Simone Veil, la loi sur l’iVG, les mineures et les juges avorteurs

A juste titre, à l’occasion de sa disparition, l’immensité des français mettent à l’actif de Simone Veil, la loi de 1975 qui a libéralisé le recours à l’iVG pour les femmes estimant ne pas être en situation de mener à bout leur grossesse.

Bien évidemment il est difficile de dire que même aujourd’hui tous les français se reconnaissent dans ce combat. On a tous en mémoire les propos ignominieux portés à l’Assemblée nationale par tel parlementaire, les insultes, les menaces, les agressions contre la ministre et les membres de sa famille. Avec le soutien du président Giscard d’Estaing et de la gauche parlementaire, elle tint bon.

Face à l’irrationnel, Simone Veil a su dire que l’IVG n’était pas une décision facile à prendre pour une femme ni facile à vivre. Tout en affirmant que l’iVG n’était pas une méthode’ contraceptive.

La loi de 1975 constitue bien un tournant dans l’histoire de notre pays. Pas seulement dans l’histoire des femmes.

Indépendamment des situations d’agressions toutes les femmes, y compris mineures, pouvaient y accéder.

Les jeunes filles devaient donner leur accord, sous-entendu et on ne l’a pas assez relevé, la loi reconnaissait à la jeune fille enceinte la possibilité d’aller jusqu’au terme de sa grossesse si elle le souhaitait quant à l’époque c’était encore une tuile, sinon la honte, d’être enceinte et non mariée et d’avoir une fille dépucelée et qui plus est mère célibataire. La loi venait donc affirmer que la jeune fille enceinte était en droit de résister à ses parents soucieux de « faire passer l’enfant » pour sauver leur fille.

Mieux, lors du réexamen de la loi en 1979 (1), les parlementaires précisèrent que la jeune fille soucieuse d’interrompre sa grossesse devait renouveler son accord hors la présence de ses parents.

L’avancée était réelle sur le registre des droits de l’enfant : non seulement la mineure pouvait accéder à l’Ivg, mais elle pouvait exercer son droit, quitte à solliciter l’accord de l’un des deux titulaires de l’autorité parentale.

Restait pourtant un problème majeur surtout pour les jeunes filles les plus fragiles, celles qui se trouvaient dans une réelle difficulté relationnelle avec leurs parents voire en conflit ouvert. Non seulement elles n’ont pas accéder à la contraception à travers un dialogue minimum parents-jeune, mais encore elles ne peuvent pas penser obtenir l’adhésion d’un parent en cas de grossesse non désirée. Soit parce que les parents ont démissionné de longue date de l’exercice de leurs responsabilités, soit tout simplement qu’ils veuillent plus que jamais tenter de tenir leur fille dans leur main: « C’est une salope Monsieur le juge me disait une mère. Il faut qu’elle en bave. Je refuse de lui donner mon accord ». Tout simplement il était de cas où par amour et respect de leurs parents les jeunes filles n’osaient pas leur avouer la vérité à leurs parents comme cette jeune d’origine espagnole et d’une famille très catholique qui pensait que l’information tuerait son père. (2)

Or justement la loi Veil n’avait rien prévu pour ces jeunes filles en déshérence de parents responsables ou en conflit avec leurs parents.

Le projet de loi avait bien envisagé l’intervention du juge des enfants, mais sous la pression de l’Association des magistrats de la jeunesse cette disposition avait été abandonnée avant le passage au parlement. Compromis oblige.
Alors que faire une fois la loi votée ? Ces jeunes filles seraient-elles hors le bénéfice de la loi ?

Dès 1975 certains juges des enfants -Tours ou Versailles – furent pourtant saisis.
Ainsi à Versailles le Directeur des affaires sanitaires et sociales – le DASS – adressait (pour l’essentiel) au procureur une courte lettre composée de trois paragraphes dont je peux restituer l’essentiel tellement elle originale :
« Monsieur le procureur
Melle X, 17 ans, est enceinte. Elle veut interrompre sa grossesse. Compte tenu de l’avancée de la grossesse une intervention est encore possible dans deux jours à Versailles
Vu son âge Melle X , scolarisée, ne peut pas assumer sa grossesse et le jeune géniteur est lui aussi dans l’incapacité d’accueillir un enfant.
Melle X vit chez une dame qu’elle tient pour sa tante, mais qui ne l’est pas et qui de surcroit est cardiaque
Signé
Le préfet »

Que veut-il me demanda Philippe Olivier, mon « substitut Mineurs « , perplexe en brandissant la missive dans la mesure où généralement quand le préfet lui adressait un rapport il ne se contentait pas de décrire, il avançait une préconisation. Rien de ce genre dans ce courrier. Manquait la chute !
« – Il te demande de veiller à prendre ou à faire prendre la décision d’IVG. Il ouvre son parapluie et nous demande d’assumer. Il te dit que tout est prêt s’il a le feu vert.
– Que fait-on ? interrogea mon substitut plutôt du style vielle France, conservateur assumé bon tein, vieux célibataire bon teint, plus soucieux de bons restaurants et d’Opéra que de courir le guilledou, bref à 100 lieux des questions d’iVG.
Tu me saisis en assistance éducative. Et je prépose une audience urgente.

Ce qui fut fait. Dans les minutes suivantes le courrier du préfet m’arrivait avec agrafées des réquisitions me saisissant en assistance éducative pour Melle X avec cette précision de la main du procureur de la République : « Aux fins de bien vouloir ordonner l’iVG « . Une première pour un représentant de l’Etat en charge de veiller à l’application de la loi!
Jointe par téléphone la responsable de la DASS des Yvelines – l’ASE de l’époque – me confirma que notre analyse était la bonne. Ils attendaient – sous la signature quand même du préfet, autre représentant de l’Etat – qu’un feu vert leur soit donné et ils avaient exprimé leur attente avec beaucoup de prudence. Il fallait savoir deviner. L’intervention, pouvait avoir lieu dès le lendemain.

Je reçus donc immédiatement la jeune fille accompagnée d’une éducatrice. Elle me confirma son attente en me déclarant avoir été « abandonnée « toute petite par sa mère chez une voisine qu’elle tenait depuis le temps pour sa tante, mais qui n’avait jamais demandé, ni même pensé qu’il faille le faire, une délégation d’autorité parentale. Elle pensait risqué de la prévenir de sa grossesse et quoiqu’il en soit cette femme n’avait aucune autorité légale sur elle.

Il me fallait donc me prononcer. La présence d’un avocat argumentant juridiquement la demande de la jeune fille m’aurait été utile et … confortable mais point d’avocat. On ferait sans.

La difficulté tenait dans le fait que la loi comme rappelé plus haut était volontairement silencieuse sur cette hypothèse et je ne pouvais pas l’ignorer.

Quelques semaines plus tôt mon collègue de promotion, Denis Barthelemy, juge des enfants à Tours avait décidé s’agissant d’une jeune fille confiée à un foyer dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative qui le directeur disposait de tous les attributs de l’autorité parentale liés à cet accueil. Il pouvait donc décider aux lieu et place des parents défaillants. Il lui avait donné acte de sa décision.

Le raisonnement ne me paraissait pas juridiquement très solide, mais sa décision avait le mérite d’ouvrir la voie.

Je partis donc d’un raisonnement plus large appuyé sur les grands principes juridiques en assumant le vide législatif

L’article 4 du code civil – disposition datée de 1803 – demande au juge de décider sur toute affaire dont il est également saisi au risque déni de justice.

Article 4
Créé par loi 1803-03-05 promulguée le 15 mars 1803
« Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »

Le juge des enfants donc légitime à se prononcer dans le silence et justement du fait du silence volontaire de la loi quand certains magistrats estimaient que juge des enfants était notoirement incompétent.

Il paraissait difficile sinon impossible dans les délais d’obtenir une décision du Juge aux affaires familiales compétent sur l’autorité parentale

Le silence de la loi ne devait pas préjudicier à une jeune fille déclarer en danger par le parquet.

J’avais moi-même constaté cette grande détresse et au nom de la protection qui lui était due je m’estimais donc compétent.

Sur le plan technique ne possédant aucun pouvoir sur le corps de l’enfant suivi je ne pouvais pas ordonner moi-même l’iVG mais en revanche décider de confier la jeune fille à la DDASS et d’habiliter celle-ci à donner les autorisation nécessaires au lieu et place des parents absents.

J’observe que cette démarche est désormais consacrée par la loi du 5 mars 2007 –article 375-7 du code civil – qui veut que le juge habilite spécialement l’ASE pour les actes importants relevant l’exercice de l’autorité parentale.

Le lendemain, la DDASS dument mandatée donnait son accord et quelques jours plus tard main levée était donnée de l’ordonnance l’autorisant à accueillir Melle X qui revenait chez elle. Une démarche était engagée auprès de la jeune fille et de sa « tante » pour développer une pratique contraceptive et … saisir un Juge aux affaires matrimoniales – le JAF de l’époque – d’une délégation d’autorité parentale.

Dans les temps à venir nous eûmes d’autres situations à gérer à Versailles – une bonne douzaine sur quatre ou cinq ans – dont l’une où la mère cette fois présente physiquement s’opposait donc à l’intervention au nom du fait que sa fille devait en baver. Là encore avec l’accord du procureur j’étais amené à décider que si l’on abusait du droit de propriété, on pouvait aussi abuser du droit d’autorité parentale. Le pouvoir reconnu par la loi aux parents n’est pas là pour satisfaire leur envie et se défouler sur leur enfant mais pour le protéger.

Petit à petit cette jurisprudence s’installa. Les juges des enfants étaient devenus avec l’aval du parquet des juges avorteurs.
Pourtant il restait rare de recourir à la justice jusqu’à ce qui la loi de 2001 – loi Royal – décide qu’une jeune fille mineure pouvait interrompre sa grossesse en se présentant certes avec l’un ou l’autre de ses parents, mais encore avec une tierce personne qui la soutienne dans sa démarche comme un membre d’une équipe d’un Planning familial.

En d’autres termes, la loi de 2001 reprenait notre pratique judiciaire, la DASS étant supplée par un adulte responsable.
La loi Veil de 1975 constitua bien une avancée indéniable mais au prix de certains compromis insupportables. Au nom de quoi des parents devaient-ils donner leur accord à leur jeune fille pour interrompre sa grossesse quand d’évidence ils n’avaient pas été capables de l’informer sur la contraception et de lui permettre d’y accéder. Surtout au nom de quel droit sur l’enfant ? L’enfant n’appartient à personne ! Informés pour être près de leur enfant et l’accompagner leur enfant dans cette difficulté, pourquoi pas ! Mais décideurs ? Non. Apparemment c’était aller trop loin pour la loi Veil.

Et en ne prévoyant aucun mécanisme de régulation en cas de conflit jeune fille-parents la loi renvoyait les jeunes filles concernées à la loi de la jungle … ou consciemment ou non à la justice. Et ce qui devait arriver arrivé, la justice sauva la mise au législateur prudent.
(1) La loi de 1975 avait été adoptée pour 5 ans
(2) De fait il fit un infarctus.

 

 

 

 

Publié dans Autorité parentale, DDASS, droit de correction, droit des femmes, Droits des enfants, IVG, IVG et pilule, juge des enfants, Justice pour enfants, Simone Veil | 37 commentaires

Philippe II : la déception et l’inquiétude

Le gouvernement Philippe II est donc connu. Force est de constater que nous avons échoué, malgré une forte mobilisation associative, à faire reconnaître que la famille et l’enfance devaient être des objets de politiques  publiques. La jeunesse rattachée à l’Education nationale aurait pu bénéficier d’une de ces secrétaires d’Etat sans mission spécifique pour soulager le ministre. Là encore que nenni! La fibre sociale de ce gouvernement est bien cachée. On est déçu et inquiet.

Comme on est déçu et inquiet de voir ce même gouvernement aborder seulement sous l’angle policier la question des migrants en niant les enfants qui en sont (Voir post précèdent) . La posture prise par le ministre de l’intérieur n’augure pas le meilleur.

En toute hypothèse je crois opportun de republier l’argumentaire sur l’écriture gouvernementale pour prendre date.

***

Comme François Mitterrand le disait clairement en 1981, l’écriture d’un gouvernement éclaire ses choix politiques. Alors les ministères du Temps libre ou encore des Relations extérieures identifiaient des objets politiques majeurs et des ré-orientations. De même avec le gouvernement Philippe le ministère de la Transition écologique et solidaire a du sens comme celui de l’Europe et des affaires étrangères.

Et une lecture doit toujours se faire en plein et en creux. On s’étonnera donc de l’absence (notamment) de ministère emportant dans leur titre les thèmes de la famille, de l’enfance et de la jeunesse.

On s’inquiétera de trouver un secrétariat d’Etat de l’Egalité femmes-hommes quand pour essentielle cette question devrait s’inscrire dans une proche plus large de la lutte contre les inégalités et que l’ on s’attendait à un ministère du droit des femmes. On a certes échappé au classique « Jeunesse et Sports » rétablit par F. Hollande comme si les jeunes n’étaient que des sportifs et réciproquement, mais tout simplement on n’a plus de ministère de la jeunesse !

On nous répondra qu’un gouvernement restreint ne peut pas comporter tous les ministères et qu’on retrouvera dans les décrets d’attribution les compétences ministérielles dans ces domaines. Mais justement encore fallait-il afficher une cohérence politique donnant du sens aux yeux de tous.

Soyons simple pour reprendre la jaune mitterrandienne : le gouvernement Philippe trahit bien que la famille, l’enfance, la jeunesse ne sont plus des objets – et des soucis – de politiques publiques prioritaires. L’erreur est ici majeure. On régresse plus qu’on avance! Les enjeux économiques ne doivent pas faire oublier les conditions de vie concrètes de chacun… dans l’intérêt même de la société

Le fait familial est en dimension majeure pour tous. Chacun doit pouvoir vivre sa vie familiale à sa guise, avec le souci de concilier sa vie sociale – dont la vie professionnelle- avec ses  responsabilités familiales à l’égard notamment de plus jeunes mais aussi de plus en plus souvent les anciens. On sait depuis 1981 que la politique familiale n’est qu’une politique d’allocations familiales. Qui va être porteur de cette dynamique qui plus est fondamentalement a-partidaire , ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche, dès lors qu’elle n’est pas identifiée politiquement avec un ministre responsable.

L’enfance et la jeunesse doivent également et plus que jamais être identifiées comme des enjeux majeurs de société. Il ne s’agit pas seulement d’instruire ou de former ; il faut intégrer les  enfants et les jeunes dans la société pour qu’ils se l’approprient, qu’ils y nagent comme un poisson dans l’eau, les former à leurs droits et à leurs responsabilités. Or, on l’a vu ces dernières années une partie de la jeunesse de France ne fait plus France; tout simplement ne croit plus en ses valeurs. Et tout cela se joue très tôt dans l’enfance et la prime enfance. Pour essentiel apprendre à lire, à écrire, à compter ne suffit plus. Il faut refonder aux yeux de tous, spécialement des plus jeunes, les valeurs de la République en assumant qu’il y a des distorsions entre les droits affichés et les droits réels et que le combat de la vie par la démocratie permet étapes après étape de réduire le fossé. Il faut surtout relégitimer qu’ici le temporel prime sur le spirituel dans l’intérêt de chacun des croyants come des non-croyants.

Des évolutions majeures s’imposent demain qui ont été peu ou prou esquissées,  mais doivent être parachevées.
Identifier qui et en qui est responsable des enfants spécialement dans les familles sont recomposées. C’est la question des doits et des devoirs du beau-parent. Elle concerne 8 millions d’adultes dont 2 millions d’enfants. (voir intervention au CESE)
C’est la question de la filiation qui ne se réduit pas à la seule question technique de l’accès à la PMA et à la GPA.
C ‘est bien sûr celle de de l’action sociale en aide aux populations les plus fragiles quand elle est trop souvent discréditée ; Il faut mettre du social dans toutes les écoles par un accord Etat-collectivités locales pour venir en aide au plus tôt aux familles en difficulté à partir du symptôme familial qu’est l’enfant.
Sur un programme de 20 ou 30 ans il faut remettre du social dans les rues au contact des adolescents et des jeunes qui sont à la dérive ou en passe de l’être, près à céder aux sirènes des mafieux ou des prédicateurs,  en développant la Prévention spécialisée,

légalement compétence territoriale certes mais politiquement responsabilité publique commune entre Etat et collectivités. Qui mènera cette démarche quand trop d’élus départementaux veulent se désengager ? L’enjeu est majeur pour le devenir même du pays.
Les violences faites aux femmes ou aux enfants doivent être combattues non seulement par la répression ou la menace de la répression mais par un travail plus fondamental sur les représentations et conditions de vie. Là encore plus que dans d’autres domaines il faut une conviction politique tendue come la dernière ministre de la famille et du droit des femmes l’a montré. Sur ces sujets la compassion est toujours présente, les politiques plus rares.
A l’expérience enfance, famille, jeunesse ne se réduisent pas à des dossiers techniques. Les mesures qui s’imposent doivent avoir du sens politique et suppose un(e) ministre battant. Sur ce point, on est donc aujourd’hui déçu.
Cette carence dans écriture et donc dans la conception du gouvernement trahit-elle inconsciemment un défaut d’analyse majeur ? Plus inquiétant, ceux qui arrivent au pouvoir n’ont-ils pas conscience des termes de la fracture sociale et culturelle ?
Pour important la relance de la machine économique et les redistributions qui s’en suivront ne suffiront pas à retisser le lien social. Dit autrement, et sans faire de procès d’intention, il manque une âme sociale à ce gouvernement.
Entendons qu’il s’agit d’un premier exercice et que les législatives amèneront inéluctablement à corriger erreurs et manques. Espérons aussi tout simplement que la relecture de leur copie éclairera les rédacteurs. Un bon papier ou un bon livre s’écrit deux fois.

 

 

Publié dans enfancve, F. Hollande, F. Mitterrand, Famille, Gouvernenement Philippe II, Macron, Philippe | Un commentaire

Mineurs migrants : gouverner autrement, c ‘est maintenant ou jamais ? (683)

 

A juste titre, Jacques Toubon, Défenseur des droits ne lâche pas le morceau avec le sort que la République française réserve encore aux migrants présents à Calais. Il est même dans le dur de sa mission. Le test est intéressant pour le Défenseur qui ne cédera pas. On pouvait le tolérer sur telle « bavure policière » ou des violences dans le cadre scolaire. Là, on est bien dans la violence d’Etat, quoiqu’on en dise et quoiqu’on veuille introduire comme subtilités. Les nouveaux gouvernants vont-ils savoir gouverner autrement comme ils l’affichent ?

Force est de reconnaître que jusqu’ici l’Etat n’a pas vraiment assumé ses responsabilités, sinon en en terminant avec l’accès de fixation qu’était devenue ce qu’on appelait la « Jungle de Calais ». Ce bidonville infame rasé fin 2016, les problèmes restaient entiers, spécialement pour les plus jeunes. Nul ne pouvait l’ignorer.

Il faut déjà rappeler que le premier scandale avait été de laisser s’installer à Calais quelques 350 mineurs – chiffres au moment du démantèlement de janvier 2016 passé à 1800 de la Jungle – sans réagir immédiatement aux premiers enfants signalés. Et même si tous n’étaient pas réellement mineurs d’âge au sens de la loi, personne ne peut remettre en cause que la plupart l’étaient et qu’ils étaient bien isolés sur le territoire national relevant ainsi de la protection de l’enfance.

Nombre de ces enfants – je rappellerai ici sans cesse qu’un enfant au sens international et français est une personne de moins de 18 ans – cherchaient à rejoindre en Grande Bretagne des membres de leur famille.

Après un périple souvent dangereux que tous n’ont pas pu accomplir jusqu’aux Hauts de France, ces enfants ont souvent vécu dans mois et des mois dans des conditions inadmissibles sur le territoire français, surement encore plus dures et déjà choquants que celles les enfants roms de nombre de camps. Les violences en tous genres, y compris sexuelles faisaient partie de leur univers. Ne parlons pas de la scolarisation malgré les efforts déployés par des militants associatifs. Tout simplement de l’angoisse d’enfants face à l’avenir qui leur est réservé et à leurs proches dont ils sont séparés.

Bref ces enfants en danger au sens de l’article 375 et s du code civil, disposition d’ordre public, n’avaient rien à faire dans ce camp de Calais

Pro forma je rappellerai le texte même de la loi que chacun lira au regard de ce qu’il sait, a vu ou entendu de la Jungle.

Article 375 du code civil :
« Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel. » (…)

Ces enfants auraient dû être exfiltrés chacun à son tour une fois identifiés pour être confiés par le parquet de Calais aux services sociaux des 100 départements de France en application de la circulaire Taubira de mai 2013. Il est heureux qu’aucun drame – connu – soit survenu car la responsabilité civile de l’Etat aurait pu être engagée et la responsabilité pénale d’agents publics aussi pour mise en danger d’enfants, délaissement d’enfants ou non-assistance. J’invite à lire ou relire les articles 223-1 et suivants du code pénal ….

