Mercredi après-midi, une demi-douzaine de boneheads d’Atalante sont allés harceler les journalistes de VICE dans leurs bureaux de Montréal, en ciblant Simon Coutu en particulier.
Ils ont lancé des tracts sur le sol et des nez de clown, en faisant jouer la musique de The Price is Right. Le chef d’Atalante est le néofasciste Raf Stomper, qu’on voit avec des verres fumés dans la vidéo :
L’article de Simon Coutu qui a mis le feu aux poudres (publié le 18 mai), n’était même pas spécifiquement polémique. On n’y trouve pas de révélations gênantes pour Atalante, à part le fait qu’on y donne brièvement la parole à un antifasciste.
En vérité, le groupuscule d’extrême-droite intimide les journalistes, blogueurs et opposants.es, sans se voir incommodé par les forces de l’ordre ou la classe politique. Régis Labeaume avait dit récemment à TLMEP: « Il n’y a pas de problème de radicalisation à Québec » (6 mai).
Pendant ce temps, Atalante – l’un des nombreux groupes radicaux originaires de Québec – défile dans ses rues et organisent des commémorations de Jeanne d’Arc :
Il y a un an, ces mêmes boneheads avaient intimidé une journaliste de CBC qui dînait paisiblement dans un restaurant, et le journaliste Ian Bussières du Soleil, en allant le rejoindre dans ses locaux de travail. On peut voir à la fin de la vidéo qu’il referme la porte derrière lui et a l’air apeuré (avec raison!) :
Que feront les flics suite à l’intrusion chez VICE? Ils remarquent qu’il n’y a pas eu de casse ni de blessés, donc ça l’air correct, selon ce qu’a rapporté Radio-Canada : « Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est intervenu sur les lieux après le départ des manifestants. « Il n’y aura probablement pas de suite à ça, explique-t-il. Il n’y a pas eu de blessé ni de méfait. Rien d’illégal. »
Intimider les journalistes dans leurs bureaux s’avère donc « légal ». Quand j’avais fait un court topo sur Atalante à la radio de Radio-Canada, le groupe s’était vengé en brandissant des bannières me qualifiant de « traître » à la nation. Même si la mairesse Valérie Plante et des élus comme Amir Khadir avaient aussi été visés cette nuit-là, aucune enquête policière semble s’être rendue jusqu’à eux…
D’autres exemples
En Europe, les actes d’intimidation du genre paraissent également se multiplier. Dans les locaux de VICE Roumanie, deux nationalistes radicaux étaient entrés pour traiter les journalistes de « progressistes » (6 fév. 2018) :
Atalante s’est probablement inspiré de ces deux larrons, d’autant plus qu’on sait qu’ils puisent leur inspiration de mouvements européens tels Casapound, Génération identitaire et Bastion Social. Lors d’une visite « culturelle », on peut voir ici Raf Stomper en première ligne avec ce groupe extrémiste français :
Il y a un ou deux mois, des militants.es de Storm Alliance (également un groupe de Québec) menés par John Hex avaient introduit les bureaux de plusieurs médias en région, dont des locaux de TVA, pour les presser de diffuser un imposant document démontrant soi-disant que Justin Trudeau se révèle coupable de « haute trahison » (pour ses rapports à l’immigration).
Les vidéos de harcèlement ne sont plus en ligne, voici l’exécutif de Storm Alliance, à l’époque :
Pour revenir à Atalante, on peut aussi rappeler leurs campagnes contre les institutions d’éducation, qu’ils accusent d’être à la solde d’un « marxisme culturel ». Ces démarches ont aussi pour but d’intimider les personnes qui ne pensent pas comme eux. On peut reconnaître, sur l’affiche, Marx et Lénine en train d’étouffer un étudiant :
En conclusion, nos élus.es passifs comme Régis Labeaume devraient démontrer davantage de volonté politique de lutter contre la montée de l’extrémisme xénophobe, autant dans la rue que sur les réseaux sociaux.
Samedi le 19 mai, l’extrême-droite tenait une manifestation « Unis pour la protection des frontières » à Lacolle, pour venir protester contre les demandeurs d’asile. À l’origine, ces groupes xénophobes devaient même se rencontrer directement à Roxham Road pour aller crier au visage des familles de réfugiés. Devant la pression antiraciste, ils ont finalement déplacé le lieu de leur manif dans les derniers jours.
Storm Alliance était le groupe organisateur de départ, comme c’est souvent le cas lors des rassemblements à la frontière. Rappelons qu’il s’agit d’une formation extrémiste née d’une scission au sein des Soldiers of Odin, qui compte principalement des néonazis. D’autres groupes se sont greffés à eux, dont la milice III%, armés, vêtus d’uniformes militaires et toujours prêts à se battre.
Dans le stationnement d’un IGA où ils s’étaient donné un premier rendez-vous, des gens du III% ont d’ailleurs tabassé deux personnes dont une jeune femme, s’en vantant eux-mêmes par la suite sur leurs tribunes : « Je lui ai fait manger un peu de gravel » :
Les III% est une milice de plus en plus active dans les manifs, autant dans celles à Québec qu’à Montréal. On le voit ici se préparer à Lacolle, avec Robert Proulx (alias Proule) qui joue les leaders en pointant l’horizon du doigt :
Déroulement de la journée
Du côté antiraciste, les départs se faisaient vers 9h30 en partance de Montréal. Des ateliers et activités festives de toutes sortes avaient lieu à Roxham Road, tandis que d’autres autobus allaient à Lacolle où allait se regrouper des groupes néofascistes. On peut voir ici des militants pro-réfugiés s’installer devant l’hôtel Saint-Bernard :
Les pro-réfugiés étaient donc sur les lieux deux heures avant l’arrivée des groupes anti-immigration. Quand on a appris que l’extrême-droite avait décidé d’emprunter l’autoroute 15 pour contourner les bannières et aller tout près des camps de migrants, des antiracistes ont essayé de changer de voie pour ne pas laisser passer les racistes. C’est lors de cette manœuvre que Jaggi Singh fut arrêté.
Pendant ce temps, la Storm Alliance et ses alliés ont dû attendre un bon moment, sur le côté de la route. Une observatrice d’Horizon Québec Actuel (autre groupe néofasciste) a décrit ainsi la situation :
« On est présentement stationnés sur la bordure de l’autoroute, parce qu’on a des antifas qui nous bloquent le chemin. Donc la police s’organise pour évacuer ce blocus-là, pour qu’on puisse accéder au poste frontalier de Lacolle ».
C’est alors avec plus d’une heure de retard que l’extrême-droite se pointera finalement à sa manifestation, en défilant sur l’autoroute 15 en nous montrant des doigts d’honneur et en criant des injures, dont un « white power » :
La SQ a donc escorté leur convoi de véhicules près de la frontière, ce qui les a ironiquement placés plus près des demandeurs d’asile que les contre-manifestants. Du côté des xénophobes, plusieurs étaient armés de bâtons et boucliers comme sur ces photos :
Situés à une centaine de mètres des manifestants pro-réfugiés, les néofascistes ont quand même senti le besoin de scander des slogans du genre « Nous, le peuple, nous sommes pas racistes », comme s’ils semblaient vouloir s’en convaincre eux-mêmes… Mais ils n’ont pas pu chanter longtemps, il s’est mis à pleuvoir environ 30 minutes après leur arrivée, puis se sont résignés à partir car le climat leur était trop désagréable.
Présence de La Meute
Sur les réseaux sociaux, le porte-parole de La Meute – Sylvain « Maikan » Brouillette –avait sorti les violons en racontant qu’il annulait la présence de son groupe à Lacolle, car « Il est humain de vouloir ce qu’il y a de mieux pour sa famille » et blablabla… À la vérité, La Meute a déjà participé à des manifs à Lacolle par le passé, comme le 1er juillet 2017, lorsque le co-dirigeant Jacques Gagné donnait des entrevues aux médias :
Plus hypocrite encore, La Meute était carrément sur place hier, ils ont simplement masqué leurs couleurs. On pouvait y apercevoir le chef Maikan, flanqué du #2 Stéphane Roch, en plus de l’« Artiss Charland », un autre de leur leader :
Ils n’étaient pas les seuls, il y avait aussi d’autres gardes du corps meutons et des militants.es, telle cette femme avec casquette et t-shirt aux couleurs de La Meute :
Deux autres importants leaders de La Meute ont été identifiés, soit Robert « Katana » Quettier (celui à la moustache) et William Johnson (l’homme aux tatous) :
Bref, de nombreux grands médias sont tombés dans le panneau en rapportant faussement que La Meute était absente car elle se souciait du sort des réfugiés. En fait, en entrevue avec Horizon Québec Actuel, Maikan défend la Storm Alliance en expliquant sa propre stratégie de manipulation des médias :
« Je suis venu voir les installations. Y’a vraiment un problème, pis faut que les citoyens s’impliquent pour régler ce problème-là. On n’a pas de doute sur Storm Alliance, on sait que c’est sincère et qu’ils sont ici pour défendre leur pays, mais ça peut être mal perçu par les médias pour faire passer les gens pour des racistes ». « Ceux qui sont ici aujourd’hui c’est seulement des patriotes qui veulent défendre leur pays ».
Maikan était donc là avec sa gang pour défendre son pays contre de simples familles de réfugiés…
Enfin, notons que d’autres xénophobes ont voulu avoir l’air plus crédibles en se mettant une passoire sur la tête :
Dommage que ça n’ait pas pu les protéger de la pluie…
Après Muguette Paillé recrutée la semaine dernière – et qui s’est retirée quelques jours plus tard en raison de ses propos islamophobes – une autre recrue du Parti québécois est reconnue pour ses postures anti-islam.
Jean-François Lisée l’a accueillie à bras ouverts :
En 2013, Mme Blanc s’était surtout fait remarquer, dans le contexte de la Charte des valeurs, par ses opinions intransigeantes vis-à-vis l’islam, pour ne pas dire ses préjugés grossiers…
Dans la foulée du dossier « Mme Paillé », on m’a signalé que, au fond, Michelle Blanc est bien plus vénérée dans les cercles islamophobes, ayant été une membre-fondatrice des « Janettes » et ayant plaidé en pleine « Commission des institutions » pour une Charte des valeurs qui « ne va pas assez loin ».
