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Une réponse à la couverture Médiatique du Camp de Simon:
Médias, police, justice, mairie, préfecture : tous ensemble pour alimenter la psychose d'une invasion terroriste. Les autorités n'auraient-elles pas quelque chose à craindre de la solidarité que l'organisation d'un tel évènement fait naître inévitablement ?
Vous êtes maire d'une ville qui va recevoir pendant une semaine un événement majeur sur une question qui touche directement votre commune. Que faites-vous ? Bouchart (UMP) a la réponse : annuler les activités culturelles, appeler les flics en renfort, reporter le conseil municipal, faire ville morte, donner des interviews alarmistes tout en faisant pression sur l'ensemble des associations calaisiennes ; et surtout ne pas rencontrer le No Border qui envoie des « mails anonymes », c'est-à-dire dire signé du nom du collectif. « Je ne sais pas de qui on parle. […] c'est signé "No Border". On ne sait pas qui est qui, on ne sait pas identifier. » Pas question non plus de traverser la rue qui sépare la mairie de la Maison de la Culture où se réunissaient le comité organisateur. « À l'intérieur de ce mouvement qui peut apparaître "Peace and love", il y a des anarchistes [...] Vu l'état d'esprit de ces personnes, on peut tout attendre. » Tout ? Ambiance...
Police partout / Justice nul part
Côté préfecture, c'est clair : une bonne cargaison de CRS (entre 1000 et 2000 parqués au camp Jules Ferry), des meutes de flics en civils genre cow-boy de la BAC (note) et fouille-merde des RG (note) qui occuperont pour l'occasion les hôtels calaisiens réquisitionnés tout spécialement. Pierre de Bousquet de Florient (note) n'a pas confiance : « nous voyons bien que ceux avec lesquels nous discutons ou bien ne tiennent pas leurs engagements, ou bien ne veulent pas les tenir ». Il est fait ici référence au refus d'un terrain par le collectif organisateur, les gens du voyage l'ayant déjà réservé, chose que le préfet avait « omis » de préciser. Pourtant ce dernier est « de bonne volonté », et ses déclarations le prouvent : il est « absolument sans illusions sur les intentions de ceux qui organisent. » En effet.
« Tous les papiers qu'on reçoit sont signés No Border. Mais No Border, pour moi, c'est nobody ». Humour.... « Ce ne sont jamais les mêmes personnes qui négocient avec nous. Il s'agit souvent de pions avancés. Les vrais décideurs, on ne les voit jamais. ». Et paranoïa... une structure sans hiérarchie, c'est trop !
Et celle là : « La manifestation est déclarée sous de faux noms, de fausses identités. […] Quelles craintes ont-ils à déclarer leur manifestation ? ». Peut-être une méfiance vis-à-vis des flics et des magistrats habitués à mettre en taule au moindre prétexte ? Lors d'une réunion de négociation, le sous-préfet a prévenu : surtout « ne pas répondre aux provocations policières », tout est dit !
A noter : les populations migrantes détenues au Centre de Rétention Administrative de Coquelles ont été transférées pour l'occasion. En effet, assiéger les CRA pour réclamer la libération des populations en exil, voilà le genre de « dérives ultra violentes » dont sont capables les personnes participantes au No Border.
Des pressions à gogo
Du côté de la société civile, c'est l'embrouille. Certaines associations humanitaires se méfient de la « politisation » de la question migratoire (note). D'autres craignent la réaction du maire en cas de participation au projet : adieu subventions ! Côté théâtre, sans les pressions que le directeur du Channel a subi, aurait-il annulé la rencontre organisée par le No Border dans ses locaux ? « On m'a demandé de prendre cette décision. Mais cette décision c'est moi qui l'ai prise. Librement. » Précisant par ailleurs que « l'avenir du Channel est en jeu ». Et l'avenir n'est pas mis en péril par le No border : « Honnêtement, je ne pense pas qu'une avocate et un médecin auraient tout cassé au Channel ». Considérant les 800 000 € annuels versés au théâtre par la mairie de Calais, Bouchart était plus à même de peser sur le « libre arbitre » du directeur de la scène nationale.
Positionnements « subtils »
On connait la promptitude avec laquelle les Verts et la LDH dénoncent les politiques répressives dans des communiqués qui n'engagent à rien. Pourtant, le représentant de la LDH sur Calais et l'élue Verts enfoncent tranquillement le No Border dans le torchon Nord Littoral (note). Contactés par nos soins, ils n'ont pas donné signe de vie... mort de honte ? Si les associations de soutien aux sans pap' de Calais n'ont pas signé l'appel à manifester du No Border (note), certaines ont fini par le soutenir publiquement (note) tandis que nombre de militants associatifs se sont joint à titre individuel à l'organisation de l'évènement.
