L’équipe de football de la France

La Coupe du monde terminée, le football, sport d’apparence unanimiste alors qu’il n’est que médiatiquement survitaminé, pose toujours les mêmes questions :

— Quelle est la part d’intérêt véritable des Français pour ce sport ?

— Et, est-il possible pour les citoyens d’un pays de s’identifier à une équipe et pourquoi plus précisément, de football ?

La multitude qui regarde les matchs de football de la Coupe du monde est composée de personnes très différentes, des enfants, des femmes, des spécialistes, des curieux, des critiques, des politiques, des économistes et même d’autres sportifs, des cheminots, des notaires, voire des gens qui ne regardent jamais le championnat de France. Bref, toutes ces personnes ont leur propre filtre posé sur ce sport mais n’ont rien de commun dans l’appréciation du jeu ou du résultat de l’équipe de France bien qu’ensemble ils convergent vers un même centre d’intérêt passager. Tous ces spectateurs, du supporter sans recul à l’intellectuel, participent à un spectacle national qu’ils complexifient alors qu’il faut le repréciser : le football n’est qu’un jeu. Un jeu simple auquel tout le monde peut s’adonner, que tout le monde peut comprendre. En effet quoi de plus simple que comprendre la règle n° 1 du football : quand le ballon entre dans la cage, cela fait un point. N’importe quel autre sport, la pétanque y compris, demande plus de réflexion et de stratégie que le football. Là réside la force et la raison du succès planétaire de ce sport : ses règles sont pauvres. À partir de ce constat, on peut donc en déduire que tout le monde le comprend, peut exprimer un avis, et donc se sentir libre de juger un match, un joueur, sans entrave. Cela est moins compliqué que d’essayer de déchiffrer une lettre de l’Urssaf, un projet de loi ou un mail de Pôle Emploi. D’où sans doute, le plaisir jouissif de regarder un jeu dont tout le monde peut parler sans risquer de (trop) se tromper est un moteur important de l’attraction d’une large palette de spectateurs qui, par exemple, se fiche complètement à cette heure de savoir que l’équipe de France de handball possède le plus beau palmarès dans les sports collectifs, loin devant le football.

Cependant, les émotions que procure ce sport ne forment pas selon moi une émotion collective mais, je dirais, une représentation de réactions particulières agglomérées, par exemple à la finale. Les images télévisuelles seules donnent une impression de consensualité, par exemple sur les Champs-Élysées, alors qu’il n’y a en a aucune. Car, ce n’est pas vrai, ma façon de « vivre » la Coupe du monde n’est pas celle de mon voisin, même si j’ai adoré regarder le match avec lui parce que cela nous a permis d’instaurer entre nous une relation particulière à ce moment-là. En allant plus loin, je dirais que l’équipe de France n’est pour rien dans le besoin des gens de se rassembler pour se donner l’impression de respirer le même air, de se « sentir » plutôt que de se déchirer. Je ne dis pas que cela est mal, je souligne juste que l’équipe de France comble un manque de joie douloureux. La victoire des hommes de Didier Deschamps porte donc une responsabilité qui ne devrait pas lui incomber dans la vie politique du pays. Elle ne peut pas représenter l’ampleur des significations de la manifestation qu’elle génère. Cela la dépasse.

D’où la seconde question, sans réponse, celle de l’identification à une équipe. Se noue-t-elle sur le plan sportif ? Non. Personnellement, j’ai admiré l’équipe du Japon parce qu’elle jouait sans calcul et que sans doute, ce non-calcul me la rendait personnellement, intimement, sympathique alors que je ne connaissais aucun de ses joueurs. Mais ce jugement ne tient qu’à moi. Suis-je heureux de la victoire des Bleus ? Oui, dans la mesure où elle a été la meilleure équipe sans aucun doute du tournoi. Anguille et caméléon à la fois, la France servie par des joueurs acceptant un jeu collectif réjouissant sans qu’aucun joueur n’écrase de sa présence le reste de l’équipe a produit un bel effet sur un sport où l’on accorde trop d’importance aux individus et à leur salaire. De ce point de vue, Kylian Mbappé devra être fort pour ne pas succomber au déluge d’éloges qui lui reviennent alors que la Coupe du monde sacre cette fois véritablement une équipe, et non un prodige comme Zinédine Zidane qui avait tant pesé sur la finale contre le Brésil en 1998, jusqu’à voir son nom s’illuminer sur l’Arc de Triomphe en ces termes : « Zidane président ». N’importe quoi… Et puis, ce ne peut être du jeu en lui-même, car à de très rares exceptions, toutes les équipes, désormais, jouent plus ou moins le même football, le style ou le technico-tactique n’étant abordé qu’en fonction des joueurs à disposition et non pas à partir d’un concept d’entraînement ou de culture propre (à ce sujet, les équipes d’Amérique du Sud et d’Afrique ont du souci à se faire). Quand cela est le cas, en général, l’entraîneur est viré parce qu’on n’a plus le temps de former des collectifs mais à peine celui d’agencer une addition de talents pour, un temps donné, généralement court, faire du management. C’est le mal de l’époque que de nier le temps, mais passons. En tout cas, Didier Deschamps a lui parfaitement fait son boulot et on lui a donné le temps pour cela.

Donc, si ce n’est de se déterminer par rapport à une conception de ce sport ou un style, il reste que le football international produit des équipes aux couleurs nationales, alors que les championnats domestiques mettent aux prises des sociétés, des entreprises, des logos, non plus des clubs, et ces derniers considèrent les spectateurs comme des clients. La sélection nationale est un autre projet, un projet éphémère qui ramène le sport à sa véritable dimension. Toutes les cartes des valeurs des sociétés-entreprises de football sont rebattues et tous les quatre ans émerge un groupe d’hommes qui va mieux que les autres trouver en un temps minimal une cohésion pour obtenir un trophée. Et la particularité de cette équipe est que, même si elle joue obligatoirement moins bien qu’une équipe du dernier carré de la Champion’s League, elle n’appartient pas à un propriétaire ou à un fonds de pension, et devient ainsi l’équipe de chacun. Et, bien sûr, c’est cette appropriation plus que l’identification aux joueurs ou à l’équipe (qui est impossible puisque par exemple, je pourrais préférer Luka Modric à Antoine Griezmann en tant que footballeur) qui a le pouvoir de rassembler. Pour un jour, l’équipe de France représente la République dans toutes ses différences, ses contradictions, sa simplicité, gratuitement. Elle renvoie l’homme politique à sa triste mission et à sa langue fourchue, l’équipe de France parle avec ses pieds et tout le monde comprend. Et il n’est pas si fréquent dans nos sociétés interconnectées de pouvoir se prévaloir d’un dénominateur commun fabriquant de la fierté nationale transsociale sans risque. L’identification serait en fait plutôt le produit d’une émotion désintéressée.