Pour donner un exemple de cette admiration, on peut voir ici le site d’extrême-droite « Poste de veille » qui avait applaudi sa performance en commission :
Michelle se présente aujourd’hui dans le comté de Mercier, où elle souhaite déloger Québec solidaire. Déjà elle s’est mis les pieds dans le plat en traitant GND de « Grabuge Nadeau-Dubois » :
Dans la première partie de ce billet, nous verrons que Michelle Blanc cultivait des préjugés anti-islam évidents en 2013. Dans la seconde partie, il deviendra manifeste qu’elle n’a pas changé d’idées depuis.
À mon avis, nos élus.es ne devraient pas avoir de préjugés aussi discriminatoires. Nos représentants.es ne devraient être ni homophobes, ni islamophobes, ni sexistes ou transphobes. Comment les musulmans en général, et les femmes portant le hidjab en particulier, se sentiront-ils face une élue qui les méprise?
Militante anti-islam à l’époque de la Charte
C’est donc à l’automne 2013 que Michelle Blanc est devenue une star en co-signant la lettre fondatrice des fameuses « Janettes ». Pour Janette Bertrand, il y avait une menace intégriste au Québec, et il fallait rapidement faire passer la « Charte des valeurs » pour défendre l’égalité homme-femme.
On le voit aujourd’hui, cette entreprise était fondée sur des peurs irrationnelles. À tel point que la menace vient davantage de l’extrême-droite identitaire qu’autre chose. Toujours est-il que Mme Blanc était fière de compter parmi les Janettes les plus en vue, aux côtés de Djemila Benhabib et Denise Filiatrault :
C’est probablement son blogue qui l’avait aidé à se propulser sur le devant de la scène. Elle y défendait notamment que la simple vue du « voile islamique » évoquait des pendaisons, lapidations et violences en tout genre. Elle a aussi écrit un billet pour soutenir que ces hidjabs ont la faculté de convertir les petits enfants en garderie :
En janvier 2014, elle déposera un mémoire en Commission des institutions, qui s’avère un collage de ses différents textes de blogue sur le sujet. Le mémoire insiste sur le fait que la Charte devrait aller encore plus loin, être plus restrictive. Je propose d’analyser quatre extraits de son témoignage, illustrant ses peurs infondées.
Tout d’abord, elle associe le « voile » à n’importe quelle image mentale qui lui traverse l’esprit, c’est-à-dire les pires atrocités qu’on puisse imaginer : « des gais qui se font pendre haut et court » et ajoute gratuitement que « c’est un show familial », « on invite les enfants à voir ça »… C’est quoi le rapport avec le hidjab? En plus elle se montre incapable de nommer les pays dont il est question… la musulmanie?
Deuxième extrait. Les voiles seraient contagieux : « Y’en a qui seraient prêts à laisser leurs enfants avec des femmes voilées ». L’enfant va se demander « pourquoi quand mon papa vient me chercher tu le donne pas la main ». Puis à la maison, l’enfant va déclarer : « Maman, moi aussi je veux porter le voile! ».
Est-ce déjà arrivé une seule fois dans l’histoire des CPE du Québec? Dans le passage correspondant de son mémoire, elle laisse même entendre que ces musulmanes font exprès de cibler les CPE pour convertir les enfants : « Ça prend tout de même une formation pour travailler en CPE? Pourquoi semble-t-il qu’elles choisissent en masse d’aller y travailler? ».
Troisième extrait. « Quand je vois le voile, je vois des gays qui sont assassinés, qui sont battus », etc. Bref, elle commet encore l’erreur de transposer les pires horreurs du monde à des femmes d’ici qui n’ont absolument aucun rapport avec cet intégrisme abject. Faire de pareils liens, c’est ce qu’on appelle du racisme, de l’islamophobie :
Dernier extrait. Encore là Mme Blanc mélange plein d’affaires, en généralisant à partir d’un cas particulier rapporté par Lise Payette (personnalité qui a d’ailleurs perdu beaucoup de crédibilité ces dernières années…). On dit qu’une infirmière voilée n’a pas voulu nettoyer Lise Payette : est-ce vrai? Quel est le rapport avec l’égalité homme-femme, Mme Payette est une femme? Puis Mme Blanc dérape dans toutes les directions en parlant des « nouveaux immigrants ».
Au final, son témoignage était à peine plus relevé que celui de la « famille Pineault-Caron ». Michelle Blanc a certes de très grandes qualités, mais sur la question de l’islam, elle dérape totalement. Et c’est cela qui l’a hélas rendu célèbre auprès du Parti québécois…
Toujours anti-islam
Depuis cette époque, elle a toujours conservé la même rancœur au sujet de l’islam, comme en font foi ses prises de position sur les réseaux sociaux.
Alors qu’elle se magasinait un parti il y a une semaine, elle a notamment appuyé une amie lui disait de ne pas opter pour une formation qui souhaite « islamiser » le Québec. C’est quoi ce délire?
Une personne rétorque que le commentaire est « raciste », Mme Blanc persiste et signe, elle répond qu’on se fait vraiment « islamiser » :
Là on parle d’un commentaire islamophobe émis la semaine dernière. Sur la page Facebook de Linda Brosseau, elle partage des vidéos des leaders de la Storm Alliance (Dave Treggett, John Hex). Elle était sérieusement en train d’alléguer qu’on serait envahi par l’islam…
Dans un statut du 13 avril, Michelle Blanc démarre une discussion inopinée sur le « voile » qu’elle déclare « ne pas être religieux » :
Tout comme en 2013, elle appuie des commentaires soutenant que le « voile » est « un symbole d’oppression », un « exhibitionnisme politico-religieux », un « drapeau de l’islam conquérant » :
Sous un autre statut, elle nous explique doctement la doctrine complotiste selon laquelle les « voiles » se trouvent financés et promus au Québec, par l’Arabie saoudite (???) :
On remarque aisément que si elle prétend critiquer toutes les religions, c’est, comme par magie, toujours l’islam qui est visé en premier lieu, et sans cesse représenté comme une religion barbare :
Par la suite on défend que la Bible n’est même pas critiquable car elle ne parle pas de religion (?!?) :
Enfin, en plus d’associer l’islam au comble de la barbarie et de la violence, Mme Blanc se convainc qu’une islamisation est en marche, que l’heure approche où nous perdrons notre liberté…
Elle note en ce sens qu’une publicité Facebook lui propose d’acheter des vêtements islamiques. Une dame réellement terrifiée craint que « par la mode, nos couturiers vont influencer les femmes et les convertir à l’islam! Le pire, ça risque de marcher! ». Au lieu de se moquer du commentaire, Mme Blanc l’appuie! Faut dire que c’est aussi étrange que de soutenir que les gardiennes en CPE souhaitent convertir les tout-petits :
Dans cet autre délire, exprimé il y a deux semaines à peine, un homme nous prévient que « très bientôt l’islam va prendre le dessus ». Ah oui? « Vos prochaines générations vont toutes porter le voile », « vous devrez être soumises à l’Homme ». C’est terrifiant…
Conclusion
Michelle Blanc s’est fait connaître en 2013, dans les cercles nationalistes identitaires, grâce à ses prises de position islamophobes. Maintenant que la psychose entourant la Charte des valeurs est passée, Mme Blanc n’a toujours pas changé d’avis. Ses billets d’autrefois sont d’ailleurs toujours en ligne, elle ne les a pas reniés.
Peu importe le parti, je ne comprends pas l’entêtement à recruter des gens ayant des antécédents islamophobes sur la place publique. Nos élus.es doivent représenter tous les citoyens.es de manière égale et équitable. Comment les musulmans.es pourraient se sentir bien représentés par Mme Blanc?
Dans les derniers jours, la candidate péquiste Muguette Paillé avait désactivé son compte Facebook afin de masquer certains de ses propos controversés. Son compte est de retour, ce qui nous permettra d’approfondir le portrait que nous avions entamé.
Tout d’abord, rappelons qu’elle a été recrutée « personnellement » par le chef péquiste Jean-François Lisée, qui voit en elle l’incarnation de la sagesse populaire :
Mme Paillé se présente dans Maskinongé, une circonscription « prenable » par le Parti québécois. Il vaut donc la peine de mettre à jour ses idées sur la société québécoise :
Dans notre première partie, nous disions que Mme Paillé faisait partie de plusieurs groupes FB d’extrême-droite, dont le Mouvement républicain du Québec et Naqareq (« Non à la Québécophobie et au racisme envers les Québécois »).
À notre grande surprise, non seulement elle y est présente, mais elle y participe activement, cumulant les interactions par centaines! On dirait que Mme Paillé y passe presque ses journées entières, discutant comme si de rien n’était avec des extrémistes en tout genre.
Sur Naqareq par exemple, groupe raciste fermé dans lequel nous avons une « taupe », elle commente des « fake news » par des remarques parfois fort violentes. Ici, par exemple, elle souhaite à une sénatrice démocrate de se faire v*oler par des musulmans :
Pour ce billet, je passerai en revue quelques commentaires qu’elle a fait sur la page du Mouvement républicain du Québec (MRQ) dont l’animateur est un ex-membre de La Meute, Guy Boulianne (alias le « Prince fou »).
Mme Paillé, militante hyperactive
Pour commencer, notons que Muguette Paillé a adhéré à cette tribune radicale en toute connaissance de cause, le 30 janvier :
Elle multipliera les commentaires par dizaines au cours des semaines suivantes, afin de convaincre les ultranationalistes et les xénophobes de joindre le Parti québécois.
