la place qu’elle ambitionnait dans l’enregistrement. La soirée est la possibilité de présenter et tester les nouveautés. Ou Pé Pa Sav’, zouk infidèle, référence à la réputation volage des Antillais fera bien rire l’assistance et verra un décoiffant solo de piano du bon « Docteur Vaton » (qui n’est du tout pas médecin, mais une référence que fait Joachim au papa de Thierry, qui avait été Docteur Caraïbe à la radio). Le chanteur interprète Se Moun-Là avec une sérénité qu’on peine à imaginer sur un titre inédit. Il se promène parmi les spectateurs, les entraînant dans sa chanson dans un moment de communion. Respectant tous les pronostics, c’est l’évocateur Ti Kano, qui marquera les esprits. Le compositeur, Rony Olanor, fera une apparition à l’orgue, apportant une note plus urbaine à la musique de Joachim. Suivra l’indispensable Oti Nono, déjà un tube. Le mystique 4H’d’matin, la compo de Maher Beauroy, sera le point final idéal auquel il ne manquera qu’un saxo spirituel.

#Jazz #Creole Joachim Des Ormeaux @ Baiser Salé @desjoa69

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« Sak Lanvi » aura une seconde partie, un EP live comportant des éléments pluri-artistiques. La sortie est prévue en fin d’année. Joachim des Ormeaux n’en a pas fini de livrer ses mystères.

Yannick Le Maintec (@salsajazzblog)

A lire dans Le jazz et la salsa : Cinq raisons d’aller aux Caribéennes de Mai


Joachim des Ormeaux : « Sak Lanvi » (2017, JDO) – Spotify, Deezer, iTunes, Amazon

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Cinq raisons d’aller aux Caribéennes de Mai

Les Caribéennes de Mai, c’est parti ! Depuis treize ans à chaque printemps le Baiser Salé devient la vitrine de la musique caribéenne. Le jazz et la salsa vous donne cinq raisons d’aller à la découverte d’une scène souvent trop peu connue.

1. Mario Canonge

Mario Canonge est devenu tellement incontournable du côté de la rue des Lombards qu’il s’y produira pas moins de sept fois pendant ces Caribéennes. On vous conseille le concert de présentation de « Quint’up », l’album que le pianiste martiniquais a enregistré avec son complice, le bassiste Michel Zénino, vendredi 25 mai à 21h30.

2. Max Cilla

Max Cilla, « le père de la flûte des Mornes » a permis la renaissance de la flûte traversière en bambou de la Martinique et contribué à en perpétuer la tradition en inspirant le chanteur et flûtiste Eugène Mona. C’est dire si c’est un personnage qui fêtera cinquante ans de carrière jeudi 10 mai à 21h30 sur la scène du Baiser Salé.

3. Joachim des Ormeaux

Attention, coup de cœur ! Avec sa voix écorchée et son jeu habité entre chant et spoken word, Joachim des Ormeaux vous entraine dans son univers poétique. Aux manettes de « Sak Lanvi », son nouvel album : Thierry Vaton et Arnaud Dolmen. A ne pas rater vendredi 18 mai à 19h30.

4. Fanfant Family

Bien avant Thierry, le bassiste des stars, et Jean-Philippe, le batteur des nouvelles stars (The Voice), l’orchestre de Roger Fanfant mélangeait biguine et jazz à l’Exposition Universelle de 1937. Ce concert rare réunit trois générations d’une famille dont le nom est devenu synonyme de musique antillaise. Samedi 19 mai – 19h30/21h30

A lire dans Le jazz et la salsa : Thierry & Jean-Philippe Fanfant : En famille

5. Andy Narell

Le maître new-yorkais du steel pan a bâti sa réputation en emmenant son instrument bien au delà de ses frontières naturelles, tutoyant le latin jazz dans le Caribean Jazz Project (Dave Samuels, Paquito D’Rivera) ou la biguine dans Sakésho (Canonge, Alibo, JP Fanfant). Trois soirées, deux quartets, autant d’occasions de ne pas rater Andy Narell les vendredis 1er et 8 juin et samedi 9 juin 19h30/21h30.

On voudrait aussi aller voir Alain Jean-Marie, figure tutélaire du piano antillais, Arnaud Dolmen, révélation de l’année 2017 selon Jazzmag, Sonny Troupé qui présentera son dernier album « Reflets denses » ou Tricia Evy qui vient de publier « Usawa ». Cette année, le festival du Baiser Salé est plus que jamais le reflet d’une scène créole jazz en pleine effervescence.

A lire dans Le jazz et la salsa : Une année Créole Jazz

Yannick Le Maintec (@salsajazzblog)

Les Caribéennes de Mai, du 2 mai au 12 juin 2018 au Baiser Salé : Programme et informations


« C’est pas du jazz »

Comment, au moment d’évoquer la scène caribéenne, ne pas avoir une pensée pour Franck Nicolas, actuellement en grève de la faim. Alex Dutilh s’en est fait l’écho dans son émission Open Jazz. « C’est pas du jazz », voilà ce qu’entend régulièrement le trompettiste guadeloupéen. La difficulté pour les artistes de vivre de leur musique n’est pas chose nouvelle. Mais quand les préjugés vous empêchent d’exercer votre art au point de vous pousser au désespoir, c’est toute une communauté qui est bouleversée. Comme le disait Edouard Glissant, le jazz a subi le même processus de créolisation que toutes les musiques nées de l’esclavage. Les musiciens antillais n’ont pas attendu Alain Jean-Marie, Mario Canonge ou Grégory Privat pour s’emparer de cette musique cousine. Il y a 90 ans, Ernest Léardée faisait jouer moultes musiciens antillais au bal de la rue Blomet. Le jazz français discrimine-t-il les musiciens antillais ? s’interroge Télérama. Le cri du cœur de Franck Nicolas a le mérite de poser la question. YLM

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Cinq raisons d’aller au festival Tempo Latino

Le festival Tempo Latino vient de dévoiler la programmation de sa 25è édition. Vous hésitez à aller ? Vous ne connaissez pas les artistes ? Le jazz et la salsa vous aide à vous y retrouver et vous dit ce qu’il ne faudra pas rater cette année à Tempo Latino.

