Le Journal de Montréal à la défense des hommes blancs hétérosexuels

Prenant prétexte d’un fait divers, un escadron de chroniqueurs du Journal de Montréal s’est encore une fois rué à la barricade afin de venir en aide aux pauvres « hommes blancs hétérosexuels » injustement malmenés par les féministes et antiracistes d’aujourd’hui…

Mardi, un dossier spécial est ainsi annoncé à la une : « Sommes-nous coupables d’être des hommes blancs? ». Martineau et Facal, deux droitistes privilégiés, se prononceront. Tout un débat en perspective…

Mathieu Bock-Côté ajoutera son grain de sel, tandis que Sophie Durocher écrivit deux chroniques sur le même sujet, tellement elle ne pouvait rater l’occasion de casser du sucre sur le dos des féministes.

Que s’est-il passé de si catastrophique?

L’histoire à l’origine de cette pseudo-crise est assez banale : le chanteur Louis-Jean Cormier avait affirmé dans un premier temps (dans La Presse+ du samedi) qu’il ne croyait pas qu’il fallait imposer la parité hommes-femmes dans les grands festivals de musique, les choix artistiques étant plus fondamentaux selon lui. Après s’être fait rabroué par quelques amies, Louis-Jean Cormier changea son fusil d’épaule :

z2 cormier1 j'ai l'air de

Le « mea-culpa » de Cormier découle d’une décision libre et personnelle comme il le dit dans son statut. Il croit avoir fait une bourde, juste après la Journée internationale des femmes par surcroît. Mais il faut croire que certains n’ont pas aimé qu’il admette avoir « l’air d’un gros mononc débile et arriéré », certains se sont peut-être sentis visés.

 

Martineau le révolté

Pour Richard Martineau, on ne devrait jamais chercher à comprendre quels avantages l’on pourrait tirer du fait d’être « un homme blanc hétérosexuel » (citation d’un passage de Cormier). Voici le titre de sa chronique :

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(l’ennemi « numéro un » étant l’homme blanc hétéro)

Au lieu de reconnaître que les femmes, les personnes racisées et les minorités sexuelles et de genres subissent des discriminations, Martineau se réfugie dans un argumentaire simpliste visant à prouver que bien des blancs privilégiés souffrent eux aussi :

z2b les hommes blancs souffrent

Le problème avec son argumentaire, c’est que (1) les personnes discriminées sont « sur-représentées » dans ces différentes sphères, même si nous avons tous les mêmes qualités à la naissance, les personnes discriminées se retrouveront avec davantage d’obstacles sur leur chemin. Et (2) si des hommes blancs hétérosexuels se trouvent parfois dans la misère eux aussi, ce n’est pas à cause des minorités ou des personnes qui réclament l’égalité. Ils ne vivent pas le racisme ni le sexisme systémique.

Ce qui fait de Martineau un réactionnaire, c’est qu’il est convaincu qu’un tel état de fait inversé existe, à cause des maudits gauchistes :

z2c racisme anti-blanc et sexisme anti-homme

z2d martineau durocher

 

Facal et le multiculturalisme

Pour Joseph Facal, tout est la faute du « multiculturalisme » canadien. Celui-ci forcerait l’homme blanc au silence :

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(tellement que ces chroniqueurs se déchaînent à l’année longue contre le « multiculturalisme » du haut des plus belles tribunes…)

Facal s’intéresse au cas spécifique d’une députée fédérale qui a reproché au conservateur Maxime Bernier d’avoir condamné le terme « Canadiens racisés ». Bernier a jugé que cela était une forme de racisme inversé qui divise les Canadiens (Lise Ravary a d’ailleurs répliqué dans le Journal de Montréal en soutenant elle aussi que « l’antiracisme est un racisme »).

Joseph Facal ne mâche pas ses mots :

z3a antiracisme raciste et multiculturaliste

z3b antiracisme raciste

De quoi parle-t-il? Les discriminations sont une réalité sociale. En tenir compte est faire preuve de lucidité et d’humilité.

 

Durocher et la castration

Du côté de Sophie Durocher, elle fustige sévèrement Louis-Jean Cormier, l’accusant d’avoir retourné sa veste. À l’entendre parler, le pauvre Cormier aurait subi une véritable castration de la part des méchantes féministes :

z4 sermon2 castréz4 sermon2 castré3

z4 sermon2 castré2

Dans sa brillante chronique, Durocher pointe ainsi du doigt « nos féministes », qu’elle nomme aussi « les inquisitrices du Plateau », secondées par les « Donneurs de leçon du Mile-End » (quessé ça?) :

z4d Plateau et Mile End

Bref, elle semble surtout furieuse des mots employés par M. Cormier, qui affirme s’être senti comme un « mononc débile ». Après tout, les positions anti-parité sont fréquemment entendues dans les pages du Journal de Montréal :

z4e mononc débile arriéré

z4e mononc débile arriéré2

z5 MBC Péladeau

Bock-Côté contre l’égalitarisme

Quant à MBC, il utilise un discours victimaire comme si les hommes blancs souffraient à notre époque, en raison des deux grands courants « médiatiquement dominants », l’antiracisme et le féminisme :

z5a antiracisme haineux et contris

Où a-t-il pêché qu’il s’agissait d’idéologies dominantes? Ni les médias, ni la classe politique, ne sont particulièrement « gauchistes » au Québec. Les médias sont toujours trop progressistes au goût des réactionnaires. MBC perçoit les féministes comme étant trop présentes et trop puissantes dans l’espace public :

z5b féminisme radical policière

À noter aussi que M. Bock-Côté qualifie ce féminisme ordinaire de « féminisme radical »  – où ça des féministes radicales? La chanteuse Laurence Nerbonne et les Sœurs Boulay? – et qualifie l’anti-racisme de « racisme haineux ». Cette stratégie de diabolisation lui permettra de ne pas passer pour un antiféministe ou un raciste.

En vaillant combattant conservateur, MBC réprimande Cormier pour avoir fléchi sous la pression. Il n’a pas de « colonne » et s’est livré à une autocritique « délirante », donc insensée :

z5c féministes radicales et sermon1

 

En conclusion, on peut remarquer l’étonnante harmonie musicale entre tous ces choristes chantant le mépris de la justice sociale. On croirait n’entendre qu’une seule voix, tant il y a concordance d’un texte à l’autre. Une chance que les médias dominants sont vendus au progressisme…

Québec et l’extrême-droite italienne

En Italie, troisième puissance économique d’Europe, les partis d’extrême-droite connaissent un fort gain de popularité grâce aux vagues xénophobes anti-migrants. Le phénomène excite quelques-uns de nos groupes racistes locaux, d’autant plus qu’ils ont tissé des liens avec l’Italie au cours des dix dernières années, berceau historique du fascisme.

