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Une première approche de la reconstruction des principaux pôles internationaux de formation des scientifiques mexicains à partir de 1960*

A first approach to the reconstruction and assessment of the main attraction poles of Mexican scientific community’s to study abroad from 1960 to 2010
Rocío Grediaga Kuri et Estela Maldonado Pérez
p. 73-106

Résumés

La compréhension des risques et des avantages d’internationaliser l’enseignement supérieur est un sujet d’importance croissante dans la communauté universitaire mexicaine. Des changements de politique publique au Mexique ont vu le jour durant les vingt dernière années sans que soient faits de diagnostics sur l’impact des études à l’étranger sur l’évolution des réseaux universitaires et leur contribution à l’insertion du Mexique dans le courant scientifique mondial. En utilisant la base de données du Système national des chercheurs (SNI), nous reconstruisons les processus de formation de ses membres par la localisation des pays où ces derniers ont obtenu leur diplôme de doctorat. Après l’analyse des inflexions caractéristiques des politiques publiques, trois périodes différentes sont retenues pour discerner des changements potentiels de pôles de référence : 1) avant 1984, date de mise en œuvre de SNI et de mise en place d’un système de récompense du statut de chercheur, 2) entre 1985 et 1996, période caractérisée par une généralisation des mesures de récompense du mérite universitaire dans les institutions publiques d’enseignement supérieur, 3) de 1996 jusqu’à présent, période où le gouvernement mexicain a accru les ressources pour améliorer la formation des universitaires mexicains. De grandes variations marquent les trajectories de formation de troisième cycle des enseignants-chercheurs, selon les disciplines et les périodes d’étude. Par hypothèse, ces inflexions dans la politique publique de science et technologie et d’enseignement supérieur paraissaient être un facteur pertinent d’explication de cette diversité dans le temps et les différents champs de recherche ; cette diversité pouvait être également comprise comme le résultat de traditions disciplinaires des groupes de recherche et des institutions de formation de référence. À l’analyse, l’interaction de ces deux dimensions doit être considérée, le poids de chacune dépendant du niveau de développement de la communauté disciplinaire dans les différents champs de connaissance mexicains.

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Texte intégral

  • * Titre original : « Un primer acercamiento a la reconstrucción de los principales polos de atracción (...)

1La mobilité académique, temporaire ou permanente, est profondément liée à l’émergence et au développement de la connaissance scientifique et technologique, et à ceux de enseignement supérieur dans les différents pays. La formation des chercheurs et l’échange des connaissances générées entre les différentes institutions, pays et régions ont toujours été une partie essentielle du développement universitaire et de la science comme institutions sociales (Ben David & Zlockzower, 1962  ; Perkin, 1987  ; Charles et alii, 2006). Les flux internationaux de spécialistes de différents domaines ont été reconnus comme un mécanisme puissant pour la mise en réseau, le transfert et l’avancement des connaissances ou leur application. Comprendre le phénomène de la mobilité académique consiste à croiser de nombreuses dimensions  ; leurs origines et significations changent avec le temps et ne peuvent se comprendre qu’à l’analyse de l’évolution du système d’enseignement supérieur (SES), du système de sciences et de technologie, du dispositif de production, du marché du travail, des changements démographiques, des différences de conditions de travail et d’infrastructures, qui sont à la base des asymétries caractéristiques des flux de personnel hautement qualifié entre Nord et Sud.

  • 1  On traduit ici « posgrado » par « post-licence ». Posgrado, dans le système mexicain, désigne en e (...)

2Les processus de migration de chercheurs de haut niveau, que cela soit au cours de la formation ou dans le cadre de leur carrière, acquièrent des significations et des nuances distinctes en fonction de la région ou du pays et du moment historique de leur déroulement. Dans les décennies 1960 et 1970, les pays dits « en développement » ou ceux d’économies intermédiaires voyaient avec suspicion le départ de leurs jeunes vers les pays plus développés  ; leur principale préoccupation était ce que l’on nommait alors la « fuite des cerveaux » (Didou & Gérard, 2009). Cependant, comme cela est illustré dans le cas mexicain auquel nous nous consacrerons ici, de nombreux docteurs formés à l’étranger sont retournés dans leur pays – même si beaucoup n’y sont pas revenus –, et ont constitué la base du développement de la communauté scientifique et du système national d’enseignement supérieur post-licence1. Le rapprochement des chercheurs mexicains, au moment où ils effectuent leurs études et pendant leur carrière, avec leurs homologues dans d’autres pays a été soutenu par les politiques publiques de formation des cadres, tant au Mexique qu’à l’étranger, depuis la création du Conseil national des sciences et de la technologie (CONACYT) en 1972. Dans le contexte de la mondialisation, la notion de gain ou de perte de talents est devenue plus dynamique et flexible. 

3Les changements dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) favorisent la mise en relation des membres des communautés scientifiques des pays du Sud avec les pôles internationaux du savoir et permettent, en premier lieu, de renforcer les compétences des “ressources humaines” (recursos humanos)  ; en deuxième lieu, de s’approprier le savoir de pointe  ; enfin, d’établir des liens consolidés en réseaux de coopération pour le futur, pour résoudre les problèmes locaux.

  • 2  On estime que ces derniers représentent 30  % environ des enseignants-chercheurs et chercheurs tra (...)

4Dans cet article, nous nous proposons de reconstruire et préciser l’importance des pôles d’émergence des relations établies par les membres actuels de l’élite scientifique du Mexique au cours de leur carrière : les membres du Système national des chercheurs (Sistema nacional de los investigadores – SNI)2. L’importance de ces étapes de la formation sur la productivité et la configuration des réseaux de collaboration scientifique a été partiellement explorée (Gérard & Grediaga, 2009). Mais l’insuffisance d’informations généralisables est ce qui rend intéressante la reconstruction rétrospective des lieux où se sont formées les différentes générations actuellement membres du SNI. L’intention de cette exploration est modeste : elle vise à décrire et comparer le poids relatif des lieux où les membres actuels du SNI ont réalisé leur formation de chercheurs (doctorants et post-doctorants), pour mieux comprendre le processus de constitution des traditions scientifiques et groupes de référence, hors du pays, des différentes communautés nationales disciplinaires.

5Nous essayerons d’analyser dans quelle mesure les politiques publiques peuvent avoir réorienté le regard des communautés disciplinaires vers de nouvelles destinations. À cette fin, partant de l’analyse des transformations qui ont eu lieu dans le SES et des politiques publiques – depuis la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à ce jour – nous observerons dans quelle mesure les moments où le gouvernement a tenté de renforcer les activités scientifiques et technologiques dans le pays semblent associés à des changements de poids ou de reconfigurations des pôles d’attraction et de référence de la communauté scientifique nationale. Nous comparerons les destinations de formation (au Mexique ou à l’étranger, ainsi que dans les principaux pays de formation) aux niveaux doctoral et post-doctoral au cours de trois périodes que nous délimiterons en fonction des changements majeurs dans la politique d’évaluation, d’exécution et d’appui à la formation, et de financement du développement des ressources de haut niveau au Mexique. L’exploration de l’information disponible part de deux hypothèses concurrentes : soit la mise en œuvre des politiques publiques pour la formation des ressources humaines est un facteur qui réoriente les principales destinations de formation des cadres de haut niveau dans le pays. Soit, inversement, les communautés nationales des différents champs de connaissance suivent des logiques relativement indépendantes des intentions du gouvernement dans la création et la reproduction de leurs liens avec des collègues et des institutions d’autres pays.

6Isoler la multiplicité des facteurs de transformation n’est pas aisé, car de nombreux changements ont eu lieu, non seulement en politique (mesures ou incitations posées par le gouvernement, les institutions ou autres communautés disciplinaires), mais aussi dans de nombreux autres domaines de la réalité économique et sociale, au Mexique ou dans les pays de destination pour études. Précisons avant tout que la relation entre les politiques publiques et les comportements des acteurs n’est évidemment pas univoque, ni le seul facteur en jeu dans l’explication d’éventuels changements dans le poids des différents pôles d’attraction. Il y a toujours une marge de manœuvre et d’interprétation des politiques par les acteurs, qui ouvre des possibilités différentes, y compris de celles attendues ou souhaitées par ceux qui les ont conçues. Même les intentions cristallisées dans des processus conçus par les gouvernements subissent des changements au fil du temps, et se trouvent à leur tour dans le contexte de forces, d’accords et de concurrences internes et entre les pays ou régions. D’où l’importance d’essayer, même schématiquement, de distinguer des périodes en fonction des différentes formes d’interaction entre le gouvernement mexicain, les institutions et acteurs impliqués dans le SES ou le système de science et d’innovation du pays.