« Tempo Latino a affiché cette année un esprit d’ouverture insolent », écrivais-je en 2017. Pour ses 25 ans, le festival des musiques latines aurait pu se réfugier dans la célébration et programmer des artistes vus et revus. Ça n’est manifestement pas l’idée que s’en fait Eric Dufau, le directeur de la manifestation qui se tient chaque dernier week-end de juillet à Vic-Fezensac dans le Gers. Une 25è édition à l’image des précédentes : toute en nouveauté, histoire de démontrer que la musique latine est toujours vivante. Le jazz et la salsa vous donne cinq bonnes raisons de vous rendre à Tempo Latino en 2018.

1. Angélique Kidjo – Tribute to Celia Cruz

« La voix de Celia est celle de l’Afrique », écrivait Angélique Kidjo au sujet de Celia Cruz. « Elle vit toujours en moi. » nous confirmait-elle lors de son dernier passage à Jazz à Vienne. La chanteuse béninoise aura l’occasion de partager sa passion pour Celia Cruz avec un public de connaisseurs, 20 ans après la venue de la reine de la salsa à Vic-Fezensac.

A lire dans le jazz et la salsa : Angélique Kidjo célèbre l’âme africaine de Celia Cruz

2. Joe Bataan meets Setenta

Pour le journaliste Olivier Cachin, « Joe Bataan est un personnage extrêmement important de la musique afro-américaine ». Vedette de Fania dans les années 60, il est l’un des chefs de file du boogaloo. Il fonde le label Salsoul dans les années 70 et chante un des premiers raps. Le fruit de son alliance de quatre ans avec le groupe parisien Setenta est un latin soul urbain et classieux, écorché et savoureux.

A lire dans le jazz et la salsa : La tête dans les étoiles avec Joe Bataan

3. Havana meets Kingston

La présentation du projet de l’australien Mista Savona est certainement l’événement de cette édition. Havana meets Kingston : Quand le reggae rencontre la salsa ou l’union musicale des deux îles les plus influentes de la Caraïbe. Le live band devra relever le défi de la scène. Avec des artistes comme le Jamaïcain Randy Valentine et la Cubaine Brenda Navarette, nul doute qu’ils le feront avec brio.

4. New York Salsa All Stars

Ils se sont fait un nom en accompagnant la reine Celia. Mercadenegro, tueurs à gages de la salsa, tout aussi efficaces sous leur propre nom que derrière les stars. Pour accompagner José Alberto « el Canario », ils s’adjoignent les services d’un autre franc-tireur, le tromboniste Jimmy Bosch, un des chouchous du public. En perspective, une de ces belles soirées soirées salsa dont seul Tempo Latino a le secret.

5. Amparanoia & friends

Reconnaissons-le, l’univers d’Amparanoia se situe à des années-lumières de celui du Jazz et la salsa. Apparue aux côté de Manu Chao dans les années 90, Amparo Sánchez est une figure incontournable de la scène mestizo espagnole, « mythique », me souffle-t-on. Le vingtième anniversaire de l’album culte « El Poder de Machín », dédié au Cubain Antonio Machín, fut l’occasion d’une tournée à succès dans toute l’Espagne.

Mais encore…

Müller & Makarof (Gotan Project) poursuivent l’aventure Plaza Francia sans Catherine Ringer. On attend la sortie de l’album pour juger. La musique du Gangbé Brass Band du Bénin parlera à tous ceux qui s’intéressent aux brass bands de la Nouvelle Orléans, à la musique d’Haiti ou à la rumba de Cuba. Normal, toutes ces musiques viennent de là-bas. Comment ne pas se réjouir de la venue du Souljazz Orchestra ? Leur mélange contagieux d’afrobeat et de musique caribéenne devrait enflammer le public des arènes.

Il manque un élément -essentiel- à cette affiche : la programmation du festival « off ». Le off, ses douze concerts, ses casetas plantées dans le sable, sa Conga et son Bar des amigos, lieu de vie de Tempo Latino, véritable poumon du festival. Tempo Latino est un instant privilégié pour les amoureux de la musique latine qui file en un claquement de doigts. Il ne faut rien rater, rester à l’écoute et être à l’affut. On ne sait jamais si tel concert qu’on comptait esquiver ne sera pas une claque. On n’est jamais à l’abri de voir Jimmy Bosch surgir ici, El Cigala jouer là bas. Cette magie est sans doute la meilleure raison de se rendre au festival Tempo Latino.

Yannick Le Maintec (@salsajazzblog)

A lire dans le jazz et la salsa : Tempo Latino, de la 33 à el Cigala

Festival Tempo Latino du 26 au 29 juillet 2018 à Vic-Fezensac (Gers) : site web.

