L’année a débuté avec l’éclatement de luttes révolutionnaires en Tunisie et en Égypte et des soulèvements populaires partout dans le monde arabe et qui ont été suivis par des luttes de masse en Europe et dans l’État du Wisconsin aux États-Unis. Ces événements furent une première réaction de la classe ouvrière à la crise mondiale du système capitaliste qui avait éclaté deux ans et demi plus tôt. Ils marquent la résurgence de la classe ouvrière sur la scène de l’histoire mondiale.

Les classes dirigeantes, partout dans le monde, ont réagi en accélérant leurs politiques contre-révolutionnaires : la guerre, l’austérité économique et les attaques contre les droits démocratiques. L’année 2011 a connu l’attaque impérialiste contre la Libye, des provocations contre la Syrie et la poursuite de la violence militaire en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et ailleurs.

La stratégie belliqueuse du « pivot vers l’Asie » du gouvernement Obama a déstabilisé encore davantage la région Pacifique. L’année a marqué la première invocation par le gouvernement Obama du droit d’assassiner des citoyens américains, qu’il a présenté comme des « terroristes ». L’Europe s’est davantage enfoncée dans la crise avec des mesures d’austérité profondément impopulaires imposées en Italie, en Grèce, au Portugal, en Irlande et à l’ensemble du continent.

Des manifestants à l’intérieur du bâtiment du Capitole au Wisconsin

La révolution en Tunisie et en Égypte

En réaction à la crise capitaliste qui a éclaté avec l’effondrement de Wall Street en 2008, la classe dirigeante a cherché à restructurer les relations de classes au niveau mondial. Le renflouement des banques à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars qui a pour centre les États-Unis et l’Europe, fut suivi par une campagne pour obliger la classe ouvrière à en payer les frais grâce à de brutales mesures d’austérité. Dès le début, le WSWS avait anticipé que ceci entraînerait une aggravation de l’inégalité et une résurgence de la lutte des classes sur le plan international.

Les événements survenus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord durant les premiers mois de 2011 ont confirmé cette analyse. Le premier événement majeur de l’année a été la révolution en Tunisie qui a évincé le 14 janvier le dictateur Zine El Abidine Ben Ali qui est soutenu par les États-Unis. Les protestations massives qui eurent lieu dans ce petit pays d’Afrique du Nord ont été déclenchées par le suicide par le feu de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant de fruits et légumes dont les marchandises avaient été arbitrairement confisquées par la police.

Une déclaration publiée par le comité de rédaction du WSWS, « Les manifestations de masses en Tunisie et la perspective de la révolution permanente » a précisé que cet événement avait « mis le feu aux poudres sociales qui s’accumulaient depuis longtemps sous la surface de la vie politique ». L’événement tragique avait « focalisé la colère de millions de jeunes et de travailleurs concernant le chômage, la pauvreté et l’inégalité sociale généralisés, ainsi que le despotisme et la corruption de l’élite dirigeante. »

Les conditions sociales qui ont conduit à l’éruption en Tunisie prédominent partout au Maghreb et au Moyen-Orient, et sont de plus en plus en train de menacer la classe ouvrière dans les pays capitalistes avancés dans un contexte de crise économique mondiale et d’une offensive brutale menée par les banques et les entreprises.

Le WSWS avait prévenu que les masses tunisiennes n’étaient « cependant qu’à la première étape de leur lutte ». En poursuivant : « Comme on le voit déjà clairement avec la poursuite de la violence militaire sous le nouveau président par intérim, la classe ouvrière est confrontée à des risques immenses. La question cruciale d’un programme et d’une direction révolutionnaires n’est pas résolue ».

L’éruption de la lutte de masse de la classe ouvrière pose les questions les plus fondamentales de programme et de perspective en confirmant la théorie de la Révolution Permanente – la stratégie révolutionnaire mondiale développée par Trotsky et la Quatrième Internationale. En Tunisie et dans tous les anciens pays coloniaux, la bourgeoisie nationale est incapable d’accomplir les tâches fondamentales de la révolution démocratique. Une lutte contre la dictature politique requiert la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre le système capitaliste, en menant les masses opprimées à la fois contre la bourgeoisie nationale et contre l’impérialisme. Le WSWS écrivait :

« Cette lutte ne peut être conduite simplement à l’échelle nationale. Des partis trotskystes doivent être construits dans toute l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient pour unifier les masses travailleuses sous la bannière des États socialistes unis du Moyen-Orient et du Maghreb, faisant partie de la révolution socialiste mondiale. »

« Cette lutte doit être consciemment reliée aux luttes montantes des travailleurs des pays capitalistes avancés dont beaucoup comptent de larges populations de travailleurs arabes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. »

« Ce n’est que sur cette base internationaliste que les divisions entre religions, nationalités et ethnies – sans cesse agitées par l’impérialisme et la bourgeoisie – pourront être dépassées et que la puissance sociale de la classe ouvrière pourra être mobilisée pour mettre fin à la domination impérialiste. »

Les événements en Tunisie ont rapidement été suivis par la révolution en Égypte qui a duré du 25 janvier au 11 février et qui a renversé une dictature soutenue par les États-Unis et qui a duré des décennies dans le plus grand pays arabe.

Dans une lutte héroïque qui a duré deux semaines et trois jours autour de la place Tahrir au Caire et dans d’autres grandes villes partout dans le pays, les manifestations de masse et les grèves ont débordé les forces de sécurité égyptiennes, équipées et entraînées par les États-Unis, qui tentaient de les étouffer. 846 personnes au moins ont été tuées et 6000 autres blessées.

Le gouvernement Obama a travaillé en coulisse pour renforcer Hosni Moubarak. Ce n’est qu’après avoir conclu que le maintien au pouvoir de Moubarak n’avait désormais plus lieu d’être que Washington s’est efforcé d’organiser une « transition ordonnée » qui sauvegarderait l’État capitaliste égyptien et préserverait les intérêts de l’impérialisme américain.

Face aux caméras de télévision, Moubarak a fait différentes concession en vue de calmer les manifestants, y compris l’annonce le 1er février qu’il ne se représenterait pas aux élections. Mais des centaines de milliers de gens restèrent dans les rues en défiant les couvre-feux, les menaces, la torture, les disparitions et les attaques brutales perpétrées par les gros bras pro-Moubarak et les policiers en civil.

Le 1er février, alors que Moubarak cherchait à duper les manifestants en parlant de « compromis », le président du comité de rédaction international, David North, écrivait que les événements survenus en Égypte et en Tunisie avaient complètement démenti ce « scénario complaisant et réactionnaire » qui avait caractérisé le triomphalisme pro-capitaliste qui avait prévalu après la liquidation de l’Union soviétique, selon lequel les luttes révolutionnaires appartenaient au passé.

L’émergence de la classe ouvrière en tant que puissante force sociale fut d’une importance décisive dans la chute de Moubarak, North écrivait le 10 février, « Alors que les assemblées de masse et les affrontements sur la Place Tahrir au Caire sont le point de mire de la couverture médiatique, la vague grandissante de la combativité de la classe ouvrière – sous forme de manifestations et de grèves – aura un impact plus important sur le cours des événements. » Cependant, pour réussir, la lutte de masse doit être guidée par un programme politique clair.

« La lutte qui se déroule en ce moment en Égypte est de nature à durer. La responsabilité des marxistes révolutionnaires est de développer parmi les travailleurs, au moment où ils vivent des expériences politiques colossales, une compréhension de la nécessité d’une lutte indépendante pour le pouvoir. Ils doivent mettre en garde les travailleurs contre toutes les illusions selon lesquelles leurs aspirations démocratiques peuvent se réaliser sous l’égide de partis bourgeois. Ils doivent impitoyablement révéler au grand jour les fausses promesses des représentants politiques de la classe capitaliste. Ils doivent encourager la création d’organes indépendants du pouvoir ouvrier qui, avec l’intensification de la lutte politique, peuvent devenir la base pour le transfert du pouvoir à la classe ouvrière. Ils doivent expliquer que la réalisation des revendications démocratiques essentielles des travailleurs est étroitement liée à l’application d’une politique socialiste. »

« Les révolutionnaires marxistes doivent avant tout élargir l’horizon politique des travailleurs égyptiens au-delà des frontières de leur propre pays. Ils doivent expliquer que les luttes qui se développent actuellement en Égypte sont indissolublement liées à un processus mondial naissant de la révolution socialiste mondiale et que la victoire de la révolution en Égypte requiert non pas une stratégie nationale mais internationale. Après tout, la lutte contre le régime Moubarak-Suleiman et la classe dirigeante égyptienne est, en dernière analyse, une lutte contre l’ensemble de la bourgeoisie arabe, le régime sioniste d’Israël et l’impérialisme américain et européen. Dans cette lutte mondiale, le plus important allié indispensable des masses égyptiennes est la classe ouvrière internationale. »

Le 11 février, la démission de Moubarak fut annoncée à une foule triomphante. Dans « La chute de Hosni Moubarak », le comité de rédaction du WSWS soulignait à la fois le caractère historique de ces événements et les énormes défis politiques qui subsistent encore :

« Aussi importante que soit la démission de Moubarak, toutefois, c’est seulement le début de cette lutte. Moubarak est peut-être parti, mais le régime demeure, et le pouvoir reste aux mains du corps officier qui est le pilier de la dictature capitaliste en Égypte depuis des décennies. Les masses savent qu’elles ont seulement commencé à régler leurs comptes avec les exploiteurs – la police secrète, les généraux égyptiens vénaux, et Moubarak lui-même ».

Le Conseil suprême des Forces armées a unilatéralement mis au pouvoir avec le soutien du gouvernement Obama une junte militaire en promettant des élections dans six mois. Peu après la démission de Moubarak, le WSWS mettait en garde dans une déclaration :

« L’armée cherche à se maintenir au pouvoir, en n’accordant aucune des revendications fondamentales qui poussent des millions d’Égyptiens à manifester. Le pays est maintenant sous le contrôle d’une junte militaire, qui conserve la police et tous les pouvoirs d’urgence de l’ancien régime, et qui tente de gouverner sur la base d’un réseau de vieux copains de Moubarak tels que le premier ministre Ahmed Shafiq.

« Quant à l’administration Obama, après avoir soutenu Moubarak aussi longtemps que possible, elle soutient le régime militaire ».

Une série de manœuvres politiques prolongées et de heurts violents ont fait suite à l’éviction de Moubarak alors que la junte militaire, les factions bourgeoises de droite telles les Frères Musulmans et des figures pro-impérialistes comme Mohammed El-Baradei rivalisaient d’influence et tandis que les grèves et les manifestations de masse qui avaient écarté du pouvoir Moubarak continuaient d’éclater. Le WSWS a associé des reportages à chaud à une analyse de la situation politique à laquelle le mouvement de masse était confronté.

Le capitalisme fut préserve en Égypte avec la duplicité des tendances de la pseudo-gauche petite bourgeoise qui créent des illusions dans l’armée et qui cherchent à empêcher le développement d’un mouvement politique de la classe ouvrière indépendant. Des tendances telles que les Socialistes révolutionnaires égyptiens (SR), un groupe entretenant des liens politiques avec l’International Socialist Organisation (ISO) aux États-Unis et le Socialist Workers Party (SWP) en Grande-Bretagne, ont joué un rôle insidieux et réactionnaire.

