Dans le champ du rayonnement culturel de l’Asie, la « méditation » bouddhique connaît en Occident, avec les autres « techniques de soi » (M. Foucault) des traditions asiatiques (yoga, arts martiaux, etc.), un intérêt grandissant dans le domaine scientifique et chez le grand public. On peut toutefois observer deux tendances qui font obstacle à une claire intelligibilité de ces pratiques. La première relève davantage de la fascination culturelle et donc d’une certaine aliénation. La seconde tente au contraire de se débarrasser au plus vite des aspects culturels d’origine, n’en retenant souvent que l’aspect technique. Entre ces deux extrêmes, quelles lumières les études asiatiques peuvent-elles apporter ? Est-il possible d’élucider rationnellement l’origine et la nature de ces pratiques ? Et en quoi celles-ci peuvent-elles à leur tour nous permettre de reconsidérer notre propre rationalité, via une « science des relations », située depuis « l’intérieur du monde » (M. Bitbol) ?
Face à ces grandes questions, la notion de contexte apparaît centrale afin d’examiner les exercices du « corps-esprit » (Y. Yuasa, jap. shin shin身心), non plus isolément, mais dans les réseaux de significations des langues et cultures qui les ont cultivés et à partir desquelles ils peuvent être mis en relation, traduits et éventuellement compris. Dans ce but, nous présenterons ici le cadre philosophique général, pour nous concentrer ensuite sur le cas spécifique tibétain, afin d’en examiner les dynamiques et enjeux transculturels.