Ce serait une bonne nouvelle s’il n’était pas un temps, pour parler de la France, où l’on pouvait se rengorger de produire collectivement de la fierté nationale, le Concorde, le bien nommé paquebot France cher à Michel Sardou, des vins inimitables, un artisanat, un système de sécurité sociale, une esthétique, une culture commune pour aller vite, mais aujourd’hui grâce à la puissance de l’effet des médias et des politiques, il ne nous reste que le football national pour nous sentir concernés ensemble, que l’on aime ou pas le football. En ce sens je pense que le succès populaire de l’équipe de France de football (ou de l’équipe de football de la France) marque une régression du sentiment national car, après tout, je pourrais beaucoup plus fier que la France continue de produire des architectes ou des sociologues et des grands metteurs en scène ou des hôpitaux publics performants plutôt que des armes de guerre, mais comme cela n’est pas un jeu de société, mais un enjeu de société autrement plus grave, les Bleus sont une piqûre de morphine dans l’apathie générale. Sans doute parce que le football existe pour créer de l’enthousiasme pour rien. En allant un peu plus loin, il est permis de se dire aussi que c’est justement pour cette raison qu’il existe. Quand on ne croit plus à rien, on se met à aimer le rien, à aimer parler de rien, cela ne demande aucune détermination. Tout cela est bien doux dans un monde qui est par ailleurs si violent.

Olivier Villepreux

Publié dans Non classé | Un commentaire

Dejan Savićević, l’invisible génie monténégrin

Dejan Savićević demeure le plus insaisissable des joueurs de cette période charnière qui a vu la Yougoslavie et une génération exceptionnelle de footballeurs changer de papiers d’identité et s’éparpiller dans les championnats de l’Europe de l’Ouest avec des fortunes diverses. Parmi eux, Savićević, monténégrin, ne connaîtra jamais la carrière internationale d’un Michel Platini, dont il pourrait avoir les traits d’un jeune frère et avec qui il partageait cette façon désinvolte de marcher sur la pelouse. Les deux n° 10 couraient avec leurs yeux. « J’avais besoin de souffler. Mes coéquipiers me supportaient parce qu’ils savaient que je compensais par d’autres qualités. » Des accélérations inspirées, des dribles de circassien, des centres parfaits et des buts « inventés » pour reprendre le mot d’un commentateur italien subjugué définissent un joueur qui n’aura jamais eu la chance de faire admirer toute l’étendue de son art durant une coupe du Monde.

Dejan Savićević était sûr de son talent, acquis sur des terrains en ciment ou en terre battue de son quartier de Titograd, aujourd’hui Podgorica, capitale du Monténégro. Il n’a en fait cultivé que sa fine technique de gaucher naturel et un opportunisme qu’aucune école de football ne sait produire. En 1988, un match contre le Milan AC en Ligue des champions sera donc le tournant d’une carrière précoce, bien qu’il n’ait commencé à jouer au football qu’à 15 ans. L’Étoile Rouge fait match nul à l’aller à San Siro (1-1) et, au retour à Belgrade, Savićević marque le but d’une qualification qui s’évanouit dans le brouillard épais qui enveloppe le stade et décide l’arbitre allemand de la partie à l’arrêter. Le lendemain, les deux équipes se retrouvent à égalité et le joueur rate son pénalty.

En 1990, en Italie, pour la dernière Coupe du Monde à laquelle participera la Yougoslavie au complet, Ivica Osim, l’entraîneur national, n’a pas la philosophie d’un Michel Hidalgo : la stratégie et l’expérience priment sur l’improvisation de la jeune génération ; Savićević est bloqué par la présence de Safet Sušić, bosnien comme son entraîneur. Il sera pourtant déterminant contre l’Espagne, rentré en jeu en seconde période grâce ses passes précises et sa conduite de balle féline. Fauché dans les arrêts de jeu à 20 mètres du but adverse, il permet à Stojković de marquer un coup franc limpide. En arrière-plan, la Yougoslavie se déchire et, avec l’écho des sifflets croates lors des qualifications, l’équipe n’a plus vraiment la tête à jouer avec les pieds.

Coincé dans un angle mort de l’échiquier politique et footballistique, le Monténégrin va toutefois connaître un moment paradoxal et paroxystique avec l’Étoile Rouge de Belgrade, équipe qui servait la propagande de Slobodan Milošević. En 1991, il revient en Italie, à Bari, pour remporter la finale de la Ligue des champions contre Marseille. Il confiera bien plus tard à So Foot, que des « agents » avaient tenté de le corrompre, lui et d’autres joueurs avant la rencontre. « On a tous refusé, on a démontré que ce n’était pas trop notre genre. » Mais avec la guerre qui éclate, Savićević répond à une autre offre, celle de Silvio Berlusconi qui engage alors plus de joueurs que nécessaire pour le Milan AC. L’effectif pléthorique, l’équivalent de celui du Real Madrid aujourd’hui, fait que de nombreux excellents joueurs regardent les matchs assis sur le banc ou des tribunes. C’est toujours ça que la concurrence n’aura pas. Savićević, de fait, joue assez peu. Il s’oppose à l’entraîneur Fabio Capello comme à Osim, et ses apparitions sur la pelouse sont guettées par les connaisseurs comme une friandise. La première année, il ne joue que 10 matchs de championnat, marque quatre buts et n’est pas du voyage de la finale perdue à Munich contre… l’OM.

Heureusement, Silvio Berlusconi, totalement sous le charme, retient son joker comme une maîtresse ignorant les raisonnements de belle-mère prudente de Capello. L’équipe de Yougoslavie étant interdite de compétitions après le bombardement de Sarajevo par les militaires serbes, Savićević est plus que jamais un franc-tireur. Tandis que les Italiens jouissent de ses facéties en Serie A, un des plus grands artistes de ce sport semble confiné aux oscars du meilleur second rôle. Un match en 1995, la finale de Ligue de champions contre le Barça de Cruyff, va toutefois donner à Dejan Savićević l’occasion de parachever son œuvre qui aurait mérité meilleure publicité. Après avoir contré le défenseur Miguel Ángel Nadal sur l’aile droite, il entre dans la surface de réparation et tire instantanément un lob qui retombe dans le dos du gardien Andoni Zubizarreta. Fabio Capello est soufflé et le « génie » dédiera son but à « son » président.

Aujourd’hui lui-même président de la Fédération du Monténégro, Dejan Savićević ne manque pas une occasion de défendre les intérêts des petites nations, mettant en garde la FIFA sur les dangers d’une trop grande concentration de moyens financiers et de joueurs dans quelques pays seulement. « Je crains que le football ne se disloque, comme le monde, comme la politique, comme la Syrie ou la Crimée. Je ne suis pas stupide, je fais de la politique depuis 10 ans, je vois bien ce qu’ils font. Le football dans cinq pays seulement, ça ne me plaît pas. » La composition des équipes de la finale de la coupe du Monde 2018 pourrait lui donner raison.

Olivier Villepreux

Publié dans Non classé | Un commentaire

Vaguiz Khidiatouline et la fin de l’URSS

En 1987, l’URSS vit les premiers effets de la Glasnost initiée par Mikhaïl Gorbatchev. Une vaste réforme des institutions dont les mots-clés sont transparence, ouverture et libertés nouvelles. Elle sera broyée par les rouages et les cadres de l’économie étatique aussi vifs qu’un pachyderme dans un cirque. À cette époque, le football russe vit une embellie. Et, comme un signe avant-coureur d’un pays qui ne croit plus à son modèle et dont les frontières vont inévitablement se fissurer, ouvrant des opportunités de négoce inédites, les premiers joueurs sont bradés dans des clubs professionnels étrangers. Des petits malins anticipent la prochaine mue du football russe. Fin 1987, à Toulouse, un téléphone sonne dans la nuit. « Khidiatouline, ça t’intéresse ? » Un mystérieux interlocuteur moscovite vient de proposer au directeur administratif du TFC le transfert du capitaine du Spartak de Moscou et de l’équipe au maillot barré des lettres CCCP. Pour mémoire, Toulouse vit aussi ses meilleures saisons sur le plan national et européen.

