As if: modern enchantment and the literary pre-history of virtual reality [livre]

Saler, Michael T. As if: modern enchantment and the literary pre-history of virtual reality. Oxford: Oxford University Press, 2012.

https://global.oup.com/academic/product/as-if-9780195343168

Comme Si: enchantement moderne et préhistoire littéraire des mondes virtuels

Arthur Conan Doyle (avec les histoires de Sherlock Holmes), H.P. Lovecraft (mythe de Cthulhu) et J.R.R. Tolkien (la Terre du Milieu) sont des faiseurs de mondes précurseurs dans la création de mondes fantastiques « empiriquement détaillés » (“empirically detailed”).

Leurs lecteurs sont engagés principalement avec le monde créé, plutôt que par les personnages. Ils l’explorent, l’expérimente, interagissent avec lui, le cartographie. Ils lui ajoutent ou en modifient des éléments via une immersion interactive. Et ils battissent des communautés autour (“public sphere of the imagination”).

Cela révèle une pensée moderne conceptualisée par l’imagination ironique (« ironic imagination« ) :

  • imagination « Faire comme si » (ouverte et réceptive) plutôt que croyance de « C’est comme ça » (contraignante et essentialiste)
  • Adoption volontaire de l’attitude de prétendre plutôt que suspension d’incrédulité
  • Être stimulé plutôt que d’être charmé/illusionné (évasion ou régression)
  • Seulement la partie positive et rationnelle de l’enchantement (“animistic reason”)
  • Engagement émotionnel, attitude de jeu et détachement ironique

Ces réalités virtuelles avant l’heure sont des précurseurs des mondes virtuels d’aujourd’hui basés sur les avatars. Ce sont des réactions au « désenchantement du monde » décrit par Weber (perte de sens à cause de la modernité rationalisée et bureaucratique). Ce sont des enchantement désenchantés (“Disenchanted enchantments”).

* * *

Une citation de Arjun Appadurai (anthropologue) :

« Jusqu’à récemment… le fantastique et l’imagination étaient des pratiques résiduelles, confinées à des moments ou des endroits spéciaux. En général, c’étaient des antidotes à la finitude de l’expérience sociale… La déterritorialisation des personnes, des images et des idées ont entraîné une nouvelle force. De plus en plus de personnes dans le monde voient leur vie via le prisme de vies possibles offertes par les médias de masse, sous différentes formes. C’est cela, le fantastique est maintenant une pratique sociale… »
Arjun Appadurai, Modernity at Large: Cultural Dimensions of Globalization (Minneapolis: University of Minnesota Press, 1997), 53–54 .

The Paladin Ethic and the Spirit of Dungeoneering [article, comité de lecture]

Mizer, Nicholas J. 2014. “The Paladin Ethic and the Spirit of Dungeoneering.The Journal of Popular Culture 47 (6): 1296–1313. .

L’éthique du paladin et l’esprit du donjoneur

D&D est un mélange paradoxal de « narration imaginaire libre et de limites basées sur des règles complexes. »

D&D suit la même courbe de développement de conception que les wargames. Cela devient de plus en plus complexe, jusqu’à que le jeu devient ennuyant ou injouable, alors une innovation est introduite pour le réenchanter. Les règles de wargame du Moyen âge étaient ennuyantes, trop complexes et peu satisfaisantes, alors Dave Arneson les a « ré-infusée avec un nouvel esprit de jeu. »

Les règles de D&D reflètent les valeurs:

  • de l’Amérique: imagination, flexibilité et possibilités sans fin
  • du puritanisme: progression continue des personnages via accumulation d’expérience et de trésor (faveur divine et richesse)
  • de la science actuarielle (la profession de Gary Gygax): scores, notations, tables,…
  • de la standardisation moderne (ex: la McDonaldisation: efficacité, calculabilité, prédictibilité et contrôle): « des personnages fantastiques préfabriqués envoyés dans des aventures prêtes-à-explorer. »