Au centre de cette toile se trouve la Fédération des Québécois de souche (FQS), véritable organisatrice « culturelle » des échanges entre groupuscules québécois et idéologues européens.

Dans une sortie récente, la FQS espère la victoire du néofascisme, mais craint que le controversé Silvio Berlusconi s’avère un « boulet » dans cette marche vers la « reconquête » identitaire :

z1b fqs élections italie

 

Casapound, un modèle pour néofascistes québécois

La FQS jette en fait son dévolu sur une formation ouvertement « fasciste » nommée Casapound Italia. Par deux fois elle a invité des représentants à venir présenter leurs idéologies lors de conférences à Québec (2015, 2016).

C’est en imitant ce modèle qu’Atalante Québec a été formé entre-temps en fédérant plusieurs groupuscules de boneheads néonazis. Atalante soutient d’ailleurs explicitement leurs « amis » de Casapound sur Facebook :

z2a Atalante Casapound1

Des dizaines de partisans de Casapound ont « liké » le statut qui fut aussi partagé par leur organisation :

z2b Atalante Casapound3

Qu’est-ce que Casapound? Il s’agit d’un mouvement rassemblant plus de 5000 dévots.es répartis dans une centaine de villes d’Italie. Ses membres prônent un modèle socio-économique indépendant de l’État, qui aurait tendance à négliger les « de souche », en particulier ceux des classes populaires.

Les partisans de Casapound affectionnent tout spécialement les rassemblements où l’on peut déployer des saluts fascistes en public :

z2c 7 janvier à Rome
(L’usage de ce salut est puni par la loi en Allemagne et en Autriche, mais pas en Italie).

Casapound est né de l’occupation d’un immeuble à Rome, en 2003, qui deviendra leur quartier général. 23 familles y sont relogées. Les premiers occupants avaient baptisé l’immeuble « casa » pour maison, et « Pound » en l’honneur du poète américain Ezra Pound, qui admirait tellement le fascisme qu’il était allé s’installer en Italie (1924 à 1943) durant les belles années de Mussolini.

z2d quartier général

Le mouvement Casapound essaie de contenir de nombreux paradoxes, du fait qu’on a intégré les idéaux « socialistes » de logements appartenant à tous, d’une monnaie alternative et d’une banque parallèle sans but lucratif, de la distribution de denrées aux sans-abris, des médecins bénévoles qui offrent des soins gratuits, etc. Leur pseudo-socialisme ne vaut toutefois que pour les Italiens pure laine.

z2e Casapound2
(voir l’excellente courte vidéo sur le mouvement Casapound)

 

Premiers échanges avec Casapound

Un des premiers fervents québécois de Casapound semble avoir été Maxime Taverna, leader du groupuscule d’extrême-droite La Bannière Noire. D’après des sites antiracistes, son groupe musical Trouble Makers aurait eu une émission de radio sur la chaîne de Casapound, « Radio Bandiera Nera » (RBN).

Dès septembre 2007, on pouvait voir cette annonce d’une performance de Trouble Makers sur les ondes de RBN :

z3 Bannière noire Taverna2

Quant à Maxime Taverna lui-même, il s’affiche avec le t-shirt du groupe musical officiel de Casapound, Zetazeroalfa :

z3 Bannière noire Taverna

Devenant le chef de La Bannière Noire (fondée en 2012), ce n’est sûrement pas un hasard s’il s’agit de la traduction littérale de « Bandiera Nera » en français, chaîne radiophonique de Casapound.

C’est donc cette même Bannière Noire qui organisera une conférence de Casapound au Québec, en février 2015, avec la collaboration de la Fédération des Québécois de souche (FQS) :

z4a casapound1

z4b casapound3
(le Blocco Studentesco est une association étudiante, sorte de club-école de Casapound. Le logo de ce dernier est une tortue, car elle porte sa « maison » sur son dos).

À noter que d’après d’autres sources antiracistes, Maxime Taverna aurait formé son jeune protégé Félix Crusson, qui l’a ensuite suivi à la Bannière Noire et même au sein de l’équipe de la FQS, où ils contribueraient à la revue de propagande, Harfang. On peut apercevoir ici Crusson en Europe, en compagnie d’un membre de Casapound d’origine ukrainienne (d’ailleurs lié au Bataillon Azoz, milice d’extrême-droite) :

z5 félix crusson Casapound
Crusson, à gauche, le milicien, à droite. Les deux brandissent le drapeau de Casapound.

 

Atalante et la FQS

Au cours des dernières années, la Bannière Noire semble s’être effacée au profit d’Atalante Québec, qui a notamment fédéré les Québec Stompers, le plus important groupe bonehead de Québec.

Comme le porte-parole d’Atalante l’affirma en entrevue, les voyages culturels entre Québec et l’Italie sont monnaie courante chez leurs militants.es :

« Atalante est née il y a environ trois ans, lorsqu’un groupe d’amis pris conscience du mouvement politique grandissant de plus en plus actif en Europe, bâtissant des projets idéalistes et mettant en pratique des actions sérieuses. Quelques-uns parmi nous (…) ont visité Rome et en sont revenus très motivés par leur expérience auprès de Casapound (…). Nous avons eu de nombreux militants qui sont d’ailleurs allés à la rencontre de Casapound en mai dernier, et nous y avons vu aussi un grand nombre de membres de Blocco Studentesco ».

Voici par exemple des images du leader d’Atalante « Raf Stomper » (chanteur de Légitime Violence), lors de pérégrinations en Italie :

z1a raf stomper en Italie
(Images tirées de cet article sur Atalante)

 

z5c raf italie1

 

Enfin, remarquons que le théoricien fasciste Gabriele Adinolfi, grand inspirateur des membres de Casapound, était de passage dans le quartier Limoilou, à Québec, en août 2016, pour éduquer les boneheads d’Atalante Québec :

 

z6a Adinolfi Limoilou
(Adinolfi accorda aussi une entrevue sur Casapound au magazine Harfang, organe de la FQS)

z6b Adinolfi Limoilou2

En conclusion, nous avons donc pu voir à quel point Atalante et la Fédération des Québécois de souche (FQS) sont des formations complémentaires, voire interreliées, et qu’elles font beaucoup d’efforts pour raccorder le Québec aux mouvements fascistes internationaux. Le cas Casapound en constitue un exemple frappant.

Sur le néo-racisme

Selon des experts, il serait vain de chercher aujourd’hui des preuves de « racisme » classique chez bien des groupes d’extrême-droite contemporains, car ceux-ci seraient passés d’un «racisme biologique» à un « racisme culturel ».