Orientation des politiques publiques vers l’enseignement supérieur et le système scientifique, et changements dans l’évolution dynamique du SES : deux axes de la périodisation

7La plupart des fonctions et caractéristiques clés du système de l’enseignement supérieur et de la profession universitaire au Mexique sont à retracer à partir des années 1960, lorsqu’a démarré le processus d’élargissement de la couverture, ou de massification, de ce degré d’enseignement. Au Mexique, où, depuis ses origines, l’enseignement supérieur a été concentré dans les grandes villes et son développement fortement lié aux décisions des centres du pouvoir étatique et religieux, les changements de relations entre le gouvernement et les universités ont une importance particulière. Pour cela, nous prenons cet élément comme critère central de périodisation dans l’analyse des pôles de référence internationaux de la communauté mexicaine scientifique.

8La littérature disponible sur l’analyse de la politique d’enseignement supérieur et de la science et de la technologie mise en œuvre depuis le commencement des années 1970, avec la création de l’Association nationale des universités et institutions d’enseignement supérieur (ANUIES, 1970) et du CONACYT, permettent de définir les changements d’orientation et de programmes caractéristiques des trois périodes à partir desquelles se déroulent les trajectoires de formation de la population étudiée (i.e. après la date d’obtention des diplômes pour leur formation doctorale en général), d’analyser les variations dans les pays de référence, par domaine disciplinaire, et donc de clarifier les principaux pays où ils ont fait leurs études.

De 1960 à 1984 : une expansion accélérée, une diversification et une décentralisation territoriale de l’offre d’enseignement supérieur dans le pays

9Tout au long de la période d’expansion du SES, l’appréciation de l’enseignement supérieur comme moyen de mobilité sociale a conduit à la demande d’égalité des chances, principalement de la part de la classe moyenne émergente. Cela s’est traduit, non seulement par la gratuité du service public de l’enseignement supérieur, mais aussi par la défense de son libre accès – le gouvernement et les organisations de l’enseignement supérieur sacrifiant, à travers cette concession, les valeurs de compétition qui, aujourd’hui, sont associées à l’excellence et à la qualité (Fuentes, 1989). À partir des années 1960 commence l’extension du SES dans le pays, enclenchant une multiplication d’opportunités, mais aussi un changement de la composition sociale, tant des étudiants que du corps enseignant. Comme corollaire à l’augmentation des possibilités de réaliser des études supérieures, la période de 1960 à 1984 a été caractérisée par une croissance rapide des postes d’enseignants et par la prolifération de syndicats indépendants des centrales officielles, qui ont lutté pour l’amélioration des conditions de travail et la professionnalisation de ce segment du marché du travail.

  • 3  Selon le recensement de 1960, 1  % seulement de la population de plus de 15 ans était ou avait été (...)

10Toutefois, étant donné l’état général de la scolarisation au niveau supérieur3, ont été intégrés comme professeurs des étudiants récemment diplômés ou qui terminaient leurs études de licence (Gil et alii, 1994). Selon plusieurs études (Grediaga et alii, 2004  ; Gil, 2009), plus des quatre cinquièmes des enseignants ayant commencé leur carrière académique au cours de la croissance rapide de l’enseignement supérieur (1960-1984) l’ont initiée dès la licence, voire même, pour la moitié d’entre eux, sans l’avoir terminée ni obtenu le diplôme correspondant (83,8  % de la population totale étudiée en 1994 par Gil et alii). Les conséquences de ce processus sont essentielles pour comprendre l’origine des différentes politiques publiques mises en œuvre dans le pays au cours des trois décennies suivantes (1984-2010).

11Nous prendrons ainsi cette étape préalable (1960-1984) à la mise en place de politiques d’évaluation de l’activité d’enseignement et de recherche du pays, et du SNI, comme référence principale de l’orientation des différentes communautés disciplinaires nationales vers les divers pôles de développement scientifique international.

De 1985 à 1996 : restrictions de la dépense publique et allocation de ressources associée à l’évaluation de l’activité académique et scientifique

12Après deux décennies durant lesquelles le pays a parié que les modifications des conditions formelles de travail des enseignants-chercheurs et leur homologation régionale conduiraient à des résultats bénéfiques pour le développement éducatif national et pour la participation du personnel académique au développement scientifique international, le gouvernement et les institutions d’enseignement supérieur (IES) ont pris conscience de la nécessité d’affronter les effets non désirés d’une expansion non régulée du système, ni dans sa composition disciplinaire, ni en termes de qualité éducative, ni de résultats obtenus. Au niveau mondial, la décennie des années 1980 se caractérise par un nouveau virage dans la relation entre le gouvernement et les IES dans les différents pays. Dans les pays industrialisés, ce changement avait commencé dès les années 1970, avec la réduction financière publique des IES – particulièrement dans les pays membres de l’OCDE. Cette redéfinition du rôle de l’État provoque alors, dans le monde de l’enseignement supérieur, une chute du budget par étudiant (et, dans certains pays, une tendance à une décroissance du nombre total d’étudiants), une plus grande évaluation gouvernementale des résultats obtenus par les institutions et les différents acteurs dotés de ressources. Au Mexique, ce changement se produit dans le contexte d’une crise économique (1982), qui contribue à expliquer les coupes budgétaires à ce niveau d’éducation et à l’activité scientifique (Fuentes, 1989). Cette réduction des ressources destinées aux universités a eu lieu parallèlement au changement des critères d’attribution des fonds publics au secteur éducatif en général, mais a eu des conséquences plus importantes dans l’évolution et la conformation du SES. Schématiquement, à l’octroi du financement public en fonction du nombre d’étudiants a succédé la prise en charge d’une partie d’entre eux en fonction du succès relatif des universités en concurrence, en termes de promotion des services d’enseignement, de ressources accordées au développement de la recherche, et de participation à la production de nouvelles connaissances (López Zárate, 2003  ; Sizer, 1992). Comme B. Clark (2000) l’a signalé, cette transformation s’est accompagnée d’un changement des fonctions et des formes d’organisation de cette institution sociale.

13Pour tenter de pallier les effets de la crise sur les revenus et les conditions de vie des enseignants, pour retenir les chercheurs les plus productifs et éviter la fuite des cerveaux, le gouvernement fédéral a créé, en 1984, le SNI. Celui-ci établit, comme critères centraux d’accession, le fait d’être titulaire du doctorat et d’avoir des publications dans des revues et des éditions reconnues. L’importance du SNI ne réside pas seulement dans son soutien financier – notamment à travers les sursalaires –, mais aussi dans le fait qu’avec ce système, ont émergé des programmes d’évaluation des enseignants-chercheurs.

  • 4  Tout cela a fait partie d’une réforme du CONACYT qui, aux débuts des années 1990, a entraîné, entr (...)

14Une autre mesure a stimulé l’intérêt pour la science et ne pas perdre des générations de scientifiques : l’adoption, en 1985, par le Congrès fédéral et sous l’impulsion de l’Académie de recherche scientifique (Garcia et alii, 2001), de la loi qui a favorisé la régulation et l’allocation des ressources4.

  • 5  SESIC, qui devint, en 2006, le ministère de l’Enseignement supérieur (SES).

15Un nombre important de critères centraux d’évaluation de la qualité des deuxième et troisième cycles se réfèrent aux caractéristiques des enseignants dispensant des cours à ces niveaux, comme le grade académique, la production scientifique et l’intégration dans des réseaux nationaux et internationaux. Dans la décennie quatre-vingt-dix, quand le pays a présenté des signes de reprise économique, le gouvernement fédéral et les gouvernements des États ont à nouveau pu appuyer l’enseignement supérieur, mais en référence à la Réforme de l’État  ; dans ce nouveau cadre, l’utilisation des ressources publiques dut être justifiée, et sujette à évaluation. Dans ce contexte, le développement des deuxième et troisième cycles a été défini comme une priorité (Garcia et alii, 2001). En 1990, le Sous-secrétariat de l’Enseignement Supérieur et la Recherche Scientifique5 annonce un programme de bourses et d’incitations à l’activité académique pour les professeurs à temps plein des établissements d’enseignement supérieur public, programme qui a été régularisé en 1993 (ANUIES, 2000). Bien que chaque IES concevait ses propres règles d’évaluation, est devenue commune – et particulièrement importante comme critère d’allocation de ressources supplémentaires – l’évaluation de la qualité académique du professorat, de la productivité scientifique et de la formation d’étudiants de troisième cycle. Cela a probablement motivé les enseignants en service à poursuivre leurs études.

