L’opposition a du mal à faire émerger un candidat crédible à la présidentielle turque

LE MONDE | | Par Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)

 

Ekmeleddin Ihsanoglu (au centre), candidat des kémalistes et des nationalistes, à Istanbul, le 23 juillet.

A quoi sert l’opposition ? Face à Recep Tayyip Erdogan, premier ministre depuis 2003 et principal candidat à l’élection présidentielle ce dimanche 10 août, est-elle encore une fois condamnée à faire de la figuration ? Les huit derniers scrutins organisés en Turquie ont tous été remportés par le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur, au pouvoir), et celui-ci ne devrait pas déroger à la règle. « Un second tour serait déjà une grande surprise », estime le journaliste Kadri Gürsel, éditorialiste pour le quotidien Milliyet.

Les deux autres candidats partent en effet avec de sérieux handicaps. « La compétition n’est pas équitable », juge Ekmeleddin Ihsanoglu, principal adversaire de M. Erdogan, qui a reçu Le Monde dans sa résidence stambouliote. « La campagne a été réduite à trente jours, c’est très court. De plus, les candidats ne bénéficient d’aucun financement public. Les donations privées sont autorisées dans la limite de 9 000 livres turques . Mais, pour notre concurrent, c’est tout l’appareil d’Etat, les fonctionnaires, les médias, qui sont à son service. »

M. Ihsanoglu a été investi par les deux principaux partis d’opposition : le Parti républicain du peuple (CHP, kémaliste) et le Parti d’action nationaliste (MHP, ultranationaliste). Le troisième candidat est le Kurde Selahattin Demirtas, auteur d’une campagne dynamique, tournée vers les exclus du système politique – femmes, jeunes, ouvriers, minorités –, mais handicapé par ses origines politiques, proches de la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

« SOUTIEN MÉDIATIQUE DISPROPORTIONNÉ » À ERDOGAN

Les portraits géants du premier ministre en « homme de la nation » et « leader du changement » ont recouvert les panneaux publicitaires et les bâtiments officiels. La propagande de campagne envahit la télévision et les journaux, majoritairement sous le contrôle de proches du gouvernement. Mais, là encore, la répartition entre les candidats est peu équitable. Selon le décompte effectué par le site d’information indépendant T24, fin juillet, la télévision publique TRT consacrait chaque jour 1 heure et 48 minutes au candidat Erdogan, contre 2 minutes et 38 secondes à M. Ihsanoglu et 8 secondes à M. Demirtas… Ce dernier a préféré ironiser. « Je ressens joie et excitation à l’idée de m’adresser à vous sur les écrans de la TRT, une chaîne absolument impartiale, objective et qui garde la même distance vis-à-vis de de tous les candidats », a-t-il raillé dimanche 3 août, au cours d’un meeting à Istanbul.

Le patron de la télévision d’Etat avait menacé de fermer son antenne à M. Demirtas en cas de critiques renouvelées. « Jamais, depuis les années 1950, une élection ne s’était déroulée dans des conditions aussi inégales, estime Soli Özel, politologue à l’université Kadir Has d’Istanbul. Non seulement Erdogan utilise toutes les ressources de l’Etat, mais en plus, il jouit d’un soutien médiatique disproportionné. »

Pour tenter de sauver la face après leur échec aux municipales du 30 mars, les deux principaux partis d’opposition ont tenté un coup de poker en proposant un candidat commun. Mais en allant faire campagne sur le terrain de son adversaire, l’ancien « establishment » politique a soulevé de nombreux doutes sur sa stratégie. Le CHP, miné par des divisions internes, n’a pas réussi à prendre un tournant social-démocrate et libéral pour contrer M. Erdogan. Les ultranationalistes, eux, s’opposent à toute évolution sur la question kurde. « Ce n’est pas un choix personnel, justifie M. Ihsanoglu. C’est le résultat d’un consensus national qui va de l’extrême gauche à l’extrême droite », veut-il pourtant croire.

« BÂTIR DES PONTS ENTRE ORIENT ET OCCIDENT » 

Cet homme courtois et posé est un peu l’anti-Erdogan. Diplomate de carrière et scientifique de formation, il met en avant son expérience internationale, puisqu’il a dirigé pendant neuf ans l’Organisation de la conférence islamique. « Je suis un patriote et un conservateur, au sens social et culturel. Et j’ai passé une bonne partie de ma vie à bâtir des ponts entre Orient et Occident », affirme-t-il. Il assure avoir soutenu la révolte de Gezi, à Istanbul (d’où étaient parties, en mai 2013, les manifestations populaires anti-Erdogan), et vouloir « une Turquie compatible avec la démocratie et les droits de l’homme ».

Mais ses parrains l’obligent à un grand écart idéologique. Interrogé sur le droit à l’avortement, un acquis remis en question par l’AKP, le candidat des « laïcs » répond que « si vous êtes croyant, l’avortement est encadré par la religion ». Il affirme un jour que « le kurde n’est pas une langue au sens scientifique », reprenant les vieilles théories nationalistes turques. Et le lendemain, qu’il soutient le processus de paix avec la guérilla du PKK, souvent considéré par ses électeurs nationalistes comme une ligne rouge.

Ces hésitations et contradictions ont été exploitées par M. Erdogan. Pour le premier ministre, M. Ihsanoglu est un « mon cher », une expression employée pour moquer les diplomates mondains, souvent francophones. Le patriotisme et la piété affichés par l’opposant sont contestés par les partisans de M. Erdogan. « Il parle trois langues ? Très bien. Nous ne cherchons pas un traducteur mais quelqu’un pour diriger le pays. (…) Nous n’avons pas besoin d’un secrétaire de la République de Turquie mais d’un président », a lâché, dimanche, le candidat de l’AKP dans un meeting ouvert par l’hymne national et clos par une prière musulmane.

Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)
Journaliste au Monde

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Réfugié au Kurdistan, le gouverneur de Mossoul raconte la chute de sa ville

Athil Al-Nujaïfi est un gouverneur en exil. Le 10 juin, il a dû fuir précipitamment de son fief, Mossoul, deuxième ville d’Irak, devant l’avancée des djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Il a été contraint de changer trois fois de lieu pour échapper aux nouveaux maîtres de la ville. Réfugié à Erbil, dans la région autonome kurde, à une centaine de kilomètres à l’est, il nous reçoit dans sa suite, au vingtième étage d’un grand hôtel. Agé de 56 ans, cet homme d’affaires sunnite, dont le frère aîné, Oussama, préside le Parlement irakien, est issu d’une grande famille de Mossoul. Une baronnie installée depuis quatre siècles et possédant d’importants haras, dont le sort préoccupe particulièrement M. Nujaïfi.

Ce leader sunnite s’est rendu incontournable à Mossoul en défendant la réintégration dans le jeu politique de milliers d’anciens officiers baasistes mis au ban après la chute du régime. Grâce à une relation pragmatique avec l’administration américaine, il s’impose comme gouverneur de la province de Ninive en 2009. Il s’est opposé frontalement aux Kurdes de Massoud Barzani. Les peshmergas occupent une partie de la province. Ce qui ne l’empêche pas de se retrouver aujourd’hui allié avec eux.