Quelques semaines plus tard, un intermédiaire toujours anonyme rappelle le même dirigeant toulousain. Le ministère soviétique des Sports serait prêt à laisser partir le libero à certaines conditions si le club français confirme sa demande à une société basée… au Liechtenstein. Un contrat de deux ans, au mieux trois, est proposé, la mise à disposition d’une villa, la prise en charge de tous les repas, trois allers-retours Toulouse-Moscou par saison et des primes de résultat liées aux matches disputés.

Cet étrange contrat est le fruit des circonstances, un de ces moments où l’histoire avance à tâtons. Toulouse a été contacté parce qu’en 1986 le TFC a été éliminé en seizième de finale de la coupe de l’UEFA par le Spartak et des contacts ont eu lieu sur et hors du terrain. Notamment, Vaguiz Khidiatouline a été expulsé avec Éric Bellus pour avoir joué des poings. Ensuite, le Goumsport comme toute administration soviétique, a officieusement accepté la marchandisation de ses joueurs de football mais dans les limites d’un semblant de légalité. La période est propice car l’URSS, en 1998, est vice-championne d’Europe avec une équipe gorgée de talents. Seul souci, pour faire du business avec les joueurs, il convient de préserver les apparences administratives d’un contrat « à la soviétique » – le mur n’est pas encore tombé et, au moment de la transaction avec trois mystérieux personnages à Vaduz, les dirigeants toulousains comprennent vite que ceux-ci avaient en leur possession toutes les informations disponibles et au-delà sur leur club. Cette Glasnost unilatérale impressionne beaucoup les émissaires toulousains. Leur nouvelle recrue, avec qui ils ne discuteront jamais, n’appartiendra pas au club et, d’ailleurs, le seul contrat qui vaudra le liera à une société sise à Vaduz en tant qu’ouvrier spécialisé. En effet, en URSS, un joueur de football ne possède pas un statut de sportif professionnel. Khidiatouline ne sera donc pas payé par le club français. Il ne récupérera en direct que ses primes de matchs, sera logé et blanchi, bénéficiera d’un crédit illimité au Carrefour de son quartier et de quoi sortir et scolariser ses enfants.

Le premier joueur soviétique à porter un maillot français débarque donc à Toulouse pour la saison 1988-1989 et n’a pas l’air de s’intéresser aux curieuses tractations qui permirent à la Ligue nationale d’enregistrer la licence d’un ouvrier spécialisé transféré pour 537 000 euros actuels qui touchera un salaire équivalent à 1 470 euros, reversés par le ministère des Sports soviétique. Vaguiz, qui s’installe avec sa femme et ses deux garçons, vit son départ comme la récompense suprême pour un joueur qui a souvent été présenté comme un modèle pour les footballeurs soviétiques. Pour lui, l’important n’est pas là. Il déclarera bien après son passage en France : « On était au début de la Perestroïka. On m’a laissé partir un peu pour services rendus. Cela m’a fait bizarre d’être un pionnier, le premier à passer la frontière, à m’installer en France. Pour moi, c’était un peu un rêve de rejoindre ce pays, celui des rois et des châteaux. » Tout à son désir de bien faire, il invite dès son arrivée ses nouveaux partenaires pour briser la glace. « J’avais organisé une soirée chez moi, avec tous les joueurs, Passi, Durand, Marcico, Despeyroux. Je leur ai expliqué mon pays, nous avons mangé du caviar et bu de la vodka. Tout s’est fini très tard, en chansons. Le lendemain, Jacques Santini, notre entraîneur, nous avait dispensés d’entraînement*… » Mais sur le terrain, l’intégration de Khidiatouline sera un échec. Après avoir joué des prolongations dans de petits clubs, Montauban, Labège, l’ancien champion du monde junior repart à Moscou en 1994 où le drapeau rouge ne flotte plus sur le Kremlin.

Olivier Villepreux

* Citations extraites de France Football

Publié dans Non classé | Un commentaire

Dario Silva, le noceur de l’Uruguay

À la veille d’un match contre le FC Séville en 2003, l’attaquant international uruguayen Dario Silva est introuvable. L’équipe de Malaga a été réunie pour un stage de préparation en dehors de la station balnéaire andalouse et la chasse à l’homme commence. Joaquín Peiró, l’entraîneur, piste son joueur comme il en a pris l’habitude puisqu’il est également assez rare que « El Negro » se présente aux entraînements souffrant régulièrement de douleurs musculaires récurrentes jusqu’au jour du match. Il faut comprendre que Dario Silva s’entraîne souvent en boîte de nuit. Il adore danser. Cette fois-ci, Dario a pris la tangente en plein jour, il se balade en survêtement quelque part en ville et, joint au téléphone, l’avocat de Silva prend le relais. Le lendemain matin, le fugueur est repéré dans les appartements d’une beauté locale. Il est 7 heures du matin et il appelle l’entraîneur :

« Il est rond comme une barrique.

– Fais-lui boire un café et ramène-le à l’hôtel. »

À 9 heures, la vedette est priée d’aller se coucher immédiatement. Joaquín Peiró est privé de son deuxième attaquant grippé, le Panaméen Dely Valdés, et devra aligner son danseur aux cheveux peroxydés à 17 heures pétantes. Les reporters sont formels, Dario Silva marqua un but et il fut le meilleur sur le terrain lors de ce match remporté 3 à 2 par Malaga.

Dario Silva est une peste dont la mauvaise foi et la générosité ont fait l’aura en dehors du football. Les insultes et les mauvais coups dont il se rend très souvent responsable sur les terrains et une allergie au travail qui vaut pour principe ont achevé de délimiter les contours d’une personnalité en revanche peu appréciée de ses pairs. Transféré à Séville, où il se liera pourtant d’amitié avec Sergio Ramos, il déclarera d’emblée très diplomatiquement lors de sa première interview à la presse qu’il était venu « pour jouer dans la meilleure équipe d’Andalousie ». Le président du Bétis le traitera laconiquement d’alcoolique et la vie put se poursuivre normalement. Ou presque. Son chant du cygne fut d’exhiber sous son maillot un T-shirt où un slogan d’un parti indépendantiste andalou apparaissait sur les écrans de télévision. La blague manqua de justesse d’attirer les foudres du parlement espagnol sur le club et son joueur qui plaida avoir voulu faire plaisir à une amie. En 2005, il s’exile à Portsmouth, mais le climat ne l’inspire pas et il rentre en Uruguay.

La gloire de Treinta y Tres, ville à l’est du pays, a été transférée en 1995 de l’Atletico Peñarol à Cagliari en Sardaigne où, déjà, il trouvait le football « lassant ». Dans une interview au journal espagnol AS, il décrit ses premières années en Italie comme « stressantes », tant le football y occupe une place démesurée. « Au bout d’un moment, je me suis dit : “J’en ai marre, ça me fait chier”. » L’Espagne lui offrira un peu d’air, d’autant qu’il crache sur le Real Madrid et le Barça et que la vie nocturne sur la Costa del Sol offre des distractions bien plus agréables que de parler football, ainsi qu’un éloignement suffisant pour ne pas trop attirer l’attention des médias.