  • 6  Dont les universités technologiques il y a 15 ans à peu près, ou les Universités Interculturelles (...)

16Si, comme l’a indiqué R. Kent (1997), les traits caractéristiques du développement du système d’enseignement supérieur ont été, durant les deux premières décennies de la dernière moitié du XXe siècle, une expansion accélérée, des tentatives de planification de la part de l’ANUIES et du SESIC, la décentralisation et la diversification institutionnelle, à partir des années 1990 ses traits centraux sont devenus l’évaluation, la privatisation, le développement des études de troisième cycle puis, à partir des cinq dernières années (2006-2011), la diversification renouvelée des types d’institutions publiques offrant des programmes à ce niveau6.

17L’évaluation des programmes et la rémunération basée sur l’activité d’enseignement-recherche ont été des éléments déclencheurs de l’intérêt accru des universitaires à temps plein à poursuivre ou à terminer leur formation post-doctorale, à mener des recherches et à publier. Cela a également été un signal, pour les étudiants intéressés par une future carrière académique, de l’importance croissante d’acquérir une formation hautement spécialisée. Cela a contribué à l’expansion de la demande de ce niveau d’enseignement. L’exigence du doctorat pour accéder au SNI et aux niveaux les plus élevés qui offraient une rémunération additionnelle a aussi impulsé une accélération des masters et doctorats, en partie demandés par des enseignants soucieux de compléter leurs études supérieures.

  • 7Programa de Superación del Personal Académico.
  • 8Programa de Mejoramiento del Profesorado.

18Pour soutenir ceux qui manifestaient cet intérêt, le SESIC a mis en œuvre deux programmes : le SUPERA7, en 1993, dont le fonds spécial a été administré par l’ANUIES, puis, en 1996, le Programme d’amélioration du Professorat (PROMEP8), géré directement par le SESIC et qui est toujours en cours, pour le soutien à la formation des professeurs en exercice.

19La deuxième période retenue ici s’étend donc de 1985 à 1996, lorsque le gouvernement et les établissements d’enseignement supérieur cherchent à étendre la couverture des programmes d’évaluation à la totalité des enseignants chercheurs, des programmes et des institutions. Elle se termine lorsque, comme l’indique W. De Vries (2000), est reprise la logique de planification caractéristique de la phase d’expansion du système de l’enseignement supérieur dans le pays.

De 1997 à 2010 : évaluation institutionnelle, renforcement des études supérieures nationales et recherche de l’assurance-qualité

  • 9Programa Integral de Fomento Institucional.

20Avec le PROMEP, le gouvernement a cherché à influencer le système d’enseignement supérieur à trois niveaux : en premier lieu, en régulant les trajectoires de formation des enseignants-chercheurs en exercice qui, en raison de leur intégration précoce dans le système, ne possédaient pas le niveau du doctorat (Gil et alii, 1994)  ; deuxièmement, en encourageant la réalisation de recherches collectives (Luchilo, 2010)  ; enfin, en conditionnant l’allocation de ressources supplémentaires aux universités au profil d’excellence de leurs enseignants et aux résultats de leurs programmes d’enseignement. Ce dernier a été plus clairement défini à partir de 2000 à travers le Programme Intégral d’Encouragement Institutionnel (PIFI9), puis avec l’évaluation des études de post-licence (Grediaga et alii, 2004).

21Pour consolider le système éducatif, les cycles post-licence et la communauté scientifique nationale, le corps académique est censé avoir une formation du plus haut niveau et pouvoir se dédier à son activité professionnelle à temps plein. Cette situation n’est cependant pas réalisée dans la majorité des IES : malgré l’encouragement du PROMEP sur ces deux volets à partir de 1996, deux tiers du professorat national avaient en effet, à la fin du XXe siècle, le niveau de la licence seulement, et un peu moins d’un tiers exerçait à temps plein (ANUIES, 2000). Le pays ne disposait pas d’une offre suffisante de programmes post-licence de qualité pour former tant les enseignants en exercice que les diplômés de licence intéressés à poursuivre dans les cycles suivants. À partir de 2000, la qualité de ces programmes post-licence et leur régulation constituent l’un des axes de la politique officielle dans la perspective d’améliorer les compétences des enseignants en exercice et la qualité des IES du pays.

  • 10Fomento a la Educación Superior – FOMES.
  • 11Comités Interinstitucionales de Evaluación de la Educación Superior – CIEES.
  • 12Programa de Fomento Integral al Posgrado – PIFOP.

22Dans le cadre des processus de planification-évaluation-allocation de ressources extraordinaires accordées sur présentation de plans de développement institutionnel (d’abord à travers le programme d’Appui au développement de l’enseignement supérieur10, ensuite avec le PIFI), ont été établis comme indicateurs d’avancement du développement institutionnel : la qualification des programmes de licence (alors réalisée par les Comités interinstitutionnels d’Évaluation de l’Enseignement Supérieur11), les évaluations du programme de développement des cycles de post-licence12 et les avancées en termes de qualification du personnel enseignant.

23Parallèlement aux mécanismes de régularisation du profil de formation des enseignants et des chercheurs, un programme d’impulsion des masters et doctorats a été initié durant cette troisième période : les bourses nationales ne furent plus accordées directement aux individus, comme cela arrive dans le cas des institutions étrangères reconnues comme étant de qualité, mais à travers des programmes intégrés au Schéma des cycles supérieurs d’excellence. De cette façon, les programmes nationaux qui satisfaisaient aux prérequis d’évaluation du CONACYT pouvaient compter sur un appui financier.

  • 13Programa Nacional de Posgrados de Calidad – PNPC.
  • 14  Durant la période 2006-2012, le ministère de l’Enseignement supérieur et le CONACYT administrent c (...)

24À partir de l’accord de 2001 entre le Sous-secrétariat de l’Enseignement Supérieur et la Recherche Scientifique et le CONACYT pour promouvoir le développement des masters et doctorats nationaux, a été établi le Programme d’Encouragement National au posgrado (PNP). Depuis lors, le CONACYT restreint les bourses à l’étranger aux seuls étudiants admis dans des programmes ou des institutions reconnus comme étant de haute qualité, principalement pour réaliser des études de doctorat, et de préférence dans des champs disciplinaires où l’offre nationale est moins développée. Les bourses nationales, elles, sont attribuées aux étudiants acceptés dans des programmes nationaux reconnus par ces deux organismes. En 2006, cette initiative se transformera en Programme national d’études de troisième cycle (Posgrados) de qualité13, et sera développée grâce à lui (Romero & Ponce, 2010)14.

Quelques résultats de ces mesures : un système d’enseignement supérieur et une qualification des ressources humaines aux traits contrastés (1960-2010)

25Des programmes comme le SNI et la loi encourageant la science et la technologie, le SUPERA ou le PROMEP, les bourses et incitations institutionnelles à l’activité d’enseignement et de recherche couvertes par le CONACYT et la SESIC, ou encore les changements de critères d’accès aux différents programmes de financement – comme le PACIME ou les fonds mixtes et sectoriels – ont profondément affecté la dynamique de formation des ressources humaines de haut niveau du pays : entre 1960 et 2010, le nombre d’établissements d’enseignement supérieur a crû de 78 à 3 745, les étudiants inscrits en licence sont passés de 78 000 à 2 599 253, le taux brut de couverture (TBC) de l’éducation supérieure passant de 2,7  % à 27,1  % durant cette même période.

26L’extension de la couverture a pour corollaire un accroissement et une transformation du marché de l’enseignement supérieur. En considération des postes d’enseignants générés quotidiennement aux différentes périodes pour satisfaire les inscriptions au niveau licence (Gil et alii, 1994  ; Grediaga et alii, 2004), l’accroissement moyen a été important durant la période d’expansion accélérée (avant 1984), avant une stagnation et même une diminution de postes de temps partiel au profit de postes à temps plein durant la décennie de la crise. Au début des années 1990, la croissance du marché a repris, mais avec des caractéristiques distinctes. Malgré les objectifs du PROMEP, qui touche principalement les institutions publiques d’enseignement supérieur, et en raison de la participation accrue du secteur privé dans l’offre de programmes, tant en licence qu’en master et doctorat, les postes de temps partiel ont alors crû beaucoup plus rapidement que ceux de temps plein, particulièrement dans la dernière période. De 1996 à 2000, plus de quinze postes d’enseignants ont été créés par jour, dont un tiers seulement à temps plein. De 2001 à 2010, suite à la participation accrue du secteur privé en réponse à la demande (Levy, 1995), ce sont trente postes en moyenne qui ont été créés quotidiennement, dont un sixième seulement à temps plein. Ces derniers ont par conséquent diminué de 29,1  %, en 1999, à 25,5  % en 2010.