Dans le bras de fer engagé avant l’été 2016 avec la Grande Bretagne c’est finalement au compte-gouttes que les britanniques ont accepté des entrées sur leur sol : les moins de 13 ans ou ceux ayant explicitement des parents de l’autre côté de la Manche.

Puis les deux patries auto-proclamées des droits de l’homme se sont figées sur leurs positions sur fond du Brexit – un lien avec ce dossier ? – comportement indigne de deux grands et vieux pays occidentaux qui se devaient de chercher une solution humanitaire.

Au moment de démanteler la jungle de Calais en catastrophe l’Etat décida de créer de toutes pièces des CAOMI, centres d’accueil et orientation pour mineurs étrangers, Ovnis de la protection de l’enfance où pour 85 euros par jour et par mineur – entretien du bâtiments, nourriture et vêture des enfants, soins, activités, salaire des professionnels – on attendit des associations de prendre en charge ces jeunes pour étudier leur situation, étudier à quelle condition ils pouvaient obtenir leur passage en Angleterre ou à défaut les faire entrer autant que faire se pouvait dans dispositif dit de droit commun,

Le président François Hollande interpellé le 20 novembre 2016 nous démontra qu’il était parfaitement conscient que la France ne respectait pas les termes de sa propre législation et qu’on faisait aux « enfants étrangers de Calais « un sous sous-statut, le dispositif Taubira étant déjà largement dérogatoire aux termes de la protection de l’enfance puisque sous autorité du procureur de la République et avec l’appui des grande structurer associatives dans les mains desquelles la puissance publique a délégué ses pouvoirs de décider qui était ou non éligible à la mise à l’abri et à ce qui en découle (papiers, scolarisation etc.)

Rien n‘y fit ou plus exactement rien ne se fit pour endiguer cette gestion lamentable et à courte vue
Campagne électorale oblige avec la montée des thèses de renfermement sur soi ? Manque d’appétit pour le sujet où ces jeunes sont plus des étrangers que des enfants ?

Et il arriva ce qu’il devait arriver.

La plupart de ces adolescents sentirent très vite qu’il ne se passerait rien même si certains ont pu intégrer le dispositif Taubira. Ils fuguèrent rapidement. Certains sont revenus à Calais toujours plus court chemin pour passer en Grande Bretagne. Et d’autres sont arrivés.

Aujourd’hui ces enfants, pas plus que les adultes présents à Calais, sont censés ni pas exister. Le mot d’ordre est de ne pas laisser se reconstituer la Jungle. On plaque aux jambes au premier élément de sédentarisation. Le rapport rédigé par les services du Défenseur des Droits le 17 juin est criant. La préfecture interdit qu’ils soient nourris à part une heure par jour concédée aux associations caritatives ; ils dorment dehors dans des sacs de couchage fournis par les associations, ; ils ne peuvent pas se laver ; ils ont des difficultés pour trouver de l’eau potable, etc.

Cela ne peut pas durer.

En l’espèce il n’a qu’une attitude à tenir si on ne veut pas revenir à la Jungle : mettre immédiatement tous ces enfants sous protection judiciaire et les confier aux départements de l’ensemble du territoire national dans cadre d’une négociation vite menée qui respectent les uns et les autres. Un budget spécial doit être débloqué pour aller au-delà de 5 jours à 250 euros que l‘Etat s’est engagé chichement à payer aux départements.

Certains départements qui ont des structures et ne demandent que cela – on pense à la Dordogne – peuvent accueillir s’ils sont aidés financièrement ; d’autres qui ont les moyens contribueront.

Etat et Département doivent réunir les moyens ; ils y ont chacun intérêt.

Dans le même temps, sans négliger les difficultés de l’exercice, mais les diplomates en ont fait d’autres – qu’on se souvienne des négociations avec l’Algérie sur les enfants des binationaux à la fin des années 80 – une négociation ferme doit être engagée avec la Grande Bretagne incluant le fait que la France joule rôle de poste frontière pour les insulaires avec les accords du Touquet.

Il faut déjà mettre à l’abri ces enfants, les rassurer, et mener le combat politique et juridique avec nos partenaires. Rappelons que tout cela concerne au plus que 1 000 enfants !

Il nous faut cesser de brader nos valeurs.
En aura-t-on le courage et la lucidité. Gouverner autrement c ‘est maintenant ou jamais ?

Le nouveau ministre de l’intérieur ne veut plus de camp à Calais pour ne pas faire appel d’air (dixit) .Mais mieux éclairer l’autoroute et y ‘envoyer deux compagnies de CRS de plus ne fait pas une politique ! On peut être indigné des propos du ministre de l’intérieur demandant aux associations humanitaires d’aller ailleurs et profondément inquiet.

Publié dans ASE, C. Taubira, Calais, Campagne électorale, Clandestins, Conseil departemental, convention internatioanle sur les droits de l'enfant, Défenseur des droits, Défenseur des enfants, Droits des enfants, Enfants en danger, Enfants étrangers, Immigration, intérêt de l'enfant, Justice pour enfants, migrants, Mineurs etrangers | 3 commentaires

PMA, GPA, filiation et affiliations, responsabilités sur l’enfant (682)

 

On peut penser – craindre diront certains – que l’on aille dans les temps à venir vers une libéralisation du recours à la procréation médicalement assistée avec donneur. Le libéralisme des mœurs s’imposerait pour justifier le libéralisme économique !

Peut-on aborder lucidement ces problématiques non seulement sous le prisme des revendications des adultes soucieux d’être parents, mais au regard aussi de l’enfant à naître et de quelques références de principe qui guident notre sans susciter dénigrements ou quolibets comme mon précédent blog sur le désir d’enfant face la baisse l’adoption faute d’enfants adoptables ?

Déjà il faut affirmer qu’il est acquis, contrairement à un discours tenu dans les années 80, que la puissance publique est légitime à poser des limites au développement pratiques des sciences de la vie quand certains affirmaient qu’on était dans le pur champ de la liberté individuelle. Derrière ces pratiques se joue la conception de la famille, des questions de santé publique, l’idée que nous nous faisons de la personne humaine, le rôle de l’Etat pour consacrer des droits et en garantir l’effectivité, la place de la filiation pour structurer la société, etc. Et, plus que jamais il nous faut aussi tenir compte de la mondialisation de la vie qui veut qu’un droit français en opposition avec les normes communément admises serait facilement contournés et fragilisé. Pour autant doit-on céder sur des valeurs ?

D’entrée de jeu on voit que ces questions ne sont pas simples et que les réponses ne peuvent pas être simplistes. Avançons donc sur ce chemin par l’entrée Actualité.

A la différence de la procréation médicalement assistée qui se veut un traitement de la stérilité, la PMA avec donneur est un mode parmi d’autres de conception de l’enfant. Le rôle de la médecine en est changé. Du soignant le médecin devient un « sorcier la vie », avec le meilleur comme le pire. Sans m’attacher au marché de la conception, je pense notamment aux souhaits de certains parents potentiels de choisir les caractéristiques de leur futur enfant à travers la sélection sur catalogue du donneur. On a en tête les projets de banque des Nobels et autres dérives de ce registre.

On est tout aussi légitime à s’interroger sur le droit de l’enfant à naître à connaître ses origines. Or notre droit garantit le secret de l’identité du donneur. Interdire à l’enfant de connaître l’origine de ce gène signifie-t-il que cette dimension est indifférente dans le développement de la personne ? Peut-on tout simplement affirmer que les conditions de sa conception ne concernent en aucune manière l’individu ?

Je suis sur une thèse inverse. L’enfant est copropriétaire des conditions de la naissance. Il doit pouvoir y accéder quitte à ce qu’on ne lui « balance » pas cette information n’importe comment sans un minimum de précautions et d’accompagnement. Parfois même il faudra l’accompagner dans cette révélation. On l’a vu dans le passé quant à l’adolescence des enfants apprenaient que la personne qu’ils tenaient pour père ou mère n’était qu’un beau-parent, le secret familial étant éventé par des proches, amis ou voisins bien intentionnés.

Bien sûr, cette question ne se pose pas que pour les enfants nés par PMA avec donneur. Elle est une déclinaison du questionnement plus général de l’accès de tout un chacun à la connaissance de ses origines. Et, dans l’esprit de l’article 6 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 je milite de longue date pour l’accès à cette information par l’intéressé, devenu majeur ou non, le demande en respectant bien évidemment le droit de ne savoir de celui qui n’entend pas interroger cette question.

Il y a quelles années la Cour européenne des droits de l’homme à 5 voix contre 4 avait refusé, à notre grand dam, le droit d’accès aux origines en cautionnant l’accouchement sous « X » à la française qui y fait obstacle. (1)

La réponse juridique peut donc évoluer.

Pour cela il faut prendre en compte que demain, j’espère très tôt dans la législature, le parlement devra reprendre la question de l’exercice des responsabilités sur l’enfant quand la famille est recomposée. Il faut en effet, et d’urgence désormais, consacrer les droits et responsabilités respectives des parents biologiques – père et mère – et des beaux-parents qui élèvent de fait l’enfant en vivant avec celui des deux parents qui s’est vu confier « la résidence » par la justice.

Dans le rapport remis à la ministre de la famille le 29 janvier 2014 avec Dominique You nous proposions que « celui qui est légalement en charge d’un enfant est en droit et en devoir d’exercer à son égard les droits et obligations liés sa la vie quotidienne « quand les père et mère titulaires de l’autorité parentale doivent exercer les actes importants. (2)
Cette situation concerne 2 millions d’enfants sur quelques 14 millions et 6 millions d’adultes, soit 8 millions de français sur 66. Une paille !

A travers une proposition de loi Chapelaine-Binet la Gauche au pouvoir s’est embourbée à l’Assemblée nationale en montant une usine à gaz qui n’a même pas été examinée au Sénat, le gouvernement y renonçant lui-même. (3)

Il nous faut percer rapidement l’abcès. Et déjà ne pas commettre l’erreur de François Hollande à savoir légiférer en urgence sur la PMA pour répondre à un groupe de pression en oubliant le problème massif à résoudre et se trouver ensuite dans l’impossibilité de l’aborder avec la sérénité nécessaire. (4)

Les responsabilités des beaux-parents étant être consacrées par la loi – question d’ordre public et pas seulement privée – sans pour autant nier celle des parents biologiques titulaires de l‘autorité parentale – ils ne jouent pas dans la même cour -, on pourra alors avancer vers la consécration du concept d’affiliation qui l’emportera sur la classique filiation. (5)

Aujourd’hui chacun d’entre nous est plus que jamais un mille-feuilles, dont toutes les couches sont respectables et la somme fait notre altérité.

Nous avons une filiation génétique constituée par le spermatozoïde et l’ovule.
Nous avons une filiation gestatrice : la femme qui nous a porté 9 mois.
Nous avons une filiation sociale : nous sommes tenus pour être nés tel jour à telle heure
Une filiation juridique sachant que le droit, notamment par l’adoption, peut créer un autre lien entre adulte et enfant.
Enfin une filiation affective avec ceux qui nous aiment et que nous aimons, auxquels nous spumes attachées ainsi qu’à leur environnement et à leur culture.

1+1+1=1+ … =1 !

Toutes ces couches du mille-feuilles qui nous constitue sont respectables.

Pourquoi gommer une affiliation pour une pour l’autre ? Au contraire il nous faut apprendre à vivre avec chacune d’elles en les articulant – les rapports père et beau-père – en prenant en compte l’ensemble.

Voilà pourquoi sur cette question marginale de la PMA avec donneur, au regard des 8 millions de personnes concernées par la famille reconstituée, je suis pour l’accès à la connaissance de l’origine des gènes.

On avance de longue date que cela fera baisser le nombre de donneurs. Je ne suis pas certain que la démarche en Suède ait débouché sur ce résultat. Et si cela était il faudrait faire œuvre de pédagogie. Le donneur ne se contente pas de donner des gènes, il prend une responsabilité : les spermatozoïdes ou ovules ne sont pas une matière comme une autre, mais des « éléments de vie ».

Nous revendiquons de tracer l’origine des produits, pourquoi refuser celle des enfants ? J’ajoute qu’il ne s’agit pas de savoir pour créer un lien juridique entre l’enfant et le donneur, mais de répondre pourquoi pas à d’éventuels problèmes de santé et aussi à des interrogations de la personne conçue qui, comme tout un chacun, se demande un jour qui est Papa ou qui est Maman en trouvant réponse à cette question par un rapide regard sur les photos de famille.

La reconnaissance de la PMA avec donneur ne peut pas, ne doit pas être votée comme on met une lettre par la poste. Il faut réfléchir avec quelques étapes d’avance.
Il faut aussi s’interroger sur l’inégalité qui résumerait de légaliser la PMA avec donneur et d’interdire le recours à la GPA. Les gays seraient discriminés sur les lesbiennes quand le combat sur le droit à l’enfant est mené dit-on au nom de l’égalité.
Bref, je propose aussi de regarder le recours aux sciences de la vie sous l’angle de l’enfant conçu. Cela mérite autre chose qu’invectives et lazzis.

1 Arrêt Olivère 13 février 2003
2 « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui dans l’intérêt … des adultes et de la democratie ». Avec la formulation avancée, ces obligations valaient aussi pour les beaux-parents ou grands- parents, l’éducateur, l’enseignant ou le quidam qui dans la rue voit un enfant menacé ou se mettre en danger
3 Texte adopté le 27 juin 2014. Quand nous avancions une disposition législative de quelques mots, la proposition Chapdelaine-Binet exigeait un accord entre le parent « gardien » et celui ou celle avec qui il partageait sa vie. L’autre parent juridique devait donner son aval à cette organisation avec le risque d’un désaccord ou tout simplement d’un refus de répondre et enfin un juge ou un notaire devait être saisi pour avalisé le tout l’accord passé entre les trois adultes. Bonjour la simplicité surtout pour les familles populaires !
4 La loi sur le mariage dit pour tous a paralysé toute adaptation subséquente du droit de la famille
5 La responsabilité impliquant l’autorité – arrêt Furiani du CE – il  faut aussi passer de l’autorité parentale aux responsabilités parentales

 

 

 

 

Publié dans accès aux origines, accouchement sous X, adoption, adoption internationale, affiliation, Autorité parentale, Beaux-parents, Bertinotti, bioéthique, CNAOP, F. Hollande, Famille, Fécondité, filiation, GPA, Grands-parents, Homosexualité, mariage homosexuel, mariage pour tous, médecins, Mères porteuses, PMA, sciences de la vie, secret des origines | 21 commentaires

L’adoption en chute libre : comment – et déjà faut-il? – répondre au désir d’enfant ?

Qu’elle vise des enfants de France ou des enfants venus de l’étranger, sur une période longue, le recours à l’adoption est en chute libre. On comprend dès lors l’attente démesurée à l ‘égard des procréations assistées, y compris avec donneur, et la vigueur développée pour faire bouger les lignes.

En 2015, 716 enfants, pupilles de l’Etat ont  été confiés à l’adoption quand 16 000 personnes sont officiellement dans l’attente d’accueillir un enfant.

Il est de fait que le corps des pupilles de l’Etat, c’est-à-dire des enfants remis au service de l’Aide sociale à l’enfance par leurs géniteurs aux fins d’être adoptés ou encore privés de parents sur décision de justice, et là  encore confiés à l’ASE, se rétrécit même si on relève une très légère hausse d’une année à l’autre.  Au 31 décembre 2015 ils étaient 2615 pour 2435 un an plus tôt. (1)

En 2016 1 106 enfants ont obtenu le statut de pupille, soit un peu plus d’ 1 admission pour 1000 naissances. Cette proportion varie de 0 à  4 selon les départements. A l’inverse, 986 enfants ont quitté en 2015 le statut de pupille par l’adoption ou la majorité.

On a certes retrouvé l’étiage des années 2003-2004, mais on reste loin des 3459 de 1995, a fortiori on est à des années-lumière des 150 000 pupilles de 1900 pour une population de 26 millions d’habitants, des 40 000 de 1960, et des 20 000 de 1980.

Déjà , de moins en moins d’enfants sont abandonnés. En 2015 on dénombre 600 accouchements avec demande de secret (pour 625 en 2014). Le fait que plus souvent qu’auparavant l’enfant soit désiré plus que subi, le statut fait aux mères isolées, les aides sociales fournies aux jeunes familles, mais surtout le fait que l’Aide sociale à l’enfance travaille depuis un siècle sur l’instauration ou la restauration du lien parents-enfant plutôt que sur sa rupture, tout contribue à  la baisse des abandons d’enfants .

Par ailleurs , moins de parents sont sanctionnés civilement par la justice : on privilégie, dans l’intérêt de l’enfant le soutien à la parentalité. 140 000 enfants sont accueillis physiquement chaque année directement ou indirectement par l’ASE, environ 120 000 en temps réel , mais dans l’immensité  des cas les parents sont présents dans l’univers de leur enfant et la famille est étayée par le service social pour exercer ses responsabilités. Le plus fréquemment l’enfant pourra retrouver sa place en son sein.

On s’en félicitera, même si l’on doit admettre que dans certains cas, par définition restreints, il faille rompre, et au plus tôt, une relation sans perspectives positives pour l’enfant (conf. la loi du 14 mars 2016 avec la révision régulière, voire tous les 6 mois, pour les moins de 2 ans, du statut de l’enfant).

Ajoutons que la majorité des personnes, mariées ou non, qui postulent à  accueillir un enfant par l’adoption, recherchent un enfant de moins de trois mois de type européen, en bonne santé quand, dans leur majorité, les 2615 enfants adoptables recueillis par l’ASE sont âgés de plus de 3 ans – 7ans et demi en moyenne -, porteurs de handicap ou en fratrie.

On conçoit alors que ces personnes aujourd’hui officiellement en quête d’accueillir un enfant  envisagent de se tourner vers l’international. Dans les années 80-90 pour un enfant français adopté en France, 4 à  5 venaient de l’étranger (Roumanie, Chine, Corée, etc.). Là  encore, depuis une vingtaine d’années, les difficultés se sont accumulées.

Nous avons tous la représentation,  alimentée quotidiennement par les médias, que le monde regorge d’enfants délaissés, abandonnés, victimes de tous les conflits possibles et sans famille pour les protéger. La réalité est bien celle-là , mais dans le même temps il y a un fossé pour faire de ces enfants des enfants adoptables légalement.

En effet, et là  encore on s’en réjouira pour les enfants du monde, de plus en plus de pays d’origine ont ratifié la Convention de La Haye du 29 mai 1993 qui veut notamment que les enfants doivent être en priori élevés dans leur famille ou adoptés dans leur propre pays. Dans de nombreux pays en voie de développement traditionnellement pourvoyeurs d’enfants adoptables, les efforts déployés pour aider les familles à élever leurs enfants portent leurs fruits. Par ailleurs les pays d’origine fixent leurs propres critères : âge des adoptants, nombre d’années de mariage, etc. . Last but not the least, la plupart refusent l’adoption par des personnes homosexuelles et ont tendance à  se fermer à l’adoption par les célibataires quand ces verrous ont sauté en France.

Tous comptes faits, au minimum les délais d’attente s’allongent -  3-4 ans en moyenne et 6 ans pour la Chine ! Quand l’attente n’est pas purement vaine par les voies officielles avec à la clé une grande souffrance pour ceux qui ont investi affectivement et financièrement sur un projet d’enfant.

Alors qu’en 2011 2 000 enfants venant de l’étranger avaient été adoptés par des familles françaises, seulement 1 569 l’ont été en 2012. En 2005, on en dénombrait 4136.

Ces chiffres ont encore baissé en 2016 : l’adoption internationale concerne 956 enfants avec une augmentation par rapport à  2015 liée au déblocage de la  situation en RDC. On a donc retrouvé en 2015 le chiffre – 935 –  de 1990.

Ajoutons que jusqu’en 2005-2006, on pouvait adopter des enfants encore petits, mais que désormais, la plupart des pays font adopter les bébés en bonne santé chez eux et proposent à  l’adoption internationale des enfants plus grands et aux besoins spécifiques, c’est-à-dire des fratries, des enfants malades ou handicapés. Si nombre de nos compatriotes se mobilisent pour répondre à cette attente, on peut comprendre que la démarche ne soit pas aisée pour tous.

Certains – c’était le ressort initial de ce qui devait devenir la loi Protection de l’enfance-adoption du 14 mars 2016 – demeurent convaincus, par méconnaissance de l’institution, que l’Aide sociale à  l’enfance recèle nombre qui pourraient être adoptés si on les rendait juridiquement adoptables. Régulièrement on relève des velléités de faire fonctionner la machine à  déclarer délaissés les enfants de l’ASE afin de « les proposer » à  l’adoption. Ainsi on satisferait les candidats à  l’adoption et, au passage, inconscience mais réalisme ,  on réduirait les coûts de prise en charge physique pour des services de l’ASE qui commencent pour la première fois depuis des décennies à  tirer la langue (2).