«L’effet Batman»: la persévérance peut être apprise par jeu de rôle

White, R. E., Prager, E. O., Schaefer, C., Kross, E., Duckworth, A. L., & Carlson, S. M. (2016). The “Batman Effect”: Improving Perseverance in Young Children. Child Development, n/a-n/a. https://doi.org/10.1111/cdev.12695

Les jeunes enfants qui jouent un rôle, s’identifiant à un personnage connu (ex: Batman) avec des qualités positives, peuvent augmenter leur persévérance. La persévérance est une habileté qui permet de s’auto-réguler, d’éviter la distraction et de rester concentrer sur ses buts et objectifs.

Comment ça marche? Jouer un rôle implique une auto-distantiation, ce qui veut dire sauter dans un point de vue à la 3ème personne ou se penser soi-même depuis une perspective extérieure. Spécialement, cela nous distance émotionnellement de nos expériences du moment (tentations, distractions ou émotions négatives), ce qui implique une meilleure auto-régulation et donc une meilleure persévérance.

Alors: « Costume-toi en Batman [ou Elsa] et va faire tes devoirs! » (via PsychologyToday)

FBI déclassifié: Gygax paraît comme un dur à cuir

Via PaxSims and ReasonH&R

Le journaliste judiciaire CJ Ciaramella a fait une demande au FBI à propos de TSR, Inc. grâce au Freedom of Information Act (FOIA).

  • Le wargamer typique y est décrit comme extrêmement intelligent, vivant frugalement pour financer sa passion, en surpoids et négligé.
  • Gary Gygax y est décrit comme excentrique et effrayant, portant une arme à feu, fier de répondre à des lettres de prisonniers, ayant une compagnie au Liberia pour échapper à l’impôt, membre du parti libertarien et serait extrêmement non-coopératif avec le FBI à propos [à propos d’un joueur?].

Médiévalisme & JDR

Un mémoire de maîtrise

Viveiros, Guillaume, Passé ludique et déviations historiques: Sens et fonction du Moyen Âge dans les jeux de rôle, Mémoire de maîtrise en Histoire, Ottawa, ON, Université d’Ottawa, 2017.

Le médiévalisme des jeux de rôles est un cadre de jeu fictif et anhistorique, flexible, malléable et polyvalent dans lequel on peut greffer facilement des éléments externes et hétérogènes. Il est assez exotique pour susciter l’évasion et il est assez familier pour faciliter l’immersion. Dans cette période sans contrainte ni barrière, le joueur peut interpréter des rôles héroïques dont les actions ont des conséquences reconnues ou récompensées socialement ou symboliquement. De plus, son aspect intrinsèquement magique est un moteur ludique et dramatique.

Un appel à contributions

Revue ¿Interrogations?  N° 26 – Le médiévalisme. Images et représentations du Moyen Âge

Pour aller plus loin…

45 références dans Zotero : Humanities > History. Spécialement:

 

La table de jeu de rôle comme société de chasseurs-cueilleurs

Les chasseurs-cueilleurs (CC) étaient…

  • Notre organisation sociale jusqu’à la révolution agricole du néolithique (env.-10.000)
  • Très mobiles
  • Très joueurs

Les valeurs des CC étaient…

  • Un égalitarisme fort (contrairement aux hiérarchies de chimpanzés par ex.)
    • suivre les règles volontairement et librement
    • liberté de quitter le groupe
  • Coopération
    • discussions intenses et débats jusqu’à consensus
    • relations et échanges avec les autres groupes
    • garder le groupe ensemble = groupe stable = meilleure survie
    • séparation et interchangeabilité des rôles (pas comme les Néandertaliens)
  • Partage
    • peu de propriétés (juste ce que chacun peut porter)

L’attitude joueuse des CC renforcent ces valeurs

  • Jeu principalement non-compétitif
  • Contrairement aux autres mammifères non-humains, le jeu:
    • continue à l’âge adulte
    • n’est pas séparé des comportements productifs (vraie chasse/chasse jouée)
    • encadre beaucoup (toutes?) les activités quotidiennes
      (ex: les singes cherchent un meilleur statut social, sauf lorsqu’ils jouent. Les CC ne cherchaient pas de statut social du tout, parce que le jeu encadrait toute leur vie.)