– jeudi 26 juillet : Gangbé Brass Band – Angélique Kidjo : Tribute to Celia Cruz
– vendredi 27 juillet : Souljazz Orchestra – Havana Meets Kingston
– samedi 28 juillet : Amparanoïa – Plaza Francia Orchestra
– dimanche 29 juillet : Joe Bataan meets Setenta – New York Salsa All Stars

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Orquesta Akokán : « Notre musique est plus vivante que Despacito »

La nouvelle pépite du label Daptone vient de Cuba. « Orquesta Akokán » réussit à ressusciter l’esprit des big bands cubains des années cinquante.

Quand Jacob Plasse commence à enregistrer les meilleurs musiciens latinos de New York sur des bandes analogiques, la plupart d’entre eux le prend pour un fou. « Ils n’avaient pas vu ça depuis 30 ans » raconte Plasse, « mais quand ils ont entendu le résultat, leurs mâchoires ont failli se décrocher. » Voici en quelques lignes la présentation du label Chulo Records telle qu’on peut la trouver sur son site web. Une philosophie qui n’est pas sans rappeler celle de la maison de disque spécialisée dans la soul music Daptone Records qui a bâti sa réputation sur l’acoustique de ses studios et des méthodes d’enregistrement analogiques. L’association semblait inévitable.

Orquesta Akokan dans les Studios Areito à la Havane, Cuba. (Crédit Joel Pront)

Cette obsession du son sera à l’origine de la création de Chulo en 2012. Un moyen pour Jacob Plasse de maîtriser sa production. Sa référence ? Daptone Records, déjà. Pour Plasse, la magie de la musique latine réside dans le jeu collectif. Les musiciens jouent ensemble, ils s’écoutent, se répondent, c’est ce qui créé le groove. Tant pis s’il faut recommencer. Pour le jeune producteur, enregistrer les instruments de façon séparée, assembler, corriger, n’est pas jouer. En 2018, Chulo Records a produit une demi-douzaine d’albums à l’identité marquée. Sa plus belle réussite : Los Hacheros, le combo qu’il a créé avec Papote Jiménez en hommage au musicien cubain Arsenio Rodríguez. Le nouveau projet de Plasse est autrement plus ambitieux, puisqu’il s’attaque à l’âge d’or de la musique cubaine. Dans les années 50, les orchestres de mambo étaient l’équivalent cubain des grands orchestres de swing. Des casinos de la Havane au Palladium de New-York, l’engouement pour le mambo apportera à la musique cubaine une dimension internationale. L’idée de Plasse : enregistrer un big band inspiré par celui de Benny More dans les conditions de l’époque. Jacob Plasse n’a pas peur de l’affirmer : « Malgré ses soixante années, la musique que nous venons d’enregistrer est bien plus vivante que Despacito. » (le titre le plus streamé de l’année 2017)

« Orquesta Akokán » est issu de la collaboration de trois personnages : Jacob Plasse, le stakhanovisme du son, le pianiste états-unien Mike Eckroth et le chanteur cubain au CV long comme le bras José « Pépito » Gomez, voix inoubliable de Pupy y Los Que Son Son. Le 7 novembre 2016, Jacob débarque à la Havane dans une ambiance surréaliste. Alors qu’il est en train de réaliser son rêve, la tempête électorale en cours s’apprête à installer Donald Trump à la Maison Blanche. Les enjeux sont importants, le stress est à son maximum. Pépito, qui devait se rendre à Cuba pour donner un concert avec Pupy, a réussi à convaincre ses complices de l’accompagner. Il veut enregistrer sur place avec les musiciens du cru. Dans son carnet d’adresse le saxophoniste Cesar Lopez, qui l’a aidé à réunir seize musiciens, parmi les meilleurs de l’île. L’Estudio 101 d’Areito apparaît plus que parfait, pour sa taille, pour ses qualités acoustiques. C’est dans ce lieu mythique, ancien studio de Panart absorbé en 1961 par la Egrem, qu’ont eu lieu les plus enregistrements du genre. Une session de trois jours précédée d’une unique journée de répétition. Les musiciens, « incroyables avec des capacités hors du commun » dixit Plasse, n’ont eu qu’une journée pour répéter et apprendre les morceaux, une journée pour les techniciens pour positionner les micros et préparer les réglages. Le résultat est saisissant.

Ce qui frappe à l’écoute d’ « Orquesta Akokán », au delà de ses qualités sonores, c’est un sentiment d’authenticité. Comment un projet monté à New-York peut-il sonner aussi cubain ? Y aurait-t-il une différence entre le mambo qu’a joué Benny More à la Havane, celui de Pérez Prado à Mexico et le mambo interprété à New York par Machito et Tito Puente ? Un premier élément de réponse viendra de Mike Eckroth, qui a écrit les arrangements de l’album. Titulaire d’un doctorat en « jazz performances », il est l’auteur d’une thèse sur le piano cubain dans les années 40. « L’idée d’avoir plusieurs groupes de musiciens jouant leurs propres rythmiques dans un esprit d’unité est un concept qui nous ramène loin arrière en Afrique. Cela transparaît dans les big bands, ce que vous aviez déjà dans les groupes de jazz des années 30. Cette même idée est constitutive de la musique cubaine, comme dans le son montuno d’Arsenio Rodríguez, où basse, piano, tres, trompette jouent leur propre partition. Ainsi le mambo, qu’il soit de More, de Prado, de Machito, Puente peut avoir utilisé des rythmes de charanga, son montuno, comparsa ou rumba. Tout ça était du mambo, orchestré dans le style des années 40/50. La plus grande différence entre ces groupes réside dans l’idiosyncrasie de leurs arrangeurs. »