Le gouverneur de la province de Ninive, réfugié à Erbil, au Kurdistan irakien, après la prise de Mossoul par l’Etat islamique en Irak et au Levant.
Le gouverneur de la province de Ninive, réfugié à Erbil, au Kurdistan irakien, après la prise de Mossoul par l’Etat islamique en Irak et au Levant. | Mathias Depardon/pour « Le Monde »

Racontez-nous comment Mossoul est tombée…

Dès le 6 juin, nous avons commencé à entendre que l’EIIL se trouvait à l’ouest de Mossoul. Nous avons envoyé un message au commandement militaire de la province de Ninive. Ils ont répondu qu’ils se préparaient. Les djihadistes ont rapidement occupé trois quartiers de la ville. Les deux chefs de l’état-major de l’armée irakienne sont venus à Mossoul et m’ont assuré que la situation était sous contrôle. Mais j’ai vu que l’EIIL continuait d’avancer.

Je suis retourné les voir le 10 juin au matin. Ils m’ont dit : « Tout est sous contrôle, dans une heure la ville sera reprise, nous avons un plan. » Une heure plus tard, ils s’enfuyaient en hélicoptère. C’était ça leur plan.

Qu’ont-ils laissé derrière eux ?

Ils ont tout laissé, des véhicules, des armes, 4 000 mitrailleuses lourdes. Ils ont surtout abandonné leur armée. Ils ont donné l’ordre de bloquer le pont sur le Tigre avec des blocs de béton. J’étais sur la rive ouest. J’ai juste eu le temps de passer de l’autre côté.

Vous n’avez donc pas été informé de leur départ ?

Il n’y a eu aucune coordination avec moi. Ni même avec Maliki. Tout le monde s’est évaporé, et, quand l’EIIL est entré, ils n’en croyaient pas leurs yeux. Il n’y avait aucune opposition. Ils n’avaient même pas assez d’hommes pour occuper toute la ville. Ils ont été aidés par d’autres groupes sunnites – anciens baasistes, naqshbandis –, mais les combattants étrangers ne sont pas restés à Mossoul, ils sont partis vers Tikrit.

Comment se sont comportés les djihadistes ?

Ils ont commencé par piller les banques. Je crois qu’ils ont emporté environ 425 millions de dollars. Avec cela, ils peuvent enrôler des combattants, ce qu’ils font déjà. Les premiers jours, ils ont nettoyé les rues, distribué beaucoup d’argent et de l’essence gratuite. Mais, après trois ou quatre jours, les problèmes ont commencé. L’essence manque, et l’approvisionnement en produits alimentaires est aléatoire. Ils ont également annoncé la mise en place de la charia et l’interdiction des groupes armés.

Quelle est votre stratégie pour reprendre Mossoul ?

Nous allons établir nos propres forces de sécurité sunnites. Pour le moment, nous commençons à rassembler tous les policiers qui ont pu s’échapper. Ils se trouvent principalement dans la région kurde. Nous avons fait passer des annonces sur les chaînes de télévision. Nous n’avons pas besoin de beaucoup d’hommes, peut-être 5 000. Notre retour est une question de semaines.

Pouvez-vous négocier avec les insurgés ?

Nous tentons de passer un accord avec certains groupes sunnites à l’intérieur de la ville. Mais la question qu’ils se posent, c’est ce qui va se passer après : Maliki va-t-il nous mettre en prison ? Il faut que nous travaillions sur une solution politique. Le conseil de la province a l’autorité légale pour le faire. Avant, l’armée ne l’aurait jamais accepté. Mais, maintenant, il n’y a plus d’armée et plus personne ne veut qu’elle revienne.

La solution pour sauver l’Irak est-elle confédérale ?

Il est trop tôt pour le dire. Mais nous parlons surtout de partition de l’Irak. Chez les chiites, on trouve difficilement quelqu’un à qui faire confiance. Sûrement pas Maliki, en tout cas. Maintenant, les déclarations de l’ayatollah Sistani font planer le risque d’une guerre civile. Mais, si un tel scénario se confirmait, tous les sunnites deviendraient pro-EIIL. Le problème concerne aussi mon frère Oussama. Nous sommes tous les deux pris pour cible par Maliki.

Pourquoi vous êtes-vous réfugié à Erbil et pas à Bagdad ?

Je ne serais pas en sécurité à Bagdad. Qui peut l’être ? Ici, je n’ai pas de problème, j’ai de bonnes relations avec les autorités kurdes. Elles auront sans doute plus de pouvoir dans le « nouvel Irak ». Mais s’il y a une guerre civile, nous serons obligés de quitter le pays.

Les peshmergas kurdes peuvent-ils intervenir à Mossoul ?

Nous ne voulons aucune armée étrangère à Mossoul. Si les Kurdes voulaient régler la question de cette manière, ils devraient affronter à leur tour des problèmes, et l’EIIL reviendrait. Et alors les sunnites modérés ne pourront rien faire. Il faut faire attention de ne pas répéter les mêmes erreurs que les chiites.

Etes-vous en relation avec Nouri Al-Maliki ?

Avec son bureau politique, oui. Ils m’ont chargé de demander aux Kurdes d’envoyer des peshmergas. Mais le gouvernement d’Erbil a répondu que Maliki n’avait qu’à les appeler lui-même. Il ne l’a pas fait. Les Kurdes ne veulent pas être en première ligne.

Que s’est-il passé au consulat de Turquie et avez-vous des nouvelles des otages ?

J’ai appelé le consul turc dimanche 8 juin, l’attaque avait déjà commencé. Il m’a dit qu’il se trouvait au consulat dans un endroit sûr. Il ne pensait pas que les chefs de l’armée pouvaient partir comme ça. Je lui ai fait remarquer qu’il s’agissait d’un moment critique et qu’il fallait se préparer à toutes les éventualités. Il m’a dit : « Je vais faire un rapport. » Maintenant, je crois qu’il est bien traité. Mais les Turcs doivent faire quelque chose pour le faire sortir.

Connaissez-vous le nouveau gouverneur nommé par l’EIIL ?

C’est lui qui vient de m’appeler ! Il m’a dit : « Mais je ne suis pas gouverneur et je ne suis même pas de Mossoul, je n’ai rien à voir avec cela. » C’est quelqu’un de respecté, qui a ses entrées chez les ex-baasistes et qui a l’appui de l’EIIL.

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La Turquie tente de négocier la libération de ses dizaines d’otages

LE MONDE | 14.06.2014 |

Par Guillaume Perrier

Le consulat de Mossoul devait être le symbole de la diplomatie conquérante de la Turquie au Proche-Orient. « Notre présence et nos activités ici contredisent ceux qui prétendent que Mossoul est la ville la plus dangereuse du monde. Ces déclarations sont le fait d’une propagande qui vise à maintenir la province de Ninive dans le sous-développement », affirmait en 2010 le vice-consul du poste.

