Leila Hatami in Morocco ( festival film ) in Farsi

Nous avons rencontré Leila Hatami lors du dernier festival du film de Marrakech. L'actrice iranienne de 39 ans était membre du jury. Leila Hatami est la fille du réalisateur Ali Hatami et de l'actrice Zari Khoshkam. Elle fait ses débuts au cinéma en 1996 après avoir d'abord suivi des études en génie électrique en Suisse puis s'être réorientée vers la littérature française. C'est dans le film "Une séparation", d'Asghar Farhadi, qu'elle est vraiment révélée. Elle incarne Simin, une femme qui se bat pour divorcer. Ce rôle lui vaut, avec l'équipe du film, l'Ours d'argent à la Berlinale de 2011. Le film avait pourtant été interdit de tournage par le ministère iranien de la Culture en raison du soutien apporté par le réalisateur d'"Une séparation" au cinéaste iranien Jafar Panahi emprisonné pour six ans. L'interdiction sera levée par la suite. Wolfgang Spindler, euronews : On a tous des idées sur l'Iran en matière de censure, de la difficulté à y travailler. Quel impact a cette censure sur la production artistique, sur la production cinématographique? Leila Hatami : "En fait, en Iran, les cinéastes ont toujours été confrontés à des règlements, des frontières pré-définies pour eux. Ils doivent se conformer à ses limtes dans leur travail. Ca a toujours été comme cela et tout le monde s'y plie. Ces limitations sont la conséquence de la censure et des changements politiques. Tout cela se répercute sur les décisions artistiques. Nous avons toujours été confrontés à celà, ce n'est pas nouveau. Les cinéastes iraniens travaillent de cette façon depuis le début. Parfois, ces limites sont sévères et parfois plus souples, pourtant les réalisateurs savent qu'avec certaines techniques ils peuvent contourner ces frontières et ne pas s'y conformer entièrement. Parfois, cela peut entraîner une plus grande créativité". euronews : Nous sommes au Maroc qui est aussi un pays musulman. Le film d'ouverture de ce festival était établi sur un registre plutôt osé pour ce pays. Pensez-vous qu'il serait possible de projeter un tel film en Iran? Leila Hatami : "J'ai un bon ressenti à ce sujet. Quand je vois qu'une société dont la religion est l'islam, pourrait être tolérante et permettre certaines scènes intimes dans les films, dans les salles de cinéma, je veux dire des scènes que vous ne voyez normalement pas dans une société islamique, je trouve cela vraiment bien et j'apprécie. Il est excellent de voir ce changement et cette diversité, d'assister à une tolérance des cultures, à un multiculturalisme dans un contexte islamique, c'est délicieux". euronews : Comment votre profession d'actrice est-elle considérée en Iran? Leila Hatami : "Je pense que cette profession n'a pas été prise très au sérieux par le passé, contrairement à d'autres pays. Il nous a fallu du temps pour lui donner un réel statut et une vraie valeur. Nous avions du retard. Mais maintenant je peux dire que les acteurs ont une place importante dans la société, notamment depuis une dizaine d'années. Dans l'industrie du cinéma, les acteurs étaient, par le passé, sous-évalulés. Ils tenaient une palce secondaire et étaient moins influents que les réalisateurs, producteurs ou scénaristes. Maintenant, ils tiennent une place importante et sérieuse aux yeux de tous les Iraniens". euronews : Vous êtes nominée pour les Osars. Si vous décrochiez un Oscar, quelle message cela pourrait-il envoyer vers l'Iran? Leila Hatami : "La première chose je pense viendrait du peuple iranien. Il serait ravi". euronews : On ne peut jamais interdire l'expression artistique. Si vous aviez un conseil à prodiguer à votre pays pour gérer cette liberté artistique, quel serait-il? Leila Hatami : "Je n'ai pas de conseil spécifique, je suis moi-même iranienne, je fais partie de ce peuple et je pense que mes compatriotes sont intelligents et peuvent exprimer leurs pensées artistiques de très belle façon".