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Les usages de l'argent

La fausse monnaie au village

Les Landes aux xviiie et xixe siècles
Bernard Traimond
p. 27-44

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Lieux d'étude :

Aquitaine
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Texte intégral

1La fausse monnaie n’existe pas dans les écrits des économistes. Elle ne joue en effet qu'un rôle infime dans les bilans de la Banque de France et à ce titre ne mérite pas d'entrer dans les catégories des statisticiens ou des économètres. Ces derniers ne s'intéressent qu'à des phénomènes massifs aux dimensions suffisantes pour que les groupes dirigeants puissent les appréhender à l'échelle nationale. Or, à cette échelle, la fausse monnaie se réduit à des problèmes de simple police, à des faits divers ou à des questions juridiques et pénales.

2Pourtant, le dépouillement des archives judiciaires des xviiie et xixe siècles révèle un grand nombre de dossiers traitant de l'utilisation et de la fabrication de fausse monnaie. Les plaintes et les procès se multiplient pendant une cinquantaine d'années, de 1792 à 1840, période de la Révolution durant laquelle une fureur semble s'emparer des populations : elles battent monnaie ou, plus précisément, ce sont ceux qui travaillent les métaux, forgerons ou orfèvres, qui se sentent capables de fabriquer des pièces. Dans les villages, cette activité semble se banaliser ou, pour le moins, l'usage d'espèces frappées sur place ne rencontre guère d'hostilité. Une certaine conception de l'utilisation de la monnaie préside à ces pratiques insolites, conduites illégales qui, à défaut d'intéresser l'observateur d'en haut, sont admises par les classes dominées.

3Signalons rapidement les difficultés inhérentes à l'utilisation des sources judiciaires principalement employées ici. D'une part, elles font surtout apparaître les préoccupations des autorités qui peuvent pourchasser particulièrement ce type d'activités à certaines périodes, et les négliger par la suite. D'autre part, seuls figurent dans les dossiers de la justice les conflits que les méthodes d'arbitrage internes aux sociétés rurales n'ont pu résoudre (Cobb 1975 : 21-73). Enfin, devant juges et policiers, l'accusé cherche à se défendre, à échapper à la police, ce qui l'amène à tenir des propos parfois incohérents pour l'observateur extérieur1, souvent mensongers. Le type de sources que nous utilisons réclame donc une grande prudence dans son traitement, d'autant que les conditions d'émergence des affaires nous échappent le plus souvent.

4En nous limitant à une région précise, le département des Landes et accessoirement celui de la Gironde, en tenant compte des conditions dans lesquelles les procès-verbaux des interrogatoires et les accusations ont pu être rédigés, nous allons essayer de comprendre ces conduites singulières. Le choix d'un espace restreint nous permet d'échapper à une vision globale, massive, à la recherche d'« agrégats », pour privilégier l'examen des pratiques, observer la monnaie du point de vue des utilisateurs, comme l'ont fait bien des ethnologues dans les sociétés exotiques auxquelles les banques n'imposent pas une vision chiffrée et centralisée de ces instruments d'échange, de mesure et d'épargne. En revanche, faute de pouvoir comparer ces données à des études effectuées dans d'autres régions d'Europe, les causes générales liées à la période historique considérée se distinguent mal des mécanismes exclusivement locaux ou régionaux. Ainsi, le fait que l'essentiel du métal monétaire, l'argent, quitte illégalement l'Espagne par Bayonne habitue les populations locales aux trafics et aux procédés de fabrication des pièces. Non seulement tout le monde connaît des contrebandiers, mais chaque employé des ateliers des monnaies de Bordeaux et de Bayonne familiarise son entourage avec les techniques utilisées dans son travail. Ces circonstances auraient encouragé la confection de fausses pièces en Gascogne mais rien ne nous dit que le phénomène ne se soit pas développé plus largement, indépendamment de mécanismes locaux. Un examen plus précis de la configuration des dossiers met en lumière deux caractéristiques de ces affaires : la place particulière des femmes et le rôle déterminant des artisans des métaux, forgerons ou orfèvres.

5La situation sociale favorise l'utilisation de la fausse monnaie, qui se développe dans un contexte historique précis, ainsi que le montre le graphique établi en annexe, courbe de Gauss culminant autour de 1800.

6Par ailleurs, les autorités pourchassent certains utilisateurs de fausse monnaie en cherchant à faire appliquer la loi, mais le manque de sérieux et de persévérance dans l'enquête permet aux faussaires de continuer leur activité. Les procès nous parlent donc davantage des juges que des criminels. Dans ces dossiers s'opposent ainsi diverses représentations de la monnaie et de la légalité. En définitive, ces multiples affaires nous amènent à nous interroger sur la définition des fausses espèces dans les campagnes landaises des xviiie et xixe siècles. Aussi allons-nous examiner d'abord la réponse des faussaires, puis celle des usagers et, enfin, celle des autorités, des juges.

La fausse monnaie des hommes de l'art

7Durant la période de fabrication « générale » de fausses espèces, de 1792 à 1840, les travailleurs des métaux s'attribuaient le pouvoir de battre monnaie. A cela correspond l'attitude de leurs « clients », qui toléraient cette pratique. La définition que les usagers faisaient de cette monnaie ne correspondait pas à celle des autorités.

8En effet, cette pratique, alors massive, ne pouvait se déployer qu'à condition de bénéficier, sinon de la complicité, du moins de l'indifférence des populations. Certaines conduites rencontraient même l'adhésion de l'opinion locale tout en se heurtant à la loi. Pour rendre compte de ce phénomène, il convient d'établir une distinction – ainsi que nous l'avions fait à propos du braconnage – entre le légal et le légitime (Traimond 1984 : 357-358).

9La loi nationale définit les normes que les administrations policière et judiciaire doivent faire appliquer. En revanche, la population dans son ensemble peut parfaitement admettre, voire valoriser, des activités illégales. Elle peut considérer normaux et même utiles des comportements que réprouve la loi. Face à une telle attitude, alors fort courante, les autorités ont beaucoup de difficultés à faire appliquer leurs règles. Les gens ne dénoncent pas les délits, entravent l'intervention de la gendarmerie, incitent les juges à l'indulgence, et vont jusqu'à glorifier ceux qui ont eu le courage de braver la justice.

10Bien des indices montrent que la fabrication, ou tout au moins l'usage de la fausse monnaie, bénéficiait d'une certaine complicité de la population. Sinon comment expliquer que bien des faux-monnayeurs se vantaient de leur activité dans des lieux publics ? Le menuisier de Garein, en 1819, avait ainsi porté « dans une auberge de Luglon deux moules en argile »2. Le laboureur d'Herm, en 1820, aurait déclaré, selon un témoin, qu'« il faisait des fausses pièces d'argent : il dit même que, ne pouvant leur donner le son convenable, il devait recourir à un livre qu'un tiers avait »3. L'issue de l'affaire a montré que les deux accusés avaient mal apprécié la situation et l'efficacité des autorités. Le délit semble attesté dans le second cas, mais seuls des « étrangers » au village ont osé accuser le faux-monnayeur, ce qui montre que dans sa propre commune ses concitoyens toléraient, voire encourageaient, son activité.