Une idée que développe John Radanovich, auteur de la biographie sur Benny More Wildman of Rhythm. « Benny a grandi entouré par les guateques (fêtes campagnardes) et les tambours religieux. Je pense que les percussions et la polyrythmie africaine sont les apports principaux de Benny à cette musique. » L’idée d’Akokán n’est pas d’imiter Benny More -entreprise vouée à l’échec- mais de lui emprunter ce qu’il a apporté au mambo. Benny More est devenu une idole du peuple cubain par sa capacité à embrasser l’identité cubaine. Une identité pleinement incarnée ici par Pepito Gomez, pièce maîtresse du projet. Pépito utilise sa connaissance musicale et déploie toute sa puissance vocale. Les titres Mambo Rapidito et Un Tabaco para Eleguá claquent comme un coup de tonnerre. « Orquesta Akokán » n’est pas qu’un album de mambos high tempo, il est le reflet de la diversité de la musique cubaine. C’est particulièrement remarquable dans le titre La Corba Barata, référence évidente au titre de Benny De la Rumba al Cha-cha-chá.

En plaçant deux rumbas parmi les trois premières pistes, c’est l’africanité que l’album fait émerger au delà de la cubanité. Le nom de la formation prend toute sa dimension. Akokán. On aurait imaginé quelque nom clinquant rappelant les salles de bal et les casinos. Le Splendid, les Mambo Kings, los Maravillos del Swing. Non. Akokán qui signifie del corazon, du fond du cœur, en langue yoruba, se veut l’affirmation de l’identité afro-cubaine.

Yannick Le Maintec (@salsajazzblog)

A lire : « Orquesta Akokán » dans la sélection hebdomadaire du Monde

« Orquesta Akokán » : CD, vinyle, streaming (2018, Daptone Records/Chulo Records – Distribution Differ-Ant)

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Et si la soul était le futur de noJazz ?

Après avoir opéré un virage vers la soul des années 80, le groupe d’électro-jazz noJazz est de retour ce week-end au Sunset. Le jazz et la salsa vous raconte le dernier concert que noJazz a donné cet automne à Paris.

Ce soir-là au Réservoir, c’est le rendez-vous des amis. Quand j’arrive les musiciens sont affairés à saluer tout le monde. L’endroit leur va bien : un resto concert dans une ancienne forge au décor baroque et foutraque. On mange, on boit, on trinque aux niçois qui mal y pensent.

noJazz au Réservoir

noJazz Song interrompt les conversations, un instru planant bourré de cuivres et d’électronique. Pour noJazz, l’histoire d’amour entre le jazz et l’électro, ça fait plus de quinze ans que ça dure. Aux machines, le patron c’est Balate, Philippe Balatier, reconnaissable à son costume de super-héros. Les cuivres s’énervent, Philippe Selam au sax et Alex Herichon à la trompette. Place au funk avec Seven to Five. Le public fait la connaissance avec Jeffrey, le nouveau chanteur. Belle gueule, belle voix et -oh surprise !- il a l’air de s’entendre parfaitement bien avec ses nouveaux copains. Le C’Mon Talk de Bernofft, réinventé en tube disco se révèle redoutable d’efficacité. Two Hours puis plus tard Change confirment la place prise par la soul dans le répertoire, des mélodies agréables qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble. Le tube survitaminé Swingin in da’ rain conclut la série. Devant la scène, une troupe de danseurs se la joue Soul Train sous les applaudissements des spectateurs. Ce soir-là au Réservoir c’est soirée disco.

noJazz @ Le Réservoir

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Deuxième set. L’ancien trompettiste du groupe Guillaume Poncelet est invité à monter sur scène. Le titre ? Nobody Else, une jolie balade avec la voix de Maurice White, le regretté chanteur d’Earth, Wind & Fire. Frissons garantis. Suivent Benjamin Petit (sax), Fred Lopez (batterie), Jean-Félix Lalanne (guitare), et bien sûr Sylvain, Sylvain Gontard, le trompettiste titulaire qu’on n’attendait plus, tout juste sorti d’un autre concert. Toute la famille est réunie pour un set d’anthologie : Freedom et son air sud-africain et Médina à l’accent arabisant mettent le feu à l’audience. De Maestro, le frévo brésilien, Boogaloo, le générique de l’émission Salut Les Terriens ou de Candela, le son montuno fort en bpm, je ne me souviens plus quel était le final ? Peu importe, ce fut un festival d’improvisation pour le plus grand plaisir d’un public chauffé à blanc.

A lire dans le Monde : Et si le futur du jazz s’appelait noJazz ?

Comment ne pas penser à Electro Deluxe ? Apparu la même année que noJazz, l’autre groupe d’électro instrumentale qui rencontre un succès insolent depuis l’arrivée du chanteur James Copley. On leur imagine un même succès. Avec leur humour et leur savoir-faire, les noJazz sur scène sont toujours bigrement efficaces. Loin de dénaturer leur répertoire, les morceaux chantés lui donne une nouvelle densité. En 2001, le journaliste du Monde Sylvain Siclier se demandait si le futur du jazz s’appelait noJazz. Et si c’était la soul, le futur de noJazz ?