  • 15  Malgré ces avancées dans la dernière décennie en matière d’évaluation des masters et doctorats nat (...)

27Le grade maximum de qualification des enseignants constitue un autre indicateur de leur niveau de professionnalisation. La proportion de professeurs (enseignant en licence, master ou doctorat) titulaires d’un doctorat est passée de 6,1  % en 1999 à 11,4  % en 2010. À la fin du XXe siècle, la proportion d’enseignants à temps plein ayant un doctorat était légèrement supérieure dans le secteur privé mais, en raison de la dynamique évoquée, la situation s’est inversée et le fossé entre les deux secteurs s’est même accentué vers 2010 : plus d’un professeur à temps plein sur cinq avait un doctorat dans le secteur public contre un peu plus de un sur dix dans le secteur privé. À travers l’attribution de bourses de master et doctorat dans le pays ou à l’étranger, le SUPERA et le PROMEP ont appuyé la formation de haut niveau du corps professoral en exercice à temps plein dans les IES publiques, de manière parallèle au CONACYT. Cela s’est traduit à nouveau par l’extension accélérée des masters et doctorats, dont les proportions d’inscrits ont crû de 169  % dans la décennie 1990. La croissance la plus prononcée, à ces niveaux d’enseignement, a été observée entre 1995 et 1999  ; l’accroissement s’est poursuivi ensuite, mais à un rythme un peu plus lent15.

28Ainsi, les programmes directs et indirects pour stimuler les niveaux de qualification des enseignants du pays ont eu des répercussions visibles, bien qu’insuffisantes dans la dernière période (1996-2010). La comparaison du nombre de chercheurs pour 1 000 habitants avec celui d’autres pays en fournit un exemple : le Mexique n’en compte qu’un, alors que l’Argentine en compte 2,9  ; les USA, 9,2  ; l’Espagne, 5,8  ; la France et le Canada, 8,2  ; la Corée, 9,7  ; ou le Japon, 9,9 (source : INEGI- CONACYT, 2010  ; OCDE, 2011).

Quelle(s) relation(s) entre politiques et changements des pôles de formation de l’élite scientifique mexicaine  ?

  • 16  En sont des exemples, dans la région, le renforcement de la relation entre le Venezuela et le gouv (...)

29Dans l’histoire de la formation des disciplines, ont toujours existé des pays, des institutions ou des groupes ayant une plus grande participation dans le développement de la connaissance dans différents champs. Ceux-ci ont été convertis en pôles d’attraction qui permettent à des chercheurs d’autres lieux de mener à bien leur formation. Mais le magnétisme de ces pôles, ou noyaux, peut se modifier en fonction de la consolidation des équipes ou des conflits entre elles, des changements dans les courants méthodologiques en vogue, des nouveaux développements technologiques impliquant l’utilisation d’instruments coûteux et sophistiqués, ou en raison des relations internationales, des orientations idéologiques des gouvernements, des nouvelles politiques de migration ou d’allocation des financements publics. Ces aspects facilitent, fortifient ou entravent les orientations, tendances ou traditions des communautés disciplinaires locales16.

  • 17  La classification faite par le SNI est la suivante : Área I : Físico, Matemáticas. Área II : Biolo (...)

30Comme nous l’avons souligné, nous tenterons ici de mettre au jour l’association entre la mise en marche des politiques de régulation de la profession académique et scientifique au Mexique et les changements d’orientation vers les différents pôles internationaux d’attraction, par la mise en regard de la date d’obtention du titre de docteur des 16 000 chercheurs membres du SNI en exercice en 2010 avec les politiques en cours à cette période. Existe-t-il une forte relation entre le choix d’un pôle de formation et les traditions du champ disciplinaire correspondant  ? Ou la mise en application de nouvelles politiques gouvernementales modifie-t-elle le poids des différents pôles d’attraction pour la formation des nouvelles générations de chercheurs dans les différents champs disciplinaires  ? Sont retenus comme critères de comparaison : le pays d’obtention du diplôme de doctorat ou de post-doctorat (étapes de qualification pour la recherche scientifique), le champ ou l’aire de connaissance d’affiliation des chercheurs17, enfin les trois périodes définies en fonction des mesures gouvernementales de régulation du travail scientifique et académique.

Dynamique temporelle selon les niveaux de formation, les principaux pôles d’attraction par aire disciplinaire et par période

  • 18  Les graphiques mentionnés dans le texte se trouvent en fin d’article, pp. 100-106.

31En concordance avec les données générales sur l’évolution des deuxième et troisième cycles nationaux, le graphique 118 montre une correspondance entre les données du lieu de formation, le changement des critères d’orientation émis par les politiques et le niveau de développement des cycles post-licence au niveau national. Il permet d’observer que, dans la première période, les diplômes de doctorat et de post-doctorat ont été majoritairement obtenus à l’étranger (71,2  % et 93,9  % respectivement). Au contraire, dans la troisième période, les proportions de doctorats en termes d’origine sont pratiquement inversées par rapport à la première période, les chercheurs SNI étant principalement diplômés dans le pays. Mexico paraît avoir représenté une option de formation satisfaisante et accessible pour plus des deux tiers (70,2  %) de ceux qui ont eu un doctorat et un peu plus d’un tiers (37,2  %) de ceux qui ont réalisé des séjours post-doctoraux après la mise en place du PROMEP. Les caractéristiques de l’évolution de la profession académique au Mexique l’expliquent, ainsi que l’appui au changement de niveau de qualification des enseignants-chercheurs en exercice, promu par le PROMEP dans la troisième période. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que ceux qui ont obtenu leur doctorat dans cette dernière période soient nécessairement jeunes ou membres de la nouvelle génération de chercheurs.

  • 19  La première admission dans le SNI a concerné, en 1984, 1 396 chercheurs  ; en 1996, leur nombre av (...)

32Le nombre absolu de docteurs diplômés dans la troisième période est près de huit fois supérieur à celui de la première période (15 140 contre 1 360), en concordance avec l’évolution des membres du SNI, dont deux tiers des membres en 2010 ont obtenu leur doctorat depuis 199619. Bien que les séjours post-doctoraux ne soient pas à proprement parler un niveau de qualification scolaire, ni qu’ils aient une signification ou des implications équivalentes dans tous les champs de la connaissance, ils ont enregistré un plus grand accroissement durant le laps de temps analysé (ils ont été multipliés par 20 entre la première et la troisième période), probablement en raison de l’évolution du manque d’opportunités professionnelles pour réaliser des recherches au sein du marché académique mexicain. L’accroissement du nombre de postes de temps plein à été insuffisant, à quoi s’ajoutent des difficultés associées au problème de retraite dans le pays. Le nombre absolu de séjours post-doctoraux augmente peu à peu au cours de ces trois périodes mais, à la différence de ce que nous avons signalé au sujet du doctorat, ceux qui sont réalisés à l’étranger demeurent plus importants.

33Le graphique 3 résume le changement d’origine des doctorats signalés dans le graphique 1. Si ont crû tant les diplômes obtenus à l’étranger que ceux qui ont été délivrés par des institutions nationales, le poids de la formation à l’étranger a significativement baissé. Dans la première période, quasiment trois quarts des étudiants diplômés de doctorat faisaient leurs études en dehors du pays  ; dans la seconde période – quand commence à influer le profil du chercheur défini par le SNI comme référence pour l’ensemble de la communauté académique – les cycles post-licence nationaux commencent à se développer et le nombre de doctorats obtenus à l’étranger et au Mexique deviennent quasiment équivalents. Dans la dernière période en revanche, quand l’appui du PROMEP aux enseignants se généralise et que changent les critères d’attribution des bourses du CONACYT pour fortifier le développement des deuxième et troisième cycles nationaux, le fossé entre les nombres de doctorats obtenus dans les institutions mexicaines (7 412) et à l’étranger (3 144) se creuse significativement.

  • 20  Nous rejoignons ici les conclusions déjà apportées par Didou et Gérard (2010).