Dans sa vision typique de la période post « Charte des valeurs », le Canada serait synonyme d’islam, et Trudeau s’avère être une sorte de grand manitou orchestrant l’entrisme de l’islamisme au Canada et au Québec :
Donc Justin Trudeau, ce « clown au service de l’islam », aurait comme valet Philippe Couillard, qu’elle nomme souvent le « cheikh » :
Tant qu’à suivre cette logique complotiste, elle estime même que Valérie Plante, mairesse de Montréal, est aussi une « musulmane » :
Donc aussi bien dire que tout le Canada est selon Mme Paillé un immense califat, de Trudeau à Valérie Plante, en passant par le « cheikh Couillard » (elle le surnomme constamment « cheikh »). Pour disqualifier tous les partis politiques différents du PQ, elle n’a qu’à les diaboliser en les associant à l’islam. Ici, tout le monde y passe, PLQ, CAQ, QS, même Option nationale, tous des vendus à l’islam :
Mme Paillé participe-t-elle à ces discussions par opportunisme rien que pour amener des gens vers le PQ? Tout porte à croire qu’elle croit sincèrement que l’islam est une créature du « démon » et que le « mondialisme » l’aide à étendre ses tentacules. Plusieurs de ses « likes » vont en ce sens, comme celui-ci qui affirme que l’islam est une « idéologie démoniaque totalitaire » :
Elle assimile Trudeau aux musulmans qui seraient des « animaux » et le « diable » s’emparera de son corps :
Des commentaires encore plus trash
(Trigger warning à propos de cette dernière partie)
Comment penser que cette éventuelle élue pourrait représenter l’ensemble de la population québécoise avec tous les préjugés qu’elle cultive envers les immigrants.es et les non-chrétiens?
Elle adhère aisément à des théories conspirationnistes de toutes sortes. Comme elle l’avait fait dans son précédent billet, elle appuie une autre fois un individu soutenant que les « sionistes » instrumentalisent l’islamisme afin de conquérir la planète :
Elle « like » souvent des remarques à propos d’un soi-disant « Nouvel Ordre Mondial », surtout quand c’est en lien avec la supposée idéologie totalitaire/meurtrière du Coran :
Et des trucs tout aussi insensés, par exemple le fait que le militant Jaggi Singh serait le fils du chef du NPD fédéral, Jagmeet Singh :
Comment peut-elle donner du crédit à pareilles élucubrations? On se croirait en plein délire antisémite des années 30′. Quand il est question de l’islam, elle devient toujours plus agressive. À l’occasion d’un statut au sujet d’un agresseur sexuel dans une école coranique, elle se persuade que Trudeau va lui donner une prime :
Puis elle soutient la proposition selon laquelle le père de Trudeau avait retiré la peine de mort pour « protéger ses amis pédophiles » et qu’il faudrait la réinstaurer pour condamner son fils, « trou du cul » :
Le ton dégénère davantage sous un post à propos des « mutilations génitales ». Mme Paillé est convaincue que tous les musulmans font ça, en retour, il faudrait tous les « castrer avec une lame de rasoir », les empêchant, du coup, de v*oler des jeunes filles :
Le commentaire suivant démontre, encore une fois, qu’elle participe à fond à ce délire islamophobe :
Elle souhaite également que la femme de Justin Trudeau et ses enfants se fassent mutiler eux aussi, puisqu’ils sont complices :
Conclusion
Je n’ai présenté que la pointe de l’iceberg. Ses interactions sur les groupes xénophobes se comptent par centaines. Une constante est son obsession pour l’islam, qu’elle considère être le mal incarné. S’il faut faire l’indépendance c’est pour sortir de cette trame mondialiste diabolique qui chercherait à nous islamiser.
Plus largement, elle craint aussi l’essor d’autres communautés qui seraient tels des destructeurs d’identité nationale :
Pour se prémunir contre l’islam, elle voudrait qu’on fasse comme les Japonais, qui auraient soi-disant serré la vis aux musulmans et à la construction de mosquées :
Au lieu de rechercher un vrai projet émancipateur pour les Québécoises et Québécois, on nage plutôt en plein délire islamophobe. Comment le Parti québécois peut-il cautionner pareille approche?
Cette semaine, Jean-François Lisée annonçait en grande pompe la candidature péquiste dans Maskinongé (en Mauricie) : ce sera Muguette Paillé, plus connue sous le diminutif de « Mme Paillé ».
Elle était devenue célèbre au débat des chefs fédéral, en 2011, alors qu’elle avait posé une question sur la création d’emplois pour les personnes âgées de 50 ans et plus. Les quatre chefs avaient ensuite répété son nom, « Madame Paillé », à plusieurs dizaines de reprises durant les échanges.
C’est Jean-François Lisée qui l’a approchée personnellement et il a insisté pour qu’elle se porte candidate, même si elle n’a « aucune expérience en politique », selon ses propres mots. Voici le Tweet que lança Lisée pour mousser sa candidature :
Si Mme Paillé est totalement dévouée à la promotion du Parti québécois, elle semble aussi avoir plongé à fond dans la lutte identitaire anti-islam. Sur son mur Facebook, nous pouvions noter des partages en provenance de groupes xénophobes. Après avoir dénoncé quelques-unes de ses prises de position islamophobes, Mme Paillé a répliqué prestement en désactivant son compte personnel, et en ouvrant une nouvelle « page » publique pour sa campagne.
Je vais donc partager les captures d’écran publiques que j’ai pu conserver avant qu’elle n’en efface les traces. Les électeurs-trices sont en droit de connaître ses idées.
Le statut de Jean-Yves Vachon
Mme Paillé n’échappe pas à l’islamophobie ambiante. Elle a partagé du contenu islamophobe sur sa page Facebook, en plus d’être membre de groupes FB d’extrême-droite comme le « Mouvement républicain du Québec » et « Naqareq » (« Non à la Québécophobie et au racisme envers les Québécois »).
Récemment, le 9 mars, elle a partagé le statut d’une figure de proue de l’extrême-droite identitaire, Jean-Yves Vachon, qui affirme que l’islam est notre plus grand danger pour « l’avenir » :
Plus loin, ce statut racontait que la Charte servait de rempart contre l’islam, « religion violente », et que le Coran est un « texte de conquête », une religion « pas comme les autres » qui sort « tout droit du Moyen-Âge ». Puis, enfin, qu’Al-Qaïda serait bien implanté à Montréal :
La candidate péquiste paraissait donc amie FB avec J-Y Vachon, puisqu’elle a partagé son texte. Cet homme est reconnu comme militant d’extrême-droite identitaire et conspirationniste. Par exemple ici, il repartage une nouvelle absurde selon laquelle Hillary Clinton serait liée à l’Église de Satan :
Jean-Yves Vachon est proche du « Mouvement républicain du Québec » (MRQ) de Guy Boulianne (alias le « Prince fou ») qui est souvent à l’origine des pires nouvelles délirantes et conspirationnistes sur les réseaux sociaux. En allant consulter la liste de membres du MRQ, on pouvait y trouver Mme Paillé :
Que fait-elle là, est-ce un simple hasard? D’autres éléments confirmeront ses biais anti-islam.
Membre de Naqareq
Le 14 mars 2018, elle s’indignait du fait que le méchant François Legault tolérerait une candidate portant le hidjab. Mme Paillé partagea un article en provenance du média férocement xénophobe « Le Peuple — Les vrais enjeux »…
Legault se révèle être une cible de choix. Lorsqu’un commentaire lui reproche d’être de plus en plus « pro-islam », Mme Paillé appuie ce commentaire islamophobe :
Dans la même veine, s’il y a une page au Québec où se rejoignent les islamophobes purs et durs, c’est bien « Naqareq ». On peut y apercevoir Mme Paillé, membre en bonne et due forme :
Pour donner une idée du genre de philosophie qu’on y défend :
Ce n’est pas tout, elle est membre de nombreux autres groupes ultranationalistes tels « Francophonie-Québec » et « Ensemble nous vaincrons » :
Ce dernier groupe partage ad nauseam du contenu d’extrême-droite provenant de Storm Alliance, du Front Patriotique du Québec, ou encore de La Meute :
Mais se trouve-t-elle abonnée à tous ces groupes par hasard?
« Un gouvernement totalitaire juif »
La candidate mauricienne fréquentait également de drôles de gens sur son mur, tel un certain Attilio Barcados, qui soutient des propos à la fois antisémites et islamophobes. Mais le pire c’est qu’elle est d’accord, puisqu’elle les « like »…
Dans ce premier commentaire, M. Barcados commence par dire que « les Juifs nous considèrent comme leur bétail » :
La suite dérape davantage. Il affirme que les Juifs instrumentalisent l’islam en Europe pour faire disparaître la « Chrétienté » et établir un gouvernement totalitaire juif mondial! :
En d’autres termes, nous atteignons les bas-fonds des pires théories conspirationnistes, on appelle à la résistance au judaïsme et à l’islam.
Conclusion
En général, malgré ses préjugés effarants, on se doute bien que Mme Paillé n’appartient pas à la droite radicale. Mais qu’est-ce qui l’a menée là? Ardente partisane du Parti québécois depuis l’époque Marois – elle avait même songé à se présenter en 2012 – elle semble concevoir le PQ comme le meilleur véhicule d’une laïcité nous préservant du méchant « islam » et des méchants « voiles ».
Un politicien « tacticien » comme Lisée multiplie les chants de sirène à l’intention des xénophobes, pour avoir leur vote – on est loin de l’époque fièrement progressiste de René Lévesque. Mais en voulant aller chercher ces votes, n’encourage-t-on pas également la haine de son prochain?
Dans ce statut du 12 mars, c’est une sortie de Lisée qui semble exciter la ferveur anti-immigration de Mme Paillé:
Ricardo Duchesne est un professeur de sociologie de l’histoire à l’Université du Nouveau-Brunswick et éminent défenseur de la suprématie blanche. D’après lui, l’immigration et le « multiculturalisme » seraient la cause d’un vaste ethnocide anti-blanc.
Ironiquement, il est lui-même issu de l’immigration, étant d’origine portoricaine. Il serait arrivé au Canada à 15 ans, et fera ses études universitaires de premiers cycles à Montréal : il a tout d’abord étudié l’Histoire à McGill, pour ensuite faire une maîtrise à Concordia, sous la direction de George Rudé.