En vérité, ce n’est qu’à  la marge qu’on pourra, plus souvent que ce n’est le cas aujourd’hui, faire un projet d’adoption pour un enfant accueilli par l’ASE. Qui plus est, s’agissant d’enfants âgés, il faudra imaginer recourir à l’adoption simple qui ne rompt pas le lien avec la famille biologique, mais ajoute une filiation à l’enfant. Cette solution ne répondre pas toujours à l’attentes des « candidats » qui attendent que l’enfant devienne le leur. On peut envisager que quelques centaines d’enfants seront ainsi adoptés qui ne l’ont pas été jusqu’ici.

Tant mieux a priori pour ces enfants-là , mais le problème des adultes qui entendent accueillir un enfant restera entier. Ne nous berçons pas d’illusion et ne pervertissons pas la mission de l’ASE pour ce fol objectif. L’enjeu de l’ASE demeure les enfants ; pas les adultes en quête d’enfants.

Si beaucoup d’aspirants-parents renoncent à  leur projet d’adoption, on comprend que d’autres jouent la carte de la procréatique en France ou à l’étranger quitte à  tutoyer la loi française. Certains, et pas seulement en France, sont même prêts à  soulever des montagnes, à  engager de grosses sommes, voire carrément à  passer dans l’illégalité pour satisfaire leur aspiration à être parent.

On doit entendre ce désir d’enfant. Il reste pour autant difficile de consacrer un droit à l’enfant. D’ailleurs comment la puissance publique pourrait-elle le gager ? L’enfant à  tout prix ne peut être qu’une stratégie dangereuse où la fin justifie les moyens, y compris des enlèvements d’enfants ou certaines pratiques procréatiques comme la PMA sans limites ou la GPA avec ce qu’elle véhicule comme représentation de la femme-ventre à louer  et de l’enfant-objet.

(1) Etudes de l’ONPE sur les pupilles de l’Etat au 31 décembre 2015

(2) L’augmentation du budget ASE n’est que de 40 millions de 2015 à  2016 sur un budget global de 7 milliards 250 millions

Publié dans accès aux origines, adoption, adoption internationale, affiliation, ASE, bioéthique, couple homo, Désir d'enfant, Droits des enfants, droits des femmes, Enfant handicapé, Enfants en danger, enfants placés, Enfants violentés, filiation, Homosexualité, intérêt de l'enfant, Justice pour enfants, Mères porteuses, pupilles, secret des origines | 45 commentaires

Les droits des enfants non connus (680)


 

L’enquête « Accès aux droits » menée de février à mai 2016 sur 5 117 personnes de 18 à 79 ans par l’IPSOS sous la responsabilité scientifique du Défenseur des Droits a déjà au moins un mérite : quand nous pensions qu’en ce début du XXI° siècle nos concitoyens étaient convaincus que les enfants étaient des sujets de droit, force est de constater que l’opinion publique actuelle reste loin du compte. Tout aussi inquiétant, la connaissance des français sur les institutions en charge de garantir les droits des enfants est on ne peut plus vague. Devant une telle méconnaissance il y a matière à être préoccupé quant aux réactions que sont susceptibles d’avoir ceux qui ont connaissance d’atteintes aux droits des enfants, notamment de situations dramatiques.

On ne s’étonnera  donc pas des difficultés qu’a rencontré Laurence Rossignol, la dernière ministre de l’enfance,  restée au demeurant sans successeur, pour engager le débat sur les châtiments corporels et le concrétiser en décembre 2016 par une loi, disposition annulée pour des raisons techniques – le classique cavalier législatif – en janvier 2017. On comprend aussi pourquoi le nouveau gouvernement ne comprend pas de ministère de l’enfance, ni même de ministère de la famille. Un manque de conscience et des enjeux de société !

Sans entrer dans le détail de cette enquête qu’on consultera sur le site du Défenseur des droits, on reviendra sur les principales conclusions pour en tirer quelques leçons.

L’enquête est déjà éclairante quand 46% des sondés pensent que les enfants n’ont pas de droits et que 18 % ne peuvent en citer qu’ un ! Seuls 7% estiment que les enfants ont 4 droits et plus.  En reflexe, on pense à ceux de nos concitoyens – fort nombreux au demeurant – qui se battent aujourd’hui pour la cause animale et vont jusqu’à présenter des candidats à la députation. Aucun parti politique n’a pris pour thème la reconnaissance des droits des enfants, pourtant sujet ni de droite ni de gauche.

Et quand les sondés ayant un  minimum informés identifient majoritairement le droit à l‘éducation et le droit à la protection physique comme droit des enfants, on a le sentiment de ne pas avoir progressé d’un pouce sur un demi-siècle. En effet,  l’enfant est plus qu’un être à protéger, mais – conf. Françoise Dolto – une personne susceptible d’éprouver des sentiments et d’exprimer des affects et des idées. Peu ou prou, il est acteur , et de plus en plus en grandissant, de sa vie : les libertés de pensée, de conscience ou d’expression individuelle et collective – vie associative – semblent des concepts quasiment indifférents aux sondés.  Seuls 8 % s’y réfèrent.  Bref, presque trois décennies après l’adoption de la Convention internationale sur les droits de l’enfant grâce à l’action volontariste de la France qui l’a ratifiée en 1990, on en est toujours à une représentation XIX° siècle de l’enfant, être fragile qu’il faut éduquer et protéger contre lui-même et contre autrui quand ce texte international se veut délibérément tournée vers le XXI° en prenant en compte tous les droits de l’enfant-personne (conf. spécialement les art. 12 à 15).

On peut d’ailleurs aussi s’interroger sur l’idée que l’opinion se fait de l’enfance. On peut douter que l’on identifie spontanément l’ enfant comme la personne de moins de 18 ans, pourtant définition légale consacrée tant par le code civil que par la Convention. Nos contemporains parlent du bébé, du jeune enfant, du préadolescent, de l’adolescent. C’est tellement vrai que le projet – avorté – de loi Taubira de 2016  visant à reformer l’ordonnance du 2 février 1945 sur l ’enfance délinquance s’attachait à « la justice des enfants et les adolescents » signifiant que l’adolescent n’est plus un enfant.  Un comble pour le ministère de la loi ! 

S’agissant de la connaissance des sondés sur les acteurs de la protection des droits de l’enfant il y a tout autant matière à inquiétudes, à réflexion et à propositions.

Relevons déjà que 31% des sondés reconnaissant ne pas savoir qui fait quoi. Sidérant en termes de culture civique !

Avec un brin de bon sens quand même,  la  justice – pour 30% – et les pouvoirs publics – pour 28 % –  sont identifiés nettement comme ayant des responsabilités. Reste que l’on trouve bas et très loin

        les services sociaux et le dispositif de protection de l’enfance (16%) confirmant ainsi que français n’identifient pas les travailleurs sociaux de ce pays comme susceptibles de protéger les enfants. Un fossé s’est bien creusé entre opinion et services sociaux. Du doute on en est au niveau de l’ignorance.

        les associations (16)

        et encore plus loin la famille (14%) marquant d’une manière surprenante qu’il ne faut pas attendre grand-chose des proches !

Et que dire de la place au fond de la classe donnée faite

– à l’école et aux enseignants – 6% -,  en ignorant qu’aujourd’hui ils repèrent tant de situations mais que le service social scolaire et le service santé restent sinistrés et qu’il faudra bien remettre du social à l’école (voir blog précédent)

– à la police – 3 % – qui mène pourtant un travail extraordinaire pour protéger les enfants – et les femmes battues-  mais qui elle aussi pâtit i d’une image de marque défaillant à l’aune de se interventions dans les cités,

– aux médecins – surprenant- et aux avocats.

Et que dire encore du Défenseur des Droits à 2% de notoriété dont il est évident – et Jacques Toubon l’admet avec humour – qu’il a une marge de progression intéressante devant lui !

Tout aussi révélatrice la place résiduelle reconnue à la loi (1%), nationale comme internationale, pour la prise en compte des droits des personnes quand, ici comme ailleurs, de tous temps,  c’est un combat que de faire bouger la loi, puis de veiller à son application. Il faudrait ici reprendre en détail l’histoire de la reconnaissance du droit des femmes avec toutes luttes menées sur des décennies. Comme si les droits tombaient du ciel ! On a ici une traduction du sentiment de défiance que les français ont à l’égard des institutions, et la loi est une institution. Apparemment ils ne croient pas dans les règles communes et ceux qui les élaborent. Même si l’on se doit de relativiser ce type de conclusions sondagières , voilà qui est démoralisant pour le militant et le professionnel de la protection des personnes !

En tout cas, on voit bien que les efforts déployés notamment depuis 1981 sur ces thèmes sont loin d’avoir portés leurs fruits.

Il faut donc les maintenir et les renouveler pour informer et sensibiliser l’opinion, jeunes et moins jeunes, voire la classe politique.

La démarche développée par le Défenseur des droits d’offrir via le programme « Educadroit » une banque de données, des personnes ressources et des outils pédagogiques à mobiliser pour parlers les droits aux enfants dans et hors l’école. (Là il convient visiter le site interactif du D.D.D.).

Reste, et on revient au point de départ (voir post précédent), que tant que l’objet enfance n’aura pas être identifié explicitement à travers l’écriture gouvernementale comme un objet – ajoutons important – de politiques publiques, on ne devra pas s’étonner que, dans ce pays autoproclamé des Droits de l’Homme, l’enfant ne soit toujours pas reconnu dans ses droits.

Ces lacunes dans la culture des institutions ne sont pas d’aujourd’hui. Apparemment elles n’ont pas été réduites malgré les effort déployés. Elles ne sont bien sûr pas sans conséquence sur les réactions à avoir pour ceux qui peuvent être témoins d’atteinte aux droits de enfants, dont des actes de maltraitance en famille, en institution ou dans la rue. Il a 40 ans nous faisions dire au ministre en charge de la famille – G. Dufoix – que devant la maltraitance à enfants il fallait « Oser en parler ». En d’autres termes,  que face à la maltraitance chacun avait un devoir de réaction et de mobilisation.

Fondamentalement on peut se réjouir comme le fait le Défenseur que 56% des personnes interrogées se sentent concernées, mais je retiendrai qu’aujourd’hui encore trop de nos compatriotes – 44% – estiment que ces questions ne les concernent pas, quand ils n’ont pas peur … pour eux de ce qu’ils vont déclencher. On est donc loin d’avoir fait passer l’idée de la solidarité qui veut que chacun doit pouvoir compter sur son voisin ou son proche pour le défendre. On se réjouira que 90 % réagissent quand leur enfant est concerné, mais on relèvera que 52 % seulement le font si l’enfant n’est pas le leur ! Là encore verre à moitié vide ou verre à moitié plein.

Et je maintiens que des droits découlent des devoirs (voir post 539). Ceux qui aspirent à paix sociale et au maintien de l’ordre seraient bien inspirés de s’attacher à reconnaître les enfants comme des personnes dont en retour on peut exiger en fonction de leur développement et de leur maturité, des attitudes de responsabilités dans la société, à la maison et à l’école. Plus que jamais il nous faut mener dans ce pays un débat sur le statut fait aux enfants comme on se doit de le faire sur la discrimination entre sexes (sans  oublier les personnes sans sexe identifié) ! Et, là encore, qui d’autres qu’un représentant de haut niveau de l’Etat – un ministre – pour ranimer ce débat qui n’est pas technique, mais infiniment politique.

Il semble bien que ces idées majeures, fruits de l’histoire de notre pays ne sont plus appropriées par une partie de la classe politique, sinon par la société. On peut craindre d’entrée dans une voie de régression, mais il y a tout lieu de penser que certains drames ou problématiques sociales n’obligent demain à des réveils brutaux avec de mesures décidées en catastrophe réinventant le fil à couper le beurre pour se donner bonne conscience.

On ne demande qu’à être rassuré !

Publié dans châtiments corporels, Citoyenneté, Défenseur des enfants, Délinquance juvénile, droit de correction, droit des femmes, Droits des enfants, Educateur spécialisé, Enfants en danger, enfants victimes, Famille, gifle, juge des enfants, Justice pour enfants, Laurence Rossignol, Liberté d'expression, Liberté d'opinion, liberte de concience, liberté de penser, libertté d'association, majorité panale, médecins, ONU, ordonnance du 2 février 1945, responsabilité parentale, secret professionnel, service de santé scoalire, service social scolaire, Société, violences aux animaux | 8 commentaires

Famille, enfance, jeunesse ne sont plus des objets de politiques publiques

Comme François Mitterrand le disait clairement en 1981, l’écriture d’un gouvernement éclaire ses choix politiques. Alors les ministères du Temps libre ou encore des Relations extérieures identifiaient des objets politiques majeurs et des ré-orientations. De même avec le gouvernement Philippe le ministère de la Transition écologique et solidaire a du sens comme celui de l’Europe et des affaires étrangères.

Et une lecture doit toujours se faire en plein et en creux. On s’étonnera donc de l’absence (notamment) de ministère emportant dans leur titre les thèmes de la famille, de l’enfance et de la jeunesse. On s’inquiétera de trouver un secrétariat d’Etat de l’Egalité femmes-hommes quand pour essentielle cette question devrait s’inscrire dans une proche plus large de la lutte contre les inégalités et que l’ on s’attendait à un ministère du droit des femmes. On a certes échappé au classique « Jeunesse et Sports » rétablit par F. Hollande comme si les jeunes n’étaient que des sportifs et réciproquement, mais tout simplement on n’a plus de ministère de la jeunesse !

On nous répondra qu’un gouvernement restreint ne peut pas comporter tous les ministères et qu’on retrouvera dans les décrets d’attribution les compétences ministérielles dans ces domaines. Mais justement encore fallait-il afficher une cohérence politique donnant du sens aux yeux de tous.

Soyons simple pour reprendre la jaune mitterrandienne : le gouvernement Philippe trahit bien que la famille, l’enfance, la jeunesse ne sont plus des objets – et des soucis – de politiques publiques prioritaires. L’erreur est ici majeure. On régresse plus qu’on avance! Les enjeux économiques ne doivent pas faire oublier les conditions de vie concrètes de chacun… dans l’intérêt même de la société

Le fait familial est en dimension majeure pour tous. Chacun doit pouvoir vivre sa vie familiale à sa guise, avec le souci de concilier sa vie sociale – dont la vie professionnelle- avec ses  responsabilités familiales à l’égard notamment de plus jeunes mais aussi de plus en plus souvent les anciens. On sait depuis 1981 que la politique familiale n’est qu’une politique d’allocations familiales. Qui va être porteur de cette dynamique qui plus est fondamentalement a-partidaire , ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche, dès lors qu’elle n’est pas identifiée politiquement avec un ministre responsable.

L’enfance et la jeunesse doivent également et plus que jamais être identifiées comme des enjeux majeurs de société. Il ne s’agit pas seulement d’instruire ou de former ; il faut intégrer les  enfants et les jeunes dans la société pour qu’ils se l’approprient, qu’ils y nagent comme un poisson dans l’eau, les former à leurs droits et à leurs responsabilités. Or, on l’a vu ces dernières années une partie de la jeunesse de France ne fait plus France; tout simplement ne croit plus en ses valeurs. Et tout cela se joue très tôt dans l’enfance et la prime enfance. Pour essentiel apprendre à lire, à écrire, à compter ne suffit plus. Il faut refonder aux yeux de tous, spécialement des plus jeunes, les valeurs de la République en assumant qu’il y a des distorsions entre les droits affichés et les droits réels et que le combat de la vie par la démocratie permet étapes après étape de réduire le fossé. Il faut surtout relégitimer qu’ici le temporel prime sur le spirituel dans l’intérêt de chacun des croyants come des non-croyants.

Des évolutions majeures s’imposent demain qui ont été peu ou prou esquissées,  mais doivent être parachevées.

Identifier qui et en qui est responsable des enfants spécialement dans les familles sont recomposées. C’est la question des doits et des devoirs du beau-parent. Elle concerne 8 millions d’adultes dont 2 millions d’enfants

C’est la question de la filiation qui ne se réduit pas à la seule question technique de l’accès à la PMA et à la GPA.

C ‘est bien sûr celle de de l’action sociale en aide aux populations les plus fragiles quand elle est trop souvent discréditée ; Il faut mettre du social dans toutes les écoles par un accord Etat-collectivités locales pour venir en aide au plus tôt aux familles en difficulté à partir du symptôme familial qu’est l’enfant. 

Sur un programme de 20 ou 30 ans il faut remettre du social dans les rues au contact des adolescents et des jeunes qui sont à la dérive ou en passe de l’être, près à céder aux sirènes des mafieux ou des prédicateurs,  en développant la Prévention spécialisée, légalement compétence territoriale certes mais politiquement responsabilité publique commune entre Etat et collectivités. Qui mènera cette démarche quand trop d’élus départementaux veulent se désengager ? L’enjeu est majeur pour le devenir même du pays.

Les violences faites aux femmes ou aux enfants doivent être combattues non seulement par la répression ou la menace de la répression mais par un travail plus fondamental sur les représentations et conditions de vie. Là encore plus que dans d’autres domaines il faut une conviction politique tendue come la dernière ministre de la famille et du droit des femmes l’a montré. Sur ces sujets la compassion est toujours présente, les politiques plus rares.

A l’expérience enfance, famille, jeunesse ne se réduisent pas à des dossiers techniques. Les mesures qui s’imposent doivent avoir du sens politique et suppose un(e) ministre battant. Sur ce point, on est donc aujourd’hui déçu.

Cette carence dans écriture et donc dans la conception du gouvernement trahit-elle inconsciemment un défaut d’analyse majeur ? Plus inquiétant, ceux qui arrivent au pouvoir n’ont-ils pas conscience des termes de la fracture sociale et culturelle ?

Pour important la relance de la machine économique et les redistributions qui s’en suivront ne suffiront pas à retisser le lien social. Dit autrement, et sans faire de procès d’intention, il manque une âme sociale à ce gouvernement.

Entendons qu’il s’agit d’un premier exercice et que les législatives amèneront inéluctablement à corriger erreurs et manques. Espérons aussi tout simplement que la relecture de leur copie éclairera les rédacteurs. Un bon papier ou un bon livre s’écrit deux fois.

Publié dans "Banlieues", (Ré)éducation, 2017, allocations familiales, Attentats de janvier 2015, Autorité parentale, Beaux-parents, condition familiale, Démocratie, droit des femmes, Droits des enfants, F. Hollande, F. Mitterrand, Famille, Femmes batues, fessée, filiation, gouvernement, jeunesse, Laurence Rossignol, Loi Famille, Macron, Macron, Mères porteuses, Pauvreté, Philippe, Politique de la ville, politique familiale, président du conseil général, Prévention spécialisée, responsabilité parentale, service de santé scoalire, service social scolaire | 8 commentaires

E. Macron et la justice : de bonnes orientations à parfaire

La qualification d’E. Macron pour le deuxième tour m’amène à reprendre un billet publié dans la perspective du premier dans la mesure où justement il est plus que jamais d’actualité de devoir rapidement décliner une politique judiciaire forte et ambitieuse.
Pour cela, il convient le 7 mai, détail,  privilégier la raison sur la peur, la connaissance sur le scientisme, la réflexion sur la haine, les droits sur la violence en revisitant  l’histoire : il est des dérives dont on revient difficilement. Un grand responsable religieux disait ce matin qu’on peut difficilement reprocher à Pie XII son silence sur la Shoah pour renvoyer dos à dos E. Macron et M. Le Pen en s’abstenant ou même en votant blanc quand, au regard des droits et des libertés, les deux candidats ne jouent pas dans la même  cour. Je souscris  pleinement à cette analyse. On est aussi responsable  de ses silences : ne pas agir c’est déjà agir. Sauvons notre démocratie pour pouvoir l’améliorer. Toute autre attitude serait de la pure complaisance ou relèverait de bas calculs politiques. Pour le coup, la peste ou le choléra.

§§§§

Aujourd’hui plus que jamais, il est patent que le vote à la présidentielle se fera moins sur le programme des candidats que sur leur personne – attirance ou répulsion –  et une pratique plus ou moins subtile du jeu dit du vote utile.

En l’espèce, ne nous voilons pas la face, la crainte est massive chez les démocrates de ce pays de laisser les clés de l’Elysée à l’extrême droite :  on risquerait de ne jamais retrouver le trousseau – conf. notamment devant nous Erdogan en Turquie -, et déjà de nous trouver dès le soir du 8 juin dans une période insurrectionnelle dont personne sait comment nous en sortirions.

Reste à trouver un candidat non discrédité pour la fonction qui offre, non seulement des perspectives de survie, mais quelques pistes d’espoir.

Il faut alors s’arrêter quelques instants à ce qu’il nous est proposé, en plein ou en creux  car derrière la musique on ne peut pas négliger les paroles au risque demain d’être pris des contradictions majeures si l’élu du cœur entend appliquer un programme contestable ou singulièrement lacunaire.

Bref, on se doit d’ores et déjà d’être lucide pour ne pas avoir des réveils douloureux au risque de se recroqueviller définitivement ou de devenir d’entrée de jeu un contestataire qui se verrait renvoyer sa propre responsabilité dans la situation créée.