Les SR ont dès le début fait miroiter des illusions sur l’armée égyptienne, la réforme constitutionnelle, les élections, les candidats bourgeois comme Mohammed El-Baradei et des partis bourgeois tels les Frères Musulmans, tout en lançant des appels en faveur d’une « seconde révolution » contre la junte. La confusion qui en a résulté a fourni au gouvernement Obama et à la junte militaire suffisamment de répit pour imposer, durant les mois qui ont suivi le renversement de Moubarak, une répression brutale.

Dans l’article Le rôle contre-révolutionnaire de la pseudo-gauche égyptienne, le WSWS a fourni une analyse historique, politique et sociologique détaillée du rôle joué par les SR et des tendances similaires.

« Ces partis s’opposent à la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre la junte. Politiquement, ils défendent l’héritage du régime militaire en Égypte et le soutien nationaliste des staliniens en sa faveur et ce même après que la classe ouvrière s’est révoltée contre Moubarak et, par la suite, contre le CSFA. Sociologiquement, ces partis se composent de membres issus des sections favorisées de la classe moyenne, une couche sociale liée financièrement et politiquement à l’impérialisme occidental qui cherche à maintenir les travailleurs sous le contrôle de l’État et de la bureaucratie syndicale ».

À l’opposé des groupes de la pseudo-gauche petite bourgeoise qui ont soutenu la « transition » en Égypte appuyée par les États-Unis, le WSWS – et uniquement le WSWS – a réclamé l’indépendance politique de la classe ouvrière égyptienne et sa mobilisation pour le renversement de la junte militaire et l’établissement d’un gouvernement ouvrier, comme partie intégrante de la lutte pour les États socialistes unis du Moyen-Orient.

L’importance cruciale de cette perspective fut révélée durant les derniers mois de l’année alors qu’une vague de grèves et de manifestations de masse ont montré que des millions perdaient leurs illusions dans l’armée et réclamaient des règlements de compte avec l’élite dirigeante égyptienne.

Les manifestants en liesse sur la place Tahrir au Caire après l’annonce de la démission du président Hosni Moubarak

De l’Égypte au Wisconsin

Les révolutions en Tunisie et en Égypte furent soutenues au niveau international par les travailleurs en créant un élan de manifestations de masse dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, connu sous le nom de « Printemps arabe », avec d’importantes manifestations en Algérie, au Maroc, à Djibouti, en Arabie saoudite, au Yémen, au Bahreïn, en Libye, en Syrie et en Irak. Il y eut également des manifestations au Gabon en Afrique et plus tard en été eurent lieu les plus importantes protestations sociales de l’histoire d’Israël.

L’une des expressions les plus significatives du caractère international de ces événements survenus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se produisit dans les rues de Wisconsin, État du Midwest des États-Unis. Lorsque le gouverneur nouvellement élu, Scott Walter, un républicain, tenta de faire voter en toute hâte une loi dépouillant les employés de la fonction publique de leurs droits de négocier une convention collective et réduisant leur salaire et leurs avantages sociaux, un mouvement de masse de la classe ouvrière éclata à Madison, la capitale de l’État, à Milwaukee et dans l’ensemble de l’État.

Début février, Walker menaça de faire appel à la Garde nationale si les fonctionnaires s’opposaient à ses attaques. Les enseignants et autres fonctionnaires réagirent par un arrêt du travail et en organisant des manifestations quotidiennes devant le bâtiment du Capitole du Wisconsin qui fut occupé pendant des semaines par une foule immense.

Le WSWS a assuré une couverture sur place des manifestations à Madison et à Milwaukee. Durant la lutte du Wisconsin, le WSWS a développé son utilisation des vidéos, dont des reportages mis en ligne les 18 février, 21 février, 7 mars et le 14 mars.

Les travailleurs ont défilé en brandissant des pancartes qui comparaient Walker au dictateur égyptien Moubarak évincé et jurant de « Marcher comme un Égyptien » [Walk like an Egyptian, titre d’une chanson célèbre des années 80, ndt]. Bill Van Auken a commen l’importance la classe ouvrière américaine à l’instar de ses frères et sœur de classe dans le monde arabe.

« Le récent renversement des présidents tunisien et égyptien par des mouvements de protestation de masse signifie la réémergence de la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Les conditions qui ont créé ces luttes sont universelles : le chômage de masse, des niveaux stupéfiants d’inégalité sociale et un système politique totalement indifférent aux revendications et aux intérêts de la vaste majorité de la population. L’éclatement des protestations de masse au Wisconsin est la première manifestation d’une nouvelle ère de luttes de classe dans le pays qui a pendant longtemps fonctionné comme le centre du système capitaliste mondial, les États-Unis. »

Cette perspective a souligné les leçons politiques tirées par les masses de travailleurs américains :

« Deux ans et demi après la crise économique mondiale ayant commencé avec l’effondrement financier à Wall Street à la fin de 2008, la classe ouvrière américaine est en train de lancer ses premières grandes contre-attaques contre la politique de l’aristocratie financière. On commence à réaliser de plus en plus que le système politique et économique a failli et qu’un nouvel ordre social doit émerger ».

Dans le cadre d’un assaut impitoyable contre la classe ouvrière aux quatre coins du pays, Walker n’a pas seulement cherché à réduire drastiquement les salaires et les prestations sociales mais à éliminer le droit de négocier une convention collective dans le but de proscrire toute forme d’opposition de la classe ouvrière à l’encontre de la politique menée par le patronat et l’élite financière.

La réaction de l’AFL-CIO et des autres syndicats fut de chercher à préserver leurs propres intérêts institutionnels et financiers en sauvegardant leur rôle de collaboration avec les entreprises et le gouvernement ayant pour but d’imposer les coupes sociales à la classe ouvrière. Ils ont cherché, dès le premier jour des manifestations, à les étouffer en les canalisant derrière le Parti démocrate. Ils ont à maintes reprises insisté sur l’idée que pour eux la question n’était pas les réductions des salaires et des prestations sociales qu’ils acceptaient. Dans l’article Les questions politiques de la lutte contre les coupes budgétaires, le WSWS a écrit :

« Quel est alors l’argument fondamental de l’AFL-CIO ? Il n’y a aucun besoin, dit-elle, d’attaquer les prérogatives juridiques et les cotisations des syndicats. L’AFL-CIO a la volonté de collaborer avec les gouvernements des divers États, tant démocrates que républicains, pour atteindre leurs objectifs financiers et budgétaires, et elle est pleinement disposée à le faire ».

« Mais que devient la classe ouvrière dans tout cela ? La réponse est : elle est privée d’emplois, privée de rémunérations et de salaires adéquats, privée de prestations et de services sociaux essentiels, privée d’écoles et d’hôpitaux adéquats, privée de droits démocratiques fondamentaux et privée d’avenir ».

En opposition aux syndicats et au Parti démocrate, le WSWS a appelé à une grève générale pour mobiliser l’ensemble de la classe ouvrière et pour renverser le gouvernement Walker, une revendication qui fut largement appuyée. Dans l’article Walker doit partir ! Grève générale au Wisconsin !, le WSWS a écrit, que « L’appel à la démission de Walker n’implique pas un vote de confiance au Parti démocrate ».

« Au-delà des frontières du Wisconsin il y a des gouverneurs et des maires du Parti démocrate qui réclament des coupes budgétaires pas moins draconiennes que celles que veut Walker. Le gouvernement Obama collabore avec les gouverneurs d’États et le Congrès à Washington à la mise en application des coupes budgétaires qui causeront des ravages dans la vie des travailleurs partout dans le pays ».

« Toutefois, inspirée par l’exemple donné par les travailleurs au Wisconsin, la lutte contre les attaques à l’encontre des droits des travailleurs s’étendra d’un État à l’autre et à travers le pays en général, en opposition à tous les représentants politiques de la classe capitaliste ».

« Ainsi, la revendication exigeant l’éviction de Walker soulève la question la plus importante de toutes – la nécessité des travailleurs de créer leur propre alternative socialiste indépendante aux partis Républicain et Démocrate contrôlés par le patronat ».

Un rôle décisif dans la démobilisation des protestations fut joué par l’International Socialist Organization dont les activités étaient totalement concentrées sur le renforcement de la crédibilité des syndicats et du Parti démocrate. L’ISO, tout comme les syndicats, a appuyé le théâtre politique organisé par les sénateurs démocrates de l’État qu’ils avaient fui pour priver Walker et les Républicains d’un quorum au parlement et retarder l’adoption de la loi anti-travailleurs du gouverneur.

Le 9 mars, Walker réussit à faire voter sa loi qui fut mise à profit par les syndicats pour annuler les manifestations qui avaient duré des mois. Au cours de la courte période avant que la loi n’entre en vigueur, les syndicats s’étaient empressés de signer des conventions s’étalant sur plusieurs années et qui garantissaient le prélèvement automatique des cotisations syndicales des salaires des travailleurs tout en leur imposant des considérables concessions.

Parallèlement, les syndicats, soutenus par l’ISO et d’autres organisations de la pseudo-gauche, ont lancé une pétition pour forcer la tenue d’une nouvelle élection pour la destitution des députés républicains – une diversion réactionnaire visant à démobiliser la classe ouvrière en canalisant la colère des travailleurs derrière les Démocrates.

En août, l’élection pour la destitution fut tenue. Le résultat fut que le sénat resta sous le contrôle des Républicains prouvant ainsi le caractère corrompu de toute cette campagne. Le WSWS a écrit :

« Dès le départ, cette campagne de vote de destitution fut une diversion réactionnaire visant à démobiliser et à réprimer l’opposition de la classe ouvrière. Les candidats démocrates n’ont pas caché leur soutien pour les coupes dans les dépenses sociales et les attaques contre les fonctionnaires. Si les Démocrates avaient pris le contrôle du sénat, il n’y aurait eu aucun changement significatif de la politique gouvernementale relative aux droits fondamentaux et aux intérêts de la classe ouvrière ».

La plus importante leçon qui découle de l’expérience des manifestations au Wisconsin est le besoin d’un parti et d’une perspective révolutionnaires pour mener les luttes de la classe ouvrière.


La contre-révolution sociale et la lutte des classes en Europe

L’Europe devint le centre mondial de la contre-révolution sociale au moment où les banques mettaient tout en œuvre pour imposer une détérioration des conditions de vie à la classe ouvrière. La Grèce, le Portugal et l’Irlande avaient dû demander de l’argent auprès du Fonds européen de stabilité (FESF) nouvellement créé pour éviter une faillite des États en mettant en danger l’euro. Les agences de notation dégradèrent la note de la dette souveraine de ces pays, tout comme celle de l’Italie.

Un « triumvirat », composé de l’UE, du FMI et de la Banque centrale européenne (BCE), aussi connu sous le nom de « Troïka », exerça des pouvoirs quasi dictatoriaux sur les pays débiteurs en imposant de sévères mesures d’austérité. Entre 2008 et 2011, le chômage des jeunes augmenta de 25 pour cent dans l’ensemble de l’Europe. De grandes entreprises comme Fiat utilisèrent la crise pour introduire de nouvelles conventions collectives très inférieures aux précédentes.

