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Les députés de Macron: LREM recycle l'élite sociale et politique

Par Francis Dubois
20 juin 2017

Depuis la victoire d'Emmanuel Macron et la déroute historique du Parti socialiste (PS) au premier tour des présidentielles le 23 avril, les médias et la classe politique insistent qu'une transition s'opère, entre le PS et le parti de Macron, La République En Marche (LREM). La vieille gauche dirigée par le PS céderait la place, selon ce récit, aux jeunes partisans d'une « Start-up Nation » gouvernée par Macron.

« C’est ça ma tristesse absolue. J’ai 66 ans et j’ai l’impression que tout ce que j’ai fait dans ma vie est abîmé, cassé. Tout ce à quoi j’ai cru », s'est lamentée une des caciques du PS, la maire de Lille Martine Aubry pendant la campagne pour l'élection législative.

Elle ne parlait pas de la dévastation sociale et industrielle de la région lilloise, dont le PS est en grande partie responsable, mais du fait que l'élection bénéficiait aux néophytes de LREM, et non pas au parti aguerri de François Hollande : « Je ne sais pas comment parler aux Français aujourd’hui. Mais regardez à qui vous avez affaire ! ... Les petits nouveaux de chez Macron qu’on a choisi au pif ou parce que ce sont des copains, c’est mieux que les gens de gauche qui se sont battus depuis cinq ans ? Ça me rend malade. »

Et la semaine dernière, à la conférence Vivatech à Paris, Macron a insisté que sous son mandat, la France allait faire peau neuve et vivre comme une jeune pousse technologique : « Je veux que la France soit une nation de start-up, une nation qui pense et qui agit comme une start-up ».

Ce récit, sur lequel les médias ont fondé leur propagande pour Macron et LREM – qui a provoqué de la méfiance, des doutes, et beaucoup d'hostilité parmi les Français – est mensongère de part en part. Les candidats législatifs de LREM, soigneusement triés et choisis par l'ex-chiraquien Jean-Paul Delevoye, sont une partie intégrante de l'élite dirigeante française.

Contrairement à la prétention de « renouvellement » de la vie politique de LREM, un grand nombre de ses candidats parlementaires venaient des partis ayant appliqué la politique d‘austérité durant les dernières décennies. Près de la moitié (244 contre 281) avaient déjà eu des postes politiques à divers niveaux, de mandats municipaux à des fonctions ministérielles et à l'Assemblée nationale. Parmi la moitié qui n'a pas exercé directement de mandat, nombre d'entre eux ont participé à des campagnes électorales ou à une activité associative qui les mettait en contact avec les partis établis.

121 des candidats LREM risquaient de cumuler des mandats puisqu'ils avaient des fonctions officielles à divers niveaux. En effet, ils occupaient un ou plusieurs mandats exécutifs locaux, départementaux ou régionaux.

Les liens qui relient le PS à LREM, dont le fondateur a été ministre de l'Economie sous la présidence PS de François Hollande, sont pléthoriques. Macron avait été soutenu dès le début par des dirigeants en vue ou ex-ministres PS comme Jean-Yves Le Drian, le maire de Lyon Gérard Collomb, l'ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, Jacques Attali, Manuel Valls (contre le candidat officiel du PS, Benoit Hamon), Ségolène Royal, Bernard Cazeneuve ou encore Bernard Poignant, un très proche conseiller de Hollande, et par Hollande lui-même.

Le personnel parlementaire de Macron se compose pour bonne part de politiciens du PS ou de partis alliés ayant tous été régulièrement présents dans des gouvernements PS depuis 1981. Un cinquième des candidats de Macron, une centaine, provient du PS. Une douzaine vient des Radicaux de gauche (PRG), des deux partis écologistes et du Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement. Un des candidats était l‘ex-secrétaire général du PCF stalinien, Robert Hue. Là où LREM ne voulait pas nuire à un candidat PS, il n‘a pas présenté de candidat.

79 candidats se présentent sous les couleurs du MoDem, les libéraux de François Bayrou, l‘actuel ministre de la Justice, soit sous l’étiquette MoDem soit sous celle de LREM. Un fort contingent (environ 70 candidats) vient de l‘UDI (Union des démocrates et indépendants) une formation conservatrice composite conduite par Jean Louis Borloo qui fut ministre dans plusieurs gouvernements sous Sarkozy.

10 candidats viennent du parti conservateur encore dirigé par Nicolas Sarkozy, LR. Un ex-candidat du parti d‘extrême-droite Debout la France, allié à Marine Le Pen durant la dernière campagne présidentielle, figure aussi parmi les candidats LREM.

Les députés LREM ont encore moins à voir avec la population travailleuse du pays que la majorité PS de l’ancien parlement. Issus dans leur quasi-totalité des classes sociales les plus privilégiées, ils dirigeront un gouvernement dont la base sociale est limitée aux couches sociales les plus proches de l'aristocratie financière, dans les classes moyennes supérieures et les forces de sécurité.

L’énorme abstention aux élections législatives dimanche fait apparaître de façon plus éclatante encore leur isolement de la vaste majorité de la population, un fait que même les médias favorables à LREM doivent avouer.

Le quotidien Libération note: « Selon les données du ministère de l’Intérieur, plus de la moitié des candidats investis par LREM sont des cadres ou professions intellectuelles supérieures… trois fois plus important que [leur] nombre dans la population active française ». Il ajoute : « LREM est aussi le parti qui compte le plus de cadres du privé (18,4%), de médecins (21 sur 537 candidats) et de professeurs de faculté (17) ».

Environ un tiers des candidats LREM, soit 156 personnes, ont leur propre entreprise, un fait qui provoque le commentaire suivant du Monde : « D’une manière générale, la ‘société civile’ de LREM est surtout constituée de chefs d’entreprise, médecins, avocats, cadres du privé ou collaborateurs d’élus. La ‘République en marche’ est celle des catégories socioprofessionnelles supérieures, des cadres dynamiques, des notables locaux. »

L‘Obs lui, écrit: « Nombre d'entre eux sont aussi chefs d'entreprise, PDG, créateurs de start-up, patrons de TPE/PME », et cite Mediapart : « La République en marche est ... Un monde de gens qui vont plutôt bien, voire très bien, à l'image du noyau des électeurs d‘Emmanuel Macron ».

Les cursus universitaires suivis par les candidats LREM est tout aussi parlants. Selon une étude du Monde, environ 40 pour cent de tous ces candidats sortent des grandes écoles qui fournissent le personnel de la classe politique ou le haut personnel de l‘industrie, du commerce et de la finance comme Sciences Po (50), l‘Ena (10), HEC (9) ou l‘Essec (8).