Duchesne ira par la suite à l’Université de York, à Toronto, pour compléter un doctorat dans le prestigieux programme de « Social & Political Thought » (1994). L’année suivante, il se trouve un poste d’assistant à l’Université du Nouveau-Brunswick (Saint-Jean), où il vit toujours.
Le Pr Duchesne a gardé des liens amicaux avec certains Québécois, notamment la Fédération des Québécois de Souche (FQS), qui lui a accordé une entrevue en avril 2014. Des membres du Council of European Canadians aurait « d’ailleurs organisé une conférence privée de Ricardo Duchesne à Montréal en juin 2017, dans un dans un lieu gardé secret ».
Auteur de livres classiques (pour l’extrême-droite)
Son premier ouvrage qui lui donnera une certaine notoriété s’intitule The Uniqueness of Western Civilization (2011). Selon la description Wikipédia : « il y critique, depuis une perspective raciste et fascisante, les effets destructeurs du multiculturalisme sur la Culture occidentale ».
Dans la pensée de M. Duchesne, l’Occident, principalement les mâles occidentaux, seraient à la source d’à peu près tout ce qu’il y a de génial sur Terre. C’est pourquoi il multiplie les articles soulignant que tous les grands philosophes de l’Histoire étaient des hommes et dans les beaux-arts aussi :
En grand intellectuel qu’il est, il ne lui viendrait pas à l’esprit que les structures patriarcales des sociétés occidentales ne permettaient aux femmes la liberté publique de pouvoir s’éduquer et s’exprimer tant en philosophie que dans les beaux-arts…
Avec les années, Ricardo Duchesne se radicalise toujours davantage, ayant rejoint les idéologues de l’Alt-right. Son dernier ouvrage majeur est Canada In Decay: Mass Immigration, Diversity, and the Ethnocide of Euro-Canadians (2017). Comme le titre l’indique, il réfère explicitement à la problématique xénophobe d’un soi-disant « ethnocide » des « Euro-canadiens ».
Par « Euro-canadiens », il entend bien sûr les gens de « race blanche ». Pour celles et ceux qui en douteraient, il n’hésite pas à parler d’ethnocide anti-blancs sur son blogue :
Les articles de blogue du professeur raciste sont traduits en français par la gracieuseté d’un certain Alex, proche de la Fédération des Québécois de Souche. L’impact de ses messages peut se faire ressentir jusqu’au Québec, comme en fait foi par exemple ce sous-commentaire dans le Journal de Montréal :
La création d’un blogue extrémiste
En 2014, il fonde un blogue influent du nom de « Council of European Canadians », dont le diminutif est Eurocanadian.ca. Il est ainsi le créateur, le principal contributeur et un modérateur de ce site web dédié à la promotion et la défense des droits « ethniques » des « Eurocanadiens ».
En d’autres termes, c’est une sorte d’équivalent canadien de la Fédération des Québécois de Souche (FQS). La FQS participe d’ailleurs allégrement à cette tribune. Rémi Tremblay, porte-parole officiel de la FQS, n’hésite pas lui-même à y soutenir la « race blanche ». En voici deux exemples :
Ricardo Duchesne s’en donne donc à cœur joie, sur cette tribune retransmise aussi sur Facebook et Twitter. Ici, il défend notamment que les politiques d’« identité blanche » seraient enchâssées dans la constitution du Canada :
Ou bien il est convaincu que le modèle multiculturaliste encourage l’« ethnocide des peuples européens » :
En plus de défendre ces idées ahurissantes, la plateforme promeut l’essor d’un groupe identitaire organisé « ID Canada », qu’elle vante comme étant le principal mouvement identitaire au pays :
En somme, le blogue de Ricardo Duchesne, « Council of European Canadians », n’est pas seulement une tribune de propagande, mais également une passerelle vers des groupes d’extrême-droite.
Controverses
Bien que ses idées racistes soient connues depuis au moins 2011, ça a pris un bras de fer avec un élu de Vancouver, Kerry Jang, pour que les médias portent les projecteurs sur cet idéologue réactionnaire.
En janvier 2015, M. Jang avait porté plainte à l’Université du Nouveau-Brunswick pour ses propos à caractère haineux. Duchesne s’offusquait de ce que les communautés chinoises de Vancouver fassent valoir leurs droits. Comme l’avait rapporté Radio-Canada :
Duchesne avait « établi des comparaisons entre le fait qu’à Hong Kong et au Japon, les mégapoles sont sales et des choses comme ça pour dire que tous les Asiatiques sont sales », affirme le conseiller Kerry Jang. « Le professeur Duchesne plaide qu’il invite les étudiants à repenser les valeurs du multiculturalisme. Il soutient que les blancs se font dominer dans leurs propres pays ».
« La Suède n’avait pratiquement pas de cas de viol. Soudainement, ils ouvrent leurs frontières et ont un des plus hauts taux de viol au monde. En Norvège, il se passe la même chose », affirme Ricardo Duchesne.
Quelques mois plus tard, ce sont 10 de ses propres collègues sociologues qui sont sortis dans les médias pour dénoncer le fait que M. Duchesne encourageait la formation d’associations étudiantes suprémacistes blanches :
« La lettre a été publiée lundi à la suite de la publication d’une entrevue avec le professeur Ricardo Duchesne par des étudiants suprémacistes blancs de l’Université Ryerson à Toronto » (Radio-Canada, 24 septembre 2015).
Le docteur Duchesne avait effectivement accordé une entrevue vidéo à des étudiants souhaitant former une association qui devint « Students for Western Civilisation ». Ce groupe d’activistes est ensuite allé poser des posters revendiquant leur blanchitude « White Students »!
M. Duchesne ne les désavoue pas. Il réplique simplement qu’il aurait préféré le terme « Euro-canadien » à « blancs ». C’est bien sûr de la poudre aux yeux considérant le fait qu’il parle constamment d’« ethnocide blanc » sur ses divers forums. Voir, entre mille, ce billet traduit en français :
Notons qu’il a aisément traversé ces épisodes tumultueux de 2015, car son syndicat l’a défendu bec et ongles en invoquant le « principe de la liberté académique » (principe fort légitime, mais le syndicat sait-il à quel point son combat raciste est permanent?).
Duchesne cumule aussi de nombreuses entrevues par Skype, notamment en visant des publics jeunes ouverts à l’Alt-right, p.ex. ici chez Alex Van Hamme, Henrik Palmgren, puis Stefan Molyneux:
Conclusion
Ricardo Duchesne est un penseur et un militant d’extrême-droite.
Ses articles, livres et conférences font constamment référence à la race blanche (et au pouvoir des mâles), supposément menacée par le multiculturalisme. Pour esquiver l’étiquette de « raciste », il utilisera le terme « Euro-canadien » qui n’est pour lui qu’un synonyme de race blanche.
Actuellement, il est plus actif que jamais. Récemment, il a par exemple joué les victimes en voulant faire une conférence à l’Université de Waterloo avec Faith Goldy, une commentatrice polémique (anciennement à Rebel Media) reconnue pour ses positions d’extrême-droite. Il a annulé sa conférence car l’université leur exigeait 28 000$ en frais de sécurité. À la manière de Richard Spencer qui fait des conférences sur les campus américains, il va pousser les limites de la liberté d’expression académique à son maximum…
La semaine dernière, l’un des néonazis les plus influents d’Amérique du Nord fut démasqué : le fameux Zeiger, #2 de Daily Stormer, est un Montréalais du nom de Gabriel Sohier Chaput.
Le site « Daily Stormer » (80 000 visiteurs distincts/mois), existe depuis 2013 et est un important fer de lance du mouvement Alt-right. On parle ici de la frange la plus raciste du mouvement, défendant la création d’un État-ethnique fondé sur le suprémacisme blanc. En plus de ses activités de propagande en ligne, Sohier Chaput aurait mis sur pied un groupe d’une quinzaine de militants à Montréal, qui se rencontraient de temps à autre.
Alors que « Zeiger » est actuellement en fuite, un autre Québécois est en train de vivre ses heures de gloire, en tant qu’influent Youtubeur.
Jean-François Gariépy est un idéologue de l’Alt-right partageant les mêmes idées suprémacistes que Zeiger. Il se révèle d’ailleurs apprécié au Daily Stormer. Mais contrairement à son homologue québécois, il ne cache même pas son identité tant il est fier de ses valeurs. Ancien chercheur post-doctoral à la prestigieuse Université de Duke, Gariépy est convaincu de sa supériorité intellectuelle.
De Sainte-Sophie à Duke
Gariépy est originaire de Sainte-Sophie, dans les Laurentides. Selon sa courte biographie, il se découvre tôt une passion pour la biologie, en observant la reproduction de ses poissons dans un bocal. Il gravit rapidement les échelons académiques et complétera son doctorat à la Faculté de médecine l’Université de Montréal, en Sciences neurologiques.
Il réalise ainsi ses trois cycles universitaires à l’Université de Montréal, 2003 à 2012, incluant un petit stage doctoral à l’Université de l’Illinois (Chicago, 2009). À compter de 2011, il se trouvera un poste de chercheur à l’Institut des sciences du cerveau à Duke. Il vivra des années d’intenses recherches en participant à des dizaines de projets et publications scientifiques, tout en publiant au Huffington Post et en démarrant une chaîne Youtube, Neuro.tv, consacrée à ses intérêts académiques.
Il développe alors ses talents d’animateur de vlog, et s’intéresse de plus en plus aux questions politiques. Jusqu’en 2014, il se situera plutôt dans le champ gauche, au point de même appuyer une campagne de financement pour le lancement du média Ricochet…
En 2015, il claque tout pour se vouer entièrement à son militantisme politique. Il rédigera d’ailleurs une « lettre de démission » du monde académique, qu’il estime vicié. Ironiquement, 8 ans plus tôt, c’est dans la même Université de Duke que Richard Spencer, chef de file néonazi de l’Alt-right, avait abandonné son doctorat pour se livrer à ses activités racistes.