Résultats de l’attitude joueuse

Le jeu et l’humour:

  • réduisent l’arrogance et la dominance
  • suppriment les comportements agressifs
  • promeuvent l’égalité

Le jeu aide à :

  • transmettre la culture (connaissances, valeurs,…) d’une génération à l’autre
  • apprendre et pratiquer des compétences

Le jeu améliore l’empathie :

  • partager le plaisir avec d’autres
  • découvrir ce que les autres aiment et n’aiment pas
  • faire plaisir aux autres pour les retenir de partir

… et les tablées de jeux de rôle ?

Nos sociétés et nos vies quotidiennes sont désormais trop complexes pour être vécues sous le mode des chasseurs-cueilleurs. MAIS quand nous jouons en petits groupes, nous utilisons ce pourquoi notre cerveau a été entraîné pendant des milliers d’années:

avoir une expérience de liberté personnelle et de plaisir qui est libre, partagée, collective et empathique, sans hiérarchie ni contraintes non-voulues. Si elle est négociée avec justesse, elle nous permet de construire des communautés temporaires ou permanentes.

Nota Bene: même si c’est l’été, ce n’est pas la peine d’aller tout nu avec un bâton à votre prochaine partie de jeu…

***

Gray, P. (2009). Play as a Foundation for Hunter-Gatherer Social Existence. American Journal of Play, 1(4), 476–522.
Gray, P. (2014). Play Theory of Hunter-Gatherer Egalitarianism. In D. Narvaez, K. Valentino, A. Fuentes, J. J. McKenna, & P. Gray (Éd.), Ancestral Landscapes in Human Evolution (p. 192‑215). New York: Oxford University Press.

Les premiers maîtres de jeu & une opportunité de grogne académique

Qui sont les premiers maîtres de jeu ?

  • Les agonothètes étaient les juges et organisateurs des jeux sacrés de la Grèce antique. [Wikipédia]. Plus spécifiquement, les hellanodices étaient les juges et organisateurs des Jeux olympiques. Originaire d’Elis, ils étaient en charge des règles, des comportements et des traditions [Wikipédia].
  • Les édiles étaient des officiels romains élus. Les édiles de la Plèbe étaient probablement en charge des jeux plébéiens (Ludi plebeii). Les édiles curules (nobles) étaient en charge des jeux Romains (Ludi Romani) [360, Lex Furia de aedilibus].
  • von Reisswitz (père) introduisit un juge dans son jeu de guerre pour la première fois. Appelé Vertrauter (ie. confident), il était aidé d’assistants. Il diffusait les informations aux joueurs et prenaient des décisions basées sur des règles complexes [1811, Anleitung zu einer mechanischen Vorrichtung um taktische Manoevers sinnlich darzustellen].
  • von Reisswitz (fils) améliora la conception de son père et aussi fit des juges des concepteurs de scénarios intéressants [1824, Anleitung zur Darstellung militaerischer Manoever mit dem Apparat des Kriegs-spiels]. 
  • von Meckel remplaça les règles statiques par le jugement personnel pour décider le résultat des actions des joueurs [1876, Freie Kriegsspiel].
  • Michael F. Korns conçu un jeu de guerre centré sur une personne par joueur avec maître de jeu [1966, Modern War in Miniature]. 
  • Major David Wesely conçu un jeu de guerre centré sur une personne par joueur, scénarisé et arbitré par lui-même [1967, Braunstein].
  • Dave Arneson, un joueur de Braunstein, conçu le premier jeu de rôle tel que nous les connaissons aujourd’hui [1970, Blackmoor]. En 1972, il le présenta à Gary Gygax qui l’édita et le commercialisa en tant que Dungeons & Dragons en 1974.