11Comme menuisier, ce Barthélemy Daribau de Garein ne disposait pas de compétences particulières pour travailler le métal, contrairement aux forgerons, fondeurs ou orfèvres cités plus haut. Sur 14 affaires, 11 mentionnent la profession de l'accusé : 5 accusés sont forgerons ou taillandiers, 6 appartiennent à des professions diverses (2 menuisiers, 1 laboureur, 1 maquignon, 1 colporteur, 1 chirurgien). Cela souligne la place dominante des artisans du métal dans les accusés de fabrication de fausse monnaie. Quand on voulait nuire à quelqu'un, il valait mieux l'accuser d'un délit qui intéresse les juges. En 1820, un laboureur-résinier hermois apparaît ainsi avoir été victime d'une rumeur ou d'une calomnie. Hormis quelques témoignages, nulle preuve attestant de son crime ne fut produite au procès. Pour le faire emprisonner, ses ennemis l'accusaient de fondre de fausses pièces. Quand il s'agissait de surcroît d'un ouvrier du métal, cette dénonciation était d'autant plus efficace que l'accusé avait la compétence en la matière et que les autorités y prêtaient foi. Les artisans passaient assez facilement du travail du fer à celui de l'argent. La proximité de Bayonne, où transitait en contrebande l'essentiel du métal monétaire utilisé en France et où fonctionnait un atelier important, banalisait la fabrication aux yeux des habitants de la région. Encouragés par la proximité des fabriques, des artisans frappaient monnaie ; prédisposée à valoriser cette monnaie de contrebande qui circulait dans la région, la population acceptait d'utiliser leurs pièces.

12Les juges et les policiers, quant à eux, recherchaient des lingots et des moules. Le seul cas d'utilisation de matériel de frappe est attesté à Dax en 18224. L'acte d'accusation donne le détail du matériel utilisé : « Des burins, des échoppes, des matrices de diverses épaisseurs, des pièces carrées d'acier et des presses de fer avec des balanciers dans lesquels il y avait au milieu un creux quarré [sic] propre à recevoir des pièces de rapport. » En effet, cet atelier, cas unique, fabriquait plusieurs types de pièces et les utilisateurs disposaient d'un large réseau pour en écouler la production. Remarquons cependant que, dans ce cas, l'origine sociale des faussaires différait des professions habituelles. Certes le fabricant était un orfèvre, mais ses commanditaires étaient des fonctionnaires, des négociants et des industriels ; en outre, la production provenait de la ville et allait vers la campagne.

13Dans les autres communes, au contraire, les artisans fondaient le métal dans des moules, procédé peu adapté qui produisait des pièces de médiocre qualité mais qui permettait cependant de fabriquer une monnaie utilisable en raison de l'état général des espèces – « informes et grossières », comme le notait le conseil général des Landes en 18265 –, de l'ignorance du public en la matière et, enfin, de la multiplicité des pièces. Le poids de métal déterminant leur valeur, peu importaient la forme ou la qualité de leur empreinte.

14Cependant, il arrivait que les faux-monnayeurs rencontrent des difficultés de fabrication : Castets, « ne pouvant leur donner un son convenable, [...] devait recourir à un livre »6. Même si certains livres donnaient parfois des recettes pour fabriquer des pièces, à l'évidence la maîtrise technique ne suffisait pas toujours. Il fallait davantage et pas seulement du bon métal : c'est en recourant à la magie qu'on pouvait alors donner au faux l'apparence du vrai. Ce savoir ésotérique passait par le livre dont l'utilisation a souvent été étudiée (Piniès 1974, Fabre 1985, Traimond 1989). Le dossier de l'affaire de l'an X, à Audignon, en Chalosse, comprenait ainsi un texte manuscrit donnant, avec la recette de la pierre philosophale, de la baguette divinatoire, de la table des jours heureux et malheureux, le « moyen de rendre le cuivre aussi blanc que l'argent ». Même si le texte se présente sous une forme technique, décrivant des procédés et assorti d'autres préoccupations, il a également une dimension magique.

Le droit de battre monnaie

15Dans un tel contexte, pourquoi empêcher un homme de l'art de transformer les lingots de métal en pièces ? Hormis l'interdiction imposée d'en haut et, de ce fait, relativement abstraite, aucune raison de principe ne justifiait localement cette prohibition. Dans nombre de leurs pratiques et notamment l'usage de la monnaie, les populations ignoraient les textes administratifs et législatifs. A Bordeaux en 1898, 60 % de la petite monnaie provenait de l'étranger (Traimond 1988). Des pièces démonétisées depuis longtemps continuaient à circuler. Les espèces les plus informes participaient aux échanges. Dans l'« anarchie monétaire » du xixe siècle (Thuillier 1983 : 63, 108), l'interdiction de battre monnaie figurait donc dans la liste des règles non respectées.

16De plus, la principale espèce utilisée étant le billon, l'éventuelle fabrication de pièces d'or ou d'argent n'avait aucun effet sur la vie quotidienne de la majorité de la population. Cela ne lésait que les riches. D'ailleurs, en 1821, voyant une fausse pièce d'or de 20 francs, François Mora, de Linxe, la trouva si belle qu'il « la désira et l'obtint moyennant 21 francs en argent, [...] disant qu'il en prendrait d'autres au même prix »7. L'aspect de la pièce l'intéressait donc davantage que sa valeur et seule sa bonne apparence en déterminait le montant.

17En outre, une singulière enquête menée en 1809 sur les pièces de cuivre et de bronze – exhumée des Archives nationales par Guy Thuillier – expliquait la pénurie de ce type de pièces dans l'Ariège et les Landes « par la fonte qu'on en fait pour la fabrication des ustensiles de ménage » (Thuillier 1983 : 418). Ainsi, les autorités constataient que l'on passait sans scrupule de la monnaie aux ustensiles et, certainement, des ustensiles à la monnaie. Aujourd'hui encore, à Herm, ne dit-on pas d'une grande quantité de pièces qu'i a pro untar har ua caudera (« il y en a assez pour faire une chaudière ») ? Cette expression de la langue courante garde trace d'une époque où les populations percevaient la monnaie comme une simple masse de métal pouvant avoir différents usages. Rien, sauf les grincheux, n'empêchait alors de transformer des lingots de cuivre, d'argent ou d'or en pièces ou... en chaudrons, ni l'inverse.

18Cependant, la frappe d'espèces dont on ne pouvait tirer qu'un faible bénéfice ne présentait qu'un intérêt limité. Les particuliers imaginèrent donc des procédés plus lucratifs. Ils modifiaient le titre, faisaient passer une pièce frelatée pour une bonne, utilisaient un métal de moindre qualité et allaient jusqu'à l'escroquerie, par exemple en dorant des pièces d'argent. En fait, ce sont ces malfaçons qui suscitaient des plaintes. Si l'inculpé n'était pas explicitement accusé d'avoir forgé des pièces, cette fabrication se trouvait sanctionnée par d'autres biais. Ainsi, suite à des témoignages rapportant que l'inculpé s'était vanté de fabriquer de la monnaie, celui-ci, en produisant comme preuve les moules qu'il avait conservés, se défendit d'avoir fabriqué des pièces avec du métal vil. La reconnaissance du délit de fausse monnaie était donc implicite derrière l'accusation de fraude, mais les juges savaient que cette fabrication de monnaie était considérée par les populations comme légitime, bien qu'illégale.