Comme je l’ai dit publiquement dans deux rencontres politiques organisés par EN MARCHE et confirmé au Nouvel Obs, le projet Justice d’Emmanuel Macron – dernière version en date – contient des bonnes choses, mais doit supporter une critique constructive. Ces lacunes s’expliquent aisément par la jeunesse du mouvement, l’hétérogénéité des apports et des influences, surtout elles n’ont rien d‘irréversible : l’orientation est bonne, on doit pouvoir faire mieux. Il appartiendra demain à ceux qui animeront la politique dans ce domaine de rechercher les consensus indispensables.

Quelques illustrations ?

1)                 Pour faciliter l’accès au droit – et le besoin est énorme dans tous les domaines – on ne peut qu’approuver l’idée de mailler les juridictions et de développer le recours au numérique. On retrouve la démarche de la Justice du XXI° siècle. Pour autant on ne peut pas faire l’impasse sur le budget de la justice passé depuis 1991 où il stagnait à 0, 80 % du budget de l’Etat  à quelques 1, 9 : on reste loin du compte ! La patrie auto proclamée des droits de l’homme pointe en 24° position européenne sur ce sujet. En faisant attention à la démagogie de ceux qui promettent de doubler le nombre de magistrats en oubliant les greffiers, le matériel et les mètres carrés, le candidat doit annoncer un cap politique fort –  2,5 % du budget de l’Etat ? – : pas de droit sans justice ! Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

2)                 On ne peut pas se contenter d’affirmer le souhait d’une justice indépendante – sous-entendu du politique et des forces de l’argent – sans en réunir les moyens.. D’accord , mais pour une reforme du conseil supérieur de la magistrature la question est posée par l ‘Europe d’une autorité de poursuite autonome du politique. S’y oriente-t-on vraiment ?  Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche même si droite et gauche ont été jusqu’ici défaillantes.

3)                 La justice n’est pas que pénale. Pour utile  construire de nouvelles places de prison – et veiller à ce que l’Etat assure la sécurité physique des détenus et personnels –  ne doit pas conduire à négliger que la justice est d’abord civile, prud’homales et commerciales. Sans compter les enjeux autour du droit de la consommation, du logement et bien évidement delà famille. On ne doit plus accepter que dans certains tribunaux, , il faille jusqu’à 12 mois pour qu’une requête en divorce commence être examinée. Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

4)                 Certes la fermeté à l’égard des délinquants – de tous les délinquants y compris en col blanc ou élus s’impose mais la répression doit être au service de la prévention de l réitération et pas seulement se confiner à de l’exorcisme. La prison est criminogène, et les courtes peines encore plus. J’entends qu’il s’agit de redonner de la crédibilité à la justice pénale  : une peine prononcée doit être exécutée sinon on ne l’a prononce pas. Reste qu’on doit dire à l’opinion qu’on peut exécuter une peine de prison en liberté – incarcérer tous les personnes condamnées à moins de 2 ans est un systématisme dont la justice a de la peine, c’est le cas de le dire, à s’abstraire.

Déjà en entame il est indispensable dans les premiers jours du mandat de remettre en place une police de terrain qui mette en œuvre la mission de police administrative qui de tout temps a été une des missions de la police. Les polices municipales ne doivent pas être confondues avec la police d’Etat. Et puis surtout il est indispensable de jeter des ponts vers cette frange de la jeunesse qui ne croit plus en la République et lui préfère les utopies sanguinaires des prédicateurs. Outre une plus grande justice sociale, c’est la mission des travailleurs sociaux de la Prévention spécialisée d’y contribuer … si on veut bien les y légitimer. Or depuis quelques années des départements (irresponsables) les restreignent, voire les éliminent. Il faut ici que l’Etat, au nom de la République, affirme sa volonté – la prévention spécialisée doit être une mission obligatoire pour les conseils départementaux- et s’investisse, y compris financièrement au-delà des clés de répartition classiques du financement de l’action. sociale. Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche et d’enjeu national.

5)                 Emanuel Macron a raison de ne pas vouloir en finir avec l’ordonnance du 2 février 1945 sur la jeunesse délinquante. Et déjà de ne pas abaisser la majorité pénale à 16 ans – au demeurant mesure impossible au regard de de nos engagement internationaux et de la décision du Conseil constitutionnel d’aout 2002 ce qu’ensemble ignorer F. Fillion – grand spécialiste du sujet légalité et éthique – et M. Dupont- Aignan. Encore faut-il en réunir les moyens  pour que toute mesure éducative prononcée soit réellement exécutée. Un éducateur ne peut pas suivre 25 jeunes délinquants comme le veut la norme aujourd’hui. Ce n’est pas nécessairement plus de travailleurs sociaux  qui s’impose, mais la mobilisation de la société civile. En tout cas doubler le nombre des centres éducatifs est un peu court comme politique judiciaire de la jeunesse.  F. Hollande l’avait déjà promis … sans y parvenir.

Au passage Emmanuel Macron laissera-t-il se développer la démarche de marchandisation de l’action sociale en faveur des enfants que l’on voit poindre ou réaffirmera -t-il les termes et les garanties des misions de service public ou d’intérêt général dans le champ de la protection de l’enfance ? Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

On pourrait prendre un lot d’autres exemples pour illustrer que les orientations sont bonnes mais doivent être peaufinées à bref délai avec quelque positions claires pour qu’une fois  fixé le cap chacun puisse s’asseoir autour de la table et rechercher les démarches dynamiques.

A ceux qui  douteraient que cela soit possible, je peux témoigner qu’en 1982, dans une ambiance politique tendue d’alternance politique, l’ère opérations d’été » dite anti été chaud on a su trouvé dans l’administration et sur le terrain un consensus de droite et de gauche et que 40 ans plus tard ce dispositif existent encore.

Emmanuel Macron n’échappera pas à des questionnements fondamentaux sur le recours à la GPA ou PMA ou les opérations chirurgicales sur les enfants « entre deux sexes », tout simplement sur les termes des responsabilités parentales modernes avec deux millions de jeunes élevés par des beaux-parents. Des choix s’imposeront.

Plus largement comment prendre réellement en compte les droits des personnes ? Comment exiger des attitudes responsables de la part de personnes qu’on nie dans leurs droits, mais il faudra aussi savoir dire non à des revendications de pouvoir (sur la procréatique) ou de prestance (les châtiments corporels) et plus généralement faire progresser la reconnaissance des droits des enfants et l’accès à leur exercice (de  la question du développement du social à l’école jusqu’à la parole des enfants) . Abaisser le droit de vote comme le propose J. L Mélenchon, pour intéressant, suppose un travail préparatoire avec l’exercice de responsabilités en milieu scolaire ou encore mobiliser la citoyenneté des jeunes en leur  facilitant l’accès aux responsabilités associatives ? Là encore un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

Bref, dès que les extrémismes auront été écartés du cœur du pouvoir – ce qui ne signifie pas qu’il ne soient pas porteurs de leurs interrogations et qu’il faille faire fi des souffrances et les difficultés dont ils sont porteurs – on pourra, des freins et prudences excessives étant enfin levés, prendre le bon chemin pour rendre justice aux habitants de ce pays.

On peut soutenir sans être à genoux !

Publié dans 2017, Elections, Justice, Justice pour enfants, Le Pen, Macron | 5 commentaires

Les enfants étrangers isolés en France : le 8 mai, en marche pour le changement ?


Osons le dire froidement : notre pays qui se targue de tant de qualités – grande puissance économique, capacité à résister, conscience universelle, patrie des droits de l’homme, intelligence sociale, etc. – se trouve incapable d’aborder de front certains problèmes sociétaux majeurs quand d’autres qui lui sont proches sont plus courageux sur ces mêmes sujets.

Par exemple, nous nous refusons à d’aborder de front la place du religieux par rapport au politique quand trop de jeunes aujourd’hui sont convaincus que la République est hostile aux religions, spécialement à l’une d’entre elle pour maintenir le poids des autres. A nous être endormis depuis des décennies sur les acquis de la loi 1905 sur les rapports des Eglises et de l’Etat, nous ne savons pas aujourd’hui comment aborder publiquement cette problématique de la hiérarchie du temporel du spirituel quand d’autres (Allemagne, Belgique), sans posséder la réponse, n’ont pas cette peur. Nous avons adopté la stratégie de l’autruche. Allons-nous enfin être offensifs ? Peut-être en marche, mais pas encore lucides et courageux

Tout aussi grave, sinon plus, sur d’autres sujets, nous sommes dans l’hypocrisie et nous nous asseyons avec cynisme sur nos contradictions. Le sort auquel sont voués les enfants étrangers non accompagnés sur le territoire national par des adultes responsables illustre trop bien cette attitude.

On trouve malheureusement la preuve de ce jugement dans le sort voué aux mineurs – évalués à 1800 au dernier  jour – évacués de Calais voici quelques mois et aujourd’hui refoulés dans notre mémoire.

Certes une partie – 500 – a pu être orientée vers la Grande Bretagne où ces jeunes avaient généralement de la famille. Les autres se sont vus proposer d’aller vers des centres d’accueils spécialement ouverts pour eux avec la promesse de voir leur situation examinée pour un éventuel passage vers le Royaume Uni ou une prise en charge dans le dispositif de protection de l’enfance français. En pratique, faute de moyens réellement mobilisés – les structures ouvertes pour la circonstance, véritables OVNI du social, disposaient de 85 euros par jour et par mineur pour s’organiser dans un flou juridique et administratif pas du tout artistique – la plupart de ces jeunes déçus ont fugué et sont à nouveau à la rue.

Ce dossier soulève quelques questions et suscite quelques indignations

1 Comment la France et la Grande Bretagne autoproclamées patries des droits de l‘homme ont-elles pu s’avérer hors d’état de s’entendre pour gérer le sort d’un millier d’enfants qui préféraient le fish and cheaps au steak frites et en toute hypothèse ne présentaient aucun danger ?  Churchill et de Gaulle avaient une autre envergure que Cameron et Hollande.

2 Comment la France peut-elle faire à l’enfant étranger isolés à la rue un sort différent des enfants de France en violation des termes du code civil ?  La circulaire Taubira de mai 2013 constitue certes une avancée historique car l’Etat y reconnaît enfin ses responsabilités en la matière et organise une péréquation entre les départements. Mais pour le reste, contrairement à son affichage, elle déroge au droit commun en mandatant le procureur de la République pour contourner le juge des enfants, avec un dispositif administratif qui lui-même contourne le tribunal pour enfants sans garantir les droits fondamentaux de la personne. Comment est notifiée une décision de refus ? dans quelle langue ?  et les recours qui en découlent ?  Ces jeunes sont considérés d’abord comme des étrangers avec que d’être pris pour des enfants, traités comme des dossiers  plus que comme des personnes.

3 Comment la France a-t-elle pu faire aux enfants de Calais un sous-statut inférieur à celui déjà dérogatoire de la circulaire de 2013 qui, elle-même, est en retrait par rapport au droit de la protection de l’enfance ?

4 Pourquoi l’Etat et les collectivités locales jouent-ils à la patate chaude, avec tous les  mauvais coups dont les enfants sont d’abord les victimes, pour se défausser ? L’Etat admet sa responsabilité, mais ne rembourse aux conseils départementaux que 5 jours de prise en charge à 250 euros quand ceux-ci vont prendre en charge ces jeunes pendant des années à 200 euros/jour/enfant en moyenne. Pourquoi refuser un titre de séjour à ces jeunes qui ne sont pas délinquants et ont, pendant des années, bénéficié de la prise en charge par le pays, voire ont vocation à être français.

5 – Comment la puissance publique  a-t-elle pu démissionner de ses responsabilités dans les mains du secteur associatif  dépourvu de toute légitimité  en lui laissant le soin de décider pratiquement de l‘octroi du statut d’enfants non accompagné relevant ou non du dispositif de protection de l’enfance ? De quel droit France Terre d’asile ou la Croix Rouge peuvent-elles se prononcer sur des questions  qui font grief – minorité, isolement, droit à une prise en charge – autant de compétences de l’Etat. Nous violons tous nos grands principes juridiques.

On demande fréquemment à ces jeunes  de revenir pour des tests osseux et on joue sur les limites et failles de ce dispositif, mais plus grave encore, même tenus pour mineurs et à la rue, nombre de ces enfants ne sont pas mis à l’abri. Les tribunaux refusent de les recevoir à très bref délai.  On veut vérifier et revérifier leurs papiers et leur discours sur un parcours migratoire tenu pour flou.

Revenons au cœur du sujet souvent abordé sur ce blog (1)

Déjà quantitativement, en stock,  ce ne sont somme toute qu’environ 6000 à 7000 mineurs au total qui sont concernés, soit 6% des mineurs suivis par l’ASE. 3734  ont fait l’objet d’une prise en charge en 2014

Le coût de leur prise en charge reste relatif : 250 à 300 millions sur un budget global aide sociale à l‘enfance 7 milliards 4 sachant que cet argent circule en France pour alimenter notre économie !

Ces jeunes ont vocation à demeurer en France. En tous cas, mineurs ils sont inexpulsables. Ils vont même enrichir notre pays. Je peux en témoigner pour avoir suivis 8 à 10 000 d’entre eux. Tels que j’ai connus sont médecin, chef d’entreprise, boulanger, policier etc.  Nous devons avoir pour souci d’éviter qu’ils ne s’enfoncent dans l’infra-droit et la société souterraine avec tous ces dangers pour eux mais aussi pour nous. D’ores et déjà ils permettent à des structures sociales habilités à l’accueil d’enfants de ne pas péricliter ! Ils sauvent de l’emploi au pays (conf. la Dordogne).

Professionnels nous pouvons témoigner que l ’effort développé par le pays n’est pas à la hauteur du problème rencontrés.

Objectivement le juriste peut affirmer que dans nombre de situations, la puissance publique d’Etat et territoriale est coupable de non-assistance personne en péril pour des jeunes laissés à la rue alors qu’ils sont en danger pour être isolés en France,  sans toit, sans ressources et ses acteurs relèvent de sanction pénale – 5 ans d’emprisonnement – et peuvent aussi engager leur responsabilités civiles pour les dommage supportés.

Histoire de se réveiller il n’est pas inutile de revenir aux textes : tous les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis. Qu’on en juge :

Article 223-6 du code pénal

« Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »

Va-t-on attendre qu’un jeune assister d’un conseil  ou non porte plainte contre un fonctionnaire d’Etat ou territorial oui un cadre associatif?

Politiquement l’Etat et certains départements doivent arrêter de se pavaner avec des grands discours sur les droits de l’homme, spécialement sur les droits des enfants.

Quelle hypocrisie, mais aussi quelle irresponsabilité que de laisser les travailleurs sociaux de terrain et nombre de nos concitoyens essayer de pallier les carences publiques avec les moyens du bord pare » par peur de choquer nos concitoyens.

Ne faut-il pas lucidement aborder cette question entre Etat, collectivités locales et secteur associatif habilité lors de ce qu’on appelle désormais conférence de consensus que le tout nouveau conseil national de la protection de l’enfance pourrait organiser. Si nous ne pouvons pas aborder autrement qu’avec des pincettes le dossier de l’immigration notamment syrienne, pour le moins, traitons froidement et pleinement celui des mineurs non accompagnés

Aurons-nous sous l’égide du nouveau Président de la République ce courage à partir du 8 juin pour engager le changement. Enfin !

Avant d’autres sujets qui fâchent comme celui du sort auquel sont voués les enfants roms à deux pas de nos domiciles.

(1)    Voir tous les posts (601, 568, 564, 531, 511, 506, 432, 147 etc.) sur ce thème qui chacun entre dans les détails

Publié dans 2017, ASE, collectivités locales, convention internatioanle sur les droits de l'enfant, Droits des enfants, Enfants en danger, Enfants étrangers, F. Hollande, juge des enfants, Jungle, Justice pour enfants, Mineurs etrangers, Parquet, président du conseil général, responsabilité pénale, Roms, Taubira | 35 commentaires

Le projet Justice d’E. Macron : de bonnes orientations justes à parfaire !

Aujourd’hui plus que jamais, il est patent que le vote à la présidentielle se fera moins sur le programme des candidats que sur leur personne – attirance ou répulsion –  et une pratique plus ou moins subtile du jeu dit du vote utile.

En l’espèce, ne nous voilons pas la face, la crainte est massive chez les démocrates de ce pays de laisser les clés de l’Elysée à l’extrême droite :  on risquerait de ne jamais retrouver le trousseau – conf. notamment devant nous Erdogan en Turquie -, et déjà de nous trouver dès le soir du 8 juin dans une période insurrectionnelle dont personne sait comment nous en sortirions.

Reste à trouver un candidat non discrédité pour la fonction qui offre, non seulement des perspectives de survie, mais quelques pistes d’espoir.

Il faut alors s’arrêter quelques instants à ce qu’il nous est proposé, en plein ou en creux  car derrière la musique on ne peut pas négliger les paroles au risque demain d’être pris des contradictions majeures si l’élu du cœur entend appliquer un programme contestable ou singulièrement lacunaire.

Bref, on se doit d’ores et déjà d’être lucide pour ne pas avoir des réveils douloureux au risque de se recroqueviller définitivement ou de devenir d’entrée de jeu un contestataire qui se verrait renvoyer sa propre responsabilité dans la situation créée.

Comme je l’ai dit publiquement dans deux rencontres politiques organisés par EN MARCHE et confirmé au Nouvel Obs, le projet Justice d’Emmanuel Macron – dernière version en date – contient des bonnes choses, mais doit supporter une critique constructive. Ces lacunes s’expliquent aisément par la jeunesse du mouvement, l’hétérogénéité des apports et des influences, surtout elles n’ont rien d‘irréversible : l’orientation est bonne, on doit pouvoir faire mieux. Il appartiendra demain à ceux qui animeront la politique dans ce domaine de rechercher les consensus indispensables.

Quelques illustrations ?

1)                 Pour faciliter l’accès au droit – et le besoin est énorme dans tous les domaines – on ne peut qu’approuver l’idée de mailler les juridictions et de développer le recours au numérique. On retrouve la démarche de la Justice du XXI° siècle. Pour autant on ne peut pas faire l’impasse sur le budget de la justice passé depuis 1991 où il stagnait à 0, 80 % du budget de l’Etat  à quelques 1, 9 : on reste loin du compte ! La patrie auto proclamée des droits de l’homme pointe en 24° position européenne sur ce sujet. En faisant attention à la démagogie de ceux qui promettent de doubler le nombre de magistrats en oubliant les greffiers, le matériel et les mètres carrés, le candidat doit annoncer un cap politique fort –  2,5 % du budget de l’Etat ? – : pas de droit sans justice ! Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

2)                 On ne peut pas se contenter d’affirmer le souhait d’une justice indépendante – sous-entendu du politique et des forces de l’argent – sans en réunir les moyens.. D’accord , mais pour une reforme du conseil supérieur de la magistrature la question est posée par l ‘Europe d’une autorité de poursuite autonome du politique. S’y oriente-t-on vraiment ?  Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche même si droite et gauche ont été jusqu’ici défaillantes.

3)                 La justice n’est pas que pénale. Pour utile  construire de nouvelles places de prison – et veiller à ce que l’Etat assure la sécurité physique des détenus et personnels –  ne doit pas conduire à négliger que la justice est d’abord civile, prud’homales et commerciales. Sans compter les enjeux autour du droit de la consommation, du logement et bien évidement delà famille. On ne doit plus accepter que dans certains tribunaux, , il faille jusqu’à 12 mois pour qu’une requête en divorce commence être examinée. Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

4)                 Certes la fermeté à l’égard des délinquants – de tous les délinquants y compris en col blanc ou élus s’impose mais la répression doit être au service de la prévention de l réitération et pas seulement se confiner à de l’exorcisme. La prison est criminogène, et les courtes peines encore plus. J’entends qu’il s’agit de redonner de la crédibilité à la justice pénale  : une peine prononcée doit être exécutée sinon on ne l’a prononce pas. Reste qu’on doit dire à l’opinion qu’on peut exécuter une peine de prison en liberté – incarcérer tous les personnes condamnées à moins de 2 ans est un systématisme dont la justice a de la peine, c’est le cas de le dire, à s’abstraire.

Déjà en entame il est indispensable dans les premiers jours du mandat de remettre en place une police de terrain qui mette en œuvre la mission de police administrative qui de tout temps a été une des missions de la police. Les polices municipales ne doivent pas être confondues avec la police d’Etat. Et puis surtout il est indispensable de jeter des ponts vers cette frange de la jeunesse qui ne croit plus en la République et lui préfère les utopies sanguinaires des prédicateurs. Outre une plus grande justice sociale, c’est la mission des travailleurs sociaux de la Prévention spécialisée d’y contribuer … si on veut bien les y légitimer. Or depuis quelques années des départements (irresponsables) les restreignent, voire les éliminent. Il faut ici que l’Etat, au nom de la République, affirme sa volonté – la prévention spécialisée doit être une mission obligatoire pour les conseils départementaux- et s’investisse, y compris financièrement au-delà des clés de répartition classiques du financement de l’action. sociale. Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche et d’enjeu national.