On en oublierait presque que Dario Silva était un bon joueur. 49 sélections, 14 buts marqués en sélection, une Coupe du Monde, en 2002, même si l’Uruguay quitte la compétition avec la France dès le premier tour et qu’elle ne se qualifiera pas pour la suivante en Allemagne. En 2006, Dario Silva est sans club et cherche à se reconvertir, soit dans les médias, avec l’aide de Pablo Casal qui a la mainmise sur l’essentiel des contrats des joueurs professionnels du pays, soit en politique. Il se dit l’ami de Pépé Mujica mais demeure flou quant à son avenir qui pourrait le voir repartir en Espagne, où Casal tente de fourguer des petites chaînes de télévision privées pour les clubs. En tout cas, en septembre de cette année-là, au volant de sa voiture, il heurte un camion dans la nuit après une soirée agitée, fait quelques tonneaux et, sévèrement blessé, se retrouve amputé d’une moitié de jambe. Les versions divergent sur les causes de l’accident. On l’a dit ivre au moment des faits, il accuse la police de lui avoir dérobé une valise remplie d’argent liquide (3 000 dollars) et de bijoux. De la drogue circulait durant le dîner ? Lui dit s’être baissé pour ramasser un gâteau tombé sous le siège passager. Dario Silva s’est assez rapidement remis de son dernier exploit. Grâce à une prothèse, il a pu rejouer au football (gentiment), a démontré qu’il pouvait danser à nouveau, faire de l’aviron et se lancer dans l’élevage de pur-sang arabes de course.

Olivier Villepreux

Publié dans Non classé | 2 commentaires

Football / Iran. Un gardien en cage

Le 25 mai 2011, une foule éparse tourne déboussolée autour du stade Azadi de Téhéran. Des hommes pleurent, se prennent dans les bras. Une procession prend forme. Des milliers de personnes serpentent vers les gradins, le soleil dans les yeux. Ils brandissent la couverture des journaux sur lesquels on devine le portrait de Nasser Hejazi dont ce sont aujourd’hui les funérailles officielles. Des téléphones portables ondoient à la cime d’une forêt de bras tendus comme de minuscules boucliers et ils enregistrent pour témoigner. Derrière une rangée de jeunes militaires, des femmes portant lunettes noires et foulard font irruption dans les gradins par une coursive parallèle. Elles scandent le nom de l’ancien gardien de but et capitaine de la sélection iranienne. Elles qui n’ont pas le droit d’assister aux matchs ont été exceptionnellement autorisées à rendre hommage à la mémoire de « l’Aigle de l’Asie de l’Ouest ».

Le cercueil est porté à l’épaule par des hommes en uniforme et les chants prennent bientôt une tonalité moins plaintive. « Adieu Hejazi, en ce jour, les courageux sont en deuil. » Des slogans politiques percent dans la cacophonie générale. Les télévisions tournent. « Moubarak, Ben Ali, c’est ton tour Khamenei ! » La tension monte. Le corps du plus populaire et héroïque footballeur iranien va être rapidement transporté vers le cimetière de Behsht-e Zahra où l’on va s’empresser de l’enterrer et, là encore, des milliers de personnes attendent le cortège. Il faut abréger cette célébration qui risque tourner à l’émeute.

Si les Téhéranais se rappellent une dernière fois les exploits d’Hejazi, 62 sélections en équipe nationale, deux olympiades, ils saluent surtout l’opposant qui dénonçait le système politique et religieux. « Je n’en peux plus de voir que l’on puisse dire de la pauvreté qu’elle apaise, de présenter l’inefficacité comme un gage de patience, et qu’ils appellent en souriant toutes ces sottises de la sagesse. » La phrase lui valut d’être banni des plateaux de télévision alors qu’on le savait déjà condamné par la maladie.

Nasser Hejazi était une menace pour le pouvoir parce qu’il avait le peuple avec lui. Champion d’Iran en 1971 et 1976, il sera pendant 12 ans, jusqu’à la Coupe du Monde 1978, la figure centrale du football national sur la scène mondiale. Après s’être qualifiés en battant l’Australie, les Iraniens partent en Argentine où ils réalisent un match nul contre l’Écosse de Kenny Dalglish. L’été suivant, repéré par Manchester United, Hejazi passe un mois en Angleterre à ses frais. C’est le tournant tragique de sa vie. Il conclut les tests avec succès et le club est sur le point de signer son contrat. Alors qu’il dispute un match avec la réserve contre Stoke City, il doit encore faire confirmer son transfert par la fédération iranienne.

Or, en septembre 1978, la révolte contre le régime du Shah a jeté l’opposition dans la rue et l’administration du pays chancelle. Ces événements bloquent toute possibilité pour Nasser Hejazi de faire valider sa licence, ses papiers ; les bureaux de la fédération ont été vidés. En février 1979, l’ayatollah Khomeini est à la tête de la nouvelle République islamique d’Iran. Entre-temps, à Manchester, un gardien venu d’Afrique du Sud, Gary Bailey, a remplacé Nasser dans les cages d’Old Trafford. En six mois, l’accablement va succéder au fol espoir de Hejazi de reprendre l’avion vers l’Angleterre quand de nouveaux dirigeants s’installent à la fédération. Un responsable du Département de l’éducation physique du nouveau gouvernement religieux fait alors édicter ce règlement : « Aucun joueur âgé de plus de 27 ans ne sera admis à représenter l’Iran à l’étranger. »

La douche est glacée. Nasser Hejazi a alors 30 ans. Les Iraniens qui suivent frénétiquement le football bien qu’il soit considéré comme le sport du diable réalisent de quoi sera désormais capable le pouvoir islamique. Seule la victoire en 1998 de l’Iran sur les États-Unis lors du Mondial en France aura la vertu, pour des raisons évidentes, de redonner au football une importance que le régime ne souhaitait pas tout à fait lui concéder. Il génère des élans collectifs incontrôlables comme en 1997 après une victoire contre l’Australie qui avait provoqué une fête improvisée dans les rues de la capitale et qui fut écourtée par la police.

La déception a nourri le ressentiment de Nasser Hejazi à l’encontre des chefs religieux. Poursuivant sa carrière avec quelques succès notamment avec Esteghal FC de Téhéran ou au Bangladesh, il devint également de plus en plus critique, d’abord sur la façon dont le championnat était financé et tenu par les sociétés ou administrations d’État. Il dénonça également le copinage et le contrôle politique des clubs par les gardiens de la révolution. Puis il en vint aux petites phrases politiques, toujours pesées, car bien que protégé par sa renommée, Nasser Hejazi n’a jamais fait abstraction des risques qu’il encourait. En 2004, il annonce sa volonté de se présenter aux élections présidentielles de 2005. N’appartenant à aucun parti ni courant religieux, le conseil des gardes de la Constitution refusera son inscription sur les listes électorales. « Justement à cause de cela », dira-t-il ensuite, toujours aussi farouchement indépendant. Bien d’autres candidats seront également déboutés cette année où le conservateur Mahmoud Ahmadinejad accédera au pouvoir. À la mort du footballeur, le président a toutefois exprimé ses « sincères condoléances ». Mais elles furent moins émouvantes que le message de Sir Alex Ferguson, alors manager de Manchester United, qui demanda depuis l’Angleterre aux autorités iraniennes d’honorer la mémoire de leur gardien de but.

