Navigation – Plan du site
I. TECHNOLOGIE CULTURELLE

L’Étude des systèmes techniques

Une urgence en technologie culturelle
Pierre Lemonnier
p. 46-67

Texte intégral

1La technologie culturelle est la branche de l’ethnologie qui traite des systèmes techniques. Qu’est-ce à dire ? Plus que par des définitions aussitôt contestables ou un programme de travail impossible à tenir, c’est en relation avec une recherche concrète qu’une réponse est ici proposée à cette question.

Pourquoi système technique ?

2D’abord en conformité avec l’usage ethnologique qui qualifie souvent de « système » telle ou telle partie de la réalité sociale, arbitrairement isolée pour les besoins de l’étude. On parlera de système technique comme on parle de système de parenté ou de système de représentations ; ainsi M. Mauss :

« l’ensemble des techniques forme des industries et des métiers. L’ensemble : techniques, industries et métiers, forme le système technique d’une société » (1947 : 29).

  • 1  Il n'est plus nécessaire de rappeler qu'hormis l'œuvre d'A. Leroi-Gourhan et de quelques autres, l (...)
  • 2  Libre à d'autres disciplines de considérer (provisoirement ?) les techniques comme un champ d'étud (...)

3Ou encore Claude Lévi-Strauss, pour qui « même les techniques les plus simples d’une quelconque société primitive revêtent le caractère d’un système, analysable dans les termes d’un système plus général » (1973 : 20). Il va de soi que ces parrainages prestigieux ne sont pas évoqués ici pour leur efficacité1 mais bien pour réaffirmer - et ne plus y revenir - que les phénomènes techniques sont des phénomènes sociaux à part entière et sont affaire d’ethnologue ; celui-ci n’étudiera les techniques que pour en faire apparaître les relations avec les autres phénomènes sociaux2.

4Mais parler de système technique permet aussi de mettre l’accent sur l’interdépendance, l’interaction, des éléments qui le constituent, sans qu’il soit d’ailleurs possible d’aller plus loin dans le sens d’une référence à l’« analyse de systèmes » (Barel 1971) et, moins encore, à une « théorie générale des systèmes » (Bertalanffy 1973). La technologie culturelle se contente pour l’instant de leur emprunter quelques concepts (feed-back, interaction dynamique, régulation, loi de composition interne / adaptation au milieu...), sans toujours le savoir d’ailleurs, et, au mieux, un état d’esprit : adopter une démarche intégrative plutôt que sectorielle. Pas de quoi fouetter un chat, donc, même si historiquement, c’est dans le domaine technique que l’analyse des systèmes a connu ses premières réussites, la recherche opérationnelle balbutiante assurant l’approvisionnement simultané en tôles et en rivets de ce qui devait devenir char d’assaut ou liberty-ship. Le traitement « systémique » des systèmes techniques n’est pas encore au programme chez les ethnologues.

5Avant de voir en quoi et comment les techniques forment un système, il y a lieu de rappeler ce qu’on entend par « techniques » ou ce que l’on inclut sous les vocables « domaine technique », « phénomènes techniques », « culture matérielle », etc., souvent équivalents dans les faits.

6Pour parler simple, tout ce qui concerne l’action de l’homme sur la matière relève de la technique, au moins tant qu’on invoque le sens commun et qu’on ne s’embarrasse pas d’équivalences « pensée-matière » ou « énergie-information », qui transformeraient rapidement cette formule à l’emporte-pièce en une définition de toute activité humaine... Vaste domaine, donc, qui recouvre aussi bien les manières de faire fonctionner son propre corps que la transformation des ressources du milieu naturel en produits plus ou moins élaborés. Trois ordres de phénomènes s’offrent alors à l’analyse : des objets bien sûr, qui sont les moyens d’action sur la matière, et ce sans préjuger de leur dimension ou de leur origine naturelle ou artificielle ; des processus, eux-mêmes décomposables en chaînes opératoires regroupant des séquences gestuelles ; des connaissances enfin, exprimables ou non par les acteurs.

7Ainsi cernées, si ce n’est définies, les techniques présentent, à première vue, trois niveaux d’interaction leur conférant le caractère de système, et constituent autant de champs d’étude pour une ethnologie des techniques : interactions entre les éléments qui interviennent dans une technique donnée ; entre les diverses techniques développées par une société donnée, dont l’ensemble constitue son système technique proprement dit ; entre ce système technique et les autres composantes de l’organisation sociale.

8On doit d’abord noter que j’ai implicitement supposé qu’il était possible de saisir les limites d’une technique, ce qui n’a rien d’évident, mais n’est fort heureusement qu’affaire de définition. En effet, la dénomination des divers ensembles qui, tantôt juxtaposés, tantôt emboîtés, constituent un système technique, ne peut être qu’arbitraire, tout comme le niveau d’analyse adopté pour son étude, d’ailleurs (Lemonnier 1976). Pour un peu, on pourrait isoler autant de techniques qu’on perçoit de modes d’action sur la matière, suivant les besoins du moment et la pertinence du découpage : faire des nœuds, polir, construire une automobile, passer un fil à coudre dans le chas d’une aiguille, série dont la disparité indique le peu d’intérêt pour une quelconque analyse. Plusieurs attitudes sont ici possibles. Définir des types d’action sur la matière, communs à de multiples techniques, par exemple, qui sont autant d’instruments d’analyse internes aux techniques, et les utiliser pour établir une classification à vocation universelle, par rapport à laquelle chacun peut se retrouver.

9On reconnaît ici les « moyens élémentaires d’action sur la matière » d’A. Leroi-Gourhan et les « forces » qui les mettent en œuvre (préhension, percussion, feu, eau...). Sans doute discutable, ne serait-ce que parce que son degré de généralité la rend peu applicable à l’étude détaillée des techniques d’une seule société, cette méthode a néanmoins fait la preuve de son efficacité tout au long des quelque 800 pages de L’homme et la matière et de Milieu et Techniques (Leroi-Gourhan 1971, 1973), inégalées pour... longtemps.

  • 3  Ainsi pour rendre compte de la succession de plusieurs opérations techniques : la « structure » de (...)

10Une autre approche consiste à établir des critères de tri plus formels, en cherchant à caractériser les étapes et les composantes d’un processus technique, avec référence à un produit fini. Outre l’hétérogénéité des terminologies proposées - à la limite, chacun peut avoir la sienne3 - ces tentatives présentent l’inconvénient plus grave d’introduire un semblant d’ordre là où il n’y en a pas encore. On enregistrera un indéniable progrès lorsque l’un d’entre nous aura appliqué sa propre terminologie à plus d’un exemple, voire aux matériaux d’autrui. En attendant, et compte tenu du problème abordé ici, on pourra admettre, avec un flou tout à fait volontaire, qu’on peut identifier une technique à l’ensemble des procédés permettant d’effectuer une action donnée sur la matière : chasser le lapin, tisser un filet, construire une maison, par exemple.