Quatre ans plus tard, la Turquie est empêtrée dans une crise des otages d’une gravité sans précédent. Quarante-neuf employés du consulat, des diplomates et leur famille, dont le consul et ses trois enfants, ainsi que des membres des forces spéciales chargés de la sécurité sont retenus en otage depuis le mercredi 11 juin par les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) qui ont pris d’assaut la représentation diplomatique turque, la seule d’un pays étranger dans cette ville. Dans une autre attaque, le groupe rebelle a kidnappé, mardi, 31 chauffeurs de camion turcs qui livraient du carburant à la centrale de Gyarah, près de Mossoul.

« La Turquie a mobilisé tous ses moyens pour assurer le retour de ses équipes dans leur pays », affirme le ministère des affaires étrangères. Ankara a multiplié les réunions de crise depuis ces enlèvements. Le vice-président américain, Joe Biden, qui a proposé l’aide de Washington, et le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, ont assuré les Turcs de leur soutien. Mais les options sont limitées. Des négociations auraient été engagées avec les djihadistes, pour le moment sans succès.

« REPRÉSAILLES SÉVÈRES »

Mercredi soir, le ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, avait menacé les preneurs d’otages des « représailles les plus sévères » en cas de menaces sur les citoyens turcs. Selon une source diplomatique, le gouvernement risque d’être rapidement mis sous pression et la Turquie pourrait envisager d’intervenir en envoyant des commandos à Mossoul pour faire libérer ses otages, si la crise s’envenimait.

Mais cette prise d’otages soulève bien des questions. Les commentateurs en Turquie estiment que la diplomatie de M. Davutoglu s’est montrée au mieux négligente, au pire incompétente. Pourquoi la Turquie n’a-t-elle pas jugé nécessaire d’évacuer ses ressortissants alors que la menace d’une prise de contrôle de Mossoul par les groupes islamistes radicaux se précisait ? Excès de confiance ou mauvaise évaluation ? Le ministre avait estimé, mardi, que le consul ne courait aucun danger à Mossoul. Il avait pourtant été pris pour cible, en septembre 2013, par des assaillants, sur la route d’Erbil, qui avaient fait exploser un engin au passage de son véhicule. Et surtout, le 6 juin, les autorités kurdes d’Erbil avaient été averties par le gouverneur de la province de Ninive, Athil Al-Nujaïfi, de l’imminence de l’assaut. Ankara dispose dans le nord de l’Irak de plusieurs bases militaires, avec 2 000 hommes et des hélicoptères de combat, un droit obtenu dans les années 1990 pour poursuivre les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, indépendantiste), ce qui aurait pu permettre une intervention rapide pour exfiltrer les diplomates.

Cette attaque souligne les contradictions de la Turquie, longtemps soupçonnée de soutien à ces groupes extrémistes et qui a finalement placé l’EIIL sur sa liste de groupes « terroristes ». Ankara doit concilier deux impératifs en Irak : protéger la sécurité de ses 125 000 ressortissants et maintenir sa présence économique, vitale pour ses exportations. L’Irak est le premier débouché pour les entreprises turques.

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Première visite du président iranien, Hassan Rohani, chez son voisin turc

LE MONDE | | Par Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance) et Ghazal Golshiri

Comme son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad, en 2008, le président iranien, Hassan Rohani, a obtenu une dérogation à son arrivée, lundi 9 juin, à Ankara. Alors que toute visite officielle dans la capitale commence traditionnellement par un hommage au mausolée de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne, le chef de la République islamique iranienne en a été dispensé pour incompatibilité idéologique.

Cette entorse mise à part, le protocole a été respecté. M. Rohani s’est entretenu avec son homologue, Abdullah Gül, et avec le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, et a passé en revue des dossiers diplomatiques épineux, la Syrie et l’Irak en tête. Sa visite chez le voisin turc est la première du nouveau président iranien depuis son élection en juin 2013. Elle fait suite à celle de M. Erdogan à Téhéran en janvier et indique la volonté de rapprochement partagée par les deux puissances régionales.

LA SYRIE, PRINCIPAL SUJET DE FRICTION

Un réchauffement qui pourrait annoncer un assouplissement de l’isolement de Téhéran sur la scène internationale à la veille d’une reprise des négociations avec les grandes puissances sur le programme nucléaire, le 16 juin, à Vienne. Au moment où M. Rohani se trouvait à Ankara, lundi, des délégations diplomatiques iranienne et américaine se sont rencontrées à Genève, une première depuis la révolution iranienne en 1979.

Principal sujet de friction entre les deux pays, la guerre qui ravage la Syrie a été évoquée au cours des entrevues. L’Iran, allié du régime Assad, et la Turquie, qui soutient les rebelles et héberge plus d’un million de réfugiés, ont surtout fait le constat de leur désaccord. La diplomatie turque a qualifié de « nul et non avenu » le scrutin présidentiel qui s’est déroulé le 3 juin en Syrie, tandis que M. Rohani a expliqué lundi avoir adressé ses félicitations à Bachar Al-Assad après sa « réélection ».

Mais selon le président de la République islamique, « l’Iran et la Turquie sont déterminés à améliorer leur coopération pour la stabilité dans la région. La lutte contre la violence, l’extrémisme, les conflits intercommunautaires et le terrorisme est un objectif majeur pour l’Iran ». L’Irak, où les attentats meurtriers se sont multipliés ces derniers jours, est un autre facteur de division pour les deux pays. Les tensions entre le gouvernement de Bagdad, dominé par les chiites pro-iraniens, et la région autonome kurde, soutenue par Ankara, notamment sur les questions énergétiques, restent difficiles à surmonter.

« Malgré les différends sur certaines questions dans la région, les deux pays sont arrivés à la conclusion qu’ils doivent se rapprocher », soutient le spécialiste des questions internationales Bahram Amir Ahmadian, interrogé par l’agence officielle iranienne ILNA. Evoquant également les intérêts financiers de cette visite, cet analyste invite l’Iran à tirer profit de la crise ukrainienne et de la menace des Russes de suspendre la vente de gaz aux Européens et à se placer comme une alternative. « L’Iran pourrait jouer un rôle important dans cette affaire et profiter du potentiel existant qu’il n’a jamais pu exploiter », soutient-il.

DÉVELOPPER LES LIENS COMMERCIAUX

Les dirigeants turc et iranien ont également réaffirmé leur objectif de développer leurs liens commerciaux. En janvier, au cours de sa visite à Téhéran, M. Erdogan avait lancé le chiffre de 22 milliards d’euros d’échanges pour 2014, soit plus du double de 2013. Pour renforcer cette coopération, le gaz est le meilleur argument de l’Iran, qui dispose des deuxièmes réserves mondiales.