5)                 Emanuel Macron a raison de ne pas vouloir en finir avec l’ordonnance du 2 février 1945 sur la jeunesse délinquante. Et déjà de ne pas abaisser la majorité pénale à 16 ans – au demeurant mesure impossible au regard de de nos engagement internationaux et de la décision du Conseil constitutionnel d’aout 2002 ce qu’ensemble ignorer F. Fillion – grand spécialiste du sujet légalité et éthique – et M. Dupont- Aignan. Encore faut-il en réunir les moyens  pour que toute mesure éducative prononcée soit réellement exécutée. Un éducateur ne peut pas suivre 25 jeunes délinquants comme le veut la norme aujourd’hui. Ce n’est pas nécessairement plus de travailleurs sociaux  qui s’impose, mais la mobilisation de la société civile. En tout cas doubler le nombre des centres éducatifs est un peu court comme politique judiciaire de la jeunesse.  F. Hollande l’avait déjà promis … sans y parvenir.

Au passage Emmanuel Macron laissera-t-il se développer la démarche de marchandisation de l’action sociale en faveur des enfants que l’on voit poindre ou réaffirmera -t-il les termes et les garanties des misions de service public ou d’intérêt général dans le champ de la protection de l’enfance ? Un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

On pourrait prendre un lot d’autres exemples pour illustrer que les orientations sont bonnes mais doivent être peaufinées à bref délai avec quelque positions claires pour qu’une fois  fixé le cap chacun puisse s’asseoir autour de la table et rechercher les démarches dynamiques.

A ceux qui  douteraient que cela soit possible, je peux témoigner qu’en 1982, dans une ambiance politique tendue d’alternance politique, l’ère opérations d’été » dite anti été chaud on a su trouvé dans l’administration et sur le terrain un consensus de droite et de gauche et que 40 ans plus tard ce dispositif existent encore.

Emmanuel Macron n’échappera pas à des questionnements fondamentaux sur le recours à la GPA ou PMA ou les opérations chirurgicales sur les enfants « entre deux sexes », tout simplement sur les termes des responsabilités parentales modernes avec deux millions de jeunes élevés par des beaux-parents. Des choix s’imposeront.

Plus largement comment prendre réellement en compte les droits des personnes ? Comment exiger des attitudes responsables de la part de personnes qu’on nie dans leurs droits, mais il faudra aussi savoir dire non à des revendications de pouvoir (sur la procréatique) ou de prestance (les châtiments corporels) et plus généralement faire progresser la reconnaissance des droits des enfants et l’accès à leur exercice (de  la question du développement du social à l’école jusqu’à la parole des enfants) . Abaisser le droit de vote comme le propose J. L Mélenchon, pour intéressant, suppose un travail préparatoire avec l’exercice de responsabilités en milieu scolaire ou encore mobiliser la citoyenneté des jeunes en leur  facilitant l’accès aux responsabilités associatives ? Là encore un objectif ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche.

Bref, dès que les extrémismes auront été écartés du cœur du pouvoir – ce qui ne signifie pas qu’il ne soient pas porteurs de leurs interrogations et qu’il faille faire fi des souffrances et les difficultés dont ils sont porteurs – on pourra, des freins et prudences excessives étant enfin levés, prendre le bon chemin pour rendre justice aux habitants de ce pays.

On peut soutenir sans être à genoux !

 

 

Publié dans 2017, Autorité parentale, Beaux-parents, C.E.F., Centres éducatifs fermés, Conseil Constitutionnel, Délinquance juvénile, Démocratie, Droits des enfants, Educateur spécialisé, éthique, Extrème droite, Famille, filiation, irresponsabilité pénale, Jean-Luc Mélenchon, Justice, Justice pour enfants, libertté d'association, majorité pénale, Non classé, ordonnance du 2 février 1945, Ordre public, président du conseil général, Prévention spécialisée, Prison, Procureur, responsabilité pénale, service social scolaire, violences sexuelles sur mineur | Marqué avec | 7 commentaires

Insécuriser les délinquants sexuels et leurs complices

 

La mission sur la prescription des violences sexuelles à enfants animée par Mme Flavie Lavent et  Jacques Calmette, magistrat honoraire, a donc rendu aujourd’hui  son rapport  à la ministre des familles qui l’avait mandatée.

D’entrée de jeu certains doutent de l’intérêt de ce travail. On excipe de la qualité d’animatrice de télévision de Mme F. Flament oubliant déjà qu’elle sait de quoi elle parle et que citoyenne et victime elle a une légitimité et une compétence, mais encore qu’elle faisait équipe avec un magistrat expérimenté qui lui aussi avait une compétence.

On s’inquiète encore de ce qu’à la fin de ce quinquennat ce rapport soit voué à être enterré. Je peux déjà témoigner que des rapports intéressants peuvent l’être en cours de quinquennat ! Le sort de ce travail tient en vérité à la qualité de ses analyses et de ses préconisations, mais encore à l’adéquation du sujet avec les préoccupations sociales avérées. Pour deux raisons majeures ce rapport sera une référence.

L’une tient au fond, l’autre à la conjoncture.

Au fond, avec les excès que peut susciter cette attitude, nos contemporains après avoir enfin pris conscience  dans les années 80 et 90 de l’importance quantitative et psychologique des violences sexuelles à enfants, s’attachent aux traumatismes qu’ont pu vivre sur des générations des enfants victimes de violences sexuelles de tous genres et de ce qu’ils supportent encore une fois devenus adultes . On voit aujourd’hui émerger cette idée, qu’il faudra travailler, de « traumatisme post agression » – la mémoire traumatique –  qui veut des années plus tard  l’agression enfouie et ses conséquences réapparaissent (voir Dr Muriel Salmona).

Quand ils abordent ces questions – mauvaise conscience oblige – beaucoup vont trop loin en appelant à une répression systématique et très sévère. Ils suggèrent ainsi l’imprescriptilité de ces crimes comme pour les crimes contre l’humanité au risque d’ailleurs de banaliser ces derniers. (1)

Bref, l’opinion comme on dit, serait favorable à tout ce qui pourrait faciliter la répression des auteurs de violences sexuelles sur enfants (2) non seulement au nom de la morale, mais pour prévenir la réitération.

Un deuxième argument conjoncturel s’ajoute. Une loi récente – 25 février 2017 – est venue allonger les délais de prescription de droit commun en matière délictuelle et criminelle : on passe de 3 à 6 ans pour les délits et de 10 à 20 ans pour les crimes. Certes cette loi votée à l’unanimité s’imposait, mais ce  faisant elle a estompé ce que les lois de 1998 sur les enfants victimes de violences sexuelles (loi Guigou) et de 2004 (loi Perben I)  notamment avaient introduit de spécifique dans notre droit pénal pour les mineurs victimes en passant les délais de prescription  à 10 en matière délictuelle et 20 ans en matière criminelle. Concrètement, si on tient en compte qu’en 1998 on a fait démarrer le calcul de la prescription, non plus du jour des faits, mais au jour de la majorité, cela signifie que les faits sont poursuivables, à l’initiative de la victime ou du parquet, jusqu’au 38e anniversaire de la victime. Aujourd’hui il est proposé de rajouter 10 ans donc d’aller jusqu’au 48 ° anniversaire de la victime.

Les objections sont nombreuses à cette démarche. Il ne faut pas négliger. Il faut surtout éviter de payer les victimes en monnaie de singe et de les piéger avec un surcroit de souffrance à la hauteur de la perspective un temps entrevue de se faire rendre justice. Ce serait scandaleux.

D’abord le risque est celui d’un affichage politique et  législatif sans effet concret avec une police et une justice déjà submergées quand dans ce type d’affaires il faut mobiliser des moyens importants. L’argument qui vaut ici comme dans bien des domaines, ne peut pas être escamoté, mais il a peut être moins prise ici qu’ailleurs : avec des professionnels de police et de justice spécialisés et très motivés toutes les situations de victimes enfant sont et seront prises en compte. Ces professionnels ont appris à soulever des montagnes  et sont galvanisés par l’injustice de ces situations. Mais j’entends la difficulté. Sans renvoyer à des rêves on peut souhaiter que demain l’effort consacré à la justice soit significatif.

On avance aussi les difficultés de faire la preuve des faits après plusieurs années, a fortiori après des décennies. Souvent, faute d’éléments matériels – notamment de possibilité de récolter et d’analyser du sperme ou des traces d’ADN -, faute encore de pouvoir s’appuyer sur des témoignages pertinents encore mobilisables, on sera sur parole contre parole.

Indéniablement, dans ces affaires, même très récentes, la difficulté est réelle de faire la preuve ou tout simplement d’emporter la conviction de juges sachant qu’il leur faut aussi intégrer l’erreur possible en toute bonne foi de la victime, sinon sa volonté de nuire. Reste que l’expérience démontre qu’il faut être prudents : toute les hypothèses sont est possibles. Ainsi j’ai vu une jeune fille porter plainte à la veille de sa majorité contre le jeune qui âgé de 15 ans et demi l’avait violée alors qu’elle avait 9 ans et demi et était confiée avec lui à une famille d’accueil de l’ASE. Les faits étaient anciens et  la  jeune fille ne disposait que de sa parole. Ses bras trahissaient ses multiples tentatives de suicide et sa fragilité. (3) Le jeune homme n’avait été mêlé depuis à aucun fait, a fortiori aucune infraction sexuelle. Retrouvé il a immédiatement reconnu les faits de viol  à quelques nuances près. « Enfin elle a parlé !» dit-il aux policiers en leur ouvrant sa porte. Il aspirait lui aussi tourner la page quitte à être enfin puni.

En d’autres termes le fait que la preuve soit difficile à réunir , le temps ayant passé, ne veut pas dire qu’elle soit impossible et qu’il faille priver la victime du droit de se faire entendre. Et là est la vraie question. J’y reviendrai plus loin.

On nous dit aussi que la peine n’a pas de sens pour un délinquant âgé qui pourra avoir 70 ans et plus au moment du prononcé de la condamnation. Le tribunal et le parquet apprécieront qu’il faille faire exécuté la peine. On l’a vu récemment avec Serge Dassault pour une condamnation pour fraude fiscale. (4)

En tout cas la condamnation prononcée vaut déjà clarification des responsabilités : qui est auteur et qui est victime quand, souvent, en cette matière les agresseurs se disent victimes de la provocation infantile.

Et puis il est important que l’auteur et ses complices actifs ou passifs sachent que la répression peut intervenir quand l’agresseur a profité de l’état de faiblesse de sa victime pour abuser d’elle, qu’il a pu faire pression sur elle, par la menace ou tout simplement par la honte de la révélation publique, pour qu’elle cède et se taise. Il faut que la peur se retourne.

On en vient au fond. L’enjeu n’est pas tant une condamnation qu’un débat public. Une fois devenue ou redevenue plus forte, revigorée et soutenue par ses proches, une association et un conseil, la victime est en droit de dire sa vérité, d’interpeller et de se confronter avec son prédateur. De même  elle est en droit de refuser ce qu’elle estime être une épreuve. On doit entendre qu’une victime jeune ou moins jeune ne veuille pas porter plainte – ce qui rappelons-le ne paralyse pas l’action du parquet- ou ne veuille pas venir témoigner au tribunal. C’est souvent dommage car le procès est aussi fait pour elle et peut lui permettre, rassérénée, d’engager une psychothérapie.

Reste que souvent, désormais, les victimes aspirent à être reconnues officiellement comme telles. Il importe alors qu’elles ne s’enferment pas à vie dans ce statut de victime : on peut avoir être violenté et vivre une vie pleine et entière ! Il ne s’agit pas d’oublier – chacun est faut de mille couches – mais de ne plus souffrir de l’agression.

Il faut donc aller dans le sens proposé aujourd’hui par le rapport Flament-Calmette.

1)      Il est important que notre droit renvoie un message à fort à ceux qui s’attaquent aux enfants. Ils auront des comptes à rendre et vivront longtemps dans l’insécurité. Il y a bien un droit spécifique de l’enfance !

2) Pour isoler les agresseurs et mieux les pourchasser il et essentiel que leurs complices éventuels s’inquiètent avant d’aider ou de se taire. Complices ils pourront être poursuivis sur une durée plus longue.

3)      Il est tout aussi essentiel de continuer la démarche engagée dans les années 80 pour libérer la parole de l’enfant afin qu’il dise– par les mots ou son comportement- ce qu’il a supporté et que nous renforcions encore et encore nos efforts pour décrypter et analyser cette parole. je redis que le fiasco initial d’Outreau ne doit pas s’analyser comme une mise en cause de la parole des enfants – ils ont bien été victimes – mais comme la preuve de notre incapacité à décrypter les messages envoyés. Il nous faut être critique à l’égard de la parole des enfants comme à l’égard de la parole des adultes.  (5) Et déjà respecter les termes de la loi et des protocoles modernes d’audition des enfants.

4)      Il nous faut encore nous attacher aux prédateurs qui souvent sont eux-mêmes en souffrance. Certains – pas tous – le disent et appellent à l’aide. Il faut les aider à se soigner – c’est la question notamment de la castration chimique et de la psychothérapie – pour ne pas se maintenir dans cette démarche et repasser à l’acte

En tout cas on appréciera que durant la campagne électorale certains politiques continuent de travailler. Le plan contre la violence à enfants présenté le 1er mars dernier par Laurence Rossignol, ministre des familles, du droit des femmes et du droit des enfants constitue une avancée considérable. Le rapport Flament-Calmette y trouve sa place. Quel  dommage que, dans cette démarche positive qui va dans le bon sens, le Conseil constitutionnel ait trouvé prétexte d’une maladresse législative pour abroger la disposition condamnant les châtiments corporels !

PS . Voir l’enfant victime d’infraction pénale et la justice, JP Rosenczveig, ASH,1016

1 Le défunt Bâtonnier de Paris M. Pettiti demandait l’imprescriptibilité de l’exploitation sexuelle des enfants dans des pays comme la Thaïlande car il y avait une politique publique généralisée –  contre une population fragile : un million d’enfants en pâtissait

2 –  Ne parlons plus d’abus sexuel comme s’il y avait un usage normal de la sexualité des enfants. Abus réfère à la terminologie anglaise : child abuse, en l’espèce inappropriée. Il y a violence. Enfant et adultes ne sont pas égalité dans la sexualité commune contrairement à ce qu’avance Gabriel Mazneff.

3 ) Les policiers avaient initialement refuse d’enregistrer sa plainte au prétexte – juridiquement erroné- qu’elle était mineure. Ses  traces sur les bras n’y étaient pas pour rien

4) Le tribunal correctionnel de Paris a estimé qu’à près de 92 ans, le sénateur et industriel ne pouvait être condamné à une peine de prison, même avec sursis. L’« ampleur » et « la durée » de la fraude auraient toutefois pu justifier une peine de prison ferme, a jugé le président. Le sénateur de l’Essonne a donc écope de 5 ans d’inéligibilité et de 2 millions d’euros d’amende et fait appel.

5) Sur cette approche nécessaire critique des juges et de l’opinion je renverrais s’il le fallait aux mensonges délivrés en quantité devant les français dans des comportements d’élus qui  ont pris des traductions judiciaires

 

Publié dans Calmette, châtiments corporels, droit de correction, Droits des enfants, droits des victimes, enfants victimes, Flament, Guigou, inceste, Justice pour enfants, Laurence Rossignol, Outreau, Parole de l'enfant, Parquet, Pédophile, pédophilie, Perben, Polanski, prescription, relations sexuelles, Suites d'Outreau, violences sexuelles sur mineur | 11 commentaires

Présidentielles 2 – Une priorité absolue : du social à l’école

 

Il est bien dommage que la campagne électorale ait été préemptée par les turpitudes financières de certains de ceux qui, sans vergogne, aspirent à nous gouverner en appelant à la rigueur après avoir apparemment singulièrement violé la loi et la morale.

Il reste difficile dans ce contexte d’aborder, en allant au fond, les vrais sujets auxquels nous sommes confrontés. Tout au plus peut-on les identifier et esquisser des pistes quand il faudrait, souvent dans les meilleurs délais, dès le début du quinquennat prendre des décisions.

L’une est majeure de longue date à mes yeux : venir aider très tôt les jeunes enfants d’évidence en difficulté.   C’est à peine si les pouvoirs publics sortant en prennent conscience et – je veux paraître optimiste – que ceux qui leur succéderont aient amorcé la réflexion sur le sujet.

Dans le temps où il nous faut éviter que des familles – parents et enfants – ne s’inscrivent dans la précarité, et donc au final dans la pauvreté et un monde sans espoir, il est indispensable de mobiliser les moyens existants pour éviter que d’autres basculent. J’ose affirmer, même si certaines en doutent, que les difficultés des enfants à l’adolescence, avec petit à petit le désinvestissement scolaire qui ne se traduit pas des incidents, des passages à l‘acte plus ou moins graves, bien sûr la violence et la délinquance, puis le décrochage et un double phénomène de rejet où le jeune veut rompre, mais est dans le même temps est exclu sans bagage de l’école, pourrait souvent être prévenu si l’on mobilisait très tôt les services sociaux.

Encore faudrait-il que ces services sociaux soient informés sans tarder que de très jeunes enfants, et par-delà leur famille, rencontrent de sérieuses difficultés.

Or ces services sociaux de proximité – l’action sociale et l’aide sociale à l‘enfance notamment – ont mauvaise presse. Ils n’apportent pas l’aide attendue, spécialement des ressources via un travail ou l’accès à un logement décent ; tout au plus des aides financières ponctuelles, du conseil ou un soutien moral. Parfois certains n’hésitent pas – et certaines circonstances l’imposent – à interpeller les parents sur des dérives. On n’est pas loin, quand on n’y succombe pas, de jugements moraux sinon des menaces comme celle d’alerter le tribunal pour enfants, sous-entendu pour un retrait d’enfant. Avec toute la prudence qu’imposent les généralisations constatons que les familles fragilisées vont difficilement voir les services sociaux. Ils doutent de leur efficience et on leur ne font pas confiance. Il faut donc que les services sociaux aillent à elles sous prétexte des enfants révélateurs de ces difficultés.

Il faut donc implanter du social sur les grands carrefours que fréquentent inéluctablement les familles fragiles : l’école en est un que quasiment tous les enfants de France fréquentent.

Or malheureusement de longue date – conf. Le rapport Jacques Beaupaire du Conseil économique et social de 1976 – le service social scolaire et le service de santé scolaire des élèves sont deux des trois -avec la psychiatrie infantile, maillons faibles de la protection de l’enfance.

Et quand les pouvoirs publics conscients de ce qu’il faut décident enfin de prendre le problème à la racine et de miser sur le primaire comme la toute récente circulaire Education nationale du 22 mars 2017 s’y évertue (1)  ils reçoivent une volée de bois vert de syndicats qui certes ne manquent pas d’arguments, mais à part appeler à la création d’emplois n’apportent pas d’idée nouvelle.

On en arrive même à des propos a priori aberrants comme ceux de Nathalie Rennequin du responsables SNUAS pour qui  « L’intervention en primaire continuera de dépendre comme aujourd’hui de la volonté des recteurs, mais, inscrite dans la circulaire comme un priorité, les représentants du personnel ne pourront plus s’y opposer ». (sic) (2)

Bien évidemment, et à juste titre, les syndicats continuent de dénoncer le manque de moyens dans ce secteur essentiel de la protection de l’enfance même ses efforts ont déployés. On se souvient des efforts mobilisés à la fin dans les années 90 : 200 postes créés par M. Jospin, puis M. Bayrou chacun. Malheureusement la cadence n’a pas été tenue. Le service social scolaire ne compte toujours que 2 807 assistantes sociales quand tous les spécialistes estiment qu’il faudrait tripler les professionnels. 95 postes vont être créés en 2017 pour 50 en 2016. Une goutte d’eau à l’échelle du pays, des besoins et des enjeux. Et le service de santé scolaire n’est pas mieux loti

Alors on comprend que les professionnels aient la crainte qu’en voulant habiller Paul – le primaire des ZEP – on déshabille les collèges et les lycées professionnels où la situation est tendue, c’est le moins qu’on puisse dire.

Cette impasse montre bien qu’il faut avancer autrement sur ce dossier. Peut-être dans une période peu propice à des créations massives de postes, la future conjoncture politique permettra de dépasser certaines clivages – gauche/ droite, Etat/ collectivités locales – pour s’engager dans des réponses ambitieuses sur des questions sociales majeures pour le pays. On peut regretter que l’Etat ne puisse pas investir massivement dans ce champ où se joue une partie de la justice sociale et  la paix sociale des années à venir, mais c’est un fait que si tous les candidats aux présidentielles veulent mettre de l’argent sur la police aucun ne propose d’en mettre sur le social ! Et pas question de transférer service social scolaire et santé scolaire aux conseils départementaux souvent exsangues même si cette formule aurait l’avantage de réunir dans la même main les cinq pans de l’action sociale en direction des enfants (3)

Plus que jamais il faut donc promouvoir entre Etat et conseils départementaux une démarche gagnant/gagnant, rappelant celle de Bertrand Schwartz pour les missions locales de 1981 où l’Etat accepte d’accueillir au sein des établissements scolaires les acteurs des responsables des circonscription sociales. On ne crée pas de postes, mais on fait en sorte que les travailleurs sociaux du conseil départemental soient régulièrement présents dans les établissements sociaux.