  • 4  Au hasard : le labour à bras et la peinture à l'huile ?

11Dire alors, pour une société donnée, qu’une technique forme système, c’est insister sur la complexité des interactions qui s’établissent, dès ce niveau, entre les éléments auxquels elle fait appel, qu’il s’agisse de la combinaison de chaînes opératoires, du couple geste-outil, ou de la mobilisation de connaissances spécifiques. Mais la plus simple des techniques implique généralement le recours à des chaînes opératoires ou des portions de chaînes opératoires présentes dans d’autres techniques. Ficher un pieu dans le sol, par exemple, implique non seulement le débitage d’un tronc d’arbre selon une technique particulière (sans parler de l’abattage de l’arbre), mais encore une éventuelle préparation du sol (avant-trou), la préhension du pieu (à une main, deux mains, en haut, en bas), une attitude du corps (prendre un élan, s’accroupir...), le rebouchage du trou et/ou le tassement du sol autour du pieu, etc. c’est rappeler que l’isolement d’une technique, à fin d’identification ou d’étude, sera généralement artificiel ; il serait a contrario intéressant de rechercher des techniques, qui, dans une même société, sont sans rapport aucun les unes avec les autres4. On voudra bien admettre, cependant, que les logiques et les types d’interrelation ne sont pas identiques, ne serait-ce que pour une question d’échelle, suivant que l’on considère une technique arbitrairement isolée ou l’ensemble des techniques développées par un groupe donné, son système technique donc.

12Les diverses techniques d’une société - construction de maisons, modes de transport, travail du sol, techniques de chasse, techniques du corps, cuisine, etc., pour en énumérer quelques exemples concrets - peuvent en effet partager les mêmes ressources (matières premières et forces naturelles), les mêmes lieux, les mêmes connaissances, les mêmes acteurs. La réutilisation par les unes des produits des autres (qu’il s’agisse d’une matière première plus ou moins élaborée ou d’un outil), ou l’emprunt de principes techniques signifient qu’un système technique n’est que la combinaison de multiples processus, qui s’articulent les uns aux autres, avec autant d’ajustements et de dépendances réciproques, au gré de leur succession ou de leur convergence.

  • 5  Il en est d'autres, notamment le système qui englobe, de proche en proche, les techniques de group (...)

13Tel est donc le second niveau d’interaction des phénomènes techniques, celui du système formé des diverses techniques d’une même société5. Le troisième niveau dont doit rendre compte la technologie culturelle est évidemment celui des relations entre un système technique et l’organisation sociale dont il participe. C’est là une vieille histoire. Je ne ferai qu’en donner un résumé orienté pour montrer que paradoxalement, l’ethnologie est en ce domaine à la pointe du combat ; paradoxalement puisque la majorité des ethnologues persiste à ignorer superbement la culture matérielle. Air connu.

Système technique et organisation sociale

14Si l’idée de système technique est dans l’air depuis au moins un demi-siècle, et presque banale pour quelques ethnologues, c’est à un historien, B. Gille, que l’on doit la réflexion la plus vaste en ce domaine, comme d’ailleurs la diffusion de la notion même de système technique hors d’un cercle de spécialistes. Toute son œuvre est en effet une tentative pour cerner toutes époques confondues - mais sociétés primitives exclues - la logique et l’évolution du couple système technique/société. C’est pourtant peut-être la technologie culturelle qui est en passe de fournir, à moyen terme, des exemples de ces « compatibilités » ou « cohérences » entre techniques, ou entre techniques et système social, que B. Gille a souvent traquées, parfois même montrées du doigt, mais dont il a rarement pu démonter les mécanismes concrets. Mais reprenons.

  • 6  Comme l'attelage antique, l'étrier ou le moulin à vapeur, respectivement responsables du déclin de (...)
  • 7  Telle la stagnation des techniques à la fin de l'empire romain ou dans la Chine du xvie siècle, ex (...)
  • 8  Voir la manière dont s'exerce selon M. Godelier (1973a 13-82) la « causalité structurale » de l'éc (...)

15Après l’époque des grandes fresques historiques, celles des déterminismes étroits et à sens unique qui voyaient quelques faits techniques aussi isolés que célèbres engendrer à eux seuls de profondes transformations sociales6, ou expliquaient le blocage d’un développement technique par des phénomènes sociaux7, c’est une histoire technique des techniques que nous a donnée B. Gille, en réponse au souhait de L. Febvre. Aussi et surtout, il a montré jusqu’où pourrait conduire une problématique qui est identique à celle de la technologie culturelle, n’en déplaise à ceux pour qui les techniques industrielles changeraient la nature des rapports entre techniques et société. Plus encore, il a posé cette problématique en des termes familiers à l’anthropologie économique : ceux de cohérence et compatibilité8.

L’Étude des systèmes techniques

  • 9  B. Gille a cherché à expliquer l'évolution des systèmes techniques qui se sont succédé dans et par (...)

16Certes parler de « compatibilité » de la machine à vapeur avec les autres techniques (qu’on ne constate pas avant 1880 en France), ou des adaptations successives qui permirent la « cohérence » des techniques de filature et de tissage (en Grande Bretagne au xviiie siècle), ou encore arguer de la « non-cohérence » de systèmes techniques et sociaux qui explique l’existence de systèmes techniques « bloqués » (Egypte et Mésopotamie, monde gréco-romain, Amérique pré-colombienne, Chine), laisse le lecteur sur sa faim. Mais B. Gille en a parlé avec tant de force et d’érudition, et, surtout tant de constance dans la logique de son raisonnement, qu’aucun doute n’est permis sur la réalité des phénomènes invoqués ou sur l’efficacité de la démarche suivie. D’autres notions présentées dans son Histoire des Techniques (1978) laissent le lecteur insatisfait : par exemple celle d’« équilibre » d’un système technique ou de « saturation » des techniques qui le composent9. Mais, là encore, c’est peut-être à l’échelle de l’ethnologie que se trouvent les méthodes et les démarches théoriques qui permettront de leur donner un contenu plus solide, moins intuitif. Pour B. Gille, en effet, la « correspondance » d’un système social avec un système technique doit pouvoir s’appréhender à travers les « modes de vie », les « habitudes sociales », la « nature des communautés », les « façons de penser ». Or, ce qui n’est chez lui qu’un programme alimente des recherches anthropologiques contemporaines.

Anthropologie et techniques : une attitude

  • 10  « Les moyens matériels et intellectuels que les membres d'une société mettent en œuvre à l'intérie (...)
  • 11  J'ai analysé ailleurs (Lemonnier 1980 : 4-8) plus en détail les travaux de P. Bonte (1973, 1974, 1 (...)