C’est-à-dire qu’au lieu de défendre la pureté de la race biologique – p.ex. en plaidant la suprématie blanche ou la supériorité de la race aryenne – les dernières vagues extrémistes défendent plutôt que les cultures ne devraient pas se mélanger les unes avec les autres.

z2 populiste Trump
Trump: “Why are we having all these people from shithole countries come here?”

Autrement dit, ce racisme ne repose plus sur une soi-disant perfection génétique ou sur la couleur de peau, mais sur des bases nouvelles : un héritage culturel à préserver coûte que coûte.

Évidemment, aimer sa culture ou reconnaître des différences culturelles ne font pas de nous des « néoracistes ». Le vrai néoraciste se distingue par ses appels à la ségrégation raciale et à la fermeture des frontières, au motif qu’on éviterait la corruption de nos héritages culturels respectifs.

 

La Nouvelle Droite

Le virage idéologique aurait été facilité à partir de 1969, par l’avènement d’un courant de pensée nommé « la Nouvelle Droite ». Des idéologues réactionnaires travaillaient ensemble au sein d’un groupe de recherche, le GRECE, dont le chef de file était Alain de Benoist.

Pour le sociologue Alain Touraine, ce courant ne propose rien d’autre que du fascisme sous une nouvelle mouture : « La Nouvelle droite est bien un fascisme… Elle porte en elle une logique de répression sociale qui est mortellement dangereuse pour les libertés démocratiques » (1980).

Si l’on regarde du côté de la Fédération des Québécois de souche (FQS) – groupe d’intellectuels d’extrême-droite de Québec – on peut remarquer qu’elle adule bel et bien Alain de Benoist, au point même de l’avoir interrogé lors d’une « entrevue exclusive » :

z2a

Une autre figure connue de la Nouvelle Droite fut Dominique Venner, un essayiste français décédé en 2013. Ce dernier est aussi prisé par la FQS, puis par son protégé, le groupe de boneheads néofasciste Atalante Québec.

Atalante voue un véritable culte à Venner :

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Atalante venner

 

Atalante Québec imite en fait l’exemple de groupes identitaires radicaux européens, comme le GUD (Groupe union défense), la Ligue du Midi ou Casapound. Remarquez d’ailleurs la ressemblance stylistique entre les bannières d’Atalante et celles de Casapound :

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Bref, la Nouvelle Droite offre un angle commode pour la perpétuation d’idéologies racistes et fascistes, mais en éludant la critique selon laquelle elle serait « raciste » au sens classique.

 

De l’antisémitisme à la haine du pluriculturalisme

En Grande-Bretagne, les leaders racistes ont aussi senti le besoin de changer leurs discours, afin de rendre plus acceptable leur mépris d’autrui. Voir par exemple cet ancien chef du British National Party (1999-2014) et ex-député européen, Nick Griffin :

« Que cherchons-nous à faire en ce moment au BNP? Disons que nous essayons de simplifier notre message de façon à ce qu’il soit plus facile à vendre. C’est pourquoi nous ne parlons pas de suprématie blanche, ni de guerre civile raciale (…), nous ne sommes pas partisans d’une suprématie blanche, mais de la survie de la race blanche » (La toile brune, p. 166).

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(Nick Griffin, incontournable figure de l’extrême-droite britannique)

Il est intéressant de voir Nick Griffin passer d’un idéal de domination blanche à une rhétorique de survivance de la race blanche. Ce faisant il est toutefois du côté du racisme classique, ce qu’évite par exemple la « Fédération des Québécois de souche », en se posant en groupe de défense de l’identité des « de souche », menacée par le multiculturalisme.

Nick Griffin essaie d’adopter ce discours de tendance néoraciste. D’après lui:

Le BNP a pu « s’être libéré des entraves des théories du complot et de l’antisémitisme légèrement voilé qui figèrent le parti pendant près de deux décennies ». Il faut s’attaquer « aux véritables ennemis du peuple britannique : les libéraux anglo-saxons celtiques de gauche (…) qui cherchent à détruire la famille et à imposer le multiculturalisme à une population de souche qui n’en veut pas » (TB, p.168).

Le programme du BNP s’oppose ainsi au mariage homosexuel, au multiculturalisme et préconise une politique de « remigration », c’est-à-dire le retour d’immigrés.es vers leur pays d’origine (en ce sens, Atalante Québec a déjà posé des bannières « remigration » près du Stade olympique, où des demandeurs d’asile d’origine haïtienne étaient accueillis).

Enfin, j’aimerais souligner que cet appel néoraciste aux ségrégations « culturelles » prend souvent la forme d’une critique du « multiculturalisme », même dans des pays où il y a peu de diversité et une langue commune forte, tels les pays scandinaves.

En Norvège, par exemple, là où le terroriste raciste Anders Behring Breivik fit 77 morts et 151 blessés en 2011, on peut compter plusieurs organisations et plateformes décriant le multiculturalisme. Le principal maître à penser de Breivik fut un certain Fjordman, tout particulièrement paranoïaque sur cette question.

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(Fjordman, idéologue du Net à l’air angélique, est un véritable agent de radicalisation)

D’après Fjordman, les « marxistes culturels » cherchent à remplacer l’Occident par un Califat islamique : « la rectitude politique, c’est le marxisme avec un nez refait ». Tandis que le multiculturalisme, c’est « une idéologie haineuse et anti-occidentale conçue pour démanteler la civilisation occidentale » (TB, p.182).

En s’attaquant à un camp d’été pour sociaux-démocrates, Breivik avait massacré de sang-froid des dizaines de jeunes qu’il craignait voir devenir ces marxistes et pro-multiculturalistes de demain. Son « manifeste » cite abondamment les textes de Fjordman.

 

En conclusion, il convient de se méfier des discours normalisant le racisme sous couvert d’une saine critique du multiculturalisme. À force de répéter ad nauseam que le multiculturalisme et l’islamisme seraient les plus grandes menaces immédiates guettant les Québécois.es, on se trouve à transmettre une idéologie qui ne serait pas pour déplaire à la Nouvelle Droite…

Les tweets de Pierre Karl Péladeau

Mardi dernier, quand j’ai vu la « une » du Journal de Montréal qui titrait : « Fugueuse. Comme à la télé », je me suis dit que cet angle était de mauvais goût, car on entremêlait un drame réel – la disparition de la jeune Kelly Martin Nolet – et une série populaire.

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(la jeune femme a d’ailleurs été retrouvée, mercredi)

Le journaliste de La Presse, Mario Girard, a bien fait de rappeler que l’émission « Fugueuse » est un produit de Québecor, puisqu’elle est diffusée sur le réseau TVA. On a donc instrumentalisé un drame humain réel pour faire la promotion de la série et vendre des journaux…

Le chroniqueur télé Stéphane Morneau a aussi exprimé son malaise. Il ajoute que « J.E. nous présentera cette semaine une émission sur le proxénétisme et, encore ici, on fait le lien avec la popularité de la fiction pour couvrir un enjeu réel et inquiétant. »

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JE est une émission d’enquête liée à TVA Nouvelles. On embrouille information et promotion d’une fiction.