La Turquie qui, comme ses alliés occidentaux, souhaite réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou, tente d’arracher un accord pour augmenter ses importations en provenance de son voisin oriental, en anticipant une levée partielle des sanctions internationales. Mais le prix de ce gaz fait encore l’objet d’intenses tractations. Ankara a même déposé une plainte auprès d’une cour d’arbitrage en 2012, sans que l’affaire n’ait été encore jugée. « J’espère que nos deux ministres parviendront à un accord pour fournir plus de gaz iranien aux consommateurs turcs », a déclaré M. Erdogan.

Le premier ministre turc, en revanche, ne s’est pas étendu sur un autre sujet sensible : les affaires de corruption qui ont été révélées en décembre 2013. L’un des volets du scandale, côté turc, concerne le commerce effectué illégalement avec l’Iran, en contournant l’embargo. Les transactions, effectuées avec d’importantes quantités d’or, étaient supervisées par un homme d’affaires irano-azerbaïdjanais, Reza Zarrab, arrêté à Istanbul. Cet homme est également soupçonné d’avoir corrompu plusieurs ministres pour obtenir des passe-droits.

Côté iranien, Babak Zanjani, un homme d’affaires de 42 ans, a été arrêté en décembre 2013 pour avoir détourné environ 1,5 milliard d’euros, issus de la vente du pétrole à l’étranger, en tirant profit de ses relations avec l’entourage de l’ancien président Ahmadinejad. Les deux affaires pourraient bien être liées.

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La reprise des violences menace le dialogue entre Ankara et le PKK

LE MONDE | | Par Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)

Un manifestant kurde, lors de heurts avec la police antiémeute, le 8 juin à Okmeydani.

Dans la guerre que se livrent depuis trente ans l’armée turque et les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la région de Lice (sud-est de l’Anatolie) occupe une place à part. C’est dans ce district qu’Abdullah Ocalan et ses lieutenants fondèrent le mouvement clandestin kurde, en 1978. L’armée débuta également à Lice une opération sanglante en 1993, pour évacuer des dizaines de villages. C’est encore dans cette petite ville dirigée par une maire de 27 ans que la trêve décrétée en 2013 entre l’armée turque est en train de montrer toute sa fragilité.

La tension est montée après la mort, samedi 7 juin, de deux manifestants tués par balles dans des affrontements avec les gendarmes. Depuis quinze jours, des militants pro-PKK bloquent les routes principales de la province de Diyarbakir pour faire pression sur le gouvernement et les heurts se multiplient.

Samedi, près de Lice, les forces de sécurité ont tenté de déloger, en vain, des centaines de personnes mobilisées contre la construction d’une caserne militaire. Une dangereuse escalade menace toute la région. Dans l’imposant cortège qui suivait le cercueil de Ramazan Baran, dimanche 8 juin à Diyarbakir, dominaient les appels à la vengeance.

CRAINTE D’UN RETOUR AU CONFLIT ARMÉ

Ces incidents font craindre un retour au conflit armé. Des manifestations ont dégénéré dans plusieurs villes, dimanche, et le chantier d’une autre caserne a été incendié dans la région de Dersim. Pour les Kurdes, ces postes militaires en béton, équipés pour résister aux explosifs, sont symboliques du double langage d’Ankara, engagé dans des négociations politiques d’un côté et dans une course à l’armement de l’autre.

« Le mouvement kurde pour la liberté maintient, depuis un an et demi, une politique de non-intervention. L’administration du Parti de la justice et du développement en a profité pour construire de nouvelles casernes, de nouveaux barrages, de nouvelles routes utilisées à des fins militaires. Cette situation a mis fin, de facto, au cessez-le-feu », affirme, dans un communiqué publié dimanche soir, le commandement du PKK retranché dans le nord de l’Irak.

Déjà, en juin 2013, un jeune avait été tué dans une manifestation similaire près de Lice. La guérilla, qui réclame un arrêt de ces constructions, a promis la poursuite de cette campagne. En 2013, plus de 320 casernes ont été érigées dans les régions kurdes.

« VAGUES PROMESSES »

Cet accès de violence illustre l’impasse dans laquelle se trouvent les pourparlers. Une délégation du parti prokurde HDP (Parti démocratique du peuple) devait se rendre, lundi 9 juin, sur l’île-prison d’Imrali pour y rencontrer le chef emprisonné du PKK Abdullah Ocalan, et relancer les négociations. Mais, lancé en janvier 2013, le « processus d’Imrali » a, dès le départ, été mis à mal par le refus du PKK de désarmer ses troupes. Et si les combats, ont cessé c’est surtout en raison de la mobilisation des rebelles contre les combattants djihadistes dans le nord de la Syrie.

Le gouvernement de M. Erdogan tente de gagner du temps, explique Mithat Sancar, professeur à l’université d’Ankara et membre du Comité des sages mis sur pied par Ankara en 2013. « Le premier ministre n’a jamais répondu aux recommandations formulées par le comité », regrette-t-il. « Le but est d’occuper les gens avec de vagues promesses jusqu’à l’élection présidentielle », estime pour sa part le HDP.

De l’autre côté, le premier ministre est mis en cause par l’opposition nationaliste, qui lui reproche un manque de fermeté face aux « terroristes ». Des dizaines de jeunes, parfois mineurs, continuent de « partir dans la montagne » pour rejoindre les rangs du PKK. Ankara accuse la guérilla d’« enlèvements » et des familles ont entamé une grève de la faim à Diyarbakir pour réclamer le retour de leurs enfants.

Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)

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Okmeydani, foyer de la résistance contre Recep Tayyip Erdogan

Tiens voilà les voleurs ! », lance une adolescente à la sortie d’une supérette, des sacs plein les bras. « Tais-toi, tu vas nous attirer des ennuis », gronde sa mère. Un cortège de grosses berlines noires d’où débarquent gardes du corps, élus et notables du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) vient de faire irruption dans un quartier d’Okmeydani, arrondissement central d’Istanbul proche de la Corne d’or.

Manifestants antigouvernementaux dans le quartier d'Okmeydani, le 25 mai à Istanbul.

Parmi eux, Bilal Erdogan, le fils du premier ministre, dont le nom est au centre d’une affaire de corruption révélée en décembre 2013. La femme se retourne. « Il n’y en a que pour eux et pour leurs magouilles. Pendant ce temps, le peuple souffre », peste-t-elle.

Okmeydani a connu plusieurs jours d’émeutes violentes la semaine passée au cours desquelles deux personnes ont été tuées par la police. Ces officiels qui défilaient, jeudi 29 mai, ne venaient pas présenter leurs condoléances, mais assister à la coupe de la Conquête, une compétition de tir à l’arc organisée pour célébrer la conquête de Constantinople par les Ottomans en 1453.

Quelques rues plus loin, les lampadaires sont couchés en travers de l’asphalte, les barricades encore fumantes. Le haut d’Okmeydani, majoritairement peuplé par des alévis, une minorité anatolienne issue de l’islam chiite, est un bastion de la gauche révolutionnaire turque et kurde, où les affrontements avec la police sont fréquents.