17Un peu arbitrairement, je n’en retiendrai qu’un courant, au demeurant celui qui semble le mieux constitué, et qui concerne dans la littérature d’inspiration marxiste, ce qu’il est convenu d’appeler l’articulation des forces productives et des rapports sociaux de production. Ce n’est d’ailleurs pas que les auteurs soient ici légion, mais depuis une quinzaine d’années, des chercheurs comme P. Bonte, J.-P. Digard, M. Godelier, Cl. Meillassoux, E. Terray, P. Ph. Rey ou R. Cresswell et son équipe ont travaillé dans une même direction, avec ou sans concertation. En bref, leurs recherches ont pris trois formes : l’analyse des rapports sociaux qui s’établissent à l’occasion du contrôle ou de l’utilisation des forces productives10, en particulier l’étude de la répartition de la force de travail ou du mode d’accès aux moyens de production ; l’étude des effets directs de certains processus techniques sur l’organisation sociale des groupes qui les mettent en œuvre ; celle, enfin, des conditions techniques et sociales qui déterminent la productivité du travail11. À de rares exceptions près, ces travaux ont en commun de considérer les techniques comme un donné ; même lorsqu’on en considère les effets, c’est sous la forme de « contraintes », par définition extérieures aux autres phénomènes sociaux. La vieille notion de « niveau des forces productives » n’est pas loin, dont on peut penser avec P. Bonte (1978 : 11) qu’elle est à la fois dangereuse et peu opérationnelle. Elle est en tout cas non-manipulable, si ce n’est stérilisante dès qu’on vise autre chose qu’un schéma évolutionniste unilinéaire de l’humanité. Fait trop rare pour être passé sous silence, on trouve aussi chez quelques-uns de ces chercheurs un intérêt pour les connaissances techniques (Chamoux 1978, Lefébure 1978) et même des descriptions de systèmes techniques (Digard 1981 ; Lemonnier 1975, 1980) ! Ce sont là deux attitudes qui relèvent d’une autre approche, complémentaire des travaux évoqués à l’instant, qui consiste à étudier les rapports entre système technique et organisation sociale en considérant, au moins pour un instant, les faits techniques pour eux-mêmes, comme une donnée à part entière. C’est dans cette perspective, toujours nouvelle faute d’un nombre suffisant de chercheurs, que s’inscrit ma propre démarche. Il est à noter que l’on en est encore aujourd’hui à explorer divers domaines, chacun tentant, à juste titre, l’approche qui lui semble la plus raisonnable, suivant ses intérêts propres et... les possibilités offertes par le terrain d’enquête. Ainsi, pour s’en tenir à l’équipe de R. Cresswell, certains ont choisi d’étudier une technique et ses implications sociales : l’irrigation (Bédoucha-Albergoni 1976), la cuisine (Mahias 1979, 1981), l’habitat (Vignet-Zunz 1977, Montigny 1979, Cresswell 1966), l’exploitation de l’agave (Fournier 1979), la pêche (Geistdoerfer 1976), la production de sel (Lemonnier 1975, 1980) ; d’autres ont considéré l’immense domaine des connaissances techniques, qui constitue à lui seul un pont privilégié entre techniques et système social, puisque ces connaissances font partie intégrante du système de représentation de toute société, en tentant par exemple une approche du vocabulaire technique par la lexicographie et la linguistique synchronique (Lefébure 1978), ou en étudiant les modes de transmission des savoirs techniques (Chamoux 1978). Les vues présentées ici n’impliquent donc aucune exclusive. Dans ma propre démarche, j’ai résolument opté pour une analyse qui partait de l’aspect le plus matériel des techniques, ce qui passait d’abord par la constitution d’un corpus de faits techniques. Pourquoi et comment ?

  • 12  En 1982, ce sont deux jeunes joailliers qui ont observé ces processus pendant leurs « vacances » e (...)

18Au « pourquoi » la réponse est simple : discourir à l’infini sans référence aucune à des descriptions fines d’objets, de processus, de gestes, de savoirs, confine tout bonnement à l’absurde ; un peu au sabordage, aussi, puisque les systèmes techniques disparaissent aussi vite que les sociétés qui les ont développés. Forte de cette logique implacable, l’ethnologie des techniques risque bien d’être devenue une discipline sans objet lorsqu’elle en aura terminé d’affûter ses concepts. À propos d’affûtage, sait-on qu’il n’existe pas de recueil de temps de travail fiable concernant la mise en forme et le polissage d’une pierre d’herminette, qui constitue pourtant l’attribut de bon nombre de néolithiques12 ? Ainsi, faute de temps, des choix sont à faire.

19L’étude des processus techniques implique le recueil de chaînes opératoires ; c’est toujours autant de versé aux archives de technologie. Mais surtout, la « simple » étude d’un processus technique constitue un moyen inexploité, et pourtant immédiat, de mettre en rapport des phénomènes techniques et des phénomènes sociaux. J’en donnerai deux illustrations.

La mise en évidence des moments stratégiques

20Au sein même des processus ou des chaînes opératoires, c’est un autre moyen immédiat de saisir une relation entre système technique et système social. Une opération sera dite stratégique si son accomplissement est nécessaire à la poursuite du processus, si elle ne peut être différée, annulée ou remplacée sans en remettre gravement le résultat en cause (Lemonnier 1976 : 143-144, 1980 : 9-12). On peut la mettre en évidence au seul vu de l’agencement des processus techniques. Il suffit alors de s’interroger sur le contrôle social de ces moments ou tâches stratégiques pour se retrouver de plain-pied dans la problématique de l’articulation des forces productives et des rapports de production. Un rapide exemple : l’étude des techniques de production de sel entre Guérande et l’île d’Oléron a fait ressortir l’importance du moment où l’on décide d’évacuer l’eau douce qui peut recouvrir les salines, aussi bien au printemps qu’en cours de saison, après une période de pluie ; hors de cette zone de référence, dans le golfe du Morbihan où l’exploitation des salines était, dès le milieu du xixe siècle, le fait d’une compagnie capitaliste, et non l’objet d’une exploitation familiale comme partout ailleurs, c’est précisément à ce moment du processus technique que l’on voit intervenir un personnage inconnu partout ailleurs, le contremaître.