19Ainsi le menuisier d'Herm, chez qui on avait trouvé en 1820 « des métaux déjà mis en fusion, d'autres intacts encore, des moules propres à faire des boutons, des poudres et limailles qui indiquaient ainsi que quelques vases qui furent décrits qu'il s'effectuait chez Jean Castets père des conversions de métaux en de nouvelles formes mais aucun moule destiné à leur donner celle des pièces »8, nie avoir fabriqué de la monnaie. Cette affaire semblait bien résulter d'une rumeur à l'encontre d'un artisan, rumeur créditée par les autorités. En effet, peu de témoins avaient obtenu de l'accusé une fausse pièce alors que plusieurs déclaraient simplement en avoir vu dans les mains du menuisier. En revanche, de fausses pièces ayant circulé dans la commune – ce qui, nous l'avons vu, n'était pas rare –, les autorités trouvèrent en lui le coupable idéal. Pour sa part, ce dernier se défendit en affirmant que les instruments de fonderie lui servaient à fabriquer des boutons et des balles pour son fusil.

20La notion même de fausse monnaie connaissait des fluctuations selon les personnes et les circonstances mentionnées dans les liasses des procès. Les juges ne l'entendaient pas comme les témoins et encore moins comme les accusés. Chacun avait sa propre conception de la monnaie mais les autorités cherchaient à faire prévaloir la leur, désignant des coupables.

La fausse monnaie des utilisateurs

21La multiplication des affaires de fausse monnaie au moment de la Révolution tient non seulement aux pratiques mais aussi aux représentations de la population. La brusque irruption de la fabrication de fausses pièces et leur usage massif résultaient, au moins en partie, de circonstances historiques précises induites par la modification des comportements.

Les mutations sociale

22En effet, les dossiers – interrogatoires, actes d'accusation et même plaintes – montrent qu'au début du xixe siècle, un nombre relativement important de femmes n'avaient pas l'habitude d'utiliser des pièces. Selon leurs déclarations, qu'il faut cependant considérer avec la plus grande prudence, elles se posaient en inévitables victimes, incapables de distinguer la bonne monnaie de la mauvaise. « Les femmes protestent souvent de leur incompétence dans le maniement des espèces » (Castan 1974 : 311).

23En l'an II, à Bénesse, une femme suspectant la mauvaise qualité d'une monnaie « fut faire voir cette pièce d'or à son mari »9. Un procès-verbal rédigé à Villeneuve-de-Marsan en 1821 désignait les personnes réputées compétentes en la matière : « Elle l'a fait examiner à son époux, à un tailleur et à son garçon qui travaillait chez elle », autrement dit à des hommes10. A la même date, à Mont-de-Marsan, une femme « appela son mari pour la lui montrer et qui trouva cette pièce également mauvaise »11. Le nombre des exemples cités dans la liste des archives publiée en annexe atteste de l'incompétence des femmes en la matière dans cette région et dans d'autres.

24Si les femmes se plaignaient d'être victimes des faussaires, c'est bien que ces derniers les considéraient faciles à tromper, peu averties des modalités d'utilisation des espèces et de leurs caractéristiques. Cependant, les usagers masculins rencontraient eux aussi de grosses difficultés à distinguer les bonnes pièces des mauvaises, et ces difficultés participaient de la tolérance à l'égard de la fausse monnaie.

25Au xviiie siècle, si les femmes ont pu tout ignorer de la monnaie au point d'utiliser en toute innocence de fausses pièces, les hommes eux-mêmes avaient bien du mal à en apprécier le montant, du fait du peu de familiarité qu'ils avaient avec les pièces d'or et même d'argent, mais plus encore en raison de l'inimaginable diversité des espèces en circulation. En 1868, il était possible de rencontrer 33 types de pièces de bronze ayant cours légal en France (voir tableau ci-dessous).

26Ces 33 pièces ayant cours légal ne concernaient que le bronze ou le cuivre. S'y ajoutaient les pièces d'argent et d'or, les espèces démonétisées, sans oublier les monnaies étrangères qui n'avaient pas de cours légal mais circulaient quand même, malgré les mesures d'interdiction successives. En un mot, quand on recevait une pièce, bien souvent on ne l'avait jamais vue, ce qui gênait considérablement les échanges, surtout lorsque les sommes atteignaient des montants élevés. Ainsi, à Tosse en 1824, Lartigau acheta du bois de chauffage et paya avec une pièce d'or de 80 francs (il est vrai que l'or circulait peu avant les découvertes des gisements américains et australiens dans la seconde moitié du xixe siècle), s'engageant à la reprendre si elle se révélait « mauvaise ». Incapable d'en apprécier la qualité, le vendeur consulta donc successivement le buraliste, un marchand et, enfin, « un juif de Peyrehorade »12.

27Sous le règne de Louis XV, le gouvernement espagnol exigea que soit arrêtée l'entrée en contrebande de l'argent espagnol en France. Il se heurtait à l'ambiguïté du pouvoir français, qui, tout en prohibant officiellement l'usage des pièces étrangères, tolérait leur introduction, voire l'encourageait. Ainsi, en 174613 et en 181214, une interdiction en ce sens suscita l'indignation des négociants bayonnais. Protestations et réglementations servaient à donner le change sur le plan diplomatique, alors que dans les faits l'Espagne comme la France avaient conscience de l'absolue nécessité de cette contrebande pour fournir l'Europe entière en numéraire. Le divorce fut ainsi permanent entre la législation et la réalité socio-économique, qui réclamait la circulation d'un minimum de métal monétaire.

28Il en était encore de même au xixe siècle, comme l'illustre la pittoresque affaire de la monnaie du Vatican. Le journal Le Temps du 15 janvier 1869 démentait qu'« au nombre des pièces qui auront désormais le droit de circulation, on a fait figurer les monnaies pontificales ». Pour comprendre cet insolite entrefilet, il faut rappeler que l'Union monétaire latine avait défini les pièces utilisables dans tous les pays membres. Or, suite à l'unification italienne, le pape de Rome, se considérant souverain dans la capitale, avait émis des pièces de billon en fonction de la population qu'il avait à gouverner et en dépit des normes de l'Union monétaire latine, qui fixaient le montant de l'émission des espèces en bronze à 6 francs par habitant. L'entrefilet du Temps apparaît donc comme une mesure de rétorsion : le pape, ne respectant pas les accords de l'Union latine, ne pouvait faire circuler sa monnaie dans tous les états membres (Chausserie-Lapré 1911 : 31-35). L'utilisation de ces pièces successivement autorisées, prohibées puis finalement tolérées est significative de l'incertitude dans la définition des espèces admises dans les échanges, du haut en bas de l'échelle sociale, et illustre le désordre que subissaient, au xixe siècle, tous les utilisateurs de monnaie, lors de leurs transactions quotidiennes.

