L’Union européenne adopte une politique d’extrême-droite pour les réfugiés

Par Johannes Stern
2 juillet 2018

Peu de temps après la conclusion du sommet de l’Union européenne (UE) à Bruxelles vendredi, une autre tragédie a eu lieu en Méditerranée. Selon les rapports des médias, un bateau avec 120 réfugiés à bord a coulé au large des côtes libyennes. Seules quelques personnes ont été sauvées et les estimations suggèrent que plus de 100 personnes ont perdu la vie. Selon des témoins, un grand nombre de familles marocaines et yéménites étaient sur le bateau, y compris des bébés, des femmes et des enfants.

à cause du blocus et de la criminalisation des sauveteurs, plusieurs accidents dans les jours qui ont précédé le sommet ont entraîné la noyade d’environ 220 personnes. C’est une estimation prudente, selon le chef de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR. Selon les chiffres de l’ONU, plus de 16 346 personnes ont perdu la vie depuis le 1ᵉʳ janvier 2014 (jusqu’au 18 juin 2018) et, depuis 2000, le bilan est d’environ 35 000 morts.

L’UE et ses gouvernements nationaux, qui ont convenu d’une intensification spectaculaire de leur politique anti-réfugiés lors du sommet de Bruxelles, portent la responsabilité de ce meurtre de masse.

Ce qui est en projet c’est de sceller hermétiquement les frontières de la forteresse Europe et d’expulser les réfugiés en masse vers les zones de guerre au Moyen-Orient et en Afrique. « Le Conseil européen rappelle que les États membres doivent assurer un contrôle efficace des frontières extérieures de l’UE avec un soutien financier et matériel de l’UE. En outre, il note que le rapatriement des migrants en situation irrégulière doit être considérablement augmenté », ont déclaré les conclusions officielles du sommet.

Pour renforcer la répression contre les réfugiés, l’agence frontalière européenne Frontex sera « élargie grâce à une augmentation de son budget et à l’élargissement de son mandat ». De plus, l’établissement de camps de concentration de facto en Afrique du Nord et à l’intérieur de l’UE a été décidée. Dans la déclaration du sommet, ces camps ont été dénommés euphémiquement « platesformes de débarquement » et « centres contrôlés » pour « la réinstallation et les nouvelles installations ».

Les mesures nationales, y compris les contrôles aux frontières au sein de l’UE, sont explicitement autorisées. « Concernant la situation au sein de l’UE, la migration secondaire des demandeurs d’asile entre les États membres menace l’intégrité du système européen commun d’asile et du système juridique de Schengen. Les États membres devraient adopter toutes les mesures juridiques et administratives internes nécessaires contre ces mouvements migratoires et coopérer étroitement en ce sens », indique le point 11 de l’accord.

Les mesures ciblant les réfugiés démasquent l’UE comme une monstruosité réactionnaire, que les gouvernements nationaux, malgré leurs différences, utilisent pour déplacer brusquement la vie politique européenne vers la droite. D’autres sections de l’accord du sommet incluent le « renforcement de la capacité de défense européenne », la censure d’Internet, l’expansion d’un état policier européen et la poursuite des politiques d’austérité.

L’UE a tellement viré vers la droite que l’accord a été applaudi par les forces nationalistes et d’extrême droite dans toute l’Europe après le sommet de Bruxelles. Dans un communiqué de presse, le chancelier autrichien Sebastian Kurz, qui gouverne à Vienne en coalition avec le Parti de la liberté d’extrême droite et dont le gouvernement assumera la présidence de l’UE le 1ᵉʳ juillet, a déclaré qu’il « ferait pression » pour que les résultats de sommet soient mis en œuvre. Il a exprimé sa satisfaction du fait que « plus de partenaires qui soutiennent notre ligne et que beaucoup de ceux qui ont fait campagne pour une Europe des frontières ouvertes ont reconsidéré leur position. »

À Rome, le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, a déclaré qu’il était « satisfait et fier ». L’Europe avait été obligée par la main ferme de Rome de discuter des propositions de l’Italie et, finalement, de les accepter. J’attendrais maintenant des « promesses concrètes ».