Les variantes

21Quelle que soit l’échelle, le niveau d’observation, auquel on se place, elle laisse apparaître des variantes. Il ne s’agit pas seulement ici de la présence ou de l’absence d’un trait quelconque (une dimension sur laquelle nous reviendrons), mais bien du fait qu’il existe des manières différentes de faire une même chose. Tenter d’expliquer ces variantes, c’est explorer leur contexte, matériel mais aussi socio-culturel, ce qui conduit généralement à la mise en évidence de liens pertinents entre un phénomène technique et une réalité sociale. J’en donnerai trois exemples, correspondant à trois niveaux d’analyse d’une même technique, la production de sel marin sur la côte atlantique. Dans les marais de Guérande, au nord de la Loire, on recueille le « sel fin » qui se forme par beau temps, à la surface de l’eau qui recouvre les cristallisoirs ; immédiatement au sud de la Loire, on déclare au contraire qu’il est impossible de le récolter sous peine d’empêcher le « sel gris » de grossir sur le fond des cristallisoirs (ce qui est faux), et que, pour cette raison, on en brise au contraire la mince pellicule, de manière à la redissoudre dans la saumure. Techniquement incompréhensible, cette variante attire l’attention sur les conditions sociales de production et de distribution du sel fin : alors qu’il n’a aucun débouché au sud de la Loire, sa récolte était effectuée à Guérande par des acteurs particuliers, les « porteuses », étrangères à la famille de l’exploitant, qui recevaient ce sel comme rétribution de leur travail sur la saline d’autrui et en assurait l’écoulement auprès des conserveries de la Turballe (Lemonnier 1975 : 506-510 ; 1980 : 97-99, 105-109). L’entre-deux-guerres a vu la disparition simultanée des porteuses, des conserveries et de la récolte systématique du sel fin. Elle est effectuée aujourd’hui avec plus d’ardeur que jamais, le sel fin étant écoulé auprès des touristes ou des épiceries de luxe parisiennes. Deuxième exemple à un autre niveau d’analyse, on constate une étroite corrélation entre la forme des dispositifs de contrôle de l’arrivée de l’eau de mer, à l’entrée des réservoirs principaux des salines, et la place de la production de sel parmi les autres activités économiques des exploitants, par ailleurs également viticulteurs ou agriculteurs (Lemonnier 1980 : 155 sq.). Enfin en un même lieu, une opération « de détail » comme l’élimination de la vase qui recouvre les cristallisoirs à la fin de l’hiver présente d’importantes variantes (nombre d’acteurs, outils durée) qui renvoient directement aux transformations des conditions socio-économiques de l’exploitation des salines (Lemonnier 1976 : 136 sq.).

La saline "Lavalle"

La saline "Lavalle"

Face au village du Clis, dans le marais salant de Guérande (Commune de Guérand, Loire-Atlantique, 1972-1974, P. Lemonnier). Voir également le cahier des illustrations réunies en fin d’article.
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

22Le cas le plus simple d’analyse de variantes consiste évidemment à relever les traits techniques présents, ou au contraire absents, dans telle ou telle culture, ou groupe local, quelle que soit là encore l’échelle à laquelle l’observation est conduite. L’inventaire établi, il y a lieu d’étudier la distribution « géographique » d’un même trait ou, mieux, d’ensembles de traits fonctionnellement indépendants. Chez les Anga de Nouvelle Guinée, où je mène une recherche depuis 1978, de tels traits seront par exemple : la forme des barrières des jardins, la découpe des pointes de flèches et les types de maison, sans liaisons fonctionnelles évidentes, on l’admettra. C’est sous-entendre qu’il existe entre ces divers traits une certaine cohérence (des liaisons) renvoyant soit au partage d’un même « milieu technique » (Leroi-Gourhan 1973 : 340 sq.) - ce « fond de ressources techniques » (Balfet 1975 : 47) dont on peut toujours postuler qu’il est commun aux membres d’un groupe ou de plusieurs groupes, même sans trop savoir retracer cette appartenance commune - soit au partage d’une même tradition d’utilisation, de classement, de représentation des techniques. C’est là un gros problème, déjà difficile à poser : au-delà de leurs liaisons matérielles supposées (principe technique, tour de main, etc.), diverses techniques présentes en même temps (c’est-à-dire ensemble) dans un ou plusieurs groupes ont-elles autre chose en commun et quoi ?

23Ceci renvoie en particulier à la question que posent toutes les variantes techniques qui n’admettent pas d’explication strictement matérielle, et dont on peut se demander si elles n’ont pas le caractère de signe.

24C’est en effet un double comparatisme que j’ai entrepris, à petite échelle, au sein de douze groupes anga de Nouvelle-Guinée : comparer leurs cultures matérielles (leurs systèmes techniques), d’une part ; leurs organisations sociales d’autre part, et tenter de voir si les différences enregistrées dans chacun de ces deux champs d’étude entretiennent de quelconques rapports. C’est à terme, s’attaquer au contenu de la notion de « culture » anga, donc d’essayer de voir en quoi et comment une douzaine de groupes parlant des langues apparentées et partageant - au premier abord - une même culture matérielle, et un même type d’organisation sociale, mais exploitant des écosystèmes différents, constituent une unité culturelle, par ailleurs toujours affirmée dans la littérature.

  • 13  En l'occurrence celle acquise en enquêtant pendant plusieurs mois sur les techniques d'un seul gro (...)

25Un tel comparatisme est une méthode qui permet d’obtenir rapidement des résultats, ce qui pourrait bien être une condition sine qua non de toute recherche en technologie culturelle, compte tenu du peu d’avancement de la discipline. C’est néanmoins une entreprise de longue, très longue haleine. Le recueil de faits techniques, d’abord, implique des passages successifs dans un même groupe, ne serait-ce que pour y enquêter sur un trait dont on n’a appris l’existence que depuis la visite précédente, ou pour éclaircir des informations douteuses. Or les 60 000 ou 70 000 Anga occupent un territoire qui s’étend sur 140 km de profondeur entre les Hautes-Terres de Nouvelle-Guinée et les abords du Golfe de Papouasie. Même avec une pré-connaissance des phénomènes étudiés13, la « simple » enquête technologique pourrait occuper des mois dans chaque groupe ; quant à l’enquête d’anthropologie sociale, il serait vain de prétendre l’approfondir partout. En plus des Baruya, plusieurs groupes anga ont heureusement fait l’objet de travaux ethnographiques (environ un sur deux). Je me suis pour l’instant contenté, en ce domaine, de passer un questionnaire concernant des points fondamentaux des organisations sociales anga : rapports hommes/femmes, cycle initiatique, règles de parenté et de résidence, conditions d’accès et d’utilisation des jardins et des brousses de chasse etc. Même si depuis G.P. Murdock et ses épigones (voir Lomax et Arensberg 1977 pour un cas récent) les mots « traits culturels » ou, simplement « comparatisme » ont en France une forte odeur de soufre, il reste que ces informations concernent plusieurs dizaines de traits culturels,

26pertinents pour l’étude des sociétés en question, d’un raffinement sans doute assez médiocre, mais dont la cartographie et le croisement raisonné avec un autre ensemble de quelques dizaines de variables concernant toutes le domaine technique, devraient fournir, à terme, des informations nouvelles pour la problématique « techniques et culture ».

27La phase d’observation et de recueil des phénomènes techniques est aujourd’hui avancée. Pour douze groupes anga et quatre groupes non-anga, les informations concernent les maisons et abris divers, le travail des jardins, le travail du bois, la chasse, les pièges, les arcs et les flèches, la cuisine, le portage et des productions variées (sel végétal, chaux, capes d’écorces, liens divers, teinture, etc.). Autant de techniques à décrire, avant de se lancer dans leur analyse. Car une chose est de disposer de photographies (voire de films cinématographiques ou de bandes de magnétoscope, pour ce qui a été enregistré sous cette forme par J.-L. Lory), et de notes de terrain retraçant, minute par minute, un processus quelconque ; c’est tout autre chose d’en rendre compte par écrit. Quant aux méthodes d’analyse, elles sont encore à créer : comment rechercher les régularités, les variantes, les exclusions, les thèmes récurrents qui constituent autant de caractéristiques des systèmes étudiés, toutes techniques prises en compte ?

