Année passée en revue : 2006

La quatrième année de la guerre américaine en Irak a été la plus sanglante avec l’éruption à grande échelle d’une guerre civile entre des milices sunnites et chiites. Le régime d’occupation américain a encouragé et fomenté ces conflits tout en perpétrant lui-même une série d’atrocités sanglantes à l’encontre de la population civile. Parallèlement, Washington commença à élever des menaces de guerre contre l’Iran après la première d’une longue série de crises agencées à propos du soi-disant programme d’armes nucléaires iranien. (Voir:archive 2006)


Les violations flagrantes du Droit international par la plus grande puissance impérialiste, les Etats-Unis, ont encouragé des puissances plus petites à faire de même. La plus évidente a été celle du principal allié des Etats-Unis au Moyen-Orient, Israël, qui a envahi le Liban en août en dévastant une grande part de la partie méridionale du pays mais subissant un revers humiliant dans le conflit avec les forces du mouvement chiite Hezbollah.

Le président Mahinda Rajapakse au Sri Lanka a aussi saisi l’occasion de suivre l’exemple américain en rompant au bout de quatre ans le cessez-le-feu conclu avec les Tigres de Libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Il présenta la reprise de la guerre civile dans ce pays insulaire comme une extension de la « guerre contre le terrorisme » menée par le gouvernement Bush.

Dans tous les pays engagés dans de telles guerres, une intensification de la répression domestique a inévitablement accompagné l’action militaire. Aux Etats-Unis, ceci a inclus un espionnage sans précédent sur le plan national et une approbation ouverte du gouvernement pour des enlèvements, la torture et la détention indéterminée de toute personne qualifiée de « terroriste » par les services du renseignement militaire.

Des soldats américains durant la bataille de Ramadi

Bain de sang et escalade en Irak

Des preuves de plus en plus manifestes des crimes de guerres commis par les forces américaines et de la coalition en Irak et en Afghanistan ont démasqué la présentation frauduleuse de ces guerres comme des campagnes humanitaires ou menées pour établir la démocratie. Au contraire, le régime d’occupation en Irak a été l’instigateur de tensions sectaires et ethniques (sectarian and ethnic tensions) tout en déchaînant une violence brutale contre toute résistance à l’occupation.

Les atrocités sadiques, dont des cas répétés de torture, de viol et d’assassinat aveugle ont prouvé la brutalité de la machine de guerre utilisée par la classe dirigeante pour étendre sa domination géopolitique à travers les régions riches en ressources du Moyen-Orient et de l’Asie centrale.

Le World Socialist Web Site a clarifié les leçons fondamentales qui ont découlé des crimes de guerre commis en 2006 par les Etats-Unis et les forces alliées dans les villes et les cités irakiennes telles Baiji, Basra, Baghdad, Ishaqi, Thar Thar, Mahmudiyah, et Ramadi ainsi que ceux perpétrés à Azizi, Zhari and Gereshk, en Afghanistan (L'armée américaine massacre 80 villageois en Afghanistan).

En mai, le gouvernement américain a enfin rompu le silence sur le massacre (slaughter) de vingt-quatre hommes, femmes, enfants et personnes âgées innocents qui avait eu lieu plus de six mois auparavant en Irak, à Haditha. (voir : http://www.wsws.org/francais/News/2006/Juin06/040606_BushHaditha_p.shtml)La plupart des victimes furent abattues d’une balle dans la tête et dans la poitrine en forme d’exécution. Le WSWS a relaté le récit de Eman Waleed, une petite victime de neuf ans, qui a raconté au magazine Time, « D’abord, [les Américains] sont entrés dans la pièce de mon père où il était en train de lire le Coran et nous avons entendu des tirs. Je n’ai pas vraiment pu voir leur visage. Seulement leurs fusils qui pointaient dans l’embrasure de la porte. Je les ai vus tirer sur mon grand-père, d’abord dans la poitrine, puis dans la tête. Puis, ils ont tué ma grand-mère. »

En juin, des preuves sont apparues que des troupes américaines ont délibérément tué trois mois plus tôt onze civils à Ishaqi, dont cinq enfants, certains âgés de six ans à peine. Les soldats américains ont menotté les victimes – y compris les enfants, les femmes et les nourrissons – avant de leur tirer une balle dans le visage. Les auteurs ont ensuite recouru à une frappe aérienne pour dissimuler toute preuve du massacre. L’armée américaine a par la suite innocenté les responsables. Après le massacre d’Ishaqui, le WSWS a écrit :

Ces incidents ne sont pas de simples aberrations mais découlent inévitablement du caractère du conflit – une guerre de conquête illégale et une occupation de style colonial, menée pour sauvegarder la domination américaine sur les vastes ressources pétrolières du pays et pour promouvoir les intérêts de l’impérialisme américain.

Cet aspect de violence et de cruauté gratuites reflète la brutalité et l’arriération de la société américaine en général. Inévitablement, l’armée américaine produit, partout où elle va, les conséquences de ce qui est, depuis plus d’un quart de siècle, de la part des médias et de l’establishment politique, une campagne délibérée pour rendre plus grossière la conscience de l’opinion publique et la culture nationale et pour les avilir. 

Au mois d’octobre 2006, le magazine britannique Lancet a publié une étude (Une étude récente conclut que la guerre américaine a tué 665 000 Irakiens) qui pour la première fois cherchait à évaluer scientifiquement le nombre de personnes tuées en Irak du fait de l’invasion américaine. Ses évaluations ont été stupéfiantes : 655.000 Irakiens ou 2,5 pour cent de l’ensemble de la population. L’évaluation a été par la suite portée à plus d’un million.

L’establishment politique et médiatique américain a fait tout son possible pour ignorer ou minimiser (ignore or downplay) les preuves de l’énormité de ces crimes de guerre.

Alors que des officiers subalternes et des soldats ont perpétré les massacres de l’armée américaine, les gradés les ont autorisés et les ont couverts. Les criminels de guerre les plus coupables ont été les architectes de l’invasion et de la campagne de torture en soi. George Bush, Dick Cheney, Alberto Gonzales, Donald Rumsfeld, Condoleezza Rice, Colin Powell, John Ashcroft, Robert Gates et des officiers de l’armée ont supervisé, appliqué et systématiquement encouragé un programme de brutalité qui comprenait l’utilisation d’escadrons de la mort et de la torture (death squads, torture).