Chacun y gagnera sans qu’il en cote un euro de plus au contribuable. Le département plus tôt et plus surement pourra venir en aide aux enfants et donc aux famille les plus fragiles qui ne viendraient pas à lui  et sans avoir à les rechercher; l’Etat y trouvera à terme des enfants apaisés plus disponibles pour bénéficier de la vie scolaire.

Les services sociaux seront ainsi en situation d’apporter soutien et aide aux enfants en difficulté ou en passe d’être vraiment en danger. La protection de l’enfance a tout à y gagner. Et par ailleurs sous prétexte d’aider les enfants ce sont des familles entières à qui l’on viendra en aide.

Osera-t-on raisonner autrement que par des postures institutionnelles traditionnelles ?

 

(1) Circulaire 2017-055 du 22 mars 2017, NOR : MENE 1709191C, BOEN 12 du 23/3/2017

(2) ASH du 31 mars 2007

(3) Action sociale, PMI et aide sociale à l’enfance aujourd’hui sous la compétence départementale, le service social scolaire et service de santé des élèves relevant de la compétence d’Etat

Publié dans abstéisme scolaire, Campagne électorale, collectivités locales, Droits des enfants, education, Education nationale, Enfants en danger, enfants victimes, Enfants violentés, Famille, infirmières scolaires, Justice pour enfants, Ministre de l'Education nationale, service de santé scoalire, service social scolaire, Valaud-Belkacem | 8 commentaires

Présidentielles : les premières priorités

Nombreux sont ceux qui s’inquiètent de ce que cette période électorale soit scandée par le feuilleton des affaires qui rend inaudible voire impossible les débats d’idées.

Etat de fait effectivement problématique  même si l’on ne peut pas ne pas se préoccuper des turpitudes de ceux qui ayant pris leurs aises avec la morale, sinon même avec la loi de la République,  aspirent à nous gouverner en jouant les Père ou Mère la Vertu.

Reste qu’on est frappé par la vacuité des programmes avancés sur des préoccupations sociétales majeures. Ainsi le champ de l’action sociale, de la famille et de la protection due notamment aux enfants intéresse peu, pour ne pas dire qu’il n’intéresse pas malgré les enjeux financiers et humains qu’il recouvre. En tout cas, si l’on vise parfois à des symptômes – la prétendue démission parentale, les violences des enfants et des jeunes, la radicalisation, etc. – , on ne relève pas de politiques offensives et préventives offrant des perspectives et ayant du sens.

Le 2 février dernier lors d’un « Moi président » sur France Info, je m’étais autorisé à suggérer la création d’un ministère d’Etat en charge de l’enfance et de la jeunesse – distinct  du ministère des sports, voire de la famille –  qui marquerait, par-delà les discours et incantations qu’enfance et jeunesse sont, en tant que tels, deux objectifs de politiques publiques.(1)

Des enjeux prioritaires doivent être dégagés qui dépassent certaines approches à courte vue aujourd’hui retenues.

Aujourd’hui et dans les jours à venir, je me propose ici de les identifier, de les légitimer et d’esquisser quelques pistes de politiques publiques.

Priorité 1 : identifier qui est responsable et en quoi dans le champ de l’enfance et de la jeunesse

On voit réaffirmer par certains leur souhait d’ouvrir en France le droit à la parenté à travers la PMA, sinon la GPA. Est-ce vraiment la priorité du moment? Tout en respectant le souhait d’être parents de nombre de nos contemporains qui n’en en ont pas biologiquement la possibilité, je doute que ce dossier soit LA  priorité des pouvoirs publics.  La présidence Hollande avait déjà commis l’erreur de prioriser la reconnaissance du mariage homosexuel – tout à fait audible – sur la clarification pour les enfants d’ores et déjà présents des responsabilités les concernant. Moyennant quoi il devenait impossible d’aborder les vraies problématiques autour des responsabilité parentales et du statut des enfants (conf. le sort voué à la proposition de loi Intérêt de l’enfant et Autorité parentale non examinée par le Sénat).

Le désir d’enfant (électeurs potentiels) a été tenu pour plus important que le droit des enfants (non électeurs) à la protection et à la sécurité. Il ne faut pas retomber dans ce piège lors du prochain quinquennat.

Au risque de se répéter, mais les politiques refusent en l’état de concrétiser – conf. engament de Nicolas Sarkozy et les velléités de François Hollande), c ‘est une question majeure que de clarifier qui est responsable dans le champ privé entre les différents acteurs familiaux que sont les parents biologiques, les grands-parents et surtout les beaux-parents.

Déjà quantitativement. 2 millions d’enfants – soit plus deux classes d’âge – vivent avec un seul de leur parent biologique en ménage ou uni avec une tierce personne. Quels sont les droits et devoirs de ceux-là à l’égard d’un enfant qu’ils peuvent élever depuis des années ? Ils ne peuvent pas – sauf exception- effacer le parent biologique absent. Pour autant il faut reconnaître qu’au quotidien ils jouent un rôle majeur au regard de l’enfant. Il faut en terminer « Qui t’es toi ? Tu n’es pas mon père ! Laisse-moi tranquille ». Le beau-père ou la belle-mère doit pouvoir répondre  » Je ne suis pas ton père (ou ta mère) certes mais tu es sous mon autorité. La loi veut que tu m’obéisses; tu te laves les dents et tu vas te coucher. Tu ne sort pas ce soir ».

On regrettera que le Parlement n’ait pas achevé son œuvre en ne débattant pas du texte Intérêt de l’enfant et autorité parentale- certes très très perfectible – adopté le 27 juin 2014 par l’Assemblée nationale.

C’est une litote que de qualifier d’usine à gaz inventée par les députés qui veut que les adultes en charge de l’enfant – ainsi les deux parents biologiques  séparés et l’autre adulte présent) s’accordent sur leurs responsabilités respectives dans un document signés devant notaire ou devant le JAF. Avec Dominique Youf nous proposions (2) une formule simple digne du code civil napoléonien que  » Toute personne qui a légalement en charge un enfant est en droit et en devoir d’exercer au quotidien à son égard les actes de la vie courante ».

On visait les beaux-parents, les grands-parents, mais aussi les enseignants et les travailleurs sociaux.

Il est grand temps de consacrer le fait que nombre d’enfants ont plusieurs adultes dans leur univers qui peuvent être en rivalité positive ou négative de compétences. Si trop d’enfants manquent d’adultes exerçant leurs responsabilités à leur égard, d’autres en débordent avec les conflits qui en résultent ou les chocs de valeurs ou de cultures. Il ne faut pas s’étonner – et le juge des enfants est ici bien placé pour l’affirmer – que nombre soient alors dans la puissance et dénient aux adultes de faire autorité à leur yeux.

Contrairement à qu’avançait Nicolas Sarkozy et sa ministre de la famille Nadine Morano,  cette répartition de compétences n’est pas une question privée qui se règle devant  notaire, mais il revient la puissance publique de fixer le cadre – hors décision de justice les actes importants aux parents biologiques doués l’autorité parentale et les actes usuels à celui qui vit avec l’enfant qui n’est pas sien-  et les règles applicables.

Le législateur se doit de dire qui a vocation à faire quoi et comment s’articulent entre elles ces responsabilités. Plus largement, tirant les conséquences des profondes mutations des pratiques matrimoniales et de l’impact des sciences de la vie,  il faut un débat sur les différentes filiations de l’enfant ( filiation biologique, gestative, juridique, sociale et affective) et passer de la filiation aux affiliations : tous les liens noués pour ou par l’enfant sont respectables même s’il faut les hiérarchiser et les articuler. Derrière cette approche apparemment théorique des questions très concrètes comme celle on l’a vu des responsabilités sur l’enfant, mais encore celle du secret des origines et de l’accouchement sous « X ».

Deuxième angle d’attaque : mettre à jour et moderniser nos concepts.

Par exemple, ne doit-on pas avec cette assertion napoléonienne qui veut qu’« A tout âge l’enfant doit honneur et respect à ses père et mère. » (Article 371 C.  civ.)

Déjà mot honneur est désuet. On doit lui préférer solidarité.

Tout simplement dans l’ordre familial les relations sont réciproques même s’il est hors de question que l’enfant soit le pote de ses partants. Un temps les parents protègent l’enfant ; avec l’allongement de la durée de la vie, le moment viendra où l’enfant prendra en charge ses anciens. Entre-temps ils auront des relations d’adultes à adultes sans oublier que les uns sont les parents, les autres les enfants.

Le champ de la famille dépasse même les strictes relations parents-enfant. On oublie que ce texte date de l’époque ou l’espérance de vie n’était pas de 79 ans pour les hommes et de 86 ans pour les femmes. Aujourd’hui trois sinon 4 ou 5 générations peuvent être présentes dans la famille.

Avec Dominique Youf, nous proposions la rédaction suivante : « Ascendants et descendants se doivent réciproquement respect et solidarité » .

La « petite loi » adoptée le 27 juin 2014 par l’Assemblée nationale à l’initiative de Mme Chapdelaine et M. Binet a retenu une formule très proche à l’initiative de députés verts. L’article 371 du même code est ainsi rédigé : « Les parents et les enfants se doivent mutuellement respect, considération et solidarité. »

Concrétions demain cette évolution symbolique, mais essentielle

Et puis dans la définition des rapports parents-enfants il faut passer de l’idée de l’autorité à celle de responsabilité.

L’autorité parentale n’est pas une fin en soi, mais un moyen au service d l’exercice des responsabilités. La Gauche au pouvoir a eu peur en 2914 d’avancer sur cette piste : elle  craignait un nouveau procès en laxisme. C’était oublier que l’autorité est  au service de la responsabilité et qu’à l’inverse on ne peut pas engager sa responsabilité si on ne disposait pas des moyens pour l’exercer. Dans l’arrêt Furiani le  Conseil d’Etat  a rappelé que le préfet ne pouvait pas engager sa responsabilité civile dans l’effondrement de la tribune provisoire de ce stade de football s’il avait délégué à l’un de ses subordonnés la compétence et les moyens ad hoc pour autoriser cet ajout .

Fondamentalement les rapport modernes entre parents et enfants mineurs ne se résument pas à l’exercice du pouvoir sur l’enfant, mais par l’exercice de ses responsabilités à son égard . Le mot autorité est dans la filiation c’est le cas de le dire de la puissance paternelle d’avant 1958. Modernisons nos concepts comme nous avons modernisé nos pratiques. L’enfant n’est-il une personne ?

Et les châtiments corporels et l’éducation sans violence ?

Quel candidat (4) s’engage à revenir sur l’annulation du 27 janvier 2017 par le Conseil constitutionnel pour cause de vice de procédure législative – le recours à un cavalier – pour condamner les châtiments corporels quand le Conseil de l’Europe nous y invite depuis 2008 ? (5) La France sera-t-il toujours dans l’impossibilité de suivre cette Recommandation quand 27 Etats-membres sur 47 l’ont déjà retenu. Quelle image donnons-nous de nous même quand nous revendiquions d’être la patrie des droits d’homme ? L’enfant dit-être l’objet d’un dressage? Ou d’une éducation?

*

Voilà déjà trois dispositions contribuant à améliorer le contexte de vie de tous enfants sur lesquelles on aimerait entendre les candidats débattre.

Mais le ministre d’Etat en charge de l ‘enfance et de la jeunesse aura d’autres dossiers en charge que nous évoquerons prochainement comme d’évaluer l’effet pour les enfants de la loi du 18 novembre 2016 dite de Modernisation de la justice du XXIe siècle qui a introduit à compter du Ier janvier 2017 le divorce consensuel devant notaire. Que va-t-il advenir en pratique du droit  de l’enfant à être entendu à sa demande quand que nous avons eu tant de difficultés à faire consacrer ? (6)

(1) Voir blog. le livre d’Olivier de Lagarde reprenant ce billet et 59 autres à paraître le 14 mars

(2) « De nouveaux droits pour les enfants ? oui, dans l’intérêt de la démocratie et de la société, rapport remis à Mme Bertinotti, ministre de la famille, janvier 2014

(3) Pendant de cette question des compétences dans la sphère privée et de leurs articulation,  la même préoccupation dans la sphère publique entre Europe, Etat, régions, départements, intercommunalité et communes. Il faut préciser qui doit faire quoi et comment pour les enfants et les jeunes? Sans oublier d’articuler les compétences entre les sphère publique et privée avec notamment la question de la confidentialité des informations réunies sur l’enfant et sa famille

(4) Mis à part Laurence Rossignol actuelle ministre des familles qui a porté ce dossier et qui s’y est engagée dès lors qu’elle aura retrouvé son poste de sénatrice après les élections

(5) Voir notamment post 672

(6); Voir les lois de 1987, 1992, 2002 puis 2007

 

Publié dans 2017, affiliation, Autorité parentale, Beaux-parents, Bertinotti, Campagne électorale, châtiments corporels, Citoyenneté, collectivités locales, Conseil Constitutionnel, Conseil de l'Europe, couple homo, décentralisation, Démocratie, Désir d'enfant, Droits des enfants, F. Hollande, Grands-parents, Homosexualité, intérêt de l'enfant, JAF, jeunes, jeunesse, juge des enfants, Laurence Rossignol, Loi Famille, mariage homosexuel, mariage pour tous, Moi president, Morano, Parole de l'enfant, PMA, responsabilité parentale | 11 commentaires

Remobilisation contre les violences faites aux enfants (672)

Comment ne pas approuver la démarche de Laurence Rossignol, ministre de la famille, de l’enfance et des droits des femmes qui avance demain 1er mars un plan triennal interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants ?

Certains s’étonneront qu’à moins de trois mois de la fin de son mandat un ministre traite encore ce type de sujets de fond et se projette dans l’avenir. Le dossier supporte cette exception. La maltraitance à enfants, l’histoire récente l’a  démontré, dépasse les clivages politiques et les alternances gouvernementales, chacun apportant une pierre à l’édifice. M. Barzach – en insistant sur les violences sexuelles – avait prolongé le travail engagé par G. Dufoix en 1983 – la maltraitance à enfants après  l’affaire de l’enfant du placard – qui avait lui-même été renforcé par H. Dorlac ou encore par M. Aubry – les violences institutionnelles -.

La démarche de Laurence Rossignol aura déjà le mérite d’identifier l’objectif comme une préoccupation partagée de la société française en lui donnant un cap et des objectifs que ses successeurs éclaireront régulièrement, mais qu’ils ne pourront pas occulter.

Dans cette période où une nouvelle fois on a encore tendance à identifier les enfants et les jeunes comme source d’insécurité – conf. la proposition d’abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans sortie du chapeau sarkoziste par un F. Fillon en grande difficulté dans sa campagne a minima  pour cause d’immoralité  -, il est important de rappeler que fréquemment avant d’être « asociaux » ces enfants et ces jeunes sont souvent mal-traités par la vie.

En vérité, à y regarder de près la démarche de Laurence Rossignol boucle un cycle de 10 années (2002-2012 où les gouvernants avaient mis en exergue l’enfance dangereuse annihilant la dynamique des années 80-90 où depuis l’affaire du petit David la société avait (re)découvert les réalités de la maltraitance à enfants  et contribué à libérer la parole de l’enfant. En tout état de cause, les problèmes niés ou enfouis demeuraient. Il fallait les remettre à jour et avoir un plan concerté mobilisant tous les partenaires publics et associatifs. Tel n’est pas le moindre mérite de l’action engagée.

Reste pour autant à bien identifier les termes du débat

Et déjà de quoi l’on parle en ne confondant pas violences et maltraitances. (1)

Les violences faites aux enfants sont plus larges aux maltraitances de toutes nature – physiques, singulièrement sexuelles, ou psychiques – faites aux enfants. Pour ne prendre que ces illustrations, l’absence d’accès aux droits, la discrimination au regard des origines sociales ou ethniques, l’inégalité quasiment congénitale, le profond sentiment d’injustice que ressentent rapidement nombre d’enfants, sont autant de violences qu’il nous faut combattre. Et que dire des refus de prise en charge come ceux opposés à des enfants porteurs de handicaps de tous genres ou des enfants étrangers isolés sur le territoire français ? (2) Faut-il ajouter le sort réservé aux enfants roms non scolarisés ou déscolarisés régulièrement, ce qui revient au même  ?

En l’espèce le programme gouvernemental entend s’attacher aux maltraitances physiques et sexuelles faites aux enfants, c’est à dire aux personnes de moins de 18 ans, en ciblant certes les plus jeunes, mais sans négliger les adolescent-e-s.

Ces maltraitances ont certes le plus souvent une origine familiale – pour 75% selon les estimations-, mais elles sont aussi institutionnelles, y compris dans des institutions qui, par nature, ont vocation à protéger des enfants. On pense aux établissement scolaires ou centres de vacances où régulièrement, en se gardant bien évidemment de généraliser,  on découvre des cas de violences physiques, d’humiliations ou encore et surtout de violences sexuelles.  Ces violences existent aussi dans des lieux où séjournent des enfants porteurs de handicaps physique ou sociaux.

Parmi les recherches à mener demain, il sera intéressant de voir quel bilan l’on tire des instructions gouvernementales signées par Martine Aubry en 1990 pour vérifier la bientraitance dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

C’est donc à juste titre que la ministre présentera les objectifs à s’assigner en s’appuyant sur l’état de nos connaissances, avec leur forces et leur faiblesses en la matière. Il y a fort à parier qu’elle recueillera une approbation largement partagé tant des médias que de professionnels, et à terme de l’opinion.

Pourtant la chose ne va pas de soi. A preuve les vicissitudes qu’il faut bien rappeler du débat sur les châtiments corporels qui n’ a toujours pas reçu la réponse qui s’imposait. (3)

Pour ne rester que sur la période la plus récente on rappellera que le Conseil de l’Europe  a lancé en 2007 une campagne pour promouvoir la condamnation des châtiments corporels dans sa zone d’influence. A ce jour 27 Etats sur 47 ont adhéré à ce programme et entrepris le  nécessaire à travers la loi et le dispositifs administratifs et culturels.  Dix ans plus tard, la France, patrie auto proclamée des droits de l’homme, de la femme et de l’enfant,  n’en est toujours pas (4) et se ridiculise aux yeux des experts internationaux (5).

Hostile a priori à une loi sur le sujet lors de sa prise de fonctions en 2014, Laurence rossignol préférait mener le débat public  avec une opinion qui régulièrement se gaussait du fait de vouloir condamner la gifle et la fessée. A juste titre,  la ministre de la famille pensait qu’il fallait d’abord faire bouger les lignes et promouvoir les termes d’une éducation sans violence ce qui ne signifie pas sans autorité. (6)

C’était sans compter que le fait que la loi n’est pas là que pour « sanctionner » des situations. Elle affirme des valeurs. Depuis Napoléon n’est-il pas écrit dans le code civil qu’« A tout âge l’enfant doit honneur et respect à ses père et mére » ? Il était important qu’il soit écrit dans la loi – les français sont légalistes – que l’autorité ne se confond pas avec la violence et spécialement les châtiments corporels.

La ministre s’en était finalement convaincu – et avait convaincu au-dessus d’elle – en acceptant un amendement parlementaire dans la loi Egalité et citoyenneté. Las, dans sa décision du 26 janvier 2017  le Conseil constitutionnel a retoqué cet amendement en le qualifiant de cavalier. (7)

Le raisonnement du Conseil constitutionnel – saisi par des sénateurs sans doute partisans d’une éducation musclée – – est sans doute rigoureux sur le plan juridique il l’est encore plus pour les enfants violentés.

On observera objectivement que tout se ligue pour que notre pays prenne du retard dans le débat sur l’éducation sans violence, en phase avec ce que pratiquent l’immensité des  familles de France quand on sait  – les drames les plus récents  le démontrent malheureusement à l’envie – qu’on peut passer facilement de la fessée à la maltraitance.

C’est donc un échec que de n’avoir pas pu encore s’inscrire dans la démarche du Conseil de l’Europe. Ce doit être l’un des objectifs premiers d’un plan de lutte contre les violences faites aux enfants, avec en arrière fond le  nécessaire débat sur l’autorité parentale – en vérité sur les responsabilité parentales -, son contenu mais aussi sur ses titulaires . Autant de sujets dont on ne trouve guère pour ne pas dire pas de traces dans les programmes de ceux qui aspirent à nous gouverner. D’où, au risque de se répéter,  l’intérêt du plan présenté par la ministre  qui s’inscrit dans la durée par-delà les élections.

Souhaitons le meilleur au programme « Contre les violences aux enfants agissez! ». (8)

 

(1) Le concept de maltraitance a été introduit dans la loi pour la première fois le 10 juillet 1989 à la suite d’un rapport de Jacques Barrot.

(2) Les mineur étrangers non accompagnés (MNA) sont souvent les victimes de ce que les juristes qualifient pudiquement d’un conflit négatif de compétence entre départements, sans que l’Etat joue réellement son rôle de régulateur et de protecteur des droits. Conf. mes différents billets sur ce Blog.