28Le recueil systématique du vocabulaire technique que j’ai effectué, dans une quinzaine de groupes également, devrait permettre d’étudier sa répartition et de la comparer à celle du vocabulaire « autre », de manière à voir si, sous ce rapport, les frontières linguistiques correspondent ou non à celles établies à partir de ces autres « marqueurs » culturels que sont les traits techniques étudiés. Seules les cartes restent à faire...

29Tel est le programme de technologie culturelle en cours chez les Anga de Nouvelle-Guinée. Il faudra, l’une après l’autre, « publier » chaque technique ou ensemble de techniques, cartographier le vocabulaire, rédiger l’anthropologie sociale comparée des différents groupes, puis se lancer dans l’étude des relations réciproques de ces divers phénomènes.

30Peut-être aurait-il mieux valu achever de rédiger la technologie comparée de la production de sel chez les Anga, plutôt que d’écrire ces pages ? Au moins le lecteur saura-t-il que la technologie de la production de sel, des arcs et des flèches ou des capes d’écorces, qu’il rencontrera ici ou là, au gré de publications à venir, correspond à un projet d’ensemble.

Haut de page

Bibliographie

Balfet, H. 1975 Technologie. In R. Cresswell (éd.) Éléments d’ethnologie. 2, Six approches. Paris : A. Colin, 44-79.

Barel, Y. 1971 Prospective et analyse de systèmes. Paris : La Documentation française (Travaux et recherches de prospective. Schéma général d’aménagement de la France 14).

Bedoucha-Albergoni, G. 1976 Système hydraulique et société dans une oasis tunisienne, Études rurales 62 : 39-72.

Bertalanffy, L. von 1973 Théorie générale des systèmes. Paris : Dunod.

Bonte, P. 1973 La "formule technique" du pastoralisme nomade. In J. Barrau, P. Bonte & J.-P. Digard, Études sur les sociétés de pasteurs nomades. 1, Sur l’organisation technique et économique. Paris : Centre d’Études et de Recherches Marxistes (CERM) (Cahiers du CERM 109), 6-32.

— 1974 Études sur les sociétés de pasteurs nomades. 2, Organisation économique et sociale des pasteurs d’Afrique

Orientale. Paris : CERM (Cahiers du CERM 110).

— 1978 Sur l’articulation des forces productives et des rapports de production. Paris : CERM, groupe d’études sur les forces productives (multigraph.).

Chamoux, M.-N. 1978 La transmission des savoir-faire : un objet pour l’ethnologie des techniques ? Techniques et culture 3 : 46-83.

Cresswell, R. 1960 Les concepts de la maison : les peuples non industriels. Zodiac 7 : 182-198.

— 1966 Contribution ethnologique aux études architecturales de circulation. Études rurales 21 : 101-109.

— 1976 Avant-propos. Techniques et culture : 5-6.

Digard, J.-P. 1973 Contraintes techniques de l’élevage sur l’organisation des sociétés de pasteurs nomades. Documents et perspectives de travail. In J. Barrau, P. Bonte & J.-P. Digard, Études sur les sociétés de pasteurs nomades. l, Sur l’organisation technique et économique. Paris : CERM (Cahiers du CERM 109), 33-50.

— 1977 Aperçu sur quelques problèmes théoriques concernant l’identification, le mouvement et l’appréciation du niveau des forces productives. In J.-P. Digard, A. Geistdoerfer, A. Haudricourt & Ch. Parain, À propos des forces productives. Paris : CERM (Cahiers du CERM 132), 3-21.

— 1979 La technologie en anthropologie : fin de parcours ou nouveau souffle ? L’Homme XIX, 1 : 73-104.

— 1981 Techniques des nomades baxtyâri d’Iran. Cambridge/Paris : Cambridge University Press/Éditions de la Maison des sciences de l’homme.

Elvin, M. 1973 The pattern of the chinese pasto. Stanford: Stanford University Press.

Finley, M.-I. 1965 Technical innovation and economic progress in the ancient world. The Economic History Review 18 : 29-45.

Fournier, D. 1979 Modes d’exploitation de l’agave et organisation sociale. Techniques et culture 4 : 30-95.

Geistdoerfer, A. 1976 Description des Techniques. Techniques et culture 1 : 60-99.

Gille, B. 1978-1979 Histoire des techniques. Paris : Gallimard.

— 1979 La notion de système technique (essai d’épistémologie technique). Techniques et culture 1 : 8-18. Godelier, M. 1973a Horizons trajets marxistes en anthropologie. Paris : Maspéro.

— 1973b Avec la collaboration de J. Garanger. Outils de pierre, outils d’acier chez les Baruya de Nouvelle Guinée. L’Homme XIII (3) : 187-220.

— 1973c Modes de production, rapports de parenté et structures démographiques. La Pensée 198 : 7-50.

— 1977 Infrastructure, sociétés, histoire. Dialectiques 21 : 41-53.

Lefébure, C. 1978 Linguistique et technologie culturelle : l’exemple du métier à tisser vertical berbère. Techniques et culture 3 : 84-148.

Lefebvre des Noettes, Cdt. 1931 L’attelage. Le cheval de selle à travers les âges. Contribution à l’histoire de l’esclavage. Paris : Picard.

Lemonnier, P. 1975 Production de sel et histoire économique : introduction à l’étude ethnologique d’un village du marais de Guérande. Thèse de troisième cycle, Paris : Université Paris V-René Descartes.

— 1976 La description des chaînes opératoires : contribution à l’analyse des systèmes techniques. Techniques et culture 1 : 100-151.

— 1980 Les salines de l’Ouest. Logique technique, logique sociale. Paris : Éditions de la Maison des Sciences de l’homme/Presses universitaires de Lille.

— 1982 Jardins anga, Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée XXIX (3-4) : 227-247. Leroi-Gourhan, A. 1971 Évolution et techniques. L’homme et la matière. Paris : Albin Michel (1re ed. 1943).

— 1973 Évolution et techniques. Milieu et techniques. Paris : Albin Michel (1re ed. 1945). Levi-Strauss, C., 1958, Anthropologie structurale. Paris : Plon.

— 1968 Introduction à l’œuvre de M. Mauss. In M. Mauss, Sociologie et Anthropologie. Paris : Presses universitaires de France, IX-LII.

— 1973 Anthropologie structurale deux. Paris: Plon.