Yannick Le Maintec

noJazz en concert au Sunset les 31 mars et 1er avril 2018


L’album qui s’était spécialisé funky

Pascal Reva l’avait laissé entendre quand nous l’avions rencontré en 2014 : noJazz avait depuis longtemps envie d’écrire des chansons. La rencontre avec Jeffrey Mpondo, le nouveau chanteur du groupe, a accéléré le mouvement. Le nouvel album « Soul Stimulation », sorti fin 2016, s’inscrit naturellement dans leur discographie. noJazz s’est toujours revendiqué de l’héritage de Stevie Wonder et Maurice White. Emmené par Pascal venu de la pop, le groupe révèle son talent de mélodiste. Hommage à la soul-funk des années 80, « Soul Stimulation » est un album efficace et dansant, de la belle ouvrage. Je ne lui trouve qu’un défaut : sa seconde version de Swingin In Da Rain plantée au beau milieu de l’album. Si les remixes et autres maxi 45t étaient la spécialité de l’époque, point trop n’en faut. Ce « mix club » vous fait l’effet d’une deuxième part de buche un soir de réveillon et vous donne envie de balancer le disque par la fenêtre. Surtout n’en faites rien. La suite est très intéressante et particulièrement savoureuse. Les trois derniers titres revisitent l’univers noJazz dans une perspective funk et soul. L’électro disco downtempo, la voix de Maurice White et l’harmonica de Stevie Wonder tirées de vieilles sessions d’enregistrement, un peu de hip-hop, un clin d’œil à la Nouvelle Orléans, l’esprit Jungle Boogie et la référence assumée à Kool & The Gang : les enfants de Voltage fm vont adorer.

A lire sur Mundo Latino : « noJazz, c’est du jazz »

noJazz – « Soul Stimulation » (2016, Pulp) : disponible sur Deezer, Spotify, iTunes, Amazon, Play

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L’effet euphorisant du Spanglish Fly

Rythme fédérateur et festif entre rhythm’n’blues et salsa, le boogaloo a connu son heure de gloire aux Etats-Unis à la fin des années 60. Depuis une dizaine d’années le Spanglish Fly tente de ressusciter le genre. Le groupe new-yorkais vient de sortir un album jubilatoire : « Ay Que Boogaloo! »

Professeur de lettres échappé des Blues Brothers, Jonathan Goldman est le type avec qui vous auriez rêvé écumer les clubs new-yorkais, avoir comme coturne à Paris dans les années 90, ou avoir à l’autre bout du fil quand il était animateur sur WWOZ dans le New Orleans post-Katrina (comme Davis dans la série Treme). Quand il n’écrit pas, Johnny Semicolon(1) (Johnny Colón est le nom d’un des précurseurs du boogaloo, vous saisissez l’astuce ?), fanatique de la soul et du funk élevé dans l’atmosphère nuyoricaine de l’Upper Manhattan, joue de la trompette. Le Spanglish Fly (autre blague de prof (2)), il l’a monté dès son retour à New York en 2009. Des débuts sous forme de gageure via une annonce sur Craiglist simplement libellée : « Qui veut démarrer un groupe de boogaloo avec moi ? ». Comme dirait Joe Bataan, the rest is history.

…Joe Bataan, la figure tutélaire du genre. Le king of latin-soul, mais aussi le Callegüeso, chanteur de la Mambanegra (vu en 2016 au festival Tempo Latino), Amy Winehouse (Si-si !), le conguéro britannique Snowboy, spécialiste du latin et de la soul, l’acteur portoricain Flaco Navaja et le poète Rowan Ricardo Philips se sont penchés sur le berceau de ce nouvel opus. Le chef d’orchestre new-yorkais Bobby Sanabria, grand défenseur du mambo, signe le livret et Izzy, l’autre Sanabria (sans lien de parenté), le cultissime graphiste et speaker de Fania époque All-Stars a dessiné la pochette. Mathew Warren Ramirez, le réalisateur du documentaire « We Like It Like That » a tourné l’EPK et l’ingénieur du son argentin plusieurs fois récompensé Eduardo Bergalo a réalisé le mastering de « Ay Que Boogaloo! ».

Est-ce que vous connaissez cette histoire que raconte Richie Ray, autre figure légendaire, quand lui et Bobby Cruz se sont retrouvés en 1968 à la Féria de Cali à devoir accélérer le tempo de leurs morceaux pour satisfaire des caleños qui avaient l’habitude de jouer leurs 33 à la vitesse d’un 45t ? C’est bien ce rythme effréné qu’imprime le Callegüeso à Bugalú pa’ mi Abuela. Un démarrage en trombe définitivement pas pour votre grand-mère ! « This is Subway Joe talkin’ to you, guys… » Dans la vidéo de New-York Rules, la joyeuse bande s’amuse à rejouer « Subway Joe » aux côtés du parrain Joe Bataan, des images originales introuvables, peut-être une hallucination collective comme l’histoire de la chaussure de Kroutchev…

Dans la bouche de Mariella Gonzalez, You know I’m no good, le tube planétaire d’Amy Winehouse revêt ce je ne sais quoi sulfureux qui n’est pas sans rappeler la soul de la légendaire La Lupe. De Hallelujah-Ojalà, message de paix arabisant, à la cover façon Snowboy du Chain Of Fools d’Aretha Franklin, en passant par Mister Izzy Dizzy, hommage à « Mr Salsa » Izzy Sanabria, le nouvel EP examine le genre sous toutes les coutures : boogaloo, balade, latin soul, latin jazz, rhythm’n’blues et bien sûr salsa. « Ay que Boogaloo » est un trésor caché, tel un vinyle oublié qui attendrait d’être déniché au fin fond de l’arrière-boutique d’un magasin de charité.