Scandales sexuels et Warski Live
Il se radicalise en 2015-2016, s’empêtrant au même moment dans des scandales sexuels. Ses web-biographies en font état, d’autant plus qu’il en parlera par la suite dans ses émissions.
Il y aura par exemple ce sombre épisode où il a tenté de fiancer une jeune femme de 18 ans autiste et ayant un problème de déficience intellectuelle prononcé. Durant le procès qui eut lieu au Texas, le psychiatre « Dr. Mark Thompson a établi que la jeune femme avait la maturité mentale et sociale d’un enfant de 10 ou 11 ans ».
Gariépy se révélera d’ailleurs être un fan de Roosh V, le fameux blogueur détesté pour ses apologies du viol. Le 6 février 2018, Gariépy avait invité le masculiniste à l’émission qu’il co-animera avec Andy Warski :
Pire encore, Gariépy admettra en ondes être poursuivi par 7 femmes l’accusant d’agressions sexuelles. Il s’en plaindra avec un humour douteux : « Je dois faire face à plus de fausses accusations cette année que Trump dans sa vie entière! ».
Heureusement pour lui, Andy Warski l’accueillera donc à son émission, Warski Live, qui attirera de 40 000 à 60 000 auditeurs. Ce Warski est un Canadien originaire de la région de Toronto. Adepte de l’Alt-right, il raffole lui aussi de l’antiféminisme, des blagues racistes et des positions anti-LGBTQ+. C’est cette émission qui fera de Gariépy une star anglophone de la droite alternative, même si son accent québécois demeure fortement marqué.
Trop radical pour Warski
De l’avis de Gariépy, c’est grâce à lui si l’émission Warski Live était passée de 2 000 à 60 000 auditeurs, car il apportait de bons arguments par le biais de son intellect supérieur. Il se présente d’ailleurs comme « biologiste des races », puisqu’il a une formation en biologie. Il souhaite donc répandre la bonne nouvelle d’une séparation des races en des États distincts, ce que Warski l’empêchait de faire trop manifestement.
Une rupture surviendra entre Warski et Gariépy le 25 avril dernier, suite à une entrevue avec Christopher Cantwell, que le Québécois semble admirer sans borne. Cantwell est célèbre pour avoir été une figure de proue de la grande manifestation suprémaciste de Charlottesville, « Unite the Right », en août 2017.
Il faut dire que dès que la police lui avait mis la main au collet il s’est mis à pleurer en disant qu’il était terrifié:
Lors de l’émission controversée à Warsky Live, Cantwell soutenait par exemple que « si les Noirs causent problème, c’est à cause des Juifs qui nous convainquent de vivre dans un État multiculturel ». D’après Gariépy, il s’agirait d’un raisonnement tout à fait juste, il reproche à Warsky d’avoir diffamé son idole en le traitant de raciste.
Il faut dire que ces performances « live » s’avèrent très lucratives, on peut compter plusieurs centaines$ en dons, par heure. Andy Warski aurait refusé au moins 3-4 invités proposés par Gariépy au cours des derniers mois, afin de ne pas voir son émission trop déraper vers l’extrême-droite. Le Québécois s’en plaint amèrement : « Warski a décidé de s’en aller avec l’Alt-right, mais quand on fait ça, faut s’attendre à être rejeté par la gauche! ».
Nouvelle émission décomplexée : « The Public Space »
Depuis le 25 avril, Jean-François Gariépy anime désormais seul un show radicalement décomplexé, invitant les pires ténors du suprémacisme blanc, tels Richard Spencer, Nick Fuentes, l’antisémite Luke Ford, la pro-génocidaire Emily Youcis – elle plaide pour la disparition des « Africains » – et Mike Enoch.
Richard Spencer se passe de présentation, il est possiblement le néonazi le plus connu en Amérique, étant lui aussi un leader de l’Alt-right et de Charlottesville :
Quant à Mike Enoch, il s’agit du fondateur des blogues néonazis et podcasts The Right Stuff et Daily Shoah. Gariépy avait déjà participé à ce vlog le 18 avril et il a rendu la pareille à M. Enoch le 1er mai et 3 mai.
Cette nouvelle émission, The Public Space, au contenu ultra-violent et radicalement raciste attire de 30 000 à 50 000 visionnements. Même si Gariépy vient tout juste de quitter Warsky Live, le succès fut instantané.
En conclusion, Gariépy s’est radicalisé à l’excès, il est vraiment tombé aux bas-fonds du néonazisme décomplexé. Son émission n’est-elle pas une sorte de Daily Stormer sous forme d’entrevues, à visière levée?
Cette semaine, le chef du parti québécois Jean-François Lisée a suscité la controverse en évoquant la construction d’une clôture à Saint-Bernard-de-Lacolle : « on a plusieurs très bons constructeurs de clôtures au Québec, on a l’embarras du choix ».
Nombre d’observatrices et observateurs ont déploré cette « gaffe » de Lisée, car le plan du PQ semblait crédible jusque-là, en exigeant une alternative à l’Entente des tiers pays sûrs. Pour des analystes comme Hugo Lavallée, de Radio-Canada, Lisée aurait plutôt calculé son affaire :
« Le modus operandi est chaque fois le même : le chef péquiste lance dans l’espace public une idée controversée, qu’il tempère ensuite, tout en faisant valoir que lui seul ose braver les interdits de l’orthodoxie politique. (…) Coïncidence ou non, c’est plus souvent qu’autrement sur le thème identitaire que M. Lisée commet ce genre d’« erreur » ».
L’ex-journaliste Vincent Marissal, maintenant à QS, va plus loin en l’accusant d’attiser l’intolérance des Québécois.es : « Le synopsis est très simple: prendre un sujet chaud (immigration, signes religieux, sécurité nationale), lancer une phrase-choc pour attirer l’attention et faire peur au monde, puis reculer en se traînant les pieds pour laisser de belles grosses traces sur sa peinture ».
Quand Lisée fait de telles sorties démagogiques, croit-il ce qu’il raconte ou n’est-ce que calculs politiques?
Le chercheur Siegfried L. Mathelet pourrait nous inspirer une autre voie. Selon lui, l’Occident s’est fortement droitisée au cours des 10 dernières années, de sorte que certaines idées d’extrême-droite ont peu à peu gagné du terrain pour devenir recevables dans nos débats publics :
« En 2005, Sylvain Gaudreault, alors futur ministre péquiste, pouvait parler de « racisme sous-jacent » au débat sur le kirpan. En 2007, Jean-François Lisée pouvait rappeler que la panique autour du foulard musulman relevait du populisme, voire de l’« extrême droite ». Pourrait-on encore dire ceci aujourd’hui sans soulever, sinon la vindicte populaire, à tout le moins l’ire de plusieurs éditorialistes? »
Dans ce billet, nous proposerons de parcourir l’évolution des positions identitaires de M. Lisée, afin de pouvoir déterminer s’il n’est qu’un « tacticien » opportuniste ou un réel défenseur de ses idées dérangeantes.
Qui est Jean-François Lisée?
Né à Thetford Mines en 1958, le jeune Lisée connaîtra rapidement du succès. Dès la vingtaine, il a la chance d’œuvrer comme journaliste pour de grands médias comme La Presse,Radio-Canada et L’Actualité. Dix ans plus tard, il se met à publier des articles dans le New York Times, le Washington Post, Le Monde,Libération, etc. Rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Entre-temps, il publie aussi cinq ouvrages sur la politique québécoise et devient conseiller politique de Jacques Parizeau en 1994, ce qui lui permettra d’être « l’un des principaux architectes de la stratégie référendaire de 1995 ». Il s’agit donc du point culminant de sa jeune carrière, où le camp du Oui l’a presque remporté. Lisée conseillera ensuite Lucien Bouchard jusqu’en 1999, qui opérait pourtant un virage économique très conservateur.
En 2004, il cofonde le Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) et le dirigera jusqu’en 2012. Cette année-là, il fait le saut en politique et obtiendra illico un poste de ministre dès la formation du gouvernement Marois. Il sera réélu dans Rosemont en 2014, puis devient chef du Parti québécois le 7 octobre 2016, après une rude campagne de salissage contre son principal rival, Alexandre Cloutier.
Les plus récents ouvrages de Lisée le situaient-ils dans le champ gauche? Plus ou moins, car il y a 10 ans, notre fin tacticien se réclamait plutôt de la « gauche efficace », qui s’avère une voie centriste. Il préconisait par exemple une « baisse des impôts des entreprises et des riches de la société, hausse des droits de scolarité en différant leur remboursement au besoin, privatisation partielle d’Hydro-Québec » (La Presse, 2008).
Sur la Charte des valeurs
Comme l’a déjà souligné Rima Elkoury, le chef péquiste ne tenait absolument pas les mêmes positions en 2007, à l’époque des débats sur les accommodements raisonnables :
« En 2007, dans son livre Nous (Boréal), publié en pleine commission Bouchard-Taylor, il disait au sujet du voile musulman qu’il s’y était « habitué » et que « ce qu’on met sur sa tête ne devrait pas soulever l’ire nationale ». « On a plus urgent », écrivait-il. Il disait aussi à l’époque que seuls les vêtements qui couvrent le visage comme la burqa ou le niqab devraient être interdits dans les rapports avec les établissements publics.
Il nous mettait en garde contre la tentation populiste, qui, selon lui, était une façon « malsaine », tout autant que le déni élitiste, de répondre au malaise du « Nous » majoritaire. Six ans plus tard (2013), le même Jean-François Lisée faisait un virage à 180 degrés, défendant avec vigueur la charte de son collègue Bernard Drainville »; « jusque dans le New York Times », surenchérit Lysiane Gagnon.
D’après la petite histoire, Lisée se serait vivement opposé à la Charte des valeurs au sein du caucus. Il aurait même voté contre, se plaît-il à dire, quitte à perdre son poste de ministre.