(3) Conf. billets précédents

(4) Mme Morano de la famille, es qualité de présidente du conseil européen des ministres de la  famille avait pourtant participé au coup d’envoi de cette campagne à Stockholm en octobre 2007 et s’était engagé’ au nom de la France avant de se rétracter en revenant en Paris.

(5) Comme nous nous ridiculisons avec nos discours sur la moralisation du financement de la vie publique dans notre manière de gérer la « Pénélopegate » et autres histoires de détournements de fonds publics français ou européens dans lesquelles est impliqué le Front National

(6) Thème largement développé par le président de la République le 20 novembre dernier  à l’Elysée lors de la cérémonie pour l’anniversaire de l’adoption de la Convention des nations unies sur les droits de l’enfant

(7) A l’expérience il eut mieux valu l’introduire dans la loi sur la protection de l’enfance du 14 mars 2016

(8) En 1983 le programme interministériel était sur le credo « La maltraitance : Oser en parler! » Il ne s’agit plus de se contenter de circulaires communes et spécifiques au demeurant fort utiles mais des programmes ministériels avec un référent dans chaque ministère.

Publié dans 2017, Autorité parentale, Bettecourt, Bien-être, Citoyenneté, Clandestins, Comité des experts de l'ONU, Conseil Constitutionnel, Conseil de l'Europe, convention internatioanle sur les droits de l'enfant, Délinquance juvénile, droit de correction, enfants victimes, internats scolaires, jeunes, juge des enfants, Laurence Rossignol, majorité pénale, Mineurs etrangers, Pédophile, pédophilie, Penelope, responsabilité parentale, Violences, violences sexuelles sur mineur | 28 commentaires

La majorité pénale à 16 ans ? (671)

Dans l’attente de la réponse du parquet national financier sur d’éventuels comptes à rendre à la justice notamment pour usage de fonds publics François Fillon  avance aujourd’hui une mesure forte  : abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans afin que les mineurs casseurs sachent que désormais ils pourront être condamnés à des peines de prison.

Serpent de mer déjà abordé ici. Mais sujet sérieux qu’on ne peut pas négliger et qui appelle à quelques développements.

Pour faire simple on se doit déjà d’observer que juridiquement cette mesure se heurterait à de vrais obstacles juridiques si l’on entendait la concrétiser ; il faut aussi s’interroger sur les obstacles politiques que rencontrerait cette mesure ; enfin, last but not least, on doit se demander pourquoi cette disposition apparaît incongrue au regard du contexte social et politique.

Sur le plan juridique deux difficultés de taille se présentent qui rendent la proposition vouée à l’échec 

1° Nous avons ratifié la Convention internationale du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant qui veut dans son article 1er la personne de moins de 18 ans soit tenue pour un enfant et qui dans ses articles 37 et 40 avance les termes d’une justice spécifique pour les mineurs. En d’autres termes, nous avons contracté un engagement international clair et ferme qui consiste à ne pas traiter les moins de 18 ans comme des adultes. La France n’a pas de pétrole, mais des idées et une présence sur les droits de l’homme avec de temps en temps de grandes envolées au Conseil de sécurité. Imagine-t-on l’impact international d’une France qui renierait sa parole et ses engagements sur un sujet aussi sensible ? Fillon-Tromp même combat ?

2° Le Conseil constitutionnel dans la décision du 29 août 2002 tient la majorité pénale fixée à 18 ans résultant de la loi du 1906 comme un principe à valeur constitutionnelle. Avec le principe d’atténuation de responsabilité et les juridictions spécialisées, cette disposition est l’un des trois piliers du droit pénal des mineurs à la française.

C’est tellement vrai que Nicolas Sarkozy – suivi par son premier ministre François Fillon – qui déjà  souhaitait abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans avait dû y renoncer et suivre une stratégie juridique plus subtile pour parvenir à ses fins  en prenant des dispositions permettant de s’assurer de condamnations sévères pour les 16-18 ans : faciliter le retrait du bénéfice de l’excuse atténuante de minorité qui veut que la peine encourue par un mineur soit  moitié moindre que celle encourue par un adulte à faits commis identiques, adopter un dispositif des peines plancher applicables aux mineurs, créer un tribunal correctionnel pour mineurs, développer le flagrant délit pour les mineurs (1)

Ces deux obstacles juridiques ne peuvent pas être plus négligés en 2017 qu’ils le furent en 2007.

On en vient au problème politique.

Avec l’abaissement à 18 ans de la majorité civile par le président Valery Giscard d’Estaing en 1974 les majorités civile, pénale et civique sont enfin en cohérence. Ce qui permet de tenir un discours politique clair en direction des jeunes : aux droits correspondent des devoirs et des responsabilités.

Abaisser la majorité pénale à 16 ans obligerait à se poser la question de l’abaissement de la majorité civile et civique à 16 ans avec le même souci de cohérence. Comment punir comme des adultes des personnes qu’on ne tiendrait pas comme ayant le discernement d’adultes pour les actes de la vie quotidienne ?

Concrètement, les électeurs de M. Fillon – et par-delà tous les parents de France – seront-ils d’accord pour que leur fille quitte à la maison à 16 ans forte de sa majorité ? Voit-on des jeunes de 16 ans voter aux élections municipales ou législatives ?  Pourquoi pas avance M. Mélenchon puisqu’ils peuvent travailler et voter aux élections professionnelles ? Certes mais l’opinion y est-elle prête ?

Tout cela ne mérite-t- il pas un vrai débat ? Dans le rapport que nous avons remis à Mme Bertinotti en janvier 2014 (1) nous avancions avec D. Youf et F. Capelier qu’il fallait commencer par développer l’exercice de la citoyenneté au quotidien avant d’élargir la capacité civique des jeunes. Ajoutons que ce serait une illusion de penser combattre l’abstentionnisme par une mesure de cette nature.

Fillon appelle -t-il à ce débat sur le statut de l’enfant, sur ses droits d’où découlent les devoirs ? Ce serait une avancée intéressante.

Reste la question de fond : à quoi correspond l’annonce de ce jour ?

Recherchons des justifications possibles.

La délinquance juvénile a-t-elle tellement augmenté ces temps-ci qu’il faille avancer une mesure aussi radicale et lourde d’effets par ricochet ? Non, tous les chiffres le démontrent : elle baisse et en tout cas, dans la dernière séquence, après avoir cru jusqu’à 1999, depuis 2000, mis à part 2004-2005, elle augmentait moins que la délinquance des adultes avant de décroitre (3).

La loi interdit-elle l’incarcération des 16 ans ? Non. Aujourd’hui 800 mineurs sont en prison dont un quart a moins de 16 ans – car rappelons-le on peut être incarcéré à 13 ans – et trois quarts entre 16-18 ans. Un mineur de 16 ans au moment des faits peut se voir retirer le bénéfice de l’excuse atténuante de minorité et dès lors être condamné comme un adulte. La peine maximale était encore de la réclusion criminelle à perpétuité jusqu’à la loi Modernisation de la justice du XXI° siècle de décembre 2016. (3) Elle est désormais de 30 ans. Une paille !  Ajoutons qu’à partir de 13 ans la détention provisoire est possible.

Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils plus matures comme l’affirme régulièrement Nicolas Sarkozy ? A l’expérience d’un tribunal pour enfants on peut en douter même si s’agissant des garçons ils sont plus grands, plus musclés et avec plus de testostérone que les générations précédentes. Plus que jamais ils relèvent certes d’un accompagnement éducatif ferme, mais pas qu’on les traite comme des adultes. L’enjeu pour ceux là serait même qu’on prolonge au-delà des 18 ans cette éducative … dans notre intérêt pour qu’ils ne s’inscrivent pas dans la marge.

Alors qu’est-ce qui peut justifier une position que jusqu’à présent le candidat Filon se refusait à prendre ? Tout simplement un appel de phares fort aux sarkozistes au sortir du rendez-vous avec celui qu’il faut bien qualifier de chef de la majorité dans une campagne qui patine et est perturbée par de sérieuses interrogations judiciaires.

Une nouvelle fois la justice de mineurs est prise en otage par une campagne électorale. Où est l’intérêt général ?

Prenons un peu de recul.

Quel message envoie F. Fillon aux jeunes des banlieues tenus pour sources d’insécurité et de troubles ? On les tient pour des délinquants qu’il faut punir comme des adultes. On oublie le fort sentiment d’injustice suscité par les violences policières d’Aulnay et les débats sur l’indécence de salaires familiaux pharaoniques ! Bref on prend des risques pour sauver la campagne.

(1)    Sous les gouvernements de François Hollande on a fini par abroger le dispositif des peines- plancher, à rétablir les dispositions relatives au retrait de l’excuse atténuante de minorité (2014) et à supprimer le tribunal correctionnel pour mineur (2016)

(2)    « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui, dans l’intérêt de la société et de la démocratie »

(3)    Infostats, janvier 2017

(4)    Le jeune Matthieu âgé de 17 ans et 11 mois le jour du viol et de l’assassinat de la petite Agnès au Chambon sur Lignon a été condamné à la réclusion criminelle à perplexité après qu’on lui eut retiré le bénéfice de l‘excuse atténuante de minoritéajorioté pénale à 16 ans

Publié dans Non classé | 29 commentaires

Jeunes et police : une incompréhension explosive à dépasser

Qui contestera qu’au quotidien, sur le terrain, dans certains quartiers, l’action des policiers et des gendarmes est difficile et même dangereuse ? Les violences supportées par les policiers sont régulières quand il ne s’agit pas de guet-apens ou d’actes criminels comme à Epinay dans le passé ou récemment à Viry-Châtillon. Souvent des policiers sont blessés, une dizaine chaque année trouvent la mort. La population le sait et n’a pas hésité lors des évènements de 2015-2016 à saluer leur travail et leur courage par des attitudes inédites dans ce pays pour qui se souvient des slogans soixante-huitards.

Alors comment se fait-il que ces mêmes policiers aient réussi l’exploit de susciter des manifestations contre eux ?
Il y a bien sûr cette violence exceptionnelle dans sa force et sa forme – encore que ! – d’Aulnay contre jeune Theo. Déjà, rien ne pouvait justifier les coups et le sang versé par quatre professionnels armés et formés pour maitriser un individu qui ne se débattait pas. Mais que dire de l’innommable commis avec un bâton que certains osent qualifier d’accident ?
Le maire d’Aulnay, pourtant ancien syndicaliste policier et toujours prêt dans le passé à défendre ses collègues, a rapidement compris qu’une frontière avait été franchie et qu’il ne pouvait pas cautionner ce comportement. L’IGPN, puis le parquet, en ne retenant pas la qualification de viol, ont tenté de banaliser le fait. Heureusement le juge d’instruction a su faire preuve de lucidité, mais le mal était fait. (1) Ce n’était pas un service à rendre à l’institution policière. Le refus du tribunal de Bobigny de tenir pour un simple délit des faits analogues commis par un policier municipal et de renvoyer le parquet à saisir un juge d’instruction en matière criminelle quand il demandait 6 mois avec sursis et un an d’interdiction professionnelle montre que la justice n’est pas totalement sourde et aveugle !

Une nouvelle fois l’attitude des syndicalistes policiers dans l’affaire Théo aura été irresponsable et d’un corporatisme ahurissant, le comble étant atteint quand l’un d’entre eux a osé banaliser l’injure raciste de bamboula tant de fois adressée aux jeunes de peau noire.
On est même passés à côté du drame suprême l’autre jour à Bobigny où il fallut le courage et la témérité du jeune Emmanuel Toula – à peine 16 ans – qui a pris le risque de sauver une fillette dans une voiture en flammes alors même que des policiers présents se contentaient de tenir en joue les manifestants sans que l’un d’entre eux ou leur chef pense à sauver la gamine, On n’ose pas imaginer ce qui serait advenu si le drame était survenu du fait de la passivité policière ! Le monde entier en aurait parlé. Merci Emmanuel !

L’ambiance est explosive. Plus que jamais on doit craindre de nouveaux développements dans cette intifada qui oppose régulièrement des forces de police aux jeunes.

Les policiers modernes ont pris leurs distances, c’est le moins qu’on puisse dire, avec les gardiens de la paix. On le comprend, mais on doit le regretter. Comment casser cette dynamique et revenir à d’autres relations ?

Les forces de police se présentent souvent comme une armée d’occupation qui se développe dans les quartiers sans oser descendre de leurs véhicules militarisés. Ou qui interviennent tels des commandos à travers le BAC. La population ne s’y trompe pas qui a dans la rétine les images des quartiers de Dublin ou des territoires occupés avec les jets de pierre et les répliques à la grenade ou aux tirs à blanc ou réels. Et que dire de ces contrôles d’identité, ravageurs depuis des décennies, régulièrement dénoncés, qui n’ont généralement pas pour objectif de savoir qui l’on contrôle, mais d’affirmer une autorité sur les jeunes ?
A leur décharge  le rôle qu’on leur fait jouer, aujourd’hui comme hier, en les maintenant dans le registre purement répressif du maintien de l’ordre.
Elles ont le mauvais rôle. Celui d’être en première ligne au bord de la fracture sociale, de représenter l’Etat et la société vécue comme injuste, qui n’offre aucun d’espoir, qui abandonnés cette population à une elle-même et aux mafieux et autres fauteurs de troubles en tous genres. Elles servent de punching-ball, d‘exutoire. Un rôle pas évident à tenir en se contenant.
Et plus, quoiqu’ils fassent – et le pôle des policiers en commissariat est extraordinaire pour apaiser les conflits, gérer des douleurs humaines, conseiller et accompagner – ils donnent de verges pour se faire fouetter en n’étant pas exemplaires comme ils se doivent de l’être ou en ne condamnant pas les dérapages dans lesquels ils ne peuvent pas, ils ne doivent pas se reconnaître. On peut certes admettre que certains pètent les plombs, surtout avec la charge de travail qui leur incombent désormais, mais ces débordements doivent encore plus être sanctionnés et surtout condamnés sans réserve. C’est une autre question que celle de savoir quelles punitions seront infligées par les conseils de discipline ou la justice à ceux qui dépassent la frontière.
Voici trois ou quatre décennies les syndicalistes policiers de la FASP – Fédération autonome de syndicat de police – déjà soucieux d’éviter une rupture population-police, allaient au-devant des gens dans des journées ouvertes, dialoguaient dans les rues avec les citoyens, dénonçaient eux-mêmes des violences quand ils les connaissaient !
C’est une (ir) responsabilité politique majeure que d’avoir circonscrit ces policiers dans le seul registre de la répression. Tout un chacun se souvient du propos de Nicolas Sarkozy ministre de l’intérieur à Toulouse du 23 février 2007 condamnant les policiers qui jouaient au babyfoot ou au foot avec des jeunes. Et pourtant ces policiers étaient dans leur rôle.
L’avocat Sarkozy avait oublié là l’une des premières leçons du droit administratif qui veut que la police soit duelle : le même agent au carrefour développe de la police administrative en faisant la circulation et en évitant qu’une infraction se commette puis, si une infraction est commise le même verbalise après avoir interpellé le délinquant. En étant proche de la population, en nouant de relations avec elle, en patrouillant d’une manière débonnaire, concrètement en embarquant des jeunes dans des stages permis de conduire, des stages-découverte ou des activités de plage les policiers ne jouent pas aux éducateurs – ils ne sont pas des policiers éducateurs comme le souhaitait M. Poniatowski, ministre de l’intérieur des années 75 -, mais ils exercent leur mission de police.

Ce fut une erreur de mettre fin à cette orientation majeure prise par le gouvernement Jospin. On sait que Mme Alliot-Marie, lucide, a bien tenté, mais en vain de reprendre la démarche. Il est grand temps de revenir à cette fonction de base qui contribue à créer du liant entre policiers et jeunes, et plus largement avec toute la population dans l’intérêt même de la société.
Bien sûr la police de proximité ne peut pas constituer une politique à soi seule si dans le même temps les politiques publiques ne permettent pas aux enfants, aux adolescents, aux jeunes d’avoir des perspectives, d’entrevoir un avenir moins sombre.
En tout cas, la police administrative qualifiée de police de proximité doit être restaurée au plus tôt.

La démarche ne sera pas aisée avec le handicap aujourd’hui accumulé. (2) On se doit d’être inquiet à entendant les errements d’Éric Ciotti – conf. le dernier JDD – qui, une nouvelle fois n’a rien compris (3) en avançant que les policiers doivent de demeurer dans le rôle purement répressif. Il croit toujours que la démarche sociale, c’est d’écraser l’autre, de le mâter. Il reste dans une stratégie d’affrontement. Il alimente la guerre. Il aspire même au pire pour pouvoir surfer dessus.
Ii faut au plus tôt rétablir une image positive de la police. On ne peut pas se contenter d’une réponse administrative. Des éléments existent pour renouer un dialogue positif. La police nationale et la gendarmerie comptent en leur sein de nombreux cadres de très haut niveau qui ont chevillé au corps la fibre du service public et de la démocratie ; le travail de terrain est souvent splendide. Cassons-la spirale où certains tentent de nous entrainer, sinon nous aurons de ces drames comme nous en voyons régulièrement aux USA avec toujours les mêmes cibles : des afro-américains, des enfants, tués pour être ce qu’ils sont. Et nous aurons d’autres émeutes urbaines.

1 – Le policier soupçonné de viol est en liberté sous contrôle judiciaire quand out autre citoyen serait provisoirement détenu.
2 – Paradoxe. On augmente les peines encourues pour rébellion, injures et outrages aux policiers ou on facilite le recours aux ares des policiers quand la rue demande justice pour Théo !
3 – Voire avec un discours en boucle depuis des années M. Ciotti ignore les données du sujet en affirmant que la délinquance juvénile augmente quand elle décroit. Infostat, janvier 2017

Publié dans "Banlieues", Attentats de janvier 2015, Ciotti, Citoyenneté, Délinquance juvénile, Démocratie, Dieudonné M'Bala M'Bala, excuse atténuante de minorité, Fillon, jeunes, Justice, Police, Prévention de la délinquance, Prévention spécialisée, Sarkozy | 38 commentaires

La majorité pénale à 16 ans : réponse aux sarkozistes, pas à l’insécurité !

Dans l’attente de la réponse du parquet national financier sur d’éventuels comptes à rendre à la justice notamment pour usage de fonds publics François Fillon  avance aujourd’hui une mesure forte  : abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans afin que les mineurs casseurs sachent que désormais ils pourront être condamnés à des peines de prison.

Serpent de mer déjà abordé ici. Mais sujet sérieux qu’on ne peut pas négliger et qui appelle à quelques développements.

Pour faire simple on se doit déjà d’observer que juridiquement cette mesure se heurterait à de vrais obstacles juridiques si l’on entendait la concrétiser ; il faut aussi s’interroger sur les obstacles politiques que rencontrerait cette mesure ; enfin, last but not least, on doit se demander pourquoi cette disposition apparaît incongrue au regard du contexte social et politique.

Sur le plan juridique deux difficultés de taille se présentent qui rendent la proposition vouée à l’échec 

1° Nous avons ratifié la Convention internationale du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant qui veut dans son article 1er la personne de moins de 18 ans soit tenue pour un enfant et qui dans ses articles 37 et 40 avance les termes d’une justice spécifique pour les mineurs. En d’autres termes, nous avons contracté un engagement international clair et ferme qui consiste à ne pas traiter les moins de 18 ans comme des adultes. La France n’a pas de pétrole, mais des idées et une présence sur les droits de l’homme avec de temps en temps de grandes envolées au Conseil de sécurité. Imagine-t-on l’impact international d’une France qui renierait sa parole et ses engagements sur un sujet aussi sensible ? Fillon-Tromp même combat ?

2° Le Conseil constitutionnel dans la décision du 29 août 2002 tient la majorité pénale fixée à 18 ans résultant de la loi du 1906 comme un principe à valeur constitutionnelle. Avec le principe d’atténuation de responsabilité et les juridictions spécialisées, cette disposition est l’un des trois piliers du droit pénal des mineurs à la française.

C’est tellement vrai que Nicolas Sarkozy – suivi par son premier ministre François Fillon – qui déjà  souhaitait abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans avait dû y renoncer et suivre une stratégie juridique plus subtile pour parvenir à ses fins  en prenant des dispositions permettant de s’assurer de condamnations sévères pour les 16-18 ans : faciliter le retrait du bénéfice de l’excuse atténuante de minorité qui veut que la peine encourue par un mineur soit  moitié moindre que celle encourue par un adulte à faits commis identiques, adopter un dispositif des peines plancher applicables aux mineurs, créer un tribunal correctionnel pour mineurs, développer le flagrant délit pour les mineurs (1)

Ces deux obstacles juridiques ne peuvent pas être plus négligés en 2017 qu’ils le furent en 2007.

On en vient au problème politique.

Avec l’abaissement à 18 ans de la majorité civile par le président Valery Giscard d’Estaing en 1974 les majorités civile, pénale et civique sont enfin en cohérence. Ce qui permet de tenir un discours politique clair en direction des jeunes : aux droits correspondent des devoirs et des responsabilités.