Parmi les propositions fascistes de Salvini, il y avait la déportation de « tous les 600 000 » immigrants en Italie et le comptage de tous les Sinti et Roms vivant dans le pays, en préparation de leur déportation.

En Allemagne, Armin-Paul Hampel, porte-parole de la politique extérieure de l’AfD d’extrême droite, a soutenu l’accord au sommet. « Il va dans la bonne direction. C’est quelque chose que nous disons depuis longtemps, que le problème doit être traité aux frontières de l’Europe et non seulement après que les immigrants ont voyagé des milliers de kilomètres avec l’aide des gangs criminels et les trafiquants », a-t-il dit à la radio Deutschlandfunk. La « chose décisive » maintenant sera la mise en œuvre ces mesures, et « si ces centres d’accueil vont fonctionner, oui ou non. »

L’Union sociale chrétienne (CSU) s’est également déclarée satisfaite du résultat. C’était « le résultat d’un débat en Allemagne, qui aborde enfin le problème des réfugiés au niveau européen », a déclaré à Berlin le chef du groupe parlementaire de la CSU Alexander Dobrindt. Une série de points, y compris une meilleure protection des frontières extérieures, sont des revendications « que nous dans le CSU prônons fortement depuis un certain temps. » En plus, il a fait remarquer que dans le document du sommet « l’adoption de mesures nationales est expressément prévue » Ils seraient

« prêts à s’en servir » et croient que « des mesures nationales sont encore nécessaires ».

L’accord de Bruxelles a également préparé au moins une trêve temporaire dans le conflit au sein de la grande coalition entre la CDU et la CSU. Manfred Weber, chef adjoint de la CSU, a fait appel dans le Münchner Merkur pour une évaluation positive des résultats du sommet. Faisant référence à la chancelière Angela Merkel, il a dit : « Elle a assuré. »

Pour sa part, Mme Merkel a salué les résultats du sommet lors d’une conférence de presse et a souligné la nécessité de mesures nationales comme celles revendiquées par la CSU. Ils avaient

« mis au point une stratégie globale de l’immigration, qui comprend les frontières extérieures et le contrôle de ces frontières et aussi des actions externes, ce qui signifie des actions en dehors de l’UE, et se concentre sur les questions internes, ce que nous qualifions actuellement de migration secondaire », a-t-elle dit.

Déjà dans sa déclaration du gouvernement jeudi, Merkel a déclaré dans le style typique de la CSU, « Il s’agit d’ordre, de gestion, efficaces, durables. Il s’agit de notre sécurité intérieure et de la sécurité intérieure de l’UE. Des mesures tant nationales qu’européennes sont nécessaires pour cela. »

Vendredi, Merkel a annoncé la conclusion d’accords de rapatriement « européens » avec l’Espagne et la Grèce. Les deux pays sont prêts « pour commencer à accepter de nouveau les demandeurs d’asile s’ils ont été bloqués à la frontière germano-autrichienne par les autorités allemandes et ont une entrée EURODAC (système européen de tri des réfugiés) de l’État concerné », a déclaré un communiqué de presse du gouvernement. En échange, les États membres « recevraient un soutien supplémentaire sur les frontières extérieures […] financièrement ainsi que la fourniture de plus de policiers. »

Le fait que tous les partis au pouvoir en Europe, de la pseudo-gauche Syriza, au gouvernement PSOE social-démocrate espagnol, la grande coalition de l’Allemagne, et aux gouvernements ouvertement d’extrême droite en Italie, en Autriche et l’Europe de l’est, coopèrent étroitement pour intensifier la terreur contre les réfugiés souligne la justesse de la perspective du Comité international de la Quatrième Internationale. Pour riposter à ces développements politiques dangereux, qui rappellent les périodes les plus sombres de l’histoire européenne, les travailleurs et les jeunes doivent lutter contre toutes les factions de la classe capitaliste et se battre consciemment pour un programme socialiste.

(Article paru en anglais le 30 juin 2018)