34En analysant les pays dans lesquels les scientifiques mexicains ont réalisé leur formation doctorale (graphique 3), quatre pays se détachent : les États-Unis (29,0  %), la France (16,7  %), le Royaume-Uni (15,3  %) et l’Espagne (15,3  %)20. Quelques pays d’Europe de l’Est, l’Allemagne et le Canada occupent également une position notable  ; les autres pays réunissent seulement un dixième des doctorats des chercheurs SNI en exercice en 2010. L’importance des trois principaux pays n’est pas surprenante, dans la mesure où ils ont constitué, durant de longues périodes, des références historiques dans le développement de la connaissance pour diverses disciplines. Cependant, le poids de l’Espagne est particulièrement intéressant, probablement en raison de sa position dans la région ibéro-américaine, et la moindre importance, comme références de la communauté scientifique nationale, des autres pays latino-américains.

35Les états-Unis ont toujours exercé un très grand magnétisme sur les chercheurs mexicains, maintenant leur position de leader (graphique 4). À l’encontre de ce que l’on pourrait attendre en raison du traité de libre échange de 1994 et des accords signés entre le Mexique, les états-Unis et le Canada concernant l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, l’importance des États-Unis diminue cependant lors de la dernière période, les étudiants mexicains formés à l’étranger se distribuant plus équitablement entre les quatre destinations principales. Dans les deux premières périodes se positionnent, alternativement et avec peu de différences, la France et le Royaume-Uni. Toutefois, malgré la croissance relativement importante de ces deux pays et de l’Espagne au détriment de la position hégémonique nord-américaine, leurs positions changent dans la troisième période : l’Espagne, naissante dans les deux premières périodes, consolide sa position et parvient à constituer la seconde destination, reléguant la France et le Royaume-Uni à la troisième place des pôles pour études des chercheurs mexicains. Le poids du Canada, bien qu’il s’affirme de la première à la deuxième période jusqu’à une position équivalente à celle de l’Allemagne, redevient de moindre importance, à peine devant les pays d’Europe de l’Est. Le poids de ces derniers (principalement la Russie, la Yougoslavie et la République Tchèque) décroît progressivement : de la quatrième destination avant 1984, ces pays occupent la sixième dans la troisième période.

36Les explications possibles à ces changements de destination sont variées. La proximité géographique entre le Mexique et les États-Unis, par exemple, et le pôle d’attraction de ce pays en raison de son poids dans la production mondiale de la connaissance dans les différents champs, est un argument constant. D’un autre côté, la fin du franquisme pourrait expliquer la plus grande attraction de l’Espagne. Mais cette réorientation pourrait aussi résulter des pressions gouvernementales sur les enseignants-chercheurs en exercice pour qu’ils réalisent ou terminent leurs études de troisième cycle : le nombre de ceux qui ne maîtrisent pas de langue étrangère expliquerait en partie l’expansion des études doctorales dans ce pays dont ils partagent la langue.

37Pour explorer ces hypothèses alternatives, une analyse plus prudente doit être menée sur les différences possibles entre les aires disciplinaires. Dans quelle mesure sont-elles liées au degré d’attraction des différents pôles étrangers de formation  ? Quelle est la relation entre le développement de chaque communauté disciplinaire et la position qu’occupent ces pays dans la production de connaissance dans chacune de ces disciplines  ?

38Bien que le graphique 5 ne permette pas d’observer les changements dans le temps, il conduit à dresser le constat, à un niveau global, de l’importante variabilité, en termes d’orientation disciplinaire, des différents pôles de formation. Non seulement varient le poids de ces pôles pour chacun des champs disciplinaires, mais aussi la mesure dans laquelle leurs membres s’orientent vers l’un ou l’autre pays, vers l’une ou l’autre tradition théorico-méthodologique. Sur ce dernier point, l’aire disciplinaire ingénierie-technologie et celle de biotechnologie constituent deux extrêmes, en raison de la multipolarité des espaces de formation doctorale choisis par leurs chercheurs (sans être monolithique, cette dernière présente toutefois une orientation claire vers les états-Unis). Dans le cas des ingénieurs, apparaît la triade États-Unis/Royaume-Uni/France, suivie de l’Espagne.

39Pour les chercheurs de physique-mathématiques, les principaux pôles d’attraction sont les états-Unis, le Royaume-Uni et la France. C’est aussi dans cette aire disciplinaire que sont enregistrées la plus grande participation de l’Allemagne et l’importance notable des pays d’Europe de l’Est. Dans le cas des sciences du comportement, l’Espagne est indiscutablement le plus grand pôle d’attraction, les états-Unis et la France occupant respectivement la deuxième et la troisième position. En sciences sociales, une multipolarité intéressante se présente : bien que les états-Unis soient en tête, l’Espagne occupe la seconde position, mais suivie, de plus près que dans le cas des sciences du comportement, par la France et le Royaume-Uni. Qu’est-ce qui a pu influer sur les différentes destinations des chercheurs de chacune de ces aires disciplinaires  ? Y a-t-il une logique propre à chacune d’entre elles quant au poids des pôles de formation  ? Pour répondre à ces questions, analysons leurs changements au fil du temps.

L’obtention du diplôme de doctorat à l’étranger par aire disciplinaire : des dynamiques différenciées

40Dans cette seconde section nous analyserons plus en détail le sous-groupe qui a obtenu son doctorat en dehors du Mexique, non seulement afin de pouvoir évaluer le poids des différentes destinations selon le champ disciplinaire, mais aussi pour en analyser les variations à chacune des trois périodes. À ce niveau de détail, nous n’analyserons que les séjours post-doctoraux réalisés à l’étranger durant la troisième période dans la mesure où, comme nous l’avons observé dans le graphique 1, c’est uniquement à ce moment-là que le nombre de post-doctorats commence à être significatif. Il convient de voir si cela se vérifie dans tous les champs disciplinaires ou seulement dans quelques-uns.

Première période : point de départ

  • 21  Remarque : dans ce graphique figure le nombre absolu de diplômes par pays, pour montrer les tendan (...)

41Le graphique 1 a montré que la majorité des chercheurs ayant obtenu leur doctorat avant 1984 ont effectué leurs études dans des institutions étrangères (71,2  %). L’analyse comparée, par champ disciplinaire, de ceux qui ont fait des études à l’étranger, avec les lauréats de diplômes étrangers dans les périodes suivantes permet d’observer les continuités ou changements d’orientation vers les principaux pôles de formation selon la discipline21.

42Il convient en premier lieu de souligner le poids relatif des sciences naturelles et exactes et des sciences sociales dans l’ensemble des doctorats obtenus en dehors du pays avant 1984 (graphique 6). Par ordre d’importance, la majorité des doctorats réalisés durant cette période sont obtenus en physique-mathématiques, en biologie et chimie, et en sciences sociales. Durant cette période, le champ physique-mathématiques a déjà des référents multipolaires, la première destination étant les états-Unis, suivis des pays d’Europe Orientale, puis du Royaume-Uni et de la France et aussi, bien que dans une moindre mesure, de l’Allemagne. Dans le cas de la biologie et de la chimie, ce sont encore les états-Unis qui occupent la première place, suivis par la France puis le Royaume-Uni, bien qu’on observe une certaine présence des pays de l’Europe orientale dans ce domaine, et dans celui des études d’ingénierie et de technologie.

43Pour les sciences sociales et humaines, l’orientation est bipolaire mais, contrairement aux sciences “dures”, la France constitue le principal pôle d’attraction, tandis que les états-Unis occupent la seconde place. Les États-Unis sont à nouveau le pôle principal d’attraction pour la formation des étudiants, tant dans le domaine de la biotechnologie que dans les sciences de l’ingénieur. Toutefois, tandis que pratiquement tous les étudiants de doctorat de la première discipline se concentrent dans des institutions nord-américaines, une plus grande dispersion apparaît dans le cas de sciences de l’ingénieur et de la technologie  ; en effet, les étudiants de ces disciplines s’orientent aussi, comme dans le cas de la physique-mathématiques, vers la France, le Royaume-Uni et les pays de l’Europe Orientale.

44Cette tendance constitue un précédent : en étant préalable à l’impact des mécanismes et des critères d’évaluation qui orientent l’allocation des ressources supplémentaires, elle permet de comprendre les influences qui ont participé au développement des communautés nationales des différents champs de connaissance.