29Comment, dans cette anarchie, reconnaître les pièces fausses ? La réponse était pragmatique : le montant d'une pièce dépendait de son poids. Le système convenait pour le billon, pièce de cuivre et de bronze, en raison de la faible valeur de la matière. En revanche, cette méthode s'appliquait plus difficilement aux métaux rares, argent et or, car le taux de matière pure devient alors déterminant pour établir la valeur intrinsèque de la monnaie. Le particulier pouvait difficilement apprécier la pureté du métal.

30Dans la vie quotidienne, la question de la fausse monnaie n'était guère soulevée. En effet, la valeur d'une pièce de bronze, quelles que soient son origine et les modalités de sa fabrication, était fonction de son poids et donc de sa taille. Le problème se posait pour les métaux précieux, ce qui explique la présence dans les villes de « contrôleurs de la garantie des monnaies d'or et d'argent », chargés d'éclairer le public sur la qualité des pièces.

31Cette « anarchie monétaire » régnante laissait peu de place au droit régalien de battre (et de légaliser) monnaie. Toute pièce qui respectait les conditions requises de poids s'utilisait sans réserve, quel qu'en soit le fabricant. Dès lors, quiconque avait la compétence pour en fabriquer le faisait.

32Les femmes avaient donc du mal à repérer la fausse monnaie à une époque où on en produisait beaucoup et où – fait nouveau – elles fréquentaient les lieux publics. Ainsi, dans les Landes, sous l'Ancien Régime, non seulement elles pouvaient participer au conseil de fabrique qui gérait les abondants biens de l'Église, mais, dans les villes landaises pour lesquelles nous disposons de registres (Dax, Tartas ou Roquefort), elles fréquentaient les mêmes confréries que les hommes (Traimond 1988). Des témoignages et des documents font apparaître d'autres activités mixtes, la pêche au filet le long des côtes du golfe de Gascogne, et parfois, dans certaines communes, les quêtes masquées de carnaval.

33Singulièrement, cette incompétence dans le maniement de l'argent cessa peu après, autour de 1840, alors que, paradoxalement, surgissaient deux comportements sociaux nouveaux. D'une part, les femmes désertèrent les lieux publics et les cabarets (Traimond 1989 : 113-127) et, d'autre part, la propriété collective des Landes disparut. Aussi les autorités religieuses et administratives cessèrent-elles peu à peu de s'indigner de la fréquentation des débits de boisson par les femmes comme elles l'avaient fait durant la période précédente ainsi que l'attestent les rapports administratifs, les visites épiscopales ou les procès. Si, en l'an IX (1801), un homme pouvait se plaindre que, dans un cabaret, plusieurs femmes l'avaient agressé, l'ayant fait tomber par trois fois et lui ayant même donné un coup de sabot alors qu'il voulait « badiner avec elles »15, ce genre d'affaire devint improbable dans les décennies suivantes ; car au milieu du xixe siècle, les femmes ne fréquentaient plus les cabarets individuellement, et encore moins en bande.

34Or, dans ce début de siècle, un préfet écrivait que dans une frérèche, « la femme du cadet est chargée de la direction du ménage » (Métivier 1839 : 411). Sous sa plume, cela signifiait qu'elle gérait désormais les revenus monétaires. Une multitude d'exemples ponctuels viennent confirmer cette tendance. S'intéressant à la vie d'une famille de métayers, dans l'est du département à la veille de la guerre de 1914, Georgette Laporte-Castède décrivait ainsi la gestion de l'argent familial : « A vrai dire, mon père s'en remet entièrement à ma mère, qui a du temps et sait mieux compter que lui » (Laporte-Castède 1989 : 151). On note donc une rupture entre une période durant laquelle la monnaie restait dans les mains des hommes, les femmes fréquentaient les lieux publics et chacun s'attribuait le droit de fabriquer sa monnaie, et la situation ultérieure inverse. A la fin du xixe siècle, alors que la propriété collective du sol a disparu, les femmes retenues à la maison disposaient des ressources sous forme de monnaie. A cette époque, seuls des délinquants organisés et citadins se livraient au trafic de fausse monnaie.

35La concordance de ces divers phénomènes associe trois domaines très différents. L'utilisation des espèces ne fut dévolue aux femmes qu'à partir du moment où elles demeurèrent à la maison et où les hommes de l'art (forgerons, fondeurs, orfèvres) perdirent la légitimité sociale de pouvoir fabriquer leurs pièces. Cela peut être à corréler à un quatrième phénomène, l'apparition de la propriété privée résultant du vol des communaux qui n'ont pas attendu la loi de 1857 (contrairement à ce qu'affirme une histoire officielle qui reproduit la propagande de Napoléon III) pour tomber dans des patrimoines privés. En effet, dès la Restauration, les communes ont entrepris de se défaire des terres collectives. Elles furent aidées en cela par les préfets successifs qui, par incitation (livres et brochures16), conseils pressants (interventions dans les réunions des conseils municipaux), et contraintes (refus de financer des dépenses par des impôts locaux supplémentaires), multipliaient les pressions pour contraindre les communes à se procurer de nouvelles ressources par la vente de leurs terres (Traimond 1992). Ainsi, à Ychoux en 1835, le conseil municipal mit en minorité son maire, le maître des forges Larreillet, afin de garder ses terres et préféra pour couvrir ses dépenses avoir recours aux centimes additionnels. Le préfet cassa la décision17. Cet exemple illustre l'accord de l'administration centrale et de la bourgeoisie montante pour permettre à celle-ci de s'emparer des communaux bien avant le second Empire.

36Quelle logique préside à la juxtaposition de ces divers modes d'expression sociale ? Pour la comprendre, il convient d'abord de préciser que la femme n'accédait qu'à un seul type de ressources monétaires, celles liées à la consommation18. A l'inverse, le propriétaire, l'homme, le chef de « maison », continuait à disposer des moyens d'investissement, l'achat des terres en particulier. Évidemment, cette fonction ne pouvait exister dans un système de propriété collective du sol et les métayers n'y accédaient jamais, sauf dans le cas, improbable, d'une ascension sociale.

37Ainsi, cette utilisation massive de la fausse monnaie se produisit dans une période de profonds bouleversements politiques et sociaux, conséquents à la Révolution, période durant laquelle, et de façon concomitante, la vie quotidienne se transforma considérablement. La propriété privée, lieu d'accumulation du capital, était du domaine des hommes, même s'ils ne pouvaient guère en disposer, les intérêts de la « maison » passant avant ceux des individus. En revanche, les femmes, qui n'avaient pas toujours accès à l'héritage (malgré le Code civil) ni à des sommes importantes, s'emparèrent des revenus ponctuels et prirent la haute main sur les dépenses quotidiennes, sur les ressources domestiques. L'opposition entre consommation et investissement trouva là un fondement social, un mode d'expression et surtout des espaces de manifestation, au travers d'une spécialisation des groupes sociaux, des lieux et des activités. D'un côté, les femmes, désormais à la maison, gèrent les menues dépenses. De l'autre, les hommes dans l'espace public élaborent les stratégies d'ascension sociale et d'enrichissement par le vol des communaux et la mise en place du système de la propriété foncière privée. Ces considérables bouleversements laissaient vacants des interstices dans lesquels s'engouffrèrent les faux-monnayeurs. Si les autorités organisaient et promulguaient le vol des terres communales, comment pouvaient-elles sanctionner l'activité, bien anodine, de fabrication de fausses pièces qui ne faisaient que passer dans les bourses des femmes ?