Alors que les ingénieurs en chef de la criminelle machine de guerre ont agi eux, en toute impunité, ils ont cherché à faire un exemple de Saddam Hussein qui a été pendu le 30 décembre en pleine nuit dans un endroit tenu secret.

Le simulacre de procès qui a précédé l’exécution avait été orchestré par le proconsul américain Paul Bremer sous la supervision de juges nommés par le gouvernement Bush (judges appointed by the Bush administration) et donnait l’image d’une volonté implacable. Comme le soulignait le WSWS après l’exécution de Saddam Hussein :

 Le motif politique le plus fondamental du gouvernement Bush est son désir de tuer ouvertement devant les yeux du monde un adversaire majeur dans le but de démontrer sa capacité et sa volonté de le faire. De l’avis de la Maison Blanche, le sort de Saddam Hussein constitue une leçon de chose pour tout futur adversaire de l’impérialisme américain : défiez la volonté de Washington et son sort pourrait être le vôtre. 

La destruction du régime baassiste en Irak, que les Etats-Unis avaient tacitement soutenu dans la guerre Iran-Irak, avait laissé l’Iran comme puissance régionale la plus forte dans le Golfe persique. Il devenait logiquement la prochaine cible des Etats-Unis dans leur campagne pour dominer la plus importante région productrice de pétrole du monde.

Une nouvelle étape dans les efforts des Etats-Unis pour miner le régime iranien a débuté en 2006 par une campagne du gouvernement Bush pour faire pression sur le Conseil de sécurité des Nations unies (pressure the United Nations Security Council); celui-ci devait prendre des sanctions après l’annonce faite par l’Iran de vouloir reprendre son programme d’enrichissement d’uranium. Une déclaration du comité de rédaction du WSWS (WSWS Editorial Board statement) datée du 21 janvier disait :

Tout comme le gouvernement Bush avait recouru aux prétendues armes de destruction massives de l’Irak, il est en train d’exploiter la ‘menace nucléaire’ iranienne pour promouvoir ses ambitions en vue d’une domination sans limites de cette région riche en ressources…

En s’opposant aux activités prédatrices de l’impérialisme américain au Moyen-Orient, le World Socialist Web Site ne concède aucun soutien politique ni au régime théocratique réactionnaire de Téhéran ni à une quelconque tentative de sa part d’acquérir des armes nucléaires.

La menace d’une guerre nucléaire n’est nullement une réponse à l’agression impérialiste mais une recette pour un holocauste nucléaire au Moyen-Orient et ailleurs. L’unique alternative réaliste à la politique prédatrice de l’impérialisme et au danger de guerre nucléaire est le programme d’une lutte de classe révolutionnaire. 

Des preuves supplémentaires de préparatifs américains pour bombarder l’Iran (États-Unis: Menaces américaines contre l'Iran: le spectre de la barbarie nucléaire Déclaration du comité de rédaction du WSWS) apparurent au cours de l’année alors que le gouvernement Bush intensifiait la pression en dépit d’une opposition récalcitrante de la Chine et de la Russie (grudging resistance from China and Russia) qui voient la poussée américaine contre l’Iran comme une menace à leurs propres intérêts. Les falsifications utilisées par les responsables américains étaient tellement patentes que la propre agence atomique de l’ONU, l’AIEA, a publié un rapport les critiquant (L’AIEA expose les mensonges américains sur les programmes nucléaires iraniens). Mais, d’ici la fin de l’année, le Conseil de sécurité de l’ONU avait mis en œuvre de nouvelles sanctions strictes contre l’Iran (new sanctions on Iran) qui pourraient servir, comme l’avait montré l’exemple de l’Irak, de prétexte à une guerre.


La guerre au Liban et au Sri Lanka

Le mépris flagrant pour le Droit international de la part des Etats-Unis a servi d’exemple à suivre à des puissances plus faibles, notamment à leur principal allié au Moyen-Orient, Israël. En juillet 2006, les Forces Israéliennes de Défense ont lancé une invasion massive au-delà de la frontière israélo-libanaise (a massive invasion across the Israel-Lebanon border) qui a provoqué un conflit d’un mois et retenu l’attention du monde, posant le danger d’une guerre régionale bien plus grande.

Israël a profité de la détention au Sud Liban de plusieurs soldats israéliens par les forces du Hezbollah pour lancer l’invasion sous prétexte de venir en aide aux victimes « d’enlèvements ». Il s’est avéré ultérieurement qu’un comité gouvernemental israélien secret avait, deux ans plus tôt déjà, débattu de projets concernant précisément une telle action militaire.

L’invasion avait reçu le plein soutien politique et militaire des Etats-Unis. Une déclaration du comité de rédaction du WSWS (Les véritables objectifs de la guerre menée contre le Liban par Israël avec l’appui des États-Unis) avait remarqué :

Le but immédiat de cette guerre – l’élimination du Hezbollah en tant que force militaire et politique au Liban – est dirigé contre toute résistance des masses à la domination israélienne et américaine du pays. L’administration Bush et ses alliés à Jérusalem voient ceci comme une étape essentielle vers: 1) la suppression du régime baathiste syrien et 2) le déclenchement d’une guerre totale contre l’Iran.

Les forces israéliennes ont effectué de brutales attaques alors qu’elles tentaient de prendre le contrôle du Sud Liban jusqu’à la rivière Litani. Elles ont largué des tracts exhortant la population à fuir tandis que les Forces israéliennes de Défense (IDF) étaient en fait en train de bombarder les voies d’évacuation. La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice (Rice laisse des traces sanglantes au Liban) a fait une tournée du Moyen-Orient, refusant d’appeler à un cessez-le-feu israélien et aidant ainsi Israël à atteindre ses objectifs de guerre.

Malgré des atrocités flagrantes, dont le meurtre d’au moins 57 personnes, en majorité des enfants, dans un immeuble d’appartements à Cana (Qana), le gouvernement Bush tout comme les médias américains (American media) ont accordé un soutien sans faille à l’invasion israélienne.

Le WSWS avait prévenu que cette politique (Comment aller de l’avant dans la lutte contre la guerre?) visait à préparer l’opinion publique américaine à une expansion des guerres à travers tout le Moyen-Orient.