Les travailleurs réagirent avec une série de grèves générales et d’innombrables manifestations. Suite au soulèvement en Afrique du Nord, il y eut de vastes manifestations contre la hausse du chômage, la pauvreté et les attaques contre les niveaux de vie au Portugal, en Espagne, en Grèce et dans d’autres pays. Dans de nombreux cas, les travailleurs s’identifièrent ouvertement aux luttes ayant lieu de l’autre côté de la Méditerranée.

Parmi les travailleurs et les jeunes, les programmes d’austérité de l’UE ont suscité de l’indignation mais les syndicats, tout comme en Grèce, firent tout leur possible pour saborder tout véritable mouvement des travailleurs en isolant leur lutte et en organisant des protestations symboliques dans le but de démoraliser la classe ouvrière.

La pseudo-gauche a soutenu le rôle que les syndicats ont joué dans ces attaques sociales alors que SYRIZA en Grèce, Die Linke en Allemagne et le NPA en France soutenaient l’UE. Le dirigeant de SYRIZA, Alexis Tsipras, a même donné à l’UE la garantie que son parti ne gênerait en rien les mesures d’austérité.

Lorsque le mouvement des indignés (indignados) est apparu en juin en Espagne comme avant-goût du mouvement Occupy Wall Street qui a débuté plus tard dans l’année, les partis de la pseudo-gauche ont appuyé sa perspective apolitique en mettant en avant l’argument du « pas de politique » afin de renforcer le carcan de la politique pro-capitaliste.

L’instabilité politique s’accentuait au fur et à mesure que les gouvernements tombaient dans un pays après l’autre.

Irlande – La coalition Fianna Fail-Verts fut chassée du pouvoir le 25 février, vaincue par la coalition droitière entre Fine Gael et le Parti travailliste.

Portugal – Le Parti socialiste du premier ministre José Socrates a subi une déroute aux élections législatives et fut remplacé par le parti plus conservateur des sociaux-démocrates dirigés par Pedro Passos Coelho.

Danemark – Le gouvernement de coalition de droite de Lars Løkke Rasmussen fut battu aux élections législatives du 15 septembre et remplacé par les sociaux-démocrates sous la direction de Helle Thorning-Schmidt, qui était appuyé par trois autres partis populistes ou sociaux-démocrates.

Slovénie – Le gouvernement social-démocrate du premier ministre Borut Pahor fut limogé en perdant un vote de confiance en septembre qui fut suivi par des élections législatives en décembre que remporta un homme d’affaire de droite.

Slovaquie – Le gouvernement de coalition de droite dirigé par Iveta Radicova a perdu un vote parlementaire en octobre au sujet de l’approbation du nouveau mécanisme de renflouement européen et un régime intérimaire fut mis en place jusqu’à la tenue de nouvelles élections.

Grèce – Le premier ministre George Papandreou, dirigeant du parti social-démocrate PASOK, a démissionné et fut remplacé par un ancien banquier non élu Lucas Papademos qui dirigea un gouvernement de technocrates soutenu par les deux principaux partis bourgeois, le PASOK et Nouvelle Démocratie.

Italie – Le premier ministre Silvio Berlusconi a démissionné le 10 novembre pour être remplacé par un technocrate non élu, ex-commissaire de l’UE, ancien banquier de Goldman Sachs et professeur d’économie, Mario Monti.

Espagne – Après deux mandats, le premier ministre José Luis Zapatero a démissionné avant que son parti, le parti social-démocrate PSOE, ne soit lourdement défait lors des élections générales du 20 novembre par le Parti populaire de droite.

Croatie – Le parti au pouvoir de longue date, le nationaliste HDK, fut battu aux élections générales du 4 décembre par une coalition d’opposition menée les sociaux-démocrates.

Le renversement de neuf gouvernements devint la manifestation la plus évidente de la décrépitude de la démocratie capitaliste. Des millions de travailleurs sont allés aux urnes pour chercher à exprimer leur opposition à la politique de l’UE consistant à fournir des milliards aux banques tout en réduisant drastiquement les emplois, les salaires et les prestations sociales. Mais, quelle que soit la coalition ou le parti sortant victorieux, qu’il soit social-démocrate ou conservateur, les attaques contre la classe ouvrière n’ont fait que s’intensifier.

Dans plusieurs pays importants, les banquiers ont décidé de mettre en place des gouvernements sans étiquette politique qui seraient vraiment libres de toute contrainte démocratique. En Grèce, Papandreou licencia les hauts gradés de l’armée par crainte qu’un coup d’état militaire ne soit organisé dans le but d’imposer le plan d’austérité. Lorsqu’il proposa de soumettre le projet d’austérité à un referendum populaire, l’UE le força à retirer cette proposition et à transmettre le pouvoir à un cabinet ministériel encore plus engagé à promouvoir les mesures d’austérité.

En Italie, l’ancien banquier Mario Monti fut nommé Premier ministre par Gorgio Napolitano, un fidèle de longue date du parti stalinien, et son cabinet ministériel non partisan bénéficia du soutien de l’ensemble des partis officiels de « gauche », dont à la fois le Parti démocrate, le principal successeur du PCI stalinien, et une autre scission ex-stalinienne, le SEL (Gauche, Écologie et Liberté), ainsi que de l’appui tacite de Refondation communiste (Rifondazione Comunista), le domicile politique des pablistes et autres éléments de la pseudo-gauche.

Le Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) et le WSWS ont analysé chaque étape de la crise européenne et fit des reportages sur place en Grèce. Il prit la défense la classe ouvrière en luttant pour une étroite collaboration internationale des travailleurs contre ces attaques en mettant en exergue les questions de classes soulevées et en montrant comment aller de l’avant.

En août, le mécontentement social éclata dans une autre manière en Grande-Bretagne après l’assassinat par balles par la police de Marc Duggan, un père de quatre enfants, dans le quartier de Tottenham, au Nord de Londres, et un assaut ultérieur de la police contre une manifestation pacifique qui provoqua une révolte des jeunes dans tout le pays.

Des dizaines de milliers de jeunes descendirent dans la rue en s’attaquant à des magasins, commerces, des bâtiments publics. Les émeutes furent le résultat direct d’une énorme augmentation de la pauvreté et du chômage sous l’effet de la crise capitaliste et des mesures d’austérité imposées par la classe dirigeante.

Cette même classe dirigeante a réagi par une brutale répression. Le Parlement a réclamé les représailles les plus dures et la police fut dotée de pouvoirs répressifs incluant le recours à des balles réelles. Les jeunes qui se sont servis des réseaux sociaux pour critiquer ou s’organiser contre la violence policière, y compris deux adolescents en Écosse furent condamnés à de longues peines de prison. Une punition collective fut infligée aux familles de tous ceux pris dans le battage médiatique.

Le WSWS a dénoncé l’établissement d’un État policier en Grande-Bretagne et a exigé la libération de tous les jeunes arrêtés et détenus. L’analyse du WSWS distingua le SEP en Grande-Bretagne de tous les différents groupes et individus « de gauche », tels le pseudo-philosophe slovène Slavoj Zizek qui publia une diatribe contre la révolte des jeunes.

Dans une perspective publiée le 6 septembre sur le WSWS, Robert Stevens mettait en garde :

« Depuis le mois de l’éclatement des émeutes dans plusieurs grandes villes britanniques, un assaut sans précédent contre les droits démocratiques a lieu […] Depuis lors, une couverture médiatique hystérique et des appels sanguinaires à la vengeance sont à l’ordre du jour. Tous les critères précédents pour les peines ont été abandonnés et le gouvernement a fait parvenir aux tribunaux une directive de ne plus agir dans l’esprit de la loi. »

Après avoir décrit les conditions sociales qui ont occasionné un soulèvement parmi les jeunes, il a conclu :

« Cette situation ne peut ni ne pourra cependant continuer. Le gouffre social qui sépare les ultra-riches de la vaste majorité n’est pas viable. Les conditions sont créées pour l’émergence de luttes sociales de masse que ni les syndicats ni le Parti travailliste, qui sont à juste titre vilipendés comme des instruments du patronat, ne pourront pas contenir ».


La guerre en Libye et le rôle de la pseudo-gauche

La classe dirigeante américaine a réagi aux soulèvements sociaux en Égypte et en Tunisie en resserrant ses liens avec les monarchies et les dictatures qui opèrent dans la région comme ses marionnettes. Des répressions sanglantes eurent lieu au Bahreïn, en Arabie saoudite et au Yémen. Le rôle des États-Unis est particulièrement flagrant au Bahreïn qui abrite le quartier général de la Ve flotte américaine qui patrouille les routes maritimes clés empruntées par les pétroliers dans le Golfe persique.

Parallèlement, les États-Unis intensifiaient leur intervention dans la région en attisant la guerre civile, d’abord en Libye, puis en Syrie. Dans les deux cas, l’intervention de la CIA et l’armement des forces islamistes – dont des groupes associés à Al-Qaïda – a été accompagnée par une campagne menée au sein de groupes de pseudo-gauche qui visait à présenter de manière frauduleuse ces interventions impérialistes comme la continuation des mouvements du « Printemps arabe » en Tunisie et en Égypte.

Depuis l’invasion de 2003 en Irak, le régime de Kadhafi en Libye avait collaboré avec les États-Unis, notamment en permettant aux États-Unis de se servir du pays comme pays d’accueil pour les « vols de restitution » (rendition flights) et la torture. Toujours est-il, que Washington et ses alliés européens ont jugé que les protestations se déroulant dans pays pourraient servir de couverture à la mise en place d’un gouvernement se trouvant plus directement sous leur contrôle. Ce qui faciliterait la confiscation des ressources pétrolières de la Libye aux dépens de leurs rivaux, notamment de la Chine.

Au cours des semaines qui ont précédé la guerre, le WSWS avait exposé les objectifs fondamentaux des États-Unis et de l’impérialiste européen en Libye, en s’opposant à toute intervention américaine et en expliquant que le renversement de Kadhafi était la tâche de la classe ouvrière et ne pouvait pas être confiée à l’impérialisme. Dans une perspective publiée le 1er mars, Pas d’intervention impérialiste en Libye !, le WSWS avait écrit :

« Comme dans le cas de toute opération dans cette région du monde, les mobiles décisifs sont d’une double nature : mainmise sur les ressources de l’un des principaux pays producteurs de pétrole et poursuite des intérêts stratégiques d’ensemble de l’impérialisme américain au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Des forces militaires impérialistes stationnées en Libye seraient en mesure d’influencer le cours futur des événements en Égypte, en Tunisie, en Algérie et au Maroc, qui sont tous à présent dans la tourmente tout comme le sont, au-delà du Sahara, le Soudan, le Tchad, le Niger et le Nigeria ».

L’Opposition à la guerre des États-Unis et de l’OTAN ne signifiait pas un soutien politique pour Kadhafi. Le WSWS a clairement dit que seule la classe ouvrière pouvait renverser Kadhafi pour le remplacer par un gouvernement démocratique et véritablement ouvrier, en alliance avec les masses de toute l’Afrique du Nord.

Une fois que le bombardement de la Libye par l’OTAN avait commencé – symboliquement, huit ans jour pour jour après l’invasion criminelle de l’Irak par le gouvernement Bush – le WSWS avait analysé les justifications avancées par Obama et qui devinrent l’occasion pour une vaste extension des motifs pour une intervention impérialiste américaine partout dans le monde. Dans une importante allocution télévisée du 28 mars, Obama avait déclaré que le recours à la force militaire était justifié dans des conditions où « notre sécurité n’est pas directement menacée mais où nos intérêts et nos valeurs le sont ». Ces « intérêts et ces valeurs » comprennent « le maintien de la paix, la garantie de la sécurité régionale et la sauvegarde des échanges commerciaux ».

