Anne Hidalgo (PS) et Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) en ont fait le serment : élue maire de Paris, ni l’une ni l’autre n’augmentera les impôts. Mais la création de la Métropole du Grand Paris (MGP) que les élus PS de la capitale appellent de leurs vœux pourrait générer une hausse fiscale pour les Parisiens. Et une baisse pour les habitants de la petite couronne.
Ce scénario est évoqué pour la première fois dans une note d’expertise du syndicat mixte baptisé Paris Métropole, club de 207 élus franciliens de toutes étiquettes politiques, publiée en octobre.
Le projet de loi sur l’affirmation des métropoles en cours de discussion au Parlement prévoit la création de la MGP au 1er janvier 2016. Elle regrouperait plus de 6,5 millions d’habitants à l’échelle de Paris, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis.
COTISATION FONCIÈRE DES ENTREPRISES
Pour alimenter ses recettes, la MGP récoltera les impôts payés par les entreprises des 124 communes qui la composeront. Dans ce panier fiscal, figurera la Cotisation foncière des entreprises (CFE), qui remplace depuis 2011, en partie, la taxe professionnelle. Quand la CFE ira dans les caisses de la Métropole, son taux deviendra unique pour toutes les communes. Son niveau sera égal à la moyenne de l’ensemble des taux actuels.
Ce taux métropolitain serait de 22,4 % sur la base d’une moyenne calculée à partir des budgets 2014. Le taux parisien est bien plus bas (16,5 %).Selon les calculs de Paris Métropole, la convergence générera donc « une augmentation de 35 % » du taux dans la capitale. Cette « progression serait lissée » sur dix à douze ans.
Interrogée par Le Monde, la Mairie de Paris « ne valide pas » ce choc fiscal potentiel. «Le taux moyen de la CFE des collectivités composant la MGP sera un plafond, affirme le cabinet de Bernard Gaudillère, adjoint chargé des finances de Bertrand Delanoë. Rien n’empêchera la Métropole de fixer un taux unique plus bas. »
Mais Philippe Laurent, président de Paris Métropole, et maire (UDI) de Sceaux (Hauts-de-Seine) estime que « la position de Paris n’est guère tenable . Si le taux de la CFE métropolitaine est inférieur à la moyenne, les recettes de la MGP seront moins importantes. Qui paiera la différence ? », interroge ce spécialiste de la fiscalité locale.
350 000 entreprises sont assujetties à la CFE à Paris. La moitié de ces contribuables exercent leur activité dans le secteur du commerce, du conseil, de la finances ou des assurances. La taxe rapportera près de 310 millions d’euros à la collectivité parisienne en 2014.
Selon Paris Métropole, « la MGP comptera 627 000 assujettis à la CFE». Le passage à un taux unique de CFE « entraînerait une baisse de cotisation pour un quart des entreprises et une hausse pour les trois quarts », indique la note.
La CFE devrait augmenter dans la plupart des villes des Hauts-de-Seine puisque la moyenne départementale des taux y est de 19,85 %. En revanche, son taux devrait baisser de 36 % en Seine-Saint-Denis et de 27 % dans le Val-de-Marne. Dans ces deux départements, de nombreuses villes compensent actuellement leur faible niveau de richesse par un taux de CFE élevé. Dans le cadre de la MGP, elles deviendraient fiscalement plus attractives.
TAXE D’HABITATION
Selon Paris Métropole, la MGP pourrait aussi prélever la part des recettes de la taxe d’habitation (TH) que perçoivent les départements depuis la réforme de la taxe professionnelle. Ce qui se traduirait par une baisse de cette taxe partout et une augmentation à Paris. Selon le même mécanisme que pour la CFE, le taux de la TH métropolitaine serait établi à partir de la moyenne des taux des quatre départements, soit à 5,1 %.
A Paris – collectivité qui est à la fois ville et département – ce taux est bas puisqu’il est actuellement de 2,58 %. L’alignement des taux entraînerait une hausse de 2,5 points dans la capitale. Le taux cumulé des parts départementale et communale de la taxe d’habitation des Parisiens augmenterait, selon la note, de 19 %, sur environ dix ans. En revanche, la TH baisserait automatiquement pour les contribuables des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
L’exécutif parisien ne cautionne pas davantage les projections de la note de Paris Métropole s’agissant de la TH. « Cette note n’engage que ses auteurs. Elle n’engage pas les responsables politiques qui, je l’espère, demain seront à la tête de ce grand Paris pour en décider autrement », a réagi Mme Hidalgo , dimanche 10 novembre. Invitée de l’émission Le Grand Rendez-Vous- Le Monde-i-Télé, sur Europe 1, la candidate socialiste a rappelé son « engagement » de « ne pas augmenter les impôts des Parisiens sur la prochaine mandature, et cet engagement, je le respecterais si je suis maire de Paris ».
Pour appuyer l’expertise de Paris Métropole, M. Laurent rappelle que « toutes les intercommunalités de France dont le périmètre est à cheval sur plusieurs départements ont – lorsqu’elles ont décidé de percevoir une partie de la taxe d’habitation- un taux unique qui correspond à une moyenne».
Le gouvernement aura son mot à dire dans le débat puisque le mécanisme budgétaire de la future MGP sera fixé par ordonnances. Elles sont loin d’être rédigées.