L’appui des Etats-Unis à la guerre israélienne contre le Liban n’est qu’une étape vers de futures campagnes militaires pour provoquer un ‘changement de régime’ en Syrie et en Iran. Washington ne permettra à aucun régime, qui pourrait même ne constituer qu’une menace potentielle à ses ambitions mondiales, de demeurer au pouvoir.

Malgré toute la violence de l’attaque israélienne, le Hezbollah, le mouvement chiite qui jouissait d’un vaste soutien dans les sections les plus opprimées de la population libanaise, a fait preuve d’une résistance sans précédent à l’invasion. L’IDF a faiblement progressé, se révélant incapable de faire cesser le bombardement de représailles perpétré contre les villes du Nord d’Israël. Après un mois de guerre, Israël et le gouvernement Bush ont accepté un cessez-le-feu appuyé par le Conseil de sécurité de l’ONU.
L’aboutissement a été une débâcle pour Israël et les Etats-Unis. Le WSWS avait expliqué : (A la veille du cessez-le-feu au Liban : les Etats-Unis et Israël font face à un fiasco politique)

« Pendant ce temps, l’image internationale d’Israël et des Etats-Unis a pris un dur coup. Israël est vu plus que jamais comme un régime hors-la-loi et meurtrier, responsable d’avoir commis plusieurs crimes de guerre au Liban. Les Etats-Unis sont perçus comme un régime criminel qui tire les ficelles.

Rien n’effacera les images de Rice à Beyrouth proclamant la naissance d’un ‘nouveau Moyen-Orient’ alors que les bombes et les missiles israéliens fournis par les Etats-Unis détruisaient le pays. »

L’autre guerre majeure qui a éclaté à l’été 2006 a duré trois ans et pas seulement un mois. Au Sri Lanka, après avoir remporté de justesse les élections en novembre 2005 avec le soutien de deux partis extrémistes cinghalais, le président Mahinda Rajapakse a rapidement abandonné toute prétention d’être « un homme de paix. » Il replongea le pays dans une guerre communautaire sanglante qui avait été déclenchée en 1983 par l’élite dirigeante de Colombo.

Suite aux provocations militaires (military provocations) délibérées contre les Tigres de Libération de l’Eelam tamoul (LTTE), les pourparlers de paix d’Oslo entre le gouvernement sri lankais et le LTTE se sont effondrés au mois de juin (collapsed in June). En l’espace de quelques semaines et sous le prétexte humanitaire de rouvrir une vanne d’irrigation fermée par le LTTE, le gouvernement a lancé une offensive (launched an offensive) pour reprendre les zones contrôlées par le LTTE en préparant ainsi le terrain à une intensification de la guerre qui a coûté des dizaines de milliers de vies.

En octobre, le Parti de l’Egalité socialiste au Sri Lanka a condamné (the Socialist Equality Party in Sri Lanka condemned) la reprise de la guerre par le gouvernement en exposant ses profondes racines politiques, économiques et historiques et en avançant un programme socialiste pour y mettre fin. Le SEP a expliqué que le retour à la guerre était lié à la nouvelle période de militarisme mondial ouverte par les Etats-Unis. Directement encouragé par le gouvernement Bush, et après avoir appuyé les crimes soutenus par Washington en Afghanistan et en Irak, le gouvernement de Colombo avait déclenché sa propre agression contre la minorité tamoule sous l’égide de la « guerre mondiale contre le terrorisme. »

Le SEP a exigé le retrait immédiat et inconditionnel de toutes les forces sri lankaises des zones de guerre dans le Nord et l’Est comme partie intégrante de la lutte pour l’unification des travailleurs et des masses opprimées de l’île – tant cinghalaises que tamoules – dans la lutte pour un programme socialiste à travers l’Asie du Sud et internationalement.

Le parti a prévenu que l’armée sri lankaise et ses organisations paramilitaires alliées étaient en train de commettre des atrocités – y compris le meurtre de sang-froid de 17 travailleurs humanitaires (murder of 17 aid workers) et une frappe aérienne sur une école qui a tué un grand nombre de jeunes étudiantes – et de mener une campagne secrète d’enlèvements et de meurtres extra-judiciaires pour terroriser la population tamoule et quiconque critiquait la guerre, y compris les journalistes.

En tant que parfait exemple de ceci, le partisan du SEP, Sivapragasam Mariyadas, a été tué le 7 août par balle chez lui dans la ville rurale de Mullipothana. (Le PES sri lankais exige une enquête complète sur le meurtre de Sivapragasam Mariyadas) Le SEP et le WSWS ont lancé une campagne internationale pour exiger l’arrestation et la poursuite de ses meurtriers. (Voir : http://www.wsws.org/francais/News/2006/octobre06/231006_amnistie.shtml)


Le cadre d’un Etat policier

Au cours de l’année 2006 on a assisté à une série de divulgations révélant le stade avancé des préparatifs entrepris par le gouvernement américain pour gouverner avec les méthodes d’un Etat policier. Le WSWS a commenté les informations qui révélaient l’espionnage secret aux Etats-Unis ; la torture et les violations des droits de l’homme à la prison de Guantanamo Bay ; et comment les gouvernements européens ont aidé les Etats-Unis à transférer par avion des détenus vers des prisons secrètes pour les torturer, une pratique appelée restitution extraordinaire. De plus, le Congrès a passé une loi décisive, que Bush a signée, et qui éliminait les dispositions contenues dans la Constitution et la Déclaration des Droits au sujet des prisonniers jugés devant des tribunaux militaires.

En décembre 2005, le New York Times a publié un article révélant que la National Security Agency, qui s’était précédemment consacrée à la collecte de renseignements étrangers, espionnait des millions d’Américains et autres personnes aux Etats-Unis mêmes. En janvier 2006, l’un des auteurs de cet article, James Risen, avait publié un livre décrivant les énormes banques de données en train d’être créées par la National Security Agency avec l’aide de l’industrie des télécommunications et de l’électronique.