« Ceci représente une affirmation bien plus large du droit de mener une guerre que celle faite même sous le gouvernement Bush qui avait affirmé, sur la base de mensonges, que ses guerres étaient rendues nécessaires en raison d’une menace imminente de terrorisme et d’armes de destruction massive ».

« Obama a souligné qu’une telle menace n’était pas nécessaire, rien qu’un défi aux “intérêts et aux valeurs” américaines. Y a-t-il un coin du monde où les banques et les groupes transnationaux américains ne revendiquent pas de tels intérêts et valeurs – et ce jusqu’aux échanges commerciaux ? Obama argumente en faveur d’une agression militaire américaine partout et quand elle sert à faire avancer les intérêts de l’élite dirigeante américaine. »

La guerre en Libye a fait partie d’une ruée sur l’Afrique. Tous les pouvoirs impérialistes d’Europe – l’Allemagne, la France, l’Espagne et la Grande-Bretagneainsi que l’Australie et le Canada ont soutenu la guerre en tant que moyen de faire valoir leurs propres intérêts dans la région. L’Italie en tant qu’ancienne puissance coloniale de la Libye en faisait également partie.

Durant les six mois de l’action militaire, dont un bombardement intense et incessant, la création et l’armement d’un conseil de fantoches impérialistes à Benghazi, et les fluctuations des combats sur le terrain jusqu’à l’effondrement ultime du régime de Kadhafi, le WSWS avait révélé au grand jour les exactions barbares qui étaient commises au nom de la démocratie tout comme les motivations cupides avancées par les puissances impérialistes. La campagne libyenne a culminé dans le meurtre de Kadhafi et de membres de sa famille en octobre.

Partout en Europe et aux États-Unis, les groupes libéraux et de la pseudo-gauche ont soutenu la guerre en affirmant que les bombardements effectués par les États-Unis et l’OTAN étaient nécessaires pour protéger le peuple libyen et pour promouvoir la démocratie. Ceux-ci incluaient Die Linke (La Gauche) et le parti des Verts en Allemagne, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en France, les ex-staliniens « de gauche » en Italie, les Verts catalans et le Nouveau Parti démocratique au Canada.

Le WSWS a dénoncé les tentatives de ces groupes de dépeindre la guerre impérialiste contre la Libye comme une extension des révoltes populaires de masse en Tunisie et en Égypte. Le WSWS avait écrit au sujet de la conférence du NPA avec ses partis frères du pourtour méditerranéen :

« Alors que les travailleurs d’Afrique du Nord sont en train d’entamer une lutte politique avec des régimes dictatoriaux, le contenu social de cette orientation est de plus en plus évident. Il est bourgeois et contre-révolutionnaire. Il défend les intérêts de classe fondamentaux des capitalistes et de l’impérialisme, contre la menace d’un mouvement révolutionnaire indépendant de la classe ouvrière à la tête de toutes les masses opprimées. »

Particulièrement importante fut la polémique entre le WSWS et le professeur Juan Cole de l’université du Michigan, un éminent critique libéral de la guerre en Irak menée par le gouvernement Bush et qui était devenu le chef de la claque pour la guerre en Libye du gouvernement Obama. Le 27 mars, Cole publiait « Une lettre ouverte à la gauche » dans laquelle le professeur déclarait que la gauche devrait « éviter de faire de “l’intervention étrangère” un sujet absolument tabou ».

Dans La Libye, l’impérialisme et la prosternation des intellectuels de « gauche » : Le cas du professeur Juan Cole, le WSWS soulignait que Cole représentait une couche d’intellectuels qui s’était réconcilié avec la guerre impérialiste grâce au mécanisme qu’incarne le gouvernement Obama.

« Parmi les traits les plus marquants de l’attaque États-Unis-OTAN contre la Libye figure le soutien que cette guerre choisie” a suscité au sein des partis de la gauche libérale et du milieu des classes moyennes supérieures qui constitue une part importante de leur base sociale. En agitant la bannière des droits de l’Homme” – la justification la plus hypocrite et la plus trompeuse de toutes pour une guerre impérialiste – la gauche libérale a adopté cette guerre et en a fait la sienne. On pourrait penser que c’est la première fois de l’histoire où l’impérialisme a choisi la cause des droits de l’Homme et de la démocratie pour servir de couverture à ses intérêts prédateurs ! »

Cole s’en était publiquement pris au WSWS sur son blog Informed Comment qui est largement lu, en assimilant l’opposition à la guerre États-Unis-OTAN à un soutien pour Kadhafi. Dans une « Lettre ouverte au professeur Juan Cole : réponse à une diffamation » et un commentaire ultérieur en réaction à la réponse de Cole aux critiques formulées par le WSWS, Bill Van Auken expliquait le rôle que jouent les éléments libéraux et de pseudo-gauche en couvrant et en justifiant la guerre impérialiste. S’adressant directement à Cole, Van Auken a dénoncé son refus d’examiner les intérêts matériels réels qui étaient en jeu dans cette guerre :

« Votre insistance pour dire que le gouvernement Obama agissait uniquement par altruisme pour sauver des civils libyens, n’avait nullement été ébranlée par le fait que ce même gouvernement menait parallèlement une guerre contre la population civile de l’Afghanistan et du Pakistan, tout en soutenant la répression des masses, appuyée par l’Arabie saoudite, au Bahreïn et le meurtre de Palestiniens par Israël.

« Vous rejetez catégoriquement le fait que Washington et les puissances d’Europe occidentale se servent des événements en Libye comme prétexte à une intervention militaire visant l’établissement d’un contrôle direct et illimité sur les considérables réserves pétrolières du pays et le marché pétrolier mondial en général.

« Cette guerre, lancée sous le prétexte de protéger des civils libyens, a fait que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont morts et ont été blessés, que l’infrastructure du pays a été détruite, infligeant des souffrances économiques à toute la région, et a forcé des centaines de milliers de travailleurs immigrés à fuir, un grand nombre d’entre-eux perdant la vie dans cette fuite. »

Tout en perpétrant des frappes aériennes en Libye et une subversion contre la Syrie, le gouvernement américain n’a pas négligé ses guerres en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, ainsi que ses campagnes de provocation continues lancées contre l’Iran. Les frappes aériennes qui tuaient régulièrement des dizaines de civils furent passées sous silence par les médias.

Au cours de l’année les attaques se multiplièrent au Pakistan tant de la part de soldats américains que par des drones, en donnant lieu à des protestations de masse. En mars, Washington a fait chanter le gouvernement pakistanais pour lui extorquer la libération sans procès d’un agent de la CIA qui avait ouvert le feu et tué deux jeunes Pakistanais sur un marché à Lahore.

En Irak, la guerre des États-Unis s’est arrêtée officiellement même si le retrait de presque toutes les troupes américains fin 2011 n’a pas mis fin au contrôle des États-Unis sur le pays. Plusieurs commentaires du WSWS ont dressé le bilan de huit années de guerre et de leur effet sur l’Irak, sa population et la région.

Tir d’un missile Tomahawk contre la Libye en Méditerranée depuis un croiseur américain durant l’opération « Aube de l’Odyssée ».

Les assassinats de Ben Laden et d’al-Awlaqi et l’assaut contre les droits démocratiques

L’aggravation de la crise terminale de la démocratie, dont le centre se trouve aux États-Unis, est inextricablement liée au militarisme et à la croissance de l’inégalité sociale. Le gouvernement Obama cherche en toute occasion à saper les principes constitutionnels les plus fondamentaux en revendiquant le droit de tuer n’importe qui, y compris des citoyens américains, aux quatre coins du monde.

En mai, les États-Unis organisèrent une opération qui a permis d’assassiner Oussama ben Laden et plusieurs autres personnes. Ce meurtre-exécution – les récits médiatiques de l’époque décrivant ben Laden armé et luttant à mort furent ultérieurement discrédités – fut suivi par l’enlèvement du corps et des funérailles secrètes en pleine mer.

Les circonstances de ce meurtre soulignent les relations troubles entre Al-Qaïda et l’impérialisme américain. Le millionnaire saoudien fut d’abord recruté comme militant dans la guerre que menèrent les moudjahidin contrôlés par la CIA dans les années 1980 en Afghanistan contre le gouvernement du pays soutenu par l’Union soviétique. Il s’allia plus tard aux Talibans qui régnèrent en Afghanistan avec l’appui ouvert de l’armée pakistanaise et le soutien tacite de Washington. Il fut trouvé non dans une grotte, comme certains l’imaginaient, mais vivant dans une résidence très coûteuse dans une ville située à soixante kilomètres seulement des quartiers généraux de l’armée pakistanaise, « comme si un fugitif se cachait près d’un commissariat de police ».

La mort de Ben Laden éclaircit la crise de la démocratie américaine. Un article de perspective par David North soulignait que les efforts du gouvernement Obama pour soulever l’enthousiasme public au sujet du meurtre échouèrent. Les médias libéraux réagirent au moindre doute sur l’assassinat par des dénonciations furieuses. « Je veux de la mémoire, et de la justice et de la vengeance », a hurlé Maureen Dowd dans les pages du New York Times. « La supposition vraiment insensée se cachant derrière une partie des supputations », a poursuivi Dowd, « c’est que le fait de tuer Oussama nous rend semblable à Oussama, comme si toutes les mises à mort étaient les mêmes ». North répondit:

« L’ironie de sa remarque a échappé à Dowd. Un assassinat est effectivement un genre de meurtre très exceptionnel et illégal. Sa pratique par un État – et particulièrement par les États-Unis – a des implications politiques de grande portée vu que l’acte est reconnu comme étant la violation la plus extrême des normes démocratiques et légales. L’implication des États-Unis dans des assassinats politiques dans les années 1960 avait fait partie d’un modèle d’actions illégales qui ont conduit à la criminalisation systématique de l’administration Nixon et à ses violations des droits démocratiques aux États-Unis ».

« Une violence illimitée, la répudiation de la légalité et la suppression de la démocratie : voilà la trajectoire réactionnaire du capitalisme américain contemporain. »

Après Ben Laden, le gouvernement Obama découvrit une nouvelle cible, cette fois-ci un citoyen américain. À peine la mort de ben Laden fut-elle confirmée que l’armée américaine lançait une frappe de drone au Yémen, un autre pays considéré être un « allié » des États-Unis et qui est néanmoins la cible de la violence militaire. Dans ce nouveau cas, le but était de tuer un citoyen américain, Anwar al-Awlaqi, un prédicateur musulman qui avait conseillé le Pentagone après les attentats du 11 septembre, mais qui maintenant était l’auteur de prêches radicaux antiaméricains affichés en anglais sur Internet.

La frappe rata sa cible en tuant deux autres hommes, mais elle fut la première reconnaissance explicite d’une tentative de « meurtre ciblé » d’un citoyen américain. L’attaque suivante réussit à incinérer al-Awlaqi et un autre citoyen américain, Samir Khan. Comme dans le cas de ben Laden, Obama s’attribua publiquement le mérite de ce meurtre en se présentant devant les caméras de télévision à la Maison Blanche pour annoncer le succès de la frappe de drone.