Yannick Le Maintec (@salsajazzblog)

(1) semicolon : point-virgule en anglais.
(2) spanglish : contraction de « spanish » et de « english ». fly : cool. Le spanish fly est par ailleurs le nom d’un aphrodisiaque.

Pour en savoir plus  :

L’essor de l’empire Salsa et la chute de la maison Boogaloo, par Jonathan Goldman (version française de l’article paru dans The Paris Review) ;

« Le boogaloo a permis l’émergence de la salsa » : entretien avec Mathew Warren Ramírez, réalisateur du documentaire « We Like It Like That » ;

L’incroyable histoire du Nitty Gritty Sextet : l’histoire d’un disque perdu pendant cinquante ans.


Spanglish Fly, nouvel album : « Ay que Boogaloo » (2018, Chaco records). CD/Vinyle/Streaming disponible sur Spotify, Deezer, iTunes, Amazon, Play.

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Tony Chasseur chante Al Jarreau

Il faut être sacrément culotté pour reprendre Al Jarreau, sauf s’il s’agit de celui qui vous a donné l’envie de chanter. Du défi à la simple formalité pour Tony Chasseur qui rend hommage à Al Jarreau, disparu il y a un an, mardi soir sur France Ô.

 

La Marbrerie, Montreuil, un frais jeudi de février. On se dit encore un endroit industriel transformé en lieu culturel ! On se demande si les travaux sont terminés ou si c’est le concept, comme dans ces friches où les bobos enfilent les bières à dix balles. Et puis on apprend que La Marbrerie est un lieu de production et de diffusion. Ce qui nous le rend tout de suite beaucoup plus sympathique. Ce soir, la cantine propose ti-punch et poulet curry. Le son est bon. Les caméras sont de sortie. On y tourne la captation d’un concert-hommage à Al Jarreau bientôt diffusé sur France Ô. On est tombé là un peu par hasard, alléché par l’affiche. Jugez-en par vous-même : Tony Chasseur (que nous suivons depuis l’aventure Mizikopéyi), Rhoda Scott, Didier Lockwood, Tricia Evy, Jacques Schwarz-Bart.

Jarreau version 80’s

Mornin’ Mister Radio, Mornin’ Little Cheerios… Quelques notes et vous voilà replongés trente années dans le passé, la K7 « Jarreau » glissée au fond du walkman, le casque vissé sur les oreilles. Tony Chasseur a dû être de ces mômes-là. On l’imagine écumer les bacs de vinyles : « Glow », « This time », « We Got By », « Breakin’ Away » (la pochette où Tubbs, pardon Jarreau, polo rose-bonbon, veste beige et pantalon blanc, semble avoir chouravé la garde-robe de Crockett), « High Crime », « This Time ». « Al Jarreau est le premier chanteur qui, dès mon adolescence, m’ait donné envie de chanter. », confirme Tony à Mundo Latino. « Sa démarche de vocaliste, utilisant sa voix comme un instrument, m’a particulièrement intéressé. Il fut l’un des premiers à m’inspirer dans mon apprentissage vocal. », avant de conclure : « Al Jarreau reste mon mentor originel. »

Chasseur & friends, un hommage créole

Roof Garden, les tubes s’enchaînent. We Are In This Love Together, voilà qui fait du bien. Your Song, frissons. I will be there for you, Black & Blues, Love is Waiting, c’est qu’il va nous faire tout l’album ! L’orgue de Rhoda, le violon -inoubliable- de Didier et le sax de Jacques se rejoignent sur Spain, magnifique. Agua De Beber, piquante Tricia Evy en duo, inédit, avec Brother Jacques. D’autres titres moins connus qu’on imagine issus du panthéon de Tony, et un duo virtuel, This Time, avec son idole. Deux rencontres remarquables, Flame avec Didier Lockwood et Boogie Down avec Tricia Evy, et deux pépites, I Will Be Here For You et Tomorrow Today en guise de final, merveilleusement kréyolisées.

Chaleur et ferveur

Ils étaient venus, ils étaient tous là, les fans de la première heure dans une ambiance familiale et festive. Le chanteur martiniquais n’aura eu aucun mal à réchauffer l’atmosphère. S’il s’aventure dans le scatt et l’improvisation, Tony n’en fera pas des tonnes. Il ne se brûlera pas les ailes. Chasseur, un peu crooner, un peu scatteur, avant tout chanteur. Equilibre subtil au service du répertoire. Le chanteur invoque la mémoire du maestro sans tenter de l’imiter, soutenu par la performance de la formation montée pour l’occasion, Georges Granville au piano, Stéphane Castry à la basse, des cuivres brillants, des vrais instruments qui font oublier les synthés, cette vilaine manie des années 80.

Quinze madeleines et puis s’en vont. Une soirée qui fait du bien. On se surprend à vouloir prolonger l’instant dans un moment d’échange avec les musiciens, avant de se replonger de retour dans la chaleur du foyer, dans la discographie de Monsieur Al Jarreau.

Yannick Le Maintec (@blogmundolatino)

– Tony Chasseur chante Al Jarreau. Mardi 20 février 2018 à 23h sur France Ô.
– Tony Chasseur & Mizikopéyi Big Band en concert les 3 & 4 mars 2018 au Jazz Club Etoile.