 

PKP et la double faute

Non seulement PKP ne reconnaît aucun opportunisme de la part de Québecor, mais il contre-attaque par un Tweet à la Donald Trump, accusant le journaliste de travailler pour un média lointainement lié à l’État islamique!

z2 Tweet PKP

Il s’agit d’un sophisme de la double faute, qui vise à rendre moralement acceptable n’importe quel comportement : tu nous reproches de promouvoir nos produits à travers nos réseaux d’information, mais vous vous avez des liens avec des gens qui ont peut-être eu des liens avec l’État islamique…

Il y a bel et bien un fond de vérité dans la réplique de PKP : PowerCorp possède des actions dans Ciment Lafarge, une entreprise française qui aurait fait des versements – « à l’initiative de la direction locale et régionale » – au groupe armé État islamique entre 2012 et 2014. Mais rien n’indique que M. Paul Desmarais Jr était au courant. Il s’est même dit « terrorisé » en apprenant la nouvelle deux ans plus tard.

Et surtout, la riposte de PKP n’est qu’une diversion, elle n’a aucun rapport avec le présent sujet.

Il y a un mois, tout juste après les commémorations du massacre de la Mosquée de Québec, M. Péladeau a lancé des tweets contre Justin Trudeau, l’accusant d’être le vrai «nono». Plutôt que d’exprimer ses sympathies aux familles des victimes de la tragédie, il a senti le besoin de critiquer Trudeau qui avait qualifié les Meutons de «nonos» :

z4 anonos

z4 nonos

Il utilise là aussi le sophisme de la double faute : tu traites les racistes de «nonos», mais regarde-toi avec ton entente Netflix!

PKP peut bien critiquer l’entente Netflix, c’est tout à fait légitime, et il l’a fait abondamment, mais ça n’avait aucun rapport avec le phénomène de l’islamophobie et le drame qui était commémoré.

 

Autres tweets

L’attitude vindicative de PKP s’est aussi fait voir en janvier, dans une réplique au journaliste Yves Boisvert de La Presse, qu’il accusa d’être à la solde des Desmarais :

z5 boisvert

Tout à l’inverse, il ne rate jamais une occasion d’encenser les chroniqueurs de sa tribu, tel Richard Martineau, cet  «iconoclaste» qui nous fait «sérieusement réfléchir» :

z6 éloge de Martineau

Ou Denise Bombarbier, avec qui nous prenons «du plaisir dans la lecture», «en permanence» (surtout quand ça tape sur Radio-Canada et Trudeau…) :

z6 éloge de Bombardier

Maints autres tweets de PKP servent carrément à mousser les produits de Québecor. Par exemple celui-ci entre mille :

z6 pkp la voix.PNG

 

Pierre Karl Péladeau le politicien serait-il vraiment capable de distinguer ses intérêts personnels de l’intérêt général?

Les médias face à l’islamophobie

Quelle est la responsabilité des médias dans l’essor de la montée des discours extrémistes vis-à-vis l’immigration en général et les communautés musulmanes en particulier?

Les médias de masse – surtout les médias privés – aiment bien utiliser de grands titres accrocheurs qui attirent rapidement les « clics » et les partages faciles. Comme cet article entre mille qui vient d’être publié par TVA Nouvelles :

z2 tva

Les conspirationnistes en tout genre sautent sur l’occasion pour commenter, sans stratégie apparente de filtrage de la part de TVA. Quand, par exemple, TVA nous informe qu’il y a eu des perquisitions chez un leader des Hells Angels, une lectrice liée à l’extrême-droite (Révolution PTRK) rétorque que les vrais « terroristes » ne sont pas les motards mais ceux qui nous gouvernent.

z2 vrais terroriste vs motards

Pourquoi laisser passer des commentaires qu’on ne tolérerait pas dans la version papier?

La situation dégénère encore plus lorsque les publications concernent – de près ou de loin – la question de l’islam.

Comme nous l’avions remarqué en début d’année, 3 publications en 3 jours, chez TVA Nouvelles, avaient déchaîné des pluies de commentaires racistes et islamophobes, s’accumulant par centaines.

Le site « La Clique du Plateau » s’en était indigné à juste titre :

z3

z3b

z3 Des animaux

z3 Satan

D’autres commentaires étaient si disgracieux qu’on en appelait presque à l’extermination et au meurtre. Serait-il possible de baliser ces discours sans tomber dans une limitation excessive de la liberté d’expression?

 

Le point de vue d’Øyvind Strømmen

D’après le chercheur norvégien Øyvind Strømmen (La toile brune) :

« On a parfois l’impression que les grands acteurs des débats ne voient dans les débats sur Internet que l’opportunité d’un grand marché publicitaire et non les nombreux problèmes et questions qu’ils soulèvent. Ce qui expliquerait peut-être pourquoi tant de ressources sont investies dans le développement technique et non là où elles devraient l’être, dans le filtrage des débats ».

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(Je référerai à son ouvrage majeur sur La toile brune, c’est-à-dire sur la fachosphère)

Strømmen considère qu’on tend à surestimer le danger de « l’islamisme » tout en minimisant à outrance la radicalisation progressive de militants.es « anti-djihad » qui se croient en mission de sauvetage des nations occidentales contre des invasions fictives.

Quand on lit les fils de commentaires sous les articles de TVA Nouvelles évoquant l’islam – et pas seulement là – on a presque l’impression de se retrouver dans le groupe secret de La Meute tellement les langues racistes se délient.

D’après Strømmen, qui observe ce phénomène partout en Occident :

« Une politique active en ce domaine ne serait en rien synonyme de censure ou d’endoctrinements, mais permettrait au contraire d’avoir des débats sur Internet de meilleure qualité et plus ouverts, y compris sur les sujets controversés. Précisons que les forums Internet très visités et tenus par des utilisateurs lambda réussissent à le faire, alors que les groupes médias malgré toutes les ressources n’y parviennent pas »…

z4 caricature par Alex Fatta
Caricature d’Alex Fatta

Deux stratégies de filtrage doivent être envisagées :

  • « La meilleure solution serait la modération préalable, c’est-à-dire qu’une personne lise attentivement les commentaires avant leur publication, jugeant si oui ou non on peut les laisser passer ». On pourrait par exemple penser au système du journal Le Devoir, qui laisse malgré tout passer des commentaires très variés.
  • La deuxième solution, moins coûteuse, est la modération postérieure, « qui consiste à repérer et supprimer rapidement les commentaires qui vont trop loin ». Ce serait « la condition minimum que tous les médias devraient s’imposer ». Cette condition est toutefois négligée, elle aussi.