La pénurie de petite monnaie

38Ainsi qu'en témoigne une multitude de brochures et de pamphlets19, tous se plaignaient de la pénurie de petite monnaie dès le début de la Révolution. Trois explications étaient avancées : les particuliers se livraient à l'agiotage – la spéculation, dirait-on aujourd'hui –, les émigrés emportaient des espèces et, enfin, les pièces émises étaient immédiatement exportées20.

39Quelles que fussent les causes de cette pénurie, elle était telle que la population ne pouvait régler ses dépenses quotidiennes. Une première solution fut de créer des « monnaies de nécessité » sous l'égide de « caisses patriotiques » ou de simples particuliers. Dans toute la France, des municipalités, des groupements ad hoc ou des commerçants émirent des « billets de confiance » qui s'échangeaient contre de grosses coupures qui étaient, elles, abondantes. Ainsi, à Bordeaux, en 1790, « dans la plupart des cafés de la ville, on mettait en circulation des billets imprimés dont on se sert comme monnaie et que les citoyens qui allaient consommer dans les cafés étaient obligés de recevoir lorsqu'on avait à leur rendre sur les mandats de la caisse patriotique qu'ils présentaient pour payer leurs dépenses »21 ; en outre, une caisse patriotique échangeait « les assignats contre des mandats de 25 livres dont une partie sera chaque jour échangée contre des bons de 10 à 15 livres » (Labadie 1914). Notons au passage que chaque affaiblissement du pouvoir politique – guerres de 1870, 1914, 1940, crise de 1968 – fait éclore des « monnaies sauvages » (Horsin-Déon 1958, Corvol 1930, Gadoury et Elie 1990, Mey 1991, Santacreu-Soler 1986, Traimond 1992) émises par des particuliers ou des institutions (chambres de commerce ou syndicats). Le manque de petites coupures contribua à légitimer l'intervention artisanale des faux-monnayeurs. En effet, les autorités avaient beau condamner officiellement ces activités, elles se plaçaient dans le sillage des groupes qui avaient dû se substituer au pouvoir politique. Si d'autres instances que l'Etat fabriquaient des espèces, pourquoi pas des particuliers ? D'ailleurs les faussaires contribuaient à pallier la pénurie de liquidités, à condition de s'adonner à la fabrication des petites coupures plutôt qu'à celle des grosses, qui abondaient, bien que ces dernières rapportassent davantage. Dans tous les cas, toutes ces monnaies tolérées ou illégales répondaient aux besoins du public, qui pouvait disposer ainsi de différents types d'espèces.

Qu'est-ce que la fausse monnaie ?

40Dans les Landes, à cette époque, la distinction entre vraies et fausses espèces n'est pas nette. « Cazeaux, qui est aussi changeur de monnaie, [lui] dit que cette pièce était tellement fausse qu'elle ne valait pas 50 centimes », déclarait au juge d'instruction Arnaud Seguet, marchand à Castets en 182222. Pour ce témoin, c'était moins la fausseté de la pièce que son degré de fausseté qui importait.

41Les petits commerçants intervenaient dans un débat sur le fondement de la monnaie qui a divisé les économistes jusqu'au xxe siècle. Ceux qui convenaient que l'autorité centrale décide du pouvoir d'achat d'une pièce faisaient la distinction entre vraie et fausse monnaie. En revanche, d'autres faisaient dépendre l'authenticité d'une pièce de la quantité et du prix du métal qui la composait. Dans ce second cas, quand bien même une pièce était fausse sur le plan légal, elle était vraie comme monnaie d'échange, à moins qu'il y ait fraude sur le poids ou la nature du métal (or, argent, cuivre ou alliage).

42Jusqu'au xxe siècle, l'acceptation de toute pièce était d'autant plus facilitée que les monnaies en circulation contenaient rarement de l'or et même de l'argent. L'usage presque exclusif des billons de cuivre et de bronze limitait les risques, étant donné la faiblesse des sommes en jeu, ce qui n'empêchait pas de raisonner selon le principe de la valeur réelle. Dans les campagnes landaises jusqu'en 1940, toute pièce de bronze, quels que soient son état, son origine et son époque, était considérée comme ayant un pouvoir d'achat d'un centime par gramme, c'est-à-dire, un ou deux sous pour 5 et 10 grammes de bronze.

43En 1865, l'accord désigné sous l'appellation d'Union monétaire latine avait en effet affirmé la valeur réelle des pièces dans les pays membres (France, Italie, Belgique, Suisse) pour l'or et pour l'argent. Les populations qui n'utilisaient guère ces espèces appliquaient ces principes au cuivre et au bronze, ainsi qu'au billon, qui était pourtant explicitement exclu du traité23. Ce système préconisait logiquement la circulation des pièces d'un pays à l'autre, ce qu'appliquaient depuis toujours les populations qui n'hésitaient ni à accepter ni à utiliser, fût-ce en contrevenant à la loi, les pièces étrangères de bronze dont la valeur était définie en fonction du poids.

44Dans ce contexte, la notion de fausse monnaie, au sens où nous l'entendons aujourd'hui et telle que la définit le Code pénal, ne concorde en rien avec l'usage qu'en avaient alors les populations.

La fausse monnaie des juges

45Les procès étaient déclenchés par des circonstances précises. Selon qu'elle circulait ou qu'elle donnait lieu à une affaire judiciaire, la fausse monnaie suivait deux circuits de communication. Ici, les pièces passaient d'un utilisateur à l'autre ; là, on dénonçait leur diffusion en empruntant des voies très différentes. En décrivant ces deux circuits, nous pourrons établir leurs mécanismes singuliers. Dès lors, dans les cas où ces réseaux ne se croisèrent pas, c'est-à-dire quand la fabrication ou l'utilisation de fausses espèces échappèrent à la justice, nous ne disposons pas d'archives.

46On peut toutefois relever l'étrange silence des dossiers sur ce « hasard objectif », ce « point d'intersection de deux chaînes indépendantes de causalité », silence particulièrement significatif. A Tosse, en 1824, une plainte dont nous avons parlé abondamment évoquait l'utilisation de pièces d'or de 80 francs, des quadruples. Or, une autre enquête dans une zone toute proche, entre Dax et Lit-et-Mixe, deux ans auparavant, fait état de faux-monnayeurs fabriquant, entre autres, ce type de pièce, rare en raison de son prix (son montant représente presque trois mois de travail, peut-être 20 000 de nos francs). Singulièrement, le juge d'instruction de Dax ne fait aucun parallèle entre ces deux dossiers, proches dans le temps et l'espace.