Les médias partent en croisade
Côté médias, on donne pleines pages aux autorités se délectant des « dérives ultra-violentes », sans sans contradicteur et sans vérifier la réalité des faits ; on déblatère sur les thèmes de prédilection des flics et des mouchards : sécurité, ordre, violence et menace. La description du réseau No Border frise le comique : « groupuscule associatif international à sensibilité anarchiste », « GreenPeace de l'immigration », « mercenaires de l'anti-impérialisme », « babas cool pacifistes ou casseurs ? » « réseau d'ultra gauche clandestin », « groupe d'extrême gauche anarchiste »... Quand on questionne le journaliste de Nord Littoral, il annonce : « c'était par provocation, pour que les gens du No Border se manifestent ». Un vrai pro...
La Voix du Nord remporte la palme avec son titre : « Le camp no border, une zone de non droit ». Le journaliste se lâche : « ces militants […] s'enferment, se replient, s'isolent et déterminent une zone de non-droit ». Il en rajoute : « visiblement, tout est mis en œuvre pour vivre en autarcie ». Pourquoi tant de haine ? Parce que la presse est invitée à rester en dehors du camp, tout comme les flics. Les raisons ? Primo : une carte de presse ne donnent pas tous les droits. De deux : le camp fonctionne en groupes de travail et en réunion collégiale, il est de ce fait important de se protéger des mouchards. Tertio : quand les journalistes feront leur boulot, on en reparlera. A titre de remarque : lui et ses collègues restent bien gentiment sur le pas de la porte quand les réunions de ministres et des conseils d'administrations se font dans le secret. Cela concerne pourtant la vie de millions de gens. Alors ? Quand l'autorité parle, les chiens de garde se couchent.
Psychotiques forcenés
Cet enchaînement de dispositifs sécuritaires, médiatiques et souterrains crée un certain malaise. Le quadrillage policier, les interventions récurrentes du maire et de la préfecture sur « l'ultra-violence », les dizaines d'articles que les médias locaux consacrent non sur l'évènement, mais sur ses supposés dangers... Précisons ici que les camps No Border sont l'occasion de créer un rapport de force avec les autorités, notamment par l'action directe (occupations de locaux, blocage) et de créer une rencontre avec les populations migrantes, etc.). Contrairement au positionnement « humanitaire » œuvrant dans la négociation permanente, il s'agit ici de montrer une opposition nette, non contre une population, mais contre une politique répressive, xénophobe et « ultra violente ».
Citations tirées de la Voix du Nord, Nord Littoral et Nord Eclair, journaux propriété de l'empire Rossel (qui compte aussi L'Indépendant, Lille Plus, Nouvelle Côte d'Opale, etc.) + d'info : La Brique n°12.
Notes :
* Préfet du Pas-de-Calais, ancien chef de la DST, co-prince d'Andorre entre 1997 et 1999 (c'est pas une blague) et mis en cause dans l'affaire Clearstream .
* BAC : brigade anti-criminalité.
* RG : renseignement généraux.
* Citation du sous-préfet lors d'une réunion avec une délégation du No Border.
* Emmaüs, Secours catholique et Médecin du Monde se sont officiellement « désolidarisés » du No Border (Nord Eclair, 18/06/09).
* Edition du 13/06/09.
* L'association Terre d'Errance fait exception.
* Notamment le collectif d'associations C'Sur, ainsi que l'association Salam, dont les communiqués dénoncent entre autre la psychose entretenue par les autorités.
A response to the Media coverage of the Camp by Simon:
The media, the police, the justice system, the city and regional government are in cahoots to feed the psychosis of a terrorist invasion. Could it be that the authorities have something to fear with the solidarity that this kind of event always creates?
You’re the mayor of a city that will host for a week a major event on an issue of direct concern to your municipality. What do you do? Bouchart (UMP) has the answer: she canceled all cultural activities, called in police reinforcements, postponed a meeting of the city council, organised a ghost town campaign, gave alarmist interviews, put pressure on all the associations in Calais, and made sure not to meet with the No Border collective, under the pretext that the emails signed with the collective’s name are “anonymous“. “I have no idea who they are... It’s signed “No Border”. We don’t know who’s who, we can‘t identify them.” Crossing the street that separates city hall from the Maison de la Culture where the No Border organizing committee meets is also out of the question. “Within this seemingly “peace and love” movement, there are anarchists... Judging from their state of mind, anything could happen.“ Anything? Now here’s a stance conducive to dialogue...
Police everywhere, Justice nowhere
At the prefecture, things are clear: they have imported truckloads of CRS (between 1000 and 2000 are penned in the Jules Ferry camp), packs of BAC-style cops [1] in civilian clothes, and RG [2] snoops who will occupy the Calais hotels commandeered for the occasion. Pierre de Bousquet de Florian [3] is wary: “we see full well that the people we’re talking to either do not keep their promises, or do not want to keep them“. He is referring to the organising committee’s refusal to use land already reserved by Travellers, a point the préfet conveniently forgot to mention. He is acting “in good will” though, and his declarations prove it: he has “absolutely no illusion about the organisers’ intentions.” Indeed.