« C’est un quartier très militant. Pour Gezi, en 2013, 10 000 personnes sont descendues dans la rue, les deux tiers de la population. Dans chaque famille, les enfants grandissent avec la violence », constate Ali Coskun, un avocat qui vit à Okmeydani.

Dans ce quartier, mosaïque communautaire instable, Berkin Elvan, 14 ans, a été tué par une grenade lacrymogène alors qu’il sortait acheter du pain. Sa mort, en mars, après neuf mois de coma, a ravivé les tensions. Le 22 mai, un groupe de lycéens qui voulait lui rendre hommage est venu provoquer la police antiémeute à coups de cocktails Molotov. Les forces antiterroristes ont riposté à balles réelles. Un projectile a frappé en pleine tête un père de 30 ans, Ugur Kurt, alors qu’il se trouvait dans le cemevi, le lieu de culte alévi, pour assister à une veillée mortuaire.

Quelques heures plus tard, un autre homme décédait, après avoir été blessé à la tête. Une enquête a été demandée par la justice contre le fonctionnaire auteur du coup de feu. « Personne n’a été arrêté. La Turquie vit une période d’injustice », estime M. Coskun. Une quarantaine de personnes ont cependant été interpellées.

« UN COUP DE LA POLICE »

Des militants armées du Front-parti révolutionnaire pour la libération du peuple (DHKP-C), lors des obsèques d'Ugur Kurt, le 23 mai à Istanbul.

Ce regain de violences intervient à la veille du premier anniversaire des manifestations de la place Taksim, contre la destruction du parc Gezi au profit d’un projet immobilier. Une bonne partie d’Okmeydani sera de nouveau dans la rue. Vendredi, tous les commerçants ont été sommés de tirer le rideau et de se mettre en grève pour soutenir la mobilisation. Des groupes de militants armés et encagoulés, appartenant au Front-parti révolutionnaire pour la libération du peuple (DHKP-C), une organisation illégale considérée comme un mouvement terroriste, paradent ostensiblement dans le quartier.

Lire également : Premier anniversaire de la révolte en Turquie

Une fois de plus, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, s’est emporté contre ce quartier maudit recouvert de slogans hostiles à son gouvernement, où « certains groupes terrorisent les habitants ». « Je ne comprends pas comment la police a pu rester aussi patiente », a-t-il déclaré le lendemain des tirs meurtriers.

« Moi, je n’ai rien à reprocher aux militants révolutionnaires. Ils empêchent les mafias d’entrer et de vendre de la drogue. C’est la police qui provoque », rétorque Mehmet, un vendeur de börek (beignets) sur la rue principale. « A mon avis, les types masqués qui lançaient des cocktails Molotov, c’est un coup de la police », veut-il croire.

LES PROMOTEURS CONVOITENT CE QUARTIER POPULAIRE

Le chef de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu, a émis les mêmes doutes. Baran, un militant du Front du peuple, la vitrine du DHKP-C, revendique pourtant les actions récentes « contre la police politique de l’AKP ». « Erdogan connaît chaque rue de ce quartier, il a grandi à Kasimpacha, à deux pas d’ici, souligne-t-il. C’est lui qui ordonne ces attaques. Le but est de pousser les gens à partir d’ici. »

A Okmeydani la tension se double d’une pression foncière qui, pour beaucoup, explique l’acharnement des autorités. Les promoteurs convoitent ce quartier populaire bien situé. Et la mairie d’Istanbul y a imaginé un vaste plan de « rénovation urbaine », inspiré des « Champs-Elysées ». Au terme de ce projet, autour duquel gravitent des compagnies de construction proches du pouvoir, 100 000 personnes devraient être délogées et le bastion révolutionnaire démantelé.

Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)
Journaliste au Monde

Article paru dans l’édition du Monde du 31 mai 2014

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Menaces sur les libertés en Turquie, un an après le mouvement de Gezi

Article paru dans l’édition du Monde du 29 mai | Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)

La police ne quitte plus la place Taksim depuis les grandes manifestations du printemps 2013. Les ruines de l’ancien centre culturel Atatürk ont été transformées en caserne et les unités anti-émeute quadrillent le quartier. Les blindés qui aspergent quotidiennement les rues d’eau et de gaz lacrymogène font désormais partie du décor sur l’avenue piétonne Istiklal. En cas de manifestation, les touristes s’évanouissent précipitamment dès les premiers tirs de la police.

Un an après l’occupation du parc Gezi par une foule d’opposants au gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, les forces de sécurité lancent régulièrement la charge pour disperser des manifestants et interdisent tout rassemblement sur la place. A l’approche de l’anniversaire des émeutes, Taksim reste sous haute tension.

Les violences dans le quartier d’Okmeydani, à majorité alévie (musulmans libéraux de Turquie), ont fait deux nouvelles victimes la semaine dernière. Un homme a été tué par balles dans un lieu de culte alors qu’il venait participer à une veillée funèbre pour les victimes de la catastrophe minière de Soma, qui a fait au moins 301 morts le 13 mai. Le 1er mai, 40 000 policiers ont été déployés pour empêcher les cortèges syndicaux d’approcher du centre d’Istanbul.

Un an après la gigantesque mobilisation qui a entraîné environ 3,6 millions de personnes dans la rue, les autorités veulent empêcher à tout prix que ne se réveille « l’esprit de Gezi ». Exit Taksim, les manifestations ne sont autorisées que sur une esplanade construite sur la mer, à plusieurs kilomètres. Un lieu de rassemblement « officiel » pour isoler les protestataires.

La liberté de manifester n’est pas la seule à être restreinte par le gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan. Liberté d’expression, séparation des pouvoirs… Depuis Gezi, les droits fondamentaux régressent, avertissent les observateurs. La Turquie connaît ces derniers mois une atmosphère de « chasse aux sorcières », une situation d’« impunité pour les forces de sécurité » et une « restriction des droits et des libertés », résume la Fédération internationale des droits de l’homme dans un rapport rédigé à l’occasion du premier anniversaire de la révolte.

En dépit des dénégations du gouvernement de M. Erdogan, la presse continue de subir pressions et accusations de conspiration, tandis que la Turquie pointe au 154e rang sur 180 du classement de Reporters sans frontières. A travers la presse, « la main de l’étranger appuie sur le bouton pour stopper la course de la Turquie », a encore affirmé M. Erdogan mardi 27 mai. La justice n’hésite plus à interdire aux médias de traiter des affaires sensibles, comme en février, au sujet de l’enquête ouverte sur des livraisons d’armes présumées aux rebelles syriens. « Un acte de censure caractérisé » dénoncé par RSF.