La NSA a exploité des données sans mandat judiciaire, surveillant les communications aux Etats-Unis ainsi que celles entrant et sortant du pays. L’agence a intercepté des appels téléphoniques de centaines de millions d’Américains. Le WSWS avait averti : (WSWS warned)

« Cette menace ne doit pas être sous-estimée. Elle est le résultat d’un effondrement prolongé de la démocratie américaine ayant ses racines dans la crise du système capitaliste, et de la croissance maligne de l’inégalité sociale. »

En août, une chronique du New York Times a révélé que le journal avait appris l’espionnage illégal pratiqué par la NSA avant les élections présidentielles de novembre 2004, mais avait attendu pendant plus d’un an avant de le divulguer. Le gouvernement Bush avait exhorté le Times de retarder la publication et le journal avait obtempéré. Le WSWS avait remarqué alors (WSWS noted) :

Le comportement du Times montre une quasi intégration des médias de masse américains dans l’appareil d’Etat. Il dévoile à quel point les médias fonctionnent comme une annexe de la propagande du gouvernement en masquant ou en faussant les faits sur commande.

Nous avons aussi rendu compte de documents que le Département de la Défense avait publiés en réponse à une poursuite judiciaire intentée par l’Associated Press. Plus de 5.000 pages avaient été communiquées, principalement des transcriptions partielles des Tribunaux d’examen du statut de combattant (CSRT, Combatant Status Review Tribunals), des tribunaux irréguliers dans lesquels les prisonniers ont tenté de défier leur statut de « combattant ennemi. » Lorsque l’AP a publié son analyse, nous avons écrit, « L’analyse donne un aperçu des vies de centaines de personnes qui ont été arbitrairement impliquées et détenues sans motif pendant des années, soumises à un mauvais traitement et à des conditions exécrables… Elles sont détenues en violation flagrante de la Convention de Genève et de toutes les normes du Droit international. »

De nouvelles preuves sont apparues cette année que les gouvernements européens ont été complices des pratiques de la CIA dans les restitutions extraordinaires (en réalité des enlèvements). Les gouvernements européens avaient nié être au courant de cette pratique. Cependant, en mars, le gouvernement britannique du premier ministre Tony Blair avait admis avoir permis que des avions soient utilisés par la CIA (aircraft being used by the CIA) pour transférer des prisonniers vers des centres de détention secrets où ils furent torturés.

En avril, nous écrivions au sujet d’un rapport publié par l’organisation des droits de l’Homme Amnesty International (report from the human rights organization Amnesty International). Le rapport « énumère dans les moindres détails l’odyssée de trois citoyens du Yémen dans quatre prisons secrètes américaines en Afghanistan, à Djibouti et vraisemblablement en Europe de l’Est, en documentant des centaines d’escales à des aéroports européens faits par des avions utilisés par la CIA pour des enlèvements illégaux. » Avec les restitutions écrivions-nous (we wrote), « Il n’y a ni accusation officielle ni rapport fait à une autorité quelconque ou aux familles quant à l’endroit où se trouvent les prisonniers. Les victimes n’ont pas accès à un avocat ou à une aide juridique ; ils ont tout simplement disparus. »

En octobre, le président George Bush a signé la loi sur les commissions militaires (Military Commissions Act) de 2006 qui avaient été adoptée par la Chambre des représentants et le Sénat. Après la promulgation de la loi le WSWS a écrit : (WSWS wrote)

Elle attaque les droits de tous les citoyens américains ainsi que de tous les résidents légaux et autres immigrants qui seront dorénavant assujettis au risque d’être arrêtés et emprisonnés à vie sur ordre du président seul et sans contestation judiciaire.

En vertu des termes de cette loi, le président peut qualifier toute personne de ‘combattant ennemi illégal’, cette personne pouvant être capturée par des agents secrets et emprisonnée indéfiniment sans recours judiciaire. La loi définit un ‘combattant ennemi illégal’ comme ‘un individu qui se livre à des hostilités contre les Etats-Unis’ et qui ne fait pas partie d’une armée adverse…

Une analyse ultérieure a souligné le caractère historique de cette attaque contre la Constitution et la Déclaration des Droits : (Bush signe la loi autorisant des tribunaux dignes d’un Etat policier et la torture)

Le changement légal le plus important amené par cette loi est l’élimination de l’habeas corpus pour tout non-citoyen arrêté par le gouvernement américain et emprisonné en tant qu’’ennemi combattant illégal’. Ces individus n’auront pas le droit à être entendus devant une cour pour juger s’il existe une preuve suffisante pour justifier leur détention.

Les implications de tels rapports sont claires : les plans sont déjà avancés, au sein de l'administration Bush et des agences militaires et du renseignement, pour criminaliser la dissidence politique et menacer ceux qui s'opposent à la guerre américaine en Afghanistan et en Irak ainsi que ceux qui défendent les droits démocratiques, de terroriste potentiel, qui peuvent ensuite être étiquetés comme étant un ‘combattant ennemi illégal’, arrêté et enfermé dans le nouveau goulag américain.


Réunion du comité de rédaction international du WSWS

Le Comité International de la Quatrième Internationale s’est préparé pour les soulèvements politiques en 2006 lors d’une réunion élargie du comité de rédaction international (CRI) du World Socialist Web Site qui a eu lieu du 22 au 27 janvier 2006 à Sydney en Australie. Des membres dirigeants du CRI du WSWS et des délégués des sections du Comité International de la Quatrième Internationale ont présenté leurs rapports sur les conditions politiques qui existent dans pratiquement toutes les régions du monde, et qui furent par la suite publiés dans le WSWS.

David North, le président du CRI, a présenté le rapport introductif (Australie: Rapport introductif de David North à la réunion du comité international de rédaction du WSWS). Il a expliqué :

 Toute tentative sérieuse de faire un pronostic politique, de donner une estimation des potentialités contenues dans la situation politique existante doit s'appuyer sur une compréhension précise et juste du développement historique du système capitaliste mondial.

L'analyse du développement historique du capitalisme doit fournir une réponse à cette question essentielle : le capitalisme en tant que système économique mondial suit-il un cours ascendant et celui-ci n'a-t-il toujours pas atteint son apogée, ou bien est-il sur le déclin et est-il même en train de plonger dans l'abîme?

La réponse que nous donnerons à cette question aura inévitablement des conséquences extrêmement importantes, non seulement pour la sélection de nos tâches pratiques, mais encore pour toute l'orientation théorique et programmatique de notre mouvement.