Seconde Période : vers une réorganisation du système

45La seconde période (1985-1996) constitue le début du changement dans la dynamique des relations entre le gouvernement, les IES et la communauté scientifique nationale  ; des modifications intéressantes dans la formation des cadres de haut niveau dans le pays s’en sont suivies. Non seulement le nombre total de diplômes obtenus pendant cette période augmente, mais les pôles de formation se modifient également, principalement en fonction de la consolidation des communautés disciplinaires dans le pays. La mise en marche des différents programmes d’évaluation promus par le gouvernement (SNI, bourses et incitations institutionnelles) et la modification de la structure de revenus des personnels académiques et des chercheurs du pays se sont traduites par un triplement du nombre de diplômés de doctorat par rapport à la période initiale, et par l’augmentation conjointe des troisièmes cycles comme espaces de formation.

46L’analyse des destinations de ceux qui se sont formés à l’étranger durant cette seconde période montre que les États-Unis ont consolidé, voire même renforcé leur position de pôle essentiel d’attraction des futurs chercheurs mexicains dans tous les champs de la connaissance, y compris dans les sciences humaines (sciences du comportement), à peu de distance de la France, le premier pôle (graphique 7).

47Bien que les pays de l’Europe Orientale occupent alors toujours le second rang dans le secteur physique-mathématiques, leur poids diminue, tandis qu’augmente celui de l’Allemagne et du Canada. L’Europe Orientale maintient aussi une certaine présence dans les champs de la biologie et de la chimie, des sciences de l’ingénierie et de la technologie, mais dans tous les cas le poids relatif des diplômes qu’elle délivre diminue.

48Pour les chercheurs en physique-mathématiques, la Royaume-Uni occupe la troisième place, après les États-Unis et l’Europe Orientale, suivie très de près par la France. Pour ceux de biologie et chimie, la Royaume-Uni et l’Espagne occupent respectivement les deuxième et troisième places, après les États-Unis, tandis que la France, qui occupait la deuxième place durant la première période, est reléguée à la quatrième position. Dans le cas des sciences de l’ingénieur, le Royaume-Uni et la France occupent la seconde et la troisième place, réduisant significativement l’écart qu’ils avaient avec les États-Unis dans la première période. Tandis que, dans le cas de la formation des chercheurs de sciences sociales, la France se voit reléguée au second rang et, pour celui des sciences du comportement, du premier au troisième (après les États-Unis et l’Espagne qui, dans ce cas, présentent quasiment la même force d’attraction). Le Royaume-Uni et l’Espagne sont, après les États-Unis et la France, les principaux pays de formation des chercheurs qui ont obtenu leur doctorat, durant la seconde période, dans les disciplines de sciences sociales.

49Au titre des tendances générales, il est important de souligner la diminution du nombre de diplômes obtenus dans les pays d’Europe Orientale, ainsi que le poids peu à peu croissant de l’Espagne dans plusieurs disciplines. Le comportement de ceux qui ont effectué leur formation à l’étranger à cette époque ne semble pas être le résultat de l’influence des politiques de réglementation du SES ni du changement du système de reconnaissance et de récompenses des chercheurs mexicains, mais plutôt de facteurs externes comme la situation sociopolitique en Europe de l’Est après la chute du Mur de Berlin en 1989, qui compliquait la (re)validation de diplômes obtenus dans cette région, ou une offre croissante de formation doctorale par l’Espagne et le rétablissement d’une meilleure relation avec le Mexique après la chute du franquisme.

Troisième période (1997-2010) : consolidation de groupes scientifiques, offre nationale de troisième cycle et encouragement à la qualification des enseignants-chercheurs

50La troisième et dernière période se caractérise par un ensemble de nouveaux facteurs, acteurs et mesures, tant au Mexique que dans les pays européens, qui semblent réorienter les pôles de formation des générations de scientifiques mexicains. Au profil souhaitable pour les chercheurs proposé par le SNI et les programmes des IES d’évaluation de l’activité d’enseignement-recherche, il faut ajouter l’appui financier aux enseignants-chercheurs en exercice pour la réalisation d’études de troisième cycle (PROMEP), le poids croissant du profil des enseignants dans l’évaluation des IES dans le PIFI et la création de nouveaux cadres normatifs pour l’évaluation des troisièmes cycles (PNPC) permettant d’obtenir des bourses du CONACYT pour les étudiants de ce niveau dans les institutions nationales. Tout ceci a fourni les conditions nécessaires pour que le nombre de diplômes de doctorat en général, mais principalement ceux obtenus dans le pays, soit en augmentation (graphique 8).

  • 22  Ce sont les aires disciplinaires de physique-mathématiques et biologie-chimie qui ont le plus gran (...)

51La tendance à la dispersion des pôles d’attraction, déjà observée dans la seconde période, dans tous les champs de la connaissance, se poursuit. Il est important de souligner, probablement comme un bon indicateur de la maturation des communautés nationales de quelques disciplines, que les deux communautés scientifiques qui concentraient la majorité des étudiants de doctorat à l’étranger dans la première et la seconde période semblent, dans cette dernière période, plutôt pousser les jeunes à réaliser leur formation initiale (doctorat) de [futurs] chercheurs dans le pays22.

52Trait important de cette troisième période, une diminution significative de l’importance relative des États-Unis a lieu dans pratiquement tous les secteurs (à l’exception de la biotechnologie, qui continue à être la communauté la moins diversifiée en termes de pôles d’attraction). Ce pays perd même son rang de première destination dans les disciplines des sciences du comportement, de l’éducation et des sciences sociales, au profit de l’Espagne. Dans les sciences de l’ingénierie et de la technologie, la France reste leader et les USA seconds, suivis par la Royaume-Uni.

53La seconde tendance significative dans la période est par conséquent le poids croissant de l’Espagne dans presque tous les champs disciplinaires. Enfin, la France passe du deuxième au premier rang, même si on peut dire qu’elle est dans une position très proche des états-Unis, ces deux pays constituant les deux principales destinations, dans le cas de la formation de docteurs en ingénierie et sciences de la technologie.

  • 23  Jusqu’à 1984, pratiquement la totalité de séjours post-doctoraux, bien que peu nombreux, s’effectu (...)

54Qu’en est-il de cette évolution pour les post-doctorats  ? En regard des principales destinations et champs de connaissance des chercheurs qui ont fait des séjours post-doctoraux aux différentes périodes (sachant qu’ils continuent à être effectués principalement à l’étranger23), l’idée se renforce que certaines communautés scientifiques ont tissé et maintiennent au fil du temps des liens avec leurs collègues d’autres pays (graphique 9).

55À nouveau, les États-Unis apparaissent comme le principal pôle de référence pour les chercheurs mexicains dans toutes les disciplines  ; l’Espagne occupe la seconde place, comme dans le cas des études doctorales, des institutions du Royaume-Uni, de France, d’Allemagne et du Canada accueillant également des chercheurs en séjours post-doctoraux.

Tableau 1 – Principaux pôles d’accueil selon le nombre de diplômes délivrés par les pays de destination par champ disciplinaire et par période

Première période

Deuxième période

Troisième période

Physique-mathématiques

USA, EO, FR, RU

USA, EO, RU, FR

USA, RU, FR, ES

Biologie et chimie

USA, FR, RU, EO

USA, RU, ES, FR

USA, FR, RU, ES

Médecine et sciences de la santé

USA, FR, RU, AL

USA, RU, ES

USA, ES, FR

Sciences du comportement et éducation

FR, USA, RU

USA, ES, FR, RU

ES, USA, FR, RU

Sciences sociales

FR, USA, RU

USA, FR, ES

ES, USA, RU, FR

Biotechnologie

USA, RU, EO

USA, FR, RU

USA, RU, ES

Ingénierie et technologie

USA, EO, RU, FR

USA, FR, RU

FR, USA, ES

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.
Allemagne (AL)  ; Canada (CA)  ; Espagne (ES)  ; France (FR)  ; États-Unis (USA)  ; Royaume-Uni (RU)  ; Europe De l’Est (EO).

56Le tableau 1 synthétise le changement de pôles principaux d’attraction des différents champs de connaissance à chaque période, permettant ainsi de voir les différences, entre eux et au sein de chacun, à différents moments. Apparaissent des dynamiques différentes entre ces champs de connaissance, tant en fonction du poids des différents pays comme pôles d’attraction qu’en termes d’importance relative dans le total de doctorats qui, à chaque période, sont obtenus hors du pays ou dans les IES nationales.

57Tant les sciences naturelles (biologie et chimie) que celles appelées « sciences exactes » (physique et mathématiques) tendent à s’orienter prioritairement vers les États-Unis, bien que, pendant les deux premières périodes, les pays du bloc socialiste représentent un important contrepoids. D’autre part, ces deux champs disciplinaires présentent, depuis la première période, une plus grande diversification de références, en incluant très tôt dans leurs communautés scientifiques des éléments formés dans les principaux pays de l’Europe occidentale (Royaume-Uni, France et Allemagne et, dans la troisième période, Espagne).

