Prenant prétexte d’un fait divers, un escadron de chroniqueurs du Journal de Montréal s’est encore une fois rué à la barricade afin de venir en aide aux pauvres « hommes blancs hétérosexuels » injustement malmenés par les féministes et antiracistes d’aujourd’hui…
Mardi, un dossier spécial est ainsi annoncé à la une : « Sommes-nous coupables d’être des hommes blancs? ». Martineau et Facal, deux droitistes privilégiés, se prononceront. Tout un débat en perspective…
Mathieu Bock-Côté ajoutera son grain de sel, tandis que Sophie Durocher écrivit deux chroniques sur le même sujet, tellement elle ne pouvait rater l’occasion de casser du sucre sur le dos des féministes.
Que s’est-il passé de si catastrophique?
L’histoire à l’origine de cette pseudo-crise est assez banale : le chanteur Louis-Jean Cormier avait affirmé dans un premier temps (dans La Presse+ du samedi) qu’il ne croyait pas qu’il fallait imposer la parité hommes-femmes dans les grands festivals de musique, les choix artistiques étant plus fondamentaux selon lui. Après s’être fait rabroué par quelques amies, Louis-Jean Cormier changea son fusil d’épaule :
Le « mea-culpa » de Cormier découle d’une décision libre et personnelle comme il le dit dans son statut. Il croit avoir fait une bourde, juste après la Journée internationale des femmes par surcroît. Mais il faut croire que certains n’ont pas aimé qu’il admette avoir « l’air d’un gros mononc débile et arriéré », certains se sont peut-être sentis visés.
Martineau le révolté
Pour Richard Martineau, on ne devrait jamais chercher à comprendre quels avantages l’on pourrait tirer du fait d’être « un homme blanc hétérosexuel » (citation d’un passage de Cormier). Voici le titre de sa chronique :
Au lieu de reconnaître que les femmes, les personnes racisées et les minorités sexuelles et de genres subissent des discriminations, Martineau se réfugie dans un argumentaire simpliste visant à prouver que bien des blancs privilégiés souffrent eux aussi :
Le problème avec son argumentaire, c’est que (1) les personnes discriminées sont « sur-représentées » dans ces différentes sphères, même si nous avons tous les mêmes qualités à la naissance, les personnes discriminées se retrouveront avec davantage d’obstacles sur leur chemin. Et (2) si des hommes blancs hétérosexuels se trouvent parfois dans la misère eux aussi, ce n’est pas à cause des minorités ou des personnes qui réclament l’égalité. Ils ne vivent pas le racisme ni le sexisme systémique.
Ce qui fait de Martineau un réactionnaire, c’est qu’il est convaincu qu’un tel état de fait inversé existe, à cause des maudits gauchistes :
Facal et le multiculturalisme
Pour Joseph Facal, tout est la faute du « multiculturalisme » canadien. Celui-ci forcerait l’homme blanc au silence :
Facal s’intéresse au cas spécifique d’une députée fédérale qui a reproché au conservateur Maxime Bernier d’avoir condamné le terme « Canadiens racisés ». Bernier a jugé que cela était une forme de racisme inversé qui divise les Canadiens (Lise Ravary a d’ailleurs répliqué dans le Journal de Montréal en soutenant elle aussi que « l’antiracisme est un racisme »).
Joseph Facal ne mâche pas ses mots :
De quoi parle-t-il? Les discriminations sont une réalité sociale. En tenir compte est faire preuve de lucidité et d’humilité.
Durocher et la castration
Du côté de Sophie Durocher, elle fustige sévèrement Louis-Jean Cormier, l’accusant d’avoir retourné sa veste. À l’entendre parler, le pauvre Cormier aurait subi une véritable castration de la part des méchantes féministes :
Dans sa brillante chronique, Durocher pointe ainsi du doigt « nos féministes », qu’elle nomme aussi « les inquisitrices du Plateau », secondées par les « Donneurs de leçon du Mile-End » (quessé ça?) :
Bref, elle semble surtout furieuse des mots employés par M. Cormier, qui affirme s’être senti comme un « mononc débile ». Après tout, les positions anti-parité sont fréquemment entendues dans les pages du Journal de Montréal :
Bock-Côté contre l’égalitarisme
Quant à MBC, il utilise un discours victimaire comme si les hommes blancs souffraient à notre époque, en raison des deux grands courants « médiatiquement dominants », l’antiracisme et le féminisme :
Où a-t-il pêché qu’il s’agissait d’idéologies dominantes? Ni les médias, ni la classe politique, ne sont particulièrement « gauchistes » au Québec. Les médias sont toujours trop progressistes au goût des réactionnaires. MBC perçoit les féministes comme étant trop présentes et trop puissantes dans l’espace public :
À noter aussi que M. Bock-Côté qualifie ce féminisme ordinaire de « féminisme radical » – où ça des féministes radicales? La chanteuse Laurence Nerbonne et les Sœurs Boulay? – et qualifie l’anti-racisme de « racisme haineux ». Cette stratégie de diabolisation lui permettra de ne pas passer pour un antiféministe ou un raciste.
En vaillant combattant conservateur, MBC réprimande Cormier pour avoir fléchi sous la pression. Il n’a pas de « colonne » et s’est livré à une autocritique « délirante », donc insensée :
En conclusion, on peut remarquer l’étonnante harmonie musicale entre tous ces choristes chantant le mépris de la justice sociale. On croirait n’entendre qu’une seule voix, tant il y a concordance d’un texte à l’autre. Une chance que les médias dominants sont vendus au progressisme…