Dans un commentaire affiché à la fin de l’année et intitulé La ‘Meurtre S.A.’ de Barak Obama opère dans le monde entier, le WSWS avait dénoncé le recours de plus en plus fréquent aux drones et la politique officielle de meurtre sanctionnée par l’État.

« Les assassinats extra-judiciaires sanctionnés par l’État sont une métastase de la guerre à la terreur” menée sur tout le globe, un élargissement d’une criminalité internationale qui comprend le lancement de guerres d’agression, l’emprisonnement indéfini et la torture. Ils sont devenus une importante composante de la politique militaire américaine. Celle-ci comprend aussi la guerre en Libye qui s’est conclue par l’assassinat, soutenu par les États-Unis, de Mouammar Kadhafi. Obama a fait du meurtre extrajudiciaire de Osama ben Laden un des hauts faits et un des événements charnière de son administration ».

Ce ne fut qu’une question de temps avant que des meurtres à l’aide de robots volants soient perpétrés par l’État contre des Américains. Anwar al-Awlaqi fut tué le 30 septembre, puis son fils de 16 ans, ont été tués par drones.

Le WSWS publia un essai exhaustif sur les implications juridiques de l’assassinat d’al-Awlaqi. Nous situons cet événement dans son contexte historique en écrivant :

« En dernière analyse, le meurtre d’al-Awlaqi représente le franchissement de manière irrévocable du Rubicon politique, judiciaire et moral par le gouvernement Obama. Il n’est pas exagéré d’affirmer que la politique d’assassinat extrajudiciaire de citoyens américains loin des champs de bataille remet en cause les acquis fondamentaux de la Révolution américaine elle-même. »

Les allégations de « terrorisme » continuèrent d’être à la base des attaques menées par le gouvernement américain contre les droits démocratiques, tant sur le plan international que national. Les États-Unis redoublèrent d’efforts pour orchestrer l’extradition du fondateur de WikiLeaks Julian Assange pour subir aux États-Unis un procès sur des accusations d’espionnage passibles de la peine de mort.

En février, le WSWS condamnait le recours aux tribunaux britanniques pour obtenir qu’Assange soit livré à la justice suédoise sur de fausses accusations d’agression sexuelle, ce qui aurait ensuite permit son incarcération en Suède et son transfert aux autorités américaines. Suite aux accusations d’agression sexuelle, nous avions évoqué le changement dans la presse libérale et pseudo-gauche pour légitimer la vendetta des États-Unis contre WikiLeaks.

Le WSWS a aussi fait campagne pour la défense du soldat Bradley Manning qui fut accusé d’avoir procuré des documents à WikiLeaks. Nous avons dénoncé le soutien publique par Obama au traitement infligé à Manning dans une prison militaire, dont le régime d’isolement strict, la privation de sommeil et l’obligation de rester entièrement nu, ce qui fut largement condamné par les groupes de défense des droits de l’Homme comme une forme de torture.

Le WSWS a réclamé la libération de Manning et le rejet des accusations en mettant en garde que la détermination du gouvernement américain à le juger pour un crime encourant la peine capitale visait à en faire un exemple pour quiconque exposerait les crimes commis par l’impérialisme américain.

Le gouvernement Obama a continué sa pratique de la détention militaire indéfinie qui avait débuté sous son prédécesseur en maintenant ouverte la prison de Guantánamo et en ordonnant la reprise des procès militaires pour les prisonniers qui y sont détenus. Obama a signé la prolongation du Patriot Act, la loi autorisant la détention militaire prolongée et appuyé l’adoption du projet de loi d’autorisation de la défense nationale sur la détention militaire qui, pour la première fois, appose un sceau d’approbation explicite du congrès à la détention militaire indéfinie de personnes, américaines ou non, selon le bon vouloir du président.

Les dirigeants américains suivent en direct le raid contre le complexe fortifié d’Oussama Ben Laden

Le « pivot vers l’Asie » d’Obama

L’un des développements les plus sinistres analysés par le WSWS en 2011 fut le « pivot vers l’Asie » du gouvernement Obama. Il s’agit d’une impitoyable stratégie militaire, diplomatique et économique provocatrice visant à contrer l’émergence de la Chine comme puissance mondiale – une stratégie qui est destinée à compenser le déclin historique de l’impérialisme américain et à rétablir sa domination mondiale.

La première ministre australienne, Julia Gillard, qui était initialement arrivée au pouvoir mi-2010 suite à un coup politique interne au parti travailliste et qui avait évincé le premier de l’époque, Kevin Rudd, sur l’ordre de Washington, fut une collaboratrice clé de cette campagne. En mars 2011, Gillard avait prononcé un discours devant le congrès américain, le troisième Premier ministre australien à l’avoir fait, en soulignant son statut de précieux atout pour l’impérialisme américain.

Tout comme en Australie, les élites dirigeantes partout dans la région Pacifique, se voyaient confrontées au problème de trouver un équilibre entre l’essor de leurs liens économiques avec la Chine et les exigences radicales de l’impérialisme américain. Washington a délibérément aggravé une série de conflits entre la Chine et ses voisins, en attisant les tensons au sujet de certaines îles, de barrières de corail et leurs eaux environnantes dans les mers de Chine méridionale et orientale qui serviront à aligner plus étroitement sur les États-Unis des pays comme le Vietnam, les Philippines et le Japon.

En mars, une confrontation était survenue entre les Philippines et la Chine lorsqu’un navire philippin d’exploration pétrolière sur les hauts-fonds de Reed (Reed Banks) en mer de Chine méridionale aurait été harcelé par des bateaux de patrouille chinois. En mai, des navires de la marine américaine, avec à leur tête le porte-avions USS Carl Vinson, s’étaient rendu à Manille et à Hong Kong dans une démonstration de pouvoir pour faire valoir la « liberté de navigation » de l’impérialisme américain. Le Vietnam et la Chine se sont querellés au sujet de forage pétrolier dans cette même région. En octobre, une vedette de la marine philippine a percuté un bateau de pêche chinois dans les eaux contestées.

Chacun de ces incidents avait le potentiel de provoquer une véritable guerre, soulignant l’imprudence de chacune des parties en cause, mais surtout de l’impérialisme américain. Au sommet de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) qui s’est tenu en novembre à Honolulu, Obama a exhorté la Chine à prendre des mesures sur une série de questions économiques et commerciales sous menace de représailles. Il lança le Partenariat trans-pacifique (Trans Pacific Partneship), afin de s’assurer que le commerce régional se déroulera selon les termes de Washington. Lors du sommet de l’Asie de l’Est qui s’était tenu le même mois à Bali en Indonésie, Obama avait reçu le soutien des pays d’Asie du Sud-Est pour imposer, en dépit de l’opposition chinoise, une discussion sur la mer de Chine méridionale.

L’apogée de cette campagne fut le discours prononcé par Obama dans la capitale australienne, Canberra, où il annonça le stationnement de marines américains en Australie du Nord, ainsi qu’un recours plus important aux bases aériennes et navales australiennes – la plus forte expansion militaire américaine en Asie depuis la fin de la guerre du Vietnam.

Le discours-programme prononcé par Obama le 17 novembre devant un parlement australien servile a fait explicitement connaître sa réorientation en politique étrangère vers l’Asie. Après une décennie de guerres en Irak et en Afghanistan, a-t-il expliqué, « les États-Unis portent leur attention sur le vaste potentiel dans la région Asie-Pacifique ». Obama a déclaré, « Alors que nous planifions l’avenir, nous allouerons les ressources nécessaires au maintien de notre forte présence militaire dans cette région […] Nos intérêts permanents dans la région exigent notre présence permanente dans la région. Les États-Unis sont une puissance du Pacifique, et nous sommes là pour y rester.

« Soyons clairs : en Asie-Pacifique au 21e siècle, les États-Unis d’Amérique sont pleinement engagés ».

Cette offensive a suscité un cri d’alarme à Beijing en incitant un développement accéléré d’une force navale océanique pour protéger les routes commerciales clés. Un commentaire paru dans un organe médiatique officiel chinois avait noté : « Pour la Chine, le détroit de Malacca est vital pour l’acheminement pétrolier. Darwin est toute proche à la fois du détroit de Malacca et des lignes de navigation internationales dans l’Océan indien. Le déploiement de l’armée américaine là-bas cherche indubitablement à établir une mainmise sur le point de passage des voies maritimes pour l’approvisionnement en énergie de la Chine. »


La crise sociale et politique en Asie et dans le Pacifique

Le 11 mars, un séisme massif de magnitude 9 sur l’échelle de Richter a frappé le Japon sur la côte Pacifique en déclenchant un tsunami qui a touché toute la côte Est du Japon en tuant près de 16 000 personnes. Une crise s’est brutalement amplifiée immédiatement après la catastrophe à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi après que les systèmes d’urgence endommagés par le tsunami soient tombés en panne en bloquant les systèmes de refroidissement et en conduisant à une fonte totale du cœur de certains réacteurs une semaine après le tsunami.

Le WSWS a fourni une couverture quotidienne de cette triple catastrophe, dont le récit d’un correspondant à Tokyo et une évaluation des dégâts causés par le tsunami. Nous avons décrit en détails les mesures prises par la compagnie d’électricité Tokyo Electric Power (TEPCO), le propriétaire de la centrale de Fukushima, qui est soutenu par le gouvernement japonais du premier ministre Naoto Kan, alors qu’il cherchait à protéger ses intérêts privés en refusant d’utiliser l’eau de mer pour le refroidissement des réacteurs. Ce reportage a été assorti d’une vaste analyse historique des origines de l’industrie nucléaire japonaise dans la détermination de l’élite dirigeante de réduire la dépendance aux combustibles fossiles, et ce en dépit des risques connus d’implanter des centrales nucléaires dans une région exposée aux tremblements de terre et aux tsunamis.

Dans deux perspectives, Les implications de la catastrophe japonaise et Qui blâmer pour la catastrophe nucléaire au Japon ?, le WSWS a souligné que si le séisme et le tsunami qui s’en est suivi furent la conséquence de la collision entre des plaques tectoniques, la catastrophe nucléaire de Fukushima est le produit du capitalisme et avait prouvé la négligence et l’irresponsabilité de l’élite patronale dirigeante, non seulement au Japon mais aussi sur le plan international.

En Australie, l’année avait débuté par de terribles inondations dans l’État du Queensland, les pires de l’histoire du pays, faisant 33 morts et inondant une bonne partie de l’État et de sa capitale, Brisbane. Notre couverture des événements comprenait des reportages écrits et vidéos faits sur place. Une déclaration du Parti de l’égalité socialiste (Socialist Equality Party) a expliqué que la catastrophe était due à la défaillance du gouvernement et du système de profit.

En décembre, la Haute cour de justice australienne a définitivement abandonné la tentative de poursuites engagées à l’encontre de l’ancien avocat général des îles Salomon, Julian Moti, sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces par le gouvernement conservateur Howard et reprises par ses successeurs, les gouvernements travaillistes de Rudd et de Gillard. Ceci marqua la fin d’une vendetta impitoyable menée pendant quatre ans par Canberra contre ce juriste de droit international et constitutionnel, dont chaque stade avait été soigneusement analysé et révélé par le WSWS.