À investiguer: l’utilisation d’arbitres dans les sports réapparus vers 1830-1840. Y-a-t-il des exemples avant 1811?

 

Comparaison de types de source

Ce paragraphe est issu du livre War Gaming, écrit par le journaliste Andrew Wilson en 1968 pour Pelican Book. La qualité d’écriture est pauvre: pas de sources, des raccourcis dans l’argumentation, des généralisations abusives et des erreurs. De plus, j’ai lu des informations sans sources réutilisées dans d’autres livres sur le sujet. Grr!

Ce paragraphe est issu de l’article « German War Gaming« , écrit par Milan Vego en 2012 dans la Naval War College Review, une revue scientifique avec comité de lecture (un groupe d’expert évalue rigoureusement et anonymement le texte). L’utilisation intensive de citations permets au lecteur d’aller vérifier par lui-même dans les sources citées. Les informations présentées sont aussi plus factuelles, avec moins de raccourcis et les affirmations sont plus prudentes.

Colloque Jeu de Rôle 2017: Engagements et Résistances

https://www.facebook.com/ColloqueJeudeRole

Programme

Vendredi 16 juin – La Chaufferie, Université Paris 13

Enregistrements 1Enregistrements 2

09h30-10h00 : Accueil et ouverture

10h00-10h30: Sanne Stijve « Adapter le jeu de rôle à l’enfant »

10h30-11h00: Christophe Chelabi « Formes et enjeux pédagogiques dans le jeu de rôle : (se) former, transmettre et apprendre pour co-construire le « savoir jouer »

11h00-11h20 : Pause

11h20-11h50 : Julien Blondel « Résistance en jeu de rôles : de la désobéissance à la révolution, moteurs de scénarios et limites de l’engagement des joueurs »

11h50-12h20 : Vivien Feasson « Jeu de rôle, jeu de récit »

12h20-14h00 : Repas

14h00-14h30 : Coralie David « Les systèmes de jeu de rôle : engager la créativité narrative et diégétique des joueuses »

14h30-15h00 : Fabien Fernandez « Le jeu de rôle engagé : message ou jeu en priorité ? »

15h00-15h20 : Pause

15h20-15h50 : Benjamin Bérut « Le JdR est-il soluble dans le transmédia ? »

15h50-16h20 : Noémie Roques « Engagements ludiques multi-fenêtrés : le jeu de rôle sur table médié »

16h20-16h40 : Pause

16h40-17h10 : Jérôme Larré « Les ateliers, des outils pour favoriser l’engagement. Panorama et enseignements pour la pratique du jeu de rôle sur table »

17h10-17h40 : Christophe Dang Ngoc Chan « Les livres-jeux, un engagement à créativité limitée ? »

17h40-19h00 : Table ronde : « Autres formes de résistances et d’engagements » avec la participation de Coralie David (Lapin Marteau), Renaud Guezennec (Rolisteam), Mélisande de Lassence (Opale Rôliste), Audrée Mullener (Orc’Idée), David Robert (FFJdR), Sanne Stijve (Di6dent), etc.

Samedi 17 juin – La Chaufferie, Université Paris 13

9h30-10h00 : Ugo Roux « Jeu de rôle sur table : proposition d’une modélisation des phases de création du personnage de fiction ludique »

10h00-10h30 : Julien Pouard « L’appropriation d’un personnage par un joueur de jeu de rôle »

10h30-10h50 : Pause

10h50-11h20 : Olivier Caïra « En défense des rôlistes somnolents »

11h20-11h50 : Thomas Munier « S’engager corps et âme dans le jeu de rôle »

11h50-13h30 : Repas

13h30-14h00 : Quentin Le Pluard « Origine, place et fin de la règle dans le jeu de rôle. Du « rôliste » au juriste et vice versa »

14h00-14h30 : Valentin Thouzeau « Quels engagements théoriques et pratiques pour quels discours sur le jeu de rôle ? »

14h30-14h50 : Pause

14h50-15h20 : Isabelle Périer « Pour une poétique des valeurs en JdR »