Un an plus tard, ce n’est toutefois pas le même courage qu’il affichera devant les militants.es péquistes de Saint-Henri-Sainte-Anne, en scandant des discours anti-hidjabs (foulards qui ne couvrent pas le visage) :
« Évidemment, vous auriez aimé ça que, en garde, il n’y ait pas de signes religieux, pour votre enfant, et qu’il n’y ait pas plein de hidjabs, partout, mais avec les libéraux, ce n’est pas passé, alors y’a des signes religieux autour de votre enfant. Et ça, en avez-vous assez ou est-ce que « ÇA SUFFIT! ».
On peut alors percevoir une posture franchement démagogique et pleinement assumée chez le Lisée de 2015. Pierre Karl Péladeau était à ce moment le chef du parti. En mai 2016, PKP quitte la politique. Quelques mois plus tard, une course à la chefferie est lancée et Lisée se retrouve loin derrière Alexandre Cloutier dans les intentions de vote.
Cloutier incarnait la jeunesse et l’ouverture : il jugeait que le PQ devait agrandir son bassin électoral. Fin stratège, Lisée paraît avoir calculé qu’il valait mieux convaincre les membres actuels péquistes de voter pour lui, il s’attaqua ainsi à l’ouverture de Cloutier.
Le 9 juillet 2016, il reproche mesquinement à Cloutier d’avoir souhaité une bonne fin de Ramadan aux musulmans.es québécois.es, prétextant que la laïcité nous oblige à ne pas souligner les fêtes religieuses. L’argument de Lisée est incohérent, puisqu’il avait lui-même envoyé des vœux de « Joyeuses pâques » sur Twitter :
Le 17 septembre, l’intellectuel de Thetford Mines pousse la note toujours plus haut, en réprouvant le port des niqabs et des burqas au Québec, pour des motifs sécuritaires : « En Afrique, les AK-47 sous les burqas, c’est avéré », a-t-il soutenu.
Sa déclaration n’était pas seulement farfelue, elle était incendiaire et islamophobe. Il associait des voiles musulmans à un haut taux de dangerosité. Les deux principaux corps policiers de la province rétorqueront d’ailleurs qu’ils ne possèdent aucun rapport ni aucune étude qui plaideraient en ce sens.
Du même souffle, Lisée s’opposera aussi au port du « burkini ». Cache-t-on aussi des AK-47 sous les maillots de bain? Des experts se désoleront du fait que le burkini est le signe d’une intégration sur la place publique, qui ne plaît pas du tout aux « islamistes ».
Le 23 septembre, le « fin tacticien » envoie un coup particulièrement disgracieux envers Cloutier, l’accusant d’avoir reçu l’ « appui public » d’Adil Charkaoui (considéré comme un « islamiste » par quelques-uns). La tension est alors à son comble. Le jeune Cloutier se voit contraint de recevoir la protection de la SQ tellement les menaces de représailles se font sévères à son endroit. Merci Lisée!
Des personnalités telles Gilles Duceppe sont sorties dans les médias pour dénoncer ces agissements indignes d’un aspirant chef : « En associant Charkaoui à Cloutier, [Jean-François Lisée] a échoué le test »…
Eh bin non, Lisée rattrape Alexandre Cloutier dans les sondages et passe même loin devant. Le jeu de « politique de la division » (wedge politics) porte ses fruits. Le plan de ce dernier en matière de laïcité se veut également fort restrictif : en plus d’interdire les signes religieux chez les agents de l’État ayant un pouvoir de contrainte, « s’ajoutent à cette liste les enseignants du primaire et du secondaire, ainsi que les éducatrices dans les centres de la petite enfance et les garderies subventionnées ». « La position recycle aussi l’idée d’examiner l’opportunité d’interdire la burqa et le niqab dans l’espace public » (25 novembre).
Sur l’immigration
On a donc vu que notre habile manœuvrier a progressivement durci ses positions sur la laïcité, tout en profitant des sentiments anti-islam de certains électeurs pour faire mal paraître Cloutier. Il en ira de même pour les questions d’immigration.
Le 20 mai 2016, un article de La Presse annonce en gros titre que d’après Lisée, « 50 000 immigrants par année, c’est la recette de l’échec ». Il se flatte d’ailleurs que sous le gouvernement péquiste de 2002, « le nombre d’immigrants.es admis ne dépassait guère les 37 000 ». Quel bonheur… Il conclura donc qu’il faudrait accueillir moins d’immigrants.es, pour leur propre bien.
Quant à la question des demandeurs d’asile, l’intellectuel jouera encore la carte de la démagogie. En août 2017, tandis que le gouvernement libéral tente d’assurer les besoins de base de ces nouveaux arrivants – ce dont nous avons l’obligation légale d’accomplir – Lisée se plaint que ça coûte trop cher :
« Le gouvernement nous dit qu’il est incapable de donner un deuxième bain dans les centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD), et ça, ça coûte 30 millions de dollars. Alors, combien ça va coûter, 8000, 10 000, 15 000 demandeurs d’asile qui restent au Québec pendant trois ans? C’est sûr que c’est plus que 30 millions ».
Dans les jours suivants, il dérape encore en clamant que ces demandeurs d’asile sont « les invités de Trudeau ». Plusieurs souverainistes se diront gênés par cette déclaration : « J’aurais préféré qu’on n’ait pas l’usage de ces mots-là », a confié le député péquiste François Gendron mercredi matin. La veille, l’ex-chef intérimaire du Parti québécois, Louise Harel, a également qualifié d’« indignes » les propos de Jean-François Lisée, en plus d’exprimer sa «profonde déception »».
Comment se fait-il que Lisée déraille aussi souvent sur les questions identitaires?
Conclusion
Ce portrait des prises de position du chef péquiste ne se veut pas exhaustif. Il y aurait bien d’autres choses à rappeler, par exemple sa vive résistance à une Commission sur le racisme systémique, allant jusqu’à citer le site islamophobe et complotiste Point de bascule, en pleine Assemblée nationale (septembre 2017).
Cette annonce est venue tout juste après le débat sur la possibilité qu’une jeune musulmane – portant un très discret hidjab – puisse devenir policière.
On le constate par ces nombreux exemples, que notre « fin tacticien » répond habituellement à des sujets chauds de l’actualité, par des solutions simplistes et démagogiques, pour flatter une certaine opinion publique. Il s’agit donc de clientélisme et d’électoralisme, mais n’empêche que tout le débat public s’est aussi droitisé depuis une décennie.
Des chroniqueurs identitaires, eux-mêmes démagogues et acteurs du virage à droite de l’opinion publique, s’étaient réjouis des succès de Lisée lors de la course à la chefferie :
Jean-François Lisée est-il lui-même un partisan des politiques identitaires? À le voir aller ces dernières années avec une constance à toute épreuve et le peu de remords dont il fait preuve, on peut sans doute le croire…
Point de bascule est un site d’extrême-droite islamophobe de type complotiste, sévissant depuis 2007. L’homme derrière ces articles, Marc Lebuis — s’il n’écrit pas en son propre nom, c’est probablement pour éviter des poursuites en diffamation — est un véritable parano estimant que toute personne arborant le hidjab est infailliblement radicale : « Le voile représente la radicalisation. C’est un porte-étendard qui représente la radicalisation. Même si c’est un choix de la femme ».
À ce compte-là, aussi bien dire que toute femme voilée est une djihadiste en puissance, surtout que le mode de fonctionnement de Point de bascule est la culpabilité par association.
Jamais il n’a pu démontrer qu’Ève Torres est une « islamiste » et/ou valoriserait l’islamisme. En fait, ses valeurs y sont tout à l’opposé : féministe, elle milite à Québec solidaire qui défend les droits LGBTQ+, le droit à l’avortement, l’abolition du financement public des écoles privées confessionnelles, et ainsi de suite. Si des islamistes la connaissent, ils ne l’aiment sûrement pas…
Dans un article récent, Marc Lebuis contre-attaque donc mon billet en essayant de discréditer l’émission Enquête de Radio-Canada et en me traitant de « malhonnête ». C’est bien beau, mais il ne prouvera aucunement qu’Ève Torres serait liée à de dangereux intégristes. Et ses arguments sont du recyclage d’allégations qui avaient été réfutées d’emblée en 2014.
L’argumentaire de Point de bascule
Selon Lebuis, ma défense d’Ève Torres serait « malhonnête » sous prétexte que je n’ai cité qu’une seule émission Enquête, alors qu’une autre, « deux ans plus tard », la contredirait :
C’est farfelu car (1) ces reportages ne concernent pas Ève Torres (2) il est faux d’affirmer qu’Enquête niait la menace islamiste. L’émission a même présenté, à de multiples occasions, des cas récents de terrorisme au Canada, ajoutant que « ce que nous avons clairement établi cependant c’est que cette croissance de l’intégrisme islamiste au Québec comme au Canada est un phénomène très marginal, facilement monté en épingle ici comme partout en Occident » (lettre de Jean Pelletier adressée à Lise Ravary, qui reprend les thèses de Lebuis).
On peut comprendre que Point de bascule fait partie de ces petits médias conspirationnistes grossissant la menace islamiste de manière exponentielle.
Dans sa contre-attaque, M. Lebuis répète sa vieille cassette selon laquelle une recherchiste travaillant sur le reportage de 2014 l’aurait ensuite désavoué :
Rien n’est plus faux. La recherchiste elle-même avait pris la peine d’écrire une lettre pour contredire les machinations de Point de bascule :
« À qui de droit, moi, Nadia Zouaoui, journaliste, réalisatrice et recherchiste, voudrais affirmer que je n’ai jamais commenté ou remis en question l’enquête de Radio-Canada. » « Le site Point de bascule qui prétend que j’ai critiqué Enquête le fait sous de fausses déclarations ». « Je trouve leurs propos diffamatoires. Il est écrit que j’ai critiqué Enquête le 5 novembre alors qu’il n’a été diffusé que le 27 novembre »… « Les commentaires que Point de bascule ont transcrit à mon sujet portaient sur d’autres événements que j’ai commenté bien avant la sortie du reportage, bien avant que je ne le visionne ».
Qui est malhonnête ici, M. Lebuis?