Crédit Photo (c) Tony Chasseur


Mundo Latino a une pensée extrêmement émue pour celui qui vient de nous quitter. La disparition brutale de Didier Lockwood est un choc, en particulier pour Tony Chasseur dont nous publions la réaction. Le programme lui est dédicacé.

Je viens d’apprendre le décès de Didier Lockwood, qui avait gentiment accepté de participer à cet hommage. De manière unanime parmi les musiciens, chanteurs et techniciens qui ont partagé cette journée de concert et de tournage avec lui, nous retiendrons un homme profondément abordable, ouvert et sympathique.

Tony Chasseur

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Bebo, Chico : au nom du père

Les pianistes Arturo O’Farrill et Chucho Valdés publient « Familia : Tribute to Bebo & Chico », un hommage à leurs pères respectifs, Chico O’Farrill et Bebo Valdés, deux des pères fondateurs du jazz afro-cubain.

« Trueba avait exhumé Bebo Valdés grâce à son film Calle 54. Bebo Valdés [1918-2013] coulait des jours heureux auprès de sa famille suédoise. », écrivait Francis Marmande dans le Monde au moment de la disparition du pianiste. De retour dans la lumière, il ne s’en écartera plus. On se souvient de Lagrimas Negras, en duo avec El Cigala, de Chico & Rita, le film d’animation (du même Trueba) qu’il inspira, de Juntos Para Siempre, l’album à quatre mains avec son fils Chucho, prolongement d’une célèbre séquence de Calle 54. Le chef d’orchestre Chico O’Farrill (1921-2001) figure également au générique du film-manifeste. On l’y voit diriger sa mythique Afro-Cuban Jazz Suite enregistrée en 1950 par Machito.

Bebo Valdés, Chico O’Farril, deux noms qui vous ramènent à la glorieuse époque du mambo. Il est remarquable de constater que l’un et l’autre ont tous deux exercé de son côté, dans les deux capitales du mouvement, New York pour Chico, La Havane pour Bebo. Venu de Cuba, installé dans la grosse pomme en 1948 après une parenthèse mexicaine, Chico O’Farrill devint l’« architecte du latin-jazz » grâce à son travail d’arrangement et de composition pour Bennie Goodman, Machito, Charlie Parker et Dizzy Gillespie, avant d’avoir son propre ensemble, l’Afro Cuban Jazz Orchestra. Bebo était chef d’orchestre au célèbre cabaret Tropicana, il collaborait avec Rita Montaner. On lui doit l’introduction des tambours dans les big bands.

Des parcours si différents, si proches.

Chico O’Farrill se tiendra éloigné du Cuba révolutionnaire. Bebo Valdés s’en échappera en 1962, au cours d’une tournée avec les Lecuona Cuban Boys. Il s’installe en Suède où il passera trente ans loin de son passé, jusqu’à ce que Paquito D’Rivera le retrouve et lui fasse enregistrer « Bebo Rides Again ». C’était en 1994. Chicho aussi s’était mis en retrait de la scène, poussé vers la sortie par les nouveaux rythmes à la mode comme le boogaloo ou la salsa. Pendant ce temps-là, à Cuba, Chucho, le fils de Bebo, s’illustre avec avec le groupe de jazz fusion Irakere, puis connaît la reconnaissance internationale comme soliste. Arturo, le fils de Chico, se lance d’abord dans une carrière de pianiste de jazz, avant de redécouvrir son héritage musical et, tel le fils prodigue, et d’orchestrer le retour de son père installant l’Afro Cuban Jazz Orchestra dans une résidence au Birdland. Il reprendra le flambeau après la disparition de Chico en 2001.

Vendredi 9 décembre 2016, Arturo célèbre le rapatriement à Cuba des cendres de Chico, un événement qui n’aurait pu avoir lieu sans le coup de tonnerre survenu deux ans plus tôt. L’Afro Latin Jazz Orchestra était à La Havane pour enregistrer « Cuba : The Conversation continues ». Cubains et Etats-uniens avaient assisté, médusés, à la déclaration de Barack Obama annonçant le rétablissement des relations entre les deux pays. C’était Chucho qui, en l’invitant en 2002 au festival Jazz Plaza, avait donné à Arturo de la possibilité de fouler le sol cubain. En janvier 2017, soit un mois après l’hommage à Chico, Arturo reçoit Chucho au Symphony Space à New York. Les deux pianistes enregistrent « Familia » sous le regard de Chico et Bebo, tous deux réunis sur une photo jaunie.

Yannick Le Maintec


« Familia : Tribute to Bebo & Chico »

L’idée leur était venue lors du passage de Chucho à New-York pour le projet Ochas, avec Winton Marsalis et Pedrito Martinez. Pour Arturo, l’important était de ne pas uniquement regarder le passé mais également embrasser l’avenir. « Familia » est un double album. Le premier acte, interprété par l’Afro Latin Jazz Orchestra de O’Farrill rend hommage aux grands ensembles des années 50. La seconde partie, plus intimiste, associe les enfants des deux musiciens : Adam O’Farrill (trompette), Zack O’Farrill (percussions), Leyanis Valdés (piano), Jessie Valdés (percussions).