15h20-15h50 : Arnaud Cuidet « Un engagement dont VOUS êtes le héros »

15h50-16h10 : Pause

16h10-16h40 : Jonathan Bocquet « Logiques biographiques de l’aventurier et décentrement éthique »

16h40-17h10 : Le Grümph « De l’aventure politique à la politique en aventure : le cas des journalistes de Panopticom dans un univers Cyberpunk »

17h10-19h : Table ronde « Paroles d’auteurs sur les formes de résistances et d’engagements dans le JdR » avec la participation de Arnaud Cuidet, Vivien Féasson, Fabien Fernandez, Le Grümph, Jérôme Larré, Thomas Munier, Isabelle Périer, David Robert, Olivier Servais, Vincent Berry, etc.

Dimanche 18 juin – EPITA/EPITECH

Parties de JdR à l’EPITA/EPITECH 24 rue Pasteur, Kremlin-Bicêtre, organisées par ANTRE et Opale Rôliste.

Une nuit aux urgences améliore l’auto-efficacité des étudiants, quels que soient leurs rôles dans la simulation [open-peer review]

Stroben, F., Schröder, T., Dannenberg, K. A., Thomas, A., Exadaktylos, A., & Hautz, W. E. (2016). A simulated night shift in the emergency room increases students’ self-efficacy independent of role taking over during simulation. BMC Medical Education, 16 (1).

Une nuit aux urgences améliore l’auto-efficacité des étudiants, quels que soient leurs rôles dans la simulation

Les étudiants qui ont joué les rôles de soignants et les étudiants qui les ont simplement observé ont tous augmenté significativement leur auto-efficacité. C’est intéressant parce que ces simulations sont chères et cela permet de 1) doubler le nombre de participants, 2) recevoir plus de rétroactions des observateurs.

L’auto-efficacité est une émotion que les jeux de rôle peuvent aider à développer. Aussi connue sous le nom de confiance contextuelle (ou situationnelle), c’est le sentiment de se sentir prêt, de savoir que l’on peut faire les choses bien. L’auto-efficacité amène à prendre les bonnes décisions dans des situations difficiles. Une faible auto-efficacité amène à la détresse et peut contribuer à des problèmes de santé mentale.

Note: article en accès libre + en évaluation par les pairs ouverte + fichiers de méthodologie additionnels + données complètes = wow!

Le jeu de rôle, une autre forme de narration sérielle ? [article révisé par les pairs]

Périer, I. « Le jeu de rôle, une autre forme de narration sérielle ? » Itinéraires. Littérature, textes, cultures, nᵒ 2016‑2 (15 avril 2017). doi:10.4000/itineraires.3453.

Le jeu de rôle est une forme de narration sérielle reposant sur le principe de l’expansion dont la fécondité et la cohérence dépendent de mécaniques internes. Il y a une expansion transmédiatique (films, romans,…) et une expansion éditoriale (livre de base, écran, carte, suppléments de règles, d’univers ou de scénarios ou de campagnes de plus en plus feuilletonnantes). Ces expansions sont limitées par les finances des joueurs.

Le dernier type d’expansion est ludique: beaucoup de tables jouent de longues campagnes engageantes. À l’intérieur de petites communautés interprétatives, le contrat social entre les joueurs oriente la créativité et régule l’expansion en maintenant sa cohérence.

Educational Games for Soft-Skills Training in Digital Environments [livre]

Dell’Aquila, Elena, ‎davide Marocco, Michela Ponticorvo, Andrea Di Ferdinando, Massimiliano Schembri, et Orazio Miglino. Educational Games for Soft-Skills Training in Digital Environments. Advances in Game-Based Learning. Cham: Springer International Publishing, 2017.