 

Pistes de solution par Stevens et Neumann

Strømmen propose de recourir à des mesures pour combattre le phénomène de la radicalisation sur Internet. Il s’inspirera d’une étude de Stevens et Neumann qui mentionnent quatre types de moyens d’action :

(1) « Rendre le climat sur Internet plus inconfortable pour les contenus extrémistes ». Soit par le blocage et la fermeture de sites ou, de manière moins agressive quant à la liberté d’expression, en optimisant les moteurs de recherche de sorte que « les pages au contenu plus extrémiste soient « mal référencées ».

(2) « Renforcer l’autorégulation des communauté Internet ». Il s’agit ici de l’exemple que nous avions esquissé avec TVA Nouvelles : « Plusieurs rédacteurs en chef devraient se demander pourquoi ils ne trouvent pas gênant de laisser publier sur la version en ligne des opinions (haineuses) qu’ils ne toléreraient jamais dans la version papier ».

(3) « Rendre moins attirants les sites extrémistes ». Ce troisième moyen d’action s’adresse au système éducatif et aux parents. « C’est en renforçant l’esprit critique des jeunes que nous les vaccinerons contre les idées extrémistes et appauvrirons considérablement le terreau de l’extrémisme de droite ».

Même si la Norvège possède l’un des meilleurs systèmes d’éducation au monde, les groupes xénophobes y sont nombreux et le pays a connu l’une des pires tragédies terroristes suprémacistes récentes, lorsque Anders Behring Breivik assassina froidement 69 personnes, pour la plupart des adolescents de gauche, en juillet 2011.

(4) Mettre de l’avant des messages positifs. « La quatrième mesure est un défi que nous devons tous relever. C’est nous, en tant que citoyens.es, qui pouvons chasser l’extrémisme en prenant le mal à la racine et en créant des lieux de rencontre. C’est nous qui ne pouvons nous offrir le luxe de ne pas réagir quand nous y sommes confrontés, que ce soit sur Internet, autour de la table ou dans des fêtes ».

Merci à Øyvind Strømmen pour ces pistes de réflexion :

z6 La toile brune

Quand Bock-Côté fête le mois des Noirs, à sa façon

Mathieu Bock-Côté est un drôle de chroniqueur. Alors qu’on célèbre (timidement) le « Mois de l’histoire des Noirs » partout au pays, MBC se croit investi d’une mission chevaleresque : démontrer qu’il s’agit d’un complot fédéraliste visant à anéantir l’identité québécoise.

Il n’amène toutefois aucune preuve pour étayer son argumentaire, passant son temps à pointer du doigt ce qu’il appelle, avec condescendance, « le petit lobby antiraciste » (13 février):

z2b petit lobby antiraciste

Je ne sais pas sur quelle planète vit M. Bock-Côté, mais ce mois existe depuis 1995 au Canada, sans jamais avoir monopolisé l’attention médiatique. En ouvrant la télé, on peut voir les Olympiques en continue, Jean-Martin Aussant revenu au PQ, etc., etc., mais rien sur l’histoire des Noirs.

À vrai dire, cette célébration prévaut pour tout le Canada, pas seulement au Québec :

z2 mois de l'histoire des Noirs
(elle existe aussi aux États-Unis et au Royaume-Uni)

 

Sur le racisme anti-blanc

MBC a démarré le mois de février sur les chapeaux de roues en accusant Radio-Canada d’inciter au « racisme anti-blanc » par le biais d’une étude démontrant que les personnes racisées « sont sous-représentées parmi les employés du secteur public ».

Au lieu de s’en inquiéter et de se demander comment on pourrait mettre un terme aux inégalités, MBC monte au créneau contre l’étude de Radio-Canada, qui serait rien de moins que « raciste » (en plus d’avoir été produite avec nos taxes!) :

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Si, comme l’affirme l’étude, 87% des Québécois.es sont blancs, comment peuvent-ils subir de la discrimination de la part des 13% restants, qui sont eux-mêmes sous-représentés dans les postes de pouvoir?

Bock-Côté évoque une méchante « gauche mondaine », « régressive », qui imposerait sa loi :

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Selon sa thèse tordue, les antiracistes s’avèrent les vrais racistes d’aujourd’hui. Car comme ils s’entêtent à dénoncer la discrimination vécue par les personnes racisées, ils se trouvent à valoriser eux-mêmes le concept de « races » :

z3 les antiracistes sont racistes

Voir aussi cet extrait de sa chronique: « Des Blancs, des Noirs, des Jaunes? » (13 février):

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Un intellectuel apparemment cultivé comme MBC devrait pourtant savoir que la gauche antiraciste a rejeté depuis longtemps le concept de « races ». Une simple recherche de 2 secondes sur Google lui donnerait cette réponse Wikipédia:

z4d racisation

Voilà pourquoi on parle d’un individu « racisé », on lui attribue une « race », mais celle-ci n’est pas réelle. Et comme le processus de racisation est une réalité sociale, des gens vivent de la discrimination, encore aujourd’hui, partout en Occident.

Non seulement Bock-Côté a-t-il mis de l’avant la notion pernicieuse de « racisme anti-blanc » en évoquant la discrimination positive à l’embauche qui pourrait être encouragée par l’étude de Radio-Canada, mais il avait déjà utilisé cette notion un an plus tôt, avant de rappliquer avec sa nouvelle chronique :

z4e racisme antiblanc

 

Bock-Côté le militant

Un aspect remarquable des interventions de MBC est qu’il assume pleinement le fait d’être en croisade contre le multiculturalisme. Par multiculturalisme, il entend la présence de la « diversité » en général, dans un sens très large qui peut recouvrir presque toutes les formes de discrimination pouvant être déplorées par les progressistes (féministes, antiracistes, défense des droits LGBTQ+).

z6 martineau mbc
Martineau et Bock-Côté écrivent souvent sur les mêmes thématiques, mais avec des styles différents

Dans un brûlot récent, il s’insurge contre « l’endoctrine­ment de masse de la jeunesse québécoise dans le cadre du cours ECR » (10 février). Notez bien la conclusion militante :

z5 ECR

C’est quoi ce délire à propos d’un soi-disant « endoctrinement » de nos jeunes? MBC se montre alarmiste et a même le toupet d’entrer la question de l’immigration – en la qualifiant de « massive » – dans l’équation :

z5 ECRb

Nous disions que Bock-Côté adopte une posture militante. Sur Facebook il encourage par exemple le PQ à intégrer le dossier « laïcité » à leur nouveau portfolio nommé « identité nationale » :

z6a identité et laïcité

Il se plaint que le SPVM ne devrait pas chercher à recruter davantage de minorités visibles (elles ne sont que 8,5% au SPVM contre 32,8% dans la population de Montréal!) :

z6b recruteurs blancs

Puis il invite son lectorat à entrer en « résistance » contre les méchants lobbies antiracistes qui essaient de nous faire croire que les discriminations sociales puissent exister. Ces lobbies sont tellement puissants qu’ils reçoivent l’appui des « grands médias de la pensée correcte » :

z6c les grands médias

 