47Si on écarte l'hypothèse que les juges auraient volontairement occulté ce rapprochement pour éviter d'impliquer des notables, on doit élucider les raisons de leur négligence. Nous nous trouvons en fait en présence de deux types de réseaux, celui de l'appareil judiciaire et policier d'une part, celui de la fausse monnaie, des fabricants et des utilisateurs, de l'autre. Ces deux circuits fonctionnent symétriquement entre Dax et Lit-et-Mixe, entre la ville et la campagne.

Le circuit du savoir, la plainte

48A Lit-et-Mixe, le 7 juillet 1822, le maire en personne se plaignait de la présence massive de fausse monnaie dans sa commune. Il a fait sa propre enquête et recueilli un grand nombre d'informations qu'il transmit aux autorités judiciaires. Deux habitants avaient reçu trois fausses pièces d'or de 20 francs, somme importante. Le 21 juillet, il a reconstitué le réseau de diffusion et désigné les futurs inculpés à la justice qui effectua une perquisition le 25 juillet. Très vite, l'enquête partit des cultivateurs de Lit-et-Mixe vers Pierre Vergés, ancien négociant de Dax. Ce déplacement vers la ville permettait aux autorités locales de protester, de dénoncer les dommages subis par les ruraux, sans risque d'impliquer des membres de la commune, d'autant que les coupables locaux habitaient en dehors de cette commune. La perquisition surprit Vergés, qui chercha « à faire disparaître » deux fausses pièces d'or, puis dénonça ses fournisseurs, Pauzac, contrôleur des contributions, et Maumejean, orfèvre, tous deux domiciliés à Dax.

49Pourquoi le maire s'est-il plaint ? Ce n'est pas la qualité des pièces qui était en cause puisqu'elles circulaient depuis août 1821 au moins et que l'un des utilisateurs les trouvait si belles qu'il acheta une pièce d'or de 20 francs pour la somme de 21 francs d'argent. En revanche, le maire se saisit du fait que les fournisseurs de fausse monnaie étaient deux négociants en résine qui habitaient Dax pour transporter l'affaire ailleurs.

Les intermédiaires

50La résine jouait en effet un rôle particulier du fait qu'elle était la seule marchandise génératrice de revenus monétaires. Le résinier partageait avec le propriétaire la vente de la récolte à des négociants. Ce schéma moderne ne fonctionnait pas toujours sous l'Ancien Régime. Des livres de comptes de l'époque montrent que chacun était payé avec des moyens différents selon son groupe social, le métayer et le petit propriétaire en nature (seigle, parfois maïs), le propriétaire non exploitant en espèces (Hamon 1985). Dans tous les cas cependant, la résine et ses dérivés se vendaient sur les marchés de Dax et de Bordeaux, qui disposaient des espèces produites par les transports.

51Aussi, dans le cas d'une importante affaire de fausse monnaie, les négociants en résine étaient nécessairement suspectés d'être à l'origine des mauvaises pièces qui circulaient dans les campagnes. Naturellement le maire n'avait aucun scrupule à accuser ces personnes, extérieures à son espace d'autorité et de relations, d'introduire de fausses pièces à Lit-et-Mixe et ses alentours.

52Mais pourquoi ces personnes n'écoulaient-elles pas leurs pièces à Dax même, dans leur entourage ? Il semble bien qu'elles se heurtaient à une méfiance plus grande des commerçants urbains. Quelques témoignages vont en ce sens (même si leur validité est relative, du fait qu'ils survinrent après la désignation des accusés) : « Une servante de Pauzac voulut donner en payement une pièce d'Espagne de 20 sols ; le marchand, s'étant aperçu que cette pièce était fausse, la lui rendit en lui recommandant d'en porter de meilleure à l'avenir. Cette servante fut faire part à sa maîtresse de ce qu'il s'était passé ; celle-ci la traita de sotte, d'imbécile et lui dit que la pièce était bonne, que Maumejean l'avait faite [...] et tout aussitôt s'écria "Ah ! mon Dieu ! Qu'ai-je dit ? Suzon, je te prie de ne pas le répéter, parce que nous serions tous malheureux"24. » Pour déjouer cette méfiance, les faussaires tentèrent d'écouler leur production ailleurs, dans le monde moins averti de la campagne. Mais ce détour motivé par la prudence accrut en fait la vulnérabilité du réseau de distribution des fausses pièces.

Le circuit de la fausse monnaie

53Les fausses pièces se mêlaient à la vraie monnaie qui circulait de la ville vers la campagne suivant l'itinéraire des négociants en résine. En 1822, quand Vergés, habitant le quartier des Ablar à Saint-Paul-lès-Dax, dénonça ses fournisseurs, Maumejean et Pauzac, qui « l'avaient engagé d'échanger des pièces d'or contre de l'argent », une trentaine de témoignages permit aux enquêteurs de remonter le réseau de diffusion depuis les utilisateurs jusqu'aux fabricants.

54Les façons d'enrôler des gens dans ce réseau allaient de la simple tromperie jusqu'à l'escroquerie. Ainsi, selon Vergés, « ayant appris que toutes ces pièces étaient fausses, il avait de suite sollicité Pauzac de les reprendre ; mais ce dernier, se trouvant dans l'impossibilité de le faire, il lui avait remis sa montre pour l'engager ». Remarquons que la restitution des pièces à son possesseur initial permettait à celui-ci de les réutiliser, ce qui confirme la difficulté à statuer sur leur véritable qualité.

55Le système ainsi constitué résultait d'une succession d'échanges partiellement réversibles, mais en définitive hiérarchisés en ce sens qu'entre Vergés et Pauzac il n'y avait pas d'égalité puisque l'un donna de mauvaises pièces à l'autre sans lui laisser la possibilité de les rendre. De proche en proche, la fausse monnaie allait de la ville à la campagne, du fonctionnaire au résinier en passant par le négociant et le propriétaire. Chaque échange se faisait à la faveur de relations personnelles empreintes d'une confiance que l'enquête devait détruire, mais qui avait contribué à étendre l'aire sociale et géographique de diffusion des pièces.

56Le retour à la nature, avec la valorisation physiocratique des paysans au xviiie siècle, se manifesta par un grand intérêt pour le savoir rural et se concrétisa par les collectes de littérature orale menées par des lettrés, encouragés par le succès de Macpherson et de ses poésies ossianiques. Parallèlement, la disparition de la Société des observateurs de l'homme, vouée aux études exotiques, cependant que se créait l'Académie celtique, reflète un déplacement des curiosités, ainsi qu'un « recentrage » des autorités sur les « sauvages de l'intérieur ». L'« âge d'or de la statistique » illustrait ce besoin de connaissance qui devait guider l'administrateur. « Les lois ne sont relatives qu'au citoyen, la religion s'empare de l'homme », écrivait Pontalis, auteur du Code civil et négociateur du Concordat de 1801, pour définir les tâches de l'État et de l'Église. Dès lors, les uns et les autres se sont mis à pourchasser les guérisseurs et les sorciers (Traimond 1988) dans le but évident de « civiliser » les campagnes. Dans le contexte idéologique de l'époque, ces espaces étaient présentés comme le lieu d'exercice des superstitions et de l'obscurantisme. Au yeux des urbains, les cultivateurs ne pouvaient discerner le bon du mauvais. Les zones rurales semblaient ainsi toutes désignées pour écouler les fausses pièces.

