L’amour au temps de la course aux armements
Pas facile de s'accoupler pour une certaine espèce de coléoptères (qui englobe les scarabées, les coccinelles, les hannetons...) dont le pénis des mâles se barde d'épines de plus en plus longues et pointues et dont la paroi des parties génitales de la femelle s'épaissit pour réussir l'exercice de fécondation. Voici l'histoire d'une sexualité extrême.
Un texte d'Alain Labelle
L’espèce en question : la bruche du niébé ou Callosobruchus maculatus. Des chercheurs australiens l’ont étudiée pendant dix ans et ont réussi à mettre en évidence une véritable « course aux armements » sexuelle au sein de l’espèce.
Le phallus du mâle ressemble étrangement aux fléaux d'armes, ces boules en acier aux pointes acérées utilisées au Moyen Âge pour terrasser l'adversaire.
Quant aux femelles, elles n’en sortent pas indemnes : en effet, la paroi de leurs parties génitales s'est épaissie pour y faire face.
« L'accouplement traumatique est observé chez plusieurs autres espèces », explique Liam Dougherty de l'Université d'Australie-Occidentale à Crawley.
D'autres exemples
Un autre exemple, plus connu, est celui des punaises de lit. Le mâle perfore l'abdomen de la femelle avec son pénis en forme d'aiguille hypodermique pour directement déverser ses spermatozoïdes au bon endroit. Des piquants ornent également les pénis de nos cousins les chimpanzés, des chats ou des limaces de mer.
Pourquoi un animal développe-t-il de telles armes? La théorie dominante veut que les mâles équipés de pénis avec de longues épines aient une plus grande réussite en matière de fertilisation.
Ainsi, pour augmenter son succès reproductif, au cours des générations, la bruche du niébé a acquis des épines de plus en plus longues, comme le veut la sélection sexuelle décrite par Darwin.
Selon les auteurs de ces travaux publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B, ces accouplements dévastateurs ne sont pas immédiatement meurtriers. Cela ne serait pas à l'avantage du mâle, puisque la femelle doit pouvoir élever sa descendance. Mais, à terme, ils réduisent la durée de vie des femelles.
Ces dernières ne sont pas restées sans réaction face à cette évolution :
- l'épaisseur moyenne de l'appareil génital de la femelle a augmenté pour éviter la perforation;
- les femelles ont développé leur système immunitaire, les plaies sont moins nocives et peuvent être réparées plus rapidement.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont étudié 13 groupes de bruches du niébé élevées en laboratoire pendant plus de 10 ans. Les chercheurs ont ainsi pu voir défiler environ 100 générations.
La coévolution observée chez cette espèce aboutit à une course aux armements sexuelle, mais également à une baisse de la fertilité des femelles.
Le chercheur rappelle que chez de nombreuses espèces, les intérêts évolutifs des mâles et des femelles peuvent être différents, un concept que les scientifiques appellent le conflit sexuel.