« ÉPÉE DE DAMOCLÈS »

Mehmet Baransu, journaliste d’investigation proche de la confrérie de l’imam Fethullah Gülen, adversaire déclaré de M. Erdogan, risque jusqu’à cinquante-deux ans de prison pour avoir révélé un document confidentiel du Conseil national de sécurité. Son confrère Ahmet Sik, deux fois blessé par la police au cours de la répression de Gezi, a reçu en mai le prix de l’Unesco pour la liberté de la presse. Editeurs et sites Internet restent également dans le collimateur, comme en témoignent le blocage de Twitter durant huit jours, en mars, et celui du site YouTube, depuis deux mois. Le fondateur du « Dictionnaire amer » (Eksi Sözlük), un site Web satirique, Sedat Kapanoglu, a été condamné à cinq ans de mise à l’épreuve après avoir été reconnu coupable de blasphème. « L’épée de Damoclès reste au-dessus de ma tête. C’est une forme de censure systématique », déclare-t-il.

Dans un rapport sur Gezi remis en avril, la direction de la sécurité a dénombré cinq morts et plus de 4 300 blessés au cours des manifestations, mais n’a relevé « aucune violation des droits de l’homme par les forces de l’ordre ». « En réalité, souligne la FIDH, contrairement aux “trouvailles” du ministère de l’intérieur, des violations ont eu lieu, à grande échelle » : usage excessif de la force et d’armes létales, violences, détentions illégales, violences sexuelles, torture…

Pourtant, un an après, pas un seul responsable n’a été jugé et seules deux plaintes ont abouti à un procès. Le policier Ahmet Sahbaz, qui avait abattu un manifestant désarmé en juin 2013, comparaissait libre lundi, à Ankara. Si l’impunité des forces de sécurité reste de mise, les meneurs de la contestation doivent, au contraire, faire face à un véritable acharnement judiciaire. Vingt-six membres du collectif Taksim seront jugés, à partir du 12 juin, pour « avoir formé une organisation illégale destinée à commettre des crimes ». La loi a été modifiée en décembre 2013 pour permettre des poursuites contre les médecins qui aideraient des manifestants blessés. Et plusieurs dizaines d’utilisateurs de Twitter sont accusés d’« incitation à l’insurrection ».

La soumission croissante de la justice au pouvoir politique inquiète. Les procureurs sont parfois invités « à faire leur travail » sur ordre direct de l’exécutif, comme après les insultes contre M. Erdogan à la mine de Soma. Le parquet a, en revanche, classé sans suite l’un des volets des affaires de corruption qui ont éclaté en décembre 2013 et qui éclaboussent le premier ministre et son entourage. Le premier ministre a fait procéder à des dizaines de limogeages dans la haute fonction publique pour se débarrasser d’un certain nombre de juges, procureurs, policiers ou gouverneurs récalcitrants. La Cour constitutionnelle, à son tour, est sous pression. C’est l’un des derniers remparts institutionnels à l’emprise de M. Erdogan.

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l’AKP soupçonné de vouloir enterrer les scandales de corruption

LE MONDE | | Par Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)

Les débats ont tenu les députés en éveil toute la nuit, jusqu’à l’aube. A plusieurs reprises, le ton est monté et les élus de la Grande Assemblée nationale de Turquie en sont quasiment venus aux mains. Mais à l’issue de cette session particulièrement houleuse, les députés ont voté lundi 5 mai, à une large majorité, en faveur de la création d’une commission parlementaire chargée d’enquêter sur les affaires présumées de corruption, dans lesquelles quatre anciens ministres du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan sont mis en cause par la justice.

Cette commission, qui ne devrait pas rendre ses conclusions avant l’automne, soit après l’élection présidentielle prévue en août, sera composée de quinze membres, dont neuf issus du Parti de la justice et du développement (AKP). Ce qui fait craindre à l’opposition que cette manœuvre ne soit rien d’autre qu’une nouvelle tentative d’étouffer les scandales.

Le premier ministre Erdogan, sa famille et ses proches sont soupçonnés de fraudes et de corruption depuis l’ouverture d’une série de procédures judiciaires, le 17 décembre, et la révélation d’enregistrements compromettants. Le dirigeant turc et ses quatre ex-ministres clament leur innocence. Ils accusent la confrérie du prédicateur Fethullah Gülen d’avoir monté cette affaire de toutes pièces pour fragiliser le gouvernement.

En prélude du vote, les membres de l’AKP incriminés ont tenté de se défendre pour la première fois depuis leur démission – pour trois d’entre eux – du gouvernement. Zafer Caglayan, ancien titulaire du portefeuille de l’économie et proche de M. Erdogan, a ainsi rejeté toute accusation de corruption. Il est soupçonné de s’être fait offrir une montre de luxe d’une valeur de 450 000 euros par l’homme d’affaires irano-azéri Reza Zarrab, mystérieux intermédiaire au centre des scandales. Le bijou, un modèle d’un grand horloger suisse fabriqué sur mesure, lui aurait été livré en jet privé.

« J’AI PAYÉ POUR CETTE MONTRE »

Il a été acheté légalement, a répondu M. Caglayan, qui a brandi un document présenté comme une facture et affirme avoir succombé après avoir vu une publicité dans un journal. « J’ai payé pour cette montre », a-t-il lancé, exhibant son poignet. Il a également nié avoir effectué le pèlerinage à La Mecque grâce au jet de M. Zarrab. « J’ai toujours été au service de mon pays et des entrepreneurs qui contribuent à la croissance turque », a assuré M. Caglayan.

A ses côtés, l’ancien ministre de l’urbanisme et de l’aménagement urbain, Erdogan Bayraktar, lui aussi mis en cause, a fondu en larmes. Egemen Bagis (affaires européennes) a dénoncé un « sale complot », orchestré selon lui par des magistrats et des policiers aux ordres de Fethullah Gülen.

Muammer Güler, ancien ministre de l’intérieur, a accusé les procureurs d’outrepasser leurs pouvoirs mais ne s’est pas expliqué sur la découverte de grosses sommes d’argent liquide cachées dans la chambre de son fils. « Nous n’avons aucun doute sur les nôtres, a déclaré le vice-président du groupe AKP à l’assemblée, Nurettin Canikli. Laissons l’enquête aller à son terme, personne ne peut étoffer ces allégations. »

L’opposition a pourtant de sérieux doutes sur les intentions de M. Erdogan face à ce que Kemal Kiliçdaroglu, dirigeant d’opposition du CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste), décrit comme « le plus gros scandale de l’histoire de la République turque ». La commission d’enquête, ironiquement rebaptisée « commission de blanchiment », pourrait être le meilleur moyen de temporiser ou d’enterrer les affaires.

VASTE OPÉRATION DE PURGE

« Mais même si le gouvernement acquitte ces hommes, ils devront rendre des comptes devant la Cour suprême », a averti le député du CHP Akif Hamzaçebi. Pour envoyer les anciens ministres devant les juges de la Cour constitutionnelle, à l’issue de la procédure d’enquête, l’opposition devra toutefois trouver le soutien d’au moins cinquante députés de l’AKP.