Olivier Villepreux

Publié dans Non classé | Un commentaire

Le stade Abou Dhabi du football

Les Émirats arabes unis ne possèdent pas encore la meilleure équipe du monde, mais les seuls intérêts tentaculaires d’Abou Dhabi dans le football semblent dessiner une nouvelle façon d’allier soft power, entreprise de séduction auprès des masses et placements financiers dans une économie du ballon rond se situant désormais hors-sol. Par exemple, leur présence en Australie, où la popularité du football va croissant et dont la situation géographique est idéale entre Asie et Amérique du Sud, peut laisser penser qu’à terme, il ne serait pas impossible que le championnat australien soit le laboratoire d‘incubation du football de demain. Tout de suite, l’Australie du football apparaît déjà moins lointaine et exotique que l’on pourrait le penser vu d’ici.

Dès 2013, après avoir racheté Manchester City en 2008, le cheikh Mansour bin Zayed al-Nahyan d’Abou Dhabi, mais surtout dans son sillage les autorités financières de l’État pétrolier ont compris que dépenser sans compter pour une équipe dont l’objectif était juste de rivaliser avec les grands d’Europe était un raisonnement un peu court, voire le caprice d’un seul homme et le contraire d’un bon placement. Or le football, comme l’élevage de chevaux de course, peut présenter l’opportunité de joint-ventures à l’échelle planétaire, en créant une sorte de chaîne de production mondiale de jeunes joueurs à travers des centres de détection-formation, dont le premier est établi à Manchester, avec une volonté affichée de s’inscrire dans le tissu social et politique local. Aujourd’hui, le City Football Group (CFG), détenu à 87 % par l’Abu Dhabi United Group et à 13 % par le China Media Capital Consortium, possède donc trois clubs et centres de formation, à Manchester, à Melbourne et à New York (dont l’entraîneur est Patrick Vieira), portant le même nom de « City » et les mêmes couleurs bleu ciel, tous sponsorisés par Etihad, la compagnie aérienne d’État. À ce modèle original de méga-club planétaire qui facilite grandement la circulation des joueurs et des techniciens en vase clos (l’Espagnol David Villa a déjà fait le yoyo entre Melbourne et New York) se sont ajoutées des prises de participation dans les clubs de Yokohama (Japon), propriété de Nissan, le CA Torque de Uruguay, acheté par CFG dans le but de prospecter sur tout le continent sud-américain, et le Girona FC en Espagne, détenu pour moitié par le CFG, pour aller bousculer le confort relatif du Barça (lié au Qatar) et du Real Madrid (lié à Dubaï) dans la Liga.

Pour traduire les effets de cette politique, notons que l’équipe d’Australie qui dispute le Mondial en Russie compte deux joueurs du City Group : Daniel Arzani (Melbourne) et Milos Degenek (Yokohama). Que sa politique de formation a abouti à l’intégration de jeunes joueurs très prometteurs d’horizons divers, dont Denis Genreau, jeune professionnel né à Paris et dont les parents ont émigré, désormais international australien dans l’équipe des moins de 20 ans. Au-delà, on peut aussi comptabiliser le nombre de joueurs disputant le Mondial constituant des actifs pour le groupe. C’est un peu fastidieux, mais cela révèle qu’au total 24 joueurs, soit l’équivalent d’une sélection, sont sous contrat avec l’Émirat. Dans le détail, la majorité joue à Manchester City mais aussi à New York (2), à Gérone (2) et deux autres dans l’équipe de Mansour bin Zayed al-Nahyan, Al Jazira, aux Émirats.

Installé sur tous les continents, comptant des équipes qui sont entre elles non concurrentielles – à l’inverse, mais juste en apparence, du Barça et du PSG appartenant à des fonds qataris –, ce genre de multinationale du football pourrait à l’avenir peser sur le marché des transferts, en transcendant le simple contrat tripartite agent-joueur-club par la création de son propre marché intérieur fermé selon les différents niveaux des clubs et des championnats nationaux. Une position d’extraterritorialité qui permettra peut-être aussi un jour de dépasser les pouvoirs d’une fédération, voire d’une institution internationale comme la Fifa. Si ce n’est pas déjà le cas. L’avenir du football est quoi qu’il en soit de plus en plus soumis à des montages financiers opaques qui ne connaissent aucune frontière et outrepassent évidemment les seuls intérêts locaux du football, les clubs n’ayant plus le pouvoir d’agir sur les décisions de conseils d’actionnaires avec lesquels ils n’ont plus de relations directes. En outre, ils ne disposent plus d’aucun moyen de pression en cas de désaccords, notamment, et ce n’est pas du luxe, sur leur identité sportive et culturelle. Déjà, le changement de couleur du maillot de Melbourne avait suscité une grande émotion. Une plainte officielle d’un club de Sydney pour s’y opposer pour divers motifs symboliques auprès de la Fédération australienne n’y avait rien changé.

Dans un scénario de science-fiction, d’ici une vingtaine d’années, si le City Football Group parvient à acheter d’autres équipes, ou à en acquérir des parts, rien ne l’empêchera de créer sa propre Ligue mondiale professionnelle et d’organiser une coupe du Monde des clubs à sa main. Hymnes et drapeaux nationaux pourront alors être remisés ou ne seront que faux-semblants comme déjà dans de nombreux secteurs.

Olivier Villepreux

Publié dans Non classé | Laisser un commentaire

Le baseball plus que le football

© Mark Leialoha

Je l’ai trouvé. J’ai mis un peu de temps, mais ça y est, j’ai mis la main dessus. Le plus drôle est qu’on est voisins. Maxime a 10 ans et, il l’affirme, « non », il ne regardera pas la Coupe du monde de football. Son argument immédiat est cinglant et convaincant : « Je préfère “faire” que regarder. » Admirable volonté. Mais en réalité, Maxime est accaparé par la préparation de l’Euro de baseball qu’il disputera avec l’équipe de France des moins de 12 ans à Budapest fin juin. Licencié au PUC – son père y a joué aussi –, Maxime a d’abord aimé l’ambiance et surtout que, contrairement au football, les meilleurs ne peuvent pas monopoliser le ballon. Au baseball, on a besoin de tout le monde puisque les joueurs changent de poste à tour de rôle « et on ne sait jamais où la balle va atterrir, tout le monde doit être prêt ».

À son niveau, dans un sport très minoritaire en France, personne n’est laissé de côté, les éducateurs cherchent à révéler « des talents cachés » (ou qui s’ignorent) plutôt qu’à piocher dans une masse prête à l’emploi. Et sur le terrain, en lieu et place de concurrence, s’instaure une complémentarité. Du coup, il a invité Jordan, son cousin, à le rejoindre. L’avantage quand on pratique un sport méconnu est que les enfants partent tous sur un pied d‘égalité. « Tout le monde a sa chance, il faut juste s’entraîner. » Évidemment, le baseball européen ne passe pas à la télévision, n’inspire aucune publicité mensongère mais, justement, le temps passé auprès des enfants, pour inculquer les règles, commencer à profiler son jeu, trouver ses gestes et positions favorables est un temps d’échange réel. Et puis, pas besoin télévision, on peut s’inspirer de joueurs confirmés sur Internet. Et les valeurs entre le football et le baseball s’inversent : on y apprend l’autonomie, la singularité et l’esprit collectif, puisque l’on  part de zéro, ou presque.