58La diminution du nombre de chercheurs de ces communautés qui sont allés se former à l’étranger dans la dernière période, comme les niveaux de reconnaissance de leurs programmes doctoraux dans le PNPC témoignent de communautés locales déployant des efforts d’habilitation de haut niveau et à long terme, avec un haut degré de participation à la formation de chercheurs, et qui sont, de plus, très consolidées. Leur leadership dans le domaine de la réalisation de séjours post-doctoraux dès les premières périodes montre également qu’ils maintiennent et consolident leurs liens à travers l’envoi de jeunes diplômés, principalement de doctorat, pour effectuer des séjours post-doctoraux et en prenant part au développement conjoint de projets avec des collègues d’autres pays, avec lesquels ils ont tissé et conservé des relations à travers le temps.

59Si les sciences de l’ingénieur et des technologies présentent une tendance et une logique similaires à celles du champ de la physique et des mathématiques dans les deux premières périodes, le nombre total de leurs étudiants en doctorat est cependant moindre. Il augmente progressivement au fil du temps et, dans la troisième période, il se distingue significativement des deux premières : leur principal pôle d’attraction est la France, les États-Unis occupant la seconde position, suivis de peu par le Royaume-Uni  ; ce qui suggérerait le poids croissant de l’influence européenne dans ce champ, au moins clairement dans la dernière période.

60Depuis la première période, les sciences sociales, du comportement et de l’éducation ont été davantage influencées que les autres champs disciplinaires par la France. Par leur participation au nombre d’étudiants de doctorat à l’étranger, ces disciplines présentent une tendance inverse à celle signalée pour les deux premiers champs (physique-mathématiques et biologie-chimie). En effet, les diplômes de doctorat obtenus à l’étranger dans ces domaines ont progressivement augmenté, tout comme dans le domaine des sciences de l’ingénierie et des technologies entre la première et troisième période.

61Les états-Unis apparaissent clairement comme n’étant le principal pôle d’attraction que dans le cas de la biotechnologie, tant pour la formation doctorale que pour les séjours post-doctoraux. Les champs de la physique et des mathématiques, de la biologie et de la chimie, ou des sciences de l’ingénieur et des technologies, ont été multipolaires en intégrant des chercheurs formés aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et Allemagne, et en bénéficiant, en début de période, de l’influence de pays d’Europe Orientale et, dans la dernière période, d’Espagne.

Conclusion

62Comme nous l’avons mentionné tout au long de ce texte, les formations de chercheurs mexicains ont, d’une période à l’autre, quantitativement augmenté, de même que le poids relatif des enseignants-chercheurs titulaires d’un doctorat dans les différents champs de connaissance. De même, les pôles d’attraction, pour ceux qui ont fait leur formation à l’étranger, se sont diversifiés, la multipolarité des références s’élargissant dans la plupart des domaines de connaissance, probablement à l’exception de la biotechnologie, pour laquelle l’attrait exercé par les États-Unis a un poids beaucoup plus fort.

63Avant la création du SNI et avant que celui-ci devienne le cadre de référence pour l’évaluation de la productivité de la communauté scientifique, l’offre nationale d’études supérieures post-licence était limitée, essentiellement concentrée dans la région métropolitaine, Monterrey et Guadalajara, couvrant de surcroît peu de champs disciplinaires. Ainsi, les opportunités de réaliser au Mexique des études de doctorat et des séjours de post-doctorat étaient, au début de la période analysée, rares.

64Sans doute les politiques d’évaluation de l’activité d’enseignement et de recherche et les changements du système de reconnaissance et de récompense de la communauté académique ont-ils contribué à ce que la majorité des membres du SNI qui ont obtenu leur doctorat dans la dernière période se soient formés principalement dans les institutions nationales. Cependant, bien que dans une mesure moindre, les séjours post-doctoraux continuent, jusqu’à aujourd’hui, à être réalisés dans le milieu international.

65Le changement de la part des diplômes nationaux et étrangers dans les trois périodes peut être compris comme le résultat conjoint des politiques et de la dynamique des différentes communautés disciplinaires. Avant 1984, l’offre de formations supérieures au niveau national était faible, et les enseignants chercheurs ayant une haute qualification étaient très peu nombreux  ; non seulement la consolidation de groupes de recherche était rare – de même que les post-doctorats –, mais l’appartenance à de tels groupes ou à tel niveau d’études n’était pas non plus une exigence pour l’entrée dans les centres de recherche les plus prestigieux du pays, ou dans les champs disciplinaires les plus “établis”.

66Les changements dans l’inclinaison des différentes disciplines pour des études doctorales à l’étranger, ou la modification des principaux pôles d’attraction au cours du temps doivent être expliqués, non seulement comme des conséquences des inflexions de la politique publique, mais aussi comme un effet cumulé de la formation des cadres dans les périodes précédentes. Depuis le retour des diplômés de doctorat à l’étranger, des groupes de recherche “consolidés” se sont constitués, le niveau de formation des enseignants chercheurs s’est transformé et de nouvelles offres de formation de maîtrise et de doctorat ont vu le jour. Si l’extension du processus d’évaluation de la dernière période s’accompagne d’une plus grande régulation de ce niveau d’études par le gouvernement, il est également vrai que les groupes en charge de la formation des générations nouvelles de chercheurs bénéficient de sa part d’un plus grand soutien pour leur développement.

67C’est dans ce contexte que nous devons situer la permanence et les changements des modalités et destinations des étudiants mexicains qui choisissent de se former dans des institutions ou des laboratoires étrangers. Cela ne signifie pas, comme cela semble avoir été le cas dans la première période, une faiblesse de l’offre nationale de troisième cycle, mais plutôt que les étudiants de maîtrise ou de doctorat sont poussés par leurs tuteurs à se former dans les pôles où eux-mêmes ont été formés (Gérard & Maldonado, 2009). Les jeunes profitent des réseaux et des relations établis par leurs mentors dans le passé, ce qui témoigne de la nécessité, toujours plus importante pour le développement de travaux scientifiques, de maintenir et de renforcer ces réseaux de collaboration.

68Aujourd’hui, les équipes internationales, les projets de recherche multinationaux, les réseaux de collaboration – virtuels et/ou physiques – montrent les effets à moyen et long terme de l’investissement réalisé par le pays dans le passé pour soutenir les processus de formation de ses ressources humaines à l’étranger. Cet investissement porte ses fruits pour la génération qui a ouvert la brèche dans différentes institutions ou pays  ; à travers le renforcement des réseaux et l’amélioration de la carrière de ces promoteurs, les diplômés d’aujourd’hui bénéficient des nouveaux programmes que ces derniers ont développés dans les institutions nationales. En atteste l’augmentation des séjours post-doctoraux, particulièrement dans les disciplines au sein desquelles la formation à l’étranger a diminué. C’est ainsi que la connaissance dépasse les frontières et tend vers l’internationalisation au plus haut niveau de formation  ; cela a permis d’établir des liens entre communautés disciplinaires, institutions et groupes de recherche dans différents pays, contribuant à accroître la visibilité de leurs résultats et à renforcer la relation entre scientifiques mexicains et leurs homologues de manière plus horizontale.

69Au terme de cette étude exploratoire, on peut en effet constater que les deux dynamiques – internationalisation d’une part, accroissement des capacités internes de formation, d’autre part – ont influencé l’orientation de la communauté mexicaine scientifique vers certains pôles de savoir et dans la dynamique de formation de haut niveau des ressources humaines dans le pays. Cependant, les deux dynamiques paraissent avoir un poids différent selon les disciplines : les politiques publiques semblent peser plus lourd dans le cas où les communautés disciplinaires du pays sont le moins consolidées. La tradition disciplinaire et la localisation des espaces de production de connaissance de pointe ont en revanche davantage de poids dans les champs disciplinaires marqués par une internationalisation et une maturation plus précoce – mises en évidence par des liens nationaux et internationaux – qui bénéficient tant à ceux qui les ont établis qu’à ceux qui développent quotidiennement leur travail de recherche, au sein ou à l’extérieur du pays.

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Bibliographie

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López Zárate (R.), 2003, Formas de gobierno y gobernabilidad institucional, México, ANUIES.