Dans son rapport sur l’économie mondiale Nick Beams a déclaré :

L’année a débuté avec de nouvelles prédictions de forte croissance pour toutes les grandes économies industrielles et pour l’économie mondiale au complet…Toutefois, derrière les perspectives optimistes à court terme, des économistes sérieux se préoccupent de l’état de l’économie mondiale.Ceux-ci pointent du doigt les profondes tensions et déséquilibres structurels, causés avant tout par le déficit croissant de la balance de paiements et l’accélération de l’endettement des États-Unis, qui, à un certain point, provoqueront des changements rapides, sinon une crise.(Voir: http://www.wsws.org/francais/News/2006/Juin06/220606_NickSidney_p.shtml)

Après avoir analysé le parcours historique du capitalisme mondial sur plus d’un siècle, Beams a conclu:

La précédente période de mondialisation qui s’est étendue de 1870 à 1914 a provoqué guerres et révolutions. Le résultat de la présente phase de mondialisation ne sera pas moins explosif. » (Voir: http://www.wsws.org/francais/News/2006/Juin06/240606_NickSydney3.shtml).

Barry Grey a expliqué le rôle crucial joué par le capitalisme américain : (Réunion internationale du comité de rédaction du WSWS Rapport sur les Etats-Unis : l'administration Bush et le déclin mondial du capitalisme américain)

Le destin du capitalisme mondial au siècle dernier a plus été lié au sort des Etats-Unis qu'à celui de toute autre économie ou Etat national. » Il a exposé la montée et la chute de l’économie américaine par rapport à l’économie mondiale en disant :

Ces changements profonds ont eu des conséquences majeures sur les rapports entre les classes et sur la physionomie sociale des diverses classes aux Etats-Unis mêmes. L'élite dirigeante américaine a elle-même changé. Le processus général de déclin trouve une expression malsaine dans la déchéance politique, intellectuelle et même morale des couches dirigeantes. D'une façon générale, ce sont les plus rapaces, les plus ignorants, les plus bornés et les plus réactionnaires qui sont parvenus au sommet.

Dans son rapport, David Walsh a examiné l’état actuel de l’art et comment il reflète les problèmes objectifs de la société. Il a dit:

Un sens pour les proportions artistiques fait défaut lorsqu’il arrive que l’artiste ou les artistes sont plus ou moins éloignés des véritables forces motrices de la vie et de la société, lorsque le véritable éventail des forces sociales et psychologiques est incertain et manque d’un élément concret. Le scepticisme sur les capacités humaines et plus qu’une bouchée de misanthropie est souvent présente.

De toute évidence, des problèmes objectifs historiques sont contenus dans ces difficultés. L’art ne peut pas se préserver lui-même ou se rendre lui-même totalement plus clair. Le mouvement social de masses d’êtres humains joue un rôle décisif. Trotsky écrit : ‘les mouvements libérateurs des classes et des peuples opprimés [qui] dispersent les nuages du scepticisme et du pessimisme qui assombrissent en ce moment l’horizon de l’humanité.’

La réunion comprenait aussi des rapports sur la guerre en Irak, une perspective pour la Chine, l’Europe, la Grande-Bretagne, l’Amérique latine, l’Afrique, le sionisme et le Moyen-Orient, des rapports sur les attaques croissantes contre les droits démocratiques et les droits constitutionnels ainsi que sur les élections de 2006 aux Etats-Unis, y compris la campagne prévue par le Socialist Equality Party.

Ces rapports ont constitué une analyse marxiste minutieuse de l’état des affaires internationales au début de l’année 2006 et une perspective pour guider les luttes de la classe ouvrière dans la période à venir. Ils ont anticipé à la fois la crise financière mondiale qui a éclaté en 2008 et qui se poursuit à ce jour ainsi que les soulèvements de masse qui, sous l’impact de la crise, ont balayé le Moyen-Orient, l’Europe et d’autres parties du monde

La réunion du CRI a jeté les bases pour une série d’initiatives politiques des sections du Comité International, dont la campagne de la section allemande lors des élections au Sénat de Berlin (Allemagne : le Parti de l’égalité socialiste participera à l’élection au Landtag de Berlin) et à l’occasion desquelles le PSG s’est fortement différencié (Soutenez la campagne électorale du PSG à l’élection au Sénat de Berlin) de toutes les tendances soi-disant à gauche, dont les sociaux-démocrates (SPD), le Parti du socialisme démocratique (PDS, anciens staliniens) et l’Alternative électorale Travail et Justice sociale (Wahlalternative Arbeit und Soziale Gerechtigkeit - WASG). Ces deux derniers groupes fusionneront pour former La Gauche [Die Linke, homologue allemand du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon], qui est actuellement l’un des principaux piliers du régime capitaliste en Allemagne.

Matériel mis en ligne


Les élections aux Etats-Unis et en Australie

Aux Etats-Unis, le Socialist Equality Party a monté une importante campagne pour les élections de mi-mandat de novembre en présentant des candidats au Congrès à New York, en Californie et au Michigan (federal) ainsi qu’aux élections parlementaires dans les Etats de l’Illinois, du Maine, de l’Oregon et de Washington (state).

Comme l’a expliqué la déclaration de campagne (États-Unis: Pour une alternative socialiste aux élections américaines de 2006 Une déclaration du Socialist Equality Party (Parti de l'Egalité socialiste - USA)), la perspective du SEP n’avait pas un caractère purement électoral, mais était plutôt censée donner « une voix et une direction aux millions de travailleurs et de jeunes, aux Etats- Unis et internationalement, qui s'opposent à la politique de guerre, de répression et d'exploitation de l'administration Bush. »

Bill Van Auken, du comité de rédaction du WSWS, a été le candidat SEP pour le sénat américain à New York en affrontant le démocrate sortant et la prétendante probable à l'élection présidentielle, Hillary Clinton, qui avait voté l’autorisation de la guerre d’agression américaine contre l’Irak.

Dans l’Illinois, les responsables du Parti démocrate (Democratic Party operatives) ont tenté d’empêcher le candidat du SEP, Joe Panarauskis, d’être placé sur la liste électorale. Le SEP lança une campagne internationale (international campaign) qui fit que le candidat du SEP fut inscrit sur la liste électorale (certified).