Le baseball est selon la mère de Maxime plus « intégrateur » que le football. Comme Maxime, elle vante la diversité des physiques. On peut être mince, grand, fort, plus ou moins rapide. Maxime est un lanceur gaucher. Ce qui le place géographiquement sur le terrain à être plus efficace sur la zone de jeu à droite, vers la première base. Autre particularité, le fait d’être un jeu où l’on passe de l’attaque à la défense demande une forte adaptabilité. Le baseball est aussi un jeu de « petits malins » qui développe une forte connivence entre joueurs selon des situations très variées et des codes. La communication entre les joueurs est permanente, elle développe des liens : « il y a les signes, mais il faut aussi tout le temps se parler ; il y a des situations où l’on court sans voir la balle, il faut donc écouter ce que disent tes partenaires » pour comprendre quelle base est à portée avant que la balle ne revienne.

De plus, le baseball est en France une sorte de cercle international puisque des étrangers y jouent. Le mélange des cultures, entre les Japonais, les Anglo-Saxons, des Sud-Américains et des Français mène aussi à l’apprentissage ludique de l’anglais. D’une manière générale, les enfants sont issus plutôt des classes moyennes. Enfin, le baseball selon Maxime enseigne également l’art de la patience. De la répétition de gestes à l’entraînement aux longs moments d’attente durant un match, jusqu’à ce que « tout d’un coup, la balle vole et qu’il faille prendre des décisions rapides ».

Seul bémol : le sport n’étant pas riche en licenciés, il est peu ou pas considéré au regard d’autres disciplines et les structures ne sont pas vraiment adaptées, surtout à Paris, où en l’absence d’éclairage, au PUC, il est difficile de s’entraîner le soir. Certes, jeu d’été et de plein air, le baseball doit aussi s’adapter à la luminosité changeante du jour, mais les parties ne s’arrêtent pas après 90 minutes. L’hiver, les gymnases manquent ou sont peu adaptés pour les entraînements. Dommage pour un sport qui sera olympique à partir de 2020 à Tokyo. Et qui pourrait fort continuer de l’être en 2028 à Los Angeles et intégrer ainsi définitivement le giron du CIO, à la condition d’être représentée à Paris en 2024. « J’aimerais bien jouer les jeux Olympiques », dit Maxime. Il aura 20 ans le jour où, peut-être, il enfilera sa tenue à Los Angeles. Ce jour-là, c’est lui qui passera à la télévision, on aura oublié la cheville de Mbappé.

Olivier Villepreux

Publié dans Non classé | 2 commentaires

Un triplé, un sextuplet et victoire d’On The Go dans le Grand Steeple-Chase de Paris

La victoire d’On The Go dans le Grand Steeple-Chase de Paris ce dimanche est une demi-surprise. Ce hongre de 5 ans à l’allure rustaude et à l’expression butée a su donner le coup de tête qu’il fallait pour claquer la porte à la favorite, Perfect Impulse. Après 6 000 mètres de course, ce n’est pas si souvent que deux jockeys se retrouvent pied à pied au poteau. Donc, remisons l’élégance pour se réjouir d’un final autrement plus inattendu qu’un soporifique mariage princier. Demi-surprise parce que le cheval de l’écurie Papot entraîné par Guillaume Macaire faisait partie des probables premiers, mais une chute de Bipolaire dès la première haie faussait le déroulement d’une course, qui aurait mérité d’être totale. Au rond, Bipolaire, monté par Thomas Gueguen, semblait avoir les nerfs en pelote et dès la haie d’échauffement montra des signes de mauvaise volonté. Il est très difficile de voir sur la vidéo comment ce joli gris d’ordinaire assez placide se réceptionne au sortir de la première haie pourtant presque anodine ; il semble glisser de l’antérieur gauche avant de perdre l’équilibre, puis viennent sur lui ses suivants immédiats Roi Mage et So French, le double tenant du titre, qui rouleront sur l’herbe, sans casse.

Restaient donc Milord Thomas, On The Go, Perfect Impulse et le jusqu’ici invaincu jeune premier Edward d’Argent pour disputer une partie de poker menteur qui consiste, à cheval, à faire croire que les boulets pèsent quand les jambes sont légères. À ce jeu-là, il est possible que James Reveley, jockey d’On The Go, soit le meilleur. L’Anglais, qui travaille pour Guillaume Macaire à Royan, est un véritable cavalier dont le port de tête haut ne trompe pas. Le regard longue portée, une tête qui ne dodeline pas, des jambes droites dont les genoux délestent tout en suspension les foulées du cheval et une intelligence de course qui fait qu’avec flegme il sait onduler dans les effluves des meneurs, avant de démarrer au moment juste. Seulement, ce dimanche, avant la dernière haie, la course est loin d’être gagnée. Perfect Impulse est légèrement devant, à l’intérieur, et la jument qui aime, généralement, mener le train et finir a plafonné dans les 150 derniers mètres. Le temps qu’il faut à James Reveley de flairer la chance se profiler et de pousser On The Go sur le flanc de sa rivale, dans un banco digne de Dostoïevski : « Il n’y a rien de plus plaisant que de ne pas se gêner devant les autres mais d’agir ouvertement et sans retenue. » La fin est heureuse pour James Reveley, qui le dira lui-même : « J’ai eu de la chance. » Ce qui ne doit rien enlever à la finesse avec laquelle il a mené son affaire ; le jockey est modeste, fait souvent mine de s’excuser d’exister, à l’étroit entre l’entraîneur et le propriétaire, rendons-lui pour une fois sa part de victoire qui ici ne souffre aucun doute.

Tristan Lemagnen, malheureux deuxième, a, lui, vécu une terrible désillusion. Vainqueur putatif à une seconde du poteau sa jument ne l’a pourtant jamais trahi. L’explication d’une telle issue est encore à trouver et Lemagnen risque de passer ses prochaines nuits à faire des équations à plusieurs inconnues. En tout cas, James Reveley n’a pas remporté par trois fois le Grand Steeple d’affilée uniquement parce qu’il a de la veine.

On a tendance à penser dans ces cas-là que le sport est une vacherie immorale pour les uns ou un bonheur bien plus épais qu’une simple tranche de vie pour les autres, mais Arnaud Chaillé-Chaillé, entraîneur de Perfect Impulse, s’est précipité féliciter son voisin de palier Guillaume Macaire (les deux entraînent leurs pensionnaires au même endroit à La Palmyre-Royan), tout à sa fierté légitime d’avoir remporté 6 fois désormais l’épreuve reine du steeple-chase en France. Les courses doivent à ce dernier d’avoir regagné une verve, mais aussi de susciter le désir de progresser chez ses rivaux pour qu’ils viennent le chatouiller sur son terrain. Ci-fait. Bref, à la fin, ce fut On The Go.

Olivier Villepreux

Ci-dessous l’arrivée en direct grâce à une caméra embarquée sur le casque de James Reveley :

https://twitter.com/francegalop/status/998225712690720768

Publié dans Non classé | 2 commentaires

Les « Frenchies » en force dans le Grand Steeple-Chase de Paris

Bipolaire à Auteuil en 2016 monté (déjà) par Thomas Gueguen.

Auteuil est une bouffée de souvenirs floutés par le temps – le design années 1970 de la salle des balances, le fer forgé des gradins ou le superbe bar rutilant d’aluminium tout en courbes du premier étage – qui vous font penser que, sans Borsalino ou Fedora sur le crâne et avec votre ridicule carte de crédit en plastique, vous allez passer pour un gringo. Il fut un temps, le même d’ailleurs, où la province jouait des Pascal à Auteuil, car amener un cheval sur ces obstacles coiffés de frais revenait à montrer de quel bois les petits éleveurs du Centre et du Sud-Ouest chauffaient l’arrière-train des grosses écuries. En réalité, aujourd’hui, il est toujours possible ici d’entendre la chanson fleurie des professionnels, leurs bons comme gros mots prononcés avec la gourmandise des bons vivants qui masquent mal le virus qui court de leurs veines à celles de leurs chevaux.