Moti avait été identifié par les gouvernements australien et américain comme étant une menace pour Mission d’assistance régionale aux îles Salomon (Regional Assistance Mission to Solomom Islands, RAMSI) néocoloniale et à leurs intérêts économiques et géostratégiques, non seulement aux îles Salomon mais partout dans la région Asie-Pacifique – tout spécialement contre l’influence grandissante de la Chine. Après avoir tout d’abord lancé une campagne de diffamation contre Moti au moment de la formulation des accusations, les médias australiens ont faussement rapporté et déformé la bataille juridique qui s’ensuivit. L’ensemble du milieu de la pseudo-gauche s’est comporté comme les valets de pied du gouvernement travailliste et des intérêts de l’impérialisme australien par un mutisme qu’ils ont conservé tout au long de cette chasse aux sorcières menée par le gouvernement et les médias.

En Inde, le gouvernement stalinien mené par le « Front de gauche », qui avait ouvertement appliqué des réformes en faveur des investisseurs et recouru à la violence de la police et d’hommes de main pour réprimer les troubles du pays, a enduré une déroute lors des élections régionales au Bengale-Occidental. Lors d’une parodie de procès monté sur de fausses accusations, les tribunaux ont condamné 31 musulmans pour l’incendie du train qui fut utilisé pour lancer le pogrom antimusulman du Gujarat en 2001. Au Népal, au beau milieu d’une crise constitutionnelle de longue durée, un influent dirigeant maoïste fut nommé le 28 août au poste de Premier ministre.


Les protestations du mouvement Occupy Wall Street

Les protestations du mouvement Occupy Wall Street ont démarré le 17 septembre aux États-Unis par l’occupation du Zuccotti Park, dans le quartier financier de Wall Street à New York. Une semaine plus tard, la police a arrêté plus de 700 manifestants lors d’une marche sur le Brooklyn Bridge. Quelques jours à peine après ces attaques, le mouvement Occupy s’étendait à l’ensemble des États-Unis et internationalement avec des manifestations et des campements dressés dans presque toutes les grandes villes.

Le mouvement Occupy a attiré la sympathie de vastes sections de la classe ouvrière. Sous le slogan « Nous sommes les 99 pour cent », il a profité de l’opposition de masse à l’encontre des niveaux extrêmes d’inégalité sociale en Amérique et partout dans le monde.

Toutefois, la perspective sociale et politique de ceux qui dirigeaient ces protestations – dont les organisations anarchistes ralliés autour du magazine canadien Adbusters, qui avait au départ appelé à l’occupation de Wall Street – était fondamentalement hostile à la classe ouvrière. Dans ce slogan des « 99 pour cent » il y avait une tentative d’obscurcir le gouffre profond existant entre la classe ouvrière et les sections les plus privilégiées de la classe moyenne supérieure dont ces groupes exprimaient les attentes. Les slogans « pas de politique » et « pas de direction » étaient utilisés par ces groupes dans le but d’éviter toute lutte politique contre le Parti démocrate.

La perspective des organisateurs du mouvement Occupy s’accordait avec le programme des syndicats et des organisations centrées autour du Parti démocrate qui décida d’agir rapidement pour ne pas que le mouvement se développe en une lutte plus vaste contre l’establishment patronal et politique. Richard Trumka, le président de l’AFL-CIO, un partisan du gouvernement Obama, a déclaré son soutien et les syndicats ont approuvé les rassemblements du mouvement Occupy. Dans l’article Comment lutter contre Wall Street le WSWS écrivait en octobre :

« De nombreux groupes impliqués dans les manifestations contre Wall Street ont adopté la position des indignados (les indignés) d’Espagne et de Grèce, à savoir qu’il ne devrait pas y avoir de politique (no politics) ni de direction au mouvement. L’appel à pas de politique” équivaut au rejet d’une alternative politique cohérente et fondée sur des principes, à la politique bourgeoise et au système capitaliste bipartite – c’est-à-dire d’une politique socialiste. Il fait directement le jeu du Parti démocrate qui comblera le vide politique. »

Les organisations de la pseudo-gauche telles l’International Socialist Organization étaient intervenues dans ces manifestations pour mobiliser du soutien pour les syndicats et promouvoir les politiques fondées sur l’identité visant à camoufler les questions de classe fondamentales. L’accent mis, même de manière confuse, sur l’inégalité sociale, a suscité l’inquiétude au sein de groupes tels l’ISO qui, comme l’écrivait le WSWS :

« ont promu et ont vécu des décennies durant sur la politique fondée sur les origines ethniques et le sexe. Il ne s’agit là pas seulement d’une question idéologique. Ce genre d’activité sociale est une industrie disposant de ressources universitaires, de maisons d’édition, de magazines et autres publications, de groupes de pression et services recherches, etc. Des millions de dollars sont en jeu.

« Dès le début, la défense du mouvement Occupy par l’ISO a été une tentative implacable de canaliser les manifestations derrière les fonctionnaires syndicaux et les cercles des politiques fondées sur l’identité sous prétexte de les “élargir” et de les “généraliser”. L’objectif conscient était soit d’étouffer le mouvement soit de le transformer en une prolongation de ces différentes ailes du Parti démocrate ».

Les tentatives en vue de contenir l’opposition dans le cadre du système politique furent associées à une vague d’interpellations et d’actions policières. En effet, ces manifestations furent considérées comme une occasion pour expérimenter des mécanismes de répression. Les manifestants subirent des attaques systématiques et coordonnées de la police, dirigées par des maires démocrates tels Rahm Emanuel à Chicago et Jean Quan à Oakland, Californie.

Dans l’article Le mouvement Occupy Wall Street rendu à un carrefour, le WSWS a écrit que la répression « croissante pose d’autant plus directement les questions politiques de fond soulevées par les manifestations, et avant tout celle de la nécessité de mener une lutte politique contre l’administration Obama, le Parti démocrate et l’État capitaliste. Au moment même où le Parti démocrate procède à des arrestations massives, ses alliés allant des syndicats aux diverses organisations « de gauche » de la classe moyenne, en passant par toute une gamme de célébrités universitaires, poursuivent leurs tentatives pour canaliser l’opposition derrière les démocrates et la campagne de réélection d’Obama ».

Durant tout le mois de novembre, les campements des protestataires furent encerclés par la police. Ils subirent des rafles ou furent carrément démantelés dans ce que le WSWS a dénoncé comme La criminalisation de la contestation. La répression a abouti à la liquidation d'« Occupy Wall Street », au Zuccotti Park à New York City, sur ordres du maire Michael Bloomberg et avec le plein appui du conseil municipal qui est sous le contrôle des Démocrates et des médias.

L’un des incidents les plus violents enregistrés sur une vidéo et largement diffusé sur Internet, a impliqué la police en train de pulvériser du spray au poivre droit dans le visage d’étudiants de l’université UC Davis en Californie alors qu’ils étaient tranquillement assis sur le trottoir en train de manifester. Les Étudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale (ÉJIES), l’organisation étudiante du SEP, ont publié une déclaration condamnant cette agression.

Les protestations se poursuivirent sur le campus de l’université Davis et les étudiants adoptèrent une résolution présentée par un partisan de l’ÉJIES appelant à rompre avec le Parti démocrate et à construire un mouvement politique indépendant s’appuyant sur la classe ouvrière.

Les manifestants du mouvement Occupy à New York.

L’assaut mené contre la classe ouvrière aux États-Unis et au Canada

Tout au long de l’année, le gouvernement Obama et les Républicains ont simulé une lutte partisane pour dissimuler la réalité de leur unanimité sur toutes les demandes fondamentales de l’élite financière. En février, la Maison Blanche a proposé une réduction à hauteur de mille milliards de dollars mettant ainsi en marche un processus dans lequel chaque concession faite aux Républicains entraîne des demandes accrues de démolition des programmes sociaux, dont la privatisation pure et simple de Medicare et le délaissement de Medicaid.

En avril eut lieu la première de ce qui devait devenir une série de crises montées de toutes pièces avec la quasi-fermeture du gouvernement fédéral lorsque la Chambre des représentants, qui est contrôlée par les républicains, a bloqué l’approbation d’une mesure budgétaire couvrant le reste de l’année fiscale, dans le seul but de provoquer un accord de dernière minute par lequel la Maison Blanche acceptait des coupes encore plus substantielles dans les dépenses sociales. Ceci fut suivi par des propositions d’Obama en faveur de coupes supplémentaires s’élevant à plusieurs milliers de milliards de dollars, énoncées dans un discours engageant son gouvernement à mettre en place un plan d’austérité fiscale.

Dans une perspective intitulée La contre-révolution sociale et les tâches de la classe ouvrière, le WSWS a étudié le sens de ce consensus bipartite, en mettant les attaques contre les emplois, le niveau de vie et les prestations sociales dans leur contexte historique et tirant la conclusion politique que la classe ouvrière n’a pas d’autre alternative que celle d’adopter la lutte pour le socialisme :

« Toute la logique du développement social et économique met la classe ouvrière en conflit avec le système capitaliste et ses représentants politiques.

« Il ne peut y avoir de solution à la crise à laquelle sont confrontés les travailleurs sans une opposition directe à la subordination de l’économie aux intérêts de profit des banques et des grandes entreprises. Les représentants politiques du capitalisme, les démocrates et les républicains, proclament qu’il n’y a pas d’autre choix que celui d’une réduction drastique des conditions de vie de la grande majorité de la population. Ce faisant, ils avancent le meilleur argument montrant la faillite de leur propre système. »

Une nouvelle série de coupes budgétaires et de mesures d’austérité a démarré avec la fausse crise suivante, le conflit entre Obama et le porte-parole de la Chambre des représentants, John Boehner, au sujet du relèvement du plafond de la dette fédérale qui débuta par un sommet consacré au budget à la Maison Blanche lors duquel Obama proposa pour la première fois des réductions dans les prestations de la Sécurité sociale.

Une perspective du WSWS a placé la crise du plafond de la dette dans son véritable contexte de classe :

« L’élite dirigeante américaine est en train de commettre le plus grand vol des travailleurs de l’histoire américaine. Lors du sauvetage des banques en 2008-2009, l’aristocratie financière avait efficacement reporté sur le gouvernement ses mauvaises créances et ses pertes issues de décennies de spéculations irresponsables. À présent, la classe ouvrière est obligée de payer le prix du pillage du Trésor public par Wall Street par la démolition de la Sécurité sociale, de Medicare, de Medicaid et d’autres programmes sociaux dans les domaines de l’éducation, de l’environnement, du transport et du logement. »

À la date butoir du 2 août, les discussions sur le plafond de la dette s’achevèrent sur un accord pour le plafonnement de la dette qui « impose[ra] des coupes sans précédent sur les dépenses sociales sans que l’imposition sur les riches soit haussée d’un seul dollar. » Un mois plus tard, la Maison Blanche publiait un plan réduisant au cours des prochaines décennies de quatre mille milliards de dollars les dépenses sociales en orientant le « débat » sur le déficit encore davantage vers la droite.

De l’autre côté de la frontière, au Canada, la classe dirigeante employa des méthodes identiques. Le patronat prodigua un appui considérable en vue d’un succès électoral du Premier ministre Stephen Harper et de son parti conservateur et pour s’assurer une majorité parlementaire lors des élections fédérales du 2 mai. En appuyant les conservateurs, le Globe and Mail, le quotidien le plus influent du pays, a applaudi l’« entêtement » de Harper, à savoir sa volonté de recourir à des méthodes antidémocratiques pour imposer le programme de guerre de classe de la bourgeoisie.