Lors de sa campagne électorale (SEP campaign platform), le SEP avança un programme élaboré sur la base de revendications sociales qui répondent aux besoins des travailleurs en concluant :

Pour sa campagne électorale, le SEP ne dispose pas et n’a pas accès aux milliards de dollars de fonds octroyés par le patronat américain et les ultra-riches pour financer les partis démocrate et républicain et leurs campagnes faites de mensonges et tenant de la foire d'empoigne. Ce que nous voulons atteindre – relever le niveau de conscience de la classe ouvrière – ne peut être accompli qu’en développant un mouvement politique à la base qui mobilisera en général les travailleurs, les membres des professions libérales, les jeunes et les étudiants en dépassant le cadre des élections en soi, en posant les fondements pour la construction d’un parti socialiste de masse de la classe ouvrière.

Comme le SEP l’avait escompté, des millions de travailleurs et de jeunes ont voté lors des élections de 2006 pour exprimer leur opposition à la guerre en Irak et à la politique réactionnaire du gouvernement Bush et du Parti républicain. Les Démocrates bien que n’ayant lancé que de vagues appels au sentiment anti-guerre, furent les bénéficiaires totalement injustifiés (entirely undeserved beneficiaries) de ce tournant vers la gauche effectué par la population américaine, en remportant des dizaines de sièges à la Chambre des représentants et en prenant pour la première fois depuis 12 ans, le contrôle à la fois de la Chambre et du Sénat. (Le Parti démocrate contrôle les deux chambres du Congrès)

La déclaration publiée par le WSWS le lendemain (statement published by the WSWS) des élections avait prévenu :

Il existe un gouffre énorme entre le sentiment anti-guerre considérable présent au sein de l’électorat et l’engagement des dirigeants du Parti démocrate pour une ‘victoire en Irak’ et la poursuite de la ‘guerre contre le terrorisme’.

Ceux qui ont voté pour le Parti démocrate pour exprimer leur opposition au gouvernement Bush et à la guerre s’apercevront rapidement qu’une victoire électorale des Démocrates ne produira aucun changement significatif de la politique américaine, ni à l’étranger, ni sur le plan national. Des millions de travailleurs et de jeunes entreront bientôt en conflit direct avec les Démocrates.

Dans l’Etat de Victoria, le SEP Australie a participé aux élections qui ont eu lieu le 25 novembre, en confrontant à la fois le Parti travailliste australien, qui est au pouvoir dans cet Etat, et les Verts. La plateforme (platform) promue par la campagne du SEP a placé en son centre la lutte de la classe ouvrière en faveur d’une rupture avec les syndicats et le Parti travailliste et la construction de nouvelles organisations de lutte se basant sur des principes socialistes révolutionnaires.


Autres développements politiques

Le 2 janvier, une explosion a bloqué treize mineurs de charbon au fond de la mine de Sago (Sago mine) en Virginie occidentale (dans l’Est des Etats-Unis). En 2004 et en 2005, de nombreuses violations graves des consignes de sécurité avaient été signalées dans cette mine. Dans une série d’articles publiés durant les cinq mois qui suivirent, le WSWS a étudié en détail la tragédie ayant entraîné la mort de 12 mineurs en montrant comment des coupes dans le domaine de la sécurité ont entravé le sauvetage.

Le WSWS a publié les lettres qui nous ont été envoyées sur les conditions existant dans les mines des différents Etats et interviewé les amis et les parents de mineurs décédés (interviewed friends and relatives of the fallen miners). Nous avons aussi retracé l’histoire de l’industrie minière et les grandes luttes menées par les mineurs en faveur de meilleures conditions de travail. « La plus grosse partie sinon la totalité des décès survenus cette année dans les mines de charbon américaines auraient pu être empêchés si les mesures de sécurité proposées pendant près de deux décennies n’avaient pas été bloquées et finalement annulées par les gouvernements Clinton et Bush, » a souligné un article sur la dérégulation (article on the deregulation) de l’industrie minière.

Dans sa couverture du sujet, le WSWS a servi de voix aux mineurs. Il a révélé ce qui sur le plan social et politique avait causé la mort des mineurs, expliqué l’histoire de l’industrie minière et des luttes des mineurs, tout en leur offrant la perspective nécessaire pour combattre les conditions terribles existant dans les mines.

Egalement en janvier, le gouvernement libéral du Canada qui est pouvoir depuis douze ans a été délogé après que les plus puissantes sections du capital canadien aient transféré leur soutien au parti conservateur – qui avait été créé à peine deux ans plus tôt par la fusion du populiste et droitier Parti réformiste/Alliance canadienne avec le Parti progressiste conservateur du Canada, l'alternative gouvernementale traditionnelle de l’élite canadienne.  Les libéraux avaient procédé aux coupes dans les dépenses sociales les plus importantes de l’histoire canadienne, à des réductions d’impôts pour les grandes entreprises et les riches, tout en mettant en place un processus de réarmement de l’armée canadienne. Et pourtant, la classe dirigeante canadienne exigeait l'adoption d'un cours droitier encore plus radical.

Le nouveau gouvernement du premier ministre Stephen Harper a impliqué le Canada encore plus dans la guerre en Afghanistan tout en copiant, à l’intérieur du pays, les méthodes antidémocratiques du gouvernement Bush.(Canada: Le gouvernement canadien veut élargir son intervention militaire en Afghanistan) Ceci a inclus la mise en scène de l’arrestation d’une cellule islamiste terroriste à Toronto – un groupe de jeunes gens qui étaient manipulés par des agents provocateurs de l’Etat – et qui devint l’occasion d'une considérable campagne d’intimidation médiatique. (Accusations sensationnelles et grands titres lugubres accompagnent le présumé complot terroriste de Toronto) – (Voir aussi: http://www.wsws.org/francais/News/2006/octobre06/201006_toronto.shtml

Alors que les gouvernements européens se rangeaient derrière l’intervention de l’impérialisme américain au Moyen-Orient et en Asie centrale, ils s’efforcèrent aussi de mobiliser un soutien en faveur d’une politique étrangère plus agressive en attisant le chauvinisme anti-islamique sur le plan intérieur. A l’automne de 2005, le journal danois droitier Jyllands-Posten avait publié des dessins racistes du prophète Mahomet. Début 2006, d’importants journaux français, suivis par des journaux et des médias de radiodiffusion de par le monde, en firent de même. En réaction, des protestations de masse eurent lieu du sous-continent indien jusqu’en Afrique du Nord.