L'espace restreint

57Dans l'affaire de Tosse en 1824, Brutails dit « marchand », après avoir pris l'avis de gens compétents – le buraliste, un marchand et un « juif de Peyrehorade » – accepta, en paiement de son bois de chauffage (escalh), une pièce de 80 francs mais la rendit quelques jours plus tard et vendit son bois à quelqu'un d'autre.

58Dousseau, le juge de paix de Soustons, sur commission rogatoire du juge d'instruction de Dax, instruisit l'affaire, qui en resta pourtant là, car, malgré la description des situations et des délits par six témoins, il n'y eut pas de procès d'assises. Dans ce dossier, les autorités politiques n'intervinrent pas. Pourtant, l'un des vendeurs, n'ayant pu obtenir de Lartigau le remboursement de la pièce, parce qu'il l'avait gardée trop longtemps (plus d'un an), la vendit « chez un orfèvre à Bayonne qui lui dit qu'elle était bonne mais qu'elle perdait 25 francs qu'il lui donna en moins »25. On voit là combien l'appréciation de la valeur de l'espèce variait selon les témoins et la période où le juge les interrogeait.

59Dans tous les cas, l'affaire resta limitée à une base juridiction et ne remonta pas jusqu'à l'origine de la pièce. Ce Lartigau qui écoulait cette monnaie n'est pas personnellement mentionné dans le dossier et il n'a pas été entendu. Les réseaux de diffusion de la monnaie n'apparaissaient guère et, en tout cas, nul ne s'occupa du fabricant. L'affaire se limitait au domaine rural, les témoins habitaient des communes voisines, Soustons, Seignosse, Sort, Tosse. Dans l'espace restreint de cette société d'interconnaissance, la fraude ne prenait qu'une dimension limitée et on ne considérait pas une pièce comme pouvant être complètement fausse. La perte résultant d'éventuelles malveillances ne pouvait être que limitée aux yeux des témoins et même à ceux des juges locaux. Le lien avec l'affaire de Dax, qui, par son ampleur et par l'aire géographique impliquée, dépassait le cadre des relations interpersonnelles, ne pouvait donc s'effectuer. Ni les juges ni les utilisateurs de la monnaie ne pouvaient imaginer une telle connexion qui aurait impliqué deux dynamiques alors inexistantes : d'une part, la distinction radicale entre la fausse et la vraie monnaie et, d'autre part, la condamnation des usagers et la recherche des fabricants.

60La société d'interconnaissance, qui se rassemblait au marché de Tosse, ne permettait pas d'établir une distance entre les membres d'une transaction. Tous habitaient dans des communes voisines, se rencontraient régulièrement, se connaissaient intimement et, dans leurs activités, tenaient compte de leurs histoires familiales respectives. Dans ces circonstances, les échanges marchands – vente et achat de bois – se transformaient facilement en relations personnelles ; d'ailleurs la pièce pouvait être reprise si elle ne convenait pas, principe dont l'application est attestée par le dossier. Une personne qui s'estimait lésée pouvait obtenir le remplacement de sa pièce, la relation personnelle l'emportant sur la transaction économique. Dès lors, la notion même de fausse monnaie disparaissait.

La justice

61Ces deux affaires contradictoires mettaient en cause des hommes qui, par leur profession de distillateur de résine, approvisionnaient la société en monnaie. De façon significative, le dossier passa en correctionnelle. Il comportait les données de la situation, la lettre de dénonciation adressée anonymement au procureur du roi26 et le témoignage indigné d'un ami de la victime criant au complot27. L'ensemble de ces inévitables poncifs contribua à présenter cette affaire à la justice comme un simple conflit de village auquel les urbains ne comprendraient jamais rien, d'autant que les ruraux faisaient tout pour qu'il en soit ainsi. Donc, même s'il convenait de faire montre de l'autorité de l'État par l'arrestation du distillateur, il fallait également cantonner ces antagonismes au village et atténuer les tensions. L'arrestation et l'acquittement de Lartigau permirent d'atteindre ces objectifs, telle une main de fer (enquête du juge de paix et arrestation) dans un gant de velours (limitation géographique et sociale de l'enquête et jugement en correctionnelle). Dans le domaine de l'interconnaissance, quels que fussent les conflits et les tensions entre villageois, ils ne débouchaient jamais sur l'envoi d'un des leurs en cour d'assises, ce qui revenait à dire, en matière de monnaie, qu'il ne pouvait y avoir de faussaires dans le village.

62La hiérarchie du système judiciaire apparaissait ainsi comme la transposition publique et institutionnelle des normes sociales. Quand, en passant d'une zone à l'autre, d'un milieu à l'autre, la monnaie devenait fausse, la juridiction qui aurait à traiter des contestations irait du juge de paix jusqu'à la cour d'assises, via la correctionnelle. Quand Pierre Dezès, résinier à Linxe, s'aperçut en 1824 que la pièce qu'il avait reçue de Jean Mora était fausse, il « lui réclama la valeur qu'il avait payée, qu'à cet effet, il y a environ un mois, il le cita devant M. le juge de paix »28. Quand la somme augmentait, l'affaire, comme à Tosse, pouvait aller en correctionnelle. Ces deux exemples montrent qu'à la campagne, à l'époque, les affaires de fausse monnaie se réglaient en famille. Ainsi, quand bien même les accusés utilisaient les mêmes quadruples d'or faux, l'affaire en milieu rural restait une banale histoire de conflit villageois d'importance limitée, alors que si elle s'originait en milieu urbain pour rejoindre la campagne, traversant de fait divers milieux et diverses zones, elle réclamait des investigations poussées et ne pouvait qu'échouer aux assises, même si les jurés acquittaient finalement tous les inculpés.

63Le cadre rural n'adoptait donc pas pour ses propres membres les normes nationales. La loi ne s'y appliquait que si les réseaux d'échanges habituels sortaient du cadre et se raccordaient à d'autres mécanismes, comme dans l'affaire de Lit. Le système établissait ainsi deux lois, l'une, interne, qui dissolvait les délits et les peines, l'autre, externe, qui, traversant les milieux et les lieux, attestait de ces mêmes délits. La notion de fausse monnaie apparaissait lors du passage d'un domaine à l'autre.