Le Nouveau parti démocratique (NDP), le parti social-démocrate du Canada, qui avait mené sa campagne la plus droitière a, comme on pouvait s’y attendre, réagi à son avancement au rôle d’opposition officielle en opérant un virage encore plus prononcé vers la droite. Ceci comprenait un soutien total à l’expansion du rôle du Canada dans la guerre menée par l’OTAN contre la Libye.

Les conservateurs ne perdirent pas de temps pour se servir de leur majorité nouvellement acquise et attaquer la classe ouvrière. Dans les semaines qui suivirent immédiatement les élections, ils criminalisèrent les grèves des travailleurs chez Canada Post et Air Canada de façon à imposer les exigences des employeurs pour diminuer les prestations de retraite, et obtenir d’autres concessions.

Le président Obama et le porte-parole de la Chambre des représentants, John Boehner, se serrant la main juste avant le discours d’Obama sur l’état de l’Union.

Autres développements importants

Un incident sanglant survenu en janvier a révélé l’état existant des relations sociales en Amérique. Un tireur avait ouvert le feu sur une membre du Congrès, Gabrielle Giffords, alors qu’elle rencontrait des électeurs devant un supermarché à Tucson en Arizona. Six personnes furent tuées et Giffords grièvement blessée. Les opinions politiques confuses du tireur, Jared Lee Loughner, étaient très clairement influencées par les conceptions de l’extrême droite.

De façon plus fondamentale, comme le soulignait un commentaire du WSWS, ce sont les actes d’un déséquilibré qui trouvent leurs racines plus profondes dans la crise sociale qui a anéanti le niveau de vie de la population laborieuse et détruit les perspectives futures de la jeune génération :

« [L]e mécontentement grandit inlassablement et cherche une issue. Dans la mesure où il ne peut trouver une expression progressiste et optimiste sous la forme d’une lutte de classe collectivement organisée, il trouve une expression maligne dans des accès de colère d’individus désespérés. Des sections de la société, et pas seulement celles qui sont psychologiquement dérangées, se laissent influencer par les démagogues de l’extrême droite pour qui le financement des grandes entreprises et la publicité sont toujours disponibles ».

En mai, le directeur du Fonds monétaire International, Dominique Strauss-Kahn, fut arrêté à New York pour des soupçons d’agression sexuelle. L’interpellation a déclenché une tempête médiatique, dont le fer de lance fut le New York Times, qui a déclaré Strauss-Kahn coupable pour la simple raison qu’il était accusé.

Un commentaire publié sur le WSWS a relevé dans cette affaire les questions fondamentales ayant trait aux droits démocratiques et à la présomption d’innocence :

« Du point de vue de sa position de classe, de ses privilèges et de sa perspective sociale, Strauss-Kahn représente tout ce que le World Socialist Web Site rejette. Mais, il est aussi un être humain disposant de droits démocratiques, parmi lesquels on compte une procédure juridique appropriée et la présomption d’innocence tant que sa culpabilité n’a pas été prouvée. À en juger par le traitement infligé à Strauss-Kahn depuis son interpellation et la couverture de cet événement dans les médias américains, cette présomption d’innocence n’existe pas ».

Six semaines plus tard, le procureur reconnaissait que l’accusatrice avait menti à plusieurs reprises et l’affaire contre Strauss-Kahn s’écroulait, mais il avait entre-temps démissionné de ses fonctions de directeur du FMI et s’était retiré de la politique officielle en France. Comme on pouvait s’y attendre, les milieux de la pseudo-gauche et du libéralisme en général, se complaisant dans les politiques fondées sur l’identité, ont réagi bassement à l’affaire Strauss-Kahn, en faisant preuve de mépris pour les questions essentielles de droits démocratiques. L’International Socialist Organization a qualifié l’issue du procès de « fait d’un système de justice protégeant l’élite riche ».

Le WSWS a fait le commentaire suivant :

« L’ISO ne manifeste pas le moindre intérêt pour les questions de droits démocratiques. Cette formule n’apparaît pas dans l’article ni d’ailleurs “la présomption d’innocence”, “les normes constitutionnelles” ou “le perp walk”. Toute personne objective, en laissant de côté l’identité de l’accusé, estimerait qu’il s’agit là d’une affaire hautement problématique. Pas le Socialist Worker. »

En Grande-Bretagne, un scandale politique a éclaté en juillet au sujet de révélations d’écoutes téléphoniques illégales pratiquées à grande échelle par des journalistes et des enquêteurs pour le compte du baron de la presse, Rupert Murdoch. Cela a entraîné l’arrestation d’Andy Coulson, un ancien rédacteur en chef de Murdoch qui était ensuite devenu le porte-parole du Premier ministre David Cameron.

Le WSWS a largement rendu compte du scandale qui a prouvé que le propriétaire d’un empire médiatique de droite qui n’a cessé de promouvoir « la loi et l’ordre » était responsable d’une entreprise dont le « mode opératoire est la corruption, le chantage et l’intimidation ». De hauts responsables de la police étaient également impliqués.

Nous avions averti que si les larbins de Murdoch pourraient faire l’objet de poursuites, et que certaines carrières politiques risquaient d’être ruinées, la famille du milliardaire jouirait de l’immunité. Cet avertissement fut rapidement concrétisé par l’interrogatoire servile de Rupert Murdoch et de son fils James devant des commissions parlementaires.

Le fanatique d’extrême-droite Anders Breivik commit également en juillet le pire massacre de l’histoire mondiale récente en faisant exploser une bombe à Oslo, puis en ouvrant le feu sur des jeunes gens participant à une école d’été des jeunesses sociales-démocrates, en tuant au total 87 personnes.

Le WSWS a souligné dans l’un de ses commentaires ayant trait à cette fusillade de masse :

« Malgré – ou plus exactement en raison – du programme explicitement fasciste de Breivik et de ses liens bien connus avec l’extrême-droite, les médias s’efforcent d’occulter les questions politiques soulevées par son atrocité en le décrivant comme rien de moins qu’un psychopathe isolé. Ses idées ne sont cependant pas simplement le produit du cerveau malade d’une seule personne mais plutôt le résultat d’un système social malade. »

Les véhicules de secours devant les lieux de la fusillade contre la députée américaine Gabrielle Giffords à Tucson en Arizona.

Le travail du Comité International

Suite aux congrès fondateurs aux États-Unis, en Australie, en Allemagne et en Grande-Bretagne, la section sri-lankaise du Comité International a tenu du 27 au 29 mai son congrès fondateur à Colombo. La résolution Les fondations historiques et internationales du Parti de l’égalité socialiste (Sri Lanka) qui fut adoptée a passé en revue les expériences stratégiques clés de la lutte pour le trotskysme dans le sous-continent indien. Elle en a tiré les leçons essentielles des luttes menées en faveur d’une perspective de la Révolution permanente au Sri Lanka et en Asie du Sud, en expliquant surtout que la lutte pour les droits fondamentaux et les conditions de vie décentes des masses ne peut être conduite que sous la direction de la classe ouvrière dans la lutte pour la révolution socialiste.

Le SEP au Sri Lanka a lutté pour cette perspective en prenant fait et cause pour la vague montante des luttes ouvrières dans les plantations de thé, dans les zones détaxées et par les employés du secteur public de l’électricité, des télécoms et du milieu universitaire.

En décembre, le SEP et l’ÉJIES ont organisé une réunion publique à Colombo en réclamant la libération de tous les prisonniers politiques détenus par le gouvernement du président Mahinda Rajapakse, dont plus de 6000 prisonniers tamouls toujours détenus deux ans après le démantèlement du LTTE séparatiste tamoul. Cette campagne qui a été appuyée par le réalisateur et metteur en scène Prasanna Vithanage, a trouvé un énorme écho parmi les étudiants de l’université Sri Jayewardenepura (J’pura), près de Colombo.

Le Comité International de la Quatrième Internationale a fait en 2011 d’autres progrès importants sur le sous-continent indien lorsque Marxist Voice, un groupe pakistanais, a exprimé son accord politique avec sa perspective en s’engageant à coopérer avec le CIQI. La déclaration de Marxist Voice, qui fut publiée par le WSWS, a défini une perspective révolutionnaire pour les travailleurs du Pakistan et d’Asie du Sud.

En Australie, le Socialist Equality Party a présenté en mars quatre candidats lors des élections parlementaires de l’État de Nouvelle-Galles du Sud. Les résultats entraînèrent une défaite cuisante pour le gouvernement travailliste sortant. La déclaration électorale du SEP expliqua que les luttes sociales et politiques mémorables qui, par réaction à l’effondrement de l’ordre capitaliste mondial, avaient soufflé sur le Moyen-Orient et internationalement, avaient laissé présager d’éruptions identiques en Australie.

Plus tard dans l’année, le SEP parrainait d’importantes conférences à Sydney et à Melbourne sur le thème « La faillite du capitalisme et la lutte pour le socialisme aujourd’hui » qui approuvèrent les trois résolutions suivantes : L’effondrement du capitalisme et les tâches de la classe ouvrière, La crise économique et politique en Australie et la construction du SEP ainsi que La jeunesse et la lutte pour le socialisme.

En Europe, le Parti de l’égalité sociale en Allemagne (Partei für Soziale Gleichheit – PSG) a mené une importante campagne lors des élections pour le renouvellement du Sénat de la ville-État de Berlin. Le PSG a expliqué son programme historique en dénonçant la politique capitaliste du parti La Gauche (Die Linke) qui, de concert avec les sociaux-démocrates, a gouverné la ville pendant dix ans.

Le PSG a mis sur pied un site web électoral qui projette sa campagne électorale bien au-delà des rues de Berlin en luttant pour une « mobilisation européenne contre la dictature des banques » et « la construction du CIQI en tant que parti socialiste qui fournisse une direction et une perspective révolutionnaires aux travailleurs dans les luttes à venir partout en Europe ». Pour démontrer le caractère international de la campagne, le PSG distribua plus d’un millier de tracts et organisa un rassemblement de solidarité avec les jeunes en Grande-Bretagne qui ont été ciblés par la police après les émeutes survenues en août.

Le 17 septembre, à la réunion de clôture de la campagne électorale à Berlin, le PSG a organisé un rassemblement des travailleurs européens contre le racisme, la guerre et les coupes sociales. Le total de 1687 voix obtenues par le parti a représenté un triplement par rapport aux élections précédentes de 2006 et le décompte le plus élevé recueilli par le parti dans la capitale allemande. Le WSWS a noté que, compte tenu du nombre de partis inscrits sur la liste électorale à Berlin, « Les votes en faveur du PSG ne sont pas juste l’expression d’une insatisfaction générale et de la protestation mais bien plutôt une décision consciente de soutenir son programme révolutionnaire ».

Aux États-Unis, le Comité contre la fermeture des services essentiels (Committee Against Utility Shutoffs, CAUS), mis en place l’année précédente à l’initiative du SEP (É-U), a organisé le 12 mars une marche de protestation contre la fermeture des services essentiels. Plus d’une centaine de personnes y ont participé, dont les habitants du quartier, des enseignants, des travailleurs de la santé, des travailleurs sans emploi, des retraités et des lycéens.