Sur le racisme systémique

Bock-Côté reconnaît qu’il puisse y avoir quelques pommes pourries à droite et à gauche, le « racisme systémique » étant toutefois une « chimère » à laquelle il faut s’opposer vivement pour préserver notre identité :

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Dans un commentaire Facebook, il est convaincu que le racisme structurel est une « lubie idéologique » qui ne peut résister à la vraie sociologie – ah oui, il a un doctorat en sociologie…

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Les données sont pourtant éloquentes dans plusieurs secteurs, à l’effet que les personnes racisées apparaissent sous-représentées en permanence: à la télévision, dans la fonction publique, dans les postes de pouvoir… et sur-représentées derrière les barreaux et dans les taux de chômage… (voir cet article)

Le racisme s’exprime ordinairement de manière inconsciente comme l’explique magnifiquement Gabriella Kinté, dans cet entretien qui choqua MBC :

z8 procès en racisme

G. Kinté: « On dépeint toujours les personnes racistes comme des méchants fous furieux. Alors on ne peut pas s’imaginer que notre voisine, qui est gentille et nous offre des biscuits, préférera louer un appartement à un Sébastien qu’à un gars avec un nom arabe. C’est pourtant de la discrimination. »

L’antiracisme est une valeur québécoise – voire universelle – et non une valeur anti-québécoise. Si Mathieu Bock-Côté ne défend pas une vision « ethnique » du nationalisme, alors pourquoi s’échine-t-il à clamer de toutes ses forces que les « blancs » ne doivent rien céder aux minorités visibles, sous prétexte que toute ingérence serait anti-blancs?

Par ailleurs on attend toujours les preuves démontrant que le « petit lobby antiraciste » serait à la solde d’Ottawa et des « fédéralistes radicaux », comme il les nomme.

Bock-Côté propose des chroniques incendiaires, alarmistes et insensées dont on pourrait très bien se passer.

La Meute en Absurdistan

Dimanche après-midi, l’extrême-droite québécoise a participé à l’une des plus ridicules manifs de son histoire, en allant chanter des « Ô Canada » aux côtés d’une petite association de sino-canadiens se disant en colère contre Trudeau.

Quelques dizaines de membres de La Meute – démontrant encore une fois que les Meutons sont peu nombreux – se sont rendus sur place avec des pancartes « Tous les Canadiens sont égaux » et « Non au racisme ». En brandissant ces messages, puis en entonnant « Ô Canada » à tue-tête, on aurait cru des partisans de Justin Trudeau, d’autant plus qu’on laissait entendre que le Canada doit être plus ouvert et accueillant.

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L’extrême-droite est-elle devenue pro-immigration?

 

Le prétexte de l’événement

À la tête de l’événement se trouvaient des militants.es conservateurs de la communauté sino-canadienne, qui ont abusé d’un prétexte farfelu pour faire mal paraître Trudeau.

Quand une histoire d’agression contre une fillette de 11 ans était survenue en janvier, Trudeau avait déploré publiquement le fait que son hidjab ait été arraché puis déchiré : « Je voudrais lui souligner que nous sommes dans un pays d’ouverture, d’hospitalité (welcome) et que ce (genre de choses) n’y est d’aucune façon acceptable ».
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Jamais Trudeau n’a pointé la communauté chinoise du doigt. C’est plutôt la fake news qui avait prétendu qu’un «homme asiatique» était impliqué. Prétendre que Trudeau avait blâmé la communauté chinoise revient à répondre à une fake news par une autre fake news

Cela ne doit pas étonner, car ces manifestants.es font partie de la « Canadian Chinese Alliance », s’abreuvant aux médias de fausses nouvelles : « Rebel Media, real news! », scandent-ils dans leurs manifs (Rebel Media est un site d’information controversé d’extrême-droite, fondé par Ezra Levant en 2015).

Quant aux Meutons, ils ont sauté sur l’occasion pour marcher contre Trudeau, eux qui sont encore outrées de s’être fait traiter de « nonos » lors des commémorations du massacre de la Mosquée de Québec. Quoi de mieux qu’une sortie inintelligente pour prouver qu’on n’est pas nonos?

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La présence de Storm Alliance

Du côté de la S.A., c’est la même chose : on se cherche désespérément des prétextes pour se mobiliser et faire valoir son mécontentement. Les Stormers étaient à peine une quinzaine, au grand dam de leur ex-gourou Dave Treggett qui a prestement quitté les lieux.

z3 La gang Storm Alliance

Dans une égo-vidéo tournée peu après, « Treg » se plaint du fait que les manifestations ne servent plus à rien. Que la droite radicale plafonne car elle aurait sous-estimé ses adversaires :

« C’est une déception (…) malheureusement on a atteint notre quota côté manifestations, on sait que ça sert à rien (…) faut passer à une autre étape, on n’ira pas chercher plus de gens que ça. Y’a des gens qui patinaient juste à côté, c’était fuck all, les gens s’en foutaient ».

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Après s’être défoulé dans sa vidéo – et portant toujours les couleurs du groupe qu’il a fondé – il confirme son dégoût en nous informant qu’il quitte le « militantisme » :

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L’une de ses fans lui propose de former un nouveau parti politique avec la conspirationniste Josée Rivard :

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La Meute en déroute

Ça ne va pas mieux du côté des Meutons, qui semblent avoir abandonné leur projet de rédaction d’un « manifeste » qui jetterait les bases de leur plateforme politique, dans l’espoir d’influencer nos élus.es lors de la campagne québécoise à venir en 2018.

Leur chef Sylvain « Maikan » Brouillette avait vu son compte Facebook fermé il y peu de temps, après un statut où il se réclamait fièrement de l’« islamophobie ». Sa bévue avait refroidi ses ardeurs sur le plan des relations publiques.

z5c maikan islamophobe

 

Ce n’est sûrement pas cette récente manif au message contradictoire qui relancera son groupe raciste. Par exemple, il déclare dans ses bilans sur FB : « Les Canadiens sont des gens ouverts et accueillants », précisant aussi avoir noué une « solide alliance avec la communauté chinoise » et bientôt avec les « Premières Nations ». Vraiment?