Lomax, A. & C.-M. Arensberg 1977 A Worldwide evolutionary classification of cultures by subsistence systems, Current Anthropology XVIII (4): 659-708. Mahias, M.-C. 1979 Architecture et espace social. Un exemple d’habitation urbaine en Inde du Nord, Techniques et culture 4 : 4-29.

— 1981 Délivrance et convivialité. Le système culinaire des Jaina de Delhi. Thèse de troisième cycle, Paris :

Université Paris V-René Descartes. Marx, K. 1961 Misère de la philosophie. Paris : Éditions sociales (1re ed. 1847). Mauss, M. 1947 Manuel d’ethnographie. Paris : Payot.

— 1968 Les techniques du corps. In M. Mauss, Sociologie et Anthropologie. Paris : Presses universitaires de France, 365-386.

Meillassoux, C. 1967 Recherches d’un niveau de détermination dans la société cynégétique. L’homme et la société 6 : 95-106.

— 1975 Femmes, greniers et capitaux. Paris : Maspéro.

Montigny, A. 1979 Espace pastoral, espace rural au Qatar. Techniques culture 4 : 96-124.

Rostow, W. W. 1976 Comment tout a commencé. Les origines de l’économie moderne. Paris : Hachette.

Sigaut, F. 1980 Projet de cours de technologie 1. Objet et champ de la technologie. Paris : École des hautes études en sciences sociales (multigraph.).

Terray, E. 1972 Le Marxisme devant les sociétés primitives. Paris : Maspéro.

Vignet-Zunz, J. 1977 L’habitat rural dans l’Ouarsenis (Algérie). Techniques et culture 2 : 27-78.

White, L. 1969 Technologie médiévale et transformations sociales. Paris/La Haye : Mouton.

Haut de page

Annexe

Protégée du soleil par sa « fanchette » Catherine Malenfant récolte le sel fin qui s’est formé à la surface des cristallisoirs (« œillets ») un jour où les conditions météorologiques étaient favorables à ce phénomène.
Jusqu’à la fin des années 1940, ce sel particulier était récolté par les « porteuses », dont il servait à dédommager le travail.
Bien avant l’aube, ces femmes, qui étaient bien souvent parmi les plus pauvres, transportaient la récolte de la veille sur leur tête, dans des récipients de bois appelés « gèdes ». (1972-1974, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.

© P. Lemonnier

Lili Malenfant a plus de 70 ans lorsqu’il charge du sel récolté la veille l’une de ces brouettes de bois introduite dans le marais vers 1949, peu après la production par Dunlop du premier pneumatique porteur en agriculture. Bouleversant l’organisation du travail, son horaire et son rendement, ainsi que les rapports sociaux en jeu lors de la distribution du sel fin, la brouette a entraîné une petite révolution, autant « technique » que « sociale », modifiant plusieurs aspects du système sociotechnique local liés entre eux. (1972-1974, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.

© P. Lemonnier

À lui seul, ce « mulon » de sel illustre un aspect clef de l’histoire économique du marais salant de Guérande. Chargé d’eau, le sel doit s’assécher avant d’être vendu. Du temps de l’impôt sur le sel payé « au poids », ce séchage était essentiel, car il aurait été absurde et ruineux de payer des taxes sur le poids de l’eau mêlée aux cristaux. La misère régnant et faute de pouvoir « spéculer » - d’attendre un cours du sel plus élevé lors d’une future mauvaise récolte - les paludiers non-propriétaires (l’écrasante majorité) étaient obligés de vendre leur part (les deux tiers) de la récolte à bas prix à des négociants disposant, eux, de hangars et d’une importante trésorerie. Bien protégé par un manteau de terre et de « gazons », un mulon permettait à ceux qui le pouvaient d’attendre des jours meilleurs pour écouler leur production. L’organisation coopérative introduite dans les années 1970 a totalement modifié cette situation, dès lors que les paludiers ont eu les moyens de stocker et d’écouler leur sel eux-mêmes. (1972-1974, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.

© P. Lemonnier

Vallée de Wonenara, Eastern Highlands Province, Papouasie Nouvelle-Guinée. (1978, photo Lemonnier)

© P. Lemonnier

Les barrières de bois sont omniprésentes dans le paysage baruya. Elles protègent jardins et hameaux des divagations des porcs, autant qu’elles délimitent des « propriétés ».
Décrire leur fabrication constitue une bonne activité ethnographique pour qui ne sait pas encore un mot de la langue de ses hôtes. Compter des planches et des ligatures, photographier et mesurer, noter des temps de travail ou faire nommer des variétés d’arbres, correspondait de plus aux problématiques des années 1970, centrées sur l’organisation du travail et l’échange. (Wonenara, 1978, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.

© P. Lemonnier

En fait, le brouhaha qui accompagne la construction collective d’un jardin individuel baruya va de pair avec un accent sur la coopération qui est propre aux groupes Anga du nord.
On comprend aujourd’hui que fabriquer cet objet qu’est une barrière est un moyen de dire et de montrer simultanément, de façon non verbale, ces trois piliers de l’ordre social baruya que sont l’inégalité des rapports hommes/femmes, la solidarité entre co-initiés, et la coopération entre des beaux-frères ayant « échangé des sœurs » pour se marier.
L’objet et les actions physiques qui l’entourent prennent une tout autre signification anthropologique, qui prend en compte, enfin, ce qu’il y a lieu d’expliquer, à savoir l’inextricable mélange de relations sociales et d’actions matérielles propres à un groupe humain particulier (Wonenara, 1978, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

Récolte et brûlage collectif des cannes à sel

Récolte et brûlage collectif des cannes à sel

Pour l’essentiel, les enquêtes successives sur le sel végétal des Baruya ont porté sur les temps et l’organisation du travail, ainsi que sur la valeur-travail relative des barres de sel et des objets contre lesquels on l’échangeait. (Godelier 1969, Lemonnier 1984, Weller 2006)
Selon les étapes de la chaîne opératoire prises en compte par les différents chercheurs dans la mesure de la durée du processus, les taux d’échanges sont apparus tantôt favorables, tantôt défavorables aux Baruya. (Wonenara, 1978, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

Weller (2006) a mis en avant la spécificité des sources très minéralisées irriguant les champs de sel des Baruya. Transportée dans des entrenœuds de bambou dont on voit ici le remplissage, l’eau servait également au filtrage-lessivage des cendres de Coïx laér’ma jobi. (Wiobo, vallée de Wonenara, 1978, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

Une fillette goûte la saumure qui s’écoule des gourdes remplies de cendres de Coïx afin de savoir quand changer la matière à lessiver. Recueillie dans des bambous, puis transportée vers un four, cette saumure s’évapore après plusieurs jours et nuits de lente ébullition, et le sel durcit en longues barres qui ont la forme ovoïde des alvéoles dans lesquelles il cristallise. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier)
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