Le premier ministre Erdogan a tout fait depuis décembre 2013 pour étouffer le scandale. Il s’est lancé dans une vaste opération de purge de l’appareil judiciaire et administratif, éliminant tous les fonctionnaires soupçonnés d’appartenir à la confrérie Gülen. Des milliers de limogeages dans la police et dans la magistrature ont été ordonnés. Les procureurs à l’origine de l’affaire ont été mutés. Une partie des accusations lancées le 17 décembre a déjà été abandonnée par la justice.

La semaine dernière, le parquet d’Istanbul a classé sans suite le volet sur l’administration du logement collectif (Toki), dans lequel était accusé le fils de M. Bayraktar, lui-même ancien directeur de cette agence gouvernementale.

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Les « soap operas » turcs : amour, gloire et réalité

« La révolution ne sera pas télévisée. » Dans toutes les langues, le slogan s’est étalé sur les murs d’Istanbul, au printemps 2013, tandis que des centaines de milliers de personnes manifestaient autour de la place Taksim et du parc Gezi contre la dérive autoritaire du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. Pendant ce temps, les chaînes d’information en continu passaient les événements sous silence, l’une d’elles, CNN Türk, diffusant même un documentaire animalier sur les pingouins au moment où la colère envahissait les rues d’Istanbul. L’animal est devenu, depuis, le symbole de la censure des médias et du verrouillage de l’information par le pouvoir.

On pensait pourtant que la révolution télévisuelle avait eu lieu en Turquie. Les feuilletons turcs qui envahissent les petits écrans et s’exportent dans tous les foyers du Moyen-Orient et des Balkans ont été, ces dernières années, les meilleurs ambassadeurs du pays. Ces séries télévisées ont accompagné la transformation de la Turquie et ont diffusé son « soft power », jouant à plein le rôle de vecteur du « modèle turc » que souhaitait répandre le gouvernement Erdogan pour étendre son influence commerciale et culturelle. Un modèle censé conjuguer modernité et traditions, islam, démocratie et libéralisme économique… Un modèle qui devait servir de point de repère aux pays arabes lancés dans leurs propres révolutions à partir de 2011. Et que le photographe Guy Martin, installé à Istanbul, a mis en images dans le projet « City of Dreams », alternant photos de fiction et images du réel.

La série « Gümüs » a été le symbole de cette ouverture. Ce feuilleton à l’eau de rose diffusé dans le monde arabe sous le nom de « Noor » entre 2005 et 2008 a battu tous les records d’audience. L’histoire de Noor, donc, jeune fillle de la campagne, mariée par son grand-père à Mehmet, qui l’avait aimée dans l’enfance. Le feuilleton suit le jeune couple entraîné dans une série d’aventures : enlèvement, emprisonnement, tentatives de meurtres.

Le dernier épisode a été suivi par 85 millions de téléspectateurs. Un succès tel que « Gümüs » est rapidement devenu un phénomène de société, bousculant les schémas familiaux et patriarcaux classiques, notamment en Arabie saoudite. Les héros du feuilleton incarnent le visage du « modèle turc » et, après « Gümüs », le tourisme en provenance des pays arabes a connu une forte progression. La demeure en bordure du détroit du Bosphore où a été tournée la série est aujourd’hui un lieu de pèlerinage pour les fans.

« MODÈLE TURC »

Depuis 2011, l’exportation de fictions télévisées a rapporté à la Turquie plus de 80 millions d’euros par an. Mais ce succès a aussi ses détracteurs : au Qatar, où l’on a investi dans des productions locales pour contrer ces séries turques trop osées, ou en Macédoine, ex-province de l’Empire ottoman, où le ministre de l’information a déclaré : « Cinq cents ans de servitude, ça suffit ! » Un cheikh syrien a même décrété l’interdiction de prier vêtu d’un tee-shirt à l’effigie d’une actrice turque jugée décadente.

Mais surtout, cette modernité de carton-pâte que voudrait promouvoir le secteur audiovisuel ne plaît pas toujours aux dirigeants turcs eux-mêmes : le Conseil supérieur de l’audiovisuel a sanctionné la version turque d' »Un gars, une fille », leur imposant des fiançailles pour pouvoir vivre sous le même toit. Le commissaire Behzat Ç., héros dépressif d’une série policière, a reçu une amende pour sa consommation d’alcool excessive. « Les Simpson » ont été condamnés pour blasphème . Et enfin, Erdogan s’en est pris à la série « Le Siècle magnifique », pour son portrait jugé irrespectueux du sultan Soliman…

Sur petit écran comme dans la rue, le « modèle turc » a donc fait long feu. La « turcomania » dans les pays arabes est retombée en même temps que les ambitions diplomatiques néo-ottomanes d’Ankara dans la région. A Istanbul, c’est dans la rue et dans les allées du parc Gezi, plutôt que devant les séries télé, que la jeunesse turque a passé ses soirées et s’est mise à rêver d’une société moderne, créative et libérée des carcans conservateurs. La violente répression du mouvement par la police, qui a fait six morts et plus de 8 000 blessés en juin 2013, le scandale de corruption qui éclabousse le gouvernement depuis fin décembre, et la purge de la bureaucratie qui a suivi ont ôté une bonne partie du crédit que la Turquie avait gagné ces dix dernières années. La révolution ne sera pas télévisuelle.

Guillaume Perrier

Article paru dans M, le 14 mars 2014

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Deux enfants tués dans le jardin d’Erdogan

Berkin, 15 ans et Burakcan, 22 ans, étaient deux enfants d’Okmeydani. Le premier, mort mardi matin après neuf mois de coma, a été tué en bas de chez lui par une grenade lacrymogène tirée par un policier, au plus fort des manifestations de Gezi. Ses funérailles, mercredi, ont provoqué une vague d’émotion à travers la Turquie et ont été suivies par plusieurs centaines de milliers de personnes. Le second a été abattu mercredi soir, dans le même quartier, dans des circonstances encore troubles, après une échauffourée entre militants d’extrême gauche et pro AKP. Revendiqué par le DHKP-C (parti-front révolutionnaire de libération du peuple), un groupuscule radical marxiste, cet acte ressemble à première vue à une vengeance. Berkin était alévi, d’une famille de gauche. Burakcan, issu d’une famille nationaliste. Pour beaucoup, sur les pentes de ce faubourg populaire d’Istanbul, il pourrait aussi s’agir d’une provocation destinée à exacerber les tensions communautaires. Un scénario que le quartier a déjà vécu.

 « Okmeydani », comme son nom l’indique en turc, était, sous l’empire ottoman, une place (meydan) dédiée au tir à l’arc (ok). De là, les collines qui longent la voie rapide et qui descendent jusqu’à la Corne d’or sont une succession de micro quartiers où dominent les anciens gecekondu, des immeubles construits après les années 70 par les immigrants d’Anatolie, venus parfois par villages entiers : Piyalepacha, Kaptanpacha, Kasimpacha… Une mosaïque de petits villages urbains bien identifiés. Kurdes de Mardin, Turcs sunnites de la mer Noire, Alévis de Sivas ou du Dersim…

RT Erdogan au club de foot de Kasimpasa en mai 2013.