L’objectif du reportage était plutôt d’aller vérifier les étonnantes affirmations d’une autre pyromane, Fatima Houda-Pepin, convaincue que la menace intégriste est pire au Canada qu’au Maroc, où elle dit avoir pu grandir en harmonie avec des gens de toutes les confessions :
« Au Canada lorsque je suis arrivée, c’est ici que j’ai rencontré les groupes les plus endurcis, les plus organisés, les plus structurés, les mieux financés » (Tout le monde en parle, janvier 2014).
C’est en réponse à cette déclaration incendiaire que Radio-Canada conclura qu’ « après des mois d’enquête, nous n’avons pas trouvé de groupes intégristes organisés qui auraient comme objectif secret de détruire la démocratie et ses valeurs. Existent-ils? ».
Mme Houda-Pepin aurait pu faire connaître ses sources aux journalistes, mais comme par hasard, elle a préféré garder le mystère : « Nous avons tenté de rejoindre Mme Houda-Pepin (…), elle n’a pas répondu à nos nombreuses demandes ». Quelle surprise…
L’art de la culpabilité par association
Dans l’univers de Marc Lebuis, tout le monde est lié à un réseau connecté à d’autres réseaux, faisant en sorte qu’on a tous quelque chose à se reprocher, comme il l’a expliqué à la reporter Johanne Faucher, lui demandant pourquoi son site web met des gens et des organisations « à l’index ». Posent-ils problème? :
« Pas nécessairement. Y’a des gens qui posent pas problème. Mais qui ont choisi de s’associer avec d’autres personnes qui posent problème ».
Marc Lebuis est très fort en associations d’idées. Par exemple, lorsqu’il me présente, ça ne lui prendre que deux phrases pour me lier à un réseau financé par des Jésuites (!) :
Encore heureux qu’il ne considère pas les Jésuites comme des terroristes sinon je me retrouverais illico « à l’index ». Il poursuit tout de même en traitant n’importe qui de « compagnon de route des islamistes », tel ce prof très respecté de l’UQÀM :
En ce sens, il laissa donc entendre que la candidate solidaire Ève Torres fréquenterait des gens très dangereux, même s’il est incapable d’en nommer un seul appartenant à son entourage immédiat.
Dans la présentation qu’il en fait en octobre 2017, il l’associe indirectement aux termes « lobby islamiste », « recours à la violence », « offensives militaires islamiques », « attentats-suicides », « organisation terroriste », « kidnapping », « condamnation à mort », « fusils mitrailleurs Uzi afin qu’ils mènent le jihad dans les rues américaines », etc. Bien que Mme Torres n’ait aucun rapport avec tout ça, on peut entendre les bombes sauter en lisant le texte…
Donnons un exemple fictif : « Monsieur X achète un croissant dans une boulangerie. Savez-vous qu’un des fournisseurs de cette boulangerie a déjà eu à son service un musulman dont la belle-mère a fréquenté une mosquée liée aux Frères musulmans. Qui eux-mêmes financent des organisations lançant des roquettes sur des enfants affamés? Monsieur X est donc un compagnon de route des islamistes ».
C’est ainsi que M. Lebuis reproche à Ève Torres de ne pas avoir lu la liste de tous les contributeurs passés du Conseil National des Musulmans canadiens (CNMC), avant de travailler pour eux durant quelques mois :
Précisons que la fameuse liste d’exégètes dont il parle remonte à plusieurs années avant l’arrivée en poste d’Ève Torres et qu’il n’a rien à redire des dirigeants.es et employés.es du CNMC. Tout n’est que diffamation gratuite.
Marc Lebuis se fait planter trois fois
Passons au contenu même de l’émission Enquête de novembre 2014, qui contredisait les allégations paranoïaques de Fatima Houda-Pepin et Marc Lebuis. Ce dernier est persuadé que de graves menaces planent sur la société québécoise :
« Si la tendance se maintient, ce sera pas facile à vivre dans pas grand temps à Montréal. Y’a des gens qui veulent implanter la charia, ou qui se réfèrent ouvertement à des idéologues qui eux disent qu’à un moment donné, quand les conditions sont favorables, il est justifié d’utiliser la violence et la coercition, pour combattre le Mal. Leur agenda c’est de faire avancer la charia et, ultimement, établir un califat »
Un Califat au Québec? Miloud Chenouffi, professeur au Collège des Forces canadiennes, rejette l’argument du revers de la main : « Ils sont incapables de le faire dans des pays à majorité musulmane. Qui s’oppose à eux? D’autres musulmans. Alors vous imaginez au Canada? ».
D’après les chiffres avancés, au Québec, il y a environ 300 000 musulmans.es, dont 90% d’entre eux vivent à Montréal. Contrairement à la croyance populaire, ils ne sont pas très pratiquants : 60% ne fréquentent jamais les mosquées, 15% y vont sur une base hebdomadaire.
Doit-on s’inquiéter des 15% qui fréquentent les mosquées? Pas du tout, insiste le religiologue Frédéric Castel : « 40% des musulmans.es ont un diplôme universitaire, ce qui les rend peu réceptifs aux discours intégristes. Ce sont des gens qui veulent s’insérer dans leur milieu professionnel ». M. Castel explique aussi que les mosquées ne sont pas des lieux de radicalisation : il y a « une poignée de mosquées qui prônent le repli communautaire », mais « il n’y a pas de discours de violence en général. Si ça advient, ce sera en dehors d’une mosquée ».
Ray Boisvert, ex-directeur adjoint au SCRS, abonde dans le même sens : « souvent c’est un membre du public qui va alerter les agences de renseignement, qu’il y a un problème chez eux, dans leur communauté, leur mosquée, leur Centre culturel ». Agenda caché chez les immigrants.es? « En général, à 99,5%, les gens qui viennent ici ont juste l’idée de s’installer, développer une vie pour eux et leurs enfants ».
Dans le reportage, Marc Lebuis se verra ridiculisé une deuxième fois, alors qu’il compare des musulmans aux nazis.
La reporter lui demande combien sont les Frères musulmans? Réponse de Lebuis : « Ce n’est pas le nombre qui est important. Lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir, qu’ils ont commencé, ce n’était pas une majorité ». Réfutation de la journaliste : « Des comparaisons boiteuses, des propos qui choquent ». « Quelle formation académique (ou autre) lui permet de se présenter comme un expert de la question musulmane? Il a refusé de répondre » Ouch…
Plus loin, le directeur de Point de bascule a l’air fou à une troisième reprise. Enquête nous apprend qu’ « environ 3% des enfants musulmans fréquentent les écoles (confessionnelles privées) ». Lebuis croit que la majorité des musulmans se trouvent dans ces écoles-là : « Mais où avez-vous vos chiffres? », rétorque-t-il, « bin, le Ministère de l’Éducation », oups…
Conclusion
Bien que M. Lebuis n’ait aucune crédibilité, il fut l’invité de bien des médias depuis 2007 (LCN, Sun News, TVA, etc.) et même d’un comité sénatorial piloté par Daniel Lang, un conservateur du Yukon.
La crise des accommodements raisonnables, puis la période de la « Charte des valeurs », ont créé un terreau fertile pour ces démagogues comme Marc Lebuis qui vivent de l’ « industrie de l’islamophobie ». À voir aller certains chroniqueurs du Journal de Montréal, d’autres profitent également de ce climat de peur et de suspicion.
Ève Torres est une candidate féministe et progressiste, qui ne choque que par son hidjab, bien malgré elle. Comme l’a philosophé Charles Taylor cette semaine :
« Plusieurs « Québécois de souche » croient à tort que les gens qui portent les signes religieux veulent imposer leurs croyances, alors que ce n’est qu’une pratique inhérente à la religion. « La raison du port des signes est mal comprise. En Occident, on a cette idée que la religion est quelque chose d’intérieur qu’on n’a pas besoin d’afficher », soutient-il. Or, chez certains juifs, la pratique (la kippa, le shabbat, manger casher, etc.) est aussi importante, sinon plus, que la croyance. « Ce malentendu donne l’impression d’une mauvaise volonté ou d’une volonté de s’imposer de la part [des croyants] et c’est cette méprise qui crée beaucoup de difficulté » ».
Les médias ont donc la responsabilité de dissiper les malentendus et les préjugés, et non d’inviter des amplificateurs de haine, endurcissant ces préjugés.
Dans les jours suivants l’annonce de la candidature d’Ève Torres, une énergique levée de bouclier s’est faite entendre, des grands médias jusqu’aux réseaux sociaux. Le Québec est-il prêt à accepter qu’une femme arborant le hidjab puisse représenter une circonscription?
Tout d’abord, Mme Torres est légalement en droit de se présenter. Ce sera aux électeurs.trices de trancher, sur la base de leurs valeurs. À Ottawa, cinq députés fédéraux portent le turban, dont le ministre de la Défense nationale. Pensons aussi au chef du NPD, Jagmeet Singh, ou au chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal, Lionel Perez, qui porte la kippa de son côté.
Pourquoi est-ce Ève Torres en particulier qui suscite des angoisses, alors qu’elle n’est, pour l’instant, que candidate à l’investiture dans Mont-Royal–Outremont.
À mon avis, elle est la cible, d’une part, des groupes islamophobes qui veulent tout faire pour freiner la présence des femmes « voilées » dans l’espace public. Puis elle est également victime de la partisannerie anti-QS, comme s’il était vertueux pour la CAQ et le Parti québécois de fermer leurs portes aux personnes affichant des signes religieux (ce qui serait pourtant contraire à la loi).
Pour mettre en lumière la machine de répression médiatique contre Ève Torres, je proposerais d’y aller en ordre chronologique, du premier article de Point de bascule contre elle en octobre 2017, en passant par les chroniques du Journal de Montréal, jusqu’aux mensonges éhontés circulant copieusement sur les réseaux sociaux.
Les délires de Point de bascule
Point de bascule est un blogue québécois islamophobe, qui sévit depuis 2006 sur internet. L’homme derrière ce site est Marc Lebuis, qui a en quelque sorte importé le modèle de « Jihad Watch » qui existait aux États-Unis depuis 2003.