Abaisser la majorité pénale à 16 ans obligerait à se poser la question de l’abaissement de la majorité civile et civique à 16 ans avec le même souci de cohérence. Comment punir comme des adultes des personnes qu’on ne tiendrait pas comme ayant le discernement d’adultes pour les actes de la vie quotidienne ?

Concrètement, les électeurs de M. Fillon – et par-delà tous les parents de France – seront-ils d’accord pour que leur fille quitte à la maison à 16 ans forte de sa majorité ? Voit-on des jeunes de 16 ans voter aux élections municipales ou législatives ?  Pourquoi pas avance M. Mélenchon puisqu’ils peuvent travailler et voter aux élections professionnelles ? Certes mais l’opinion y est-elle prête ?

Tout cela ne mérite-t- il pas un vrai débat ? Dans le rapport que nous avons remis à Mme Bertinotti en janvier 2014 (1) nous avancions avec D. Youf et F. Capelier qu’il fallait commencer par développer l’exercice de la citoyenneté au quotidien avant d’élargir la capacité civique des jeunes. Ajoutons que ce serait une illusion de penser combattre l’abstentionnisme par une mesure de cette nature.

Fillon appelle -t-il à ce débat sur le statut de l’enfant, sur ses droits d’où découlent les devoirs ? Ce serait une avancée intéressante.

Reste la question de fond : à quoi correspond l’annonce de ce jour ?

Recherchons des justifications possibles.

La délinquance juvénile a-t-elle tellement augmenté ces temps-ci qu’il faille avancer une mesure aussi radicale et lourde d’effets par ricochet ? Non, tous les chiffres le démontrent : elle baisse et en tout cas, dans la dernière séquence, après avoir cru jusqu’à 1999, depuis 2000, mis à part 2004-2005, elle augmentait moins que la délinquance des adultes avant de décroitre (3).

La loi interdit-elle l’incarcération des 16 ans ? Non. Aujourd’hui 800 mineurs sont en prison dont un quart a moins de 16 ans – car rappelons-le on peut être incarcéré à 13 ans – et trois quarts entre 16-18 ans. Un mineur de 16 ans au moment des faits peut se voir retirer le bénéfice de l’excuse atténuante de minorité et dès lors être condamné comme un adulte. La peine maximale était encore de la réclusion criminelle à perpétuité jusqu’à la loi Modernisation de la justice du XXI° siècle de décembre 2016. (3) Elle est désormais de 30 ans. Une paille !  Ajoutons qu’à partir de 13 ans la détention provisoire est possible.

Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils plus matures comme l’affirme régulièrement Nicolas Sarkozy ? A l’expérience d’un tribunal pour enfants on peut en douter même si s’agissant des garçons ils sont plus grands, plus musclés et avec plus de testostérone que les générations précédentes. Plus que jamais ils relèvent certes d’un accompagnement éducatif ferme, mais pas qu’on les traite comme des adultes. L’enjeu pour ceux là serait même qu’on prolonge au-delà des 18 ans cette éducative … dans notre intérêt pour qu’ils ne s’inscrivent pas dans la marge.

Alors qu’est-ce qui peut justifier une position que jusqu’à présent le candidat Filon se refusait à prendre ? Tout simplement un appel de phares fort aux sarkozistes au sortir du rendez-vous avec celui qu’il faut bien qualifier de chef de la majorité dans une campagne qui patine et est perturbée par de sérieuses interrogations judiciaires.

Une nouvelle fois la justice de mineurs est prise en otage par une campagne électorale. Où est l’intérêt général ?

Prenons un peu de recul.

Quel message envoie F. Fillon aux jeunes des banlieues tenus pour sources d’insécurité et de troubles ? On les tient pour des délinquants qu’il faut punir comme des adultes. On oublie le fort sentiment d’injustice suscité par les violences policières d’Aulnay et les débats sur l’indécence de salaires familiaux pharaoniques ! Bref on prend des risques pour sauver la campagne.

(1)    Sous les gouvernements de François Hollande on a fini par abroger le dispositif des peines- plancher, à rétablir les dispositions relatives au retrait de l’excuse atténuante de minorité (2014) et à supprimer le tribunal correctionnel pour mineur (2016)

(2)    « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui, dans l’intérêt de la société et de la démocratie »

(3)    Infostats, janvier 2017

(4)    Le jeune Matthieu âgé de 17 ans et 11 mois le jour du viol et de l’assassinat de la petite Agnès au Chambon sur Lignon a été condamné à la réclusion criminelle à perplexité après qu’on lui eut retiré le bénéfice de l‘excuse atténuante de minorité

Publié dans "Banlieues", 2017, Berttinotti, capacite juridique, Chambon sur Lignon, Citoyenneté, Comité des experts de l'ONU, Conseil Constitutionnel, convention internatioanle sur les droits de l'enfant, Délinquance juvénile, Démocratie, Droit de vote, Droits des enfants, Eric Ciotti, excuse atténuante de minorité, F. Hollande, Fillon, irresponsabilité pénale, Jean-Luc Mélenchon, Justice pour enfants, laxisme judiciaire, majorité pénale, ordonnance du 2 février 1945, Perben, Prévention de la délinquance, responsabilité parentale, responsabilité pénale, Taubira, Tribunal correctionnel pour mineurs, trtibunal pour enfants, Urvoas, Varinard | 17 commentaires

Etat de droit, justice, moralité et équité (668)

Le Pénélopegate et l’affaire Theo ne vont pas s’estomper de sitôt. Elles marqueront les esprits car elles sont simples à retenir et à comprendre : par-delà les violations du droit supposées ou réelles c’est l‘immoralité et l’injustice qui frappent l’opinion et le bon sens.

La justice dira sous peu si l’emploi d’attachée parlementaire qui a ouvert droit des années durant aux versement d’argent public – et demain à une retraite ! – était fictif ou non. S’il était réel, combien il était facile d’en apporter la preuve publiquement dans les deux ou trois jours suivants sa révélation, surtout qu’il n’y a derrière ni secret d’Etat ni d’alcôve. Agendas avec la trace des nombreuses réunions auxquelles participent tous les attachés parlementaires, témoignages, notes sur les textes avancés au parlement, déplacements, mails et autres courriers ou frais engagés etc. On peut – et on a raison se méfier du tribunal médiatique qui a tôt fait de vous condamner et qui ne vous rend pas justice si vue êtes innocenté par la justice officielle -, il n’enregistrera moins qu’on doit d’avoir lui couper de l’herbe sois les pieds quand on a soi-même crée les conditions pour qu’il se réunisse. L’erreur commise par Fillon si l’emploi n (‘est pas fictif lui coûte cher ; de même pour contrat à la revue des deux mondes où il ne doit pas être dur d’établir qu’on a travaillé pour 5000 euros par mois.

Passons ! La justice dira sa vérité sur ces points juridiques et plusieurs autres. La question politique est autre : celle de la moralité et du sentiment d’injustice.

A qui fera-t-on croire qu’un salaire un temps monté à 10 000 euros mois comme attachée parlementaire n’est pas autre chose qu’un cadeau quand un député touche une indemnité de 5500 euros ! Un salarié qui touche deux fois plus que son employeur : pour le coup un vrai projet politique de gauche ! Comment faire entendra à un ouvrier ou un cadre moyen qui gagne deux ou trois voire dix fois moins pour un travail généralement autrement plus pénible que tout cela n’est pas autre chose qu’un avantage. Avec des fonds publics.  Ajoutons pour un travail à domicile sans temps de transport ! A fortiori si on agrège l’ensemble de l’argent – en net ou en brut – drainé par le député ou le sénateur Fillon on est effaré quand on se présente comme modeste et surtout que l’on promet des larmes et du sang pour les années à venir à ceux qui triment.

Comment être à ce point hors sol pour ne pas le comprendre ?

Comme d’appeler maison un manoir du XIV° ? Certes il est difficile de se qualifier de châtelain, mais ne peut-on pas été plus subtil en parlant de propriété. En d’autres termes de ne pas donner l’impression de se moquer du monde.

De même dans l’affaire de ces policiers mis en cause pour avoir agressé le jeune Theo on donne l’impression de prendre les gens pour des idiots et de ne pas être conscient du profond sentiment d’injustice qui domine dans ces banlieues notamment chez des jeunes sans perspectives positives d’avenir. Certes on a fait sur des décennies des efforts financiers majeurs pour réhabiliter ces quartiers ; des milliards y ont été investis pour rénover déjà la cadre de vie et réimplanter des emplois. On a eu le souci de ne plus voir le tissu administratif se déliter.

Reste qu’on est loin du compte. Rien ne semble bouger pour le processus d’exclusion collective. La fracture sociale que L. Jospin et J. Chirac dénonçaient lors de la campagne présidentielle 1995 ne s’est pas réduite. Une partie de la jeunesse de France est à vif. Plus que jamais elle n’a rien à perdre. Elle peut exploser sous n’importe quel prétexte. Et il y a parmi elle des personnes qui ont carrément fait l’impasse sur toute insertion dans la société ou encore des forces politiques qui trouvent prétexte à casser pour enclencher le cycle bien connu provocation-répression. Toute les manifestations de rues des dernières années les voient s’exprimer. Compréhensibles, ce qui ne veut pas dire excusables – ces débordements sont condamnables. Et vont l’être inexorablement. Au risque d’exacerber le sentiment d’une justice à deux vitesses. Flagrant délit pour les uns ; instruction de plusieurs années pour les autres avec une relaxe à la clé !

Le temps de s‘attaquer aux problèmes de fond, il faut déjà éviter l’embrasement. A négliger le sentiment d’injustice et d’immoralité on condamne les efforts développés par ailleurs. On s’attire tous les jugements de valeur injustes : les politiques ne font rien ! ; on est abandonnés, tous pourris, deux poids deux mesures!  ! etc.

On est dans une intifada permanence. Le mot n’est pas fort. La police est militarisée avec des policiers transformés en robocops – on est loin des hirondelles et autres gardiens de la paix – et on comprend pourquoi – et victimes des mêmes caillassages, embuscades et autres guet-apens que dans les Territoires palestiniens.

La police, première ligne de défense de cet Etat que l’on combat pour vous avoir abandonné, prend tout sur elle

Sa mission est exigeante, encore plus en période d’état d’urgence et de mobilisation permanente. La plupart de policiers et gendarmes sont exemplaires qui prennent dans tous ses sens du mot beaucoup sur eux pour ne pas céder aux provocations quotidiennes : insultes, coups, violence voire tout simplement agressions criminelles.

Pour autant au nom de l’état de droit et de la démocratie qu’Ils sont censés porter, ces policiers se doivent d’être exemplaires. Il peut y avoir parmi eux des personnes qui fautent. On peut même comprendre que certains craquent pour être trop jeunes, mal formés et surtout insuffisamment encadrés faute de cadres de qualité et en nombre. Il ne faut un instant hésiter à oser les sanctionner et à le faire savoir. A défaut, c’est toute la crédibilité du dispositif qui s’effondre aux yeux de ceux qu’on veut « contenir ». C’est ce que nous sommes en train de vivre.

L’attitude des plusieurs syndicalistes policiers d’aujourd’hui est intenable pour être d’un corporatisme effréné et criant. Qui plus est avec des dérapages comme le fait d’avancer que bamboula ne serait pas une insulte raciste.

Imagine-t-on un instant ce qui se serait passé si un fonctionnaire de police avait été passé à tabac et violenté sexuellement par quatre jeunes de banlieue armés d’un manche de pioche ! A qui veut-on faire croire que ce jeune Théo méritait de se trouver en sang – conf l’état des murs sur les lieux de son « interpellation » – avec un bâton qui lui pénètre l’anus, sur 10 cm, son pantalon et sa culotte était malencontreusement baissés avec une matraque utilisée de bas en haut contrairement à tous les usages! L’IGPN, d’habitude plus rigoureuse, même si le juge d’instruction a corrigé le tir, a allumé une deuxième mèche encore plus préoccupante que les faits eux-mêmes :  celle du sentiment d’injustice.

En d’autres termes, plus que jamais nos contemporains veulent de la considération et ne pas être tenus pour des idiots. Ils peuvent admettre que la vie soit dure et injuste, ils ne supportent pas l’injustice et le mensonge.

A ne pas le comprendre on risque non seulement d’aller vers de nouvelles explosions – et aujourd’hui personne ne sait où s’arrêteront les éléments des banlieues qui plus est dans une période d’état d’urgence -, mais surtout on risque de mettre à néant tous les efforts de ceux qui se battent pour colmater les brèches, pour recréer du ciment social.

On a une nouvelle fois alimenté le » Tous pourris » dont on sait qu’au final seuls les démagogues profitent. 

Il est encore temps d’envoyer un autre message. Et déjà dans ces deux affaires qui alimentent le débat unique il nous faut retrouver le sens de la justice et de la moralité.

Publié dans "Banlieues", 2017, Fillon, Fraternité, Laxisme, Ordre public, Politique de la ville | Marqué avec , | 7 commentaires

François Fillon, futur ministre de la (sainte) famille (667)

 

avocats006_17_1Après avoir énoncé pour Olivier de Lagarde (France Info hier) ma mesure phare es-qualité de président de la République  – à savoir la nomination d’un ministre d’Etat en charge du bien être des enfants et des jeunes (blog n° 665 ) – , je repique au jeu en me proposant de nommer en complément François Fillon, ministre de la famille.

Dans cette période difficile où tout explose, il est essentiel de renforcer ces solidarités premières que sont les solidarités familiales. La famille n’est plus seulement identifiee au mariage – même entre personnes du même sexe – ; la famille, ce sont d’abord les liens qui unissent des personnes, parfois de plusieurs générations sous le même toit, dans des rapports réciproques d’entraide. C’est la famille-refuge ; celle où on se rend tous les services.

Comment ne pas apprécier à sa juste valeur le fait qu’un mari qui a réussi permette à sa femme, en gage d’amour et de respect, d’accéder à un revenu propre : il lui permet ainsi de rester librement avec lui et de vivre une vie de couple entre personnes égales quand tant de femmes sont dépendantes de l’argent ramené par leur époux, obligees de les supplier pour disposer de quoi faire tourner le château, pardon la maison, et incapables d’envisager de voir autrement leur vie.

Qui plus est il a fait de sorte de procurer à la mère de ses enfants  un travail non astreignant au point où il passe inaperçu de l’intéressée – « Je n’ai jamais travaillé pour mon mari ! «  – lui permettant de se consacrer à l’éducation des enfants et au maintien du train de vie. Bref le summum de la femme moderne libre et épanouie. Mieux les enfants sont restes convaincus que leur mère  ne se consacrait qu’à eux quand elle s’éreintait pour les nourrir !

Et que dire de la manière dont François Fillon a mis le pied à l’étrier de ses enfants en leur offrant de poursuivre leurs études par l’assurance d’un revenu indépendant de quelques milliers d’euros par mois ? Des enfants qui n’ont donc jamais été obliges de venir demander un peu d’argent de poche à leurs parents et qui dignement ont ainsi pu grandir, se former, puis obtenir leurs diplômes à la hauteur des ambitions formees par des parents qui ont toujours cru à leur réussite. Combien de parents de nos banlieues rêvent d’avoir la capacité d’offrir ainsi ce type de marchepied à leur progéniture. Ils n’ont pas d’argent, mais surtout ils n’ont pas le réseau

Moi Président, j’aurai donc le souci de montrer cet exemple à l’opinion en tête de gondole de ma politique familiale. Oui aux allocations familiales et autres prestations, mais libéralisme oblige, oui d’abord aux soutiens parentaux. Il est important que les parents s’engagent et montrent à leurs enfants qu’ils croient en eux.

En cohérence,  je décernerai à  F. Fillon et à son épouse Pénélope la médaille de la famille française : ils ont 5 enfants – la barre est à 4 – et ils portent haut et fort les valeurs de la famille …. traditionnelle. Tous les français en sont témoins et admiratifs.

Vive la Famille, Vive la République, vive la France.

JP Rosenczveig, ancien directeur de l’Institut de l’enfance et de la famille

Publié dans Famille, Fillon, Moi president, Penelope | 51 commentaires

R. Polanski, l’ex-ministre de la culture et les Cesars hors sol

avocats006_17_1La polémique suscitée par la proposition faite à Roman Polanski de présider le jury des Césars démontre, s’il le fallait, que les mentalités évoluent lentement, y compris de la part d’esprit se revendiquant comme progressistes et sensibles aux injustices.

Ainsi comment ne pas être choqué par les propos d’Aurèlie Filipetti, ex ministre de la culture, qui se présente comme une femme engagée pour un changement radical, quand, visant les faits reprochés au cinéaste, elle affirme que « C’est quelque chose qui s’est passé il y a quarante ans ». [1] Sous-entendu pourquoi remuer de vieilles histoires.  Faut-il rappeler à la ministre, la députée, la femme, la militante que ce « quelque chose » n’est rien d’autre que le viol de la part d’un homme de 43 ans d’une mineure de 13 ans après l’avoir droguée ?

Avec Laurence Rossignol, ministre de la famille et aussi en charge de droits des enfants, ne doit-on pas au contraire affirmer que la proposition des organisateurs des Césars s’inscrit « dans une espèce de banalisation à l’égard du viol » ?

En d’autres termes comme dit Laurence Rossignol l’agresseur a-t-il le doit de se restaurer quand la victime reste marquée ? On sait que dans certains pays on a plus de compassion pour ce que subit le prédateur que pour ce que supporte la victime qui va être rejetée, sinon elle-même accusée d’impudeur ou d’outrage (conf. les viols lors de la révolution égyptienne)

Aurèlie Filipetti s’inscrit dans les pas de son prédécesseur Fréderic Mitterrand qui déjà en 2009  s’indignait avec un autre de ses collègues de gouvernement de ce que Romain Polanski ait été interpellé en Suisse à la demande des autorités américaines soucieuses de le voir enfin rendre des comptes sur son comportement passé comme il s’y était engagé lors de sa remise en liberté.

Le génie – et Roman Polanski en a – peut-il justifier qu’on ne rende pas des comptes ? Comme la réussite veut-elle que la directrice du FMI ne subisse pas de peine pour « une négligence » à 440 millions d’euros ? N’illustre-t-on pas une nouvelle fois le « Selon que vous serez riche et puissant…. « ?

Le fait d’avoir payé la victime pour qu’elle minimise les faits – la drogue et certaines actes sexuels – pour passer à une qualification moins grave et qu’elle se taise, voire qu’elle milite pour que l ‘affaire s’arrête, tout cela  justifie-t-il l’impunité ? Derrière est bien posée la question de la sanction pénale et de l’exemplarité – responsabilité publique – et du dommage subi par la victime, droit personnel. L’action  publique n’appartient pas à la victime; on n’est pas dans une justice privée.

Peut-on jouer de sa double nationalité pour échapper à sa responsabilité ? Notamment quand on en a les moyens économiques

Les faits sont têtus et simples. Placé en détention provisoire, il avait admis sa culpabilité tout en la minimisant. Remis en liberté il devait se présenter pour être jugé mais il a préféré fuir vers la France. En son temps s’il avait assumé pleinement ses responsabilités en se présentant pour son jugement il aurait eu droit à une condamnation très relative du fait des garanties qu’il offrait alors et de l’attente de la victime. Roman Polanski a été mal conseillé (voir mes posts précédents).

Ses déboires tiennent tant au fait qu’il ait fui ses responsabilités qu’à ce qui lui est reproche. Et il faudrait le plaindre ?

Comment les organisateurs des Cesars peuvent-ils être hors sol, dans leur univers coupe des réalités, pour négliger que le cinéaste n’en était toujours pas quitte. Comment imaginaient-ils que sur une fonction, certes temporaire mais avec une telle exposition médiatique mondiale, il pourrait passer à travers les gouttes. On peut récompenser régulièrement des films réalistes restituant des problématiques sociales fortes et passer à côté d’une réalité majeure : l’injustice et l’exploitation sexuelle des femmes par les hommes !

Roman Polanski a bien fait de renoncer rapidement à présider ce jury. Mais après avoir échappé à son procès comment peut-il oser parler de « polémique injustifiée ». On peut entendre qu’il puisse y avoir prescription des faits ou encore de la condamnation même en matière sexuelle [2], encore faut-il avoir assumé sa faute et pas seulement indemnisé la victime. Sur un autre registre, moral et éthique celui-là, on se doit d’être discret malgré son génie !

Reste que somme toute c’est bien l’attitude des acteurs publics qui choque le plus dans ce rebondissement de l’affaire Polanski. A. Filipetti  ne sort pas grandie de ce coup porté à la cause des femmes et démontre à malheureusement que trop de politiques ne sont que sur des postures progressistes.

 

[1] Le Monde 25 janvier 2017. A. Filipetti se défend de la portée de cette phrase prononcée en fin  d’émission sans grande réflexion. Vois son commentaire sous ce post.

[2] Quoiqu’en matière d’exploitation sexuelle à grande échelle comme c‘est le cas dans certaines pays asiatiques ou de traite de personnes on milite pour affirmer qu’il y a crime contre l’humanité donc imperceptibilité

 

[jr1]

Publié dans droit des femmes, Droits des enfants, Fréderic MItterrand, Polanski, Viol | 66 commentaires