L’ouverture BeboChicoChuchoTuro est un thème magistral pour big-band composé par les deux pianistes. Dans Three Revolutions (récompensé aux Grammy’s), Arturo évoque les bouleversements traversées par les sociétés cubaine et américaine. Father, Mothers, Sons, Daughters fait la transition vers le deuxième disque dans lequel les enfants prodiges feront toute la démonstration de leur talent. La célébration croisée d’une double œuvre familiale…  Ecuacion, tiré de la « Suite Cubana » que Bebo interpréta en 2006 au Lincoln Center avec l’orchestre d’Arturo ; Tema de Bebo, composé par Chucho après la disparition de son père ; Para Chico qu’il a écrit en hommage à Chico ; Pianitis, le thème que Chico offrit à son fils ; Pura Emocion, l’interprétation au piano du thème qui vit le retour de Chico ; Et le final, Con Poco Coco, que Bebo enregistra pour Verve en 1952, la toute première descarga de l’histoire.

Chucho Valdés & Arturo O’Farrill : « Familia : Tribute to Bebo & Chico » (2016, Motema) : liens de téléchargement

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Juan de Marcos, du Buena Vista Social Club à l’Afro-Cuban All Stars

Juan de Marcos, ancien directeur musical du Buena Vista Social Club, poursuit inlassablement son œuvre de promotion de la musique cubaine à la tête de la formation qui fut à l’origine du retour en grâce de Compay Segundo et ses complices : l’Afro-Cuban All Stars.

Juan de Marcos González et sa femme Gliceria (c) DM Productions

C’est en 1994 que Juan de Marcos González rencontra Nick Gold, le producteur de World Circuit, alors encore petit label de world music indépendant. Le musicien dirigeait Sierra Maestra, le groupe de son cubain qu’il avait fondé en 1978 avec Jesús Alemañy1. Ils venaient de sortir le remarqué « ¡Dundunbanza! »2. Deux ans plus tard avec l’aide du label britannique, Juan de Marcos réalise un de ses rêves en réunissant figures oubliées de l’âge d’or de la musique cubaine et jeunes musiciens autour d’un répertoire de guajiras, son montunos, danzóns, guarachas, guaguancós. Le disque s’intitulera « A Toda Cuba le Gusta » et le groupe Afro-Cuban All Stars. Les musiciens doivent rentrer en studio avec des musiciens maliens. Pour une sombre et malheureusement classique histoire de visa, les Africains n’attendrons jamais La Havane3. Le reste fait partie de l’histoire. Juan de Marcos dirige l’enregistrement qui réunit Ry Cooder, Compay Segundo, Ibrahim Ferrer, Rubén González4, Cachaito, Omara Portuondo. Pendant des années pour le monde entier, musique cubaine sera synonyme de Buena Vista Social Club.

Le Buena Vista du 21è siecle

Alors que le Buena Vista s’efface peu à peu, faute de combattants, l’Afro-Cuban All Stars poursuit son chemin au gré des changements de distribution. A plus de soixante ans, Juan de Marcos prépare la tournée mondiale « Absolutely Live 2 » qui fait suite à la sortie de l’album éponyme5. Sous-titré « Viva Mexico ! », l’album, salué par la presse spécialisée états-unienne, se compose d’un CD enregistré au festival international Cervantino de Guanajuato et d’un DVD capté à North Bethesda dans le Maryland. Si avec ses sons, boléros et autres danzons, le BVSC ravivait le souvenir d’une période bien précise de l’histoire cubaine -les années 40 et 50-, la musique de l’Afro-Cuban All Stars se veut contemporaine, entre jazz afro-cubain et son moderne, allant jusqu’à tutoyer la timba. Un Buena Vista du 21ème siècle ! Au programme : des reprises du Buena Vista réarrangées, des classiques de l’Afro-Cuban, de Sierra Maestra, interprétés par un ensemble de 13 musiciens. On appréciera la prestation du chanteur Emilio Suarez, ainsi que la présence d’une clarinette  et d’un vibraphone (les deux filles de Juan de Marcos). La proposition d’une musique vivante, mélodique et dansante qui fera le bonheur des amateurs de musique cubaine live.

Yannick Le Maintec

1 Sierra Maestra connaîtra une notoriété certaine en France en 2000 pour sa participation au film ¡Salsa! de Joyce Buñuel .
2 Jesús Alemañy fondera en 1996 Cubanismo.
3 « Introducing… Rubén González » sortira dans la foulée.
4 Wold Circuit produira finalement en 2010 l’album cubain des musiciens maliens intitulé « AfroCubism ».
5 « Absolutely Live » correspondait au repackaging du « Live in Japan » augmenté d’un live enregistré aux Pays-Bas et le CD correspondant.


CD/DVD Juan de Marcos and Afro-Cuban All Stars : Absolutely Live II – Viva Mexico! (2017, DM Ahora! Productions)

Afro-Cuban All Stars en Concert le 1er février 2017 au New Morning
Line-Up :
– Juan De Marcos Gonzalez (Guitare, Tres, Voix),
– Emilio Suarez (Voix),
– Jiovanni Cofino (Basse),
– Jose Marcos Crego (Piano),
– Gliceria Gonzalez (Claviers, Vibraphone, Voix),
– Laura Lydia Gonzalez (Clarinette, Voix),
– Orlando Fraga (Bugle, Trompette),
– Yoanny Pino (Bugle, Trompette),
– Haile Uriarte (Bugle, Trompette),
– Asley Rossell (Bongos, Cloches),
– Tany Allende (Congas),
– Caleb Michel (Timbales, Voix)

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