Le WSWS a condamné la publication des caricatures en tant que provocation politique. Nous avons exposé les libéraux et les gens de la pseudo-gauche qui ont défendu ce que nous avons appelé la « propagation d’une cochonnerie bigote » en affirmant qu’il s'agissait de laïcité et de liberté de la presse. Au contraire, le WSWS a expliqué que la campagne pour représenter l’Islam comme une culture arriérée et inférieure faisait intégralement partie des attaques croissantes contre les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière en Europe et aux Etats-Unis.

L’incitation à un sentiment antimusulman en Europe a clairement été entreprise par l’élite dirigeante pour fournir un bouc émissaire à l’opposition sociale grandissante à l’encontre des suppressions d’emplois, de la réduction des niveaux de vie et des services publics, alors que des grèves et des protestations se développaient dans les pays les plus importants.

En Allemagne, quelque 40.000 travailleurs du secteur public ont lancé le 6 février une grève (a strike February 6) contre les réductions drastiques des salaires des travailleurs nouvellement embauchés, contre de plus longs horaires de travail et la détérioration des conditions de travail. La grève qui a duré 14 semaines a été la plus longue de l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre, jusqu’à ce qu’elle fut trahie et annulée (betrayed and called off) par les responsables du syndicat Verdi.

Durant cette grève, 22.000 médecins des centres hospitaliers universitaires, qui sont membres d’un petit syndicat professionnel, ont débuté leur propre grève pour des conditions de travail et des salaires meilleurs. Ils furent plus tard rejoints par les médecins des hôpitaux régionaux. Verdi s’y est ouvertement opposé en dénonçant les médecins, en isolant les grèves et en contribuant à leur défaite finale. Le WSWS en tira les leçons (drew out the lessons) en appelant les travailleurs à soutenir le SEP en Allemagne (PSG) qui, dans le cadre de sa campagne électorale dans la capitale, Berlin, faisait campagne pour une politique socialiste en réaction à ces attaques.

Le 18 mars 2006, 1,5 million de personnes ont défilé à Paris et dans d’autres villes françaises contre l’introduction du Contrat première embauche (CPE) qui confère aux employeurs le droit de licencier arbitrairement de jeunes travailleurs. (France: Un million dans la rue pour s'opposer aux attaques gouvernementales contre la sécurité d'emploi des jeunes travailleurs) Cette manifestation a été l’aboutissement d’un mouvement organisé par des lycéens et des étudiants et qui avait connu un soutien massif de la part de la population et pris au dépourvu le gouvernement conservateur de Villepin.

Le WSWS a expliqué les tâches politiques auxquelles les travailleurs et les jeunes étaient confrontés en France en soulignant le besoin d’une rupture consciente avec les perspectives réformistes et nationales. Nous avons prévenu que le Parti socialiste et le Parti communiste avaient déjà joué un rôle crucial en aidant à imposer les mesures d’austérité et qu’un autre gouvernement de la gauche traditionnelle jouerait un rôle tout aussi traître.(L’unique réponse au CPE : une stratégie socialiste pour le pouvoir)
Lorsque le gouvernement retira le CPE début avril (France: La lutte contre le CPE soulève la question de la nécessité dâune nouvelle direction pour la classe ouvrière) pour le réintroduire dans une forme quelque peu modifiée, tous les partis de la soi-disant « extrême gauche » ont proclamé que c’était une victoire décisive. En réalité, aucun des problèmes auxquels les travailleurs et jeunes en France étaient confrontés n’ont été résolus. Le WSWS a organisé une série de réunions dans ce pays pour discuter des leçons de la lutte contre le CPE. (France: La lutte contre le CPE soulève la question de la nécessité) Au cours du mois d’avril, le WSWS a commencé à afficher quotidiennement des articles en français, et n’a pas depuis cessé de le faire.

En avril, le gouvernement droitier de Silvio Berlusconi en Italie a été évincé (Italie : l'alliance de centre-gauche remporte les élections sur le fil du rasoir) lors des élections législatives et remplacé par une coalition de centre-gauche menée par Romani Prodi qui avait remporté une courte victoire. Le WSWS a expliqué que loin de représenter un changement de politique, Prodi proposait de mener les mêmes attaques contre les prestations sociales et les emplois mais en recourant à la collaboration des syndicats et du PD (Parti démocrate), le principal successeur du Parti communiste italien.

La conséquence la plus significative de ces élections a été l’apparition de Rifondazione Comunista, une faction d’anciens staliniens étroitement alignés sur la gauche petite bourgeoise, en tant que principal appui du nouveau gouvernement et de son programme d’austérité et de guerre (des troupes italiennes furent stationnées en Afghanistan comme partie intégrante de l’occupation des Etats-Unis et de l’OTAN). Comme récompense pour son appui, Fausto Bertinotti, le dirigeant de RC, a été élu porte-parole de la chambre des députés, la fonction parlementaire la plus influente.

En mai, le gouvernement Howard en Australie a déployé 1.300 soldats au Timor oriental (dispatched 1,300 troops to East Timor), quelques semaines à peine après avoir renforcé sa force néocoloniale militaire et policière aux îles Salomon suite à des protestations antigouvernementales. Une déclaration du SEP Australie (statement) a caractérisé l’intervention d’« acte flagrant d’intimidation pour protéger les intérêts économiques et stratégique de l’impérialisme australien dans la régions d’Asie Pacifique. »

Le SEP et le WSWS ont organisé des réunions publiques contre l’intervention au Timor oriental. Dans son rapport prononcé lors de ces réunions, Nick Beams a précisé comment la « gauche » petite bourgeoise s’était alignée sur l’impérialisme australien (middle-class “left” had aligned itself with Australian imperialism) en soutenant l’intervention, tout comme elle l’avait fait en 1999.

En l’espace d’à peine six semaines, l’intervention a résulté en un coup d’Etat politique appuyé par l’Australie qui renversa le premier ministre Mari Alkatiri du mouvement nationaliste Fretilin et installa au pouvoir un homme partageant les vue de Canberra, Jose Ramos Jorta. Le WSWS a publié une analyse détaillée en trois parties, « Comment l’Australie a orchestré un changement de régime au Timor oriental, » (L’impérialisme australien, le Timor oriental et le rôle du PSD) et qui retrace les manœuvres de Canberra au cours des cinq années qui ont précédé la destitution du gouvernement.
Le WSWS a exposé au grand jour les sales coups organisés par Canberra ailleurs au Pacifique Sud, y compris la tentative du gouvernement Howard, soutenu par le Parti travailliste, d’extrader des îles Salomon le procureur général Julian Moti (extradite Solomon Islands Attorney General Julian Moti) sur des allégations fallacieuses de viol, ce qui était un moyen de déstabiliser le gouvernement des îles Salomon et d'empêcher qu’une enquête sur la prise de contrôle néocoloniale de ce pays par l’Australie ne puisse avoir lieu.