Un four à sel baruya est une poterie géante, réalisée à partir d’un mélange d’argile et de cendres de Coïx lessivées qui recouvre un long tunnel de pierres. On voit ici le four à sel de Kandawatse, avant sa remise en état. Chaque cuisson de saumure implique la réparation des alvéoles et leur doublage avec des feuilles de bananier parfaitement étanches. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

Pas plus que des temps de travail ou des formes de coopération, l’odeur d’hydrogène sulfuré qui signale la teneur en minéraux des sources baruya (liée au volcanisme actif du mont Yelia ?), ni l’existence de grandes étendues plates favorables à la création de champs de Coïx irrigués ne peuvent rendre compte des deux énigmes « systémiques » que pose la fameuse « monnaie de sel » des Baruya : celle de l’invention, par une population isolée, de cultures irriguées de cannes à sel et d’une forme de poterie inconnue sur la planète, et celle de sa présence dans une zone, les Hautes-Terres de Nouvelle-Guinée, où l’on ne produit pas de poterie. Ici, notre ignorance reste totale.
Kandawatse répare son four avant d’y installer des augets en feuilles de bananiers. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

L’autre mystère concerne la « symbolique » (pour dire bref) de ces objets, eux aussi unique au monde, que sont les barres de chlorure de potassium (toxique) baruya, comme celle qu’emballe ici Kandawatse.
On peut imaginer avec Mimica (1981) qu’il s’agit d’une image de sperme solidifié, mais rien, dans l’ethnographie des Baruya, ne vient à l’appui de cette idée séduisante. On peut aussi continuer d’enquêter, même si on ne produit plus de sel à Wonenara, où des caféiers et... une piste d’aviation ont remplacé les champs de cannes.
L’étude du sel baruya illustre en tout cas notre adaptation progressive aux modes théoriques et aux méthodes du moment, les nécessaires allers-retours entre terrain en théorie, et, plus généralement, le temps lent et long d’une démarche monographique - ainsi que son incompatibilité radicale avec la recherche sur contrat. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier).
Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale

© P. Lemonnier

Haut de page

Notes

1  Il n'est plus nécessaire de rappeler qu'hormis l'œuvre d'A. Leroi-Gourhan et de quelques autres, le programme exposé dès 1934 par M. Mauss (1968) est resté lettre morte. On peut malheureusement en dire autant du souhait de Cl. Lévi-Strauss de voir des Archives internationales des Techniques corporelles se constituer sous l'égide de l'UNESCO (1968 : XIII).

2  Libre à d'autres disciplines de considérer (provisoirement ?) les techniques comme un champ d'études en soi. Ce ne peut être le cas en technologie culturelle

3  Ainsi pour rendre compte de la succession de plusieurs opérations techniques : la « structure » de B. Gille correspond à peu de choses près à la « chaîne opératoire » de R. Cresswell, qui n'est guère éloignée, il faut bien l'avouer, de la « filière » de F. Sigaut. Celle-ci par contre n'a aucun rapport avec la « filière » de B. Gille, laquelle, pourquoi le cacher, ressemble fort à mon « processus technique »... (Gille 1978 : 106 ; Sigaut 1980 10-11).

4  Au hasard : le labour à bras et la peinture à l'huile ?

5  Il en est d'autres, notamment le système qui englobe, de proche en proche, les techniques de groupes culturels différents, à l'échelle d'une région, voire d'un continent. L'évolution des systèmes techniques répond de même à une logique d'interrelations.

6  Comme l'attelage antique, l'étrier ou le moulin à vapeur, respectivement responsables du déclin de l'esclavage, de la féodalité et du capitalisme industriel, vus par Lefebvre des Noëttes (1931), L. White (1969) et Marx (1961), ce dernier dans un raccourci pédagogique qui a eu hélas, la vie dure, comme l'a rappelé J.-P. Digard (1979).

7  Telle la stagnation des techniques à la fin de l'empire romain ou dans la Chine du xvie siècle, expliquée la première par une tendance des hommes de l'Antiquité à répondre politiquement au déclin de la main-d'œuvre (Finley 1965), la seconde par le manque d'esprit inventif des Chinois (Rostow 1976 ; Elvin 1973).

8  Voir la manière dont s'exerce selon M. Godelier (1973a 13-82) la « causalité structurale » de l'économie

9  B. Gille a cherché à expliquer l'évolution des systèmes techniques qui se sont succédé dans et par le mouvement de l'histoire. Pour lui les systèmes techniques se développent jusqu'à atteindre un état d'« équilibre », ou la « saturation » de toutes les techniques - leur non-possibilité de développement ultérieur dans le cadre du système considéré. Une limite atteinte dans un secteur donné peut bloquer la totalité du système. C'est le progrès technique qui permet le passage d'un système technique à l'autre.

10  « Les moyens matériels et intellectuels que les membres d'une société mettent en œuvre à l'intérieur de divers procès de "travail" pour agir sur la nature et en extraire leurs moyens d'existence » (Godelier 1977 : 42, souligné par M. Godelier).

11  J'ai analysé ailleurs (Lemonnier 1980 : 4-8) plus en détail les travaux de P. Bonte (1973, 1974, 1978), J.-P. Digard (1973, 1977), M. Godelier (1973a, 1973b, 1973c), Cl. Meillassoux (1967, 1975) et E. Terray (1972).

12  En 1982, ce sont deux jeunes joailliers qui ont observé ces processus pendant leurs « vacances » en Irian Jaya (Nouvelle Guinée Orientale) !

13  En l'occurrence celle acquise en enquêtant pendant plusieurs mois sur les techniques d'un seul groupe, les Baruya, dont l'anthropologie sociale « classique » est connue par ailleurs, par les travaux de M. Godelier et J.-L. Lory.