L’obstacle est encore autant une affaire de ruralité et de provinciaux que de Parisiens, voire, depuis quelques années, de Britanniques et d’Irlandais qui ont découvert dans les années 1990 l’intérêt qu’il y avait à acheter des chevaux élevés en France. D’autant que les campagnes anglaises se sont vite trouvées engluées dans les prolongements des villes en zones de résidence tentaculaires. « L’entraîneur anglais Martin Pipe a été le premier à acheter en France et ça a fonctionné », raconte le courtier Hubert Barbe assis sur les moelleuses banquettes sous les tribunes, dans une ambiance feutrée sur fond mural mordoré traversé par un escalator, dont le rythme horloger meuble un entracte entre deux courses. L’essor du marché date, lui, des années 2000. À l’époque, c’était une initiative originale pour maintenir le niveau. En Angleterre, on avait l’habitude de faire courir des chevaux expérimentés et, en faisant le pari de la précocité et de la vitesse, tout a explosé – et le marché avec. Lequel s’est progressivement structuré. « Il y a eu aussi un mouvement du plat vers l’obstacle, devenu moins onéreux en Angleterre, après l’arrivée de propriétaires hégémoniques, comme Al Maktoum, et les haies ont permis à certains propriétaires de retrouver le plaisir de s’affronter entre amis sur la piste et de recréer un lien avec l’équitation qui est une réalité là-bas, ce qui n’est pas le cas en France. » Alors qu’en France le marché se tassait, notamment parce que, le service public des Haras nationaux disparaissant, les prix des saillies augmentaient, Anglais et Irlandais ont donc relancé l’économie des chevaux d’obstacle, sans pour autant rivaliser avec les Français sur leur sol car leur calendrier est différent. Ils sont actuellement en fin de saison, les Irlandais mettant traditionnellement les chevaux au pré en été[1]. Mais aussi parce que « les Anglais ne sont pas concurrentiels ici à cause de la variété des obstacles, c’est un peu une chasse gardée. Sauf sur la Grande Course de haies. » Le Grand Steeple-Chase de Paris[2] comptera pourtant un partant irlandais, pardon, français, Djakadam (9 ans), entraîné par le distingué Willie Mullins. En tout cas, les sauteurs ont acquis une légitimité dans les courses qu’on leur a longtemps niée, sans compter que de voir s’envoler des chevaux au galop dans un jardin de 33 hectares en plein Paris est proprement époustouflant.

L’attrait pour ces bondissants français s’est largement diffusé pour plusieurs raisons : « Le programme de courses en lui-même a fait la valeur des chevaux français et les entraîneurs y sont aussi pour beaucoup. Les chevaux arrivent en Angleterre à 4-5 ans et ils tombent sur des gros chevaux qui ont duré. Seulement maintenant, ils achètent nos souches. On voit des pin hookers acheter des poulains qui viennent de naître. On est un peu dépouillés. C’est le revers du succès : ils vident les courses françaises et les bons partent. Le dilemme c’est : valoriser ou courir ? En France, on manque de propriétaires et de clients, c’est un problème. » Et même si l’achat d’un cheval d’obstacle est abordable, la crainte du dépeuplement guette.

La France ne manque en tout cas pas de bons entraîneurs et parmi eux, François Nicolle qui, lui, semble-t-il, porte le Stetson avec bonheur. Il alignera quatre partants dimanche dont Bipolaire, séduisant cheval gris à la culotte tachetée de dentelle noire, qui n’a rien d’un cyclothymique puisqu’il a patiemment accompagné son entraîneur vers les sommets. « Bipolaire est un cheval très attachant qui a dû travailler dur pour se hisser à ce niveau-là. Depuis quelque temps, il ne fait que les gros morceaux. De toute façon, le classicisme, c’est ça : il y a une dizaine de courses dans l’année à disputer et il faut être au top le jour J. » Bipolaire, 7 ans, appartenant à un ophtalmologiste de Limoges, Jacques Détré, ne risque peut-être pas, lui, de partir en Angleterre. François Nicolle ne s’en plaint pas, mais il est réaliste sur l’état du marché : « On leur prépare des chevaux clé en main. À Cheltenham[3], il y a une telle concentration de chevaux français ! C’est impressionnant. Les Anglais en sont très friands et nous, il faut bien le dire, nous sommes bien contents de leur vendre et les prix sont plus élevés là-bas. Nous, on ne peut pas rivaliser. 40 000, 60 000 euros, il faut bien reconnaître que ça arrondit les fins de mois des éleveurs au détriment de ce qui se passe en France. Cela dit, vendre des poulains, je ne sais pas si c’est bien rentable. Il vaudrait mieux attendre trois ans, avec les risques que cela comporte dans notre discipline. »

Comme si un certain mimétisme parlait pour eux, Bipolaire et son entraîneur se sont appliqués avant de goûter aux carottes sucrées d’Auteuil. Ce doit être encore meilleur pour François Nicolle qui, ces dernières années, a considérablement renforcé le détachement des entraîneurs de Royan (Charente-Maritime) qui alignera plus de la moitié des chevaux au départ, avec l’incontournable Guillaume Macaire et Arnaud Chaillé-Chaillé (dont la jument Perfect Impulse se classait 2e l’an dernier). Pourquoi cette autre concentration ? Est-ce une bonne chose ou est-ce inquiétant ? François Nicolle : « Ça peut paraître inquiétant, mais, comme en plat, il semblerait que l’obstacle ait pris le pli de tourner avec 3-4 entraîneurs. Pourquoi ? Je ne sais pas. La propension des propriétaires à aller vers les entraîneurs qui ont des résultats… Il y a aujourd’hui à Royan la quantité et la qualité. Avant, il y avait une concentration à Pau, et maintenant ça s’est déplacé à Royan. » Une concurrence souhaitable à ce niveau pour continuer à persuader éleveurs, propriétaires et public qu’un bon niveau de course en France peut toujours assurer spectacle sportif et rentrées d’argent. Reste à Bipolaire à reprendre l’avantage sur Milord Thomas (9 ans), comme il l’a déjà fait en 2017 dans le Prix La Haye-Jousselin. Entraîné par Dominique Bressou et propriété de l’Américaine Magalen Bryant, la vedette d’Auteuil est en fin de carrière et l’obstacle n’est pas tendre avec ses héros. So French (7 ans), double vainqueur, pourrait en témoigner, lui qui était tombé en octobre sur cette piste revient juste à temps pour tenter le triplé. Dans ces conditions, pour François Nicolle, il faut souhaiter à Bipolaire et son jockey, Thomas Gueguen, « un parcours sans faute et sans effort ». C’est aussi simple que cela avec 23 obstacles à franchir sur 6 000 mètres de course. Pour une fois, les Anglais feront du lèche-vitrines.

Olivier Villepreux

[1] En gros, d’octobre à mai.

[2] Deux journées de courses exceptionnelles se déroulent à Auteuil ce week-end.

[3] Cheltenham (Gloucestershire) est l’hippodrome anglais de référence pour les courses d’obstacle.