Jeux éducatifs pour développer les compétences relationnelles dans des environnements virtuels

Cet essai analyse les résultats de quelques jeux de rôle virtuels pour développer les compétences relationnelles. Ils sont principalement basés sur des interactions entre PJs et avec des PNJs. Le chapitre 2 est une excellente synthèse de ce que sont les jeux de rôle traditionnels en enseignement (depuis Moreno à nos jours). Le chapitre 3 liste des bonnes pratiques de conception pour ce type de jeux. Le chapitre 4 observe que les jeux virtuels sont aussi efficaces que les jeux en face-à-face. Les participants ont apprécié l’anonymat de leur avatar mais ils ont mentionné un manque d’engagement émotionnel.

Le maître de jeu est extrêmement important, surtout pour ses rétroactions immédiates en jeu et pour son expertise durant les débriefings complets. Les jeux basés sur les règles facilitent la tâche du MJ et ils sont plus adaptés pour les apprentissages cognitifs (acquisition de connaissances, résolution de problème, prise de décision,…). Les jeux basés sur la narration (drama-based), sont plus à jouer de manière traditionnelle et ils sont adaptés pour la conscience de son état affectif, l’auto-évaluation et la confiance en soi.

Le jeu de rôle et l’anthropologie

Une liste de liens entre les jeux de rôle et la discipline de l’anthropologie (+ethnologie +sociologie)

a) les parties de jeu et de jeu de rôle sont des micro-sociétés avec leurs règles, leurs structures et leurs valeurs.

b) beaucoup de jeux de rôle ont leur conception et expérience de jeu basée sur la rétention-fascination où les joueurs explorent et enquêtent. Aussi, beaucoup d’univers de jeu servent à lancer des expériences de pensées sur des cultures possibles et imaginaires. Enfin, pour décrypter l’histoire que le maître de jeu leur cuisine, les joueurs construisent des théories, font des suppositions basées sur un changement de perspective et ils négocient différents points de vue.

c) l’Appel de Cthulhu, un jeu important depuis 40 ans, a Professeur d’université comme profil de personnage avec beaucoup de compétences reliées: anthropologie, archéologie, Mythe de Cthulhu, géologie, histoire, langues, bibliothèque, occultisme, psychologie, psychanalyse (sic),…

d) le sociologue Gary Alan Fine a été le premier universitaire de renom à étudier les joueurs de jeu de rôle. De nos jours, plusieurs chercheurs étudient les jdr sous l’angle [anthropo/ethno/socio]-logique: Sarah Lyne Bowman, Olivier Caïra, Nicholas Cragoe, Sébastien Kapp, Nicholas J. Mizer, Heather Shay; Laurent Trémel,…

e) plusieurs concepteurs de jeu de rôle ont une formation en anthropologie:
– M.A.R. Barker, linguistique: Empire of the Petal Throne
– Pete Fenlon, anthropologie: Rolemaster, MERP
– John Snead, anthropologie: Blue Rose, Exalted, Trinity, Mage
De même, plusieurs auteurs ont créé des univers de jeu avec une forte saveur anthropologique:
– Greg Stafford: Glorantha/RuneQuest
– Greg Stolze: Reign
– …

f) ce printemps, un cours d’anthropologie de 1er cycle est enseigné sur le jeu de rôle.

g) l’analyse anthropologique peut aider à comprendre les mécanismes en jeu à une table  (rituels, liminalité, manipulation symbolique,…).

h) un blog traitant de sujets geek avec un angle d’anthropologue: The Geek Anthropologist

De l’expérience ludique aux compétences humaines : le potentiel formatif des jeux de rôles ludiques [chapitre]

Daniau, S. (2015). De l’expérience ludique aux compétences humaines : le potentiel formatif des jeux de rôles ludiques. Dans L. Mermet et N. Zaccaï-Reyners (dir.), Au prisme du jeu: concepts, pratiques, perspectives (p. 137‑153). Paris : Hermann.