Le mode de fonctionnement de ces blogues est de présenter des faits ayant plus ou moins rapport les uns avec les autres, pour aboutir à des conclusions toujours catastrophistes.
Ainsi, tout être humain est lié à un.e musulman.e, qui sera lié à un réseau d’individus comptant au moins un « islamiste », ayant lui-même un ou des contacts, à l’étranger, soupçonné d’avoir des liens avec des groupes plus radicaux liés au djihadisme international. Autrement dit, nous sommes toutes et tous coupables par association.
À l’émission Enquête du 27 novembre 2014, Marc Lebuis s’est vu démasqué par toutes les informations complètement fausses qu’il alléguait. À chaque fois ses affirmations étaient contredites par l’épreuve des faits.
L’influence de Lebuis est toutefois réelle, de grands médias l’ont accueilli favorablement, notamment par l’entremise de Mario Dumont qui l’a reçu en entrevue, en tant qu’expert de l’islam radical.
Richard Martineau est aussi un fan, l’ayant reçu en entrevue et faisant des chroniques l’encensant. Par exemple celle-ci en 2010 :
Lebuis était aussi considéré comme une référence incontournable sur la défunte Sun News, propriété de Québecor Média :
Tout ça pour dire que Point de bascule est le site ayant diffamé Ève Torres une première fois en octobre 2017, parce qu’il apprenait qu’elle remplissait un mandat de « coordonnatrice aux affaires publiques » pour l’organisme CNMC / CAIR-Canada (Conseil national des musulmans canadiens). Cet organisme lutte notamment contre l’islamophobie, le racisme et les crimes haineux.
Point de bascule part en peur et va tout faire pour associer le CNMC au « Hamas » et au djihadisme international, alors qu’en réalité l’organisme est canadien, il évite le financement extérieur et est même une référence pour d’autres communautés – notamment juives –qui subissent également des crimes haineux.
Mentionnons d’ailleurs qu’Ève Torres, qui est une amie, m’a confirmé ne connaître aucun des imams évoqués dans l’article, par exemple un certain Sirraj Wahhaj qui serait un amoureux des « fusils mitrailleurs Uzi afin que les jeunes mènent le jihad dans les rues américaines » (!!!). L’article de Point de bascule ne mériterait rien d’autre qu’une poursuite en diffamation.
Comme Ève Torres n’est plus à l’emploi du CNMC depuis janvier, on s’attaque aussi à son passé d’animatrice radio, où elle aurait interviewé les imams Tariq Ramadan et Mahdi Tirkawi. Encore là, par association, Point de bascule y voit des liens lointains avec les Frères musulmans. On néglige tous les autres invités.es, souvent des militantes féministes, ou même une sœur franciscaine, Pierrette Bertrand ou l’excellente chroniqueuse Rima Elkoury.
Notons enfin que les calomnies de Point de bascule ont connu un regain de popularité dans les derniers jours. Marc Lebuis est même allé défendre son brûlot sur les ondes de CHOI Radio-X (émission de Dominic Maurais) :
La reprise de Point de bascule
Plusieurs citoyens apeurés par l’islam ont partagé l’article de Marc Lebuis dans la dernière semaine. Un média xénophobe plus influent l’a aussi relayé récemment, en en proposant une synthèse :
Le Peuple – Les vrais enjeux est un média émergent à surveiller. On y véhicule de vraies nouvelles à travers le prisme déformant d’une xénophobie décomplexée. Ces publications font le bonheur de l’extrême-droite identitaire, puisqu’elle offre un degré d’intolérance plus élevé que les médias de Québecor, tout en ayant les allures d’un vrai média de qualité.
L’homme derrière Le Peuple est Pascal Bergeron, dont 41 articles ont été retransmis sur Vigile.quebec (de Richard Le Hir). Son billet contre Ève Torres est donc paru le 10 avril et ne fait rien d’autre que résumer la bouette de Point de bascule. Il a ensuite republié son torchon sur le journal web Dixquatre.com, qui, à l’instar de Vigile.quebec, accueille à bras ouverts tous ses articles provenant du Peuple.
L’équipe de blogueurs de Dixquatre.com compte de nombreux idéologues conservateurs tels Pierre-Hugues Boisvenu et l’amoureux des armes à feu Guy Morin :
On y trouve une intéressante description de l’idéologue derrière Le Peuple, Pascal Bergeron :
Bergeron a donc l’intention de mettre sur pied un média sérieux contre « les défis que doivent affronter les sociétés occidentales ». À lire les textes du Peuple, on comprend vite qu’on parle de l’islam et de l’immigration, phobies affectionnées par l’extrême-droite. Pascal Bergeron ambitionne-t-il de devenir une sorte d’Ezra Levant (père de The Rebel Media) à l’échelle québécoise?
Dans les grands médias
Les chroniqueurs du Journal de Montréal avoir été particulièrement traumatisés par la candidature d’Ève Torres, comme si le croque-mitaine venait de sonner à leur porte. J’en donnerai quelques exemples.
Dans son billet « Notre sombre avenir », Denise Bombardier tremble devant les demandeurs d’asile qui se présentent à la frontière canadienne, ainsi qu’à la vue du « chef enturbanné du NPD » (Jagmeet Singh) et de la « candidate voilée » (Ève Torres). Elle y voit des « chocs annonciateurs de notre inquiétant avenir ».
Mathieu Bock-Côté saute aussi, bien sûr, dans la mêlée, car Mme Torres ferait « la promotion active du multiculturalisme, une idéologie soutenant que la société d’accueil doit s’effacer pour accueillir la diversité ». Doit-on rappeler à MBC qu’elle représente Québec solidaire, un parti indépendantiste opposé au « multiculturalisme fédéraliste » qui nie le caractère distinct de la société québécoise? Pour MBC, la simple vue d’un hidjab semble être un affront à l’identité québécoise de tradition chrétienne.
Parmi tous ces chroniqueurs qui ont critiqué Mme Torres, Lise Ravary avance les arguments qui se rapprochent le plus de Point de bascule. Elle souligne son passage au CNMC et relie ça gratuitement aux Frères musulmans, sans énoncer de preuves:
« Donc, Ève Torres. Ex-coordonnatrice aux affaires publiques pour le Conseil national des musulmans canadiens, un lobby islamiste sympathique aux Frères musulmans, mais peu sympathique au Québec, elle appartient à l’élite médiatique islamiste québécoise ».
Ravary poursuit son article en traînant tout aussi gratuitement dans la boue Haroun Bouazzi, candidat à l’investiture dans Maurice-Richard.
Trois jours plus tard, elle revient à l’assaut avec un titre franchement islamophobe, « Ras le bol de l’islam » :
Sur les réseaux sociaux
Au Huffington Post, la polémiste islamophobe Djemila Benhabib s’est également mise de la partie. Le titre et le sous-titre de son texte appelle déjà à la révolte contre Ève Torres, à la manière de Point de bascule.
Benhabib traite Mme Torres de « lobbyiste au service de l’islam politique » et Québec solidaire de « parti islamo-gauche, faussement indépendantiste », sans autre forme de procès. Quelle rigueur!
Puis, subtilement, au lieu de citer directement Marc Lebuis, elle s’en remet à la parole de sa camarade anti-islam, Louise Mailloux : « Comme le rappelle la militante laïque, Louise Mailloux, ses faits d’armes en qualité de lobbyiste sont nombreux. Elle a œuvré comme coordonnatrice aux affaires publiques pour le Conseil national musulman canadien (CNMC) ».
Benhabib a beau ouvrir les guillemets, elle n’indique nulle part d’où viennent ces mots de Mme Mailloux…
Venons-en finalement aux médias sociaux, qui abritent leurs propres relais de propagande. Il y a par exemple un citoyen engagé – contre l’islam et la gauche – nommé Guy Guay. Il présente un statut adjoignant Ève Torres à Jaggi Singh, pour conclure qu’ils appartiennent tous deux à « LA PESTE BRUNE DU QUÉBEC ». Ce statut fut partagé plus de 1120 fois!
Nombre de commentaires trash et violents s’en sont suivis, en voici quelques-uns au hasard (trigger warning):
Une dame, pas raciste du tout, affirme que les Arabes aiment les pots-de-vin:
Il y a le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, jamais loin des conversations islamophobes, qui est intervenu pour défendre Guy Guay suite à un quiproquo:
Comment est-ce possible de rejoindre des milliers de gens donnant du crédit à pareilles absurdités? L’islamophobie ambiante? De grands médias cultivant cette phobie? Et la partisanerie anti-QS? Ajoutons qu’il existe également des relais facilitant de la portée de ces publications. Par exemple la page Facebook « Réveillons-nous Québécois », ayant un bassin de plus de 27 000 abonnés.es.
Le statut de Guy Guay a été mis en ligne sur cette page, accélérant des centaines de partages supplémentaires. Bien entendu, cette page retransmet des tonnes de publications du média Le Peuple et les capsules vidéos de leaders d’extrême-droite comme Dave Treggett (ex-chef de Storm Alliance).
Le gourou derrière « Réveillons-nous Québécois » est un certain François, qui raffole lui-même des égo-vidéos :
Petite surprise pour Guy Guay et les quelque 1130 personnes à avoir poussé des hauts cris contre Ève Torres en partageant le statut haineux: ce n’est même pas elle sur la photo! Faut croire que pour les islamophobes, toutes les « femmes voilées » sont du pareil au même…
Ceci dit, il existe une autre photo d’elle aux côtés de Jaggi Singh, qu’elle avait croisé lors d’un festival Hoodstock à Montréal-Nord. Ça n’implique rien, à part qu’elle était à l’événement pour soutenir l’antiracisme.
Conclusion
J’espère avoir donné un bon aperçu de comment ces différents réseaux peuvent passer une personne à la moulinette en la harcelant et en s’en prenant de manière ignominieuse à sa réputation. Même le chef péquiste Jean-François Lisée, sur LCN, a sommé la candidate à s’expliquer sur le port de signes religieux dans la fonction publique…
La route sera ardue, mais bon courage à Ève Torres pour la suite des choses!