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Ce qui attend François Fillon après sa convocation du 15 mars

A ce stade, peut-on encore sauver le soldat Fillon?

09/03/2017 10:10 CET | Actualisé 09/03/2017 10:10 CET

François Fillon est convoqué le 15 mars par les trois juges d'instruction désignés pour instruire son affaire. L'audience à intervenir dans leur bureau s'appelle un interrogatoire de première comparution (IPC). Un débat intervient dans le bureau des juges sur l'opportunité d'une mise en examen. Les avocats sont entendus. Les juges délibèrent ensuite. Mais la plupart du temps, la mise en examen intervient.

A ce stade, le juge d'instruction a déjà un dossier constitué par les enquêteurs. Il est surtout à charge puisque ses conclusions ont provoqué la nomination des juges. La défense que les personnes mises en cause ont présentée lors de leur audition n'a pas été jugée concluante par le PNF (Parquet National Financier). Il est vrai qu'elles n'ont pas pu discuter vraiment de tous les éléments de l'enquête car le dossier ne leur a pas encore été communiqué.

Le 15 mars s'annonce donc difficile pour le candidat du peuple de droite. Il peut refuser de "déférer" à la convocation, comme Marine Le Pen, car, étant parlementaire (national), il ne peut être contraint par la force de s'y rendre. Mais, sur le plan politique, ce serait difficile.

Donc, il faut se battre.

Une arme, déjà évoquée: la prescription; son utilisation: la QPC; le moment: maintenant!

En effet, la période de prévention (c'est-à-dire la durée durant laquelle les divers faits se seraient commis) retenue par le PNF s'étend de la fin 1989 jusqu'à courant 2013, pour les faits prétendus de détournement de fonds publics, soit 24 ans...

Comme vu dans un autre billet, cette très longue période de prévention pose de nombreux problèmes. Elle revient à considérer que certaines infractions (celles dont la prescription commence à courir quand elles sont découvertes comme le détournement de fonds publics) sont imprescriptibles. En effet, on peut remonter dans le temps sans limitation.

Ceci est contraire à la tradition juridique française. Par exemple, pour les délits, la prescription est de 3 ans et, en pratique, la période de prévention est aussi 3 ans, sauf exceptions complexes.

Il y a ensuite le problème de la nouvelle loi sur la prescription de janvier 2017. Cette loi limite la "période de prévention" à 12 ans à compter de la date de découverte de certaines infractions (dont le détournement de fonds publics). C'est une excellente disposition car ces infractions cessent d'être imprescriptibles comme sous l'empire de la loi ancienne.

Mais cette nouvelle loi précise, sous certaines conditions, n'être pas applicable aux affaires en cours! C'est encore une hérésie juridique. Une loi sur la prescription est d'application immédiate aux affaires en cours à la seule condition que la prescription de la loi ancienne ne soit pas acquise, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas expirée. Sinon, on pourrait, avec une prescription nouvelle plus longue, poursuivre des infractions pour lesquelles une prescription plus courte serait acquise. Ce n'est pas la situation du "Pénélopegate": la nouvelle période de prévention (12 ans) doit donc se substituer à l'ancienne (durée illimitée et, au cas présent, 24 ans).

Il faut écrire aux juges d'instruction pour dire que la mise en examen de M. Fillon portera sur une période... qui peut être annulée en tout ou en partie, en fonction des analyses juridiques retenues. Une telle annulation interviendrait via une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), présentée par la défense après les mises en examen.

Si cela arrivait, quel scandale! Le candidat du peuple de droite, dont la campagne est torpillée par les péripéties judiciaires, exonéré en tout ou en partie par une annulation de l'accusation! L'activisme judiciaire dans ce dossier retoqué par le Conseil constitutionnel!

"Le risque est trop grand, Mesdames et Monsieur les Juges d'instruction, nous vous prions de renvoyer l'IPC du 15 mars et de saisir vous-même la chambre de l'instruction d'une demande de nullité pouvant affecter le dossier."

Pourquoi les juges eux-mêmes et non déjà la défense à ce stade? Parce que le recours en nullité d'une éventuelle mise en examen, assorti d'une QPC, ne peut être exercé que par la personne déjà mise en examen. Avant le 15 mars, ce n'est pas possible.

Un premier avantage: l'argument rendrait le peuple français attentif à ce que ce dossier a de vraiment branlant.

A réception d'un tel courrier, les trois juges d'instruction feraient évidemment ce qu'ils voudraient. Mais ils auraient intérêt à "border leur dossier" pour éviter les catastrophes, donc à saisir d'un recours sur ce sujet la chambre de l'instruction et, dans l'attente, à renvoyer l'IPC.

Puis, si l'IPC était quand même maintenu, François Fillon aurait une excellente raison de ne pas déférer: les juges refusent de constater les problèmes de prescription.

Défèrerait-il? La mise en examen serait prononcée et la QPC introduite par la défense au soutien du recours en annulation.

Il y a de quoi occuper l'autorité judiciaire longtemps car on y agiterait des questions de principe, détachables des circonstances du dossier: imprescriptibilité versus trois ans, application de la loi dans le temps immédiate ou différée. On saisirait plusieurs juridictions successives. Et non des moindres: chambre de l'instruction, Cour de cassation, Conseil constitutionnel... Dans l'attente d'une décision définitive, les juges devraient surseoir à l'instruction, par précaution. Au final, une annulation au moins partielle de l'accusation est possible.

Le soldat Fillon peut être sauvé.

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