Le jeu de rôle formatif (JdRF) est un concept qui explique comment, à partir du jeu de rôle ludique et via une importante réflexivité sur la pratique de jeu, donner la possibilité de transférer les apprentissages émergents du jeu vers la vie du joueur (écoute active, esprit critique, distanciation, expression, créativité,…).
Ce retour réflexif est guidée par le maître de jeu qui a le rôle de facilitateur. Il a lieu après la partie, dure au moins un tiers du temps de jeu. Il peut être collectif et individuel. Il est structuré : d’abord retour sur la partie, puis sa contextualisation et la recherche du sens de l’expérience de jeu vécue. Enfin, par le partage des multiples points de vue, il offre la possibilité d’une transformation du système de pensée de chacun.
Sans ce retour réflexif, il y a un risque que l’expérience ludique vécue soit confinée au jeu seulement (aux niveaux du personnage et joueur). Grâce ce retour, il offre une possibilité de transformation (niveaux de la personne et de l’humain).

Ce chapitre précède l’article en anglais paru dans Simulation & Gaming et commenté sur ce blog.

*

Idée attrapée au passage : selon Winnicott (1971), une personne souffrant de dépression, de paranoïa ou de schizophrénie éprouve beaucoup de difficultés à s’investir dans un personnage imaginaire plongé dans un univers fictionnel. [Winnicot Donald W. (1971), Playing and Reality, London: Tavistock].
Mon commentaire : à vérifier.

Virtual Edgework: Negotiating Risk in Role-Playing Gaming [article révisé par comité de lecture]

Shay, H. (2017). Virtual Edgework: Negotiating Risk in Role-Playing Gaming. Journal of Contemporary Ethnography, 46(2), 203-229.

Expériences-limites virtuelles: Négociation du risque en jeu de rôle

Est-ce que la pratique du jeu de rôle s’apparente aux expériences-limites (edgework, ie. une prise de risque volontaire qui met en danger comme le BASE jump) ? Il semble que le jeu de rôle puisse être une expérience-limite sécuritaire et virtuelle où ses pratiquants expérimentent sans danger: liberté, compétence, contrôle et excitation. Exemples: clairement délimiter les émotions du jeu de celles de la réalité, pousser les limites du manque de sommeil, sentir la compression du temps de jeu, pseudo-contrôler les résultats des dés, garder l’expérience dans la communauté et peu la partager en dehors.

Chez les joueurs observés, les jeux de rôles étaient « mieux que la réalité et servaient d’échappatoire à l’ennui, l’anxiété et l’impuissance. » Les jeux de rôle ont le potentiel d’aider à imaginer et à agir pour d’autres meilleurs mondes, mais ils peuvent aussi juste être des « un soulagement thérapeutique pour tolérer la marginalisation politique, pour chercher la sécurité physique en tout temps et accepter un Brave New World de surveillance étatique. (p.225) »

We’re Just Playing: The Influence of a Modified Tabletop Role-Playing Game on ELA Students’ In-Class Reading [article revu par comité de lecture]

Cook, M. P., Gremo, M., & Morgan, R. (2017). We’re Just Playing: The Influence of a Modified Tabletop Role-Playing Game on ELA Students’ In-Class Reading. Simulation & Gaming, 48(2), 199-218.

On fait juste jouer: L’influence d’un jeu de rôle sur table modifié sur l’activité de lecture d’une classe de Français.

Un enseignant de collège (équivalent cours de Français) adapte la nouvelle The Most Dangerous Game en un jeu de rôle sur table et devient le maître de jeu de 36 élèves (la classe est divisée en 2 groupes de 18, puis en équipes de 4-5 joueurs). Le système de résolution est une adaptation simple de Pathfinder RPG. Tout le matériel et les vidéos d’instruction sont en ligne ici.

Les élèves ont positivement:
– utilisé les informations de la nouvelle (événements et lieux) pour guider leurs décisions
– joué le rôle de leurs personnages
– collaboré pertinemment pour s’aider les uns les autres

Besoins:
– l’enseignant doit être un maitre de jeu expérimenté et être confortable dans ce rôle
– donner des instructions avant le jeu sur : comment participer au jeu et à l’histoire + comment communiquer et travailler dans un petit groupe.