Il était temps de revenir à nos achats récents ! J'ai essayé de trouver une thématique sur ces 4 simples achetés entre juillet et septembre 2017 aux puces de Clignancourt (tous les disques sauf un) et à Born Bad (le troisième).
Enregistrés entre 1967 et 1969 ces quatre 45 tours expriment bien la transition entre R&B et Funk. Si le second découle clairement du premier et en conserve l'instrumentation (importance de la batterie, la basse, usage des cuivres pour souligner), il en est finalement assez différent car ils n'accentuent pas sur les mêmes temps: premier pour le funk, deux et quatre pour le R&B. En dansant les morceaux il est facile de ressentir le changement, en effet le placement de l'emphase va vous conduire à choisir de taper du pied sur une partie différente de la mesure, par exemple plutôt la grosse caisse ou la caisse claire. Un autre changement se profile aussi dans ces disques: le passage du format chanson vers une structure plus proche de l'improvisation, la transe et la boucle.
Dans la soul et le R&B de la première moitié des années soixante, la structure couplet refrain domine largement, James Brown est certainement l'un des premiers à s'en affranchir dans la seconde partie de la décennie. Les morceaux ainsi créés semblent ainsi pouvoir durer indéfiniment, maintenant l'intérêt de l'auditeur par des variations, notamment rythmiques. Le rôle de James Brown va ainsi évoluer, d'un chant classique et structuré autour d'un texte vers quelque chose de l'ordre de l'exclamation et son infinité de nuance. Il positionne le chanteur dans une autre dynamique, plus proche du maître de cérémonie que de l’interprète que l'on vient voir et écouter. La voix devient alors un instrument à part entière dont on recherche l'effet percussif mettant en valeur le rythme plutôt que le texte ou les accords.
Le funk aura, sans surprise, une influence déterminante sur les musiques modernes, notamment sur le rap et les musiques électroniques (house, techno, jungle etc.) dans lesquels la notion de boucle est centrale et plus importante que la construction autour d'accords. Le genre connaît plusieurs phases, une première, avant l'apparition du disco, crue et sèche, avant de venir à des formats plus pop, à la suite du raz de marée four to the floor, dans les discothèques. Nous nous intéressons aujourd'hui à cette première période.
Honneur au maître James Brown. Si l'intéressé a eu des périodes moins glorieuses (honnêtement living in America c'est pas foufou), au sommet de son art son groupe et lui étaient fantastiques. Dimanche dernier j'écoutais une pile de simples aux puces, je place I Don't Want Nobody to give me nothing (1969) sur la platine, en dix secondes je sais que je veux ce disque. On notera l'accentuation funk prononcée sur le premier temps avec un crash et parfois même des notes de cuivres qui ressemblent à une boucle de rap prête à l'emploi. Ainsi James Brown t'attrape immédiatement et en quelques mesures la messe est dite: tu tapes du pieds. J'ai parfois tendance à oublier à quel point les bons morceaux de James Brown sont vraiment bons et d'une dynamique incroyable. La sensation est difficile à rendre à l'écrit: de l'ordre du viscéral, ça balance. Un grand monsieur indéniablement.
Marvin Holmes & The Uptights ont sorti un unique album en 1969 sur UNI. Il a bénéficié d'un pressage français de même que deux 45 tours du groupe: Ride Your Mule et Ooh Ooh the Dragon, le tout chez Maxi. Je serais curieux de savoir comment ont ces disques ont pu bénéficier d'une édition française, en effet il n'en n'existe pas d'anglaise par exemple ! J'ai malheureusement assez peu d'informations à vous donner sur le groupe, à commencer par sa région ? Peut-être que l'un de nos lecteurs saura nous renseigner ? Sur Marvin Holmes je peux néanmoins vous dire qu'il a également sorti deux albums supplémentaires avec The Justice et un en solo. Ride Your Mule (1968) est en tout cas une petite pépite funk bien relevée dont les cuivres me font penser à Funky Nassau de The Begining of the End ! Encore une fois la chose est construite un peu n'importe comment, prétexte à une débauche de batterie des plus jouissives et des incantations de voix enthousiastes. Qui s'en plaindrait ? pas moi !
Harvey Scales and the Seven Sounds est un groupe de R&B/funk de Milwaukee actif entre 1961 et 1975. Ils ont sorti 11 simples (et aucun album) en 8 ans (entre 1967 et 1975) notamment chez Chess Records. Get Down (1967) est le premier d'entre eux, il est paru chez Magic Touch aux USA et a été pris en licence par Atlantic dans trois autres pays (qui distribuait néanmoins le 45 tours aux USA via ATCO): Canada, UK et France. Seul un autre 45 tours du groupe a été publié en dehors des États Unis et encore une fois ce fut en France. Notre pays avait-il un goût particulier pour cette musique ? Get Down exprime bien pour moi la transition entre R&B et funk, je le classerais plutôt spontanément dans la première catégorie d'ailleurs même si l'on perçoit clairement l'influence de James Brown. Le morceau me fait aussi penser à Land of 1000 Dances de Wilson Pickett notamment dans l'usage des cuivres sur certains passages... Quoi qu'il en soit un excellent morceau, super pêchu et dynamique !
Finissons par la plus grosse curiosité de la sélection: Alan Shelly. Il s'agit du pseudonyme d'Alain Deloumeaux, un chanteur vraisemblablement d'origine guadeloupéenne (voir les commentaires de cet article de Vivonzeureux). Le musicien a également participé au groupe Malinga Five. Sur ce 45 tours il est probablement accompagné par Manu Di Bango qui co-signe la face B avec Davy Jones (loin d'être un inconnu des diggers français). Can You Do It est une excellente tentative R&B pas si éloignée que ça de Jess & James par exemple. Encore une fois je pense aussi à Land of 1000 Dances peut être à cause de l'énumération de danses comme le boogaloo ! Si vous avez des infos complémentaires, n'hésitez surtout pas à les poster en commentaire.