La marche a débuté à la maison de Dexter Avenue où le 5 janvier 2010 un incendie tragique avait coûté la vie à trois personnes. Le CAUS a organisé la marche ainsi que des réunions publiques tout au long de l’année afin d’associer la lutte contre les fermetures des services publics à une lutte plus générale de la population travailleuse menée à travers les États-Unis contre les réductions du niveau de vie perpétrées tant par les partis démocrate que républicain.

Au printemps, le SEP et l’ÉJIES ont organisé trois conférences régionales aux États-Unis sur le thème de la lutte pour le socialisme aujourd’hui. À chacune de ces conférences fut discutée et adoptée une série de résolutions ayant trait aux questions politiques fondamentales auxquelles la classe ouvrière est confrontée aux États-Unis et internationalement.

En août, le SEP est intervenu activement dans une grève de 45 000 travailleurs chez Verizon contre les exigences de la société qui demandait des concessions massives sur les salaires, la sécurité de l’emploi, les soins de santé et les retraites. Le WSWS a publié des comptes-rendus détaillés sur la grève, avec des reportages sur place depuis Boston, la ville de New York, le comté de New York, Pittsburgh, Philadelphie et Washington DC. Les travailleurs ont dénoncé les tactiques d’intimidation de l’entreprise dont des injonctions du tribunal pour restreindre les piquets de grève et une suppression des prestations santé. Le WSWS a aussi diffusé des entretiens vidéos accordés par des travailleurs en grève.

Dès le début, le syndicat des travailleurs des télécommunications (Communications Workers of America) et la Fraternité internationale des ouvriers de l’électricité (International Brotherhood of Electrical Workers) ont cherché à limiter la grève à la demande que l’entreprise négocie avec le syndicat. Comme le WSWS avait prévenu, le syndicat a commis une trahison éhontée en mettant fin à la grève au bout de deux semaines sans qu’aucun accord ne soit conclu.


La réfutation de la biographie de Trotsky par Service

Le WSWS a continué tout au long de l’année 2011 à mener sa campagne pour la défense de la vérité historique et contre les diffamations qui visent Léon Trotsky. Cette campagne était centrée sur la réfutation des falsifications et des attaques visant la personne de Trotsky fabriquées de toutes pièces par l’historien britannique Robert Service dans une vaste biographie publiée en 2009 par Harvard University Press. En 2010, le WSWS avait publié le livre In Defense of Leon Trotsky, une réplique de David North à Service.

En juin 2011, l’historien américain Bertrand Patenaude avait publié dans la prestigieuse revue d’histoire American Historical Review une évaluation des livres de Service et de North. Il y a décrit l’ouvrage de Service comme étant « un livre qui ne répond pas aux critères les plus élémentaires du travail d’historien », en déclarant que In Defense of Leon Trotsky est une critique « détaillée, méticuleuse, bien argumentée et dévastatrice ».

Patenaude a écrit que « Le nombre d’erreurs factuelles dans le livre de Service est, comme le dit North, “stupéfiant”. J’en ai compté plus d’une quarantaine. » La biographie de Service est « tout à fait inutilisable comme référence », a-t-il poursuivi en remarquant que Service « ne parvient pas à étudier d’une manière sérieuse les idées politiques de Trotsky dans ses écrits et ses discours – il ne semble pas non plus s’être jamais donné la peine de se familiariser avec elles ». Il conclut sa chronique en déclarant : « North qualifie la biographie de Service de “travail bâclé”. Des mots forts mais entièrement justifiés. Les Presses de l’Université de Harvard ont apposé leur marque sur un livre qui ne répond pas aux critères élémentaires d’un travail d’historien ».

Dans une déclaration publiée à l’occasion de la sortie de la chronique de Patenaude, le Comité politique du SEP (É-U) a écrit :

« Se complaisant dans les louanges de journalistes réactionnaires et profitant du climat intellectuel cynique et lâche qui prévaut dans une grande partie de la communauté universitaire, Service pensait que ses diffamations sur la vie et les idées de Trotsky ne seraient pas mises en doute. Et même si le mouvement trotskyste attirait l’attention sur ses mensonges et ses distorsions, qui, devait-il se rassurer, se donnerait la peine de le remarquer ? »

« Mais Service a commis l’erreur de penser que son propre cynisme est partagé universellement. Et, en mauvais historien qu’il est, Service ne pouvait imaginer que l’évolution des conditions objectives entraînerait un regain de l’intérêt pour la vie et les idées de Trotsky et d’autres grands révolutionnaires marxistes du vingtième siècle. Bien que Bertrand Patenaude ne soit ni marxiste, ni en sympathie politique avec les idées de Trotsky, il comprend que Trotsky est une personnalité historique majeure dont les idées et les actes doivent être traités sérieusement – c’est-à-dire, avec honnêteté intellectuelle et, comme aurait pu le dire Trotsky, “fidélité envers la vérité” ».

Lorsque la maison d’édition Suhrkamp fit connaître son intention de publier une traduction du livre de Service, 14 historiens éminents et des spécialistes des sciences politiques d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse ont écrit une lettre ouverte pour protester contre cette décision en écrivant que « le but de son travail est de discréditer Trotsky et malheureusement il a souvent recourt pour cela aux formules qu’on associe à la propagande stalinienne », en ne répondant pas aux normes les plus élémentaires du travail d’historien.

Le professeur Hermann Weber, l’un des 14 signataires et un spécialiste de l’histoire du mouvement socialiste et du stalinisme, s’est entretenu avec le WSWS au sujet de la lettre ouverte. Il a expliqué, « Service recourt au mensonge, à la falsification de l’histoire, à la référence douteuse et même au préjugé antisémite. Un pamphlet de cette sorte ne devrait pas avoir sa place chez un éditeur académique ayant une tradition libérale et une histoire comme celle de Suhrkamp ».

Par la suite, dans une perspective, le WSWS a salué l’intégrité de ces historiens en remarquant que ce coup porté contre la falsification à la manière stalinienne trouvait ses racines dans les conflits de classes et les divisions grandissantes de la politique mondiale qui se sont révélés au grand jour en 2011. « Les post-structuralistes, les postmodernes et les falsificateurs post-soviétiques peuvent bien nier l’objectivité de l’histoire, cela n’empêche pas qu’ils soient rattrapés par l’histoire ».


Culture, art et science

En 2011, le WSWS a couvert les évolutions de l’art cinématographique, dont la 83e cérémonie des Oscars, le Festival du film de Berlin (Berlinale), le Festival international du film de Toronto, le Festival du film de Sydney et de nombreux nouveaux films commerciaux, dont certains qui en valaient la peine et d’autres moins, y compris The Fighter, The King’s Speech (Le discours d’un roi), Harry Potter and the Deathly Hallows (Harry Potter et les reliques de la mort), Contagion, The Adjustment Bureau, The Help, Take Shelter, et My Week With Marilyn (Ma semaine avec Marilyn).

Nous avons continué à nous intéresser à l’histoire de l’industrie cinématographique grâce à une nécrologie en hommage à Elizabeth Taylor et un entretien avec l’historien du cinéma Joseph McBride dont la deuxième édition de la biographie de Steven Spielberg a été republiée en 2011.

Dans une chronique un commentaire ultérieur, le directeur artistique, David Walsh, a critiqué, Anonymous, le film anti-Shakespeare grotesque et réactionnaire de Roland Emmerich. Il s’ensuivit un entretien avec John Bell, acteur, réalisateur et spécialiste australien de Shakespeare qui a étudié l’ensemble de l’œuvre du dramaturge.

Un autre sujet de commentaire fut l’attaque perpétrée contre la culture par la bourgeoisie britannique par le biais de coupes claires dans le financement des musées. Une exposition historique sur la duplicité de la police allemande dans la politique génocidaire du Troisième Reich fut également examinée.

David Walsh a relaté en détail, lors d’une conférence donnée dans les environs de Detroit à l’occasion du 50e anniversaire de la mort d’Ernest Hemingway, l’importance historique et littéraire du grand romancier. Le WSWS publia par la suite cette étude en soulignant :

« Il n’existe de nos jours que très peu d’écrivains qui traitent d’une manière puissante et élégante la vie telle qu’elle est. La charlatanerie et la paresse abondent. L’idée d’écrire simplement et d’une façon artistique sur les gens et leur vie est ridiculisée dans les milieux littéraires et les cercles universitaires. Ces cercles ne servent cependant pas à grand-chose ».

Le WSWS a couvert l’exposition consacrée à Diego Rivera au Musée d’Art moderne en republiant les commentaires écrits en 1938 par Léon Trotsky sur ce grand peintre muraliste mexicain.

Les comptes-rendus du WSWS sur les questions culturelles portaient entre autres sur une exposition en Europe sur le Modernisme russe et soviétique et sur Robert Motherwell et les expressionnistes abstraits, ainsi que sur une exposition de photographies sur les travailleurs migrants birmans.

Le WSWS a pu considérablement étendre sa couverture de thèmes scientifiques, dont l’évolution de l’espèce humaine qu’il considère comme un domaine particulièrement important des connaissances scientifiques. Un article portait sur le séquençage d’anciens génomes que la découverte de l’homme de Denisova en Sibérie a rendu possible, et sur une équipe internationale de scientifiques qui a examiné ce qui était connu de l’évolution humaine et des hypothèses alternatives émises sur de multiples lignées humaines durant ces derniers 200 000 ans.

Un compte rendu du livre The Artificial Ape (Le singe artificiel) a examiné le rôle joué par les premières innovations techniques en ce qui concerne l’évolution humaine. Bien qu’il soit difficile d’en préciser les détails exacts, nous écrivions que l’« hypothèse […] mettant l’accent sur le rôle central de la technologie dès le tout début de l’existence des êtres humains […] est une impressionnante contribution apportée à l’étude matérialiste quant à comment l’Homme est apparu. »

Nous avons aussi rendu compte de fossiles trouvés en Éthiopie et en Afrique du sud ainsi que du débat sur le sort des Néandertaliens.

Le WSWS a couvert d’autres sujets scientifiques, dont les nouveaux développements dans le domaine de l’exploration spatiale et de la cosmologie. Cette branche de l’étude scientifique est certainement la plus révélatrice quant à la place qu’occupe l’être humain dans l’univers et est constamment menacée par des coupes budgétaires, bien que, comme l’indiquait un commentaire concernant la mission vers Mercure, « Le coût total de la mission Messenger s’élève à 446 millions de dollars, moins que ce que dépense le Pentagone en six heures ».

Un certain nombre d’articles consacrés à la physique ont été publiés, notamment sur la recherche du boson de Higgs et sur les applications de la physique quantique dans les technologies informatiques.

Un article intitulé « Le capitalisme et la crise du changement climatique » a présenté la perspective socialiste sur la catastrophe environnementale à laquelle est confrontée l’humanité :

« Le changement climatique est une autre expression destructrice de la contradiction fondamentale entre le système des États-nations, base sur laquelle repose le capitalisme, et l’économie mondialement intégrée. La crise environnementale nécessite une solution internationale. Cependant, aucun plan rationnel ne peut être développé alors que les rivalités entre les grandes puissances augmentent avec l’érosion rapide de l’hégémonie mondiale des États-Unis et la montée de la Chine et d’autres prétendants à l’hégémonie ».