Luchilo (L.) (ed.), 2010, Formación de posgrado en América Latina. Políticas de apoyo, resultados e impacto, Argentina, Eudeba.

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Meyer (J.-B.), Kaplan (D.) & Charum (J.), 2001, « Scientific nomadism and the new geopolitics of knowledge », International Social Science Journal, vol. 53, n° 168, pp. 309-321.
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Sizer (J.), 1992, « Accountability », The Encyclopedia of Higher Education, vol. 2, London, Pergamon Press, pp. 1032 -1036.

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Annexe

Graphique 1 – Lieu d’obtention du doctorat et du post-doctorat des scientifiques mexicains, par période

Source : Base de données des CV des membres du SNI en exercice en 2010.

Graphique 2 – Nombre de diplômes de doctorat par pôle de formation et par période

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

Graphique 3 – Répartition des chercheurs par principaux pays étrangers d’obtention du doctorat

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

Graphique 4 – Répartition par pays du total des diplômes de doctorat obtenus à l’étranger, par période (en %)

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

Graphique 5 – Distribution des doctorats obtenus à l’étranger, par pays et par champ disciplinaire (en %)

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

Graphique 6 – Nombre de diplômes de doctorat obtenus avant 1984 par les membres du SNI par pôle de formation à l’étranger et par discipline

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

Graphique 7 – Nombre de diplômes de doctorat obtenus par les membres du SNI par pôle de formation à l’étranger et par discipline de 1985-1996

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

Graphique 8 – Nombre de diplômes de doctorat obtenus par les members du SNI par pôle de formation à l’étranger et par discipline après 1996

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

Graphique 9 – Nombre de diplômes de post-doctorat obtenus par les membres du SNI par pôle de formation à l’étranger et par discipline après 1996

Source : Base de données des CV des membres du SNI, en exercice en 2010.

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Notes

* Titre original : « Un primer acercamiento a la reconstrucción de los principales polos de atracción internacional de formación de los científicos mexicanos a partir de 1960 ». Traduction de l’article : Étienne Gérard.

1  On traduit ici « posgrado » par « post-licence ». Posgrado, dans le système mexicain, désigne en effet les niveaux supérieurs à la Licenciatura (licence) : Maestria (master), Especializacion (Spécialisation) (niveau non obligatoire) et Doctorado (Doctorat). Posgrado pourrait également être traduit par « Deuxième et troisième cycles »  ; traduction à laquelle nous recourrons également dans le texte (NdT).

2  On estime que ces derniers représentent 30  % environ des enseignants-chercheurs et chercheurs travaillant à temps plein, soit 30  % environ, également, de l’ensemble des personnels du SES mexicain.

3  Selon le recensement de 1960, 1  % seulement de la population de plus de 15 ans était ou avait été inscrit à un moment donné dans une institution d’enseignement supérieur, sans nécessairement être diplômé de la licence. De surcroît, il s’agit de considérer – en se remémorant la forte demande de main-d’œuvre qualifiée au moment du dit « Miracle mexicain » – que le secteur productif, en plein essor jusqu’au milieu des années 1970, demandait aussi du personnel qualifié, concurrençant ainsi, en matière d’emploi des rares diplômés, les autres segments du marché du travail.

4  Tout cela a fait partie d’une réforme du CONACYT qui, aux débuts des années 1990, a entraîné, entre autres, la création du Programme pour l’avancement de la science au Mexique (Programa para el Avance de la Ciencia en México – PACIME) – dont le programme relatif au schéma des études post-licence d’excellence (Padrón de Posgrado de Excelencia – PPE) –, ce qui a façonné le développement scientifique du pays depuis lors.

5  SESIC, qui devint, en 2006, le ministère de l’Enseignement supérieur (SES).

6  Dont les universités technologiques il y a 15 ans à peu près, ou les Universités Interculturelles et les Universités Polytechniques, beaucoup plus récentes.

7Programa de Superación del Personal Académico.

8Programa de Mejoramiento del Profesorado.

9Programa Integral de Fomento Institucional.

10Fomento a la Educación Superior – FOMES.

11Comités Interinstitucionales de Evaluación de la Educación Superior – CIEES.

12Programa de Fomento Integral al Posgrado – PIFOP.

13Programa Nacional de Posgrados de Calidad – PNPC.

14  Durant la période 2006-2012, le ministère de l’Enseignement supérieur et le CONACYT administrent conjointement le PNPC, qui développe deux volets : le PNP, qui appuie des programmes de master et doctorat en cours de consolidation ou en phase initiale, et le Schéma National de PNPC, qui intègre les « programmes consolidés », tant au niveau national qu’international.

15  Malgré ces avancées dans la dernière décennie en matière d’évaluation des masters et doctorats nationaux, un long chemin reste à parcourir pour parvenir à une évaluation de l’ensemble de l’offre nationale de masters, spécialisations et doctorats. Selon le Conseil national de population, les institutions d’enseignement supérieur offraient, en 2010, 7 720 programmes à ces niveaux, dont 1 652 de spécialisation, 5 183 de masters et 885 de doctorats (Romero & Ponce, 2010). 406 (13,9  %) masters et doctorats seulement, sur les 2 908 enregistrés en 1999-2000, faisaient partie du PNP (Alcántara et alii, 2008)  ; pour 2010, 166 programmes de spécialisation, 742 de master et 386 de doctorat étaient dans ce cas (soit 16,9  % des programmes offerts à ces niveaux).

16  En sont des exemples, dans la région, le renforcement de la relation entre le Venezuela et le gouvernement cubain à partir de Hugo Chavez, ou la signature du traité de libre échange d’Amérique du Nord et l’entrée dans l’OCDE du Mexique à la période de Salinas (OCDE, 1997).

17  La classification faite par le SNI est la suivante : Área I : Físico, Matemáticas. Área II : Biología y Química. Área III : Medicina y Ciencias de la Salud. Área IV : Humanidades y Ciencias de la Conducta. Área V : Ciencias Sociales. Área VI : Biotecnología y Ciencias Agropecuarias. Área VII : Ingenierías y Tecnología.

18  Les graphiques mentionnés dans le texte se trouvent en fin d’article, pp. 100-106.

19  La première admission dans le SNI a concerné, en 1984, 1 396 chercheurs  ; en 1996, leur nombre avait atteint 5 969 et, en 2010, 16 598.

20  Nous rejoignons ici les conclusions déjà apportées par Didou et Gérard (2010).

21  Remarque : dans ce graphique figure le nombre absolu de diplômes par pays, pour montrer les tendances ou la participation des différents champs scientifiques à la recherche à différentes périodes.

22  Ce sont les aires disciplinaires de physique-mathématiques et biologie-chimie qui ont le plus grand nombre de programmes doctoraux sélectionnés dans le PNPC, en plus d’avoir réussi à avancer en obtenant les plus hautes qualifications dans ce dernier. Par exemple, tandis que la physique représente uniquement 2  % des inscriptions au niveau licence, un cinquième des doctorants dans le pays sont inscrits dans cette discipline (Grediaga, 2011).

23  Jusqu’à 1984, pratiquement la totalité de séjours post-doctoraux, bien que peu nombreux, s’effectuent à l’étranger : seulement 4 ont été réalisés dans des institutions du pays (deux chercheurs en biologie et chimie, un en médecine et un en sciences du comportement), face à 62 diplômes d’origine étrangère, principalement dans des institutions des États-Unis. Ces séjours ont concerné des chercheurs de trois champs disciplinaires : biologie-chimie, physique-mathématiques et médecine. Dans la deuxième période, sur un total de 244 séjours post-doctoraux notifiés dans la base du SNI, 229 (93,8  %) ont été effectués à l’étranger. Ce mode de préparation pour le développement de recherche concernait principalement les chercheurs de biologie et chimie, de médecine et de physique-mathématiques.

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Pour citer cet article

Référence papier

Rocío Grediaga Kuri et Estela Maldonado Pérez, « Une première approche de la reconstruction des principaux pôles internationaux de formation des scientifiques mexicains à partir de 1960 », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 11 | 2012, 73-106.

Référence électronique

Rocío Grediaga Kuri et Estela Maldonado Pérez, « Une première approche de la reconstruction des principaux pôles internationaux de formation des scientifiques mexicains à partir de 1960 », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 11 | 2012, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 24 mars 2015. URL : http://cres.revues.org/2144

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Auteurs

Rocío Grediaga Kuri

Sociologue, Professeur, UAM-A, Mexico

Estela Maldonado Pérez

Doctorante en sociologie, UAM-A, Mexico

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Droits d’auteur

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