 Les partants du Grand Steeple-Chase de Paris ce dimanche :

N°- Cheval – Entraîneur – Jockey

1 – Punch Nantais – G. Macaire – K. Dubourg

2 – Milord Thomas – D. Bressou – J. Ricou

3 – So French – G. Macaire – B. Lestrade

4 – Geluroni – D. Cottin – J. Plouganou

5 – Roi Mage – F. Nicolle – S. Colas

6 – Borice – F. Nicolle – D. Gallon

7 – Bipolaire – F. Nicolle – T. Gueguen

8 – Balkan du Pécos – F. Nicolle – T. Chevillard

9 – Valtor – Éric Leray – T. Beaurain

10 – Djakadam – W.P. Mullins – D. Mullins

11 – On the Go – G. Macaire – J. Reveley

12 – Sainte Turgeon – P. Quinton – J. Duchêne

13 – Perfect Impulse – A. Chaillé-Chaillé – T. Lemagnen

14 – Edward d’Argent – G. Macaire – K. Nabet

Publié dans Non classé | Un commentaire

L’homophobie de Folau met le rugby sous tension

Israel Folau est certainement l’un des meilleurs arrières du monde, mais l’international australien dont la famille est originaire des Tonga ne passera peut-être pas à la postérité pour ses talents balle en main. En postant le 9 mai sur les réseaux sociaux les images d’un télévangéliste américain présentant l’homosexualité comme une perversion, il a réussi à déclencher une vague de protestations bien compréhensible, dans le milieu du rugby bien sûr, mais aussi au-delà. Il faut dire que Folau est un récidiviste sur ce sujet et qu’il n’a pas l’air de vouloir reconsidérer des propos homophobes qu’il « ne regrette pas » et qu’il justifie en s’abritant derrière la Bible, tout en promettant « l’enfer » aux homosexuels qui ne se repentent pas et en clamant son opposition au mariage gay. L’émoi et l’embarras suscités par ses sorties à répétition mettent la Fédération australienne et sa présidente (oui, une femme) dans une situation compliquée à plusieurs titres.

D’abord parce qu’un précédent cas d’homophobie avait été sanctionné en 2015 d’une amende de 20 000 $A. Le pilier Jacques Potgieter avait traité de « tante » un de ses adversaires et le code de conduite édicté par la Fédération australienne avait été appliqué, dans un pays où le mariage gay n’a été légalisé qu’en 2017. On comprendrait mal dès lors qu’Israel Folau s’en sorte à bon compte. Pourtant, Raelene Castle, patronne de la Fédération, tergiverse, arguant que, si les propos sont condamnables du point de vue des droits de l’homme, la liberté d’expression est également un droit. En réalité, Israel Folau, seule star actuelle d’une équipe des Wallabies qui éprouve du mal à exister en tant que sport collectif – avec la concurrence du football, le footie, et bien sûr du rugby à XIII –, doit renégocier son contrat avec la franchise des Waratahs (Nouvelle-Galles du Sud) et l’équipe nationale. En bref, on aurait bien vu Folau (29 ans) disputer la prochaine Coupe du monde en 2019 au Japon et jouer encore deux ou trois ans. Sauf qu’il va bientôt falloir se prononcer, car les réactions affluent pour condamner la rhétorique extrémiste du joueur. Pour l’heure, si les Waratahs et la Fédération réprouvent l’attitude du joueur, ils n’ont pas encore statué sur son cas.

Joueurs, arbitres et officiels n’ont pas tardé de rappeler à Folau son indécence. L’ancien Wallaby, Clyde Rathbone, a tweeté : « Il est malheureusement maintenant évident que le meilleur rugbyman australien est un fou religieux, avec des tendances à l’auto-immolation. » George Gregan, ancien capitaine de l’équipe, s’est adressé directement à l’intéressé : « Ces croyances dont tu nous parles, garde-les pour toi. » Mais c’est de Nouvelle-Zélande que les réactions les plus remarquées sont arrivées. Le demi-d’ouverture des Waikato Chiefs, Brad Weber, s’est dit « dégoûté » à l’idée de jouer contre Folau. Le All Black TJ Perenara s’est attardé sur les terribles effets que la prise de parole publique de Folau pourrait avoir sur la jeunesse : « En tant que joueurs professionnels, qu’on le veuille ou non, nous sommes des modèles pour beaucoup de jeunes enfants. Notamment pour les jeunes Maoris et Polynésiens. Il n’est pas besoin d’aller bien loin pour savoir que de nombreux jeunes Maoris et Polynésiens grossissent les statistiques des suicides chez les mineurs […]. » Après avoir condamné « à 100 % » les propos de Folau, il poursuit : « À tous ceux, mais aux jeunes Maoris et Polynésiens en particulier, qui se battent pour faire reconnaître leur identité, je voudrais dire qu’il n’y a aucun problème à vouloir être ce que l’on est. Vous êtes très bien tels que vous êtes. Ne laissez pas ces discussions vous éloigner de vous-mêmes. La Polynésie accepte depuis toujours la diversité sexuelle. »

En effet, le débat illustre également les résultats néfastes du mariage forcé entre méthodisme et cultures polynésiennes. Dans l’éducation polynésienne, aux Samoa notamment, dans certaines familles qui comptent plus de garçons que de filles et selon la sensibilité supposée des enfants, des garçons sont élevés comme des filles. Ces hommes aux manières de femmes sont considérés dans la culture samoane comme les représentants d’un troisième genre. Adultes, ils peuvent avoir des relations aussi bien avec les hommes que les femmes et certains sont devenus des personnages célèbres, en Australie comme en Nouvelle-Zélande. Aussi la position de Folau, entendue comme un ralliement radical à une stricte doctrine protestante fait… mauvais genre. D’ailleurs, l’affaire prend une tournure politico-religieuse. La Nouvelle-Zélande pourrait envisager d’interdire au joueur de poser les pieds chez elle, mais il est marié à une Néo-Zélandaise… De plus, tout Australien sur le sol néo-zélandais dispose du statut de résident. Un ancien ministre de l’Immigration a toutefois soulevé la possibilité légale d’interdire à Folau de se rendre en Nouvelle-Zélande en invoquant la « menace à l’ordre public ». Depuis les Tonga, la fille de la princesse, Frederica Tuita Filipe, s’est fendue d’un tweet pour rappeler qu’« à l’évidence, la façon dont nous interprétons la parole et l’amour de dieu est différente. Mon silence était une tentative de respecter différentes interprétations [du message divin] mais j’ai eu peur en agissant ainsi d’encourager la marginalisation d’une partie de la population, que j’aime et que je sers, comme de tous les autres Tongiens. […] J’espère que le procès qui vous est fait vous servira à trouver la force d’ouvrir votre cœur et votre esprit et de revenir à de meilleurs sentiments. »

Revenons au rugby et à l’arbitre international gallois Nigel Owens, dont le coming out remonte à 2007. Il a déclaré pour sa part à propos de cette affaire qu’il préférerait être « jugé sur sa personnalité plutôt que sur sa sexualité ». Il met également en garde le joueur sur les dégâts que peuvent provoquer ses mots. Nigel Owens avait fait une tentative de suicide à l’âge de 24 ans. Il était alors joueur de rugby.

Olivier Villepreux

(Sources : AFP, The Guardian, Stuff, The Independent et RFI).

Publié dans Non classé | 52 commentaires