“All the documents we receive are signed No Border. But, to me, No Border is nobody“. How witty... “We negotiate with different people each time. They’re usually pawns, and we never see the real deciders.” And he’s paranoid, to boot... A structure without hierarchy is just too much for him to take!
And how about this one: “The demonstration request has been filed under false names, false identities... What are they so afraid of?“ Maybe they’re wary of this funny habit cops and magistrates have of putting people in jail under any pretext? During one of the negotiation meetings, the sub-prefect warned “not to reply to police provocations.“ [4] You can’t get much clearer than that!
Migrant populations detained at the Administrative Detention Center of Coquelles have been transferred away for the occasion. Indeed, demanding the liberation of populations in exile at the gates of ADCs is precisely the kind of “ultraviolent actions“ No Border participants are likely to commit.
Pressure galore
Things aren’t much better on the civil society side. Some humanitarian associations are wary of the “politicisation” of the migration issue. [5] Others fear possible retaliation on the mayor’s part were they to participate: goodbye grant! Would the director of the Channel theatre have canceled the meeting organised by No Border in his building had he not been subjected to pressure? “I was asked to make this decision. But I did make it, freely,” he said, otherwise adding that “the future of the Channel is at stake.“ And its future is not challenged by No Border: “honestly, I don’t think that a lawyer and a doctor were going to break everything in the theatre.” Considering that city hall grant to the theatre amounts to a yearly €800,000, it seems that mayor Bouchat was the most likely to weigh on the director’s “free will”.
“Subtle” positionings
We know how prompt the Green Party and the Human Rights League usually are to denounce repressive policies in meaningless official statements. Yet this time the Human Rights League representative in Calais and the Green Party elected official for the region leisurely dump on No Border in Nord Littoral, the local rag. [6] When we attempted to get in touch with them, they gave no sign of life... maybe they were ashamed to death. If some of the local associations of support for the sans papiers did not sign No Border’s call to demonstrate, [7] some eventually backed the document publicly, [8] while many association members chose to participate in the event’s organisation in their own name.
The media crusade
Newspapers have given full pages to the authorities, entertaining fantasies of demonstrations turning “ultraviolent“ without bothering to investigate the veracity of those claims or allowing for a dissenting opinion. The media elected to pontificate on the hackneyed talking points of cops and informers: security, order, violence and threat. The way they describe the No Border network borders on the comical: “an international nebula of associations with anarchists sensibilities”, “the Greenpeace of immigration”, “anti-imperialist mercenaries", “pacifist hippies or thugs?”, “underground ultraleft network", “extreme left wing anarchist group“... When we asked a Nord Littoral journalist about these terms, he replied: “we did it to provoke No Border people into reacting.” Now that’s true journalism...
The Voix du Nord takes the cake with this headline: “The No Border camp, a no-go zone.” The journalist lets it all out: “these militants... lock themselves up, turn inward, isolate themselves and set up a no-go zone.” He lays it on even thicker: “they clearly do everything to live self-sufficiently.“ Why so hateful? Because like the cops, the press has been invited to stay outside of the camp. Why? First: because holding a press card doesn’t mean you can do anything you want. Second: the camp is organised in work groups and collective meetings, and it is therefore especially important to secure it against informers. Third: when journalists finally start doing their job, we’ll talk. This journalist and his colleagues wait nicely in the hall when ministers and CEOs have their secret meetings. Yet those usually concern millions of people. What’s with that? When authorities speak, guard dogs lay down.
Frenzied psychotics
This network of security, media and underground structures is worrying. We have to deal with police omnipresence, the prefecture and mayor’s office recurrent declarations about “ultraviolence,” the dozen articles in local media dedicated not covering the event, but to discuss the risks it allegedly entails... No Border camps are an opportunity to confront authorities through direct action (site occupations and blockades), and also to meet with migrant populations. Where “humanitarian” associations work in perpetual negotiation, we aim at showing clear and direct opposition, not against population, but against repressive, xenophobic and “ultraviolent” policies.
All quotes from Voix du Nord, Nord Littoral et Nord Eclair, newspapers owned by the Rossel media empire (that also owns L’Indépendant, Lille Plus, Nouvelle Côte d’Opale, etc.). For more information, read La Brique n°12.
Notes:
1 : Brigade Anti-Criminalité (Anti-Crime Brigade), mobile police units in civilian clothes known for acting like cowboys in the French projects.
2 : Renseignements Generaux (General Intelligence Services).
3 : Prefect for the Pas-de-Calais region, former director of the French counter-intelligence agency, co-prince of Andorra between 1997 and 1999 (no kidding), and also involved in the Clearstream money laundering case.
4 : Quote of the sub-prefect during a meeting with a No Border delegation.
5 : Emmaus, the Secours Catholique and Médecins du Monde have officially “desolidarised” from No Border (Nord Eclair, 06/18/09).
6 : 06/13/09 edition.
7 : Except for the Terre d’Errance association.
8 : Notably, the C’Sur network and the Salam association, whose official statements denounce the psychosis fed by the autorities. The sub-prefect warned “not to reply to police provocations.“ You can’t get much clearer than that!