64Il n'y avait pas de fausses pièces dans le village. Au sein d'un espace d'interconnaissance, chacun était en mesure de transformer le « froid calcul économique » en relations personnelles pour attribuer à une pièce une valeur admise par tous et garantissant les intérêts de tous. Dans le village, l'anarchie monétaire maintenait la possibilité d'apprécier et de discuter de la valeur de chaque pièce, de les hiérarchiser, de prendre la mesure relative de chacune. Ce consensus pouvait se briser de deux façons : d'abord si les circonstances amenaient à rompre le lien entre pratiques sociales et relations personnelles, et la notion de fausse monnaie naissait alors de la séparation entre la dette et le devoir, selon l'expression de Malamoud (1988) ; ensuite, si la distance introduite entre les acteurs – séparation sociale, culturelle ou géographique, éventuellement encouragée par l'intervention des autorités – empêchait la victime d'obtenir le remboursement de la somme reçue par le versement d'autres espèces et une place était alors ménagée à l'action policière et judiciaire.

65Ainsi, le regard extérieur, par son intervention ou par l'objectivation des échanges, privait les utilisateurs des possibilités personnelles de recours, non seulement parce que l'escroc pouvait se soustraire ultérieurement à ses responsabilités mais surtout en raison de la présence de normes nationales incarnées par l'administration, par les maires et plus encore par la police et la justice, qui, à tout moment, pouvaient disqualifier pièces ou personnes. En écrivant au procureur du roi de Dax, le maire de Linxe créait une affaire de fausse monnaie donnant aux policiers la possibilité de remonter jusqu'aux fabricants. Le silence du maire de Tosse permit de cantonner l'usage de quelques quadruples à un conflit de village. A un monde hiérarchisé, nuancé, personnalisé, dans lequel chaque expression monétaire trouve sa place plus ou moins importante selon l'appréciation des populations, se substituait, quand s'élargissait l'espace, une représentation binaire de la monnaie en termes de vrai ou de faux. Leur usage sortait alors des querelles de villages, que le juge de paix cherchait à atténuer, pour accéder aux procès de correctionnelle ou d'assises, aux crimes.

66L'apparition de fausses espèces dépendait donc des circonstances dans lesquelles les utilisateurs s'en servaient. A l'évidence, la conception que les classes populaires du xixe siècle se faisaient de la fraude n'était pas celle que nous avons aujourd'hui. Les représentations des pièces à l'époque – selon lesquelles on leur attribuait une valeur intrinsèque à l'encontre, pour le bronze, de la conception des autorités –, permettait aux artisans du métal de battre monnaie sans s'interroger sur la légalité de leur activité. L'anarchie monétaire dans laquelle se débattit l'Etat tout au long du xixe siècle, l'autonomie des comportements locaux par rapport aux règles nationales permirent de constituer des relations monétaires échappant à l'image que s'en faisaient les administrateurs et les banquiers d'alors et que nous partageons aujourd'hui.

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Notes

1Ainsi, il y a peu, dans le Médoc, une personne fut accusée d'assassinat car son emploi du temps apparaissait incohérent. En fait, elle risquait cette inculpation afin de ne pas dévoiler à la police un abattage clandestin.
2Archives départementales des Landes, 2 U 157.
3Archives départementales des Landes, 2 U 164.
4Archives départementales des Landes, 2 U 185.
5Archives départementales des Landes, 1 N 6.
6Archives départementales des Landes, 2 U 164.
7Archives départementales des Landes, 2 U 185.
8Archives départementales des Landes, 2 U 184.
9Archives départementales des Landes, 29 U 3.
10Archives départementales des Landes, 13 U 33.
11Archives départementales des Landes, 13 U 33.
12Archives départementales des Landes, 3 U2 550.
13Archives de la chambre de commerce de Bayonne, G 48 (11).
14Archives de la chambre de commerce de Bayonne, G 49 (23).
15Archives départementales des Landes, 17 U 1.
16Baron d'Haussez. Considérations sur l'état de l'agriculture et de l'industrie dans les Landes, 1819.
17Archives départementales des Landes, E supp. 1453 1.
18« Le trésor étant commun à tous deux, il faut puiser pour payer les services du maréchal, ceux du forgeron et du charron. Il faut puiser aussi lors de l'achat des oisons et des gorets. Et à chacune des foires de Roquefort où, par nécessité, il faut bien équiper plusieurs d'entre nous, qui en vêtements, qui en chaussures... Et les remèdes pour nous et pour les bêtes, et le médecin et le vétérinaire » (Laporte-Castède 1989 : 152). Il s'agit en fait d'investissements particulièrement faibles chez ces métayers propriétaires de leur attelage.
19Vigent, 1791. Mode de l'établissement des mandats patriotiques ou la chute du despotisme financier et de l'agiotage aux citoyens français au mois d'août 1791 en faveur de ceux d'entre eux qui sont dans l'embarras pour le paiement journalier de petites sommes, Bordeaux, 16 p. Vigent, 1791. Adresse aux citoyens français sur la gêne dans laquelle ils sont pour le paiement de petites sommes avec un moyen aussi certain que facile de sortir de cette calamité, Bordeaux, 23 p.
20« Du 16 au 24 janvier, le gouvernement a fait charger 6 800 000 livres de numéraire pour les villes qui sont sur les frontières, et nous avons appris par notre correspondant que les sommes destinées à Valenciennes étaient arrivées dans cette ville changées en piastres. On convertit notre monnaie en monnaie étrangère pour la faire passer à l'étranger. » Archives parlementaires, Paris, 1866, tome XXXVIII, p. 134. 4 février 1792.
21Archives municipales de Bordeaux, A 84. Déclaration du corps municipal, 21 décembre 1791, p. 355.
22Archives départementales des Landes, 2 U 185.
23« Il n'est rien innové, quant à présent, dans la législation relative à la monnaie de billon », dit explicitement l'article premier de la convention.
24Archives départementales des Landes, 2 U 185.
25Archives départementales des Landes, 3 U2 550.
26« Lartigau fils dit Quin, fabricant de matières résineuses à Soustons était accusé par la clameur publique depuis environ deux ans d'avoir fait différents payements pour des matières premières avec des quadruples fausses. » Archives départementales des Landes, 3 U2 556.
27« L'intérêt que je porte au malheur me fait devoir de vous écrire pour vous prier de sauver du naufrage l'innocente victime d'une odieuse dénonciation. Le malheureux Lartigau était loin de s'attendre de se voir traîné devant les tribunaux ; et il fallut pour s'y voir conduit que de lâches ennemis toujours prêts à saisir leur proie ayant été assez adroits pour le faire paraître coupable et lui faire subir au milieu d'une nombreuse famille les horreurs d'une arrestation [...] parce qu'il fabriquait de l'essence et qu'à tout prix on veut se débarrasser de lui. » Dusseré, archives départementales des Landes, 3 U 2 556.
28Archives départementales des Landes, 2 U 185.
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Pour citer cet article

Référence papier

Traimond B., 1994, « La fausse monnaie au village. Les Landes aux XVIIIe et XIXe siècles », Terrain, n° 23, pp. 27-44.

Référence électronique

Bernard Traimond, « La fausse monnaie au village », Terrain [En ligne], 23 | octobre 1994, mis en ligne le 14 juin 2007, consulté le 10 mai 2017. URL : http://terrain.revues.org/3099 ; DOI : 10.4000/terrain.3099

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Auteur

Bernard Traimond

Centre d'études et de recherches ethnologiques, Université de Bordeaux II

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