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(C’est très crédible quand on voit sa photo de « croisé » prêt à en découdre avec les étrangers)

La vérité est que le nombre de membres fond comme neige au soleil. Il ne reste plus qu’une poignée de fidèles qui croit toujours en leur « Cause » diffuse: La Meute n’ayant jamais été capable d’identifier un seul « islamiste radical » au pays.

 

z5e sylvain-brouillette-la-meute

On peut voir sur toutes les images et sur les vidéos qu’aucun dialogue n’avait lieu avec la communauté chinoise présente : la plupart de ces derniers parlaient strictement mandarin et à peine l’anglais.

Lorsque la célèbre xénophobe Josée Rivard a tenté d’entamer une conversation avec l’un d’eux en expliquant son indignation contre les politiques gouvernementales, celui-ci rétorqua sèchement: « Good for you! ».

z6 Josée Rivard

Il faut dire que la deuxième cible préférée de Josée Rivard, dans ses envolées racistes, a souvent été les « Chinois » qu’elle accuse de soudoyer les Libéraux avec des cadeaux « cheap »: « Les Chinois s’en viennent s’installer au Québec, wouuuhouuu! Bien sûr, ils vous font des cadeaux de Dollorama! » (24 janvier).

***

Que l’extrême-droite essaie de nous faire croire qu’elle tisse des liens solides avec les communautés culturelles relève du vaudeville. Si elle ne sait plus quoi inventer pour augmenter son membership, c’est une excellente nouvelle!

Sur Discernement.net – média anti-progressiste

Le journal en ligne «Discernement.net» fut lancé il y a six mois, par «des gens inquiets» par le monde d’aujourd’hui, que l’on décrit comme une «époque orwellienne» où le «journalisme rigoureux a fait place à de la propagande digne des belles années communistes».

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On s’attaque par exemple à Radio-Canada, «tour du mensonge» :

z2 radio-can

 

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Les premiers textes furent d’abord signés par Marco Leclerc, un ex-membre de La Meute, fier de ses positions radicalement islamophobes :

z3a marco islamophobe

D’autres textes, signés par François Doyon, me visaient directement, en ajoutant des images de mon visage en gros plan. Je me rappelle m’être demandé : «Discernement.net est-ce un nouveau gadget créé par Doyon pour mieux me harceler?».

Force est de constater, six mois plus tard, que trois autres articles m’ont ciblé personnellement dans les dernières semaines, incluant une campagne de dénigrement auprès de Radio-Canada.

 

Doyon, un harceleur

Bien que François Doyon admette qu’on ne s’est jamais parlé, il a affirmé au journal Le Soleil qu’il n’a jamais digéré que j’aie pu critiquer la polémiste Djemila Benhabib par le passé. Faut croire que critiquer Benhabib ça ne se fait pas, c’est tout à fait interdit au Québec!

Donc voilà pourquoi il s’acharne sur mon cas et essaie de me faire perdre des occasions d’emploi et d’éventuelles tribunes dans les médias.

Il sponsorise ainsi ses articles contre moi et fait appel à des caricaturistes :

z3 doyon

Il promet de me faire bloquer toute perspective d’emploi, en interférant dans les comités de sélection:

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Puis il partage des images d’actes de vandalisme au métro Joliette, me traitant de «pute du Canada», «sodomite» et «terroriste», en en faisant sa bannière Facebook :

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Il s’est réjoui de ces méfaits publics, il en rajouta même une couche en «likant» un commentaire souhaitant que les méfaits se poursuivent et en demandant si j’étais «bottom»:

z5b Doyon

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Ça donne déjà une assez bonne idée de quel personnage se trouve derrière Discernement.net.

Passons maintenant à Marco Leclerc, co-administrateur de la page Facebook et ex-Meuton.

 

Marco Leclerc, l’Érudit

Leclerc est l’un des trois co-signataires de la lettre ouverte contre moi, adressée à Radio-Canada. Il est aussi un incontournable contributeur de Discernement.net, ayant rédigé 17 articles, dont le tout premier, intitulé : «L’islamophobie est un humanisme» (Sartre doit se retourner dans sa tombe).

En voici un résumé, affirmant notamment que l’islam «encourage le sexe avec les enfants» :

z6 Marco Leclerc2

Mais d’où vient ce Marco Leclerc? D’après sa présentation, il semble que ce soit un «érudit» admirable :

z6b Marco érudit

Mais chez les antiracistes, il est mieux connu pour ses interventions stupéfiantes sur le groupe secret de La Meute.

Le 15 février 2017, par exemple, une militante islamophobe recherchait des suggestions pour «freiner la construction de mosquées à Sherbrooke». Marco Leclerc répondit qu’il faudrait aller «poser du sang de cochon sur terrain (et qu’ils le sachent)». Il compare aussi l’islam en Occident à la montée d’Hitler :

z6c Marco Le clerc La Meute

Il faut croire que l’horrible attentat d’Alexandre Bissonnette contre une mosquée ne l’avait pas ému outre mesure, car ces commentaires avaient été rédigés peu après…

Par ailleurs, au lendemain de l’attentat, il minimisa l’attentat de Bissonnette en épousant la thèse des deux tireurs et en les qualifiant de simples «citoyens écoeurés» :

z6d marco leclerc3

 

Conclusion

Quand on parcourt les articles du journal Discernement.net, on peut rapidement observer qu’on y fait une fixation sur l’islam, comme l’illustre cette réflexion qui fut partagée 54 fois: «Monde à l’envers. Cette photo est le symbole par excellence de ce qui ne va pas dans notre société»:

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On parle d’un blogue qui se réclame de l’islamophobie comme une vertu:

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Parfois on y prend de courtes pauses pour condamner le féminisme d’aujourd’hui, ou dénigrer des individus comme Anarchopanda, ou associer Québec solidaire à «l’islamisme» :

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J’aurais une petite suggestion : pourquoi ne pas changer le titre du journal pour Harcèlement.net – Place aux préjugés?

Éric Duhaime et La Meute

Éric Duhaime est un fin connaisseur de La Meute.

Il s’avère un journaliste rigoureux qui observe le groupe raciste de l’intérieur, depuis aussi loin que sa fondation en novembre 2015. C’est pourquoi il est membre – en toute connaissance de cause – de leur page secrète afin de bien saisir leur idéologie dans les moindres détails.

z1b Éric duhaime membre

Rien qu’au mois de décembre dernier, il a invité deux fois le chef de La Meute – Sylvain « Maikan » Brouillette – pour bien s’assurer que ses milliers d’auditeurs aient l’heure juste sur la nature réelle du groupuscule.

 

Entrevue du 29 décembre

Duhaime commence ainsi l’entrevue: « On parle d’une scission au sein de La Meute, le groupe qui combat l’islam radical ». À plusieurs reprises, l’animateur insiste sur le bienfondé de cette lutte qui se concentre avec une précision chirurgicale sur l’« islam radical » uniquement.