Haut de page

Table des illustrations

URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 168k
Titre La saline "Lavalle"
Légende Face au village du Clis, dans le marais salant de Guérande (Commune de Guérand, Loire-Atlantique, 1972-1974, P. Lemonnier). Voir également le cahier des illustrations réunies en fin d’article. Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 392k
Légende Protégée du soleil par sa « fanchette » Catherine Malenfant récolte le sel fin qui s’est formé à la surface des cristallisoirs (« œillets ») un jour où les conditions météorologiques étaient favorables à ce phénomène.Jusqu’à la fin des années 1940, ce sel particulier était récolté par les « porteuses », dont il servait à dédommager le travail.Bien avant l’aube, ces femmes, qui étaient bien souvent parmi les plus pauvres, transportaient la récolte de la veille sur leur tête, dans des récipients de bois appelés « gèdes ». (1972-1974, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 448k
Légende Lili Malenfant a plus de 70 ans lorsqu’il charge du sel récolté la veille l’une de ces brouettes de bois introduite dans le marais vers 1949, peu après la production par Dunlop du premier pneumatique porteur en agriculture. Bouleversant l’organisation du travail, son horaire et son rendement, ainsi que les rapports sociaux en jeu lors de la distribution du sel fin, la brouette a entraîné une petite révolution, autant « technique » que « sociale », modifiant plusieurs aspects du système sociotechnique local liés entre eux. (1972-1974, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 676k
Légende À lui seul, ce « mulon » de sel illustre un aspect clef de l’histoire économique du marais salant de Guérande. Chargé d’eau, le sel doit s’assécher avant d’être vendu. Du temps de l’impôt sur le sel payé « au poids », ce séchage était essentiel, car il aurait été absurde et ruineux de payer des taxes sur le poids de l’eau mêlée aux cristaux. La misère régnant et faute de pouvoir « spéculer » - d’attendre un cours du sel plus élevé lors d’une future mauvaise récolte - les paludiers non-propriétaires (l’écrasante majorité) étaient obligés de vendre leur part (les deux tiers) de la récolte à bas prix à des négociants disposant, eux, de hangars et d’une importante trésorerie. Bien protégé par un manteau de terre et de « gazons », un mulon permettait à ceux qui le pouvaient d’attendre des jours meilleurs pour écouler leur production. L’organisation coopérative introduite dans les années 1970 a totalement modifié cette situation, dès lors que les paludiers ont eu les moyens de stocker et d’écouler leur sel eux-mêmes. (1972-1974, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 560k
Légende Vallée de Wonenara, Eastern Highlands Province, Papouasie Nouvelle-Guinée. (1978, photo Lemonnier)
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 724k
Légende Les barrières de bois sont omniprésentes dans le paysage baruya. Elles protègent jardins et hameaux des divagations des porcs, autant qu’elles délimitent des « propriétés ».Décrire leur fabrication constitue une bonne activité ethnographique pour qui ne sait pas encore un mot de la langue de ses hôtes. Compter des planches et des ligatures, photographier et mesurer, noter des temps de travail ou faire nommer des variétés d’arbres, correspondait de plus aux problématiques des années 1970, centrées sur l’organisation du travail et l’échange. (Wonenara, 1978, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale.
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 648k
Légende En fait, le brouhaha qui accompagne la construction collective d’un jardin individuel baruya va de pair avec un accent sur la coopération qui est propre aux groupes Anga du nord.On comprend aujourd’hui que fabriquer cet objet qu’est une barrière est un moyen de dire et de montrer simultanément, de façon non verbale, ces trois piliers de l’ordre social baruya que sont l’inégalité des rapports hommes/femmes, la solidarité entre co-initiés, et la coopération entre des beaux-frères ayant « échangé des sœurs » pour se marier.L’objet et les actions physiques qui l’entourent prennent une tout autre signification anthropologique, qui prend en compte, enfin, ce qu’il y a lieu d’expliquer, à savoir l’inextricable mélange de relations sociales et d’actions matérielles propres à un groupe humain particulier (Wonenara, 1978, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 688k
Titre Récolte et brûlage collectif des cannes à sel
Légende Pour l’essentiel, les enquêtes successives sur le sel végétal des Baruya ont porté sur les temps et l’organisation du travail, ainsi que sur la valeur-travail relative des barres de sel et des objets contre lesquels on l’échangeait. (Godelier 1969, Lemonnier 1984, Weller 2006)Selon les étapes de la chaîne opératoire prises en compte par les différents chercheurs dans la mesure de la durée du processus, les taux d’échanges sont apparus tantôt favorables, tantôt défavorables aux Baruya. (Wonenara, 1978, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 596k
Légende Weller (2006) a mis en avant la spécificité des sources très minéralisées irriguant les champs de sel des Baruya. Transportée dans des entrenœuds de bambou dont on voit ici le remplissage, l’eau servait également au filtrage-lessivage des cendres de Coïx laér’ma jobi. (Wiobo, vallée de Wonenara, 1978, photo Lemonnier).Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 952k
Légende Une fillette goûte la saumure qui s’écoule des gourdes remplies de cendres de Coïx afin de savoir quand changer la matière à lessiver. Recueillie dans des bambous, puis transportée vers un four, cette saumure s’évapore après plusieurs jours et nuits de lente ébullition, et le sel durcit en longues barres qui ont la forme ovoïde des alvéoles dans lesquelles il cristallise. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier)Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
Crédits © P. Lemonnier
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 560k
Légende Un four à sel baruya est une poterie géante, réalisée à partir d’un mélange d’argile et de cendres de Coïx lessivées qui recouvre un long tunnel de pierres. On voit ici le four à sel de Kandawatse, avant sa remise en état. Chaque cuisson de saumure implique la réparation des alvéoles et leur doublage avec des feuilles de bananier parfaitement étanches. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier).Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 436k
Légende Pas plus que des temps de travail ou des formes de coopération, l’odeur d’hydrogène sulfuré qui signale la teneur en minéraux des sources baruya (liée au volcanisme actif du mont Yelia ?), ni l’existence de grandes étendues plates favorables à la création de champs de Coïx irrigués ne peuvent rendre compte des deux énigmes « systémiques » que pose la fameuse « monnaie de sel » des Baruya : celle de l’invention, par une population isolée, de cultures irriguées de cannes à sel et d’une forme de poterie inconnue sur la planète, et celle de sa présence dans une zone, les Hautes-Terres de Nouvelle-Guinée, où l’on ne produit pas de poterie. Ici, notre ignorance reste totale.Kandawatse répare son four avant d’y installer des augets en feuilles de bananiers. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 324k
Légende L’autre mystère concerne la « symbolique » (pour dire bref) de ces objets, eux aussi unique au monde, que sont les barres de chlorure de potassium (toxique) baruya, comme celle qu’emballe ici Kandawatse.On peut imaginer avec Mimica (1981) qu’il s’agit d’une image de sperme solidifié, mais rien, dans l’ethnographie des Baruya, ne vient à l’appui de cette idée séduisante. On peut aussi continuer d’enquêter, même si on ne produit plus de sel à Wonenara, où des caféiers et... une piste d’aviation ont remplacé les champs de cannes.L’étude du sel baruya illustre en tout cas notre adaptation progressive aux modes théoriques et aux méthodes du moment, les nécessaires allers-retours entre terrain en théorie, et, plus généralement, le temps lent et long d’une démarche monographique - ainsi que son incompatibilité radicale avec la recherche sur contrat. (Wiobo, 1978, photo Lemonnier). Ndlr : illustration ajoutée à l’édition originale
URL http://tc.revues.org/docannexe/image/4989/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 454k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Lemonnier, « L’Étude des systèmes techniques », Techniques & Culture, 54-55 | 2010, 46-67.

Référence électronique

Pierre Lemonnier, « L’Étude des systèmes techniques », Techniques & Culture [En ligne], 54-55 | 2010, mis en ligne le 30 janvier 2013, consulté le 25 novembre 2017. URL : http://tc.revues.org/4989 ; DOI : 10.4000/tc.4989

Haut de page

Auteur

Pierre Lemonnier

CNRS, Université de Provence, Marseille, pierre.lemonnier@univ-provence.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Tous droits réservés

Haut de page