Le 1er juillet, les élections présidentielles au Mexique ont engendré une crise politique majeure du fait de la revendication de Felipe Calderon du parti droitier PAN au pouvoir d'une victoire qu’il remporta de justesse (narrowest of margins) sur Andres Manuel Lopez Obrador du parti populiste PRD. Lopez Obrador avait contesté les résultats (Un candidat présidentiel mexicain conteste le résultat électoral) en émettant des accusations de fraude généralisée. Des protestations de masse de la part de ses partisans ont paralysé Mexico pendant des mois. Calderon prit finalement ses fonctions le 1er décembre.

Le WSWS a expliqué (WSWS explained) que Lopez Obrador avait « tenté un exercice politique sur la corde raide. D’une part, il a cherché à en appeler aux revendications des travailleurs mexicains en faveur de programmes sociaux et d’emplois, tout en lançant des attaques démagogiques à l’encontre l’oligarchie dirigeante au Mexique. D’autre part, il a cherché à assurer le patronat mexicain et étranger qu’en tant que président il n’appliquerait nullement une politique remettant sérieusement en cause la domination politique et économique de l’élite dirigeante. »
En septembre, un coup d’Etat militaire en Thaïlande (coup in Thailand) a évincé le milliardaire démagogue populiste Thaksin Shinawatra et l’a envoyé en exil. Le coup d’Etat avait fait suite à des mois de luttes intestines aiguillonnées par des factions droitières de l’élite dirigeante, dont la monarchie, qui craignaient que des concessions sociales faites aux masses rurales dans le Nord-Est, un bastion politique de Thaksin, n’aient des conséquences politiques incontrôlables.

En novembre et décembre, les résultats des élections en Amérique latine ont confirmé la montée d’une faction de l’élite dirigeante qui avait recours à un discours social-démocrate et populiste pour éviter un tournant à gauche de la classe ouvrière. Ceci s’est manifesté par la réélection de Lula (reelection of Lula) comme président du Brésil, le retour au pouvoir de Daniel Ortega au Nicaragua (Daniel Ortega in Nicaragua) et l’élection en Equateur de (Rafael Correa in Ecuador).


Art, culture et philosophie

A la fin de 2006, le WSWS fit remarquer que l'année avait été d'une façon générale une année pauvre pour ce qui était des films américains et de langue anglaise. En fait, ce fut une année déplorable et certains des articles publiés en donnent une idée :

Comme le rédacteur responsable de la rubrique Arts le notait dans sa rétrospective de fin d'année, les cinéastes, même ceux doués d'un bon instinct artistique, manquaient cruellement d'une compréhension de la société dans laquelle ils vivaient et travaillaient: « Des intentions correctes et humaines doivent être enrichies et approfondies par la connaissance – de l'histoire et de la société avant tout. Pour réaliser un travail important il faut savoir des choses importantes. »

Il y eut quelques exceptions, bien que peu d'entre elles réussirent à sortir sur le marché américain et que la plupart ne furent visibles que dans les festivals du film: Water, dont la critique fut accompagnée d'une interview de la cinéaste Deepa Mehta qui fut la cible d'une campagne de censure par les intégristes droitiers Hindous ; le documentaire sur la guerre en Irak, The Prisoner, or How I Planned to Kill Tony Blair; le film, déficient, de Ken Loach sur la rébellion irlandaise de 1916 The Wind that Shakes the Barley.
Il y eut des articles nécrologiques sur deux cinéastes importants : Robert Altman et le japonais Shohei Imamura.

Sur le plan de la musique, les Dixie Chicks (Les Dixie Chicks tiennent bon ) ont sorti un album où le groupe maintient sa position contre la guerre et sa sympathie envers les situations sociales affectant la classe ouvrière. Une campagne droitière fut menée contre lui après que la principale chanteuse du groupe, Nathalie Maines, se fut prononcée contre George W. Bush et la guerre en Irak en 2003. Cette chasse aux sorcières a largement échoué.

Le WSWS a également publié une suite d'articles à l'occasion du 250e anniversaire de la naissance de Mozart (250th anniversary of the birth of Mozart), examinant le contexte social et politique qui a modelé le grand compositeur, décrivant sa carrière, son mélange unique de styles musicaux italiens et allemand, et ce qu'il devait tant à la tradition baroque qu'à son ami et mentor Josef Haydn.

Un article fut publié sur une exposition (exhibit) du Musée Guggenheim de New York, ayant pour thème 800 ans d'art russe. Le WSWS expliqua l'objectif politique de l'exposition qui était de présenter la "nouvelle" Russie comme un acteur majeur sur la scène mondiale. Nous avons critiqué l'exclusion évidente de l'art produit durant la Révolution russe et de l'impact de la révolution sur les arts avant les effets ravageurs engendrés par le stalinisme.

Nous avons également publié une critique de la performance multimédia, Honour Bound, sur le traitement de David Hicks, un australien emprisonné à Guantanamo pendant presque cinq ans.

Dans le domaine de la philosophie, le WSWS a publié une critique en deux parties par David North du livre Marx after Marxism: The Philosophy of Karl Marx, de Tom Rockmore. North y a réfuté les efforts faits par Rockmore pour présenter Marx comme un idéaliste étant pour l'essentiel resté hégélien, tout comme une attaque envers Engels dont il a fait un matérialiste vulgaire. North écrivit:

Il existe un nombre substantiel de nouvelles publications universitaires préconisant le renouveau de diverses formes de philosophie et de politique antérieures à Marx. Elles affirment que l'apparition du jeune Docteur Marx au début des années 1840 a fait avorter le développement de philosophies et de mouvements sociaux alternatifs progressistes et de gauche. Comme l'œuvre de Marx s'est développée sur la base d'une critique impitoyable de Hegel, on avance l'argument qu'il faut réparer les dégâts engendrés par l'attaque de Marx. Le vieux philosophe idéaliste, disent ces auteurs, ayant été remis à l'endroit par Marx, doit à présent être remis à l'envers.