RT Erdogan au club de foot de Kasimpasa en mai 2013.

Cette zone proche du centre d’Istanbul, est le jardin du premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Originaire, par son père, de la mer Noire (Rize), il a grandi dans les ruelles accidentées du haut de Kaptanpacha. Jeune, il fréquentait assidûment la mosquée de Kasimpacha. Il compte encore dans le quartier quelques amis fidèles et de très nombreux partisans. Depuis son accession au pouvoir, Kasimpacha s’est transformée, bénéficiant de nombreux équipements collectifs : centre de santé, écoles, piscine, bibliothèque. D’anciennes casernes ottomanes y ont récemment été restaurées au bord de la Corne d’Or. Le stade de football de l’équipe de Kasimpacha, qui joue en première division, porte le nom de son premier supporter : Recep Tayyip Erdogan.

A deux pas de l’immeuble où à grandi le jeune Tayyip, le haut de Piyalepacha est en état quasi insurrectionnel depuis la mort de Berkin. Les lampadaires, qui servent autant à éclairer qu’à abriter des caméras de vidéosurveillance, ont été déboulonnés. Des barricades érigées autour du parc et du cemevi (le lieu de culte des Alévis) sont gardées par les gamins qui fabriquent des cocktails Molotov avec des bouteilles de coca. A cent mètres de là, sont postés les blindés antiémeute de la police. Le soir, les échauffourées sont violentes dans le quartier. « Jeudi soir, il y avait du gaz lacrymogène partout jusqu’à 3 heures du matin », raconte une habitante. Rebelote vendredi. Les tensions ne sont jamais vraiment retombées depuis les manifestations de Gezi, dans ce micro quartier peuplé en majorité d’Alévis originaires d’Anatolie (Dersim, Erzincan, Sivas…). Les petits partis de la gauche révolutionnaire turque et kurde maillent le territoire, à commencer par le Halk Cephesi (Front du Peuple), une émanation de Dev-Sol (Gauche révolutionnaire). Les « Erdogan assassins » ou « Berkin Elvan est immortel » recouvrent les murs. M. Erdogan connaît parfaitement ce quartier et ses spécificités.

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Passée l’école primaire, on change d’ambiance. On franchit une frontière invisible. Autour de la mosquée, vivent surtout des Turcs sunnites et le soutien à l’AKP de Recep Tayyip Erdogan s’y affiche clairement avant les élections municipales. Dans le bas du quartier, les rues sont tenues par un groupe de supporters de l’équipe de foot, les « Kasimpasa 1453 » qui au printemps dernier, accueillait les manifestants de Gezi à coups de bâtons. C’est là qu’habitait la famille de Burakcan, tué mercredi soir. Il travaillait avec son père à l’épicerie. Les jeunes d’en haut, en colère, voulaient défiler pour Berkin dans le bas du quartier. Que s’est-il réellement passé ensuite ? Une bagarre a dégénéré. Le corps de Burakcan a été enterré à Giresun, dans la région de la mer Noire.

Vendredi après-midi, une prière et un repas de deuil se tenait au cemevi de Piyalepacha, trois jours après la mort de Berkin. Le père, Sami Elvan, a lancé un appel à « ne pas se servir de la mort pour faire de la politique ». Et il a téléphoné au père de Burakcan pour lui adresser ses condoléances. Un geste fraternel, destiné à faire baisser la tension dans le quartier. Le premier ministre, lui, n’a rien fait pour apaiser les tensions. Il n’a pas eu un mot de compassion à l’égard de la famille de Berkin, et il a même traité l’adolescent de « casseur » et de « terroriste », vendredi. Pour lui, tout son quartier est d’ailleurs à blâmer… Il a en revanche envoyé une présence aux funérailles de Burakcan. Erdogan joue sur les divisions et les peurs, cherche à polariser la société turque avant les élections municipales. Pour établir un état d’urgence de fait, disent certains. C’est déjà le cas tous les soirs à Piyalepacha. Dans ces quartiers qu’il connaît rue par rue.

Le ghetto révolutionnaire d’Okmeydani, comme d’autres disséminés dans Istanbul, est une cible de choix. Ce n’est pas un hasard si la pression policière y est plus brutale qu’ailleurs. Comme à Armutlu ou à Gazi où des heurts ont éclaté à l’automne dernier, après la mort d’un jeune, Hasan Ferit. La pression foncière aussi y est forte. Ces quartiers de gecekondu (maisonnettes en dur « construites en une nuit »), centraux, sont aussi la proie des promoteurs immobiliers. Ces derniers n’étant jamais très loin du pouvoir politique.

https://www.youtube.com/watch?v=aKC0fvu-_OE

Illustration sur les hauts de Kaptanpacha, en plein « territoire Erdogan », où un immense espace dédié au tir à l’arc a été inauguré en grande pompe l’an dernier, par le premier ministre lui-même. Le « okçular tekkesi » ou le tekke des archers, comprend une mosquée en béton, d’une esthétique douteuse. Un centre d’entraînement, un champ de tir, avec des cibles et des bâtiments publics où s’est installé une brigade de policiers antiémeute. La construction de ce stade, qui a nécessité la destruction de dizaines de maisons et des terrains de foot où venaient jouer les gosses du quartier, remplit plusieurs objectifs à la fois.

L’opération permettrait de développer le quartier et d’y faire grimper les prix. La mairie d’Istanbul y a d’ailleurs imaginé un grand projet pour faire venir les touristes et les classes moyennes. Un projet d’aménagement inspiré des « Champs-Elysées » nous dit le journal Sabah, contrôlé par des entrepreneurs proches du gouvernement… Le plan de rénovation urbaine prévoit le relogement de 100.000 personnes.

Bilal Erdogan, 2e à droite, est soupçonné d'avoir mis la main sur la fondation des archers.

Bilal Erdogan, 2e à droite, est soupçonné d’avoir mis la main sur la fondation des archers.

L’affaire du tir à l’arc ravive en même temps le néo-ottomanisme et l’idéologie de la Conquête puisque l’endroit était, en 1453, le lieu de regroupement des archers de l’armée ottomane, lors du siège de Constantinople. Le 29 mai dernier, M. Erdogan a présidé la « coupe de la conquête » où s’affrontaient des archers en costumes d’époque. Mais l’opération permet aussi de mettre la main sur des terrains qui prennent de la valeur. Au conseil d’administration de la fondation des archers (http://www.okcularvakfi.org/) récemment recrée, on trouve des fils de députés AKP… Ainsi que Bilal Erdogan (sur la photo), le fils de Tayyip Erdogan, au centre des affaires présumées de corruption qui ont éclaté le 17 décembre. Bilal est mis en cause dans une série d’enregistrements clandestins révélés par le compte Twitter Haramzadeler. Et accusé par l’opposition d’avoir perçu d’importants pots-de-vin via des fondations écran.

A Okmeydani, dans le jardin de Recep Tayyip Erdogan, des enfants jouent, des enfants meurent.

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