Un peu plus loin, il s’inquiète par exemple de l’avenir de Maikan : « Est-ce que vous avez l’intention de militer contre l’islam radical à un autre niveau? ». Bin oui, pourquoi pas en politique tant qu’à y être?

Lors d’un passage particulièrement périlleux, Éric Duhaime se moque des personnes qui critiquent La Meute :

— « D’ailleurs j’me suis ramassé dans le trouble parce que j’étais membre de votre page privée, pis ça l’air que c’est bin dangereux là… »

Maikan — « C’est pas vraiment raciste, extrémiste de droite… »

Duhaime — « Islamophobe, etc., hahhhahaha! ». Rires jaunes de Duhaime, Maikan et Mme Ségal…

Ah oui, la co-animatrice de Duhaime, Myriam Ségal, est également une spécialiste ès La Meute, étant membre de leur page « Non aux produits Halal », ainsi que de leur groupe secret :

z1c Myriam ségal membre
(Ils peuvent bien rire jaune, car Maikan les comptabilise comme étant deux membres de La Meute à part entière)

L’animateur polémiste poursuit en demandant pourquoi La Meute ressent le besoin d’avoir une « page qui ne soit pas publique »? Qu’a-t-elle à cacher? Maikan répond : « Elle n’est pas vraiment secrète, il y a plusieurs journalistes qui sont dessus ». Duhaime en convient: « J’en suis »…

Bon, il admet qu’il est toujours là, mais est-il vraiment journaliste??

z2 caricature d'Alex Fatta

Conclusion : « Bon bin Sylvain Brouillette, j’imagine qu’on va sûrement se reparler en 2018 car j’ai l’impression que votre carrière de militant contre l’islam radical n’est pas terminée ».

 

La Meute n’a jamais rien fait contre l’islam radical

Si Duhaime et Ségal infiltrent La Meute depuis sa fondation, tels de véritables agents 007, ils auraient peut-être pu remarquer qu’à part paranoïer en gang, le groupe n’a jamais pu identifier ni stopper un seul « musulman radical » au Québec. La vaste majorité des publications ne servent qu’à alimenter l’islamophobie des participants.es.

z4 éric duhaime
(Duhaime à la pêche aux poissons radicaux)

Donnons un exemple récent, tiré du groupe secret.

Le 24 janvier, Maikan publia un statut visant le chef du NPD, Jagmeet Singh. Non seulement M. Singh n’est pas un « musulman radical », mais il n’est même pas musulman : il est sikh. Ce qui n’empêchera pas les Meutons de déverser leur fiel raciste contre lui :

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Comme M. Singh porte le turban, Maikan lui reproche de ne pas pouvoir faire de la moto de manière sécuritaire. En fait, il ouvre le bal des commentaires en lui souhaitant un bel accident :

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Avertissement, les remarques suivantes rivaliseront de violence :

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D’autres commentaires seront carrément racistes et incongrues :

 

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Qui sont les « radicaux » dans cette histoire-là?

La fondation de La Meute : grâce à l’«étincelle» Benhabib

La Meute a été fondée en octobre 2015, par des vétérans des Forces armées canadiennes.

Dans une entrevue réalisée en octobre dernier – peu après le putsch qu’il venait de subir – l’ex-chef Patrick Beaudry explique quelles influences idéologiques déterminantes avaient motivé les pères de La Meute à démarrer leur projet militant : Djemila Benhabib et Fatima Houda-Pepin.

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L’animateur Stu Pitt (lui-même membre du groupe d’extrême-droite à cette époque) posait cette question sur l’événement fondateur de La Meute :

« Là tu m’as dit qu’au départ vous êtes allés voir une conférence de Mme Djemila Benhabib, ça a créé comme une espèce d’étincelle »

Beaudry confirme :

« Oui, oui, oui! Mme Benhabib et Mme Houda-Pepin, qui sont des icônes pour la défense de la laïcité, les sonneuses de cloche les plus probantes. (…) On a ces deux personnes-là très vivantes dans notre esprit. Mme Benhabib donne une conférence. On se ramasse là trois. Presque assis sur le stage. Première rangée. Et on écoute le propos de Mme Benhabib (…). Ça sonnait comme quelque chose de très intellectuel où elle voulait, elle, témoigner de sa propre expérience et influencer une intelligentsia politique, à son propos ».

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(Patrick Beaudry s’était fait renversé de force par Sylvain « Maikan » Brouillette, en septembre)

Stu Pitt lui explique que l’approche de Benhabib est « intellectuelle », tandis que La Meute va poursuivre la même œuvre, mais auprès de « monsieur et madame tout le monde ». Il reprend: « Mais disons que c’est l’esprit de Mme Benhabib qui allume quelque chose, et on s’en va? »

Beaudry : « Oui, absolument! Et j’irais même jusqu’à dire que, suite à ça, lentement (…) ça amène une réorientation de La Meute. Ce que Mme Benhabib avait déjà compris, nous pas ».

Quand on se rend sur la page Facebook publique de La Meute, on peut d’ailleurs remarquer que le premier grand « événement » auquel ils se sont joints fut une manifestation en soutien à Djemila Benhabib, poursuivie alors pour diffamation par un établissement scolaire privé :

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À l’été 2017, les Meutons l’admiraient toujours, allant jusqu’à garantir les services de sécurité de l’un de ses colloques, selon les dires de Stu Pitt et des dirigeants eux-mêmes :

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Sur cette photo, on peut apercevoir les chefs meutons qui s’étaient mobilisés pour l’occasion :

conférence benhabib

 

D’autres influences

Durant l’entrevue avec Stu Pitt, Patrick Beaudry affirme que d’autres intellectuels ont aussi, par la suite, profondément inspiré La Meute.

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On peut penser tout à bord au grand sociologue identitaire Mathieu Bock-Côté, qui semble toujours écrire la même chronique pourfendant le « multiculturalisme », la perte de l’identité québécois et la menace « islamiste ».

Voici ce qu’en pense « Maikan », porte-parole de La Meute :

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Un autre visionnaire qui impressionne fortement La Meute est Richard Martineau, qui a la chance d’avoir une section consacrée à ses chroniques sur leur site web officiel.

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Rappelons que Martineau a été ajouté au groupe secret depuis aussi loin que novembre 2015. Il le sait. Il l’a admis en ondes, mais il y reste. Allez savoir pourquoi…

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« Maikan » a également une haute opinion de Martineau. Il le considère être « un loup qui s’ignore », qui finira peut-être bien par « sortir du placard ».

Chose certaine, à chaque fois « qu’il ouvre la bouche », « il a exactement le même discours que La Meute » :

z7 Maikan Martineau ouvre la bouche